République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 janvier 2013 à 20h40
57e législature - 4e année - 4e session - 18e séance
PL 10840-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous traitons les urgences que nous avons acceptées tout à l'heure et commençons avec le point 58 de notre ordre du jour: PL 10840-A. Le rapport de majorité est de M. Guy Mettan; le rapport de première minorité est de M. Roger Deneys; celui de seconde minorité de M. Eric Bertinat. Je donne la parole à M. Guy Mettan, rapporteur de majorité.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il y a quelques années, les cantons romands décidaient de créer une Fondation romande pour le cinéma afin de soutenir la production de films romands, et je pense que c'était une excellente initiative. Pourquoi ? Parce que, vous le savez, le cinéma romand, loin d'être un art inconnu, a laissé des traces dans l'histoire du cinéma. La Suisse romande a révélé de grands cinéastes. Je rappelle que plusieurs d'entre eux, comme Sutter, comme Tanner, comme d'autres, ont été à la base de la nouvelle vague dans les années 60 et 70, ils ont leur nom inscrit en lettres d'or dans l'histoire du cinéma. Cette tradition cinématographique s'est maintenue avec une nouvelle génération aujourd'hui apparue - et là je pense au rapport de minorité qui prétend que le cinéma romand ne produit que des films qui ne sont pas vus et qui n'ont pas de public... C'est une erreur grossière. Une nouvelle génération de cinéastes romands se dessine: pensons à Jean-Stéphane Bron, qui a réalisé des films vus par des centaines de milliers de gens; pensons à Frédéric Mermoud; pensons à Othenin-Girard, qui a travaillé aux Etats-Unis; à Ursula Meier, qui a été nominée pour les Oscars, bref, toute une génération qui porte haut dans le ciel international le nom de la Suisse romande en matière de cinéma. Et cette Fondation romande pour le cinéma se donne pour but, justement, de pouvoir soutenir cette création. Voilà pour le fond.
Ensuite pour la forme. Cette fondation cherche à régionaliser, à mutualiser la production de films, tel que cela a été demandé par beaucoup d'entre nous - puisque l'une des critiques souvent formulée est que chaque canton investit dans son coin, donc que ça coûte plus cher, qu'on fait des doublons, etc. Ici une initiative tout à fait passionnante a été prise, initiative ayant consisté à rassembler les diverses forces cantonales pour créer ensemble une Fondation romande pour le cinéma. Et ce soir, eh bien c'est cette fondation-là qui est mise en doute, qui est contestée, c'est cette démarche de mutualisation qui est critiquée, alors même qu'elle a été souhaitée dans ce parlement à de multiples reprises, dans d'autres domaines de la vie sociale, de la santé ou de l'économie. Donc ce qui est en jeu ce soir, c'est l'aide à la culture et au cinéma, industrie et art essentiels pour la Suisse romande, et puis, en même temps, ce principe de mutualisation qui nous est si cher.
Donc à partir de là, Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux que vous recommander de voter ce projet de loi, rien que ça, et sans amendement. (Brouhaha.) Pourquoi ? Parce que les amendements qui nous sont proposés... Je ne sais pas si M. Bertinat va en déposer. Lui, il propose simplement de rejeter, ça n'est pas possible. Les amendements qui sont soumis, en l'occurrence par M. Deneys, consistent à dire que non, il faut prolonger sur quatre ans, ce qui était effectivement le projet initial prévu par le DIP. Mais si nous changeons quoi que ce soit, nous risquons, à la fin de ce débat, d'avoir zéro franc et zéro centime pour l'aide au cinéma, ce qui, à mon avis, serait dramatique. Dramatique, pourquoi ? Parce que Genève se ridiculiserait s'il n'était même pas capable de mettre 1,5 million - ou 1,75 million de francs, avec la Ville - pour le cinéma. (Brouhaha.) Tous les cantons romands passent à la caisse ! Alors que le canton de Vaud met 1,75 million, Genève ne serait pas capable de mettre 1,5 million quand il abrite, lui, en ses murs, l'essentiel des forces cinématographiques romandes ?! Ce serait vraiment ridicule de notre part !
Donc, Mesdames et Messieurs, je vous demande de prendre nos responsabilités et d'accepter de projet de loi. Si on veut faire des amendements, c'est possible ! Mais alors, qu'on les fasse avec le projet de loi que le DIP va nous reproposer pour les années suivantes - là, on peut reprendre la discussion ! Mais pour ce qui concerne le passé, acceptons le projet tel qu'il nous est proposé. Merci de votre attention.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...Nous pouvons effectivement souscrire aux propos liminaires de M. Mettan concernant l'importance du cinéma et la place qui lui a été accordée à Genève ces dernières années, même depuis un certain temps, et également concernant la réussite d'un grand nombre de réalisateurs romands, genevois en particulier. Nous reconnaissons l'intérêt culturel de la promotion du cinéma, parce que c'est un art extrêmement intéressant qui permet d'enrichir la diversité des approches et des réflexions sur notre société, nos comportements et notre façon de fonctionner au quotidien. Le cinéma est un miroir de nos activités, de nos fantasmes aussi, et c'est certainement judicieux d'avoir envisagé, comme l'a fait M. le conseiller d'Etat, avec les autres cantons romands,... (Brouhaha.) ...l'idée de créer une Fondation romande pour le cinéma. Les socialistes y sont totalement favorables. C'est vrai que le cinéma demande des moyens importants, les coûts de réalisation d'un long métrage sont non négligeables, et les aides octroyées au niveau cantonal, chacun de son côté, eh bien, font peut-être partie d'une époque qui est essentiellement dépassée.
En même temps, l'idée de constituer une Fondation romande pour le cinéma... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...signifie bien qu'on souhaite se mettre d'accord avec les autres partenaires romands, avec les autres cantons romands, sur un modèle de fonctionnement, sur un modèle de financement, et sur une perspective raisonnable de durée de vie pour cette fondation. Et c'est pour ça que, selon ce projet de loi, la Fondation romande pour le cinéma devait recevoir une aide de 2011 à 2014, soit sur une durée de quatre ans. C'est, je pense, une condition essentielle pour garantir non seulement sa survie, mais aussi le rythme de croisière qu'elle devra atteindre pour respecter des équilibres entre les différentes propositions de subvention, entre les différentes régions qui font du cinéma, etc. Et pour ces raisons, l'amendement - évidemment, suggéré par le PLR, qui veut, en gros, tout couper; puis, après, repris par le PDC, disant qu'en fait on ne va financer qu'une seule année, ou bien qu'on va financer deux ans - revient réellement à faire dans la mesquinerie, et surtout, bien pire aux yeux des socialistes, à remettre en cause le partenariat au niveau romand. (Brouhaha.)
De plus, les arguments invoqués par le PLR - je les ai relevés, page 64 de mon rapport de minorité - exposent qu'il n'est pas juste de donner pour le cinéma, étant donné qu'on donne moins au sport qu'à la culture - de même que ce n'est pas juste, parce que certains se sont opposés à la subvention à l'Association Genève Futur Hockey - donc, on ne va pas payer pour le cinéma... Et puis, M. Deneys nous ennuie, il n'arrête pas de critiquer le PLR, donc c'est bien fait pour lui, on va baisser cette subvention. Ça, c'est le niveau des arguments utilisés par le PLR pour ne pas subventionner le cinéma.
Quand on parle d'un partenariat romand... (Brouhaha.) Quand on parle d'un partenariat romand, je pense réellement que Genève doit respecter le cadre fixé avec ses partenaires et ne peut pas prétendre être le canton le plus pauvre, celui qui n'a pas de moyens par rapport aux autres cantons romands. Et dans ce sens-là, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes sont pour ce projet de loi, mais ils sont aussi pour revenir à la durée de quatre ans initialement fixée, donc pour inclure les années 2013 et 2014 dans la durée du subventionnement. Nous déposerons l'amendement dans quelques minutes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ... pour revenir, comme je l'ai indiqué dans mon rapport de minorité, à ces quatre ans. C'est bien la seule différence essentielle que nous proposons, mais, pour nous, il est important de respecter les accords intercantonaux, de respecter le partenariat romand. Et faire des genevoiseries dans des cas comme celui-ci, pour des instruments culturels qui doivent durer, ce n'est tout simplement pas sérieux...
Le président. Merci...
M. Roger Deneys. ...donc, Mesdames et Messieurs les députés, il faut revenir à une durée raisonnable pour ce projet de loi.
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il est toujours difficile de s'opposer à une subvention, parce qu'évidemment une subvention est toujours demandée pour de bonnes raisons. Si je m'y suis moi-même opposé en commission des finances, c'est essentiellement pour des raisons budgétaires, parce que les subventions que l'on s'engage à accorder à la Fondation romande pour le cinéma me paraissent, en la matière, trop élevées en regard de notre situation budgétaire. Il n'en demeure pas moins que lorsque l'on doit défendre sa position, il faut avoir à l'esprit que les demandes qui nous sont faites, et en particulier celles qui concernent la culture et le cinéma, ne peuvent pas être rejetées d'un seul coup. J'en veux pour preuve un appel téléphonique que j'ai reçu ce matin de Mme Aude Vermeil, avec qui l'entretien fut extrêmement courtois et aimable. Mme Vermeil m'expliquait que, à ses yeux, supprimer cette subvention comme je le demande représente une véritable catastrophe non seulement pour tout le travail effectué - et, comme je viens de le dire, il ne peut pas être jeté tel quel - mais, évidemment, une catastrophe pour tout ce qui est à venir et pour les projets actuellement en préparation.
Un argument a retenu mon attention, celui qui précise qu'en investissant dans la culture il y a un retour sur le tissu économique; Genève, qui devient en quelque sorte le centre romand du cinéma, s'y retrouve d'une manière ou d'une autre, puisque la plupart des créateurs résident sur Genève.
Donc, compte tenu de tout cela... (Brouhaha.) ...il faut que je défende la position que j'exprime dans mon propre rapport, laquelle, ainsi que je vous l'ai dit, est d'une part liée à des raisons budgétaire et, d'autre part, à l'agacement - je profite de ce rapport pour le relever - causé par certaines orientations politiques du cinéma romand. Le fait le plus surprenant à cet égard est sans nul doute le film «Vol spécial», qui a été extrêmement critique vis à vis de la Suisse, qui a jeté l'opprobre sur notre pays, et dont le financement a évidemment été assuré par le biais des associations et des subventions publiques. (Brouhaha.) Donc je voudrais, à l'attention de tous ces créateurs, relever que, s'ils réclament des subventions publiques, ils sont aussi au service du public et ne peuvent pas utiliser leur sensibilité politique comme ça, de manière aussi militante, pour influencer tout ou partie de la population.
J'aurai certainement l'occasion de reprendre la parole en fin de débat. J'ai entendu dire que des propositions avaient été faites récemment en commission des finances: en fonction de ce qui sera dit, j'aurai l'occasion de m'exprimer à nouveau.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Voici un genre de projet de loi qui permettra des économies drastiques ! Le Conseil d'Etat devra bien se résoudre à couper un jour ou l'autre dans ce type d'aide financière, qui sur quatre ans coûte 7,3 millions à la collectivité, cela pour financer la Fondation romande pour le cinéma. Ces subventions augmentent de 500 000 F par année entre 2012 et 2014; je dirais que c'est indécent. Je vous signale... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que les subventions concernant la politique publique culture, sport et loisirs sont de 73 millions pour l'année 2013. Compte tenu des finances de notre canton, et surtout des augmentations de charges que nous devrons supporter dans le futur, il faut se rendre à l'évidence: nous devrons faire des économies ! Nous vous rappelons que le poste «Subventions» dans le budget 2013 est de 3,79 milliards, soit 47% de toutes les charges. (Brouhaha.) Ce poste a augmenté de 9,2%, soit de 322 millions, entre les comptes 2010 et le budget 2013 ! (Brouhaha.)
Le président. Monsieur le député, je vous prie juste de me permettre d'attirer l'attention de mes collègues. Mesdames et Messieurs les députés, il y a trop de bruit. Il y a trop de discussions. C'est un irrespect par rapport aux orateurs, que je ne peux pas tolérer !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Alors je vous en supplie, Mesdames et Messieurs... Je sais qu'il y a la bise noire, on connaît ça. Mais on va passer une soirée ensemble: il y a des choses intéressantes et importantes au programme, alors essayez de respecter les orateurs ! Poursuivez, Monsieur le député.
M. Bernhard Riedweg. Merci, Monsieur le président ! Excellente intervention de votre part ! (Rires.) Le conseiller d'Etat en charge de ce projet de loi dit que, si ce dernier est refusé, personne ne va en mourir mais que Genève ne va pas conserver sa crédibilité et ne sera plus pris au sérieux. Est-ce que, en l'état actuel de nos finances et vu celles qui sont prévues pour 2013, nous sommes encore crédibles en Suisse ? Je ne le pense pas ! Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, notre canton doit faire preuve de modestie; notre égo en sera touché mais nous devons protéger les générations futures. C'est malheureusement sur des dépenses comme celles-ci que notre canton devra s'habituer à faire des économies. Il faudra fixer des priorités. Le cinéma peut être classé dans la catégorie des objets de luxe et de confort dont nous devrons tôt ou tard obligatoirement réduire le financement - ou, pire: nous devrons y renoncer, hélas !
A contrecoeur, je vous propose de nous préparer psychologiquement à prendre des décisions pénibles, mais ô combien nécessaires en ces temps perturbés. L'Union démocratique du centre votera contre ce projet. Ayant terminé «mon cinéma», je vous rends la parole, Monsieur le président. (Applaudissements. Commentaires.)
M. Henry Rappaz (MCG). Eh oui, le cinéma c'est du rêve. Et les factures qui en découlent, un cauchemar - un producteur le savait et me l'avait répété. Ce projet de loi est évidemment refusé par le MCG; pas de bon coeur, parce que le cinéma a besoin d'argent. Aujourd'hui, nous faisons des films avec des peanuts. Nous voulons en même temps faire du cinéma une industrie, malheureusement on n'a pas la capacité financière de produire des films qui peuvent véritablement traverser les frontières. Il me paraît important de continuer de soutenir le cinéma par d'autres voies - puisque le projet de loi sera sûrement rejeté - car le cinéma a vraiment besoin de nous pour continuer. Le MCG va essayer de trouver d'autres solutions pour pallier ce manque. Je pense sincèrement que les personnes qui, pour des raisons de déficit, coupent de manière drastique dans le budget devraient, de temps en temps, aussi être conseillées par des spécialistes. On dit que ce sont de grosses sommes, mais 2 millions, 1 million, aujourd'hui ça ne sert à rien; un film, un petit film, coûte 15 millions. Alors oui, l'industrie cinématographique pourrait être quelque chose de rentable, mais si on ne lui accorde pas de moyens, il n'y aura rien ! Donc, le MCG regrette de devoir prendre cette décision - le refus de ce projet de loi - mais c'est la voix de la sagesse.
M. Jacques Jeannerat (R). En préambule, comme l'a dit l'excellent rapporteur de majorité, j'aimerais signaler que, pour une fois, des cantons se regroupent pour mener à bien quelque chose, et je crois que cela doit être relevé.
Par contre, ce projet de loi tel qu'il a été initialement déposé - avec 1,3 million pour 2011 et une progression qui va jusqu'à 2,5 millions pour 2014 - en regard des finances de l'Etat de Genève actuellement, cela n'est pas acceptable. En commission, on nous a expliqué que cette augmentation était nécessaire parce que la Loterie romande ne pouvait pas tenir sur quatre ans l'ensemble de la subvention qu'elle versait initialement; mais si une institution comme la Fondation romande pour le cinéma ne peut pas être soutenue par la Loterie romande, alors je me demande à quoi sert cette dernière ! Oui, on m'a expliqué - mais je le savais déjà parce que j'ai siégé moi-même à l'organe de répartition des subventions de la Loterie romande - qu'on ne peut pas accorder une subvention en continu... Mais justement, dans le cinéma, il me semble qu'on travaille par projet, par film ! Donc on peut, pour chaque projet distinct, demander une subvention.
Par conséquent, le PLR soutiendra ce projet de loi tel qu'il a été modifié par l'excellent amendement déposé par le PDC en commission des finances, soit uniquement sur 2011 et 2012. Ce projet de loi sur 2011 et 2012, avec une somme relativement correcte mais quand même tout à fait modeste en regard de notre difficulté financière, permettra à Genève de tenir son engagement vis à vis des autres cantons. Il permettra aussi d'effectuer une évaluation de l'action de cette fondation au bout de quelques mois de fonctionnement, tout en tenant compte de nos capacités financières. Mesdames et Messieurs, ce n'est pas la première fois que nous aidons des institutions, que ce parlement les soutient, non pas avec un contrat de prestations sur quatre ans, mais sur deux ans - nous l'avons fait plusieurs fois, nous l'avons fait notamment pour les Mouettes genevoises. Il ne s'agit pas, Monsieur Deneys, de mesquinerie... (Commentaires.) ...il s'agit juste de respecter les engagements que Genève a pris, vis à vis des autres cantons, de ne pas dilapider l'argent. Et puis, vous parlez de genevoiserie, Monsieur Deneys... Mais vous ne connaissez pas le système des autres cantons ! Il n'y a pas de LIAF dans le canton de Vaud - on ne vote pas une subvention pour quatre ans. Le canton de Vaud a voté une subvention pour 2011, puis, l'année d'après, une subvention pour 2012; et ensuite il en votera une pour 2013 ! Eh bien nous, nous faisons déjà un grand effort: nous la votons pour deux ans d'un seul coup ! Donc il ne faut pas dire n'importe quoi, Monsieur Deneys !
Le PLR vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter le projet de loi, avec une subvention sur deux ans; ensuite on évaluera, avec les moyens que nous avons à disposition !
Une voix. C'est très bien dit. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur Jeannerat. Je salue à la tribune un ancien député, M. Daniel Sormanni. (Applaudissements.) La parole est maintenant à Mme Forster Carbonnier.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président. Je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur de majorité de nous avoir rappelé l'importance du cinéma romand. Cependant, ce soir, les Verts défendront - comme le rapporteur de minorité socialiste - le fait d'en revenir à la proposition initiale du projet de loi. Ce projet découle d'un accord conclu entre six cantons romands et deux villes, et nous trouvons regrettable que Genève se désolidarise ainsi des autres partenaires. (Brouhaha.) Nous estimons que les accords entre cantons sont un outil à privilégier... (Brouhaha.) ... et qu'il convient d'encourager nos autorités dans cette voie, plutôt que les décourager en limitant la durée d'un accord. De plus, nous sommes convaincus que cette fondation répond à un véritable besoin au niveau de la production cinématographique romande et qu'il faut continuer à soutenir le cinéma romand.
Pour toutes ces raisons, les Verts vous invitent à revenir à la version originale du projet de loi. Je vous remercie.
M. Edouard Cuendet (L). Du point de vue institutionnel, je suis toujours extrêmement frappé quand les députés des bancs de gauche nous tiennent des propos tels que: «C'est un accord qui a été conclu avec six cantons romands: vous, le Grand Conseil, pouvez-vous la fermer !» - pour être vulgaire... (Rire.) Et aussi: «Vous êtes une chambre d'enregistrement, vous n'avez rien à dire; cela a été négocié en haut lieu entre gens qui comprennent.» Ou encore: «Vous êtes des ignares complets en matière de culture - donc circulez, il n'y a rien à voir ! - vous n'avez qu'à voter !» Eh bien, moi je m'inscris en faux contre cette politique qui revient à contourner notre pouvoir décisionnel, à contourner notre pouvoir de contrôle ! C'est pour cela que je m'oppose de plus en plus systématiquement à ces conventions intercantonales, à ces conventions avec la Ville, aussi. Parce qu'on nous dit que «la Ville a décidé», mais on sait que la Ville jette l'argent par les fenêtres, et je ne vois pas pourquoi... (Commentaires.) ...le canton ferait la même chose ! Donc je trouve que c'est un très mauvais argument que de dire qu'on n'est pas solidaires avec les autres cantons. Je rappellerai que le canton de Vaud a abaissé sa dette de 8 milliards à moins de 1 milliard, alors que nous, nous ne cessons de l'augmenter ! Je pense que la solidarité voudrait qu'on diminue aussi notre dette, afin de s'approcher le plus possible de la bonne gestion du canton de Vaud !
Cela étant dit, par rapport au cinéma romand - pour lequel j'ai le plus grand respect - j'ai lu aujourd'hui un article de journal, que je n'ai pas sous la main mais dont je me souviens fort bien, qui disait que le cinéma suisse avait de plus en plus de moyens, que le cinéma suisse faisait de plus en plus de films, mais que le cinéma suisse avait de moins en moins de public ! Alors je le relève - et je suis d'autant plus à l'aise pour cela vu le nombre de fois où, dans ce parlement, on m'a dit: «Cuendet, élitiste, banquier», etc., etc., et gnagnagna... (Rires.) Eh bien, là, on trouve de l'élitisme de gauche ! Pour certains, un film d'auteur n'est réussi que si la salle est vide ! (Rires.) Je trouve que ce n'est pas une façon de raisonner. Après, on nous dit: «Vous censurez»... «Vous êtes contre la création culturelle, le bouillonnement culturel romand»... Mais je pense que c'est un mauvais signe de constater qu'il y a de plus en plus de moyens, de plus en plus de films, mais de moins en moins de public !
Une voix. Bravo !
M. Edouard Cuendet. Alors, moi je dis très clairement les choses. (Brouhaha.) Parce que M. Deneys n'a pas compris que, au fond, le groupe PLR - qu'il insulte à journée faite sur tous les projets de lois - a quand même un certain nombre de voix, ici ! Il nous dit qu'on n'a rien compris, qu'on est des ignorants, des ignares, etc. (Brouhaha.) Bon ! Eh bien cela ira à fin contraire. Et la fin contraire, ici, est toute simple: si par impossible, au deuxième débat, l'amendement socialiste - et soutenu par les Verts - devait passer, je demanderais le renvoi à la commission des finances, pour étudier à nouveau ce projet de loi et voir si cette augmentation se justifie vraiment, ce dont je doute. Je vous remercie !
Une voix. Bravo Edouard ! (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je serai assez brève car je crois que l'essentiel a été dit... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et que Mme Christine Serdaly Morgan va revenir sur certains points. Mais j'aimerais simplement vous faire part de mon étonnement. Il y a deux choses que je ne comprends pas, dans ce débat. La première, c'est que le parlement, il y a quelques années, a voulu la LIAF - loi sur les indemnités et aides financière - de façon à structurer, à cadrer les subventions, à donner une certaine marche de manoeuvre aux secteurs subventionnés... (Brouhaha.) ...tout en permettant un contrôle de l'Etat. L'idée était très clairement d'avoir un système quadriennal. Et que voit-on en commission des finances, depuis quelque temps ? Quand on a de la chance - et j'ose presque dire que, dans ce cas-là, on a de la chance: c'est sur deux ans - eh bien, ce qu'on voit arriver maintenant, ce sont des projets de lois qui sont ramenés à une année par cette même commission, ce qui oblige le Conseil d'Etat à la suivre et à nous présenter maintenant des projets sur une année. Alors, Monsieur le président du Grand Conseil, je dois vous dire mon étonnement... Je ne comprends pas !
Et puis, je dois vous dire aussi mon étonnement par rapport à nos collègues de l'UDC et du MCG - plus particulièrement de l'UDC. Mais, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...moi je ne comprends pas ! Parce que, vous qui vantez régulièrement les mérites de la Suisse, vous qui rêvez de la Suisse de Guillaume Tell, qui mettez en avant Heidi et tous les poncifs du genre, vous préférez en fait, en refusant ce projet de loi, soutenir le cinéma américain, qui inonde nos salles et qui, lui, n'a pas besoin de subventions, parce qu'il est déjà aidé par les pouvoirs américains, notamment par le Pentagone ! Donc, je regrette infiniment... (Commentaires. Rires.) C'est parfaitement vrai, Mesdames et Messieurs les députés ! Vous l'ignorez peut-être, mais le ministère de la défense des Etats-Unis soutient pratiquement tous les grands films de guerre américains... (Brouhaha.) ...dès qu'ils cautionnent la politique américaine. Au fond, ce que vous préférez, c'est que ce soit ce cinéma-là qui inonde nos salles, plutôt que ce soient des créateurs suisses...
Une voix. Faut en parler à Poutine !
Mme Anne Emery-Torracinta. ...qui puissent exprimer leur point de vue. Et j'ai vraiment du mal à comprendre la logique de vos réalités. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Deneys... (Remarque.) Vous disposez de trois minutes sur votre groupe, Monsieur le rapporteur.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais d'abord dire que nous nous ridiculisons déjà en votant maintenant, en 2013, un projet de loi qui vise à accorder une aide financière pour 2011, 2012, 2013 et 2014, initialement. On est en train d'octroyer des subventions qu'on vote deux ans après leur date initialement prévue... Ce n'est franchement pas très sérieux. Ce Grand Conseil se ridiculise régulièrement en n'adoptant pas un rythme, on va dire «raisonnable», pour l'étude des projets de lois.
Je trouve en plus que les propos de M. Cuendet, qui dit qu'il va demander un renvoi en commission pour qu'on étudie la question sérieusement... M. Cuendet était dans la commission des finances quand nous avons étudié ce projet de loi ! Il a pu poser toutes les questions qu'il voulait. Je suis donc étonné qu'il puisse formuler ce genre de remarque aujourd'hui ! A moins qu'il reconnaisse sa profonde incompétence au sein de cette commission !
Pour le reste, la commission de la culture a émis un préavis - daté du 6 octobre 2011 - sur lequel on peut lire, à la fin: «Vote sur le préavis relatif au PL 10840 destiné à la commission des finances. Pour: 14.» Donc 14 «pour» ! Et «Unanimité» - il n'y a pas de «contre», il n'y a pas d'abstention - donc 2 socialistes, 3 Verts, 1 PDC, 2 radicaux, 3 libéraux, 1 UDC, 2 MCG ! Tout le monde a voté pour ! Qui a fait le rapport pour cette unanimité ? M. Henry Rappaz, qui vient de s'y opposer ici, aujourd'hui ! Ce n'est simplement pas sérieux de ne pas respecter le préavis de la commission spécialisée qui étudie les questions de culture, qui est attentive à cette problématique de la diversité culturelle, qui fait que ne pouvons pas vivre qu'avec des Walt Disney et des James Bond ! Il faut de la production locale ! Il faut pouvoir créer des nouveaux talents comme Ursula Meier ! C'est nécessaire, c'est indispensable à l'âme de l'homme ! Et c'est indispensable de pouvoir continuer ce travail ! Pour quelques échecs qui déplaisent à M. Bertinat, il y aura peut-être quelques perles rares qui obtiendront des Oscars ! (Commentaires.) Et pour cette simple raison, il est nécessaire de poursuivre dans la voie de la collaboration à long terme.
Donc, Mesdames et Messieurs les députés, votez ce projet de loi pour quatre ans et ne tombez pas dans les préjugés exprimés par M. Cuendet qui, en fait, invente le néo-maccarthysme: il faut aller contrôler qui est dans les comités, quels sont les obédiences politiques de chacun, qui sont les réalisateurs qui obtiendront de l'argent - il faut commencer à tout connaître de la vie privée des gens. Mais ce n'est pas étonnant, venant du parti libéral ! C'est les fiches, c'est la P-26... (Protestations.) ...c'est la conformité ! C'est la conformité idéologique ! Et ça, c'est le nouveau discours du PLR, qui vient tout contrôler... (Remarque) ...au niveau de la pensée ! Eh bien, c'est tout simplement insupportable... (Remarque.) ...Mesdames et Messieurs les députés ! Je vous invite donc réellement à voter ce projet de loi ! Pour revenir à l'essentiel: c'est la garantie de la diversité dans la durée !
Mme Esther Hartmann (Ve). Je voulais juste rappeler que la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport comporte, à ce que je sache, des membres du parti libéral et du parti radical - dont je suppose qu'ils ne sont pas élitistes de gauche - qui ont approuvé ce projet... Et je suis vraiment très surprise, très étonnée de voir comment certains autres membres d'un même parti peuvent qualifier ce projet comme étant «de gauche élitiste». Un peu de cohérence, Messieurs ! Merci.
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Cher collègues, peut-être quelques réponses à certains arguments qui m'ont été opposés. Je vais prendre au mot Mme Emery-Torracinta, qui s'étonne que l'UDC ne soutienne pas le cinéma romand. Eh bien, le cinéma romand, parlons-en au travers des titres des films dont j'ai reçu une liste - vous excuserez la prononciation, l'accent n'y est pas forcément. Je pense par exemple à un film qui s'appelle «More than Honey», à un autre qui s'appelle «Sadhû», à un troisième, «Abrir puertas y ventanas»; ou encore: «Aisheen», «Cleveland vs Wall Street», «Nomad's Land», voire «Las Pelotas», ou enfin «Die Frau mit den 5 Elefanten»... (Rires.) Alors, je précise... (Applaudissements.) Je précise que les titres ici déclamés font partie du cinéma romand ! (Rires.) Je précise aussi, pour être tout à fait sincère, que les films que je vous ai cités ont remporté différents prix - il faut quand même le dire. Mais enfin, venir accuser l'UDC de ne pas vouloir soutenir le cinéma romand me fait légèrement sourire, tout comme me fait aussi sourire M. Deneys quand il nous parle de garantir la diversité culturelle. Il n'a pas été jusqu'à parler de diversité politique, je le relève.
Enfin, je voudrais revenir sur ce que j'ai dit lors de ma première prise de parole. C'est toujours très difficile de discuter d'une subvention, surtout lorsqu'on touche à la culture et qu'on a tout le problème de la subjectivité devant nous. Je vais personnellement soutenir le renvoi en commission. Parce que, finalement, ce qu'a dit M. Rappaz est assez intéressant. Bien qu'il refuse ce projet de loi, il nous passe le message suivant: ou on en fait trop peu, ou pas assez. Dans l'industrie du cinéma, c'est vrai qu'il faut beaucoup moyens; mais, avec ces moyens, on espérerait au moins avoir beaucoup de rentrées, disons beaucoup de succès auprès du public. Et puis, l'autre aspect du problème, c'est ce fameux retour qu'auraient nos commerçants, qu'auraient nos artisans, qu'aurait tout un tissu économique grâce à l'investissement que nous ferions dans le cinéma... Cet argument, j'aimerais bien qu'une fois on puisse le vérifier. On l'entend souvent - je l'entends par exemple en Ville de Genève, avec le Grand Théâtre - mais est-ce simplement un argument qu'on nous lance et qu'on doit croire sur parole ? Est-ce que c'est réel ? On pourrait peut-être creuser légèrement mieux ce sujet avant d'octroyer quelques millions au cinéma romand.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Vous avez proposé le renvoi à la commission des finances: peuvent s'exprimer les deux autres rapporteurs et le conseiller d'Etat. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité Guy Mettan.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président...
Le président. Sur le renvoi !
M. Guy Mettan. Oui, merci, Monsieur le président. Je pense qu'il ne faut pas renvoyer ce projet de loi en commission, puisque effectivement, on le voit, cela concerne des années qui sont passées; et c'est vrai que nous nous couvririons de ridicule si, en plus, on renvoyait ce projet en commission. Il faut avoir le courage de voter ce projet de loi ce soir, tel qu'il est. Et puis, je l'ai dit, le Conseil d'Etat reviendra avec un nouveau projet de loi pour les années futures... (Brouhaha.) ...et là nous aurons toute l'occasion, tout le loisir d'en reparler tranquillement en commission.
Je vous demande simplement de ne pas renvoyer ce projet de loi en commission et d'accepter ce qui a été voté, cela pour assumer nos obligations vis à vis des autres cantons - et puis, quand même, ne pas être trop ridicules face au public. Parce que là, excusez-moi, concernant le cinéma, on peut dire ce qu'on veut, peut-être que la fréquentation baisse dans les salles, mais c'est malgré tout l'art le plus populaire qu'on puisse connaître... (Brouhaha.) ...même si nos films ont évidemment moins d'influence que «Star Wars». Mais quand même, il y a des gens, et par dizaines de milliers, qui vont au cinéma et voient nos films suisses. Donc, par égard pour eux... (Brouhaha.) ...votons ce projet de loi ! Et l'on pourra rediscuter de cela quand le Conseil d'Etat viendra avec le projet de loi complémentaire concernant les années futures.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. La parole est à M. le rapporteur de minorité Roger Deneys - sur le renvoi.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. C'est certain qu'il n'y a aucun sens à renvoyer ce projet de loi en commission, qui plus est en commission des finances. Parce que la commission des finances n'a aucune compétence technique quelconque ! D'ailleurs, c'est comme sur les vélos en libre service, on n'a aucune compétence technique pour évaluer la pertinence d'une offre culturelle, d'un soutien culturel, ou d'un soutien technique à quelque projet que ce soit. C'est précisément significatif de voir que le préavis de la commission spécialisée est unanime en faveur d'un tel projet de loi et qu'ensuite des calculs d'épicier viennent ternir, ma foi, le signal positif qu'on était en train de donner. Il est très difficile de dire si la culture est un investissement qui est rentable ou non. Je pense qu'on a tous besoin de culture, on a tous besoin d'histoire, et je crois que, pour des montants aussi raisonnables, ce n'est évidemment pas en pinaillant - car l'argent ne manque pas à Genève, ça c'est un réel mensonge aujourd'hui - ce n'est pas en pinaillant sur les moyens et sur 10 000 F ou 100 000 F qu'on va changer grand-chose. Pour les socialistes, ce qui compte c'est de garantir une diversité de production, peut-être d'ailleurs aussi en dehors de cette fondation, mais c'est bien en la créant et en lui permettant d'exister qu'on pourra voir ce qu'elle donne.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la demande de renvoi à la commission des finances.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10840 à la commission des finances est rejeté par 72 non contre 11 oui et 2 abstentions.
Le président. Nous poursuivons notre débat d'entrée en matière. La parole est à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...je souhaite d'abord, en tout premier lieu, remercier les députés de la commission des finances, qui ont pris du temps pour étudier un projet de loi qui venait de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, qui a elle-même rendu son préavis et qui a également pris du temps. Et j'aimerais dire également qu'il n'est pas coutume de constater que le parlement - parce que c'est relativement nouveau - prenne ainsi sur lui, dégage du temps pour traiter de questions culturelles, et en cela c'est déjà une évolution qui mérite d'être tout simplement soulignée dans la mesure où cela consacre l'émergence de la culture dans le paysage politique de notre canton au niveau de l'Etat - et c'est un élément déterminant.
Alors le cinéma - qui nous réunit ce soir - est bien évidemment un objet très particulier dans la mesure où il s'agit ici, à travers ce projet de loi, d'aider à la création et de réformer complètement la mécanique d'aide à la création cinématographique. J'aimerais en effet rappeler que la création de cette fondation, issue d'un mouvement de professionnels, découle également d'une réorganisation au niveau suisse, au cours de laquelle il a notamment été décidé de mettre en place des barrages du point de vue des montants des films sur lesquels la fondation interviendrait de manière à pouvoir les aider. En décidant de se regrouper au niveau romand, ou plutôt en se basant sur l'avis des professionnels et sur les décisions prises au niveau suisse, les différents cantons romands ont fait preuve de responsabilité. D'abord parce qu'ils ont travaillé ensemble; et, pour la première fois dans le domaine culturel, ils ont consacré un effort commun en créant cette fondation. Et puis, en la consacrant, en la créant, ils ont également réformé un élément fondamental de l'aide au cinéma; ils ont donné beaucoup plus d'importance à l'aide dite sélective des films retenus et choisis, puisque jusque-là les fonds REGIO avaient en pratique, au niveau romand, la particularité d'être situés ultra majoritairement dans l'aide automatique ! Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui des tris sont effectués, des critères de choix découlant des milieux cinématographiques, et non politiques, consacrent les films retenus, ce qui permet d'avoir cette originalité de rassembler les cantons romands, les deux grandes villes de Suisse romande, c'est-à-dire Lausanne et Genève, mais également la Loterie romande, qui tant au niveau romand qu'au niveau cantonal, selon les cantons, consacre une aide importante au démarrage de cette fondation. Je crois que ces éléments méritaient d'être rappelés car il s'agit d'une évolution majeure.
Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais attirer votre attention sur un autre point qui a été évoqué en toile de fond, mais qui mérite aujourd'hui d'être mesuré du point de vue de l'importance du vote. Lorsqu'il s'agit d'intervenir dans le cinéma, il convient de remarquer qu'il y a à la fois le monde local, en fait l'industrie locale, et l'industrie globale; celle qui vit effectivement de budgets extrêmement rémunérateurs, de budgets extrêmement riches, avec des canaux de diffusion automatiques parce que pratiquement ce sont les même groupes, ou les mêmes alliances, qui possèdent les salles de cinéma. Partout en Europe, et ce n'est pas seulement le cas en Suisse, nous voyons les petites salles fermer les unes après les autres. Alors il s'agit aujourd'hui de mesurer que tous les gains qui méritent d'être défendus ne sont pas forcément des gains de court terme, mais qu'il convient, même et surtout en période de crise, de pouvoir remarquer l'importance de conserver une certaine part de notre patrimoine culturel, auquel je pensais plusieurs partis être attachés également en tant qu'illustration de notre identité nationale. Alors, Mesdames et Messieurs, le cinéma d'expression française, en Suisse, je n'ai pas honte de le dire, est enraciné dans un terreau qui est la Suisse romande, dans lequel on s'exprime en français et à partir duquel on essaie de faire rayonner les talents. Et cela mérite l'attention et le soutien.
Je terminerai en disant tout simplement à Mmes et MM. les députés qui soutiennent le projet de loi initial tel que proposé par le Conseil d'Etat que, aujourd'hui, je souhaite que tout le monde vote les parties 11 et 12, parce que les exercices sont écoulés, et il s'agit de faire en sorte qu'on ne pratique pas - même en cherchant à aller plus loin - la politique du risque, qui pourrait remettre en cause ces années 11 et 12, lesquelles sont fondamentales pour le milieu du cinéma, fondamentales pour la Suisse romande, fondamentales pour la crédibilité des collectivités publiques. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais, Mesdames et Messieurs les députés, vous faire voter l'entrée en matière du PL 10840.
Mis aux voix, le projet de loi 10840 est adopté en premier débat par 70 oui contre 9 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Le président. Nous sommes en deuxième débat. Titre et préambule: nous sommes saisis d'un amendement qui demande le retour au titre initial, que je rappelle: «Projet de loi accordant une aide financière de 1 300 000 F en 2011, 1 500 000 F en 2012, 2 000 000 F en 2013, 2 500 000 F en 2014 à la Fondation romande pour le cinéma.» La parole est à Mme Serdaly Morgan. Je rappelle que nous sommes en catégorie II - trente minutes - dans ce deuxième débat. Vous avez la parole, Madame la députée.
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Merci, Monsieur le président. Bien sûr, beaucoup de choses ont été dites, à ce stade, mais je dois avouer que je suis particulièrement attristée d'entendre aujourd'hui, en 2013, que la culture est un objet de luxe et de confort: la cerise sur le gâteau ! (Brouhaha.) C'est désolant que ce point de vue puisse encore exister et j'inviterai le député ou les députés qui peuvent avoir cette image-là de la culture à se demander... (Brouhaha.) ...ce qui, dans leur mémoire, leur reste des siècles précédents et à examiner si ce qui passe à travers le temps n'est pas précisément la culture, en grande partie. La culture, c'est le ciment de notre société ! Anne Emery-Torracinta l'a rappelé tout à l'heure: pour un certains nombres de personnes qui sont attachées à notre pays, à la culture suisse, à l'élaboration d'un ciment social et culturel, c'est bien là le rôle de la culture, celui d'être un véhicule de valeurs. Mais c'est aussi le miroir de notre société, ce qui nous aide à la comprendre, à la critiquer, à nous comprendre, à comprendre ce qui se passe au niveau individuel comme au niveau collectif. C'est aussi un lieu de critique, c'est un lieu de mémoire, c'est aussi l'ambassadeur de la Suisse. Alors, vous préférez peut-être Roger Federer - bien que ce matin, à la radio, on se demandait s'il était déloyal à sa patrie... - mais la culture, de même, diffuse nos valeurs de par le monde. Et si Ursula Meier, avec «L'Enfant d'en-haut», porte aujourd'hui les couleurs de la Suisse aux Etats-Unis, je serais fort attristée que nos députés genevois et romands ne soient pas capables, ici, de reconnaître l'exceptionnel travail d'un certain nombre de nos réalisateurs. Oui, parfois les films ont des titres anglais: «Cleveland vs Wall Street»... Evidemment, on ne pouvait pas appeler Cleveland autrement que «Cleveland» et Wall Street autrement que «Wall Street», mais Jean-Stéphane Bron fait là un travail magnifique au moment de la crise qui frappe en 2009 l'ensemble de nos pays occidentaux. Il fait un travail magnifique de critique, et je regrette aussi qu'un certain nombre de députés n'aient peut-être pas vu ce film. Il y a aussi «Mais im Bundeshuus», il y a «La petite Chambre», avec Michel Bouquet, de Stéphanie Chuard et Véronique Raymond...
Le président. Il vous reste trente secondes, chère Madame.
Mme Christine Serdaly Morgan. ...voilà autant de personnes qui portent nos couleurs, discutent de notre pays, et dont il serait dommage de penser qu'elles sont élitistes, alors qu'elles ont eu de très vastes audiences ! Et ce n'est pas parce qu'on ne connaît pas, que les objets deviennent élitistes. (Brouhaha.) Alors soyons conséquents. On a une industrie du cinéma: est-ce qu'on souhaite la soutenir, ou pas ? On a des écoles de cinéma dans le canton de Genève et dans le canton de Vaud: est-ce qu'on souhaite que les personnes qui sortent des écoles soient au chômage ?
Et je terminerai là. On a une LIAF voulue par ce Grand Conseil: est-ce que vous souhaitez être inconséquents et vous ridiculiser en soutenant, le 24 janvier 2013, non seulement une subvention pour les deux années passées, mais en refusant...
Le président. Cette fois, il vous faut conclure !
Mme Christine Serdaly Morgan. ...de vous engager, comme vous l'avez souhaité pour les deux années suivantes ? Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. (Remarque.) J'ai cru qu'il vous restait du temps sur votre groupe, mais il paraît que ce n'est pas vrai. Enfin, voilà... La parole est à M. Bernhard Riedweg.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Vous direz à Mme la députée Serdaly Morgan que je suis tout à fait d'accord avec elle sur les propos qu'elle tient. Seulement, l'Etat n'a pas les moyens financiers de continuer à subventionner ce genre d'activités, le cinéma notamment. Nous devons absolument tenir compte du fait que nous devons économiser de l'argent, et c'est pour cela que nous sommes contre ce projet de loi. Ce n'est qu'une question d'argent. Et s'il y a un endroit où l'on peut économiser, c'est bien dans ce domaine de confort et de luxe. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je vais, Mesdames et Messieurs les députés, vous faire voter sur cet amendement, soit le retour au titre initial.
Des voix. Vote nominal !
Le président. Vote nominal: êtes-vous soutenus ? Oui, relativement mollement - mais oui, vous êtes soutenus.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 52 non contre 31 oui et 2 abstentions.
Le président. A l'article premier, nous sommes saisis d'un amendement de M. Mettan, que vous avez tous reçu. (Commentaires.) Ce n'est pas le cas ? Alors je vais vous le lire. Le voici: «Art. 1, al. 1 (nouvelle teneur). 1 La convention de subventionnement conclue entre l'Etat et la Fondation romande pour le cinéma est ratifiée» - on a barré les mots: «la Ville de Genève». Donc on demande de supprimer la mention «la Ville de Genève».
Monsieur Mettan, souhaitez-vous exprimer ? (Commentaires.) Manifestement, Monsieur le rapporteur de majorité, vous ne vous souvenez plus de l'amendement. (Rires.)
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. C'est vrai que cet amendement a été déposé il y a plusieurs mois...
Le président. Les 10 et 11 mai 2012, c'est vrai.
M. Guy Mettan. Voilà ! Donc je n'en ai plus le souvenir exact. C'est un amendement technique qui nous avait été proposé... (Commentaires. Rires. Brouhaha. Le président agite la cloche.) Amendement qui nous avait été proposé... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Guy Mettan. ...parce que la Ville dispose d'une ligne dans le financement. Et effectivement... (Remarque.) Oui, si vous examinez le projet de loi ! Et effectivement, il n'était pas nécessaire de le mentionner dans la loi elle-même, puisque ce n'est que le canton qui est concerné. Voilà.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Maintenez-vous cet amendement ? (M. Guy Mettan acquiesce.) Bien ! La parole n'étant pas demandée... (Remarque.) Monsieur le conseiller d'Etat, vous voulez donner une précision ? (Un instant s'écoule.) Oui !
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Un mot: si la Ville tombe, dans la mention, ici, c'est tout simplement parce que la Ville s'est engagée sur quatre ans et que les contrats ne sont plus parallèles dans la durée. Merci. (Commentaires.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Voilà qui est logique, Monsieur le rapporteur de majorité. Nous allons nous prononcer sur cet amendement technique: ceux qui l'acceptent votent oui, les autres le refusent ou s'abstiennent.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 71 oui et 16 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 10.
Troisième débat
Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Remarque.) Il l'est.
La loi 10840 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10840 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 63 oui contre 20 non et 1 abstention.