République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 975-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le projet de plan directeur cantonal 2030
R 724-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de résolution du Conseil d'Etat approuvant le projet de plan directeur cantonal

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons notre point fixe. Sont à la table des rapporteurs: M. François Haldemann, rapporteur de majorité, Mme Christina Meissner, rapporteure de première minorité, M. Sandro Pistis, rapporteur de deuxième minorité, et M. Christian Dandrès, rapporteur de troisième minorité. Ce point est classé en catégorie I, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un débat libre. La parole est au rapporteur de majorité, M. François Haldemann.

M. François Haldemann (R), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Nous sommes en train de traiter la proposition de résolution du Conseil d'Etat ainsi que le rapport du Conseil d'Etat concernant le projet de plan directeur cantonal 2030. Il s'agit, vous l'avez compris, d'objets parlementaires d'une importance primordiale pour le canton, puisque cela va impacter l'aménagement du territoire pour plusieurs décennies.

Le plan directeur cantonal est un instrument de planification territoriale qui est prévu par le droit supérieur depuis 1979. Les plans directeurs cantonaux sont présentés de manière périodique au Conseil fédéral, qui doit les approuver selon l'article 11 de la LAT. Mais avant d'aller plus loin dans le débat, il n'est pas totalement inutile de s'attarder quelques instants sur la teneur de cette loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Celui qui prendra le temps de regarder cette loi fédérale verra que la toute première phrase est la suivante: «La Confédération, les cantons et les communes veillent à assurer une utilisation mesurée du sol.» Si on réfléchit quelque peu à la géographie de la Suisse et à son territoire exigu, cela paraît comme une évidence.

La deuxième réflexion que l'on peut avoir est liée à la révision partielle de la LAT qui a eu lieu en 2012, laquelle introduisait la nécessité d'optimiser la coordination entre aménagement du territoire et protection de l'environnement.

La troisième réflexion est issue des urnes par le vote populaire du 3 mars 2013 concernant encore une nouvelle révision de la LAT. Cette fois-ci, le vote du souverain reflète bien la sensibilité à contenir le mitage et le gaspillage du sol.

Mesdames et Messieurs les députés, le plan directeur 2000-2015 n'étant plus actuel, il devenait nécessaire de procéder à l'élaboration d'un nouveau plan directeur qui tienne compte premièrement de l'évolution de notre société et deuxièmement du contexte législatif, lequel est aussi en évolution.

Posons tout d'abord notre regard sur Genève. Que voyons-nous ? Genève est un canton prospère, avec des entreprises innovantes et dynamiques. Mais Genève n'a pas seulement une prospérité économique, il jouit aussi d'une notoriété particulièrement élevée pour la taille de son agglomération. Son histoire en tant que ville d'accueil et son engagement pour influer par la médiation sur les conflits de ce monde ont conféré un statut unique à Genève. Je vous rappelle que nous siégeons au-dessus de la salle de l'Alabama, dans laquelle s'est tenue une importante conférence de médiation entre les Etats-Unis et l'Angleterre. Cette prospérité et cette notoriété confèrent de facto à Genève une attractivité particulière. Et le fait est que, oui, nous devons assumer cette attractivité, qui est le fruit de son histoire et du travail de ses habitants depuis plusieurs siècles. Mais ni la prospérité ni la notoriété ne peuvent se décréter, elles sont le résultat d'un long processus qui dépasse largement le cadre strictement politique. Le cadre politique peut par contre définir s'il souhaite accompagner les besoins identifiés ou bien les déléguer aux autres. Le cadre politique peut aussi définir s'il souhaite entretenir l'acquis ou au contraire le laisser à l'abandon. Enfin, le cadre politique peut définir si Genève est au centre d'une agglomération régionale ou s'il ne l'est pas. Et nous avons la responsabilité de répondre à ces questions.

Ainsi, si nous ne sommes pas tentés par une vision romantique d'un «Heidiland-sur-Léman», il est temps de prendre des dispositions et de se doter d'un plan directeur cantonal. L'ancien plan directeur n'a pas su anticiper les besoins, notamment au niveau de l'offre de logements, devrons-nous aussi commettre ces mêmes erreurs ?

Sur le plan de la procédure, je souhaiterais aussi rappeler un certain nombre d'étapes qui ont conduit au préavis de la commission d'aménagement. Il y a d'abord eu la procédure de consultation de la première version du plan directeur cantonal en mai 2011, et il faut savoir que la CAT a aussi été consultée préalablement. Ensuite, au vu d'un certain nombre de remarques, le département de l'urbanisme - et notamment le chef du département - est allé à la rencontre de 35 communes entre juin et décembre 2012. Enfin, il y a eu l'élaboration d'une deuxième version du plan directeur cantonal, avec des fiches mieux détaillées, des grands projets qui ont remplacé les projets stratégiques de développement, et avec notamment une priorisation ainsi que, globalement, une meilleure lisibilité du projet. Et, finalement, le rapport et le projet de résolution ont été déposés le 20 février, avec la nécessité pour le Grand Conseil de traiter ces objets parlementaires avant le 20 septembre.

La commission a travaillé durant quinze séances sur ces objets, avec la présentation par les départements concernés ainsi que l'audition des communes qui en ont fait la demande. Malheureusement, une commune n'a pas pu être auditionnée, mais elle a néanmoins pu adresser un courrier à la commission, lequel apparaît d'ailleurs in extenso dans notre rapport. D'autres communes nous ont du reste envoyé un courrier sans formuler de demande d'audition, il serait donc parfaitement inique de prétendre que la procédure ne s'est pas déroulée de manière démocratique. Les députés de la commission ont pu prendre connaissance des enjeux et préaviser en toute connaissance de cause.

Sur le fond, comment parvient-on concrètement à la réalisation d'une agglomération compacte, multipolaire et verte, telle que l'appelle de ses voeux notre récente constitution ? Eh bien le département a travaillé et nous permet d'identifier des périmètres qui sont appelés à être urbanisés ou densifiés. Ces périmètres qui nous sont soumis ont été identifiés en fonction de leur cohérence en termes d'implantation proche des axes structurants et des transports publics. Vous trouverez notamment sur les fiches A01 à A05 toutes ces procédures qui précisent la méthodologie d'identification de ces périmètres. C'est donc par l'équilibre des efforts, une formule très chère à l'un de mes collègues députés, que sera possible la production de 2500 logements par année. Comment va-t-on y arriver ? Il y aura densification de la zone villas par l'augmentation de son indice de densité, en favorisant l'habitat individuel groupé. Il y aura aussi le déclassement d'une partie de la zone villas en zone à plus forte densité, comme la zone 4 ou la zone 3. Pour terminer, il y aura enfin une extension urbaine sur la zone agricole. Mais l'équilibre des efforts devra également se réaliser entre différentes communes.

De manière prioritaire, voici les dix grands projets qui ont été retenus: Praille-Acacias-Vernets, Confignon - Plan-les-Ouates, Veyrier, Bernex, Thônex, Chêne-Bourg - Chêne-Bougeries, Châtelaine, Vernier - Meyrin-Aéroport, Grand-Saconnex, ZIMEYSAVER. Puis, de manière moins prioritaire: Perly-Certoux - Bardonnex, Versoix, Pallanterie, Puplinge et Satigny.

Voilà, Monsieur le président, la première partie de mon intervention, je reprendrai la parole ultérieurement.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. La parole est à Mme Christina Meissner, rapporteure de première minorité. Je précise à l'intention des rapporteurs qu'ils ont déjà la possibilité, le cas échéant, de présenter la substantifique moelle de leurs amendements, puisqu'ils figurent tous dans les rapports. Cela nous permettra d'avancer ! Madame le rapporteur, vous avez la parole.

Mme Christina Meissner (UDC), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous me permettrez de revenir d'abord sur la forme de ce plan directeur cantonal. Il y en a eu deux versions. La première, la version de mai 2011, a été soumise à l'enquête publique ainsi qu'au préavis des communes. 31 communes sur 45 ont refusé ce premier plan. La version soumise aux députés est celle de février 2013. Tient-elle compte des remarques des communes ? Pour le savoir, il aurait fallu entendre ces dernières, or la commission ne l'a pas fait. Elle a refusé d'auditionner la société civile et a même été jusqu'à décider de ne pas auditionner les communes. Elle a préféré s'en remettre aux réponses apportées par l'Etat, agissant ainsi comme une chambre d'enregistrement de l'exécutif. Vous trouvez cela normal ? Nous pas. Pour l'UDC, ce manque de respect à l'égard des communes et des habitants est inacceptable.

Sur le fond, le plan directeur cantonal consiste en un concept et des mesures. C'est un acte majeur, car il fixe l'aménagement et donc l'orientation que nous désirons donner au développement de notre canton pour les quinze ans à venir au minimum. De l'aménagement découlent le logement, les emplois, la mobilité, bref tout ce qui influe sur notre vie. Le concept qui nous est présenté est basé sur la croissance. Il table sur l'accueil de 100 000 nouveaux habitants d'ici à 2030. Mais quoi qu'en dise M. Longchamp, ces habitants ne seront pas nos enfants. Ils sont majoritairement des Européens qui fuient la crise et d'autres qui fuient la misère du monde. Les statistiques sont implacables, voyez plutôt: en une année, il y a 5978 étrangers de plus et 153 Suisses de plus. Le plan directeur est établi par le gouvernement et ce dernier devrait d'abord répondre aux besoins de ses concitoyens. Y répond-il ? Les mesures préconisées concernent le logement, l'emploi, la mobilité. Répondent-elles aux problèmes des Genevois d'aujourd'hui ? La réponse est non, voici pourquoi.

Du logement, les Genevois en cherchent mais n'en trouvent pas. Le plan directeur préconise la construction de 50 000 logements pour héberger ces 100 000 nouveaux habitants. Mais l'idée que la construction de nouveaux logements seule puisse détendre le marché est fausse. Ce serait vrai si, parallèlement, la forte immigration économique actuelle pouvait être contrainte ou conduite, or ce n'est pas le cas, loin de là. Les logements prévus ne serviront pas à loger nos enfants, mais une population importée. De 2000 à 2010, on a construit en réalité 15 000 logements, soit 1430 par an, ce qui fait qu'en dix ans nous avons cumulé un déficit de 10 000 logements. A ce rythme, nous aurons un déficit de 30 000 logements en 2030 et donc nous n'aurons pas du tout résorbé le déficit. C'est clair, l'objectif de construire 2500 logements par année n'a jamais - jamais - été atteint à Genève, et je doute qu'on puisse y parvenir maintenant.

J'en viens à la question de l'emploi. Le canton a toujours eu plus d'emplois que d'habitants pour les occuper. Il a toujours fait appel à l'étranger pour pourvoir ces emplois surnuméraires, seulement voilà, l'appel d'air a pris les proportions d'une tempête pour les Genevois en quête d'emploi. Le nombre de frontaliers a doublé en dix ans et ils viennent toujours de plus loin. D'une part, la crise économique européenne amène toujours davantage de personnes à venir chercher du travail sur notre territoire, et donc à se loger, et d'autre part les actions volontaristes des autorités vis-à-vis de l'attrait économique de notre canton induisent une immigration qui provoque et contribue encore plus à la distorsion et à l'assèchement du marché de l'emploi et qui plus est de l'immobilier. La concurrence est de plus en plus rude et le plan directeur préconise toujours davantage d'emplois à Genève, plus qu'en France voisine; il n'y a aucune mesure contraignante et le déséquilibre va donc perdurer.

En matière de mobilité, il sied de relever que lorsque nous allons voter le plan directeur cantonal, nous allons également voter Mobilités 2030. Or Genève étouffe, nous sommes tous coincés dans les bouchons ou dans les transports publics. Avec l'augmentation de la population de 200 000 habitants qui est prévue dans la région, eh bien ce seront 350 000 déplacements supplémentaires à gérer chaque jour, auxquels il faut ajouter les déplacements liés aux emplois, aux entreprises, qui viennent aussi de l'extérieur du canton. Le plan préconise de nous faire tous monter dans les bus et les trams, les automobilistes de même que les marchandises, aujourd'hui coincés dans les bouchons. Plus 143% dans les trams, je vous laisse imaginer ! Mais le plan directeur cantonal prévoit une augmentation des trams, de Saint-Julien jusqu'à Saint-Genis, et il est évident qu'un certain nombre de trains seront aussi prévus. Le problème, c'est que ces nouvelles lignes, pour la plupart, sont planifiées pour après 2030. Et pour ce qui est du coût de ces mesures, qu'il s'agisse de la nouvelle liaison ferroviaire de l'aéroport de Cointrin en passant par l'est, du complément de trams de Saint-Genis jusqu'à Saint-Julien ou de la traversée du lac - et bizarrement pas celle de la rade - eh bien tout ce concept multimodal va nous coûter près de 12 milliards environ, parce que le chiffre n'a pas été véritablement évalué. Ajoutez-y les milliards qu'il faudra dépenser pour équiper les nouvelles zones prévues pour l'habitat sur les Cherpines et à Bernex, et nous voilà avec une dette qui prendra des proportions gigantesques. Elle se monte déjà à 30 000 F par habitant. En effet, aujourd'hui le canton n'a pas la capacité de payer les investissements autrement qu'en s'endettant. Mais quand on n'a pas les moyens, on modère ses ambitions ! Le problème, c'est que nous sommes incapables d'admettre nos limites financières et territoriales. Cette attitude est irresponsable et en aucun cas durable.

Seulement voilà, le plan directeur est un gros paquebot, un Titanic, pourrait-on dire. Une fois lancé, il est bien difficile de l'arrêter. Le capitaine Longchamp a repris la barre alors que les icebergs s'accumulaient sur la route. La commission d'aménagement a préféré lui faire confiance plutôt que de vérifier si le plan était sensé. Les passagers des ponts inférieurs, à savoir la population, n'ont rien à dire, ce sont les cent députés de ce parlement qui décideront de leur sort. Certains quittent le navire cet automne, ils n'auront donc aucun mal à voter pour un plan qu'ils n'auront pas à assumer. Foncer droit dans l'iceberg, vous trouvez cela normal ? Nous pas. Après avoir soutenu sans faille les bilatérales, sans vouloir entendre parler de mesures compensatoires, et nié l'idée de frontière, au nom du dogme du libre-échange, juste pour faire des affaires, et en laissant passer la légitime souffrance d'une partie de la population genevoise, le PDC, le PLR et les Verts acceptent les yeux fermés un plan qui ne répond pas aux besoins des habitants. Le bétonnage des terres agricoles et des zones habitées se fera au détriment des habitants qui résident là. Si vous trouvez cela normal, nous pas.

Le président. Madame le rapporteur, vous avez épuisé vos premières sept minutes, mais vous avez la possibilité d'intervenir encore deux fois.

Mme Christina Meissner. Je vous remercie ! Cette croissance non maîtrisée n'est ni durable ni soutenable, ce projet de plan directeur n'est rien d'autre qu'une fuite en avant et il ne nous fait pas envie. C'est avec le souci de défendre les besoins en logements, en emplois et en mobilité, ainsi que la qualité de vie de tous les Genevois, que l'UDC vous demande de refuser ce plan directeur cantonal. Je voudrais simplement ajouter que la position de l'UDC par rapport au plan directeur cantonal ne nous empêche absolument pas de reconnaître le travail monumental qui a été réalisé par l'administration et pour lequel l'UDC vous remercie.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Le MCG refuse de soutenir le plan directeur cantonal: ce dernier est tout simplement inacceptable, parce qu'il n'a pas été conçu pour les habitants de Genève mais pour la France voisine. C'est un plan qui est destiné en priorité aux frontaliers et à l'extérieur du canton. Ce qui est en jeu ici, ce n'est pas Genève, c'est le Grand Genève, ce Grand Genève qui est une chimère nous conduisant tout droit à l'échec. L'esprit de développement transfrontalier qui préside à ce plan crée des déséquilibres inévitables. Pourquoi ? Parce qu'il nie l'existence de la frontière entre la Suisse et la France, une frontière qui est politique, monétaire, économique et sociale. Nous avons deux systèmes tout à fait opposés et ce plan directeur n'en tient pas compte.

On relèvera également que ce plan directeur est de plus un énorme attrape-nigaud quand il nous annonce sur le papier des dizaines de milliers de logements, alors que d'importants déclassements ont été opérés et que nous attendons toujours les constructions. Cette planification à la française a montré ses limites et son échec. En matière de logements, il faut une priorité pour les Genevois afin d'éviter que nos habitants ne soient contraints de s'expatrier. Il nous faut également un développement qualitatif de notre canton pour le plein emploi et des logements pour tous, ce qui ne figure pas dans le plan directeur. Depuis l'arrivée des Verts, nous n'avons jamais vu autant de bétonnage, en particulier avec le CEVA. Comment comprendre cet acharnement à vouloir détruire la zone villas et des espaces de biodiversité privilégiés ? Au contraire, il faut sauvegarder ces zones vertes, véritable poumon de verdure des communes suburbaines.

Quant à la mobilité, nous constatons que l'on continue dans la même direction. Le trafic frontalier est outrageusement favorisé, alors qu'on empêche les résidents genevois de circuler. Nous constatons, par rapport au concept actuel des P+R, qu'il est inacceptable que les Genevois doivent toujours être des vaches à lait et qu'ils ne puissent pas utiliser ces parkings. Nous ne pouvons pas tolérer ce plan directeur cantonal qui correspond à une planification à la française, cette même planification qui a engendré les cités satellites de la banlieue parisienne, lesquelles ont créé les problèmes que l'on connaît.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter le projet de plan directeur cantonal qui nous est proposé et nous vous demandons de le refuser, en précisant que le MCG redéposera en plénière les amendements qu'il a présentés lors des travaux en commission d'aménagement.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Si je comprends bien, vos amendements sont déjà intégrés dans le rapport, Monsieur le député ? (Remarque.) La parole est maintenant à M. le rapporteur de troisième minorité Christian Dandrès.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de troisième minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Vous me permettrez de tenir un discours sensiblement différent de ceux que nous venons d'entendre de la part du MCG et de l'UDC. Pas de défense de la frontière coûte que coûte, pas de dénonciation de l'invasion rampante de frontaliers, pas d'attaques sur la politique des Verts en matière de constructions, laquelle malheureusement a été manifestement mal comprise par M. Pistis. Je serai également plus bref, puisque nos griefs sont moins nombreux et que M. Haldemann a exprimé la position qui était celle de la commission, position que, pour l'essentiel, les socialistes partagent.

Mesdames et Messieurs les députés, de manière générale, pour lutter contre la pénurie de logements, il faut mener une politique publique en faveur du logement, et cette politique publique doit marcher sur deux jambes. La première de ces jambes, c'est le plan directeur cantonal, ainsi que la mise à disposition de terrains pour construire. La seconde, qui n'est pas moins essentielle, c'est les outils de régulation du marché immobilier destinés à permettre que les constructions qui sont bâties sur les terrains déclassés servent à répondre au besoin prépondérant de la population, au besoin de la classe moyenne et des personnes à faible revenu.

Les socialistes se sont donc battus en commission pour améliorer le projet consensuel qui avait été déposé par le département de l'urbanisme. Nous avons été guidés par trois axes prioritaires: tout d'abord, permettre la mise à disposition d'un maximum de terrains pour le logement, puis veiller également à ce que les constructions se fassent de manière dense, avec en toile de fond le souvenir du désastre qui a été celui des Communaux d'Ambilly. Et le troisième axe - qui est à notre sens le point sur lequel il faut insister ce soir - c'est la nécessité pour l'Etat et les collectivités publiques de mener une politique publique du logement par le biais d'acquisitions foncières, d'un mécanisme de régulation du marché et d'un mécanisme de contrôle des prix. En effet, il ne suffit pas de construire, il faut encore qu'une priorité soit donnée au besoin de la majorité de nos concitoyens. Les socialistes ont donc déposé une douzaine d'amendements de façon à pouvoir inscrire ces trois principes dans le plan directeur cantonal. Si la plupart de ces amendements ont été refusés, nous sommes en revanche très heureux d'avoir réussi à convaincre une majorité de commissaires que tous les grands projets devraient être mis en oeuvre d'ici à 2030. Initialement, six des quinze grands projets étaient considérés comme des projets de réserve, mais la commission a été d'accord, sur l'initiative du parti socialiste, de commencer à planifier la réalisation de six de ces projets sans tarder, même si nous regrettons que le département n'ait malheureusement pas été aussi loin que ce que nous le préconisions. Donc, par le biais de ces amendements, le parti socialiste participe à la construction de logements supplémentaires, puisque cet amendement permettra de réaliser 3500 logements en sus du nombre initialement prévu.

Alors, certes, le projet de plan directeur cantonal qui nous est proposé était critiquable. Ce n'est pas le projet du parti socialiste et, si nous avions été à la place de M. Longchamp, sans doute aurions-nous rédigé quelque chose de différent. Nous avons pu constater que le projet présentait un certain déséquilibre sur l'aménagement entre la rive gauche et la rive droite et qu'il contenait également des lacunes en matière de construction de logements bon marché. Un autre point sur lequel il faut revenir, c'est l'exposé des motifs qui avait accompagné le rapport et qui compare les personnes qui disposent d'un contrat de bail ancien avec des loyers abordables à de nouveaux aristocrates. Je pense qu'on peut effectivement regretter que l'on cite Rousseau en oubliant que les loyers délirants que les nouveaux locataires sont contraints de payer ne partent pas nulle part mais dans la poche des propriétaires qui s'enrichissent grâce à cette pénurie de logements. Je trouve d'autant plus regrettable de citer Rousseau que l'auteur de l'exposé des motifs a probablement oublié que Rousseau a rédigé le «Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes», qui explique que le problème majeur de la société civile, c'est justement le contraire, soit le fait qu'une personne ait enclos un terrain et se soit avisée de dire: «Ceci est à moi» - je cite. Je pense que nos concitoyens qui sont victimes de la pénurie de logements ne méritent pas qu'on leur inflige un tel discours.

Malgré cela, les socialistes étaient disposés à accepter le projet de plan directeur cantonal. Ils ont malheureusement dû se raviser, dans la mesure où la commission a prêté une oreille attentive à trois amendements qui ont été présentés par les libéraux et qui entravent très fortement la possibilité pour les collectivités publiques de mener une politique sociale du logement. Or, comme je l'ai dit, s'il est vital de construire, il faut construire bien et il faut construire utile. Et construire utile, c'est construire pour la classe moyenne, ainsi que pour les personnes à faible revenu. Nous reviendrons donc sur ces trois amendements, et l'on peut regretter la volte-face du parti libéral, qui semble avoir d'énormes difficultés aujourd'hui, avec le départ de M. Muller, à accepter l'héritage de ce dernier, à savoir le protocole d'accord sur le logement signé en décembre 2006, lequel prévoyait un certain nombre de mesures pour mener une politique du logement social, mesures qui consistent justement à mettre la priorité à la construction de logements jusqu'à un plafond de 15%, rehaussé après l'initiative 133 de l'ASLOCA à 20%.

Afin de parvenir à un consensus, les socialistes ont décidé de ne pas redéposer l'intégralité des amendements qu'ils avaient soumis à la commission dans le cadre des travaux. En revanche, ils souhaitent que le plénum accepte sur ces trois points de revenir au statu quo ante, qui était celui qui avait été présenté par le magistrat M. Longchamp. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de troisième minorité. Nous entamons maintenant le débat et la parole est à Mme de Candolle.

Mme Beatriz de Candolle (L). Merci, Monsieur le président. En préambule, j'aimerais remercier le chef du département de l'urbanisme et tous ses collaborateurs qui nous ont accompagnés pendant les six mois d'étude de ce plan directeur cantonal 2030, les députés de la commission d'aménagement qui ont su, malgré quelques divergences, trouver pour la plupart des consensus pour le bien de notre république, ainsi que notre rapporteur de majorité, qui mieux que quiconque a livré un compte rendu fidèle de nos séances.

Ce nouveau plan directeur cantonal 2030 s'inscrit dans un cadre territorial plus large, celui du Grand Genève. La vision d'une agglomération compacte, multipolaire et verte, c'est vouloir respecter les principes de développement durable et partager. Plus précisément en matière d'urbanisation, l'approche quantitative avec notamment le principe d'un indice d'utilisation du sol comme objectif prédéfini à atteindre, principe central dans la première mouture 2012 du plan directeur cantonal, qui a reçu un accueil défavorable de la part de bon nombre de communes, est remise en question dans cette version finale du plan directeur cantonal. Il appartient aux études et en particulier à celles qui sont menées au niveau des grands projets de préciser les densités appropriées. La démarche de projet est donc dorénavant valorisée et c'est une bonne chose pour les communes concernées.

D'autre part, la notion de densification différenciée de la zone villas est fondamentale. La formalisation de ces principes au niveau de la fiche A03 est donc importante. On ne peut appliquer à toutes les zones villas de manière aveugle et uniforme le même type de développement. Le maintien de l'identité des lieux, principe également mis en avant par ce plan directeur cantonal 2030, en serait compromis. Le fait de devoir mettre en place des mesures d'accompagnement pour les propriétaires des villas sises sur les périmètres à déclasser va également dans le sens de favoriser l'acceptabilité sociale du changement. En outre, la notion de qualité urbaine intégrant le principe de respect du patrimoine paysager bâti, de mixité et de cohésion sociale est mise en avant et permet de donner envie.

Cette approche qualitative du développement est donc l'apport majeur et très appréciable de ce nouveau plan directeur cantonal. Il faudra toutefois veiller à ce que ce principe se retrouve dans les phases à venir de mise en oeuvre des projets. Mesdames et Messieurs les députés, le CEVA est en travaux et induit déjà un important développement urbain aux abords des gares. Il faut rester très attentif afin d'accorder finement les décisions prises en matière d'urbanisation avec celles qui relèvent de la gestion de la mobilité, tout en préservant les qualités environnementales des lieux concernés. La qualité de vie prônée est en question. Aussi, préserver l'attractivité économique de la ville centre, coeur de l'agglomération, moins démographique, mais également génératrice de flux importants, reste un défi. Un réel désengorgement au niveau des pénétrantes nécessite des changements conséquents d'habitudes modales, une meilleure complémentarité des modes de transport et la mise en oeuvre de mesures importantes au niveau de la mobilité. En parallèle, la recherche de réels mécanismes concertés de production de logements à l'échelle régionale doit se poursuivre.

Je ne peux terminer mon intervention sans aborder la préoccupation légitime des communes, soit les investissements extrêmement lourds qu'induit toute urbanisation. Cette préoccupation a été entendue par les députés mais aussi par le Conseil d'Etat. Les questions du financement des équipements publics pour les communes qui contribuent au développement territorial ainsi qu'une nouvelle péréquation feront partie des grands chantiers du début de la nouvelle législature.

Chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe libéral acceptera comme un seul homme, comme une seule femme, ce plan directeur cantonal 2030. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Tout d'abord, laissez-moi vous remercier, Monsieur le président, d'avoir fait voter préalablement cette demande d'urgence qui vous avait échappé, mais je ne vous en tiens pas rigueur, car c'est vrai qu'il y avait eu un peu de confusion. (Exclamations.) Donc je vous remercie d'avoir rectifié cette erreur comme je vous l'avais demandé.

En ce qui concerne le plan directeur, Mesdames et Messieurs, nous sommes là confrontés à deux idéologies qui s'opposent depuis bien trop longtemps. L'une est de droite et vise à construire et à avoir des prix de loyer élevés, tandis que l'autre est de gauche et vise à avoir les prix les plus bas possibles, voire subventionnés par l'Etat. Eh bien laissez-moi vous dire, Mesdames et Messieurs, qu'entre ces deux variantes il en existe une troisième, qui pourrait faire le bonheur de nos concitoyens: c'est une gestion non spéculative du marché de l'immobilier, et ça existe. Ça existe, et j'invite M. le conseiller d'Etat à regarder quelques fondations de droit public, notamment celle d'Onex qui s'appelle la FIVO - la Fondation immobilière de la Ville d'Onex - où j'ai le plaisir de siéger avec mes deux collègues magistrates à Onex. Et laissez-moi vous dire que cette Fondation immobilière de la Ville d'Onex - qui ne touche pas de subventions, entendons-nous bien - arrive à proposer aujourd'hui, sur les immeubles existants, un prix d'environ 3600 F par année la pièce, soit environ 14 400 F par année pour un quatre-pièces, c'est-à-dire 1350 F par mois. Et pour ce qui est des immeubles neufs, Mesdames et Messieurs, c'est 4000 F la pièce, c'est-à-dire 16 000 F pour un quatre-pièces par année, ou autrement, si on rapporte ce chiffre à un douzième, environ 1470 F par mois, pour un quatre-pièces. Alors il est évident que quand j'énonce ces chiffres, Mesdames et Messieurs, ça fait rêver tous les Genevois, qui aujourd'hui ne trouvent plus le moindre quatre-pièces à moins de 2500 F !

Je vous le dis, Mesdames et Messieurs, on a un problème à régler dans cette république, et il vous appartient, à vous citoyens de la République et canton de Genève, de ne pas vous tromper lorsque vous irez voter. (Exclamations.) Je vous le dis, le système qui préside actuellement aux destinées du canton de Genève depuis bien trop longtemps est un système dépassé. Aujourd'hui, nous pouvons réaliser des constructions en neuf à des prix qui sont tout à fait abordables pour le niveau de vie de ceux qui ne gagnent pas des sommes astronomiques par mois.

Mais il y a aussi d'autres problèmes dans ces plans directeurs, au niveau de certaines communes. Je ne vais pas parler que de ma commune, mais aussi de la commune voisine, c'est-à-dire Bernex, et ce n'est pas mon collègue magistrat qui est également candidat au Conseil d'Etat qui va me contredire. Les charges qui pèsent sur les communes, eh bien c'est un frein à la construction ! En effet, ce que vous ne savez peut-être pas, Mesdames et Messieurs, c'est que quand une commune accepte, sous la pression du canton, de construire 2000 ou 3000 logements, elle va aussi devoir financer les écoles, les crèches et les infrastructures publiques ! Et cela sur les impôts de la commune ! Or le gap entre l'installation, la récupération de l'assiette fiscale et les investissements fait qu'il y a des communes qui sont quasiment au bord de la faillite, parce qu'elles n'arrivent plus à suivre ce développement qui est voulu et imposé par le canton. Alors le logement est-il seulement de la responsabilité des communes ? Moi je vous le demande. Bien sûr que non ! On nous dit dans la loi que c'est la responsabilité du canton, or j'ai toujours appris que celui qui est responsable paie ! Alors il faudrait aussi que ce gouvernement - et surtout le prochain - se pose la question de savoir comment donner un coup de main aux communes pour les infrastructures, ce qui créerait beaucoup moins d'oppositions concernant les constructions.

J'en viens ensuite, Mesdames et Messieurs, aux villas, aux zones villas. Il faut assurer une mixité dans une commune. Personne ne veut des quartiers comme ceux de Villeurbanne dans la ville de Lyon. La mixité, c'est d'avoir des logements à haute densité, à moyenne densité et à faible densité. C'est ce qui fait l'esprit helvétique, l'esprit genevois d'une cohérence où il fait bon vivre dans des communes. Ça, c'est une action responsable, mais je ne l'ai pas vue, en tout cas en l'état, dans ce plan directeur. Alors il est vrai, Mesdames et Messieurs, que le conseiller d'Etat qui a précédé M. Longchamp n'a pas fait exactement ce que la population voulait. Peut-être a-t-il fait ce que certains lobbies désiraient ! M. Longchamp a aujourd'hui repris ce dossier, mais de grâce, Monsieur le conseiller d'Etat, ne vous trompez pas: l'objectif final est de construire des logements et pas de servir ou de s'asservir à certains puissants lobbies de la République et canton de Genève. Je vous le dis, la Fondation immobilière de la Ville d'Onex, sur des bâtiments neufs que nous construisons maintenant, arrive à faire des pièces à 4000 F par année, alors je ne comprendrais pas pourquoi le secteur privé n'y parviendrait pas, alors que nous avons des taux de rendement et que la Fondation immobilière de la Ville d'Onex constitue des réserves et arrive à moderniser son parc et surtout à faire de nouvelles acquisitions. Ça veut dire que c'est possible ! Alors rappelez-vous qu'il y a une troisième voie entre le bloc de gauche et celui de droite, et cette voie, pour l'instant et jusqu'à preuve du contraire, s'appelle le Mouvement Citoyens Genevois !

M. Bernhard Riedweg (UDC). Le développement urbain du canton est marqué par la difficulté de construire des logements, alors que la croissance démographique se maintient à un rythme soutenu. La conséquence en est une augmentation des loyers et des prix de l'immobilier, ce qui incite la population à émigrer dans un autre canton ou en France voisine, ce qui à son tour engendre des pertes fiscales et le développement du trafic pendulaire. Il faut être conscient que le déséquilibre entre le nombre d'emplois et le nombre de logements ne cesse d'amplifier nos capacités de transport et que toutes nos infrastructures d'accueil sont saturées. La forte immigration due à la crise en Europe entretiendra encore longtemps le manque de logements. La mise à disposition de terrains constructibles est encore défaillante pour répondre à la volonté des actifs genevois de devenir propriétaires sur leur territoire cantonal. La situation fiscale et des transports s'en trouve fortement péjorée, tout comme l'économie locale, puisque l'on consomme là où on habite. Il s'agit donc de parvenir à la mise en oeuvre de projets de mutation et d'extension urbaine. Seule la construction en suffisance de nouveaux logements sur l'ensemble du territoire cantonal peut, à terme, réduire la pression constante sur le niveau de vie des familles. Il est à relever que la zone agricole devra être amputée de 300 hectares pour prévenir l'étalement urbain et il faudra bien envisager de densifier des périmètres urbains situés à seulement quelques mètres d'un arrêt de tram ou de bus.

Le point faible, dans le plan directeur cantonal 2030 susceptible de répondre aux défis majeurs du développement territorial, c'est qu'il ne répond pas à notre avis à la coordination entre l'urbanisation - soit la densification - et la mobilité. Genève sera incapable de loger ses propres enfants. Il y a actuellement 100 000 Genevois âgés de moins de 20 ans, et d'ici quinze ans au maximum il faudra bien les loger, c'est donc à eux que nous devons penser aujourd'hui. L'objectif du plan directeur cantonal est de construire 50 000 logements entre 2010 et 2030, soit 2500 logements par année, cela a été dit, alors qu'entre 2000 et 2010 on a construit 15 000 logements, soit 1430 par an. Selon nos calculs, les logements prévus ne serviront pas à loger nos enfants mais tout au plus la population qui vient d'ailleurs. Merci, Monsieur le président, je reviendrai à la charge tout à l'heure.

M. David Amsler (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord, au début de cette intervention, remercier chaleureusement M. François Haldemann pour tout le travail fourni cet été. Nous n'aurons pas besoin de faire son éloge lors de la prochaine séance, qui sera aussi sa dernière séance, car je pense que c'était une bonne occasion de le faire ce soir. Merci, François ! (Applaudissements.)

J'aimerais également remercier un autre François, M. François Longchamp, président du département de l'urbanisme, pour tout le travail de concertation qui a été mené entre les deux versions du plan directeur. D'ailleurs, au contraire de ce qu'a dit Mme Meissner tout à l'heure, nous avons reçu un tableau récapitulatif complet de tous les amendements et modifications qui ont été effectués entre les deux versions du plan directeur. Donc en tout cas de notre côté, nous avons reçu toutes les informations nécessaires, et la plupart des communes ont adhéré à cette deuxième version du plan directeur. Cela me permet aussi de lui lancer un petit message pour qu'elle voie peut-être avec les membres de son parti - notamment M. Riedweg - s'ils sont tout à fait sur la même longueur d'onde par rapport au développement du canton et à la construction de logements sur notre territoire.

J'aimerais vous dire encore que cette révision du plan directeur a été initiée par une proposition de motion libérale de M. Aumeunier en 2007 déjà. Il a donc fallu cinq ans au canton pour réviser ce document important, et je souhaite ici également remercier chaleureusement tous les membres du département de l'urbanisme qui ont travaillé d'arrache-pied, non seulement pour produire le document, mais aussi pour répondre à toutes les questions posées et tous les amendements formulés dans le cadre des travaux de notre commission.

Ce soir, nous avons presque l'obligation d'accepter ce plan directeur: il serait en effet un peu malvenu de le refuser, puisqu'il doit être déposé à Berne. Ce serait donc une genevoiserie de plus que de déposer un plan directeur à Berne avec un préavis défavorable de notre Grand Conseil. Je pense que ce serait extrêmement malvenu, c'est pourquoi, comme la plupart des partis gouvernementaux, nous allons aujourd'hui accepter ce plan directeur.

Nous sommes maintenant en fin de législature, et avoir une approche globale de notre agglomération est bienvenu. Cela nous a permis de poser beaucoup de questions et de mener une réflexion globale sur une agglomération de bientôt un million d'habitants, et aujourd'hui je crois que nous devons nous rendre compte que notre agglomération change d'échelle et que nous devons forcément nous demander ce dont nous avons besoin, ce dont une agglomération d'un million d'habitants a besoin. Et pour tous ceux qui pensent qu'une agglomération ne doit pas grandir, eh bien plusieurs personnes ont toujours mis en évidence le fait qu'une agglomération qui ne croît pas est une agglomération qui se meurt.

Les améliorations devront avoir lieu dans pratiquement tous les secteurs: l'enseignement, la culture, les loisirs - on reproche souvent à Genève d'être moins attractive que notre voisin vaudois, en tout cas pour les nuits estudiantines - et les transports, bien sûr. Au niveau des transports, nous pensons qu'il y a un énorme potentiel d'amélioration, du reste vous avez tous vu dans la presse récemment que le professeur Kaufmann de l'EPFL a mis en évidence l'évolution de notre mobilité sur notre canton par rapport aux autres villes de Suisse. Eh bien dans son analyse, il a souligné le potentiel d'amélioration au niveau de notre canton, avec une prérogative importante - et peut-être qu'on pourrait aussi engager la prochaine législature dans cet état d'esprit - c'est que tout le monde y mette du sien. Aujourd'hui, on a l'impression qu'il y a un terrain d'entente possible pour développer aussi bien les transports publics que les transports individuels, et le PLR soutiendra fermement les projets qui permettent le libre choix du mode de transport ainsi qu'un développement harmonieux de la mobilité dans notre canton.

J'ai encore deux petits messages. S'agissant d'initier des projets structurants, nous pensons qu'à Genève nous ne sommes pas les champions pour amener à Berne des projets qui sont légitimés du point de vue de la population. Tous nos projets ont un peu de la peine à passer la rampe à Berne, donc si nous arrivons à nous mettre d'accord sur des projets de traversée du lac, des projets d'extension de la gare ou de l'aéroport, des projets de ports, des projets de plages, des projets d'écoles ou encore de parkings, nous sommes certains que, au niveau de la Berne fédérale, nous changerons un peu la perception des projets qui arrivent de notre canton. Donc le souhait qu'on peut formuler aussi pour la prochaine législature, c'est d'initier ces projets afin qu'ils soient prêts le jour où nous les présenterons aux instances supérieures.

Encore un mot sur l'ambition de ce plan directeur. Il est ambitieux, mais probablement dans une mise en oeuvre aujourd'hui trop difficile. Les 2500 logements par an ont été évoqués à plusieurs reprises, et nous demandons un peu à toutes les instances de réfléchir à des simplifications de procédures et surtout de profiter des dérogations qui sont possibles. En effet, il existe aujourd'hui de nombreuses possibilités d'accélérer les procédures, notamment en organisant des concours d'architecture qui permettent de déroger à des plans directeurs de quartier ou à des plans localisés de quartier, mais ces dérogations ne sont probablement pas assez utilisées. Et dans le cadre du PAV, qui a été évoqué récemment, il y a des projets qui pourraient être initiés très rapidement si on utilisait des dérogations qui sont à disposition de l'outil législatif.

Alors que va-t-il se passer après le vote de ce soir ? Nous demandons au département de l'urbanisme de continuer les réflexions, de faire avancer les projets actuels et, comme cela a été dit aussi tout à l'heure, de ne pas oublier les projets qui ont été mentionnés comme non prioritaires, car ces projets - on le sait - nécessiteront de nombreuses années pour être développés. Alors ce soir, nous vous donnons rendez-vous en 2023 pour le plan directeur 2040, et d'ici là nous vous engageons à soutenir massivement ce plan directeur.

M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, assurément nous allons prendre une décision importante dans quelques instants, enfin à l'issue du débat. Je voudrais moi aussi au nom du groupe démocrate-chrétien adresser mes remerciements à François Haldemann, le rapporteur de majorité, qui a résumé de manière vraiment adéquate et remarquable ces longs mois de travail. Je crois que l'essentiel est dit en deux pages, les deux premières pages de son rapport, et c'est vraiment faire preuve d'un remarquable esprit de synthèse. Je remercie également M. François Longchamp d'avoir eu le courage et l'abnégation de remettre l'ouvrage sur le métier, en associant les communes et en les consultant; c'est un travail qui a été relevé et largement apprécié. Et puis il y a son administration, bien entendu, à qui nous adressons tous nos remerciements. Enfin, il y a un troisième François qu'il faut associer dans ce travail, c'est François Lefort, le président, qui a présidé de manière juste et je dirais même presque souveraine ces longs travaux.

C'est un sujet très important, Mesdames et Messieurs. Le rapporteur de majorité a expliqué ce qu'est un plan directeur cantonal, mais j'ai malheureusement l'impression, en écoutant les rapporteurs de minorité, que malgré ces longs travaux qui ont duré de longs mois, eh bien certains d'entre eux n'ont pas encore compris ce que c'est.

On l'a entendu, et je crois qu'on peut être fier, en tout cas s'agissant de l'aménagement du territoire, de ce qui a été réalisé au cours des dernières décennies dans le canton de Genève. On a toujours ce plaisir et cette fierté de montrer de quelle manière nous avons réussi à développer notre canton, en préservant ses richesses et ses paysages, et le plan directeur cantonal que nous nous apprêtons à voter fait exactement la même chose: il est dans le même esprit, voire dans un esprit encore plus fort, et il respecte pleinement l'esprit et la lettre de la loi fédérale ainsi que de la volonté populaire qui s'est exprimée récemment encore dans les urnes. C'est donc une vision positive que ce projet de plan directeur propose, mais c'est aussi une vision respectueuse de notre patrimoine et de notre territoire.

Ce travail dure depuis 2007, et j'ai eu le plaisir de commencer à assister à ces réflexions dans le cadre du comité de pilotage du projet d'agglomération où ont été jetées les bases de ce plan véritablement régional. C'est la première fois que cela arrive, et il faut le saluer, parce qu'il s'inscrit dans un cadre vraiment cohérent, y compris avec les instruments d'aménagement français et vaudois. C'est donc un acte presque fondateur de cette région transfrontalière, ce qui explique peut-être d'ailleurs l'opposition manifestée par certains. Mais c'est un avantage, je peux vous le garantir, parce que le paysage et le territoire dans lesquels nous vivons sont les mêmes pour tous et j'ai autant de peine à les voir saccagés, comme c'est le cas malheureusement trop souvent de l'autre côté de nos frontières cantonales, qu'à les voir potentiellement abîmés ici, mais ici nous avons les instruments adéquats.

Je regrette une chose, c'est que cette discussion arrive dans cette période pour le moins agitée électoralement parlant, et je suis certain - mais je ne voudrais pas non plus faire des procès d'intention - que les propos, notamment du côté des minorités, auraient été un peu différents si nous n'étions pas dans cette période. D'ailleurs il est assez intéressant de constater que les deux députés qui ont pris la parole après leurs collègues assis à la table des rapporteurs ont évoqué des sujets totalement différents, voire contradictoires par rapport à la position des rapporteurs. C'est donc assez surprenant, disons-le comme ça.

Si on résume les différentes positions, on peut dire que le MCG considère que ce plan directeur est fait pour les frontaliers, que l'UDC estime qu'il est fait pour les étrangers et que les socialistes sont d'avis qu'il est fait pour les riches. Or il est quand même assez étonnant d'arriver à mettre en exergue ces seuls éléments qui sont par ailleurs totalement faux, alors que le projet lui-même est d'un raffinement et d'un équilibre qui sont à relever.

Bien évidemment, nous ne serons pas de cet avis-là. Nous pensons que ce projet est de qualité et qu'il fixe de bonnes bases, même si - et d'ailleurs M. Stauffer l'a évoqué, et je le cite parce que lui-même a tenté en quelque sorte un plagiat, dans la mesure où il me semble avoir entendu dans sa voix des propos que j'ai longuement tenus ici dans cette assemblée - même s'il y a encore des problèmes, mais qui devront être résolus dans la loi. Il en va d'ailleurs de même s'agissant de la position des socialistes avec cette question de l'affectation et des catégories de logements. Les lois sont là pour préciser ces affectations, et c'est du reste le cas. Donc il ne faut pas se tromper de débat: la question qui nous importe ce soir, c'est réellement d'avoir un instrument qui nous donne des lignes directrices, qui nous indique le chemin à suivre pour les prochaines années, et c'est uniquement cela. Ensuite, le Grand Conseil se prononcera chaque fois dans le cadre de lois, qu'elles soient des lois de déclassement, par exemple, ou autres.

Nous avons des nuages noirs qui s'amoncellent dans le ciel du canton, Mesdames et Messieurs; on le sait, la situation est potentiellement difficile, notamment pour le maintien de l'emploi dans le canton. Si nous ne réussissons pas, nous ne parviendrons pas dans quelque temps à réaliser une réforme fiscale de grande portée. C'est notre prospérité qui est véritablement en jeu, et ce plan directeur cantonal est un instrument fondamental de notre prospérité, c'est ainsi qu'il faut le considérer.

Les problèmes, on les connaît, c'est notamment le financement des infrastructures qui sont aujourd'hui à la charge des communes. Il faut rétablir de l'équité ainsi que de la solidarité dans ces financements-là, et il faut aider les communes qui construisent des logements à les financer et à financer les infrastructures, c'est un sujet sur lequel je n'insisterai jamais assez. Il faut en outre un urbanisme de qualité, c'est aussi quelque chose que nous devons assurer, sinon les différents projets ne seront jamais acceptés par la population. Mais tout cela va venir dans un deuxième temps. En ce qui concerne l'instant présent, le parti démocrate-chrétien prend ses responsabilités, les assume et votera ce plan directeur cantonal. (Applaudissements.)

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pour les Verts ce plan directeur cantonal prévoit l'essentiel pour le développement du canton de Genève; c'est bien la principale utilité de cet outil, car ce n'est qu'un outil pour prévoir, anticiper et donc savoir comment le territoire du canton sera aménagé, si les prévisions de croissance se réalisent, et uniquement si elles se réalisent. Et prévoir, c'est prévoir où les gens habiteront, où ils travailleront et comment ils se déplaceront.

Ce projet de plan directeur a l'avantage d'être meilleur que ses prédécesseurs, car nous avons appris du passé et nous savons que les erreurs du passé coûtent aujourd'hui à Genève. Ce qu'elles coûtent, c'est la pénurie de logements, ce sont les loyers trop élevés, c'est le mitage des zones agricoles frontalières où se déverse la population genevoise, ce sont les problèmes de mobilité; tout cela s'est produit parce que les prévisions des années 80 et 90 ont été en deçà de la réalité qui a vu croître la population de 25% en vingt ans. C'est donc un outil prévisionnel qui va guider l'aménagement et par conséquent les projets de lois qui seront soumis ici et qui concrétiseront l'aménagement dans ces quinze prochaines années.

Ce plan directeur cantonal nous sert à préparer l'avenir dans un contexte, il faut le rappeler, qui sera un contexte prévisible de pénurie d'énergie, lequel aura des conséquences non seulement sur le confort de la population, mais surtout sur les capacités financières des habitants et sur leur mobilité. Il nous sert à préparer l'avenir et à fournir enfin les logements nécessaires à la population et à ses enfants, en permettant également de garantir la cohésion de notre communauté.

Ce plan directeur est aussi un moindre mal quant à l'économie du sol, même si l'ampleur des déclassements de zones agricoles est une grande source d'inquiétude pour les Verts. Et ceux-ci feront tout pour que le sol soit optimisé par l'application de ces nouveaux indices de densité qui permettront de densifier les zones de logements et donc d'économiser la zone agricole, mais aussi la zone villas.

Ce plan directeur cantonal est également en harmonie avec le projet d'agglomération qui est maintenant dans les mains du GLCT Grand Genève, alors ce qui sera réalisé à Genève, si c'est nécessaire, le sera on l'espère en coordination et en collaboration avec ce qui se fera de l'autre côté de la frontière et dans le canton de Vaud, parce que ces régions doivent aussi partager le fardeau de la croissance, si elle se produit, ce que trop de députés ici oublient.

Il faut cependant être clair: s'il est un outil prévisionnel nécessaire, le plan directeur cantonal ne représente pas des objectifs quantitatifs à atteindre absolument, il faut le répéter ! Pour les Verts, il faut aussi bien comprendre que ce plan directeur ne se réduit pas à une feuille de route ayant simplement pour but d'héberger 100 000 habitants supplémentaires et de fournir 50 000 emplois. Les Verts espèrent que la mise en oeuvre de l'aménagement contenu dans ce plan directeur se fera aussi en concertation avec les communes et la population, de façon à résoudre également les blocages. Au parlement, nous serons attentifs à tous les projets de lois qui nourriront ce plan directeur cantonal, lequel à notre sens se préoccupe efficacement du logement pour tous et également du logement coopératif, parce que cela se trouve aussi dans le plan directeur cantonal. Du point de vue économique, il promeut une économie durable et efficiente, ce qui nous satisfait. Il organise la mobilité, en particulier la mobilité douce et les transports publics, en relation avec le logement et avec les zones d'activités.

Les Verts sont satisfaits du résultat final, même si, il faut le dire, nombre de leurs amendements destinés à retirer du plan directeur ou à redimensionner des zones qu'ils ne jugent pas prioritaires n'ont pas été acceptés en commission. Cependant, nous ne représenterons pas ici ces amendements qui nous ont été refusés en commission, parce que le débat de fond sur un document technique et complexe de 300 pages ne peut se faire ici à cent personnes, d'autant moins que la plupart de ces cent personnes n'ont pas lu ce document. (Remarque.) Oui, Monsieur Gautier, vous ne l'avez pas lu non plus !

Enfin, le déséquilibre entre l'emploi et l'habitat ainsi que le phasage de la mise en oeuvre des projets restent les principales préoccupations auxquelles les Verts seront attentifs. Nous insistons particulièrement sur la question du phasage de la mise en oeuvre des projets, qui doit absolument prendre en compte l'économie de la zone agricole.

En conclusion, les Verts accepteront ce plan directeur cantonal 2030 pour ce qu'il est et rien de plus, c'est-à-dire un bon outil de planification, dont les propositions doivent être mises en oeuvre avec raison et mesure, mais surtout aussi avec une méthode, et donc le travail le plus important commencera bien sûr par la discussion sur la méthode, comme le proposent d'ailleurs déjà les Verts dans la M 2142 pour économiser la zone agricole.

Enfin, pour conclure, il nous faut quand même détricoter un peu ce qu'on peut appeler les élucubrations de certains rapporteurs de minorité. Je parle de détricoter, parce que certains rapporteurs de minorité ont été particulièrement généreux en inventions parfaitement incroyables. Oui, il faut le dire, Mesdames et Messieurs les députés, ce plan directeur est conçu pour les Genevois et dans l'intérêt des Genevois. On ne peut accepter d'entendre que ce projet est problématique de par son concept, parce que ce projet, Mesdames et Messieurs les députés, part de la réalité, et la réalité ne laisse pas beaucoup d'autres options que celles qui sont proposées. En revanche, dans ce projet il faudra choisir les priorités. Et, oui, ce projet de plan directeur cantonal a pour but de réduire les problèmes de la population dans son ensemble. Il a pour but de répondre aux souhaits et aux besoins des habitants de ce canton, et pas seulement à ceux d'une minorité qui défend son pré carré par l'intermédiaire de deux partis.

Pour finir, j'ai entendu ce constat que l'économie du canton est surdimensionnée par rapport à sa population et à son territoire. Alors ce n'est pas une nouveauté, ça fait longtemps que ça existe, c'est la réalité...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. François Lefort. Oui, je vais conclure, avec plaisir ! C'est la réalité, c'est cette réalité-là qu'il faut améliorer, c'est notre rôle de députés, c'est notre responsabilité et c'est pour cela que les Verts voteront ce plan directeur cantonal. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais interrompre là nos travaux. Nous reprendrons à 20h30 et je passerai la parole à tous les députés qui sont encore inscrits, en laissant les quatre rapporteurs s'exprimer à la fin, de même que le conseiller d'Etat Longchamp qui est également inscrit. Il n'y aura pas de deuxième débat à proprement parler, mais je vous proposerai d'attaquer les amendements et il sera donc encore possible, pour celles et ceux qui veulent intervenir, de le faire jusqu'à la fin du débat.

Suite du débat: Session 11 (septembre 2013) - Séance 67 du 19.09.2013