Séance du vendredi 20 février 2015 à 20h30
1re législature - 2e année - 2e session - 13e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.

Assistent à la séance: Mme Anne Emery-Torracinta et M. Luc Barthassat, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Serge Dal Busco, Mauro Poggia et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Michel Amaudruz, Isabelle Brunier, Emilie Flamand-Lew, Christian Flury, François Lance, Pierre Weiss et Salika Wenger, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Geneviève Arnold, Gilbert Catelain, Jean-Charles Lathion, Magali Origa, Françoise Sapin, Marion Sobanek et Yvan Zweifel.

Annonces et dépôts

Néant.

M 2156
Proposition de motion de MM. Stéphane Florey, Marc Falquet, Bernhard Riedweg, Antoine Bertschy demandant d'apprendre le cantique suisse aux élèves
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».

Débat

Le président. Nous abordons la motion 2156. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. (Brouhaha.) Je passe la parole à l'auteur de la motion, M. Stéphane Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, aujourd'hui les élèves du primaire sortent de l'école sans avoir appris une ligne de notre hymne national, et c'est vraiment dommage, à plusieurs titres. Le premier, c'est que l'hymne national est quand même un élément fondamental de notre pays; c'est un point fort pour la cohésion nationale. Si chaque élève du pays apprend ce texte, c'est vraiment un pas important dans ce sens. La question que vous allez certainement vous poser, c'est: faut-il renvoyer cette motion en commission ?

Une voix. Non !

M. Stéphane Florey. Je vous répondrai bien évidemment que non ! La question est toute simple: voulez-vous que vos enfants sortent de l'école en connaissant l'hymne national, pour, par la suite, lors du 1er août, lors d'un grand événement sportif, comme c'est la tradition, arrêter de faire semblant de bouger les lèvres ou de bougonner deux ou trois mots par-ci par-là... (Brouhaha.)

Le président. Est-ce que je peux juste vous demander un tout petit peu de silence, Mesdames et Messieurs ? S'il vous plaît !

M. Stéphane Florey. ...pour donner l'impression qu'ils chantent ? C'est cette question-là qu'il faut vous poser. Les auteurs de la motion en sont convaincus, il faut que les élèves apprennent l'hymne national pour toutes les raisons qui sont expliquées dans l'exposé des motifs. Nous vous remercions donc de lui réserver un bon accueil et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, un hymne, un pays et des citoyens un instant unis par le chant. On peut rêver ! La sensibilisation des élèves à la notion de patrie et l'encouragement à l'accomplissement de leurs devoirs civiques sont indispensables et ne seront que renforcés par cette motion 2156, tout comme le sont les cours d'histoire et d'éducation civique pour faciliter l'intégration des élèves naturalisés. Cette motion sera aussi l'occasion de rappeler que l'hymne national peut faire partie du programme qui a pour tâche de faciliter l'intégration de tout nouvel étranger. Il appartient à notre société, au canton et aux élus du domicile genevois de faire en sorte que l'hymne national fasse partie d'une démarche intégrative. Les attributs de la nationalité, on le sait, ne se limitent pas, et de loin, à tenir un drapeau ou à chanter l'hymne national; tout le monde en est conscient. De la même manière, le sentiment d'appartenance ne se limite pas à un passeport ou à un chant. Toutefois, c'est par un comportement approprié dans le pays dans lequel on se trouve que l'on marque sa volonté de l'aimer. Les notions de patriotisme, dans le canton berceau de la Croix-Rouge, peuvent difficilement trouver une contre-argumentation. Dans un pays pétri de démocratie tel que la Suisse, le MCG est conscient que ce n'est pas forcément en chantant l'hymne national que l'on deviendra un bon patriote. Le patriotisme est un élément important et un enjeu politique essentiel. L'attachement à la patrie est une sensibilisation à la future responsabilité qu'auront les nouveaux candidats à la naturalisation. Chanter un hymne national peut permettre de forger des convictions, de légitimer des aspirations. Le programme de chant donné aux enseignants du département de l'instruction publique doit rapidement être remis à l'ordre du jour. Toutefois, dans les faits, ce programme est diversement appliqué - osons cet euphémisme - pour ne pas dire oublié dans certaines classes...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Henry Rappaz. ...comme le soulignait un ancien doyen député, bien au courant du programme. Il n'est pas pensable, voire impossible, sauf avec une mauvaise foi patente, de refuser un tel projet de loi, qui se veut rassembleur. (Commentaires.) Une telle motion, oui, exactement. Au vu de ces explications, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs, de réserver un accueil patriotique à cette motion.

M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, quand j'ai lu cette motion, j'ai été, dans un premier temps, frappé de stupeur, mais j'ai compris qu'il ne s'agissait pas de chanter l'hymne national en classe, la main sur le coeur, comme dans une sorte de karaoké géant, et comme cela se fait à Cuba ! Je me suis dit, finalement, chers collègues, que vous veniez d'accepter qu'on remette l'accent sur l'histoire suisse; au nom de quoi, alors, il n'y aurait pas, dans le cadre de l'histoire suisse, également l'histoire de la musique, l'histoire des hymnes et, pourquoi pas, l'histoire des cantiques ? Il ne s'agit pas d'être d'accord, il s'agit de comprendre. Et je me suis dit qu'au fond, ce ne serait pas une mauvaise chose, non pas tellement d'apprendre l'hymne national - ça, c'est un aspect - mais simplement d'étudier son histoire et de voir comment cet hymne national patriotique et suisse s'inscrit dans cette histoire suisse que nous appelons tous de nos voeux, même la gauche. C'est pourquoi le PLR - mais je vais donner la parole à M. Barrillier tout de suite - propose de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat. (Quelques applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Gabriel Barrillier (PLR). Monsieur le président, chers collègues, il vous est arrivé à tous de devoir chanter le cantique suisse: à la Restauration, à l'Escalade... Chaque fois les gens se regardent et espèrent avoir un voisin qui connaît les paroles pour essayer de suivre ! Eh bien moi, ce soir, j'aimerais vous proposer de chanter; vous avez reçu le texte en annexe, avec les quatre strophes. Alors on ne va pas faire les quatre strophes, mais j'aimerais qu'on chante la quatrième strophe ! (Exclamations.) Parce qu'on ne la chante jamais ! Donc prenez votre quatrième strophe... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Gabriel Barrillier. ...et je vous invite à vous lever, parce que c'est un hymne national ! (Brouhaha. L'assemblée se lève, à l'exception des députés d'Ensemble à Gauche, et chante la quatrième strophe de l'hymne national. Applaudissements.) Voilà, très bien, je vous remercie ! Parfait !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député Gabriel Barrillier ! Ce soir vous avez réussi à faire parler, ou en tout cas chanter d'une seule voix ce parlement; je crois que c'est assez rare pour le relever ! (Applaudissements.) Je passe la parole à M. le député Guy Mettan.

M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. J'avoue que je vais vous chanter une autre chanson ! Tout à l'heure, on a eu le plaisir de débattre sur le civisme, et j'ai constaté que M. Romain était contre l'éducation civique mais pour le chant; c'est une excellente chose, mais j'aurais préféré qu'on inverse l'ordre et qu'on soit d'abord pour l'éducation civique, et peut-être ensuite pour le chant. (Commentaires.) J'ai également écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention de M. Florey, qui nous a expliqué qu'on ne pouvait pas enseigner l'éducation civique à l'Ecole de culture générale parce que les enseignants et le DIP étaient surchargés d'heures et que c'était impossible de prendre encore du temps pour ça. Mais tout d'un coup, il arrive avec une motion sur le cantique suisse, et là, comme par miracle... (Commentaires.) ...on trouverait du temps pour l'enseigner. Je m'excuse, ça n'a aucun sens et c'est totalement incohérent ! Notre parti ne suivra donc pas cette motion, pour la raison très simple que si on n'a pas le temps de faire de l'éducation civique, on n'aura pas le temps de faire du chant non plus. Il faut que le DIP prenne du temps sur les cours de chant et de musique, mais il n'y a pas besoin de consacrer des heures exprès pour enseigner le cantique suisse, qui peut être appris dans beaucoup d'autres circonstances. Monsieur Florey, ici aussi soyez donc conséquent avec vous-même. Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser cette motion, et on priera le DIP de trouver un petit moment, de prendre une heure dans les cours d'éducation primaire ou secondaire, pour le cantique. Il n'y a pas besoin de faire un cours exprès là-dessus. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Très bien.

M. Yves de Matteis (Ve). Je ne vous cache pas que le groupe des Verts était modérément enthousiasmé par cette motion, ce pour différentes raisons. Pour certains membres du groupe, cette motion est inutile puisque le nouveau plan d'études romand adopté en 2009 par les directeurs cantonaux de l'instruction publique, certes, n'impose pas l'apprentissage du cantique suisse, mais prévoit que les élèves découvrent quelques éléments du patrimoine culturel local et régional, parmi lesquels des chansons, le folklore, les hymnes, etc. Et pour nous, c'est en l'occurrence suffisant. D'autres membres de mon groupe vont également dans ce sens pour dire que les enseignants doivent avoir une certaine marge de manoeuvre concernant leur enseignement et qu'il n'est pas judicieux de les forcer à enseigner le cantique suisse. Plusieurs personnalités publiques, d'ailleurs, se sont exprimées à cet égard, parmi lesquelles Jacques Hainard, ancien responsable du Musée d'ethnographie de Neuchâtel, qui était du même avis, ou même le Conseil fédéral, qui en son temps avait refusé une motion de la conseillère nationale Yvette Estermann, qui exigeait qu'on attribue au cantique suisse le statut d'emblème officiel. Je crois que c'est surtout ce caractère d'obligation qui a rebuté la majorité des membres de notre groupe, et pas l'hymne national en soi, et qu'ils verraient probablement d'un meilleur oeil l'éducation aux droits humains et par exemple l'examen de certains principes constitutionnels qui, eux, ont été acceptés par la majorité de la population et qui sont de fait obligatoires pour toute personne résidant sur le territoire du canton de Genève.

D'autres pensent par ailleurs que dans tous les cas, ce cantique - et là nous rejoignons passablement de personnes qui se sont déjà exprimées ce soir - ne doit pas être enseigné tel quel, mais expliqué dans un contexte qui pourrait être soit l'enseignement de l'histoire suisse ou de la géographie, soit une autre branche. En effet, il s'agit d'un texte écrit dans un contexte bien précis, à une période bien particulière, ce qui en explique les particularismes. En conclusion, je dirai que le groupe des Verts ne votera pas cette motion ce soir. (Commentaires.) Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

M. Pierre Vanek (EAG). Cette motion, nous ne la voterons pas, Mesdames et Messieurs.

Des voix. Oh !

M. Pierre Vanek. L'exposé des motifs contient des choses idiotes... (Remarque.) ...mais il rappelle que cet hymne national l'est devenu en 1981. On déplore que des jeunes issus de l'immigration ne l'aient pas appris parce qu'ils n'ont pas fait leur scolarité ici, ou qu'ils l'ont faite sous l'influence de courants pédagogiques soixante-huitards. Moi, Mesdames et Messieurs, je suis né à Genève, je suis attaché à Genève, et j'ai fait toute ma scolarité à Genève; j'ai commencé l'école dans les années cinquante, et cet hymne national... (Protestations.)

Le président. S'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs !

M. Pierre Vanek. ...n'existait évidemment pas en tant que tel. (Protestations. Quelques applaudissements.)

Le président. Monsieur Spuhler, Monsieur Medeiros, s'il vous plaît !

M. Pierre Vanek. Il a été imposé par la suite, mais il n'a aucun caractère historique, aucun caractère sérieux... (Protestations.)

Le président. Monsieur Spuhler !

M. Pierre Vanek. ...il n'est d'aucune manière le reflet d'un élan patriotique quelconque, mais d'une décision de la Confédération - tardive - en 1981. C'est une première raison.

Mais ensuite, Mesdames et Messieurs, nous avons tous, ici, prêté le serment de respecter la constitution de la république et du canton de Genève, qui dit que nous sommes un Etat laïque, Mesdames et Messieurs ! Alors j'ai beaucoup de respect pour la liberté de croyance, j'ai beaucoup de respect pour la liberté d'opinion, j'ai du respect pour ceux qui croient en Dieu et ceux qui n'y croient pas, mais imposer une référence religieuse dans nos écoles, en disant que Dieu bénira des cieux, etc., etc., soit c'est du pur formalisme, et alors c'est un manque de respect pour ceux qui y croient vraiment et c'est de l'hypocrisie, soit alors, si on veut vraiment imposer le contenu de ce texte, eh bien c'est contraire à la constitution, Mesdames et Messieurs, que vous tous avez juré de respecter ! C'est donc un motif supplémentaire de ne pas voter ce texte.

Enfin, Mesdames et Messieurs, votre petite démonstration de tout à l'heure était une démonstration d'hypocrisie ! D'hypocrisie ! D'hypocrisie ! (Huées. Quelques applaudissements.) Vous êtes des faux-culs, Mesdames et Messieurs ! (Brouhaha.) Parce que que dit ce texte, notamment ? Il appelle à «mettre sur l'autel de la patrie tes biens, ton coeur, ta vie» ! Et quand nous, ici, nous, de ce côté... (Exclamations.) ...nous demandons que les habitants de ce canton, que les citoyens de cette république...

Le président. Il vous reste trente secondes !

M. Pierre Vanek. ...mettent une portion un tout petit peu accrue - un tout petit peu, de quelques dixièmes de pour-cent ! - de leurs biens sur l'autel de la patrie, sur l'autel du bien commun, eh bien ce sont ceux qui se sont levés pour chanter cela qui votent non, non et encore non ! (Exclamations.) Vous êtes donc des hypocrites et des faux-culs ! (Protestations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Pierre Vanek. La patrie... (Huées. Applaudissements.) La patrie genevoise et la patrie suisse méritent mieux que d'être servies par des hypocrites et des faux-culs ! (Applaudissements. Brouhaha.)

Le président. Merci, Monsieur le député. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! S'il vous plaît ! (Certains députés commencent à chanter «L'Internationale».) S'il vous plaît maintenant ! (Les députés continuent de chanter. Exclamations. Applaudissements.) Bien ! Je pense que dans les prochains jours nous pourrons inaugurer le choeur du Grand Conseil; que tous ceux qui veulent s'inscrire envoient leur candidature au Bureau ! Je passe la parole à M. Christian Dandrès.

M. Christian Dandrès (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les commissaires, le débat que nous avons ce soir est à mon avis à l'image de l'exposé des motifs de l'UDC, à savoir de la camelote extra. Si vous lisez ce document - M. Jean-Romain Putallaz l'a fait tout à l'heure - vous verrez quoi ? Que l'UDC ressort son ennemi imaginaire, part en croisade contre le mouvement post-soixante-huitard; il propose même l'intégration par le chant et prend pour modèle des pays dont les élèves saluent le drapeau au réveil - vous parlez sans doute de la Corée du Nord. (Remarque.) Alors j'aimerais mettre le doigt sur un paradoxe, qui a été relevé en partie par M. Vanek tout à l'heure: vous avez un parti qui boute le feu, depuis vingt ou trente ans, à l'unité nationale, qui dénonce les faux Suisses, les faux travailleurs, les faux assurés sociaux; vous avez déposé une dizaine d'initiatives, vous avez torpillé l'économie suisse avec la votation du 9 février, et aujourd'hui vous venez plaider, ici, l'intégration par le biais du chant !

Mesdames et Messieurs les députés, l'intégration est une question sérieuse, qui mérite des mesures qui le sont également. Et ces mesures, quelles sont-elles ? Ce sont les propositions que vous avez refusées, notamment, au sein de la Constituante; c'est la possibilité, pour une partie de la population étrangère, de prendre part au débat qui soude la communauté nationale, à savoir le droit de vote. (Commentaires.) Cet élément-là a été refusé. L'autre élément, c'est la question du service public. Pour intégrer une communauté, il faut la comprendre; pour la comprendre... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...il faut une école qui soit forte, une école dont le but n'est pas de développer une espèce d'esprit de képi tel que proposé par cette motion. Cette motion, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il faut l'enterrer, et c'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne la votera pas. (Huées. Applaudissements.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Je suis, pour ma part, un peu désabusé par la tournure des débats. Il semblerait que chanter le cantique suisse soit une tare; j'ai le privilège d'avoir pu envoyer ma fille faire sa dernière année de scolarité obligatoire aux Etats-Unis, et là-bas chanter n'est pas une tare. Elle se trouve au lycée français de New York, et à l'occasion du septantième anniversaire de la commémoration du débarquement de Normandie, le lycée français a invité des anciens combattants américains qui y ont participé. Ils ont reçu la légion d'honneur de la part de l'ambassadeur de France, et tous les élèves - tous ! - ont chanté, en anglais, l'hymne national américain et, en français, l'hymne national français. Ils n'en sont pas morts, cela ne les a pas traumatisés, mais les anciens combattants qui ont sacrifié leur temps, qui ont risqué leur vie pour la liberté, sur ce continent, l'ont certainement apprécié. Et je trouve regrettable que, pour des prétextes, on renonce à transmettre un élément de notre culture nationale à nos jeunes générations, qu'elles soient suisses ou étrangères. Je vous recommande d'accepter cette motion. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole à Mme Marion Sobanek.

Mme Marion Sobanek. C'est une erreur, Monsieur. (Exclamations. Rires.) Monsieur le président !

Le président. Ne m'appelez pas «mon Dieu», ça me gêne ! (Rires.) Je passe la parole à M. le député Julian Murat Alder.

M. Murat Julian Alder (PLR). Merci, Monsieur le président; c'est Murat Julian - vous pouvez aussi m'appeler Murat Alder, ça va très bien, Julian est mon deuxième prénom; l'erreur a déjà été commise à mainte reprise, ce n'est pas grave, elle se reproduira encore et encore.

Mesdames et Messieurs, chers collègues, je vous rappelle que nous apprenons tous le «Cé qu'è lainô» à l'école publique à Genève. Je ne vois donc pas où est le problème dans le fait d'enseigner également le cantique suisse. Il y a un romancier français d'origine russe qui s'appelait Romain Gary, à qui on attribue la célèbre citation: «Le patriotisme, c'est l'amour des siens, le nationalisme, c'est la haine des autres.» S'il vivait encore aujourd'hui, il aurait trouvé un qualificatif pour la haine des siens, et ce qualificatif serait «Ensemble à Gauche». (Quelques applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Je suis un peu déçu que Mme Sobanek ait renoncé; je pensais qu'elle nous chanterait une strophe en schwyzertütsch, comme elle sait si bien le faire ! (Exclamations.) Blague à part, je voulais juste rassurer le groupe PDC: la proposition ne demande pas, contrairement à la motion sur les cours citoyens, qu'il y ait des heures supplémentaires ! Nous souhaitons simplement que le cantique suisse soit enseigné. On pourrait largement, entre une chanson d'Henri Dès - parce qu'Henri Dès s'apprend à l'école, il faut le savoir ! - et de Chantal Goya... (Commentaires.) ...glisser le cantique suisse, sans prendre une heure de plus sur ce qui est prévu. A l'école primaire il y a la chorale, il y a des cours de musique, donc enseigner une chanson spécifique est parfaitement compatible avec le PER et avec l'enseignement en général. C'est pour cela que je vous invite à soutenir cette motion. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je crois qu'on a un problème avec notre hymne national. D'abord il a été créé tard, comme l'a dit M. Vanek; l'avantage, c'est que personne ne connaissait les paroles, donc personne ne s'est rendu compte qu'on parlait de Dieu à toutes les strophes - et personnellement j'en suis très content, étant chrétien pratiquant. Quand on sait que dans notre constitution, on a supprimé, dans le préambule, la notion de Dieu, et qu'à l'école publique laïque, on fait attention à ne pas trop mettre en avant... (Commentaires. Exclamations.)

Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît ! Il vous reste vingt secondes, Monsieur Buchs.

M. Bertrand Buchs. Je dis simplement que de nouveau... (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Bertrand Buchs. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, qu'on doit respecter les autres, on doit respecter tout le monde. La Confédération s'en est bien rendu compte, puisqu'elle est en train d'étudier la possibilité de changer les paroles de l'hymne national ! (Commentaires.) Même la Confédération veut changer les paroles de l'hymne national...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Bertrand Buchs. ...et qu'est-ce qui se passe ici ? (Brouhaha.) Parce qu'on parle du pays, de nouveau, c'est le peuple bêlant qui prend la parole, et tout le monde est au garde-à-vous...

Le président. Il faut conclure !

M. Bertrand Buchs. ...parce qu'on parle de la Suisse...

Le président. Je vous remercie. (Le micro de l'orateur est coupé. Quelques applaudissements.) Je passe la parole à M. le député Jean-Michel Bugnion.

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est intéressant: M. Rappaz a utilisé le terme de patriote, de patriotisme, et M. Murat Alder a avancé celui de nationalisme. Qu'est-ce que le patriotisme ? Le patriotisme est un attachement sentimental à sa patrie, se manifestant par la volonté de la défendre, de la promouvoir. Je suis entièrement acquis à ce type de sentiment. Dans ce cas-là, on parle de quelqu'un qui fait partie de la patrie, qui veut la promouvoir, voire la défendre. Qu'est-ce que le nationalisme ? C'est un mouvement politique d'individus qui prennent conscience de former une communauté nationale en raison des liens qui les unissent, langue et culture. (Remarque.) Maintenant, vous allez obliger...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Jean-Michel Bugnion. ...une population qui est à 61,2% issue de la migration... (Commentaires.) ...qui comprend plus de 40% d'étrangers, à apprendre un hymne...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Jean-Michel Bugnion. ...qui est un cantique... (Protestations.)

Le président. Monsieur Medeiros et Monsieur Spuhler ! S'il vous plaît ! Monsieur Spuhler ! (Protestations.) S'il vous plaît, regagnez votre place ! Monsieur Bugnion, c'est terminé. (Le micro de l'orateur est coupé. Brouhaha.) S'il vous plaît, merci de garder votre calme. Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) Je voudrais juste vous lire la première phrase de la Constitution fédérale: «Au nom de Dieu tout-puissant». (Commentaires.) Il n'y a rien de rédhibitoire là-dedans, il n'y a aucune atteinte à quelque peuple que ce soit, c'est simplement inscrit. Je ne vois donc pas en quoi le texte pourrait offenser qui que ce soit... (Remarque.) ...puisque même la Constitution fédérale...

Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît !

M. Stéphane Florey. ...le mentionne. Je vous remercie.

M. Patrick Lussi (UDC). Je ne dirai pas que c'est intéressant, mais que c'est triste d'entendre ce qui a été dit. Quand j'écoute le groupe PDC, j'ai envie de dire, mon Dieu, pourquoi pas - je dis bien «mon Dieu», pourquoi pas - parce qu'en définitive, dans notre langue, dans notre tradition, dans notre culture, dans nos racines, on a l'habitude de parler de Dieu. C'est la dénomination de l'être suprême, d'autres utilisent un autre mot. De la même manière, certains veulent nous enlever la croix sur le drapeau; mais est-ce que nous souhaitons vraiment aller dans cette voie ? Permettez-nous de nous opposer et de simplement dire: aimons nos racines. Et puis oui, bien sûr on a dû changer, mais si vous vous souvenez - parce que personnellement...

Le président. Il vous faut conclure !

M. Patrick Lussi. ...personnellement je l'ai chanté, l'autre, «O monts indépendants» - c'est l'hymne britannique, en tout cas...

Le président. Il vous faut conclure, merci.

M. Patrick Lussi. ...en ce qui concerne la mélodie.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Je ne sais pas si la musique adoucit les moeurs... (Commentaires.) ...je n'en suis pas sûre, mais je vous invite néanmoins à méditer sur deux lignes de l'hymne national: «Loin des vains bruits de la plaine, l'âme en paix est plus sereine.» Vu d'ici, je crois qu'on oublie un peu le brouhaha qu'il y a. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, trêve de plaisanterie: nous avons déjà eu ce débat en 2009, à la suite d'une motion du MCG qui avait été massivement refusée par le parlement... (Commentaires.) Enfin, massivement: 56 non, 7 oui et 9 abstentions. Cela pour une raison bien simple, c'est qu'il n'y a que deux chants obligatoires, aujourd'hui, à l'école primaire: le «Cé qu'è lainô» et le cantique suisse. Actuellement nos élèves apprennent donc ces chants; en l'occurrence, le «Cé qu'è lainô» est obligatoire dès la 5P, mais très souvent c'est fait chez les plus petits. Cela fait partie du plan d'études romand, en plus des documents de liaison qui sont publiés par l'enseignement primaire et donnés à tous les enseignants. Le «Cé qu'è lainô» s'apprend donc dès la 5P, et l'hymne national, le cantique suisse, dès la 6P. Alors vous pouvez parfaitement renvoyer cette motion au Conseil d'Etat... (Brouhaha.) ...ça ne changera rien: je vous répondrai en trois paragraphes ce que je viens de vous dire maintenant.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais donc vous faire voter sur la prise en considération de cette motion.

Des voix. Vote nominal !

Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Des mains se lèvent.) Vous l'êtes.

Mise aux voix, la motion 2156 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 46 oui contre 36 non et 4 abstentions (vote nominal). (Quelques applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2156 Vote nominal

M 2162
Proposition de motion de Mmes et MM. Guy Mettan, Béatrice Hirsch, Bertrand Buchs, Anne Marie von Arx-Vernon, Serge Dal Busco, Bernhard Riedweg, Didier Bonny, Michel Forni pour un code de bonne conduite des religions à Genève
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».

Débat

Le président. Nous passons au point suivant, la motion 2162. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. Guy Mettan, auteur du texte.

M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. Vous vous souvenez peut-être, chers collègues, qu'il y a quelques années, nous avions des problèmes de cohabitation des religions - cela n'a pas tout à fait disparu d'ailleurs; nous avions des problèmes sur le port du voile, de la burqa, et autres, qui s'étaient posés notamment en raison de l'immigration musulmane. Mais il n'y avait pas que cela: il y avait aussi le problème posé par le judaïsme, pour certains, et aussi de la cohabitation entre catholiques et protestants - je vous rappelle, par exemple, l'affaire des carrés confessionnels dans les cimetières. Bref, notre république connaît de temps à autre, tous les quinze ou vingt ans, une période de tensions confessionnelles. C'est pour cette raison que nous avons déposé cette motion... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui invite le Conseil d'Etat à définir quelques règles, quelques principes, quelques recommandations. Il ne s'agit pas d'être trop formel dans ce domaine, mais qu'on puisse développer une cohabitation religieuse qui soit agréable et harmonieuse dans notre république. Telle était notre intention et telle est l'intention qui subsiste aujourd'hui. Il est vrai qu'entre-temps, le Conseil d'Etat, d'ailleurs sous l'inspiration de cette motion, a créé un groupe de réflexion, présidé par M. Cuénod; ce groupe s'est réuni à de nombreuses reprises et a produit un rapport tout à fait intéressant: j'invite celles et ceux qui ne l'auraient pas encore fait à le lire, il dégage une série de réflexions et quelques pistes. Nous remercions le Conseil d'Etat pour cette initiative, parce que je pense qu'il s'agissait d'une étape indispensable et que l'on peut travailler à partir de ce rapport pour aller un tout petit peu plus loin et peut-être imaginer un code de conduite. Il n'y a pas de raison de reformer une commission pour cela, mais il faut peut-être se montrer un tout petit peu plus précis que ce qui a été fait en commission. Je m'exprimerai sûrement à nouveau tout à l'heure, mais en préambule je vous invite à accepter cette motion, pour que le Conseil d'Etat puisse à la fois faire constater les travaux qui ont été faits, et peut-être nous dire ce qu'il entend faire pour la suite dans ce domaine.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on vient heureusement de voter, grâce à une majorité sensée de ce Grand Conseil, que soit enseigné le cantique suisse. Mais on vient d'entendre un représentant du PDC dire: «C'est scandaleux, il ne faut pas enseigner le cantique suisse parce qu'il y a le mot Dieu à toutes les phrases.» C'est une honte, Messieurs ! Vous êtes une honte, je suis désolé de vous le dire ! La richesse de la Suisse s'est faite parce qu'elle est un pays accueillant, elle l'a toujours été historiquement... (Commentaires.) ...mais nous sommes un pays chrétien ! Et les gens que nous accueillons doivent s'adapter au système du pays qu'ils ont choisi ! (Commentaires.) Ce n'est pas à la Suisse de s'adapter, mais aux migrants de s'intégrer ! On parle bien d'intégration ! (Brouhaha.) Mais c'est vrai, vous transmettrez, Monsieur le président...

Le président. Monsieur Mizrahi, s'il vous plaît, et Monsieur Girardet également, laissez M. Stauffer s'exprimer.

M. Eric Stauffer. Vous transmettrez donc, Monsieur le président, à ce parti qui s'appelle...

Le président. Monsieur Cerutti, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. ...le PDC... (Commentaires.)

Le président. Cela a été fait ! (Remarque.) Cela a été fait. Monsieur Stauffer, poursuivez !

M. Eric Stauffer. Ce parti qui s'appelle le parti démocrate-chrétien devait être une branche de celui de Judas, à l'époque, car il renie ses valeurs ! Et moi je suis vraiment affligé, ce soir, de constater que ce parti, qui fut jadis un grand parti, se commet à écrire de telles inepties comme textes parlementaires ! Que voulez-vous faire, Mesdames et Messieurs du PDC ? Mettre les communautés les unes contre les autres ? Parce qu'avec votre texte, c'est exactement le résultat auquel vous arriverez ! Ou alors vous voulez que l'Etat demande aux communautés étrangères comment nous devons appliquer la laïcité dans notre pays ? De qui vous moquez-vous ? Mais le peuple corrige tout seul ces défauts de l'histoire, car vous êtes devenus l'un des plus petits partis du Grand Conseil, et j'espère que le 19 avril vous disparaîtrez de quelques communes genevoises, car il est temps, aujourd'hui, de faire place nette ! (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Henry Rappaz, pour quarante secondes.

M. Henry Rappaz (MCG). Merci, Monsieur le président. Je serai bref parce que j'ai très peu de temps: non, le MCG n'acceptera jamais d'entendre certains clamer que, sous prétexte de tolérance et de liberté d'expression, il faut admettre le port de certains vêtements ou certaines lois. Tout cela sous le prétexte du vivre-ensemble ! Cette attitude ne serait pas synonyme de tolérance, elle serait bien au contraire une marque de laxisme, et par conséquent...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Henry Rappaz. ...un irrespect des règles de notre démocratie. Pardon ?

Le président. Il vous faut conclure.

M. Henry Rappaz. Il me faut conclure ! Eh bien je prends la dernière phrase: le MCG vous propose donc de rejeter religieusement cette motion purement électoraliste et de la mettre aux oubliettes, motion déjà hors de propos en 2006 ! (Brouhaha.)

Mme Magali Orsini (EAG). Certes, Genève est depuis longtemps une terre d'accueil pour des populations diverses. Il nous semble que cela s'est déroulé jusqu'ici de façon harmonieuse grâce, en particulier, à la notion de laïcité qui est clairement définie par la stricte séparation des Eglises et de l'Etat. Les pratiques religieuses étant reléguées dans la sphère privée, nous ne voyons pas l'intérêt d'une motion qui elle-même ne voit pas l'intérêt de légiférer sur des problèmes qui n'existeraient pas. Il nous paraît totalement exclu de demander aux représentants des religions eux-mêmes de définir le cadre des règles d'usage qu'ils entendent respecter, comme il nous semble particulièrement scandaleux qu'on ait demandé aux seuls représentants des religions un rapport sur leur conception de la laïcité. Ce cadre est parfaitement défini par les lois de la république, qui, rappelons-le, est une et indivisible. Le parlement se réserve évidemment de légiférer sur tout sujet qu'il estimera opportun, dans quelque domaine que ce soit, y compris sur les moyens de faire respecter les principes de laïcité sur le territoire de notre canton. C'est pourquoi je propose de rejeter cette proposition de motion.

M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, cette motion a été déposée au moment exact où, en Suisse, le code vestimentaire respectant la laïcité a agité les esprits, rappelez-vous. L'article 3 de notre constitution stipule: «L'Etat est laïque, il observe une neutralité religieuse.» Cela ne signifie pas que l'Etat soit athée mais qu'il conserve, en tant qu'Etat, au sein même de lieux où se jouent la république, une distance, un refus de parti pris religieux, bref, une neutralité, respectant ainsi la loi genevoise de séparation des Eglises et de l'Etat. Alors que demande cette motion ? Je suis tombé à la renverse ! Tout en se référant à l'article 3 de la constitution, elle demande d'associer les représentants des diverses confessions religieuses présentes à Genève pour qu'ensemble, c'est-à-dire avec l'Etat, ils élaborent un code de bonne conduite. Un code de bonne conduite, c'est quoi ? C'est un texte rédigé en commun, qui ne doit jamais être perdu de vue pour éviter que, dans une discussion, une situation devienne conflictuelle, puis problématique, et finalement insoluble. C'est une mode actuelle que d'adopter un code de bonne conduite partout, au même titre que d'établir nos fameuses chartes éthiques. Or, dans un Etat laïque, dont on vient de rappeler la constitution, à qui demande-t-on d'élaborer ce code de bonne conduite ? Aux représentants des diverses confessions religieuses locales ! Pour l'école - parce qu'il s'agit en fait de cela - ce seraient les religions qui viendraient nous dire à nous, à l'Etat, ce qu'il convient de faire en matière de port de vêtements ostensiblement religieux. Je pense, chers collègues, que c'est le contraire qu'il convient de faire: c'est à l'Etat de donner les limites, non pas de la croyance religieuse, non pas de la dimension spirituelle, mais de l'affirmation ostentatoire des diverses appartenances religieuses. Parce que justement, l'Etat est neutre, et c'est parce qu'il est neutre que la liberté religieuse est garantie. Nul besoin d'un code de bonne conduite, nul besoin de prétendus éclairages des diverses religions, il suffit d'appliquer l'article 3 de la constitution, qui est clair: la laïcité, rien que la laïcité, toute la laïcité ! C'est pourquoi le PLR refusera cette motion. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Cyril Mizrahi (S). J'aimerais, en préambule, revenir sur un épisode que j'ai connu quand j'avais à peu près dix-neuf ans, je crois. J'avais écrit une tribune libre dans le «Journal de Genève», et j'avais reçu un message anonyme qui disait: lorsque l'on s'appelle Mizrahi, on ne se mêle pas des affaires suisses. Eh bien les propos de l'un des préopinants m'ont simplement rappelé ces mots anonymes que j'avais reçus.

Cela étant dit, j'en viens à cette motion, que notre groupe refusera pour des raisons différentes de celles qui ont été évoquées par d'autres. (Remarque.) Ce texte part probablement d'un bon sentiment, mais il est finalement plein de paradoxes, et je le dis avec beaucoup de respect pour mon collègue Guy Mettan, le premier signataire. La motion parle de liberté de conscience et de laïcité, mais tout cela n'est en réalité pas nouveau: ce sont des éléments que nous connaissons depuis des années, et que nous appliquons. Cette motion, contrairement à ce qu'a dit Guy Mettan, dont l'intervention m'a un petit peu étonné, relève qu'il n'y a pas d'atteinte à la paix religieuse dans notre canton. Alors finalement, quel est le problème ? Quel est le but de cette motion ? Je me demande si nous n'avons pas suffisamment de problèmes pour ne pas nous en créer de nouveaux. L'article 3 de la constitution, cité dans la motion, est en effet nouveau, mais ne fait que concrétiser la tradition de laïcité d'ouverture telle que nous la connaissons à Genève. Je sais que «laïcité d'ouverture», pour certains, c'est difficile à entendre, mais c'est une tradition que nous connaissons et qui fonctionne. Cette motion parle du port de signes religieux, mais en réalité la pratique genevoise en la matière - pratique confirmée par la jurisprudence, pratique d'ouverture par rapport au port de signes religieux par les élèves, mais pratique plus stricte pour les enseignants qui représentent l'Etat - a donné largement satisfaction. On se demande donc un petit peu pourquoi il s'agit ici d'ouvrir la boîte de Pandore et de remettre en cause cette pratique qui a marché jusqu'à présent.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Cyril Mizrahi. Merci, Monsieur le président, je vais conclure. Cette motion rappelle les conditions de restriction des droits fondamentaux, parmi lesquelles la nécessité d'une base légale, mais évoque un code de bonne conduite qui n'est assurément pas une base légale. L'utilité est donc un petit peu sujette à caution. Et puis l'ultime paradoxe, c'est de parler de laïcité en ne mentionnant que la concertation entre communautés religieuses; or, c'est ici le lieu de rappeler que dans ce canton, il y a aussi des agnostiques, il y a aussi des libres penseurs, il y a aussi des athées, des personnes qui n'appartiennent à aucune communauté religieuse; il ne faut pas l'oublier. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Pierre Vanek, pour une minute et quarante secondes.

M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. L'essentiel a été dit, Mesdames et Messieurs, mais indépendamment des considérants et du baratin qui les enrobe, les invites de cette motion sont... (Remarque.) Je ne parle pas assez fort ? (Exclamations.) Bon, je vais vous le faire autrement ! (L'orateur élève la voix.) Je voulais vous ménager un peu après les décibels de tout à l'heure, Monsieur le président, vous m'excuserez ! Les invites de cette motion sont absolument absurdes ! L'idée que l'on va réunir des représentants de différentes confessions religieuses pour définir un code de bonne conduite demande déjà que l'Etat se prononce sur ce qu'est une communauté religieuse ou pas ! Qu'il trie, qu'il décide que telle association est en effet une communauté religieuse et une autre pas ! Elle fait de l'Etat le juge et l'arbitre en matière de religion, ce qui est idiot et inacceptable. Ensuite, la laïcité dont il s'agit, elle est dans l'intérêt de tous ! Pas seulement des partisans ou des adhérents de telle ou telle religion ! Je suis un athée convaincu, c'est une conviction respectable, je défends la laïcité, je suis pour la laïcité en tant que respect, par les uns et les autres, de la liberté d'expression, d'opinion...

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Pierre Vanek. ...et de croyance. Ainsi, il n'y a aucune raison que toute une catégorie de la population - la grande majorité - qui n'est pas religieuse, qui est agnostique, qui est athée, qui s'en fout complètement, ne soit pas associée à cette proposition de débat sur les questions de laïcité.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Pierre Vanek. Je conclus avec un mot pour Eric Stauffer. (Commentaires.) Oh, il n'est pas là ! Il a dit que nous étions un pays chrétien et que bien sûr il fallait s'en rappeler...

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député.

M. Pierre Vanek. Monsieur le président, deux mots !

Le président. Non, ça fait plus !

M. Pierre Vanek. A M. Eric Stauffer, je rappellerai ceci... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, c'est terminé. (L'orateur continue à s'exprimer hors micro.) Merci, Monsieur le député, c'est terminé ! Je passe la parole à Mme la députée Béatrice Hirsch.

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci, Monsieur le président. Je ne peux pas laisser M. Stauffer aboyer contre le PDC sans lui apporter quelques réponses. Non, le PDC... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...n'a pas perdu ses valeurs; le MCG pense que c'est le cas parce qu'il ne les connaît pas. (Commentaires. Exclamations.)

Le président. S'il vous plaît ! Merci d'écouter l'oratrice... (Commentaires.) Monsieur Stauffer !

Mme Béatrice Hirsch. Si cela ne vous intéresse pas, Monsieur Stauffer, je ne vous oblige pas à rester là ! Vous pouvez vous en aller ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Béatrice Hirsch. Nos valeurs, qui nous ont conduits à vous proposer cette motion, sont de promouvoir le vivre-ensemble, la paix confessionnelle, tout ce qui n'existe pas dans cette enceinte. La laïcité, ce n'est pas nier les différentes croyances mais en accepter la diversité dans notre société et garder, pour l'Etat, un esprit ouvert et neutre. C'est dans cet esprit-là que nous vous avons proposé cette motion, et nous la renverrons au Conseil d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

M. Yves de Matteis (Ve). Beaucoup de choses ont déjà été évoquées, mais j'aimerais, comme M. Mizrahi, dire que cette motion partait effectivement d'un bon sentiment, mais qu'à notre avis elle a, en quelque sorte, déjà fait son office. En effet, on l'a expliqué, l'Etat a créé un groupe de travail qui a déjà produit un document, soumis d'ailleurs à tous les partis dans cette enceinte ainsi qu'aux représentants de différentes communautés religieuses. Le travail est donc en train d'être fait, et la motion n'est pas nécessaire puisque le débat est déjà en cours et qu'il devrait aboutir au lancement d'un plan d'action.

En revanche, il est vrai que le groupe de travail dont je viens de parler a exclu de son champ d'investigation le domaine scolaire ainsi que celui des cimetières, et que par conséquent il ne répond pas entièrement à la motion qui demande, je cite, de «fix[er] les usages et comportements à adopter pour respecter la laïcité dans les écoles et établissements à caractère public». Mais à ce sujet, pour notre groupe - et nous en avons de même amplement discuté hier dans cette enceinte - le statu quo nous convient parfaitement. La magistrate en charge du DIP autant que les représentants des partis l'ont dit et répété: il n'y a pas de problème, aujourd'hui, dans les écoles. Il n'y a donc pas de nécessité d'agir. Plusieurs membres de mon groupe pensent même que par rapport à un terrain souvent assez glissant, revenir sur un consensus de plusieurs années et sur une pratique qui a déjà fait ses preuves n'apporterait rien, voire pourrait être dangereux. Je citais tout à l'heure Mme Emery-Torracinta, socialiste, qui a souligné hier qu'elle était de l'avis que je viens de donner. Mais j'aurais tout aussi bien pu citer Mme Martine Brunschwig Graf, présidente de la commission fédérale contre le racisme, et surtout, à l'époque, ministre libérale en charge du département de l'instruction publique du canton de Genève, qui a toujours professé l'opinion selon laquelle il convient de maintenir la pratique actuelle, qui n'interdit pas aux enfants ou aux élèves de porter des signes religieux comme le voile, la kippa, une croix, etc. Il s'agit donc ici d'un consensus qui va bien au-delà des appartenances partisanes, et que nous désirons maintenir. Pour nous, les Verts, il n'y a pas de raison pour que les élèves viennent en portant de tels signes à l'extérieur de l'école et doivent les abandonner en franchissant l'enceinte de leur établissement scolaire. Merci, Monsieur le président.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que si ce sujet pourrait éventuellement avoir un intérêt pour l'UDC, il ne l'a pas pour la raison suivante: il me semble qu'on fait, dans cette motion, une confusion entre la sécularisation et la laïcité. La laïcité - et j'y tiens - n'est pas une religion: la laïcité est un principe de droit, un principe de séparation des pouvoirs, selon lequel le quotidien est réglé par nos lois et ce qui se passe dans nos têtes, en privé, reste du privé. Donc établir un code de bonne conduite équivaut à revenir, il me semble, à un vieux système issu des jacobins, voire de la fin de la Révolution française, où existait un fort courant anticlérical. Dans ce que l'on vit actuellement, il ne s'agit pas d'avoir une action anticléricale contre quiconque mais d'être ferme, d'affirmer que la laïcité est dans notre quotidien, et que la voie spirituelle que chacun a choisie - ou n'a pas choisie, comme le disait M. Vanek, ce que je respecte aussi - s'exprime en privé mais pas sur la place publique ni avec des élus pour trouver un code de bonne conduite. L'Union démocratique du centre refusera donc ce texte.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat vous invite à rejeter cette motion, pas tellement parce qu'elle pose problème mais tout simplement parce que les questions qu'elle soulève sont déjà réglées ou en voie de l'être. Un premier aspect de l'invite demande de fixer un code de bonne conduite concernant les usages et comportements à adopter pour respecter la laïcité dans nos écoles: M. de Matteis l'a rappelé, nous avons eu ce débat hier, les choses sont réglées, il n'y a donc pas lieu d'aller plus loin dans ce domaine aujourd'hui. Concernant les établissements à caractère public, M. Mettan l'a rappelé, il y a eu un rapport du groupe de travail sur la laïcité qui a été rendu récemment au Conseil d'Etat et qui est public; ce rapport a été soumis à consultation, nous allons tout prochainement prendre connaissance des résultats de cette consultation et, en fonction de cela, voir s'il y a lieu d'intervenir ici ou là. Donc en l'état, je crois que cette motion n'apporte rien de nouveau et qu'il vaut mieux attendre les conclusions du rapport et la suite qui lui sera donnée.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais donc vous faire voter...

M. Eric Stauffer. Vote nominal !

Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Des mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Je mets donc aux voix la prise en considération de cette motion. (Commentaires durant la procédure de vote.)

Mise aux voix, la proposition de motion 2162 est rejetée par 81 non contre 10 oui et 3 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

M 2174
Proposition de motion de MM. Pierre Weiss, Daniel Zaugg, Ivan Slatkine, Bertrand Buchs, Vincent Maitre, Bernhard Riedweg, Mauro Poggia : Nouvelles filières bilingues : dresser un inventaire des compétences linguistiques des enseignants
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 7 et 8 novembre 2013.

Débat

Le président. Nous en sommes à la motion 2174, et je donne la parole à M. Patrick Saudan.

M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, après le multiculturalisme, on va s'attaquer au multilinguisme - j'espère que ce sujet déclenchera un peu moins les passions ! Cette proposition de motion a été déposée par mon collègue Pierre Weiss, et je vous rends tout de suite attentifs à l'invite appelant «à confier au service de la recherche en éducation (SRED) du département de l'instruction publique (DIP) la tâche de dresser un inventaire des compétences linguistiques des enseignants du secondaire I (cycle d'orientation) [...], mais aussi du primaire, qui pourraient être amenés à enseigner également en allemand ou en anglais». Pourquoi cette invite ? Si vous prenez les considérants, ils sont assez explicites. Personne, dans cet hémicycle, ne va nier l'importance des langues, surtout dans la société genevoise actuelle. Vous n'avez qu'à regarder les offres d'emploi: on demande souvent aux gens de maîtriser deux ou trois langues. C'est donc quelque chose de fondamental.

Or l'école publique se trouve, il est vrai, un peu en retrait par rapport aux établissements privés à Genève puisqu'elle n'offre que des maturités bilingues - d'ailleurs, certaines filières ont été un peu diminuées ces derniers temps par une décision du DIP - contrairement aux écoles privées qui proposent des cursus bilingues dès le primaire. L'école publique est donc un peu en retard à ce niveau-là. (Brouhaha.) Dans les considérants, on met aussi en exergue le fait qu'il faudrait être plus efficace dans l'enseignement de l'allemand et de l'anglais.

Mais, préalablement à tout cela, il est nécessaire de faire un inventaire initial des compétences linguistiques de nos enseignants. Si vous reprenez l'exposé des motifs de mon collègue, vous constaterez que ce que souhaite implicitement cette motion, c'est le développement d'un enseignement bilingue dès le cycle d'orientation, voire au primaire. Le texte reste toutefois prudent parce qu'il demande quand même si le canton de Genève a les moyens de cette ambition. C'est pour cela que l'invite est claire: il faut d'abord faire un inventaire de nos compétences linguistiques. Par conséquent, je vous propose de soutenir cette proposition de motion, et de la renvoyer non pas directement au Conseil d'Etat mais à la commission de l'enseignement supérieur, parce qu'il y a deux «caveat»: d'abord, avons-nous les moyens financiers de développer un enseignement bilingue dès le primaire ? Deuxièmement, il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment de la langue première, le français. Au vu de ces deux points, je pense qu'il est plus prudent de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement. Je vous remercie pour votre écoute.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il y a des motions qui sont particulièrement mal rédigées; celle-ci en fait partie. On a quand même de la peine à comprendre l'intention qui se cache derrière ce texte, assez court au demeurant. Quand on lit l'invite, à savoir qu'il s'agirait de confier au service de la recherche en éducation, le SRED, le soin d'évaluer les enseignants, de les contrôler pour déterminer leurs compétences en langues...! Ce n'est pas ça, le vrai objectif: ce serait en fait d'essayer de voir s'il est possible d'instaurer des filières bilingues au primaire et au cycle d'orientation, qui n'existent pas à l'heure actuelle. Dans ce cas, il faut faire une motion explicite, avec un titre tel que «Instaurons des filières bilingues au primaire et au cycle d'orientation», et on étudiera cette proposition. Mais demander au SRED d'évaluer les enseignants, c'est aberrant ! Je vous rappelle que l'allemand a été introduit en 1988 à l'école primaire, cela fait donc vingt-sept ans que cette langue y est enseignée. Quant à l'enseignement de l'anglais aux degrés 7 et 8 du primaire, c'est plus récent puisque cela date d'une année. Mais bien évidemment que tous les enseignants qui ont reçu des cours d'anglais et sont en mesure d'enseigner cette langue ont été évalués ! Ils ont passé des tests et, selon les normes européennes de référence pour les langues, doivent posséder le niveau B2 ou C1 pour pouvoir enseigner l'anglais. C'est donc déjà en route, cette motion n'a aucune raison d'être et le groupe Ensemble à Gauche vous invite à la rejeter.

M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC soutiendra le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement supérieur, ainsi que l'a proposé M. Saudan. L'UDC trouve cette motion intéressante. C'est vrai qu'il y a eu de nombreux changements et de nouvelles exigences ces dernières années; maintenant, si vous étudiez par exemple en HEP ou à l'IUFE, on exige de vous un niveau B2. Un niveau assez haut est donc demandé, et l'UDC trouverait intéressant de faire un bilan en commission, de voir à peu près où on en est. A partir de là, nous pourrons prendre une position claire par rapport à la pertinence ou non de ce texte. C'est pour ces raisons que nous soutiendrons son renvoi en commission, et je vous invite à faire de même. Je vous remercie.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je suis inquiet de voir, ou simplement de lire l'invite de cette motion. Je suis d'autant plus inquiet que le premier motionnaire, M. le député Saudan, vient de défendre le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement alors qu'il n'y a pas si longtemps que ça - il était encore radical - il avait combattu le fait de renvoyer des motions en commission. Que nous invite à faire cette motion ? Elle nous invite à confier au service de la recherche en éducation... Alors je comprends pourquoi M. Jean Romain, député PLR, n'a pas défendu cette motion, parce que confier au SRED cette large mission, qui aurait normalement déjà dû être faite - elle l'a certainement déjà été - consistant à faire l'inventaire de tous les enseignants capables d'enseigner l'allemand... Ça fait vingt-sept ans qu'on enseigne l'allemand à l'école primaire, et j'imagine que ceux qui enseignent l'allemand au cycle d'orientation ont les compétences pour le faire. Il y a une année, on a décidé, lors de l'introduction du mercredi matin, de confier l'enseignement de l'anglais non seulement aux enseignants du primaire mais aussi et surtout aux enseignants qui en avaient les compétences et ont été formés pour enseigner cette langue. Alors nous allons renvoyer cet objet, puisque les motionnaires eux-mêmes le demandent, à la commission de l'enseignement, et puis nous dresserons un bilan intermédiaire et nous écouterons Mme la cheffe du département nous dire qu'il y a longtemps qu'on se préoccupe de cette question. Pour faire des économies, il faut essayer de regrouper les collégiens concernés dans l'un des collèges spécialisés en enseignement bilingue, mais on ne peut malheureusement pas arroser le canton de sections bilingues. Il faut essayer de regrouper les jeunes étudiants, mais on verra et on étudiera tout ça en commission. Je vous remercie.

Mme Marion Sobanek (S), députée suppléante. En tant qu'enseignante, je suis toujours étonnée par ces motions ou résolutions «y a qu'à» pour l'enseignement. Cette motion fait tout à fait partie de ces «y a qu'à», qui partent peut-être d'une bonne intention mais ne tiennent absolument pas la route lors d'un examen attentif. Elle demande un bilan des connaissances linguistiques des enseignants. Suffit-il de posséder des connaissances linguistiques pour enseigner une matière en bilingue ? La réponse de la praticienne que je suis et qui a enseigné en filière bilingue est non.

Deuxièmement, je voudrais poser la question suivante: une fois que ce bilan aura été réalisé, que veut-on en faire ? On saura que tant et tant d'enseignants connaissent l'anglais ou l'allemand et on se dira: ça y est, envoyons-les enseigner en filière bilingue ! Mais est-ce qu'on va tout à coup les y obliger ? Est-ce que vous imaginez le surplus de travail que ça représente d'enseigner en bilingue ? Le ratio normal pour une heure d'enseignement est quadruplé voire quintuplé ! Actuellement, les enseignants qui enseignent en bilingue le font sur une base purement volontaire, sachant que c'est peut-être motivant à un moment donné de la carrière mais que c'est un énorme surplus de travail. Avec la charge actuelle de l'enseignement, l'instruction publique ne peut pas offrir à tout le monde la possibilité d'aller en filière bilingue. Le parti socialiste pense que ce «y a qu'à» est une fausse bonne idée, et nous demandons le rejet pur et simple de cette motion.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je suis donc un député «y a qu'à» parce que je ne suis pas enseignant et que je n'ai pas de formation dans l'enseignement ? Ce qui m'étonne ici, dans le cadre des discussions qu'on mène depuis quelques heures, c'est qu'à partir du moment où on n'est pas enseignant, on n'a théoriquement rien à dire. Le problème de l'enseignement des langues existe depuis longtemps à Genève. Personnellement, je n'avais pas d'allemand à l'école primaire mais j'en ai fait beaucoup au collège et j'ai aussi fait de l'anglais. Je ne peux pas dire que je sois sorti du collège avec une qualité d'allemand extraordinaire, c'est le moins qu'on puisse dire. On peut quand même avoir le droit d'émettre un avis une fois ou l'autre ! J'entends très bien Mme Sobanek, elle a entièrement raison dans ce qu'elle dit quant à la formation des gens: ce n'est pas parce qu'on a un très bon niveau d'allemand ou d'anglais qu'on fera un très bon enseignant; il y a d'autres choses, elle a entièrement raison. Mais je pense aussi qu'on peut une fois réaliser un bilan afin de déterminer ce qu'il faut pour qu'un professeur enseigne une langue et surtout transmette l'amour de cette langue aux élèves qui sont dans ses classes. Pour ma part, je ne suis pas sorti du collège avec un niveau extraordinaire en allemand; par contre, j'en suis sorti avec un amour de la littérature allemande, un amour du peuple allemand... (Exclamations. Brouhaha.) On m'a transmis des valeurs...

Le président. S'il vous plaît !

M. Bertrand Buchs. De ce côté-là, il y a franchement pas mal de crétins ce soir ! On m'a transmis quelque chose, et je pense qu'on peut demander ce bilan. Voilà pourquoi le parti démocrate-chrétien renverra cette motion en commission.

M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais répondre brièvement à M. Girardet: je ne figure pas parmi les signataires, je n'y étais pas mais je soutiens cette proposition de motion. C'est M. Weiss qu'il faut créditer de cette motion, pas moi - c'est là une rectification importante à faire - mais je le dis: je suis totalement solidaire de M. Weiss quant à cette proposition de motion.

J'en viens maintenant aux critiques de Mme Sobanek: pour ma part, j'abonde dans votre sens, Madame Sobanek, mais je pense que cette motion se justifie parce qu'il faut faire un bilan et je ne suis pas sûr qu'on ait les moyens de mener une politique d'enseignement bilingue dès le primaire. Je veux aussi éviter une surcharge de travail aux collaborateurs du DIP en leur demandant un rapport; je pense que cette motion doit d'abord être étudiée en commission pour voir si on va plus loin et si on demande un bilan au DIP.

Je suis entièrement d'accord avec vous et je peux d'ailleurs vous parler de mon expérience personnelle, qui est très simple: j'ai eu un excellent enseignement d'allemand au collège Calvin, et c'est une langue que je pratique toujours avec plaisir. Je suis un cas un peu particulier par rapport à l'ensemble des Genevois, j'ai eu cette chance. En revanche, mes enfants ont fait les classes bilingues, et c'est une catastrophe, je peux vous le dire. Mes enfants ont eu l'enseignement de l'allemand au primaire, c'était une catastrophe - je le dis sans ambages, c'est vrai, c'est la réalité. Des progrès ont été faits depuis, mais c'est extrêmement difficile. On a des ambitions pour enseigner les langues au mieux mais il faut aussi en avoir les moyens, et je ne suis pas sûr que ce soit le cas. C'est pour cette raison que cela a du sens de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement; il s'agit de faire un bilan et de se demander si ça vaut la peine d'aller plus loin ou si on la rejette en commission. Ainsi, je vous recommande une fois encore de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement - et non pas à celle de l'enseignement supérieur.

M. Bernhard Riedweg (UDC). De nos jours et particulièrement dans le canton de Genève, si les parents souhaitent que leurs enfants puissent faire une carrière professionnelle honorable, les connaissances linguistiques sont absolument indispensables. La reconnaissance des sphères économiques est bien réelle, particulièrement dans les multinationales et les organisations internationales - en très grand nombre dans notre canton - mais d'autres sociétés comme celles actives dans l'import-export ou le négoce sont demandeuses de gens habitant ici. La formation en deux langues usuelles comme l'allemand ou l'anglais exige un effort supplémentaire dans le cadre de l'apprentissage, ce qui n'est pas l'apanage de tous les enseignants qui souhaitent en faire une spécialisation. Enseigner en deux langues suppose des stages préalables en immersion dans des pays à l'étranger, ce qui représente un investissement pécuniaire non négligeable.

Il est nécessaire de dresser un inventaire des compétences linguistiques des enseignants afin de connaître le potentiel dont dispose le département de l'instruction publique pour pouvoir envisager d'assurer ce genre d'enseignement. Former ou engager des maîtres capables d'enseigner en deux langues n'est pas conventionnel, notre canton n'étant pas bilingue par sa géographie. Il ne faut pas oublier que la recherche et l'engagement d'enseignants bilingues sont concurrencés par les écoles privées qui doivent absolument faire face à la très forte demande des expatriés, qui représentent une clientèle aisée et consciente de la valeur ajoutée d'une telle formation. Les écoles privées se substituent ainsi aux écoles publiques, qui sont largement en retrait dans ce domaine. Plus les apprenants sont âgés, plus la qualité des connaissances linguistiques parlées et écrites de l'enseignant est exigée, ce qui devrait être rémunéré en conséquence.

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Bernhard Riedweg. Leur employabilité est carrément assurée. Cette motion mérite d'être traitée en commission, et nous vous demandons de la renvoyer à la commission de l'enseignement. Merci, Monsieur le président.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Je dois vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que quand j'ai vu qui était le premier signataire de cette motion et que j'en ai lu l'invite, les bras m'en sont tombés ! Celui qui pourfend - ou pourfendait - régulièrement le service de la recherche en éducation lui trouve aujourd'hui une utilité ! Je vous dirai tout de suite que si vous souhaitez procéder à une évaluation des compétences linguistiques des enseignants, ce n'est pas au SRED qu'il faut la confier. Il suffit de prendre la feuille d'engagement de n'importe quel enseignant ! Chaque directeur d'établissement peut savoir quelles sont les compétences linguistiques de ses enseignants, il n'y a pas besoin d'une enquête du SRED pour cela.

Maintenant, je crois qu'il règne une grande confusion dans le débat et dans vos demandes. Pour certains, il s'agit d'enseigner les langues; pour d'autres, il s'agit de pratiquer un enseignement bilingue. Dans le cas de la pratique d'un enseignement bilingue - comme j'ai d'ailleurs cru le comprendre au départ en lisant certains des considérants de la motion - je rappelle qu'il y a des règles extrêmement strictes en Suisse: pour enseigner en bilingue, il ne suffit pas de simplement parler une langue, il faut soit être germanophone ou anglophone - c'est-à-dire de langue maternelle allemande ou anglaise - et avoir fait sa scolarité dans le pays concerné, soit, si l'on n'est pas germanophone ou anglophone, y avoir fait des études universitaires un certain temps. Il y a donc des règles assez précises en Suisse, qui permettent ou pas d'enseigner dans des filières bilingues. Si nous souhaitions développer des filières bilingues chez les tout-petits - et encore faudrait-il savoir dans quelle mesure cela est possible par rapport au plan d'études romand et si cela se combine bien avec ceci ou cela - je ne suis pas sûre que nous ayons forcément beaucoup d'enseignants pour le faire.

Par contre, s'il s'agit d'enseigner l'allemand et l'anglais ainsi que le prévoit le plan d'études romand et que le demande peut-être l'invite de la motion, les règles actuelles sont strictes: pour enseigner l'allemand ou l'anglais à l'école primaire, il faut avoir obtenu le niveau B2; c'est un niveau de langue de reconnaissance internationale, qui correspond par exemple à la maturité gymnasiale. Actuellement, tous les enseignants qui enseignent une langue à l'école primaire possèdent au minimum un niveau B2. Pour l'introduction de l'anglais cette année, nous avons dû faire appel à des volontaires: des gens ont été formés, ont fait des cours supplémentaires et ont passé des examens pour obtenir ce niveau. Cela signifie qu'actuellement, les enseignants ont le niveau pour enseigner à l'école primaire, mais pas forcément pour pratiquer le bain de langue ou le bilinguisme. Imaginons que nous mettions en place des projets pilotes de bilinguisme - cela a d'ailleurs été fait il y a quelques années à l'école de Puplinge, sauf erreur: nous aurions ici ou là des possibilités de le faire, sans doute, mais comment choisirions-nous les enfants ? Si, dans l'enseignement secondaire - notamment dans le secondaire II - il est clair que les mêmes offres ne figurent pas partout et que forcément les élèves se répartissent entre ceux qui font une formation professionnelle, ceux qui suivent le collège, ceux qui vont à l'ECG, etc., à l'école primaire, en revanche, qu'est-ce cela voudrait dire ? Le hasard ferait qu'on aurait tout à coup des écoles où des bains de langue seraient possibles et d'autres où cela ne le serait pas ? C'est tout de même une question problématique ! Pour moi, cette motion est largement problématique, et je vous inviterais plutôt à la refuser, quitte à ce que nous reprenions si vous le souhaitez la question de l'enseignement des langues, mais dans un autre cadre. Attendons peut-être pour cela d'avoir pu évaluer ce que nous venons d'introduire à l'école primaire, c'est-à-dire l'anglais: il nous faut quand même trois ou quatre ans pour avoir un peu de recul.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le moment de vous exprimer quant à la proposition de renvoi à la commission de l'enseignement.

Une voix. La commission de l'enseignement supérieur !

Le président. Non, la première demande concernait la commission de l'enseignement. Celles et ceux qui acceptent le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement...

M. Jean-François Girardet. Il y en a deux !

Le président. J'ai bien précisé, Monsieur Girardet, qu'il s'agit de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, et non de la commission de l'enseignement supérieur.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2174 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est adopté par 68 oui contre 26 non et 1 abstention.

M 2183
Proposition de motion de Mmes et MM. Yves de Matteis, Emilie Flamand-Lew, Jean-Marc Guinchard, Thierry Cerutti, Sophie Forster Carbonnier, Boris Calame, Bernhard Riedweg, Jean-Luc Forni, François Lefort, Jean-Michel Bugnion, Lisa Mazzone, Jean-Charles Rielle, Henry Rappaz, Frédérique Perler, Sandro Pistis, Isabelle Brunier, Pascal Spuhler, Daniel Sormanni, Jean-François Girardet, Carlos Medeiros, Jean-Marie Voumard, Stéphane Florey, Marie-Thérèse Engelberts, Christina Meissner, Salima Moyard, Sarah Klopmann, Francisco Valentin, Thomas Bläsi, Olivier Baud, Christian Flury : Sauvegarde du patrimoine audiovisuel de la RTS
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 19 et 20 décembre 2013.

Débat

Le président. Nous abordons la motion 2183 en catégorie II, trente minutes. Monsieur le député de Matteis, vous avez la parole.

M. Yves de Matteis (Ve). Merci, Monsieur le président. En préambule, j'aimerais souligner que cette motion est loin d'être orpheline puisqu'elle a de très nombreux parents et surtout une petite soeur, qui a été déposée en Ville de Genève et sera examinée par la commission des arts et de la culture dans trois jours, soit lundi prochain, le 23 février. Si l'on fait le total des signatures apposées sur l'une et l'autre de ces deux motions, on s'aperçoit que tous les partis du canton s'y sont associés. Il y a donc une belle unanimité pour défendre une cause qui, comme je vais vous le dire dans quelques secondes, est particulièrement urgente.

Si l'on considère les arts de manière générale, on s'aperçoit que, pour la plupart, ils sont faits pour durer. Qu'il s'agisse de la peinture avec les peintres flamands ou italiens, dont les oeuvres sont parvenues presque intactes jusqu'à nous, ou de la statuaire grecque avec l'aurige de Delphes ou le Zeus en bronze de l'Artémision, ou encore de certains monuments architecturaux, de très nombreux vestiges nous sont parvenus, sans compter les textes littéraires comme l'«Iliade» et l'«Odyssée», qui sont encore étudiés aujourd'hui dans nos collèges et universités. Le patrimoine audiovisuel, en revanche, est extraordinairement fragile. Les images et le son sont enregistrés sur des bandes magnétiques en plastique, matériau qui peut se dégrader très rapidement, parfois même après quelques années. En général, on estime l'espérance de vie de ces bandes à trente, quarante, cinquante ans tout au plus. Au-delà de ce laps de temps, le risque de dégradation est irréversible, et surtout, les dégradations sont irréparables. L'Unesco, garante du patrimoine mondial, est particulièrement sensible à ces enjeux et a notamment décrété le 27 octobre de chaque année Journée mondiale du patrimoine audiovisuel. En Suisse, l'association faîtière Memoriav regroupe les organismes qui se préoccupent de ce sujet.

Mais cette motion concerne avant tout la RTS, car c'est elle qui réunit le patrimoine audiovisuel le plus important au niveau helvétique. Des dizaines voire des centaines de milliers d'heures d'enregistrement, soit purement audio s'il s'agit de la radio, soit audiovisuel s'il s'agit de la télévision, sont aujourd'hui directement menacées de disparition. Il s'agit à la fois d'un patrimoine artistique, si l'on songe par exemple à l'ensemble des concerts de l'Orchestre de la Suisse romande qui ont été enregistrés, et, tout au moins, d'un patrimoine historique ou ethnologique si l'on pense à certaines émissions de télévision. La FONSART, fondation chargée de récolter des fonds afin de sauvegarder le patrimoine de la RTS, a été présidée jusqu'à son décès il y a deux ans par le libéral neuchâtelois Jean Cavadini, pour qui cette tâche était particulièrement importante et qui a réussi à obtenir des fonds de plusieurs fondations suisses. Aujourd'hui, la FONSART a réussi à lever une partie, mais pas tous les fonds nécessaires à la sauvegarde de l'ensemble du patrimoine audiovisuel de la RTS. Il faudrait ainsi initier un véritable mouvement au niveau romand afin que chaque canton voire chaque ville participe selon ses moyens à cette entreprise d'intérêt public. Un tel mouvement permettrait en outre de susciter l'intérêt de fondations privées qui se sont déjà engagées dans cette tâche et pourraient participer à l'effort commun. C'est la raison pour laquelle cette motion n'articule aucun montant; ceci dit, il pourrait être minime si suffisamment de partenaires se mettent ensemble pour réunir les fonds nécessaires. C'est donc un véritable appel que les signataires de cette motion lancent ce soir ! Merci, Monsieur le président.

M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je suis content de voir que nous avons affaire ce soir à un autre sujet patriotique puisqu'il s'agit de sauver les archives de la Radio télévision suisse, qui représentent beaucoup de témoignages de notre histoire. Le MCG va soutenir cette motion avec force et vigueur ! Merci, Monsieur le président.

M. Jean-Charles Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je crois que tout parle en faveur de cette motion interpartis: la vulnérabilité des supports actuels, l'insuffisance de moyens de la Radio télévision suisse romande pour mener à bien la tâche de préservation du patrimoine audiovisuel en sa possession, le fait qu'il s'agisse d'un bien collectif, la teneur de la nouvelle constitution genevoise ainsi que de la nouvelle loi sur la culture. Aujourd'hui, plusieurs millions de documents audiovisuels sont menacés de disparition, il devient donc de plus en plus urgent de les sauvegarder. Pour rappel, la Radio télévision suisse romande a, en 2005 déjà, créé une fondation pour la sauvegarde du patrimoine audiovisuel de la RTS, la FONSART. Malheureusement, cet ambitieux programme est aujourd'hui mis en danger par le manque de moyens mis à disposition. Cette motion a ainsi pour but d'établir un réseau de partenaires qui, à l'instar des cantons et des villes qui ont présidé à la création de la Fondation romande pour le cinéma, pourraient contribuer à financer ce programme de sauvegarde du patrimoine audiovisuel romand, avec l'aide d'autres partenaires institutionnels. Comme on l'a rappelé, l'Etat et la Ville de Genève pourraient faire partie des partenaires impliqués dans cette démarche. Le groupe socialiste vous recommande donc d'accepter cette motion. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). La Radio télévision suisse romande n'a pas les ressources financières suffisantes pour consacrer les fonds nécessaires à la préservation du patrimoine audiovisuel. Des collectivités publiques avant tout romandes peuvent parer à ce manque de moyens, mais des mécènes voire des sponsors pourraient également être sollicités dans ce cadre, ceux-ci pouvant être associés à la publication des oeuvres dans le générique s'ils le souhaitent. S'agissant de la culture, la sollicitation de partenaires institutionnels soulagerait les finances de l'Etat genevois. En effet, la préservation du patrimoine audiovisuel ne devrait pas être une priorité ces prochaines années puisque d'autres organismes peuvent s'y substituer. Tout le patrimoine audiovisuel n'est pas digne d'intérêt, mais des spécialistes pourraient trier et sélectionner ce qui est digne d'être préservé en utilisant les techniques de numérisation en haute définition les plus fiables. Le contenu de cette motion étant important, nous demandons le renvoi de celle-ci à la commission de la culture. Merci, Monsieur le président.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, d'abord Radio Lausanne puis RSR La Première pour finalement aboutir à RTS 1: c'est une histoire qui débute en 1922, c'est-à-dire que les archives dont nous parlons ce soir atteindront d'ici sept ans, pour la plupart d'entre elles, l'âge canonique de près de cent ans. Il s'agit d'archives consacrées à des émissions culturelles et politiques, des débats, du sport, de la musique, du folklore, toutes richesses absolument inestimables et bien représentatives du patrimoine culturel romand que nous chérissons tous ici. Evidemment, ces archives sont difficilement conservables; on a parlé des bandes magnétiques, mais si vous allez visiter la RTS, vous vous rendrez compte qu'il y a encore des archives conservées sur fil magnétique, pour ceux qui l'ont connu ! C'était ce qui était utilisé à l'époque, et il est extrêmement difficile de le sauvegarder, même en ayant fait un tri à l'interne.

L'avantage de cette motion, au-delà de la préservation d'un patrimoine culturel important, c'est qu'elle se tourne vers les autres cantons romands et sollicite leur appui, ce qui est déjà fait dans différents parlements cantonaux de Romandie à l'heure actuelle, de sorte que l'Etat de Genève ne sera sans doute pas seul à assumer le sauvetage et la préservation de ces archives. C'est pour ces deux raisons - un patrimoine culturel riche d'une part et une collaboration avec l'ensemble des cantons romands d'autre part - que le groupe démocrate-chrétien vous incite à accepter cette motion et à la renvoyer à la commission de l'enseignement. Je vous remercie.

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, ma voix sera un peu dissonante par rapport à la position générale presque angélique que nous avons quant à la RTS. La question qu'il faut se poser est la suivante: est-ce que c'est vraiment le rôle de notre Etat, du canton de Genève, de financer l'archivage de la RTS ? La réponse est non. La RTS perçoit une redevance à travers Billag, elle doit mener sa gestion elle-même, surtout dans sa situation de monopole. Pour information, la perception de la redevance a été étendue, au-delà des ménages, à toutes les entreprises, et ce sont des fonds importants. Il ne revient pas au canton de Genève de payer ce supplément, je trouve cela particulièrement déplacé. La RTS doit prendre ses responsabilités ! Sur le plan fédéral, vous n'oubliez pas qu'un référendum a été lancé par l'Union suisse des arts et métiers contre l'augmentation de cette perception sur les entreprises. Si la RTS veut mener cette mission, qu'elle gère elle-même ses fonds, ce n'est pas à l'Etat de financer cela. Elle peut avoir recours à des privés, la motion est d'ailleurs très large à ce niveau. Lisez l'invite: «à prendre contact avec les autres cantons romands, voire suisses, ainsi qu'avec des villes ou communes romandes, voire suisses, afin de cofinancer, aussi rapidement que possible, avec d'autres instances institutionnelles ou fondations [...]». Il y a tout cela, on peut chercher des fonds partout. Je pense que la RTS doit prendre ses responsabilités, gérer ses deniers et éventuellement se tourner vers des partenaires privés, mais ce n'est en tout cas pas à l'Etat de Genève de financer cet archivage.

M. Yves de Matteis (Ve). Excusez-moi, j'ai oublié de préciser lors de mon intervention que le plus sage serait de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. J'étais en train de lire les notes qu'on m'avait préparées et cela me laissait un peu dubitative, parce que j'ai l'impression qu'il y a un décalage entre ce que demande la motion et la réalité. Si j'ai bien compris, les archives de la partie télévisée de la RTS sont déjà numérisées; celles qui manquent sont celles de la radio - c'est ce que j'ai cru comprendre. La seconde chose, c'est qu'une demande avait déjà été déposée il y a quelques années auprès de la CIIP, ou «C2IP», comme on l'appelle, qui est la Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin: elle avait reçu une réponse négative en 2009 parce qu'il n'était pas possible de subventionner les choses telles quelles. Cela dit, dans la mesure où il s'agit tout de même de notre patrimoine culturel et historique, vous pouvez parfaitement nous renvoyer cette motion. Nous allons essayer de creuser un peu les choses et de déterminer dans quelle mesure il est possible d'agir. Mais il ne faudrait pas non plus que ce que des entités privées pourraient financer soit tout à coup mis à la charge des collectivités publiques parce qu'elles ne l'ont pas fait avant. Vous pouvez donc nous renvoyer cette motion, nous allons y répondre, actualiser les éléments, voir où on en est exactement maintenant et ce qui manque.

Une voix. Très bien !

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit maintenant de voter sur la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2183 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 50 non contre 38 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la motion 2183 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui contre 26 non et 2 abstentions.

Motion 2183

M 2186
Proposition de motion de Mmes et MM. Caroline Marti, Romain de Sainte Marie, Thomas Wenger, Roger Deneys, Isabelle Brunier, Cyril Mizrahi, Christian Frey, Jean-Charles Rielle pour un renforcement des cours d'éducation citoyenne au cycle d'orientation et la mise en place de cours d'introduction à la pensée politique et aux institutions politiques au postobligatoire
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 13 et 14 février 2014.

Débat

Le président. C'est le tour de la M 2186. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à l'auteure de cette motion, Mme Caroline Marti.

Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, après notre séance plénière de janvier, je suis allée boire un verre dans un café du Bourg-de-Four avec quelques-uns de mes camarades socialistes. Nous y avons rencontré deux collégiens de troisième et quatrième année avec qui nous avons engagé la conversation. Nous leur avons expliqué que nous sortions du Grand Conseil, et puis nous avons commencé à discuter un peu de politique... (Brouhaha. Un instant s'écoule.)

Le président. Poursuivez, Madame.

Mme Caroline Marti. Merci. Bien que plutôt intéressés par notre discussion et par la politique, force est de constater qu'ils ne savaient pas très bien ce qu'était le Grand Conseil ni à quoi il servait. Le Conseil d'Etat ? A peu près la même chose. On leur a demandé s'ils connaissaient une personnalité politique du canton de Genève, par exemple le président du Conseil d'Etat; eh bien non, ils n'en avaient absolument aucune idée. Pourtant, ces étudiants se sont montrés plutôt intéressés par la chose politique, ils ont très volontiers discuté de ça avec nous.

En Suisse, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons la chance de connaître une forme particulièrement développée et extensive de la démocratie, à savoir la démocratie directe. Cela implique de devoir nous prononcer fréquemment, nous et nos concitoyens, sur des sujets variés, mais parfois complexes ou techniques. Et, Mesdames et Messieurs les députés, nous estimons que pour préserver toute la valeur de notre démocratie, il est absolument impératif que les citoyens puissent se forger une libre opinion, voter en toute connaissance de cause et maîtriser le fonctionnement de nos institutions. Or actuellement, à l'école publique genevoise, les élèves ne suivent qu'une heure de cours d'éducation citoyenne ou éducation civique - peu importe comment on la nomme - au cycle d'orientation, et c'est tout: à notre sens, cela ne donne absolument pas aux futurs citoyens les outils et connaissances nécessaires à l'exercice de leur rôle civique. Pourtant, nous pensons qu'il relève de l'école de leur offrir ces instruments et ces connaissances; c'est d'ailleurs ce que rappelle l'article 4 de la LIP, qui stipule que l'école publique a pour ambition, je cite, «de préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de discernement et l'indépendance de jugement».

De plus, Mesdames et Messieurs les députés, le taux de participation aux votations en Suisse est particulièrement faible, malheureusement, bien souvent en dessous de 50%; il est généralement de 40% chez les jeunes de 18 à 24 ans. Du coup, les décisions qui sont prises, certes démocratiquement mais néanmoins par la seule moitié du corps électoral, souffrent manifestement d'un déficit de légitimité. L'article 194 de notre nouvelle constitution, récemment adoptée, introduit la formation jusqu'à 18 ans, ce qui nous offre une formidable opportunité de donner outils et connaissances aux jeunes et de les inciter à s'intéresser à la vie politique au moment où ils entrent dans leur vie de citoyen. C'est justement pour mener cette réflexion globale sur le rôle de l'instruction publique dans la formation citoyenne que nous avons déposé cette motion, que nous vous proposons de renvoyer à la commission de l'enseignement. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Guy Mettan... qui ne la prend pas. Je cède donc la parole à M. Jean Romain. (Un instant s'écoule. Commentaires.) Vous la prendrez tout à l'heure, si vous le souhaitez ! (Remarque. Rires.)

Une voix. Qu'est-ce qui se passe, là ?

Le président. Bon, c'est à vous, Monsieur Mettan.

M. Guy Mettan (PDC). D'accord, d'accord...

Le président. Allez-y, je vous en prie.

M. Guy Mettan. Votre magnanimité vous sera comptée, Monsieur le président ! Chers collègues, tout à l'heure, nous avons parlé de civisme. Il se trouve que, comme je l'ai dit, cette motion reprend l'idée d'une éducation citoyenne; c'est la raison pour laquelle je serai court. Nous acceptons de renvoyer cette motion en commission, où nous pourrons d'ailleurs en parler en même temps que de la nôtre, voire peut-être lier ces deux cas et trouver, avec le département, une solution commune à l'éducation citoyenne dans l'ensemble du secondaire, que ce soit dans le postobligatoire, l'Ecole de culture générale ou autres. Nous vous invitons donc à renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement.

M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, il existe quantité de cours. La liste de ce qu'il faudrait étudier est, quantitativement et qualitativement, interminable. Aujourd'hui, une motion voudrait pour le cycle d'orientation, qui ne parvient déjà pas à faire ce qu'il devrait, un renforcement des cours d'éducation citoyenne, et pour le secondaire II, créer une introduction à la pensée politique. Louable intention, puisqu'il s'agirait d'apporter aux élèves les moyens d'entrer dans le débat politique et de les inscrire au mieux dans la démocratie directe. Or dans le cas du CO, ce cours est déjà donné ! On peut certes le renforcer, mais qualitativement seulement. Parce que si on devait ajouter une heure à la grille horaire, il faudrait alors enlever cette même heure à une autre discipline, ladite grille n'étant pas extensible. Une guerre des branches s'ensuivrait, alors qu'il est aisé d'insister sur les enjeux et les prises de position dans le cadre d'autres disciplines ou à des moments clefs des votations. Comme je l'ai dit tout à l'heure, certaines classes organisent parfois de tels débats fictifs, d'autant que le site suisse easyvote.ch est une aide pour ceux qui peinent - et je le comprends - à saisir de quoi il retourne.

Mes chers collègues, cette motion a une autre intention: augmenter le taux de participation du peuple lors des élections et des votations, et elle table sur le constat incomplet que c'est la connaissance du système politique... (Remarque.) Monsieur Deneys, je savais... Il y a un proverbe qui dit, cher Monsieur Deneys, qu'il ne faut pas mourir idiot. Vous venez de prendre votre billet pour l'immortalité ! (Rires. Applaudissements. Commentaires.) Cette motion a pour but d'augmenter le taux de participation du peuple lors des élections et des votations, et elle table sur le constat incomplet que c'est la connaissance du système politique qui augmente le désir de participer. Cependant, rares sont les citoyens qui ne votent jamais, et la pratique de l'intermittence est assez ancrée chez les jeunes. Ceci dit, il est difficile de décider si cette intermittence hétérogène est la marque d'un déficit démocratique tant l'analyse de l'abstention ne peut s'en tenir à des explications simples et à des causalités univoques. Le vote doit rester un acte libre, engageant la responsabilité d'un citoyen éclairé. Or le monde a changé, ainsi que les notions d'obligation et d'autorité. Selon le mot de Pierre Rosanvallon, on est passé, je cite, «d'une démocratie»...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Jean Romain. Je termine, Monsieur le président, parce qu'on m'a interrompu. On est passé «d'une démocratie politique "polarisée" à des formes de "démocratie civile" plus disséminées». En d'autres termes, la démocratie ne se contente plus de s'exprimer dans le vote, il y a la démocratie d'implication ou encore celle d'intervention; le vote ne les contient plus, comme par le passé, à lui tout seul. Le devoir de voter n'est pas remis en cause, il obéit simplement à un impératif moral et social moins fort qu'auparavant. C'est pourquoi, chers collègues, le PLR vous propose de refuser cette motion.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il est toujours difficile de prendre la parole après un orateur tel que Jean Romain puisqu'il a dit en substance beaucoup de choses que j'allais dire. Je vais donc peut-être en rester à quelque chose de plus trivial. Quand j'ai lu cette motion, je me suis demandé ou plutôt je me suis dit: heureusement que ce n'est pas l'UDC qui l'a déposée ! Sinon, on aurait entendu que le fascisme allait arriver, que le directivisme de droite voire d'extrême droite allait survenir, etc. Mesdames et Messieurs les députés, l'invite appelant à créer un cours d'introduction à la politique peut sembler à peu près correcte. Il est clair - et vous nous entendez souvent à ce sujet, n'est-ce pas ? - que c'est bien là un gros reproche que l'on fait ! Tous les professeurs d'université qui montrent quelque tendance à émettre de temps à autre un avis de droite sont presque cloués au pilori et souvent mis à l'index. Non, Mesdames et Messieurs, comment osez-vous proposer ceci ? Je dirais, pour finir de vous choquer - parce qu'il vaut parfois la peine de vous choquer pour vous montrer jusqu'où ça peut aller - que j'ai presque fait un tour dans la Chine ancienne, où l'empereur ordonnait, pour éviter les déviances politiques et faire en sorte que les gens ne s'attachent vraiment qu'à leur devoir, que tous ceux ayant un pouvoir soient castrés. Je me demande, si on suit votre motion, s'il ne faudrait pas castrer tous les enseignants ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Le groupe des Verts partage les préoccupations des motionnaires et souhaite que cette motion soit renvoyée à la commission de l'enseignement parce qu'il y a effectivement passablement de choses à débattre. La première question qui se pose - le député Romain l'a signalé - est la suivante: où serait récupérée l'heure dévolue à l'éducation citoyenne ? Et la seconde, qui est plus intéressante, on a d'ailleurs déjà commencé à en parler: est-ce qu'il s'agit vraiment de faire un cours spécifique ? Encore une fois, ne pourrait-on pas imaginer une approche combinée avec l'histoire et la géographie qui aurait davantage de sens et permettrait, comme ça se fait déjà actuellement, de mener des actions comme le vote en blanc ? Cela se passe dans certains collèges, et à mon sens, c'est beaucoup plus efficace en termes d'apprentissage de la démocratie. Le groupe des Verts est pour un renvoi à la commission de l'enseignement.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, quoi que vous puissiez penser du fond de cette motion, si vous êtes un tant soit peu cohérents avec ce que vous avez voté en début de soirée - vous avez en effet accepté le renvoi en commission d'une motion qui portait sur le même sujet mais ne concernait que l'Ecole de culture générale - la logique voudrait que vous renvoyiez celle-ci aussi en commission afin qu'elle soit traitée globalement. Je ne vois pas pourquoi on ne s'occuperait que de l'Ecole de culture générale et pas de l'ensemble des écoles du secondaire II. Cela dit, je rejoins le député Bugnion sur une chose, à savoir que ce n'est pas forcément un cours à part qui doit permettre de résoudre cette question. Il faut simplement s'assurer - il faut y être attentif dans la confection des programmes - qu'un certain nombre de notions soient traitées et bien acquises, notamment dans le cadre des cours d'histoire et de géographie.

Maintenant, j'aimerais rappeler que l'éducation citoyenne ne se résume pas à des cours spécifiques liés à cette discipline. Je vais vous donner un exemple, il n'y a pas besoin de chercher bien loin: ce matin, je me trouvais à la conférence de presse du lancement de CinéCivic. Entreprise au départ par la chancellerie, cette action est menée avec des jeunes - des apprentis de l'Espace entreprise et du Centre de formation professionnelle arts appliqués - et pour des jeunes. Il s'agit de réaliser de petits films ou des clips pour les inciter à voter. Cela se déroule sous forme de concours avec des prix allant jusqu'à 3000 F et aboutit à des films absolument remarquables, qui peuvent par la suite être diffusés dans les écoles. Cette opération existe depuis quelques années; eh bien, voilà un bel exemple d'une démarche citoyenne qui ne prend pas la forme d'un cours en particulier.

Au secondaire II, certains élèves participent à ce qu'on appelle le SUN, c'est-à-dire les Nations Unies pour étudiants. Là aussi, il s'agit de ce que j'estime être une activité de type citoyen, c'est-à-dire que ce sont des jeunes qui se retrouvent à l'ONU, dans un hémicycle un peu comme le nôtre, et qui ont à charge de défendre un pays qu'ils ont préalablement tiré au sort. Ils n'ont pas forcément choisi ce pays, ils doivent se mettre dans la peau d'un gouvernement et défendre les intérêts d'un Etat qui n'est pas forcément le leur. Cette activité est suivie par de nombreux élèves chaque année.

Autre exemple: il y a quelques semaines, j'ai été membre du jury d'un concours intitulé «La jeunesse débat», ouvert à tous les élèves du secondaire II. Des débats étaient organisés sur des thématiques qui pourraient parfaitement vous intéresser, telles que: «Faut-il ou non donner le droit de vote aux étrangers en Suisse ?» ou - totalement dans l'actualité - «Peut-on rire de tout ?». Ces jeunes ont débattu, et les quatre meilleurs d'entre eux ont été sélectionnés pour participer à la finale à Berne, qui aura lieu d'ici trois semaines. Aujourd'hui, il existe donc déjà énormément d'activités au sein du DIP pour promouvoir l'éducation citoyenne. Mais vous avez raison: on peut certainement faire mieux, il faut simplement coordonner les choses. Je vous invite, dans la logique de ce qui a été voté tout à l'heure, à renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement, et nous traiterons les deux textes en parallèle parce qu'il s'agit bien de la même problématique.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat, et invite l'assemblée à se prononcer sur le renvoi de cette motion en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2186 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 47 non contre 37 oui.

Mise aux voix, la proposition de motion 2186 est rejetée par 47 non contre 36 oui et 1 abstention.

M 2207
Proposition de motion de Mmes et MM. Marc Falquet, Bernhard Riedweg, Christina Meissner, François Lefort, Christo Ivanov, Patrick Lussi, Sarah Klopmann, Frédérique Perler, Lisa Mazzone, Michel Baud, Thomas Bläsi : Université de Genève : un nécessaire soutien au développement de méthodes alternatives à l'expérimentation animale
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 15, 16 et 17 mai 2014.

Débat

Le président. Nous passons à la proposition de motion 2207 et sommes en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. Marc Falquet, auteur de ce texte.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, le sujet peut sembler délicat; ce n'est pas un thème politique, mais un thème d'avenir très important pour l'évolution de la recherche en général. Le but de cette motion est de démontrer qu'il existe d'autres voies à suivre que l'expérimentation animale et que celles-ci s'avèrent déjà extrêmement prometteuses et ne demandent qu'à être développées. Mis à part l'aspect éthique - le respect des animaux - les méthodes alternatives renforcent la fiabilité de la recherche en général, c'est-à-dire la reproductibilité des résultats pour pouvoir les utiliser ensuite de manière valable, ce qui n'est pas du tout le cas du modèle animal.

Ce qui est intéressant et qu'il faut savoir, c'est qu'à Genève, trois chercheurs de l'université avaient commencé à développer des méthodes alternatives sur des tissus humains mais ont dû s'exiler de l'université parce qu'ils n'ont reçu aucun appui, aucune aide financière publique. Ils ont finalement créé une société avec des dons privés qui s'appelle Epithelix, se trouve à Plan-les-Ouates - nous l'avons visitée avec des collègues - et est aujourd'hui leader mondial dans la production d'épithéliums humains. Ses clients sont de grandes entreprises pharmaceutiques. Cette compagnie, qui a aujourd'hui dépassé le million de chiffre d'affaires, a donc dû se débrouiller toute seule, elle n'a pas du tout suscité l'intérêt des chercheurs qui travaillaient avec le modèle animal. Ce qu'il y a de plus grave encore, c'est que ça n'a pas servi de leçon à l'université: l'année dernière, un autre chercheur nommé Christophe Mas a développé un système de culture de cellules de tumeur du poumon pour la lutte contre le cancer; et là, exactement le même scénario: ça n'a pas suscité l'intérêt de l'université et ce monsieur a dû, lui aussi, s'exiler et trouver des fonds privés pour développer son modèle. Si l'université n'a pas su ou voulu reconnaître le travail d'excellence de ce chercheur, ce n'est pas le cas de la fondation Naef, qui va le récompenser cette année par un prix pour son modèle de culture cellulaire n'utilisant pas d'animaux.

Voilà déjà deux fois que l'université laisse filer des scientifiques ayant développé des méthodes d'excellence et reçu par la suite des prix internationaux. Cette motion ne demande pas la suppression du modèle animal; elle demande simplement que dans la convention d'objectifs établie entre l'Université de Genève et le Conseil d'Etat il y ait un soutien affirmé des méthodes alternatives, ce qui n'est évidemment pas le cas aujourd'hui. L'Union démocratique du centre vous suggère de renvoyer cette motion à la commission de la santé pour étudier le potentiel d'excellence représenté par les nouvelles méthodes. Je vous remercie beaucoup.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Une autre voix. C'était mieux que d'habitude !

M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le PLR est extrêmement dubitatif quant à cette proposition de motion, et c'est un euphémisme. Quelques mots d'abord s'agissant de l'invite, qui demande au Conseil d'Etat de «fixer, dans la convention d'objectifs établie entre le Conseil d'Etat et l'université, le soutien au développement de méthodes alternatives à l'expérimentation animale». Monsieur le président, vous direz à M. Falquet que cette invite est, en tout cas à mon humble avis, totalement en contradiction avec l'article 5 de la loi sur l'université, lequel garantit non seulement la liberté académique et d'enseignement mais aussi de recherche. Ce n'est pas à nous, Grand Conseil, ni au Conseil d'Etat de déterminer quels modèles de recherche les scientifiques doivent suivre. Laissons cela à l'université, laissons la recherche aux chercheurs.

Ensuite, parlons de vos considérants. Il y a là un mélange de faits et de jugements subjectifs; je vous les laisse, vous avez le droit d'avoir vos convictions. Mais quand vous écrivez que «l'utilisation du modèle animal pour la recherche médicale ne permet pas d'obtenir des résultats probants dans un grand nombre de pathologies humaines», je vous fais juste remarquer qu'il y a quatre jours... Monsieur Falquet, vous m'entendez ? (Un instant s'écoule.) Monsieur le président, pouvez-vous demander à M. Falquet de m'écouter ? (Commentaires.) Il y a quatre jours est parue dans la revue «Nature» - et cette information a été relayée par les chaînes de télévision et de radio du monde entier - la nouvelle d'une découverte fondamentale dans le domaine du HIV, à savoir une molécule qui bloque l'entrée du virus du HIV dans l'organisme. L'organisme de quoi ? De singes ! Cette découverte scientifique a été faite grâce à l'expérimentation animale. Alors s'il vous plaît ! Ces considérations sont totalement fallacieuses.

De plus, dans votre exposé des motifs, vous évoquez une critique faite de façon récurrente sur la non-reproductibilité des résultats scientifiques. Eh oui, c'est vrai qu'il y a un problème de fraude dans le monde scientifique, bien connu et mis en exergue depuis plusieurs années. Les chiffres que vous citez sont assez vrais: à peu près quatre expériences sur cinq ou six ne sont pas reproduites. Mais cela n'a rien à voir avec l'expérimentation animale, c'est un faux amalgame; cela a à voir avec des problèmes de fraude scientifique, eux-mêmes liés au phénomène qu'on appelle «publish or perish», c'est-à-dire que les chercheurs, pour pouvoir mener une carrière académique, doivent publier un maximum d'articles. L'expérimentation animale, Mesdames et Messieurs les députés...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Patrick Saudan. ...est déjà extrêmement réglementée, et elle est nécessaire pour des expériences de toxicologie. Pourquoi augmente-t-elle dans l'arc lémanique ? Parce que la recherche biomédicale augmente, et c'est très bien ainsi. M. Falquet est un porteur d'eau dans l'histoire parce que ce texte est un parfait copié-collé de la propagande des mouvements anti-vivisectionnistes. C'est pour ces raisons, des considérations fallacieuses...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Patrick Saudan. ...et un caractère tendancieux, que le PLR n'entrera pas en matière sur cette motion. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien ne votera pas cette motion ni ne la renverra en commission, pour les raisons évoquées par M. Saudan: tout d'abord, ce n'est pas au parlement de s'immiscer dans la politique de recherche de l'université. Deuxièmement, s'il est vrai qu'on peut avoir des interrogations sur la recherche animale et que, à certaines époques, il y a eu des aberrations ou des exagérations dans l'utilisation des animaux et surtout dans la souffrance qu'on pouvait leur faire endurer, aujourd'hui, c'est extrêmement surveillé dans le milieu universitaire à Genève. On ne peut pas faire tout et n'importe quoi dans la recherche animale: tous les protocoles de recherche sont repris et soumis à des commissions d'éthique. On ne peut pas faire tout et n'importe quoi ! On n'utilise quasiment plus jamais d'animaux comme des singes ou des chiens maintenant, la recherche se fait de plus en plus sur des cellules et non plus sur des animaux. Actuellement, les contrôles sont assez stricts. Le milieu scientifique a compris, il sait exactement ce qu'il doit faire; à nous de lui faire confiance. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de renvoyer cet objet à la commission de la santé pour déterminer si les choses sont faites correctement ou pas puisque l'université a déjà un protocole très précis s'agissant de la recherche animale. Je vous remercie.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Finalement, nous refaisons un peu le débat du mois passé sur une pétition sensiblement similaire. On ne peut pas toujours se contenter de se convaincre qu'on fait le moins possible souffrir les animaux et que cela suffit. On ne peut pas non plus juger de leur souffrance et se dire qu'elle est minime. Avoir bonne conscience parce qu'on euthanasie ensuite les animaux, c'est un peu léger. Pourquoi les euthanasie-t-on ? Soit parce qu'on leur a infligé des souffrances, soit parce qu'ils sont en surnombre, et cela n'est pas possible. Ce sont des animaux, des êtres qui vivent, qu'on enferme, qu'on utilise et qu'on tue alors qu'ils ressentent de la souffrance. D'ailleurs, Gandhi disait qu'on connaît le degré de civilisation d'un peuple à la manière dont il traite les animaux; autant dire qu'à l'université, c'est assez mauvais.

Il faudrait soutenir le développement des méthodes alternatives, c'est vraiment le minimum qu'on puisse faire, et c'est assez logique. La science permet aujourd'hui de créer et d'isoler des cellules ou des tissus qui nous ressemblent beaucoup plus que les souris, qui sont quand même des êtres assez éloignés de nous. Ces cellules nous ressemblent, nous appartiennent finalement, et contiennent les maladies que nous essayons de traiter. C'est là quelque chose de beaucoup plus logique et même de beaucoup plus cohérent en termes de recherche scientifique et de recherche de solutions médicales. Nos tissus, en outre, ne souffrent ni ne ressentent. La loi fédérale sur la protection des animaux encourage le développement de méthodes alternatives ou substitutives. Donc oui, ça nous concerne au Grand Conseil, nous avons la charge de faire appliquer une loi et de tout mettre en oeuvre pour cela. L'Académie suisse des sciences médicales est également favorable à ces méthodes alternatives.

La question à poser est plutôt: pourquoi ne les utilise-t-on pas déjà ? Ce n'est pas pour des raisons financières, parce que la recherche animale coûte également extrêmement cher, et j'espère que ce n'est pas pour des questions de paresse ou de conservatisme. Il est donc temps de changer les choses ! Les Verts souhaitent accepter cette motion, qui ne demande finalement pas énormément: elle invite simplement le Conseil d'Etat à fixer, dans la convention d'objectifs établie avec l'université, le soutien au développement des méthodes alternatives à l'expérimentation animale. Voilà qui est plus que simple et plus que logique, et je serais vraiment dans l'incompréhension totale si ce Grand Conseil ne souhaitait pas accepter cette motion. Les Verts vous proposent par contre de la renvoyer à la commission de l'environnement. Pourquoi ?

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Sarah Klopmann. Merci. Parce que nous parlons ici de souffrance animale et surtout de gâchis de matériel animal, si on peut dire ça ainsi - en tout cas, c'est malheureusement comme ça que c'est considéré dans les animaleries. Je vous remercie.

M. Christian Frey (S). Le groupe socialiste soutiendra cette motion... (Commentaires.) Le groupe socialiste soutiendra cette motion qui, comme vient de le dire la députée Klopmann, ne demande pas des montagnes mais propose simplement que, dans la convention d'objectifs entre le Conseil d'Etat et l'université, on inclue le soutien aux alternatives à l'expérimentation animale. En traitant récemment la pétition 1912 intitulée «Assez d'expérimentations animales financées par des fonds publics ! Pour un centre d'excellence consacré au développement de nouvelles méthodes substitutives», la commission des pétitions a eu l'occasion de se faire une idée assez précise du sujet grâce à un certain nombre d'auditions. Nous avons notamment entendu le pétitionnaire...

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. J'aimerais demander à MM. Cerutti et Sanchez... (Brouhaha.) Monsieur Sanchez ? Je vous demande de bien vouloir vous rendre à la salle Nicolas-Bogueret, merci. Vous pouvez poursuivre, Monsieur Frey.

M. Christian Frey. Merci, Monsieur le président. Le pétitionnaire nous a rendus attentifs au fait qu'à l'université, une somme d'environ 7 millions était consacrée à l'expérimentation animale tandis que seuls 300 000 F étaient investis pour l'étude de méthodes substitutives. Nous avons aussi eu l'occasion d'entendre le président de la commission cantonale - que certains appellent la commission d'éthique - qui nous a informés sur toutes les mesures prises, notamment des échelles d'évaluation de la douleur qui vont de 1 à 4 et permettent d'étudier soigneusement les souffrances qu'on inflige aux animaux. Enfin, la commission a entendu les professeurs Denis Hochstrasser et Jean-Luc Veuthey, qui ont insisté sur les progrès faits dans ce domaine et la diminution spectaculaire du nombre d'expérimentations animales. En effet, en 1983 ont eu lieu 2 millions d'expérimentations sur des animaux alors qu'on n'en comptait plus que 600 000 en 2012. On constate donc une diminution assez importante. Ces deux professeurs d'université nous ont encore rendus attentifs à une chose, c'est que si on utilise de moins en moins l'expérimentation animale dans le domaine des entreprises pharmaceutiques...

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Christian Frey. ...ça reste encore nécessaire dans le cadre de la recherche fondamentale. Ils ont cité l'exemple d'Ebola en disant qu'on ne peut pas tester un vaccin contre le virus Ebola sur des humains sans commencer par le faire d'abord sur des singes, donc ça reste une nécessité. En conclusion, s'il n'y a pas péril en la demeure, le groupe socialiste soutient tout de même...

Le président. Je vous remercie, Monsieur.

M. Christian Frey. ...le renvoi de cette motion à la commission de l'environnement car c'est une excellente chose.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Philippe Morel, qui dispose d'une minute trente.

M. Philippe Morel (HP). Merci, Monsieur le président. La préoccupation de l'expérimentation animale est parfaitement légitime et les chercheurs eux-mêmes s'en soucient. Il faut savoir qu'au cours de l'histoire, l'animal a - malheureusement, je dirais - contribué à de très nombreux progrès de la médecine, par exemple dans le domaine de la chirurgie, des maladies infectieuses ou du traitement des plaies. Une diminution sensible des expérimentations animales a été obtenue au cours des années, mais aujourd'hui encore, Swissmedic exige des expérimentations animales avant que certaines interventions chirurgicales voire l'administration de médicaments soient effectuées. Des méthodes alternatives existent, et l'Université de Genève encourage ces développements, contrairement à ce que l'on peut penser. Les publications internationales amènent à éviter la duplication de ces expérimentations, ce qui est respecté. Il existe par ailleurs maintenant des protocoles à l'échelle internationale pour l'utilisation des animaux, auxquels il est malheureusement encore nécessaire de recourir dans certains développements de la médecine. Oui, il faut diminuer l'utilisation des animaux, oui, il faut respecter les animaux, mais il faut aussi prendre en considération la nécessité de la médecine humaine. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Thomas Bläsi (UDC). Chers collègues, le sujet de l'expérimentation animale est évidemment extrêmement sensible pour chacun d'entre nous, et ceux qui sont convaincus de la nécessité absolue de l'utilisation du modèle animal dans le développement de la médecine ou des éventuels nouveaux médicaments n'en sont pas pour autant moins sensibles à la souffrance des animaux. Je comprends tout à fait la position du représentant du PLR, M. Saudan. Je comprends tout à fait ce qu'il a expliqué parce qu'ayant moi-même eu une formation scientifique, j'ai conscience que nous n'avons pas la capacité de nous passer du modèle animal à l'heure actuelle.

Or, ce n'est pas ce que demande la motion. Vous avez peut-être raison: un certain nombre de considérants, d'éléments ou d'explications de cette motion peuvent sembler maladroits. Or s'ils le sont, c'est parce que M. le député Falquet est un homme de conviction. C'est un homme de conviction, et en ce qui concerne ce domaine-là, nous n'avons peut-être pas la même approche. Mais ce que demande cette motion est très clair: il s'agit simplement d'améliorer les méthodes alternatives et de leur allouer davantage de moyens pour leur permettre de se développer. Je ne pense pas que cette motion mette en danger d'une quelconque manière les études faites à l'heure actuelle ou le modèle animal. Et s'il ne s'agissait finalement que d'un problème de perception ou d'expression ? Je suis tout à fait persuadé, Monsieur Saudan, que vous ne pouvez pas être opposé au développement des méthodes alternatives. Ce à quoi vous êtes opposé, c'est en fait la forme, les explications et les considérants. Alors ce que je propose à ce parlement, c'est de soutenir cette motion et de la renvoyer en commission en faisant abstraction d'un certain nombre d'explications pouvant paraître trop fortes ou provenant de quelqu'un qui, par trop convaincu, néglige peut-être une certaine partie de la réalité scientifique. Mais c'est justement pour cela que ce type de motion doit aller en commission de la santé, c'est pour cela qu'on doit mettre les choses à plat. Vous pouvez constater une chose: notre groupe politique ne bride pas ses membres et, en l'occurrence, nous avons laissé M. Falquet défendre sa motion de la manière dont il le souhaitait...

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Thomas Bläsi. Merci, Monsieur le président. Ce que je veux vous dire, c'est que je pense que le développement des méthodes alternatives est essentiel et que notre sensibilité à tous, qu'on soit convaincu ou pas du modèle animal, nécessite qu'on étudie cette motion. S'agissant des erreurs éventuelles, je crois que la commission sera à même de les rectifier, et nous pourrons avancer dans cette direction. Je vous demande donc avec conviction de voter cette motion. Merci beaucoup.

Le président. Monsieur Bläsi, avez-vous formellement demandé un renvoi de ce texte à la commission de la santé ?

M. Thomas Bläsi. Je suivrai ce qu'ont demandé mon collègue Falquet et les Verts: nous pouvons le renvoyer à la commission de l'environnement, ça ne me pose pas de problème. Ce qui est important, c'est que cette motion soit étudiée. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie pour cette précision, Monsieur le député. Monsieur Falquet, vous n'avez plus de temps de parole, je la cède donc à Mme Marie-Thérèse Engelberts.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président. M. le député Morel nous a extrêmement bien expliqué les considérants de cette motion qui, que ce soit par conviction ou par connaissance, se justifient tout à fait. Mais je pense quand même que, à un certain moment, notre parlement se retrouve assez limité en termes de connaissances pour comprendre l'ensemble des enjeux sous-jacents à la recherche fondamentale, par exemple dans le domaine de la médecine. Je trouve que nous avons des limites à nous fixer à nous-mêmes. Ce n'est pas seulement une question de connaissances; on parle là de la douleur animale, ce que je peux absolument comprendre. Je pense que les méthodes alternatives ou substitutives sont toujours à développer dans le domaine de la recherche fondamentale. Mais en même temps, on sait aujourd'hui que les programmes contre la douleur humaine se sont développés très tardivement parce qu'il a fallu des années et des années de recherche animale pour arriver à trouver des solutions. Nous, au MCG, préférons très nettement déposer cette résolution... cette pétition, pardon...

Une voix. C'est une motion !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...sur le bureau du Grand Conseil parce que nous pensons fondamentalement - c'est le cas de le dire - que nos commissaires n'ont pas les compétences nécessaires dans ce domaine. Ensuite, j'aimerais quand même dire que la recherche fondamentale à l'université et en relation avec les hôpitaux est très encadrée. Il faut que vous regardiez les protocoles mis en place avant de prendre en compte cette pétition, c'est-à-dire les chartes éthiques développées dans le cadre des relations université-hôpital dans le domaine de la recherche. Ça me semble... Elle est tellement succincte, cette pétition ! Son développement, tous les considérants donnés dans le cadre des interviews qui ont été faites nous montrent que c'est un peu limité et que les accusations portées...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Nous préférons que ce soit déposé sur le bureau du Grand Conseil.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Pour les deux personnes qui se sont exprimées en faveur d'un dépôt de cette motion sur le bureau du Grand Conseil, je rappelle que comme c'est bien indiqué, il s'agit d'une motion et qu'il n'est donc pas possible de la déposer sur le bureau du Grand Conseil. Soit on la renvoie en commission, soit on l'adopte, soit on la refuse. Nous allons passer au vote... (Remarque.) Non, Monsieur Falquet, vous n'avez plus de temps de parole ! ...sur la proposition de renvoi de cet objet à la commission de l'environnement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2207 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 43 non contre 39 oui et 2 abstentions.

Le président. Je vous fais maintenant voter sur la prise en considération de cette motion... (Remarque.) Oui, Madame Engelberts ?

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Excusez-moi, Monsieur le président, j'ai véritablement des problèmes avec mon...

Le président. Nous allons vérifier cela lors du prochain vote, Madame. Dans le cas présent, ça ne changera de toute façon pas le résultat.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Merci beaucoup.

Le président. J'ouvre le scrutin.

Mise aux voix, la proposition de motion 2207 est rejetée par 46 non contre 39 oui et 2 abstentions.

M 2211
Proposition de motion de Mmes et MM. Jean-Luc Forni, Anne Marie von Arx-Vernon, Jean-Marc Guinchard, Bertrand Buchs, François Lance, Béatrice Hirsch, Vincent Maitre, Olivier Cerutti, Philippe Morel, Christo Ivanov, Bernhard Riedweg : Information et orientation scolaires et professionnelles : pour une évaluation de l'offre destinée aux élèves en fin de scolarité obligatoire
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 26, 27 juin, 28 août et 9 septembre 2014.

Débat

Le président. Nous nous penchons maintenant sur la M 2211 en catégorie II, trente minutes, et je passe la parole à M. le député Jean-Luc Forni.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la présente motion vise à demander au Conseil d'Etat une évaluation des prestations d'information et d'orientation scolaires et professionnelles à l'attention des élèves arrivant en fin de scolarité obligatoire et de leurs parents. Les actions dans ce domaine sont nombreuses et émanent d'acteurs divers tels que le DIP, les écoles, l'OFPC, la Cité des métiers, l'office cantonal de l'emploi, les associations professionnelles ou de parents d'élèves. Cela semble d'autant plus judicieux lorsqu'on constate que, par rapport aux parcours variés que suivent les élèves au sortir du cycle d'orientation, 50% d'une volée échouent ou se réorientent dans les deux ans qui suivent la fin de la scolarité obligatoire. Il serait ainsi intéressant de pouvoir évaluer l'efficacité des orientations proposées en les corrélant à des indicateurs de réussite ou d'interruption des formations entreprises. Le taux de satisfaction des apprentis en quête d'orientation et de leurs parents devrait aussi faire l'objet d'une évaluation afin de pouvoir constamment améliorer la qualité de l'information et de l'accompagnement fournis.

La capacité d'une société à tout mettre en oeuvre pour que chacun trouve sa place dans le monde du travail est un facteur déterminant pour son harmonie et sa prospérité, et toutes les actions allant dans ce sens doivent être encouragées au vu des bénéfices qu'elles engendrent. L'objectif du plein emploi constitue un idéal que toutes les sociétés tendent à atteindre. Sur lui se fondent notamment les politiques menées en Suisse et à Genève en matière d'orientation scolaire et de formation professionnelle. J'aimerais citer ici l'une des conclusions du Forum interparlementaire romand, qui s'est tenu à Fribourg il y a deux semaines et avait pour thème l'orientation professionnelle des jeunes: «L'écoute et le partenariat entre économie, écoles, orientation professionnelle, parents et jeunes sont l'autre prérequis pour que formation et bonne orientation fassent baisser le chômage des jeunes à moyen et long terme.» A cet égard, il faut faire preuve de proactivité pour anticiper les besoins et répondre aux demandes de l'économie et des entreprises dans un monde en constante évolution. L'information et l'orientation scolaires et professionnelles s'inscrivent dans cette dynamique. La mission consistant à informer et à orienter les élèves est d'autant plus importante que le choix d'une voie de formation se révèle toujours plus complexe pour les jeunes. Trop de jeunes nous révèlent être désemparés face à la complexité et à la multitude des potentialités offertes par le monde du travail. Outre cela, l'évolution technologique a entraîné une diversification des métiers et l'apparition de nouvelles disciplines méconnues du grand public, voire mal connues des gestionnaires d'orientation. Ce contexte ne facilite pas la tâche des parents les plus attentifs dans le rôle d'accompagnement qui est le leur. Et je reviens sur l'une des conclusions des participants au forum que je citais tout à l'heure. Les intervenants soulignaient... Pardon: «L'écoute et le partenariat entre économie, écoles, orientation professionnelle, parents et jeunes sont l'autre prérequis pour que formation et bonne orientation fassent baisser le chômage des jeunes à moyen et long terme.»

Aux nécessités qui viennent d'être évoquées s'ajoute encore l'importance de briser les tabous et de changer les mentalités. Une participante à ce forum, la conseillère d'Etat neuchâteloise chargée de l'éducation et de la famille, disait que si la voie gymnasiale est une voie royale pour trouver un emploi, la voie professionnelle en est une impériale. En effet, aux yeux de bien des parents et d'enseignants, l'accomplissement d'une formation universitaire apparaît comme l'unique sésame permettant de réussir dans la vie. Les jeunes qui se trouvent en condition de promotion du CO au collège poursuivent souvent automatiquement leurs études avec parfois un échec à la clef alors que cela aurait pu conduire à une orientation plus profitable pour leur développement et plus économique en termes de coûts de formation. Ces données précieuses émanent de l'OFPC et sont transmises via son rapport d'activité. Au vu des éléments développés ci-dessus et considérant la nécessité de disposer d'une évaluation globale de l'action menée actuellement par les partenaires en charge de l'information et de l'orientation scolaires et professionnelles, les auteurs vous remercient, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à leur proposition de motion et de la renvoyer à la commission de l'enseignement car elle comporte beaucoup d'éléments à débattre. Je vous remercie.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Chers collègues, je serai beaucoup plus bref puisque la soirée est déjà bien avancée. Que voilà une motion qui arrive à point, chers collègues du PDC ! Le PLR sera d'accord de la renvoyer à la commission de l'enseignement. Pourquoi ? Parce qu'au sein de cette commission, vous êtes actuellement en train d'étudier en profondeur la révision de la loi sur l'instruction publique. Or certains articles concernent précisément l'information scolaire et professionnelle ainsi que l'encouragement et la promotion de l'apprentissage. Vous aurez ainsi largement l'occasion d'examiner cette problématique. Suite au séminaire de Fribourg - je remercie d'ailleurs mon collègue Forni d'y avoir participé avec quelques autres députés - nous avons constaté que d'une façon générale, le chômage des jeunes en Suisse romande était relativement plus élevé - je précise bien «relativement» - qu'en Suisse allemande. De là à dire que c'est à cause d'une orientation mal faite... Je pense qu'il vaudra la peine d'examiner ce problème en profondeur à la commission de l'enseignement.

Le deuxième élément que je voulais évoquer s'agissant de l'orientation et de l'information scolaires, c'est que la Cour des comptes, chers collègues, vient de publier un rapport sur la réforme du cycle d'orientation et en particulier sur l'information et l'orientation scolaires et professionnelles, l'IOSP, rapport qu'on peut qualifier d'accablant. La commission de contrôle de gestion est justement en train de l'examiner et Mme la présidente sera auditionnée sauf erreur lundi prochain... (Remarque.) ...ou un peu plus tard. Ce rapport est grave. En ce qui me concerne, j'ai participé à la réforme du cycle d'orientation. Or l'un des objectifs était précisément d'améliorer l'information et l'orientation professionnelles. Mais le travail n'a pas été fait, le portfolio - différentes mesures avaient été proposées - n'a pas été appliqué par les enseignants. Il s'agit donc d'un rapport accablant, et je pense qu'il va vraiment falloir prendre des mesures sévères et sérieuses pour rectifier la situation.

Je terminerai en disant que nous n'avons pas rien fait en matière d'orientation. Il y a la Cité des métiers, dont la sixième édition aura lieu cet automne, ainsi que la Cité des métiers permanente. Vous avez également dû recevoir une invitation pour les Printemps de l'apprentissage. Je ne sais pas si tout le monde l'a reçue, mais je pense que ça vaut la peine d'y participer...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Gabriel Barrillier. Il y a donc toute une série de choses qui ont été mises en oeuvre. Mais là où ça ne fonctionne pas, c'est au niveau de l'information scolaire et professionnelle et, chers collègues, il va falloir rectifier le tir. Je vous remercie.

M. Jean-Charles Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, quand on lit cette motion, excellemment présentée par le député Forni, on se dit que c'est une bonne idée. Mais quand on lit les considérants, on se dit aussi que, en général, lorsqu'on pose de bonnes questions, on a déjà de bonnes réponses: «l'emploi constitue l'élément central de l'action menée en matière d'information et d'orientation scolaires et professionnelles», «la prospérité du canton [...] dépend [...] de l'adéquation des formations suivies à l'évolution du marché du travail», «le choix d'une voie de formation [...] se révèle toujours plus complexe», «le processus lié au choix d'une formation implique différents partenaires autour du jeune, parents, enseignants, psychologues et conseillers en orientation scolaire et professionnelle», «depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le cycle d'orientation, le dispositif d'information sur les filières d'études et de formation professionnelle a été renforcé»... Ce sont des évidences ! On pourrait continuer à citer les considérants, mais je ne veux pas être trop long ce soir.

Et puis lorsqu'on lit les invites - «évaluer les prestations liées à l'orientation scolaire et professionnelle» ainsi que «les raisons qui ont conduit à une interruption ou à une réorientation» - on a l'impression que tout le travail réalisé actuellement sur ces débouchés serait le fait du prince ou serait simplement fait comme ça. Or tout ce travail d'orientation mis en oeuvre aujourd'hui - que ce soit par la Cité des métiers, l'OFPC ou les différents autres partenaires - repose déjà sur des évaluations ! On a tendance à dire qu'il y a des doublons, qu'on est redondant, et on va demander encore plus d'évaluations. Bien sûr, il est difficile de s'opposer à une plus grande finesse dans la recherche pour nos jeunes des possibilités d'accès à des débouchés. Mais il est vrai également que tout ce qui est entrepris aujourd'hui repose déjà sur une grande somme d'évaluations. Attention donc à ne pas multiplier les évaluations alors que l'excellent travail mené à l'heure actuelle en matière d'orientation - malgré ce qui a été dit, l'ensemble du travail est effectivement excellent - répond déjà à énormément d'évaluations. Nous aurions tendance à proposer de ne pas accepter cette motion, mais si vous vouliez la renvoyer en commission pour qu'on puisse démontrer tout ce qui a déjà été fait en termes d'évaluation pour l'orientation, le parti socialiste ne s'y opposerait pas, car nous sommes toujours en quête d'améliorations. Je vous remercie.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref. Une fois de plus, c'est une motion où il y a le fond et la forme. La forme, il est vrai, ne nous convient pas, il y a quelques points sur lesquels nous ne sommes pas d'accord. Mais s'agissant du fond, Mesdames et Messieurs les députés, et notamment du deuxième paragraphe de l'exposé des motifs, où l'on constate l'échec des élèves au bout de deux années, on peut dire qu'il y a quand même quelque chose de grave. Je fais volontiers cette confession: je suis de la génération de ceux qui pensaient que si nos enfants entraient en apprentissage, leur vie était foutue et qu'il fallait en tout cas qu'ils aillent au collège ou à l'université pour mériter de la considération. Je crois que les choses ont changé. Aujourd'hui, même dans la formation professionnelle, il y a de la haute valeur ajoutée, on peut arriver à de hauts niveaux comme les maîtrises, pour mentionner quelque chose qui existe toujours. Mesdames et Messieurs les députés, rien que pour cela, l'Union démocratique du centre ne critiquera pas cette motion maintenant mais demande son renvoi en commission. Je vous remercie.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Le MCG renverra cette motion à la commission de l'enseignement pour approfondir certains sujets. Pour ma part, je voudrais dire, un peu comme M. Rielle, que beaucoup de choses ont été faites. Je ne suis pas du tout d'accord avec M. le député Barrillier quand il parle par exemple d'un rapport négatif, je trouve ça extrêmement sévère. Ce que nous devons faire maintenant, nous, adultes, parents et autres, c'est considérer véritablement le monde de l'apprentissage, mais de manière beaucoup plus dynamique et constructive. Mais venir prétendre que rien n'a été fait, alors là, je suis sidérée ! S'il y a un endroit où l'on s'est investi au niveau politique, au niveau de l'information, dans le développement des capacités et des filières, c'est bien le canton de Genève. On a trop valorisé l'université à certains moments, on aurait d'ailleurs tendance à la dévaloriser maintenant pour revaloriser la formation professionnelle; laissons chaque chose à sa place, les deux méritent la même considération.

Par contre, on n'évoque pas le profil de population: ce sont des adolescents au sortir du cycle, à qui on demande, dans un monde archi-complexe, de faire des choix, de déterminer des objectifs, d'être au clair sur leur vision du monde, d'avoir un projet professionnel... Mais c'est ahurissant ! Il est évident qu'il faut un accompagnement, il est évident qu'il faut travailler avec eux et que ça tombe... (Brouhaha sur les bancs du MCG.) Je vous remercie de vous taire, Messieurs, ce serait gentil ! (Applaudissements.) Non mais c'est vrai, je ne m'entends même plus parler ! Je reprends le fil: je voulais dire qu'il est absolument fondamental de revoir l'apport des enseignants, des psychologues et des infirmières en commission de l'enseignement - peut-être y a-t-il trop de monde, et on pourra aussi déterminer qui est le plus compétent pour accompagner les jeunes dans leurs choix et leurs objectifs. Mais quand ils ont par exemple des parents qui ne s'intéressent pas trop...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...à la formation, qui sont au chômage ou autres... Je crois que je préfère prendre cette motion sous cet angle-là plutôt que de décrier tout ce qui a déjà été fait. Je vous remercie.

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Vu l'heure, je vais m'autocensurer et être le plus bref possible, même si nous sommes dans un exercice démocratique. Le groupe des Verts est tout à fait favorable au renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement. Je ferai juste une remarque pour dire qu'il serait illusoire de penser que corréler simplement la réussite des formations aux échecs ou aux réussites de ces formations à travers des indicateurs suffirait à tout expliquer.

Les échecs de formation ont plusieurs causes. La première, c'est peut-être une certaine crainte des élèves d'affronter le monde professionnel. La deuxième cause, c'est peut-être un choix par défaut ou un refus de choisir qui amène à une décision précipitée, en catastrophe. Il y a encore une différence très nette entre le monde professionnel et celui de la sortie du cycle. Voici deux chiffres pour le prouver: l'âge moyen d'entrée en apprentissage est de 18 ans, tandis que celui d'entrée en apprentissage dans les banques est de 20-21 ans. Il y a là aussi un déséquilibre entre l'offre et la demande, et il sera extrêmement intéressant de pouvoir approfondir au sein de la commission cette problématique fondamentale, qui est celle de l'avenir de nos jeunes du point de vue professionnel. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra cette motion, étant entendu qu'il ne s'agit pas ici de faire le procès de l'OFPC, loin de là: l'OFPC fait un travail considérable. Néanmoins, le chômage des jeunes est un véritable fléau et le nombre de jeunes à l'aide sociale a considérablement augmenté. Par conséquent, il y a bien sûr un effort supplémentaire à faire, et c'est pourquoi il nous semble important d'étudier cette motion et de voir dans quelle mesure nous pourrions améliorer cette situation. Je vous demande donc de réserver le même sort à cette motion en la renvoyant au Conseil d'Etat.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat partage totalement les préoccupations que vous avez exprimées ce soir. Pour ma part, je vous inviterais plutôt à nous renvoyer cette motion afin que nous puissions vous donner un certain nombre d'éléments par écrit, quitte à la retravailler ensuite en commission en fonction du rapport que nous vous rendrons. Voici quelques remarques: si vous prenez le programme de législature - je vous invite d'ailleurs à le lire - vous verrez quels sont les objectifs que nous avons fixés pour le département de l'instruction publique, de la culture et du sport. L'un des premiers objectifs que nous avons mis en place concerne justement l'orientation des jeunes qui, manifestement, ne convient pas aujourd'hui puisque pour le jeune qui fait le choix d'aller en apprentissage en entreprise à la sortie du cycle d'orientation, il s'agit quasi toujours d'un choix par défaut. L'expérience montre que le jeune essaie si possible le Collège de Genève, éventuellement l'ECG ou l'Ecole de commerce à plein temps puis, s'il échoue vraiment dans ces différentes formations, se tourne vers l'apprentissage. Nous faisons donc face à un vrai problème d'orientation. Malheureusement, ce problème n'est pas lié... (Brouhaha.) S'il vous plaît, c'est un sujet important pour l'avenir de nos jeunes ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Anne Emery-Torracinta. La question de l'orientation n'est pas liée qu'au cycle; les enseignants du cycle font ce qu'ils peuvent, mais avec les moyens du bord. Or actuellement, il y a un problème dans la grille horaire du cycle d'orientation, à savoir que la période qui s'appelle l'heure d'IOSP - information et orientation scolaire et professionnelle - est liée à ce qu'on appelle l'heure de maîtrise de classe, c'est-à-dire que l'enseignant doit à la fois traiter... (Commentaires. Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Anne Emery-Torracinta. ...des problèmes liés aux élèves qui perturbent et qu'il faudrait mettre dehors...

Le président. C'est tout à fait ça ! Pouvez-vous s'il vous plaît demander aux membres de votre groupe de faire un peu moins de bruit ?

Mme Anne Emery-Torracinta. ...et les problèmes d'orientation des élèves. (Commentaires.) Au département, nous avons le projet d'en faire une heure à part entière dans la grille horaire. Mais nous n'allons pas pouvoir changer la grille horaire dans l'immédiat parce que nous devons faire l'évaluation de l'ensemble du cycle d'orientation et qu'il y a de fortes demandes, on l'a vu, avec l'histoire, l'éducation citoyenne, le latin, l'éducation physique, etc. Mais il s'agit d'un point que nous suivons et évaluons. D'ailleurs, Monsieur Barrillier, vous aviez posé une question écrite à ce propos et je vous avais dit que nous étions en train d'évaluer la chose.

Deuxièmement, nous constatons qu'un élève sur trois qui entre aujourd'hui au Collège de Genève sortira sans maturité, et c'est un vrai problème. Cela m'amène à l'une des invites de la motion, qui demande d'évaluer les raisons ayant conduit à une interruption ou à une réorientation de la formation entreprise. Voilà un phénomène assez complexe, mais nous avons une étude du SRED à ce propos, dont nous pouvons vous citer quelques éléments: l'interruption de formation intervient rarement comme un coup de tonnerre dans un ciel serein - il peut y avoir un jour un problème à l'adolescence, mais c'est rarement cela. En général, c'est un long processus, qui commence par des échecs dès l'école primaire et se poursuit au cycle d'orientation; on fait une tentative à l'adolescence, on rate, on décroche, et voilà mille jeunes qui, chaque année, sortent du système de formation et se retrouvent au bout du compte à l'aide sociale ou au chômage.

Je pourrais vous en parler très longuement mais, vu l'heure, je crois que je vais juste mentionner une dernière chose: d'ici quelques semaines, en mars ou en avril, le département va sortir - enfin, cela doit d'abord passer au Conseil d'Etat et ce sera donc un projet du Conseil d'Etat - un plan d'action pour l'apprentissage destiné à favoriser l'apprentissage en voie duale. Ce plan est en cours de traitement et de discussion, y compris avec les milieux professionnels et les associations d'employeurs et d'employés, donc par le biais du CIF. Il y aura des mesures qui concerneront l'Etat et le secteur subventionné, d'autres qui concerneront les entreprises ainsi que des mesures de type organisationnel. Nous allons donc vous proposer des mesures très concrètes pour améliorer tout cela. Pour résumer, je vous invite à nous renvoyer cette motion, ce qui nous permettra de vous donner un certain nombre d'éléments par écrit. En fonction de ces éléments, vous jugerez s'il est nécessaire ou pas de la traiter en commission. Mais nous avons encore besoin d'un peu de temps pour vous communiquer ces éléments. Je vous invite donc à nous renvoyer cette motion.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. (Brouhaha.) Excusez-moi, pourriez-vous faire un peu moins de bruit ? Nous sommes en procédure de vote; je vous soumets donc la proposition de renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2211 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 46 non contre 37 oui et 2 abstentions.

Mise aux voix, la motion 2211 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 87 oui (unanimité des votants).

Motion 2211

Le président. Mesdames et Messieurs, nous avons traité 42 points lors de cette session... C'est évidemment un minimum, et je vous encourage à faire mieux la prochaine fois ! Je vous remercie quand même et vous souhaite un très bon week-end ! (Applaudissements.)

La séance est levée à 23h05.