République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2059-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Ma Rade
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 29 et 30 août 2019.
Rapport de majorité de M. Alexis Barbey (PLR)
Rapport de minorité de Mme Léna Strasser (S)

Débat

Le président. Notre prochain objet est classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à qui la demande. Ce sera M. Alexis Barbey !

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. L'association Ma rade est composée de gens qui n'ont pas d'autres liens entre eux que le fait qu'ils aiment, qu'ils sont amoureux de la rade de Genève. Ils ont déposé des pétitions devant le Grand Conseil, le Conseil administratif et le Conseil d'Etat, et c'est notre parlement qui s'est exceptionnellement saisi le premier de cet objet. Le collectif Ma rade n'avait pas de demande particulière si ce n'est qu'on examine l'accès à la rade de Genève à partir des projets recueillis par la Ville de Genève et M. Barazzone il y a quelque trois ans maintenant.

La majorité de la commission a considéré que la plage de Genève était un projet qui allait exactement dans le sens des pétitionnaires. Comme elle sera terminée en 2021, il convenait d'attendre que ce projet important aboutisse avant de faire d'autres aménagements à l'intérieur de la rade. Ensuite, la commission a été un peu déçue que les pétitionnaires n'aient pas de demandes spécifiques, mais simplement le désir que les choses aillent plus vite. Sur cette base, la majorité de la commission a recommandé que cette pétition soit déposée sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il semblait important à la minorité de la commission de prendre en compte la dynamique citoyenne soutenant cette pétition. Les 3200 citoyennes et citoyens qui l'ont non seulement signée, mais qui l'ont également agrémentée de dessins, d'idées et de propositions ont à notre avis le droit de recevoir une réponse, leur démarche doit être prise en considération. Suite au concours d'idées, ils ont rêvé à ce que pouvait devenir la rade et ont cherché à comprendre comment ce projet était en train d'être mis sur pied.

Des choses bougent depuis le dépôt de cette pétition: il y a eu la plage, oui, mais d'autres projets sont en cours, relayés par les médias. Si les choses bougent et que ce relais médiatique existe, c'est peut-être également à cause de cette pétition ou grâce à elle, du moins en partie, et c'est tant mieux. Mais à notre avis, ce n'est pas une raison pour la déposer sur le bureau du Grand Conseil. Au vu de la mobilisation et du besoin d'information autour des projets en cours, il nous semble essentiel d'apporter une réponse aux pétitionnaires. Nous devons leur dire que leur demande est relayée et entendue, les informer de ce qui se prépare et peut-être, pourquoi pas, faire des liens avec ce qu'elles et ils proposent. Cela nous semblait une évidence. Nous vous remercions donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pourquoi le dépôt sur le bureau du Grand Conseil dans la mesure ou le parti démocrate-chrétien a été très touché et impressionné par le fait que cette pétition est le résultat de la passion de ces personnes pour la rade de Genève ? Ces gens ont envie que cette rade se développe comme elles la rêvent: on peut tout à fait les soutenir, on peut tout à fait imaginer avoir la même passion et le même souhait ! Mais des projets concrets sont justement en train de se réaliser, et cela en harmonie entre le canton et la Ville de Genève, c'est quand même formidable, Monsieur le président ! Le parti démocrate-chrétien ne peut que se réjouir de ces moments où l'aménagement de la rade peut enfin se réaliser. Pour toutes ces raisons, cette pétition est à déposer sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Adrienne Sordet (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, des citoyens et citoyennes - 3200 d'entre eux - ont émis un souhait, celui d'avoir un accès facilité à l'eau tout autour de la rade. Et c'est compréhensible: en été, la température en ville ne fait que grimper et la lutte contre les îlots de chaleurs n'est pas encore assez entamée ! Rendre accessibles les rives du lac à toutes et à tous permet non seulement de rendre le cadre de vie plus agréable, c'est aussi une réelle nécessité.

Cela a été dit, cette pétition nous a permis d'apprendre qu'une réflexion est en cours et que la Ville, le canton et les différents acteurs et actrices de ce territoire y travaillent main dans la main. Nous ne pouvons que nous en réjouir et encourager l'avancement des travaux et c'est en demandant un renvoi au Conseil d'Etat que nous soutenons les pétitionnaires dans leur démarche, tout en souhaitant que ce type de dynamiques citoyennes continuent de fleurir à travers tout le canton.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, en 2017, Guillaume Barazzone, maire PDC de Genève, faisait rêver la république en lançant un concours sur le réaménagement de la rade. Le projet primé était - et est - magnifique. Avec des descentes de tous les quartiers bordant la rade, un accès facilité vers l'eau et des espaces de natation, la ville retrouve un accès au lac. Que s'est-il passé depuis ? Des habitants nous interpellent avec cette pétition: ils nous disent qu'on nous a fait rêver avec des images, de jolies images de synthèse, mais nous sommes bientôt en 2020 et nous attendons toujours la réalisation de ces beaux projets ! En commission, nous avons pu entendre l'impatience, voire la colère de ces habitants qui demeurent suspendus à une possible réalisation. M. Barbey, rapporteur de majorité, dit que ça va arriver à l'horizon 2021. Mme von Arx-Vernon dit que c'est en route, qu'il y a une belle harmonie, mais ce n'est pas tout à fait la réalité, malheureusement. Vous savez que ce n'est pas toujours aussi facile que ça entre la Ville de Genève et le canton.

Les choses n'avanceront que si on les soutient et s'il y a un message clair des députés demandant que le réaménagement de la rade se fasse plus rapidement. Un projet de plage devant le quai Wilson existe: qui peut nous dire ici quand il sera réalisé ? A mon avis, personne ! Il y a beaucoup de zones d'ombre. Une autre pétition demande qu'on ne sorte pas les grues et les cabanes de pêcheurs de la rade. C'est un débat que nous aurons, mais il faut aujourd'hui donner un coup d'accélérateur: il faut montrer au Conseil d'Etat que oui, il doit s'impliquer, qu'il doit créer, comme à Zurich, des «Badis» et des espaces nageurs. Quand des drames surviennent dans le Rhône et que des gens se noient, tout le monde dit que c'est affreux et qu'il faut faire quelque chose.

Avec ce genre de pétition, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez une possibilité de donner un signal clair indiquant qu'il faut aller plus vite, que le canton doit s'impliquer, prendre le leadership avec la Ville pour faire de la rade ce qu'elle doit être, un espace agréable pour les habitants, un espace piéton, un espace peut-être boisé ou en tout cas végétalisé où il pourrait y avoir une vraie vie de quartier. Aujourd'hui, ce n'est malheureusement pas le cas. Le parti socialiste comprend l'impatience des habitants, il la soutient avec les autres partis de gauche. Vraiment, ce serait un crève-coeur et un étonnement si la position ne bouge pas et que les partis de droite disent: circulez, y a rien à voir, ça se fera peut-être dans dix ans ou plus tard, il n'est pas prioritaire de rendre la rade aux habitants ! Nous vous invitons donc à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il faut donner un signal au Conseil d'Etat: il faut lui renvoyer cette pétition pour lui montrer ce que nous voulons. On l'a dit, ce que nous voulons, c'est mettre la rade au coeur de Genève. Aujourd'hui, elle est au centre de la ville quand on regarde un plan, mais en réalité, elle est coupée de la cité par un U routier qui en rend l'accès extrêmement difficile. Finalement, ce sont avant tout les touristes visitant notre beau canton qui profitent du lac. Ce n'est pas non plus un espace facilement accessible aux poussettes ou aux handicapés; c'est une zone encombrée, qui doit être améliorée, qui doit devenir un lieu de vie. Ça doit aussi devenir un espace de préservation de la biodiversité - la rade de Genève est une zone d'importance internationale pour la protection des oiseaux, je vous le rappelle.

Des choses ont été faites, par exemple, récemment, la création d'une lagune, un excellent projet. Heureusement, des organisations de défense de l'environnement se sont mobilisées pour obliger l'Etat à penser à cet aspect de la biodiversité: celle-ci doit prendre sa place tout autour du lac. Notre ville, notre canton se sont construits en prenant de l'espace sur le Léman: aujourd'hui, il faut rendre au lac ce qui lui appartient, il faut rendre à la nature ce qui lui appartient, il faut rendre à la population ce qui lui appartient, en créant autour de notre rade des espaces conviviaux permettant aux Genevoises et aux Genevois de se rencontrer.

Vous me direz que ce n'est pas une pétition qui va changer grand-chose; mais oui, cette pétition que nous allons soutenir - que nous devons soutenir et que nous vous invitons à soutenir - doit rappeler aux autorités que nous les attendons et que nous les surveillons. Le travail doit être fait sans attendre ! (Applaudissements.)

M. Thomas Bläsi (UDC). Monsieur le président, en 2009, l'UDC proposait la norme constitutionnelle de libre accès aux rives du lac, avec le soutien du parti socialiste. En 2010, le PLR a décidé et négocié avec le parti socialiste le retrait de l'imposition au lieu de domicile contre le retrait du soutien du parti socialiste à cette norme constitutionnelle. Le groupe UDC, désabusé par tant de cynisme, a décidé de proposer le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Me concernant, en tant qu'initiateur, je m'abstiendrai.

Mme Danièle Magnin (MCG). Monsieur le président, je voudrais simplement signaler que, dans toutes ces demandes d'«améliorations» - entre guillemets - proposées par la Ville voire par le canton, il y a des oubliés systématiques: ce sont les propriétaires de chiens, les groupes familiaux avec des chiens. (Exclamations. Commentaires.) Selon les informations qu'on trouve dans les journaux genevois, 28 860 chiens sont recensés à Genève - gageons qu'il y en a probablement 10% ou 15% de plus, je ne sais pas. Cela représente 15% des 200 000 habitants qui aimeraient aussi accéder à l'eau - le lac ne leur appartient pas moins qu'à d'autres. Ils aimeraient aller au bord de l'eau pour jouer et nager avec leur chien, mais ils ne le peuvent pas parce que c'est systématiquement interdit. Voilà ! Je voulais rappeler cela et je voulais rappeler que nous, MCG, soutenons les propriétaires de chiens et aimerions que la situation change.

Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, j'aimerais juste relever encore que les dynamiques citoyennes - issues de collectifs comme celui qui a présenté cette pétition ou s'est construit autour - questionnent notre système. Elles questionnent la manière dont on inclut les citoyennes et les citoyens dans les projets qui les concernent eux et leur vie quotidienne ainsi que la place qu'on leur donne dans les débats. Du coup, c'est également ce questionnement que cette pétition nous renvoie à nous, autorités, et qu'on renverra au Conseil d'Etat par la transmission de cette pétition à celui-ci.

M. Cyril Mizrahi (S). Monsieur le président, je suis un peu étonné d'entendre M. Bläsi qui s'est engagé sur cette question des rives du lac dire tout d'un coup qu'il va s'abstenir ! Au lieu de critiquer les autres groupes, Monsieur Bläsi, je vous suggère de voter le renvoi au Conseil d'Etat pour faire avancer ce thème. (Commentaires.)

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, il se passe des choses autour de la rade ! Qui n'a pas vu... (Exclamations.) Et il s'en passe peut-être plus que ce que je voudrais dire ! (L'orateur rit.)

Une voix. Aïe aïe aïe !

M. Alexis Barbey. Le projet de la plage de Genève est magnifique - ce n'est plus un projet maintenant puisqu'on peut librement y accéder. On a appris pendant les travaux de la commission des pétitions que la Ville et l'Etat travaillaient ensemble; je crois qu'il ne faut pas interrompre cette belle dynamique, c'est pourquoi il faut déposer ce projet sur le bureau du Grand Conseil.

M. Pablo Cruchon (EAG). Monsieur le président, pour rebondir sur la belle dynamique, un des éléments importants de la pétition ne fait toutefois pas partie de cette belle dynamique entre le canton et la Ville: l'opinion des habitants ! Or, il est vraiment très important d'inclure les habitants dans les projets en cours. Jusque-là, ça n'a malheureusement été que très peu fait et nous demandons que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat parce qu'elle demande justement une réappropriation citoyenne de cette rade.

Par ailleurs, un aspect important a été souligné par les pétitionnaires: l'idée qu'il faut absolument rendre piéton ce U lacustre, enlever du centre-ville ces voitures qui sont une vraie nuisance. On doit vraiment pouvoir faire des projets utiles à toute la population, c'est une question de démocratie et d'écologie !

M. Thomas Bläsi (UDC). Monsieur le président, j'ai effectivement défendu cette thématique avec le soutien et l'alliance de M. Mizrahi qui était le représentant du PS. Il a décidé de trahir et d'aller «dealer» cet objet... (Exclamations. Commentaires.)

Mme Salima Moyard. Là, tu n'as pas le choix !

Le président. Continuez, Monsieur Bläsi ! (Commentaires. Le président agite la cloche.)

M. Thomas Bläsi. ...avec le PLR qui craignait que les trois ou quatre membres de l'Assemblée constituante propriétaires de villas au bord du lac puissent avoir des problèmes. Aujourd'hui, j'entends l'appel de M. Mizrahi me demandant une nouvelle alliance, mais chat échaudé craint l'eau froide et je le laisserai combattre seul sur cette thématique ! Je reviendrai un jour si le parti socialiste devient un allié fiable.

Le président. Merci, je passe la parole à M. Cyril Mizrahi pour trente secondes.

M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Très rapidement, ces vieilles querelles de constituants ne m'intéressent pas ! Je rappellerai simplement qu'avec mon collègue Romain de Sainte Marie, j'avais déposé une proposition de motion pour avancer justement sur cette question de l'accès aux rives du lac. Elle a été traitée en commission, le rapport de majorité en sa défaveur a été défendu par notre collègue André Pfeffer, de l'UDC, et elle a été rejetée. Mais on a quand même une base constitutionnelle. Si on n'avait pas trouvé de majorité pour voter cette constitution, on aurait zéro base constitutionnelle ! Ensuite, nous, socialistes...

Le président. Il vous faut terminer !

M. Cyril Mizrahi. Je conclus, Monsieur le président ! On se bat pour faire avancer cette thématique et au nom de vieilles querelles, des gens viennent nous dire qu'ils ne vont pas voter ce texte ! C'est vraiment hypocrite et c'est dommage pour les habitants et les habitantes de ce canton. (Applaudissements. Huées.)

Le président. Je vous remercie. Nous allons passer au vote sur cette pétition...

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est bon ! Je vous fais voter en premier lieu sur la proposition de la commission, le classement. (Commentaires.) Non, c'est le classement !

Des voix. Le dépôt !

Le président. Ah oui, c'est le dépôt ! J'étais déjà à la suite, pardon ! Nous passons au vote sur le dépôt de cette pétition.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2059 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 45 non contre 39 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous passons au vote sur le renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2059 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 45 oui contre 37 non et 2 abstentions.