République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 mars 2013 à 17h05
57e législature - 4e année - 6e session - 38e séance
PL 10574-A
Premier débat
Le président. Nous passons maintenant au point 33 de notre ordre du jour, le PL 10574-A. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cet objet a eu le mérite de soulever des discussions intéressantes au sein de la commission des finances, notamment sur la gestion par l'Etat des biens issus de l'ancienne Fondation de valorisation, mais aussi sur un autre aspect, celui de la limite engendrée par l'obligation d'être déjà agriculteur exploitant pour acquérir un bien agricole: cela verrouille, évidemment, toute possibilité d'acquisition pour un jeune diplômé en agriculture sortant d'une école et qui serait un Jean sans Terre, sans exploitation familiale, et cela l'empêcherait de devenir agriculteur exploitant. Par ailleurs, nous avons beaucoup travaillé, au sein de la commission, et relevé les points suivants: les procédures incluant les différents critères pour que cette parcelle agricole soit mise en vente, dont l'exigence que l'acheteur soit un agriculteur, ont été parfaitement respectées, et le service du contentieux a sélectionné l'offre qui provenait effectivement d'un acheteur qui possédait le statut d'agriculteur.
Un deuxième élément important, puisque c'est l'un des objets du rapport de minorité, c'est que la coopérative des Jardins des Charrotons - bien que M. Deneys vous dira le contraire - n'a pas déposé de demande. Ensuite, lors de l'examen de ce dossier, il a été vérifié qu'aucun plan directeur communal ou cantonal existant ne prévoyait de développement à cet endroit. Les seuls éléments, sur le long terme, qui se sont avérés ultérieurement étaient le projet de plan directeur cantonal de 2030 sur lequel il pouvait se baser. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, dans sa grande majorité, la commission des finances a voté ce projet de loi 10574 et vous remercie de bien vouloir en faire autant.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, qui est somme toute assez anecdotique sur les montants puisqu'en fait il s'agit de l'une des fameuses ventes en lien avec la Fondation de valorisation, qui consiste donc à se séparer d'un terrain et d'un bâtiment sis à Puplinge, dépasse largement le cadre de cette vente. Ce projet de loi pose un véritable problème, et quand on parle de l'efficacité de l'Etat, eh bien on a réellement, ici, un cas où on peut se poser des questions sur le fonctionnement de ce dernier. Et j'en veux pour preuve le courrier qui se trouve à la page 13 du rapport, courrier des Jardins des Charrotons relatif à cet objet. D'abord, et c'est cela qui m'a vraiment fâché, il faut savoir que ce projet de loi a été déposé au Grand Conseil à peu près en même temps que le projet de loi sur le déclassement du périmètre des Cherpines-Charrotons. Alors on avait un département avec un célèbre conseiller d'Etat qui s'appelle Mark Muller qui, d'un côté, voulait déclasser 58 hectares aux Cherpines-Charrotons, alors que de l'autre côté, en même temps, on essayait de vendre cette parcelle agricole.
Or, un des problèmes du déclassement des Cherpines-Charrotons c'était la coopérative des Jardins des Charrotons. Cette coopérative cherchait un terrain. M. Amsler, en séance plénière, lors du débat sur le déclassement, a prétendu qu'un accord avec été signé avec un des agriculteurs de ce périmètre, M. Charles, et que cette coopérative aurait un nouveau terrain. C'était un mensonge. M. Mark Muller n'a pas arrêté de dire qu'ils allaient essayer de trouver un terrain pour les Cherpines-Charrotons, c'est lui-même qui a dit qu'un terrain serait proposé. Eh bien c'était faux, le courrier des Charrotons est édifiant à ce sujet. On ne leur a jamais rien proposé, alors qu'en même temps que nous traitions le déclassement en commission.
Ce projet de loi, c'est celui de la vente d'une parcelle qui a été proposée n'importe où mais pas aux Charrotons. Evidemment, les Charrotons n'étaient pas au courant - ils ne pouvaient pas l'être puisque personne n'a fait le lien. (Brouhaha.) Cela sert à quoi d'avoir des ordinateurs ? Cela sert à quoi d'avoir des services où les gens ne sont pas foutus de se parler entre deux bureaux ? Ça, c'est un vrai problème, et c'était bien là le fond de mon mécontentement à la commission des finances. Ce n'est pas qu'on vende à l'agriculteur en question, c'est que, alors qu'on fait des promesses à quelqu'un en séance plénière du Grand Conseil, alors qu'un service de l'Etat promet le déplacement d'une coopérative maraîchère comme les Charrotons, on s'en fout complètement, on pense aux intérêts immobiliers et on pense à vendre des parcelles à ceux qui peuvent les acheter. On ne fait même pas le lien, il n'y a même pas deux neurones dans ce département, et c'est là le problème ! Alors c'est vrai que j'étais fâché quand j'ai vu cela, et je suis toujours fâché. Sur le fond... (Brouhaha.) ...les Charrotons n'auraient pas pu aller sur cette parcelle parce qu'elle est trop petite, mais la décence élémentaire d'un Etat qui fonctionne aurait au moins consisté à la leur proposer ! Au moins de voir s'ils étaient intéressés ! Au moins de voir si on pouvait les reloger ! Aujourd'hui les Jardins des Charrotons n'ont toujours aucune proposition concrète de la part de l'Etat de Genève. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, cette situation est totalement inadmissible, je vais même dire scandaleuse, et je pense réellement que nous devrions refuser ce projet de loi parce que c'est une question de principe. On ne peut pas admettre que l'Etat fonctionne aussi mal, aujourd'hui, à Genève, quand on a autant de moyens. Alors on parle du budget d'un côté, mais ça c'est une preuve de l'inefficacité de l'Etat - en l'occurrence c'était sous le régime de Mark Muller, mais je ne suis pas sûr que ce soit mieux aujourd'hui.
M. Eric Leyvraz (UDC). De façon extrêmement courte: les éléments de la vente correspondent à la loi, la Fondation de valorisation a rempli son rôle - vendre le terrain et de faire rentrer un peu d'argent. En ce qui concerne les Jardins des Charrotons, ma foi, ce n'est pas avec ce terrain qu'ils auraient pu résoudre leurs problèmes, il leur faut quelque chose de plus grand. Donc si l'Etat leur a fait une promesse, ce n'est pas avec cette parcelle qu'il aurait pu la tenir. C'est pour cela que je vous demande d'accepter ce projet de loi. Merci !
M. Jean-François Girardet (MCG). Chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, le MCG s'est abstenu en commission, essayant de comprendre quelque chose à cette vente. Elle n'est pas du tout forcée, c'est une vente qui est proposée à un agriculteur exploitant, il s'est trouvé que sur place, à Puplinge, un exploitant était acquéreur de cette parcelle, le prix en a été fixé par la commission foncière agricole, donc on ne peut pas le discuter. M. le député Deneys nous parle de faire éventuellement une proposition aux Jardins des Charrotons, mais ils cherchent trois hectares donc cette surface ne leur aurait pas du tout convenu. Et elle est non seulement trop petite, mais également très éloignée de Perly, Confignon, et du domaine qu'ils exploitent actuellement. Donc le MCG soutiendra ce projet de loi pour vendre cette surface à l'acquéreur agriculteur exploitant. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, soyons clairs: ce projet de loi autorisant la vente d'une parcelle de septante ares à Puplinge ne pose pas de problème en soi. Les procédures ont été respectées, la commission foncière agricole a pu se prononcer, elle s'est même prononcée deux fois. Une offre publique d'achat a été faite, un acheteur remplissant les critères - en particulier celui d'être agriculteur - s'est porté acquéreur. Ce projet de loi ne pose donc pas de problème.
Ce qui en pose un, par contre, c'est la situation que le rapporteur de minorité dénonce avec vigueur dans son rapport; c'est le problème particulier d'une entreprise qui doit être déplacée suite au déclassement des Cherpines-Charrotons. C'est aussi le problème général - mis en exergue par le rapporteur de minorité - d'un manque de coordination entre les secteurs d'un même département, même si toutes les procédures sont séparées - et même si, d'après ce que l'on apprend du rapport, il est bien possible que cette parcelle de septante ares ne soit pas suffisante aux activités de la coopérative des Jardins des Charrotons et que cette coopérative ne l'ait jamais considéré.
Par ailleurs, c'est aussi un problème d'autisme face à un besoin décrit par la coopérative des Jardins des Charrotons. C'est le besoin de relocalisation d'une entreprise de deux à trois hectares, nécessaire à la pérennité de cette entreprise. Des promesses lui ont été faites ou, du moins, on a mentionné que des promesses avaient été faites dans cette enceinte lors du débat sur le déclassement des Cherpines-Charrotons, c'est une réalité. Ces promesses sont mentionnées au Mémorial. Et la coopérative des Charrotons attend toujours que ces promesses lui soient faites directement ! Elle attend aussi que suite soit donnée à la résolution 611, renvoyée au Conseil d'Etat lors du même débat, qui demandait de reloger les entreprises agricoles touchées par le déclassement et de ne pas se limiter à des indemnités pécuniaires qui sont, d'ailleurs, toujours en négociation - aux dernières nouvelles - avec certains agriculteurs propriétaires. Mais la coopérative des Charrotons n'est pas propriétaire; elle ne fait que louer les terres. Alors cette coopérative n'est pas invitée aux négociations. Cette aide à la relocalisation pourrait passer par une loi qui existe, la loi qui a créé la Fondation pour les zones agricoles spéciales, fondation qui a pour qualité de se porter acquéreuse de tout terrain utile dans les zones agricoles et également dans les zones agricoles spéciales, de façon à pouvoir procéder à des échanges de terrains.
C'est enfin un problème général, maintenant, un problème important d'accès à des terres cultivables pour de nouvelles entreprises maraîchères. C'est un problème important, qui limite le développement de ces activités rentables sur le territoire du canton, dans le contexte que vous connaissez, celui de la raréfaction des zones cultivables. Alors un outil existe, je viens de le mentionner, une volonté semble manquer, et nous, les Verts, nous serions reconnaissants au Conseil d'Etat de trouver cette volonté, de prendre ce problème au sérieux, et d'aider à l'installation de nouvelles entreprises maraîchères ainsi qu'à la relocalisation d'une entreprise existante. Pour le reste, les Verts accepteront ce projet de loi, qui ne pose pas de problème. Merci !
M. François Haldemann (R). Dans le cadre des requêtes qui sont soumises à la commission foncière agricole, il faut savoir que certaines aliénations de terrains agricoles doivent faire appel à des offres publiques d'achat. Ces offres publiques d'achat nécessitent au minimum trois publications: dans la FAO, le journal «Agri» et «Terre et Nature». C'est donc un euphémisme de dire que finalement, si les Jardins des Charrotons avaient voulu répondre à ces publications, il est évident que nous aurions traité leur demande.
Ensuite il y a un deuxième point, c'est la reconnaissance de l'exploitant à titre personnel. Dans ce cas précis, il aurait fallu être certain que le représentant des Jardins puisse faire valoir une formation professionnelle adéquate, ce que nous aurions, le cas échéant, étudié de manière approfondie.
Enfin, il reste quand même une opportunité dans le cadre de ces Jardins des Charrotons. Outre le fait de pouvoir acquérir un terrain, ils ont toujours la possibilité de pouvoir louer des terrains en zone agricole, ce qu'ils ont fait, d'ailleurs, jusqu'à maintenant. Donc il n'est pas totalement impossible qu'ils puissent continuer leurs activités sur une autre parcelle du canton. Merci !
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Je remercie mes deux préopinants François pour leurs interventions. Mon esprit d'escalier m'amènerait à dire qu'effectivement, sur le fond, on ne serait pas obligés de refuser ce projet de loi. En même temps, on peut se demander si, en cas de refus, le Conseil d'Etat ne serait pas plus à même de proposer des solutions de relogement aux Jardins des Charrotons. Parce que c'est quand même édifiant de lire, dans le courrier des Charrotons du 4 juin 2012: «Notre coopérative n'a jamais été approchée par l'Etat dans le cadre de la cession de la parcelle concernée par le PL 10574.» On ne leur a même pas proposée. Alors évidemment on peut dire qu'ils n'ont jamais fait d'offre, mais en fait ils ne savaient même pas que cette parcelle existait ! (Brouhaha.) Donc il y a quand même une question de fonctionnement au sein de l'Etat qui est révélée par ce dossier et qui, je trouve, est véritablement problématique. On sait que la situation des Charrotons était l'une des questions épineuses du périmètre des Cherpines-Charrotons dans le cadre du déclassement, donc il semblait judicieux de faire en sorte que l'Etat soit capable de trouver des solutions. Ici, on a vraiment l'impression qu'il s'en fiche, et c'est toujours le cas aujourd'hui. Alors bon, si le projet de loi est accepté, j'aimerais dire qu'on pourrait au moins punir les fonctionnaires du département concerné... (Remarque.) Non non, pas les pendre, mais vous savez... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ces coopératives fonctionnent sur le principe des journées de maraîchage, où on aide les jardiniers. Alors je pense qu'on pourrait punir l'état-major du département concerné par quelques journées aux champs, pour leur montrer, quand même, qu'il serait peut-être utile qu'ils mettent deux dossiers en connexion quand des décisions doivent être prises. En l'occurrence, cela pénalise aussi le déclassement des Cherpines-Charrotons qui est quand même destiné à construire du logement, et le problème n'est pas réglé aujourd'hui.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme la députée Patricia Läser, puis ensuite à Madame le rapporteur de majorité.
Mme Patricia Läser (R). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste répondre à M. Deneys. Monsieur Deneys, l'Etat n'aurait même pas pu proposer cette parcelle aux Jardins des Charrotons sans passer par une offre publique d'achat. Ce n'était donc pas possible ! L'Etat n'a absolument rien fait de faux, c'était obligatoire de passer par une offre publique d'achat. Ensuite, je voulais répondre aussi à Mme von Arx, qui a fait une petite erreur: pour acheter du terrain agricole il ne faut pas être agriculteur exploitant, il faut simplement être au bénéfice d'un CFC d'agriculteur, de viticulteur, de maraîcher, ou autre. Il n'est pas nécessaire d'être exploitant, parce qu'effectivement autrement jamais personne ne pourrait s'installer sans avoir de terres. Je vous remercie.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Je remercie Mme Läser pour cette précision, parce que je connais plusieurs jeunes sortant d'école avec les diplômes qu'elle a évoqués qui se sont vu refuser - au prétexte qu'ils n'avaient pas de terres... Alors c'est très important ce que vous venez de dire, et je serai très heureuse de pouvoir leur transmettre cette information.
Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, que la coordination soit à améliorer est une exigence que l'on peut partager avec le rapporteur de minorité. Mais que l'on vienne faire une argumentation autour du fait que l'on n'a pas proposé cette parcelle à une coopérative, qui, de toute façon ne l'aurait pas acceptée, est quelque chose d'un peu alambiqué et d'un peu distordu... (Rires.) ...Monsieur le rapporteur de minorité. Donc Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de bien vouloir accepter la décision ressortie des travaux de la commission, c'est-à-dire d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame le rapporteur de majorité. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi 10574.
Mis aux voix, le projet de loi 10574 est adopté en premier débat par 47 oui et 12 abstentions.
La loi 10574 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10574 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui et 12 abstentions.