République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1700-B
Rapport de la Commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Guy Mettan, Anne-Marie von Arx-Vernon, Véronique Schmied, Béatrice Hirsch Aellen, Luc Barthassat, Jacques Baudit, Mario Cavaleri, Michel Forni, François Gillet, Pascal Pétroz, Pierre-Louis Portier demandant au Conseil d'Etat d'étudier la possibilité d'accorder une allocation d'études aux familles dont les enfants doivent intégrer l'enseignement privé pour des raisons pédagogiques

Débat

Le président. Nous arrivons maintenant au point 17 de notre ordre du jour, la motion 1700-B. Rapport de majorité de Mme Esther Hartmann, rapport de minorité de notre ancien collègue François Gillet, sans doute remplacé par Mme Hirsch ! (Remarque.) Gracieusement, me souffle-t-on. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. La parole est à Mme la rapporteure de majorité Esther Hartmann.

Mme Esther Hartmann (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. La motion que nous traitons actuellement a beaucoup voyagé puisque la première fois qu'elle a été abordée ce fut en 2006. Elle a ensuite été discutée en 2007, puis rediscutée en 2010 pour enfin parvenir à un aboutissement, à une conclusion, à la fin de toutes ces pérégrinations. (Brouhaha.) Cette motion a vraiment suscité un débat que je qualifierai de hors politique, dans le sens où les avis étaient très différents... (Remarque.) ...à l'intérieur même des partis, et non en raison des différentes orientations politiques. Je tiens à le préciser aujourd'hui.

Au fond, que demande cette motion ? Elle demande que des enfants qui ont des besoins spécifiques, qui ne pourraient éventuellement pas bénéficier d'un enseignement qui satisferait leurs besoins, puissent être retirés pour être placés en école privée et bénéficier du soutien adéquat, cela grâce à une aide sous forme de déduction fiscale ou d'aide aux parents pour que cela leur soit accessible.

En 2006, les raisons de cette motion étaient peut-être encore plus marquées qu'aujourd'hui, parce qu'à l'heure actuelle l'enseignement a subi des modifications; différentes formes de contrats de prestations avec des écoles privées ont permis l'accès gratuit à des enseignements qui, à l'époque, ne l'étaient pas pour des enfants qui subissaient de lourds handicaps, que ce soit au niveau intellectuel ou comportemental. Finalement il a donc fallu recentrer l'objet de cette motion et, au fur et à mesure des débats, ce qui a été précisé c'est qu'elle concernait des enfants qui avaient des troubles légers et pas des handicaps lourds, c'est-à-dire des enfants ayant des «dys»: de la dyslexie, des dyspraxies, des dysgraphies - enfin des «dys» - donc une intelligence normale mais quelques particularités qui les empêchent de suivre une scolarité sans difficulté. Or, le DIP a aussi mis en place des mesures permettant d'accompagner ces élèves. Donc, pour ces raisons, certains députés avaient quelques doutes quant à la pertinence du maintien de cette motion. D'autres motifs ont aussi été mentionnés, comme le type d'aide qui pourrait être apporté aux parents et puis le genre d'enseignement que les écoles privées pouvaient fournir à ces enfants particuliers. On précise qu'il n'existe pas d'écoles privées qui proposent des programmes particuliers inhérents à ces troubles spécifiques... Non, je me trompe, excusez-moi, il existe une école et cette école s'est refusée à tout soutien de la part de l'Etat. Il y avait donc aussi ce doute-là. Et par rapport au soutien financier...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame la députée.

Mme Esther Hartmann. ...nous n'avons pas pu clarifier quel type d'aide serait le plus pertinent. Pour la majorité de la commission, cela a abouti à la conclusion - selon différentes argumentations - de refuser cette motion, y compris avec le dernier amendement fait par le groupe PDC pour étudier la possibilité...

Le président. Il vous faut conclure, Madame Hartmann !

Mme Esther Hartmann. Oui, je termine ! Je précise ce qui est demandé maintenant, soit d'étudier la possibilité d'accorder une aide aux familles dont les enfants doivent intégrer l'enseignement privé pour des raisons pédagogiques, et qui n'ont pas les moyens financiers d'assumer seuls leurs frais d'écolage.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Guy Mettan, qui remplace finalement notre regretté collègue François Gillet comme rapporteur de minorité. Vous avez la parole, Monsieur le rapporteur.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je salue aussi François Gillet, notre collègue qui, avant de nous quitter, a effectué ce rapport... (Brouhaha. Commentaires.) Avant de nous quitter, le Grand Conseil... (Remarque.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Guy Mettan. Il va bien, je dis qu'il nous a quittés nous, le Grand Conseil... (Exclamations.)

Le président. Ah bon !

M. Guy Mettan. ...pour rejoindre la vie civile ! (Brouhaha. Remarque.) Tout à fait, il va très bien et il vous salue ! (Rires.) Non, je tiens à le remercier parce qu'il faut peut-être se rappeler les circonstances qui ont amené à déposer cette motion qui a été déjà été débattue une fois, ici, en séance plénière, et qui pose un problème que vous avez jugé intéressant puisque vous l'avez renvoyé une deuxième fois en commission. Ce problème, c'est lequel ? C'est qu'on a affaire à une espèce de blocage idéologique par rapport aux écoles privées. Pour un certain nombre d'entre vous, on a l'impression que les écoles privées sont uniquement des écoles de riches destinées à accueillir des fils ou des filles de bonne familles qui auraient beaucoup d'argent, et qui pourraient donc se dispenser de l'école publique. Ce n'est pas du tout le cas ! En tout cas ce n'est plus du tout le cas, car il existe nombre d'écoles privées à Genève - école Montessori, école Moderne, j'en passe et parmi les meilleures - qui accueillent toute une série d'enfants de familles des classes moyennes, voire même des classes ouvrières etc., parce que ces enfants, qui ne sont pas des handicapés physiques ou psychiques lourds mais qui ont des légers handicaps... (Brouhaha.) ...ne trouvent pas la possibilité de s'épanouir dans l'école publique. Alors il est vrai - et là je rends hommage au DIP, comme je l'ai déjà fait ce matin - que le département de l'instruction publique a fait de gros efforts, que je tiens à saluer, en faveur, justement, de ces enfants qui ont des difficultés. Mais pourquoi ne pas utiliser aussi la possibilité des écoles privées, et le fait que cela permet de diversifier les approches pédagogiques ? Pourquoi une monoculture pédagogique ? Personnellement je suis un soutien ferme aux écoles publiques, je l'ai encore montré ce matin avec les HES. Mais pourquoi ne pas essayer d'exploiter cette richesse pédagogique que nous avons à Genève ? Nous avons une tradition éducative depuis Rousseau, Flournoy, Claparède et les autres, qui a donné lieu à la naissance de plusieurs écoles privées. Pourquoi ne pas en profiter, ne pas laisser les Genevois accéder à ce potentiel qui est à notre disposition, et l'utiliser sans avoir un recours exclusif et, je dirai, idéologique, à l'école publique ?

Ce qui est demandé dans cette motion, c'est vraiment peu de choses. On sait que c'est un tabou à Genève, mais il s'agit simplement de créer une ouverture, de donner un petit signe favorable et de soutien à ces familles qui en ont besoin, pour qu'elles puissent trouver le meilleur lieu pour leurs enfants. Ce n'est pas du tout une tentative pour attaquer l'école publique, pas du tout, ça n'apparaît absolument pas, d'ailleurs vous l'avez dit en expliquant l'amendement que nous avons présenté. C'est une aide spécifique à ces familles, et donc moi je ne peux que vous encourager à entrer en matière avec cette motion; son but est de soutenir aussi un enseignement et des approches pédagogiques plus diversifiées, cela sans du tout remettre en question le monopole de fait de l'école publique.

Mme Sylvia Nissim (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la catégorie d'enfants confrontés à des difficultés pédagogiques regroupe un nombre important d'élèves. Elle représente jusqu'à 3% des enfants scolarisés, en ce qui concerne uniquement les troubles «dys» - donc tout ce qui est dyslexie, dyscalculie, etc. Cette proportion de la population scolaire n'est certes pas négligeable. Pourtant, pour les Verts, le principe fondamental reste celui de favoriser le maintien dans la structure scolaire d'origine et l'intégration des enfants différents, dans la mesure du possible. Pour ceux dont l'intégration pose trop de difficultés, le DIP a justement conclu différents accords avec les écoles spécialisées, de manière à répondre à des besoins particuliers. (Brouhaha.) Nous sommes attachés au principe d'intégration de tous dans le système scolaire, quelles que soient les différences. Les Verts reconnaissent que certains manques apparaissent dans le dispositif de l'école publique, c'est vrai, nous ne le nions pas. Toutefois, des efforts importants ont été faits - cela a été mentionné par notre rapporteure de majorité - notamment au niveau des troubles «dys» et de leur prise en charge. Les moyens ne sont pas encore suffisants, c'est clair, et la formation des enseignants nécessite encore des efforts pour répondre aux attentes et aux situations particulières, notamment aux troubles «dys», contrairement aux handicaps lourds, évidents et avérés, qui ne sont pas touchés par cette motion. C'est pourquoi les Verts ont ciblé cette problématique particulière des troubles «dys» dans la motion que nous voterons d'ailleurs tout à l'heure, au point 23. Il s'agit de renforcer les mesures «dys» et d'en informer la population, ce qui avait été largement soutenu en commission.

Pour en revenir à cette motion 1700 proposée par nos collègues du PDC: si son but peut paraître louable, les solutions qu'elle propose ne sont pas adéquates. (Brouhaha.) D'abord, il nous semble que seuls les besoins des élèves doivent être pris en compte par l'Etat, et non le choix des parents. Ensuite, le coût qu'entraineraient les vérifications des motifs pour chaque demande serait sans aucun doute important; nous préférons mettre cet argent dans l'école publique. Enfin, cette motion reste floue: l'autorité de décision, les critères de détermination, l'information décisive quant à l'orientation pédagogique sont mal définis. En dehors de ces questions de définition, il reste à prouver que la prise en charge dans les secteurs privés sera forcément meilleure, ce qui n'est pas du tout garanti. En effet, certains transferts vers l'école privée se soldent par des échecs. Par ailleurs, les écoles privées ne sont absolument pas toutes d'obédience pédagogique particulière ! Il y a aussi des écoles privées qui ont des systèmes complètement classiques. Sur le fond, le groupe des Verts est favorable à toutes les adaptations susceptibles d'améliorer l'école publique plutôt que d'aller dans le sens d'un soutien accru à l'école privée. En conclusion, les Verts refuseront le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat et vous remercient de faire de même.

Mme Marie Salima Moyard (S). Le parti socialiste l'a toujours dit, cette motion est une mauvaise idée pour de nombreuses raisons, et contrairement à ce que disait M. le rapporteur de minorité, pas uniquement pour des questions idéologiques, dogmatiques, ou de vision de société.

Un premier problème, c'est que malgré deux passages en commission, les motionnaires n'ont jamais été capables de nous indiquer le vrai public concerné par la mesure préconisée. Parce que l'école publique, l'école obligatoire, a une solution pour tous les élèves auxquels on pourrait penser avec la définition un peu floue qui nous est proposée. Si l'on parle des élèves handicapés, l'enseignement spécialisé est là pour y répondre; il recourt à une pédagogie différente, avec des effectifs réduits, il propose également un enseignement individualisé, soit exactement ce qui est demandé par la motion. Cet élément a encore été renforcé par la loi sur l'intégration des mineurs handicapés ou à besoins spéciaux. Pour les élèves en difficulté d'apprentissage au sens plus large, la nouvelle loi 10176 - qui régit, par exemple, le nouveau cycle d'orientation - prévoit toute une série de mesures d'accompagnement qui sont également renforcées, qui sont également individualisées, et également en effectifs réduits. Là aussi, on répond au problème. M. Gillet avait évoqué, en commission, la question des élèves surdoués: il y a des structures actuellement, il y a des sauts d'année qui sont prévus, il y a un projet du DIP en cours avec des décloisonnements, et surtout, l'Association suisse des parents d'élèves à haut potentiel est pour un maintien en classe ordinaire ! Donc bon, peut-être que les principaux intéressés, les élèves et leurs parents, savent mieux ce qu'ils souhaitent faire. Enfin, pour les élèves «dys» - dyscalculiques, dyspraxiques, dyslexiques, etc. - là aussi, une prise en charge adéquate est mise en place par l'école publique. Pour les élèves qui ont des problèmes de déficit d'attention, il y a une prise en charge également. Donc finalement, de quels élèves parlons-nous ? Après deux passages en commission, personne n'a jamais pu répondre à cette question.

Ensuite il y a des problèmes de système: d'habitude, quand on subventionne - parce que c'est bien de ça qu'il s'agit - on subventionne le mandataire. Et on ne subventionne pas le bénéficiaire de la prestation. En outre, il y a un problème de contrôle ! Celui-là même qu'il faudra que le DIP, et son état-major jugé si pléthorique, accomplisse. Il faudra éviter les risques d'arbitraire, il faudra savoir de quel parent, de quel élève, de quelle institution et de quel contrôle on parle. Et puis bien sûr, pour le groupe socialiste - mais ce n'est qu'un des éléments - il y a la question du principe. Car donner des allocations aux parents d'enfants en école privée, c'est priver d'autant de moyens l'école publique, particulièrement avec la majorité qui règne dans ce parlement aujourd'hui. Ce n'est pas la vision qui a été choisie par la majorité de la commission. Et le parti socialiste s'en réjouit.

Enfin, une subvention c'est aussi un encouragement à ne pas trouver de solutions à l'interne de l'école publique ! Et c'est une véritable erreur de philosophie à notre sens; la seule complémentarité qui doit exister c'est celle entre l'enseignement spécialisé et l'enseignement ordinaire. L'école publique doit avoir une solution pour l'ensemble des élèves et ne peut pas décider - c'est contraire à nos principes - qu'elle laisse simplement certains d'entre eux sur le carreau. Ce n'est pas la vision du parti socialiste, et ce n'est pas non plus la vision de la majorité de la commission. C'est pour cela qu'au nom de mon groupe je vous propose de suivre le rapport de majorité. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC n'est pas favorable à cette motion pour plusieurs raisons. Tout d'abord, sur la demande en elle-même, il nous est apparu que la mettre en place serait beaucoup trop difficile puisqu'il faudrait tenir compte d'un certain nombre de critères, savoir quel enfant est véritablement visé, et ensuite établir les montants d'allocation. En fait, ce serait créer une énorme machinerie pour résoudre le problème, et la solution de l'allocation nous a donc semblé ne pas être adéquate.

J'ouvre une parenthèse sur le rapport en lui-même: je m'en suis entretenu avec la rapporteuse de majorité... (Brouhaha.) ...la position de l'UDC qui est relatée dans le rapport n'est malheureusement pas la bonne. Je ne sais pas pourquoi mais Mme Hartmann s'est trompée, et en fait ce que j'ai rapporté en commission a été tourné à la négative dans le rapport ! Donc si vous voulez rectifier, il faut reprendre la même phrase mais à la forme positive. Cela étant dit, l'UDC, en fin de compte, n'est pas pour ce qui est proposé - c'est-à-dire verser une allocation pour les élèves - parce que nous, nous requérons le libre choix de l'école pour les enfants. Ce que nous prônons, et ce que nous avons toujours demandé, c'est que les parents - et les enfants, si possible - qui font le choix d'aller en institution privée puissent bénéficier non pas d'une allocation, mais d'une déduction fiscale. Parce que sans que cela soit pour des raisons pédagogiques, les parents qui font le choix de mettre leurs enfants à l'école privée en font, d'une certaine manière, bénéficier l'Etat ! Au travers de nos impôts nous payons pour l'école publique, mais si nous mettons nos enfants en école privée nous payons doublement ! A la fois nos impôts et à la fois l'écolage. C'est pour cela que nous, nous serions favorables à l'introduction d'une déduction fiscale et non pas d'une allocation.

La dernière chose que j'aimerais relever, c'est que dans le système actuel que nous connaissons, il y a énormément de choses qui sont faites, heureusement - et je le salue - par le département, comme par exemple les classes ouvertes de l'OMP, l'office médico-pédagogique. Un enfant qui a un problème particulier peut être dirigé dans ces classes avec une prise en charge complète et avec la possibilité, si cela est possible, de réintégrer par la suite l'école normale avec un suivi médico-pédagogique. C'est pour cela que, clairement, nous refusons la motion telle qu'elle a été formulée.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je suis vraiment abasourdi par ce que je viens d'entendre. (Remarque.) Je vous indique simplement qu'au vote final le groupe UDC s'est abstenu sur une proposition d'amendement général de cette motion, amendement que je lis: «à étudier la possibilité d'accorder une aide aux familles dont les enfants doivent intégrer l'enseignement privé pour des raisons pédagogiques et qui n'ont pas les moyens financiers d'assumer seules les frais d'écolage.» Cet amendement a été approuvé par 7 pour, donc 1 Vert, 2 PDC, 2 libéraux et 2 MCG, l'UDC s'étant abstenue. (Remarque.) Alors après tous ces aller-retour sur cette motion... Une motion, c'est justement pour donner du travail au Conseil d'Etat, pour qu'il étudie, justement, une possibilité ! Mme Moyard nous fait l'inventaire de tout ce qui a été mis en place, la rapporteure de majorité a également bien expliqué ce qui avait été fait; on veut toujours tout finaliser en commission, alors que c'est une motion qui demande d'étudier une question. (Commentaires.) Et cette question a été amendée et approuvée par la majorité de cette commission ! Juste après on a le vote final sur cet amendement, et on n'a plus que le MCG et le PDC qui soutiennent la motion. Allez-y comprendre quelque chose. (Brouhaha.) Moi j'ai une impression, c'est qu'on n'a pas envie de faire travailler notre Conseil d'Etat sur des motions qui paraissent être intelligentes et qui peuvent nous apporter des solutions, comme vient de le dire le PDC par son rapporteur.

M. Mauro Poggia (MCG). Comme l'a dit notre collègue Girardet, effectivement il y a quelque chose d'absurde dans la position de certains dans ce parlement. Je dirai presque qu'il s'agit... (Remarque.) ... de la mise en évidence de la paresse au pouvoir: ce matin, on nous disait qu'accorder des dérogations aux enfants qui ont quatre ans durant le mois d'août était quelque chose de compliqué, parce qu'il fallait examiner les cas particuliers. Maintenant on nous dit que distinguer les enfants qui doivent intégrer l'école privée pour des besoins pédagogiques est compliqué, encore une fois ! Alors je veux bien que l'on préserve le travail de nos fonctionnaires et de notre conseiller d'Etat, mais il y a des limites à ne pas dépasser. Je pense qu'il y a des personnes qui sont à des postes de l'Etat précisément pour y travailler ! Et travailler, cela veut dire faire exactement ce que veut notre population, les citoyens du canton de Genève. Et venir dire que le département de l'instruction publique et que notre enseignement public sont omniscients constitue soit une méconnaissance du problème, soit un argument malhonnête. Il faut véritablement voir comment ça se passe sur le terrain pour se rendre compte qu'il y a des enfants qui, manifestement, ne peuvent pas être pris en charge par l'école publique... (Brouhaha.) ...ou qui sont mis sur des voies de garage ! Alors si c'est ça prendre en charge nos enfants, je dis non ! Et le MCG dit non ! Il y a visiblement des situations qui méritent le placement d'enfants dans des écoles privées, et il faut, pour ces enfants-là, que l'Etat assume ses responsabilités s'il ne peut pas le faire par le biais de l'instruction publique ! (Brouhaha.) Alors nous avions initialement soutenu une motion qui parlait d'allocations d'études, nous parlons maintenant d'aide; je dis donc à l'UDC, qui semble mal lire les textes, que ce qui est proposé entre précisément dans ce que comprend le terme d'aide - je répète qu'avant il s'agissait d'une allocation d'étude - et que l'aide dont il est question dans cette motion peut parfaitement s'exprimer par une déduction fiscale des écolages pour ces écoles privées lorsque l'école publique ne peut pas faire face au problème ! Nous demandons au Conseil d'Etat d'étudier la question, et on nous répond que c'est compliqué ! Mais où va-t-on ? Où va-t-on si systématiquement, chaque fois qu'un sujet est compliqué, on le met de côté et on passe au suivant ? Où va notre république, je vous le demande. Alors je vous prie instamment de soutenir cette motion qui est l'expression du bon sens; il s'agit, lorsqu'il y a des problèmes pédagogiques qui ne peuvent pas être pris en charge par l'école publique, et lorsque les parents - double condition - n'ont pas les moyens financiers d'assumer l'écolage dans une école privée pour faire face à ces problèmes...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Mauro Poggia. ...d'assumer nos responsabilités - j'ai terminé, Monsieur le président - et d'accorder cette aide sous la forme que voudra bien nous proposer notre Conseil d'Etat en travaillant, désolé de le lui demander.

Des voix. Bravo !

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Non, cette motion n'avait pas pour but de donner un libre choix entre le public et le privé; l'objectif de cette motion était de démontrer la complémentarité entre les deux systèmes. Mme Moyard dit que le PDC n'a pas été capable de dire à quel public s'adressait cette motion. Elle a répondu avec bon nombre de listes d'élèves qui auraient pu bénéficier d'enseignement dans le privé. Certes, le département et l'enseignement public ont pu répondre aux élèves souffrant de pathologies dites «dys». Par contre, concernant les élèves à haut potentiel, Mme Moyard a fait référence à des propositions comme le saut d'année: ça fait un tout petit peu sourire d'entendre le parti socialiste - et une enseignante par ailleurs - parler de ces mesures pour ces élèves-là. Lors du premier débat sur cette motion, le conseiller d'Etat avait d'ailleurs dit que l'école publique devait pouvoir s'adapter à chaque élève. Malheureusement, force est de constater que ce n'est pas toujours possible; je pense que beaucoup d'entre nous ont eu affaire à des enseignants, au cours du parcours scolaire parfois un peu chaotique de certains enfants, qui leur ont dit, à un moment donné, qu'il aurait fallu pouvoir les placer en école privée. Il ne s'agit pas de définitivement les mettre en école privée; il peut s'agir... (Brouhaha.) ...à un moment précis, ponctuellement, pour des élèves qui rencontrent des problèmes pédagogiques ou pour des élèves à haut potentiel, de pouvoir intégrer une structure mieux adaptée à leurs difficultés. L'école publique est un gros bateau, et c'est parfois très difficile de s'adapter à chaque élève individuellement. Je trouve juste regrettable que pour des raisons - malgré ce qui a été dit auparavant - souvent idéologiques que sur le fond je partage... L'intégration dans un système public devrait pouvoir se faire pour chaque enfant, mais force est de constater que ça n'est pas toujours possible. Et je trouve dommage que certains enfants soient laissés sur le carreau en raison du fait des problèmes budgétaires des parents, qui n'ont pas les moyens de leur faire intégrer une structure plus adaptée. Je trouverais donc simplement intéressant de demander au Conseil d'Etat, comme ça a été dit par M. Jean-François Girardet, d'étudier cette proposition et d'avoir une réponse concernant cette possibilité qu'on pourrait donner à ces enfants.

Le président. Merci, Madame la députée. Pour trente secondes, la parole est à Mme la députée Emery-Torracinta.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président, cela suffira. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez combien la cause des enfants qui ont des besoins particuliers, notamment des enfants handicapés, me tient à coeur, puisque je préside une association de parents. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Et ce pour quoi je me bats tous les jours dans mon association, c'est pour que l'école publique - publique ! - réponde aux besoins de ces enfants; c'est pour que nous, ici, nous votions les budgets qui permettent l'intégration ! Vous savez qu'aujourd'hui il y a des élèves handicapés qui, effectivement, ne sont pas intégrés à l'école ordinaire, tout simplement parce qu'on n'a pas assez de mesures d'appui à leur proposer. Alors ce que j'ai envie de vous dire, le message que j'aimerais faire passer, c'est refusons cette motion, mais donnons-nous les moyens, ensemble, d'accorder à l'école publique ce qui permettra d'intégrer tous les enfants, quelles que soient leurs difficultés.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est pour vingt secondes à M. le député Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Juste un détail: quand on lit «aux familles dont les enfants doivent intégrer...» Pourquoi «doivent» ? Il n'y a aucune obligation d'intégrer une école privée ! (Brouhaha.) Cela résulte aussi d'un choix personnel des parents, puisque, comme je l'ai dit et je le rappelle, l'école publique, lorsque les enfants ont des problèmes pédagogiques... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...intègre ces enfants dans les classes de l'office...

Le président. Monsieur le député, vingt secondes, c'est court !

M. Stéphane Florey. ...médico-pédagogique. Donc on voit que certaines choses sont en place, et juste pour la petite blague, pour conclure, je suis heureux d'apprendre que le MCG lit les rapports de commission. Merci ! (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député indépendant Didier Bonny pour deux minutes - et je suis large !

M. Didier Bonny (HP). Merci, Monsieur le président, pour votre largesse, vous verrez que je ne vais pas avoir besoin des deux minutes ! Mesdames et Messieurs les députés, les parents, en fait, ne devraient pas faire intégrer l'enseignement privé à leur enfant, parce qu'ils le voient comme une obligation, mais bien parce que c'est un choix de leur part. L'école publique, qui se veut inclusive - et ce d'autant plus suite à la loi qui a été votée par notre Grand Conseil - doit être dotée des moyens nécessaires pour faire face aux élèves à besoins spécifiques. C'est dans ce sens que va, d'ailleurs, l'école publique ces dernières années, notamment pour les élèves «dys» pour lesquels de nombreuses mesures ont été prises, contrairement à ce que pourrait laisser entendre la motion des Verts - mais on aura l'occasion d'y revenir tout à l'heure dans l'ordre du jour. En conclusion, cette motion qui paraît partir d'une bonne intention est en fait une fausse bonne idée, et je vous invite à la refuser !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est d'abord au rapporteur de minorité, M. Mettan. Monsieur Mettan, vous allez prendre sur le temps de votre groupe. Vous avez la parole !

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de minorité ad interim. Comme rapporteur il me restait un petit peu de temps. Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste repréciser trois petites choses. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) D'abord, à l'attention de Mme Moyard qui nous a dit qu'il ne fallait pas approuver cette motion, parce qu'on ne pouvait pas soutenir directement les bénéficiaires. Mais, Madame Moyard, là vous êtes en pleine contradiction ! Il se trouve que dans les EMS nous soutenons directement les bénéficiaires, donc pourquoi ne pourrait-on pas le faire avec l'école publique ? Si on a une cohérence il faut l'avoir jusqu'au bout, et accepter que les parents d'élèves puissent aussi avoir droit aux prestations directes, comme c'est le cas pour les EMS.

Deuxième chose, Monsieur Florey, vous avez parlé du «doivent»; effectivement, pourquoi les parents qui ont des enfants ayant des difficultés doivent-ils envoyer leurs enfants en école privée ? Ils le doivent pour des raisons très simples. La première c'est que l'école est obligatoire - et c'est tant mieux - et qu'ils sont donc obligés de scolariser leurs enfants dans une école. Et s'ils doivent le faire dans le privé, c'est parce qu'ils n'ont pas trouvé, dans le public, la bonne solution ! D'où le verbe devoir dans ce cas-là. C'est par nécessité, c'est par obligation légale aussi.

Et puis j'aimerais aussi dire à l'UDC - et là je me félicite de ce qui a été exposé - qui a expliqué ne pas vouloir de cette motion mais être prêt à en accepter une autre demandant une déduction fiscale: rappelez-vous, Mesdames et Messieurs, chers collègues, que j'avais déposé une motion qui demandait exactement... (Brouhaha.) ...cela, à savoir une déduction fiscale...

Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le rapporteur !

M. Guy Mettan. ...pour les parents qui devaient mettre leurs enfants, qui voulaient mettre leurs enfants, dans le privé. Cette motion a été refusée par notre Grand Conseil, d'où la motion que nous vous proposons aujourd'hui. Il suffit de relire notre Mémorial pour le voir. Mais je suis très heureux si vous revenez à la charge avec cette motion que j'avais déposée il y a maintenant sept ans.

Le président. Voilà, merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la rapporteure de majorité. Vous avez une minute trente que vous prenez sur le temps de votre groupe, Madame Hartmann.

Mme Esther Hartmann (Ve), rapporteuse de majorité. Oui, Monsieur le président, je remercie d'ailleurs mon groupe de me donner ce temps. Je voudrais revenir quand même sur certains points. Il ne s'agit pas, ici, d'opposer école privée et école publique, en tout cas pas pour les Verts. (Brouhaha.) Il s'agit de rappeler qu'actuellement il n'existe pas d'école privée qui propose des programmes spécifiques pour ces enfants à besoins particuliers, à l'exception d'une seule qui ne veut justement, je le rappelle, aucune aide de la part de l'Etat. Cela par choix. Il s'agit donc vraiment de se demander si c'est réellement une opportunité que cette motion propose, alors qu'il n'y a aucune spécialisation dans les écoles privées. Généralement ce qu'elles ont, il est vrai, ce sont des objectifs pédagogiques différenciés, et des effectifs plus petits. Or, ce n'est pas la seule mesure qui est pertinente pour ces enfants à besoins spécifiques.

Ensuite, on parlait de l'aide de l'Etat aux EMS: je voudrais juste rappeler que le mode de financement des EMS est différent, et que l'école est - j'espère ! - encore gratuite et accessible à tous...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la rapporteure.

Mme Esther Hartmann. ...pour l'ensemble des citoyens. Donc les arguments qui nous sont présentés ne correspondent pas forcément à une réalité, et pour les raisons que nous avons évoquées nous vous encourageons vraiment vivement à ne pas soutenir cette motion.

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...je souhaite d'abord vous dire que j'ai bien évidemment lu attentivement, pour avoir travaillé avec la commission, le projet de motion. Ce projet de motion, incontestablement, ne peut être qualifié d'idéologique; incontestablement, les intentions des motionnaires sont plutôt de miser sur la complémentarité que réellement sur la confrontation entre le public et le privé. Je donne donc acte aux motionnaires de leur bonne volonté afin de trouver des voies d'amélioration pour le parcours d'élèves qui peuvent être en difficulté. Seulement voilà, Mesdames et Messieurs les députés, le texte, pour des raisons évidentes, manque - et cela a été évoqué dans le débat - considérablement de précision. Que veut dire: doivent quitter le secteur public ? Qui est juge du devoir quitter ? Est-ce que cela veut dire que ce sont les parents qui décident si leurs enfants le doivent ou non ? Est-ce que ce serait une commission de fonctionnaires qui trancherait pour savoir si finalement il y a obligation ou non ? La question du revenu étant réglée dans l'intention des motionnaires, qui indiquent que c'est pour celles et ceux qui n'en ont pas les moyens, ce n'est pas sur ce terrain-là que le texte - qui est forcément général - manque cruellement de précision. Autre point, ce sont les raisons pédagogiques ! Que veut dire la raison pédagogique qui contraint à quitter ? En réalité, Mesdames et Messieurs, le texte pose bien évidemment, même à l'état de motion, un certain nombre de difficultés à pouvoir l'appréhender correctement.

Ce que je regrette, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que les motionnaires - et je m'adresse en particulier à eux - ont finalement renoncé trop tôt, peut-être... (Brouhaha.) ...à poser un certain nombre de questions sur les capacités d'adaptation du service public ! Dans quelle situation trouvez-vous - et il y en a probablement - que le service public ne répondrait pas forcément de manière suffisamment correcte ? Avez-vous formulé, à l'encontre du service public, à mon endroit, un certain nombre d'invites pour le voir évoluer sur certains points ? Ce n'est pas le cas. C'est pour cela que j'ai l'impression - et c'est ce que je déplore - que vous avez d'emblée estimé que le privé pourrait répondre mieux et que le public ne pourrait s'adapter. Et je trouve que ce renoncement est dommage.

J'aimerais dire également que le dogmatisme n'est pas de mise lorsqu'il s'agit notamment du handicap. Je rappelle que le secteur privé, en particulier, est actif, et qu'il l'est par un certain nombre d'institutions subventionnées qui visent à répondre à différentes demandes dans le cadre du besoin et de l'intérêt général, avec des contrats de prestations qui, comme vous le savez, touchent par exemple Clair Bois ou la Fondation Ensemble.

Par rapport à des élèves qui sont en difficulté, il me parait également important de dire aujourd'hui que le soutien public doit être apporté - du reste, il l'est régulièrement, grâce à vos décisions en commission des finances de soutenir les organisations pour le répétitoire ! Ou encore les organisations qui mettent sur pied le tutorat, telle la nouvelle association qui s'appelle Reliance. Donc des moyens de suivi divers existent.

Mesdames et Messieurs les députés, ce qui m'est beaucoup plus difficile, c'est de constater aujourd'hui qu'il y a un certain nombre de difficultés pour financer l'Etat, pour financer ses prestations, cela alors qu'on demande régulièrement son adaptation ! Et je déplore qu'ici, alors que fréquemment on nous demande des efforts de limites budgétaires, on privilégie une voie qui accroîtrait incontestablement les dépenses, non pas pour l'amélioration du service public mais bel et bien pour en faire bénéficier plutôt - je dis bien plutôt - le secteur privé, sans que je ne voie dans ce mot une injure. Donc, Mesdames et Messieurs, je vous demande véritablement de prendre en compte des questions de priorités. Doit-on, aujourd'hui, d'abord assurer le fonctionnement et le financement de l'Etat, ou en priorité financer un certain nombre d'établissements privés ? J'aimerais enfin dire que cela représente - et c'est bien là où le débat politique, à défaut d'être idéologique ou dogmatique, revient régulièrement à la question des valeurs... Pour que nous puissions éviter d'ouvrir une boîte de Pandore par une motion qui est, en réalité, insuffisamment rédigée. J'aimerais effectivement qu'on empêche de créer le précédent; cela que ce soit sous l'angle d'une défalcation fiscale ou d'une aide, qui permettraient tout simplement de dire que l'on commence à financer les parents pour un libre choix entre le privé et le public. La collaboration, aujourd'hui, fonctionne bien entre le public et le privé; la collaboration fonctionne également très bien à l'intérieur du service public entre l'enseignement ordinaire et l'enseignement spécialisé. Nous devons innover, nous innovons, nous avons des nouveaux moyens - cela a été relevé - mais ils sont régulièrement insuffisants. Je ne pleure pas misère, je ne fais pas la quête devant vous, Mesdames et Messieurs les députés, mais au moment où vous nous demandez des efforts de rigueur, j'aimerais qu'on évite de dépenser davantage pour le secteur privé en créant un certain nombre de précédents. J'appelle donc toutes celles et ceux, pour lesquels l'école publique laïque et obligatoire veut dire quelque chose, à bel et bien consacrer, par la décision de ce Grand Conseil, l'émergence et le soin du service public à s'adapter aux différentes demandes. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter la prise en considération de cette motion - la motion de base, vu les discussions et les votes qui ont eu lieu au sein de la commission.

Mise aux voix, la proposition de motion 1700 est rejetée par 36 non contre 24 oui. (Applaudissements et protestations à l'annonce du résultat.)

Le président. S'il vous plaît ! Monsieur le député Jeannerat, s'il vous plaît !