République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 mars 2013 à 14h
57e législature - 4e année - 6e session - 37e séance
M 2093
Débat
Le président. Nous avons terminé les extraits, nous revenons à l'ordre du jour ordinaire. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Cette motion arrive vraiment au bon moment après les discussions qu'il y a eu au parlement fédéral. Quelques points importants sont à connaître: à Genève, plus de 500 demandes de droit de pratique ont été déposées, cela veut dire presque 500 médecins qui veulent s'installer à Genève et par ailleurs des cantons comme le Jura, Fribourg et le Valais qui commencent à manquer de spécialistes.
Dans le canton du Jura, il n'y a quasiment plus de rhumatologues, il en reste un qui va bientôt arrêter. Dans le canton de Fribourg, il manque des pédiatres. Lorsque l'hôpital de Delémont dans le canton du Jura a voulu repourvoir le poste de médecin-chef en orthopédie, aucune postulation de médecin suisse n'est parvenue. Ils ont dû prendre un médecin français.
Il y a un grand problème actuellement au niveau de la formation, ce qui fait qu'il n'y a jamais eu jusqu'à maintenant de formation des médecins pensée au niveau régional. Je parle de la formation post-graduée. Il faut que cela change. Il est vraiment important que nous puissions discuter avec les autres cantons romands et le Tessin pour mieux répartir les médecins qui se forment dans toute la Suisse romande et le Tessin.
Je laisserai mon collègue Saudan parler de la formation post-graduée. Pour ma part, je vais parler de la médecine de pointe. Pourquoi avoir fait cette association entre formation post-graduée et médecine de pointe ? Parce qu'il ne faut pas oublier que les hôpitaux qui ne sont pas des hôpitaux universitaires doivent pouvoir vivre et qu'on risque d'assister à des fermetures d'hôpitaux dans des régions qui en ont besoin, parce qu'on n'a plus assez de médecins formés qui puissent faire tourner ces hôpitaux. Et pour avoir des médecins formés, il faut aussi permettre à ces hôpitaux d'avoir une certaine forme de médecine de pointe.
Il faudra donc aussi réfléchir sur le sujet de la médecine de pointe et sa répartition dans toute la Suisse romande et le Tessin, pas seulement au niveau des hôpitaux universitaires qui sont à Lausanne et à Genève, mais aussi au niveau d'hôpitaux très importants comme Fribourg, comme Sion, comme La Chaux-de-Fonds, Neuchâtel et Delémont.
Je vous demande donc de renvoyer cette motion à la commission de la santé pour pouvoir en discuter. Je vous remercie.
M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord je tiens à remercier mon préopinant de m'avoir associé à cette motion. Effectivement, le problème est d'importance, parce que si tout le monde dans ce parlement comprend qu'une planification de la couverture sanitaire au niveau cantonal est nécessaire, une réflexion doit également se faire au niveau régional.
Mon préopinant vous a parlé des déserts sanitaires qui commencent à se former dans la périphérie de la Suisse romande et qui contrastent fortement avec la pléthore de certains médecins sur l'arc lémanique. Il faut savoir que cette mauvaise balance au niveau de la couverture sanitaire, au niveau des médecins installés a aussi sa genèse au moment de la formation post-graduée, parce qu'il est clair que des médecins qui effectuent une partie de leur formation dans d'autres cantons romands vont penser à s'y installer plus tard. Il s'agit d'un point extrêmement important.
Il ne faut pas croire qu'on part ex nihilo: il y a déjà beaucoup de conventions qui sont signées par les hôpitaux universitaires - le CHUV et les HUG - avec des hôpitaux périphériques pour leur confier de jeunes médecins à former et surtout, c'est vrai, pour améliorer leur bassin de recrutement de pathologies un peu plus rares.
C'est peut-être là que le politique doit intervenir, car autant j'ai confiance dans la direction des HUG et du CHUV pour faire une politique régionale, autant je pense que le politique doit davantage s'impliquer pour améliorer la couverture sanitaire au niveau romand.
Un autre bénéfice secondaire, il faut bien le dire, est que les HUG souffrent quand même d'être en périphérie de la Suisse romande et de la Suisse latine et nous sommes un peu désavantagés par rapport au CHUV, c'est pour cela que l'idée serait de voir si notre gouvernement peut prendre langue avec les autres gouvernements de Suisse romande et éventuellement du Tessin pour faire un concordat intercantonal sur la formation post-graduée, qui permet dès le départ d'avoir une meilleure couverture sanitaire de toute cette région. C'est pourquoi le groupe radical vous demande également de renvoyer cette motion à la commission de la santé.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Effectivement, la formation post-graduée des médecins est indispensable autant pour la médecine familiale que pour la médecine de pointe. La médecine de pointe coûte cher et il est donc logique de créer un concordat intercantonal, en tout cas romand, pour qu'il y ait les meilleures prestations possibles et les meilleurs soins possibles pour toute la population et que ce ne soit pas seulement possible dans deux cantons et encore: Genève, la région lausannoise pour le canton de Vaud et on oublie le reste de la Romandie. Ce serait fort dommage.
A l'instar des autres commissaires qui ont déjà pris la parole, les Verts vous demandent de renvoyer cette motion à la commission de la santé pour qu'elle soit étudiée et qu'elle ouvre peut-être une résolution ou en tout cas les meilleures zones possibles pour essayer de résoudre le problème de l'accès aux soins par le fait du manque de médecins dans les zones périphériques.
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Dans le cadre de la motion 2054, qui avait heureusement été rejetée par notre plénum parce qu'elle stigmatisait inutilement certains médecins, nous avions néanmoins déjà relevé et insisté sur le fait que les différentes problématiques qui étaient pointées là avaient plutôt un lien avec la question de la formation et nous avions préconisé de travailler sur cet aspect. Nous saluons donc cette motion du député Buchs qui reprend cette question.
Il est vrai que si un tel concordat était réalisé, il permettrait dès les études d'intéresser les étudiants à la diversité des situations romandes; il leur permettrait d'aller voir ailleurs et leur donnerait le «goût de la Romandie», ce qui soutiendrait probablement une meilleure répartition ensuite des choix professionnels.
Il permettrait aussi clairement de répartir les forces pour former en suffisance. Parce qu'on comprend bien que, si aujourd'hui on manque de médecins, il y a une certaine réticence de la part de quelques cantons, comme le canton de Genève, à les former, ce qui est un peu absurde par rapport au manque. Mais on comprend bien la crainte d'avoir tout à coup une population qui s'installe majoritairement ici, ce qui est aussi problématique.
Une meilleure répartition des forces pour former est donc bienvenue.
On l'a dit, M. Buchs l'a relevé lui-même, la motion comprend un second axe qui est à la fois lié, mais pas lié, selon nous. Ce second axe relève plutôt de la planification sanitaire, comme on le verra tout à l'heure. Il s'agit d'un axe absolument fondamental, mais qui mérite d'être traité dans ce cadre-là et pas forcément dans le cadre de cette motion. Néanmoins, nous accueillerons avec plaisir ces deux sujets, quitte à les scinder par la suite, et nous vous invitons également à renvoyer cette motion à la commission de la santé.
M. Bernhard Riedweg (UDC). L'union fait la force. En matière de santé, cela devient indispensable dans le cadre de nos efforts de rationalisation de regrouper sur deux hôpitaux universitaires en Suisse romande les ressources financières, tant pour des investissements importants dans des équipements sophistiqués qu'au niveau de la formation post-graduée des médecins.
Cela ne peut être envisagé que si le bassin de la population est suffisamment large, voire très large pour regrouper un potentiel de patients important, nécessitant des soins particuliers traités par des spécialistes en médecine avec de très hautes compétences. Ainsi, certaines personnalités actives dans la médecine de pointe devraient restreindre leur égo en acceptant de se déplacer dans des centres hospitaliers plus éloignés, afin de collaborer étroitement avec une équipe médicale hautement spécialisée dans un domaine spécifique.
Il est logique que les cantons ne disposant pas d'un hôpital universitaire, vu la taille de leur population, participent aux dépenses en infrastructures et en formation des établissements hospitaliers universitaires, car ces cantons confient leurs patients demandant des compétences particulières pour des soins à ces hôpitaux de pointe.
Toutefois, le groupe UDC est plus sceptique quant à la participation du canton du Tessin à un concordat vu son éloignement géographique. Un concordant intercantonal romand nous semble répondre à des préoccupations de rationalisation consistant en un abaissement des coûts tant dans la formation de médecins spécialisés que dans le financement d'infrastructures coûteuses pouvant être utilisées plus intensivement.
Soyons favorables à ce concordat intercantonal que notre Conseil d'Etat saura négocier à la mutuelle satisfaction des parties en présence. Nous sommes pour le renvoi de cette motion à la commission de la santé.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Le MCG est tout à fait favorable au renvoi de cette motion à la commission de la santé pour les raisons suivantes: nous sommes partis du fait que pour que la formation post-grade puisse se développer ce qui est important est de pouvoir développer la recherche, bien sûr dans l'ensemble de la médecine, mais dans le domaine de la médecine de pointe en particulier.
Or, pour pouvoir développer cette recherche de manière satisfaisante, il faut avoir un bassin de population suffisamment significative. Le fait de parvenir à regrouper l'ensemble de la Romandie et du Tessin nous apparaît extrêmement pertinent.
En ce qui concerne le lieu de la formation spécialisée - et dans la motion cela est assez clair - il y a un privilège donné aux hôpitaux universitaires, mais comme l'ont dit les préopinants, créer des lieux de formation dans les hôpitaux régionaux qui sont devenus très actifs pourrait être une stimulation assez extraordinaire et une manière probablement d'intéresser certaines spécialités à se répartir dans les régions entre guillemets «les plus pauvres de Suisse» sur le plan médical.
C'est aussi une façon de tenir compte de manière plus pertinente des besoins des personnes sur un plan général.
Un des risques que nous pouvons voir aujourd'hui, si nous ne prenons pas certaines mesures comme celle d'un concordat sur le style des HES-SO, qui nous apparaît vraiment intéressant, c'est qu'il y ait une discrépance qui s'installe entre la recherche privée et la recherche publique. Quelquefois il y a une collaboration, mais on voit les moyens qui peuvent être mis au niveau de certaines cliniques et de l'organisation faîtière de ces cliniques en matière de recherche que ce soit sur le plan de la cardiologie, que ce soit sur le plan de l'orthopédie, de la cancérologie, de la psychiatrie, etc.
Nous sommes tout à fait favorables pour redéfinir un concordat qui puisse être étudié dans le cadre d'un modèle HES-SO, mais on est ouverts à d'autres types de modèles. Nous sommes donc pour un renvoi à la commission de la santé.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mon collègue M. Unger précisément est retenu dans les Grisons pour des affaires intercantonales et il m'a prié de vous transmettre... (Remarque.) Mais il nous regarde sans doute, absolument. Il m'a prié de vous transmettre l'intérêt du Conseil d'Etat pour cette motion et l'intérêt qu'il y aura à la traiter en commission sur les deux problématiques qu'elle touche, à savoir d'une part la répartition des efforts en matière de médecine de pointe et d'autre part la répartition des étapes du cursus de formation étant entendu que s'agissant de la médecine de pointe on ne peut bien évidemment parler que d'une vision nationale et non romande, car il s'agit de concentrer les efforts au bon échelon; s'agissant en revanche des étapes du cursus de formation, on peut bien évidemment envisager et c'est déjà le cas à la faveur d'accords intercantonaux un développement d'abord au niveau romand.
A cet égard M. Unger, j'imagine, aura à coeur en commission de présenter tout le travail déjà effectué et notamment le fruit d'un groupe intercantonal qui a achevé ses travaux au mois d'avril de l'année passée pour précisément aller en direction d'une meilleure coordination.
Vous évoquiez tout à l'heure, Mesdames et Messieurs les députés, la question du Tessin: vous savez évidemment que les étudiants tessinois se forment au final à Zurich, ce qui crée toute une série non de problèmes, mais en tout cas de questions quant à la répartition des forces et, bien évidemment, la santé est un domaine dans lequel, depuis longtemps déjà, les cantons ont perdu leur capacité d'agir seuls et de façon souveraine. C'est la raison pour laquelle, je le répète ici, le Conseil d'Etat accueille avec beaucoup d'intérêt cette motion et se réjouit de pouvoir la traiter dans le cadre de la commission de la santé.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix le renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2093 à la commission de la santé est adopté par 68 oui (unanimité des votants).