République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10972-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi concernant la constitution d'une Fondation pour la construction d'habitations à loyers modérés de la Ville de Carouge (PA 553.00)
Rapport de majorité de Mme Irène Buche (S)
Rapport de minorité de M. Sandro Pistis (MCG)

Premier débat

Le président. Nous sommes en débat de catégorie II: quarante minutes. Madame Buche, vous avez la parole.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit ici de voter l'adoption de nouveaux statuts pour la Fondation pour la construction d'habitations à loyers modérés de la Ville de Carouge. (Brouhaha.) Les anciens statuts datent de 1955 et, lors de l'audit de la Cour des comptes, il a été décidé de les réviser, car ils ne correspondent plus au fonctionnement et aux besoins actuels de... (Brouhaha.)

Le président. Madame la rapporteure, vous permettez ? J'aimerais demander à l'assemblée de bien vouloir écouter votre rapport. Quant aux personnes qui veulent aller au café, eh bien qu'elles y aillent maintenant ! Vous pouvez poursuivre, Madame la rapporteure.

Mme Irène Buche. Merci, Monsieur le président. Donc, la Cour des comptes a émis vingt-quatre recommandations à l'égard de la Fondation et, notamment, lui a demandé de changer ses statuts. Le président de la Fondation, M. Baron, est venu expliquer à la commission que, suite à ce rapport de la Cour des comptes, de nombreuses réformes avaient été entamées pour améliorer la gouvernance de cette Fondation. La Fondation est en train d'édicter des règlements, par exemple concernant l'attribution des logements, et la révision des statuts était l'un des points importants de ces réformes. Il a également été décidé de modifier le nom de la Fondation, puisqu'elle ne gère plus que très peu de logements contrôlés par l'Etat et que son nom ne se justifiait plus. Elle va donc s'appeler «Fondation immobilière de la Ville de Carouge.»

Suite au rapport de la Cour des comptes, la Fondation s'est fixé des échéances, doit référer à la Cour des comptes, et apparemment le travail devrait être terminé en 2013 - on verra ce qu'il en est. (Brouhaha.)

Comme je le disais tout à l'heure, l'un des points cruciaux était la question de l'attribution des appartements, ce qui a été soulevé par la minorité comme étant la pierre angulaire de toute cette problématique. La Fondation nous a expliqué avoir mis en place un règlement d'attribution, qui a été remis à la Cour des comptes, et elle procède actuellement à des attributions anonymes, donc sans connaître le nom du locataire à qui l'appartement est attribué.

M. Baron, de la Fondation, nous a également expliqué que le but principal de cette dernière est non pas d'attribuer des logements - puisqu'il y a très peu de mouvements - mais bien de construire et de proposer de nouveaux logements.

J'ai bien lu le rapport de minorité, qui parle d'impératifs de transparence et de la peur que ces nouveaux statuts provoquent une opacité dans la gestion de la Fondation; il est clair que la transparence est indispensable, et tous les députés la souhaitent. Simplement, je crois qu'il faut aujourd'hui laisser la Fondation faire son travail avec les nouveaux statuts qui sont proposés. Il faut lui laisser exposer son travail à la Cour des comptes et laisser la Cour des comptes effectuer le suivi. Il sera temps de réviser ces statuts ultérieurement, si réellement ils ne sont pas adaptés à la situation ou s'il y a un manque.

Ainsi, la majorité de la commission vous invite à adopter ces statuts et, donc, à voter ce projet de loi qui les prévoit.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Chers collègues, en préambule, je tiens à préciser, par souci de transparence - ce que j'ai également déclaré en commission - que je suis membre du conseil de la Fondation HLM de la Ville de Carouge en qualité de délégué par mon parti. Je ne suis pas locataire. Aucune parenté ou famille n'habite dans un appartement de la Fondation.

Il est souvent évoqué dans cette enceinte l'article 24 de la loi portant règlement du Grand Conseil, demandant l'abstention lors du vote lorsqu'il pourrait s'agir d'un intérêt personnel. Comme cet article est souvent utilisé à contresens, je me permets de le citer: «Art. 24 Obligation de s'abstenir. Dans les séances du Grand Conseil et des commissions, les députés qui, pour eux-mêmes, leurs ascendants, descendants, frères, soeurs, conjoint, partenaire enregistré, ou alliés au même degré, ont un intérêt personnel direct à l'objet soumis à la discussion, ne peuvent intervenir ni voter, à l'exception du budget et des comptes rendus pris dans leur ensemble.» Etant délégué par mon parti dans cette Fondation, je défends l'intérêt général et n'ai donc aucun intérêt personnel direct.

Cette mise au point étant faite, voici les raisons du refus du MCG: le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui doit valider un nouveau règlement de la Fondation HLM de la Ville de Carouge. Pour le MCG, il ne s'agit pas d'un banal règlement; en effet, ce règlement a été demandé par la Cour des comptes. Il fait suite aussi à un scandale dont la presse s'est emparée. Mais surtout, il pose la question de la bonne gestion des appartements loués par les fondations communales.

La rapporteuse de majorité indique qu'il y a très peu d'appartements. Pour mémoire, la Fondation HLM a 1300 logements qu'elle attribue, donc environ 10% à 15% du nombre de logements sur Carouge. Il faut rappeler les différents articles véhiculés par la presse, qui ont révélé de graves problèmes de gestion, en particulier dans l'attribution des logements de la fondation communale. Je le répète, c'est 1300 appartements de la commune de Carouge.

La Cour des comptes a rendu le 28 juin 2011 un rapport qui réclamait une amélioration. Malheureusement, sur un point essentiel, le nouveau dispositif législatif est pire que l'ancien. La Cour nous met en garde dans la synthèse de son audit. Je cite: «Relativement à la gouvernance et à l'organisation de la Fondation HLM, la Cour a constaté: (...) une grande concentration de responsabilités... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.)

Le président. Poursuivez, Monsieur le rapporteur.

M. Sandro Pistis. Je poursuis: «...sur le directeur de la fondation dans un environnement où la supervision du conseil de fondation est limitée. (...).»

Au lieu de mieux définir le rôle du directeur, qui est à la tête de l'administration, et de mieux l'encadrer, les statuts de la Fondation élargissent encore son champ d'action. Je tiens à préciser qu'il s'agit ici de la fonction, et non de la personne. Mon intervention vise à protéger le directeur face aux pressions possibles de sa hiérarchie politique... (Brouhaha.) ...au niveau supérieur, ainsi que le personnel de la Fondation.

Ne tenant pas compte de cette remarque de première importance, les nouveaux statuts renforcent les prérogatives du directeur, ce qui va à l'encontre du principe de bonne gestion et de responsabilité du conseil de Fondation, tel qu'il figure dans les nouvelles prescriptions légales sur la responsabilité des administrateurs de conseils. C'est suite à ces divers scandales, dont celui de la Banque cantonale, que cette responsabilité a été renforcée. Le MCG estime que le directeur a un pouvoir disproportionné, comme l'a relevé la Cour des comptes.

Les statuts que nous sommes en train de valider renforcent l'opacité - qui a été dénoncée - en réduisant les prérogatives du conseil de fondation, lequel a une composition très large; au contraire, l'administration voit ses prérogatives augmenter. Si l'administration prend un poids complètement disproportionné, il faut savoir que le conseil de fondation en assume la responsabilité légale... C'est impossible à réaliser !

C'est dans cet esprit de transparence, et pour le bien public, que le MCG vous propose de refuser ce projet de loi qui adopte des statuts dangereux pour la Fondation HLM de la Ville de Carouge.

M. Bertrand Buchs (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, avec ce projet de loi, on arrive peut-être à la fin d'une longue histoire à Carouge, qui est la gestion de la Fondation HLM. Le groupe démocrate-chrétien remercie l'UDC d'avoir saisi la Cour des comptes, parce que, depuis de nombreuses années, les partis minoritaires à Carouge, l'UDC et le PDC, nous nous rendions compte qu'il y avait un gros problème d'amateurisme - pour rester gentil et poli - et de clientélisme au niveau de cette Fondation HLM qui, comme l'a très bien dit M. Pistis, gère 1300 logements, mais qui a les loyers les plus bas de tout le canton de Genève et avec des rendements d'immeubles qui sont souvent à 0%. Donc quand on veut, après, investir et construire de nouveaux logements, la Fondation HLM n'est plus capable de le faire parce qu'elle n'a pas assez de fonds propres.

La Cour des comptes a rendu un rapport extrêmement sévère sur la Fondation HLM de la Ville de Carouge et, après des interventions très rigoureuses de l'UDC et du PDC, nous avons pu obtenir qu'il y ait un changement du règlement de la Fondation. Ce changement a été dans le bon sens. La Cour des comptes l'a dit: elle effectue le suivi, elle est satisfaite des changements qui ont été faits. Maintenant, on peut commencer à travailler, surtout au niveau de l'attribution des logements, de la gestion de la Fondation d'une façon correcte en ce qui concerne la Ville de Carouge, et avoir une gestion professionnelle, et plus du tout amateure.

C'est pourquoi le groupe PDC vous demandera de voter ces statuts - parce que le travail a été réalisé. Mais nous le disons ici, il faut faire extrêmement attention quant aux communes, car la gestion de certaines fondations se fait plutôt dans le sens de rapporter des voix à certains partis - et malheureusement des partis de gauche - que dans celui de gérer les biens communaux. (Applaudissements.)

Mme Beatriz de Candolle (L). Mesdames et Messieurs les députés, la Cour des comptes, dans son rapport du 28 juin 2011, a émis vingt-quatre recommandations pour améliorer le fonctionnement et la gestion de la Fondation pour la construction d'habitations à loyer modéré de la Ville de Carouge. Ce n'est pas resté lettre morte, puisque moins d'un an plus tard la commission des affaires communales, régionales et internationales s'est penchée sur les nouveaux statuts de la Fondation. Par ailleurs, la mue se poursuit avec la mise au point d'un contrôle interne et d'un nouveau cahier des charges du personnel.

En réponses aux craintes du rapporteur de minorité et au membre démocrate-chrétien de la Ville de Carouge, la Fondation a rédigé un règlement d'attribution des logements, attribution guidée par l'anonymat des candidats. Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral dit oui à ce projet de loi et vous invite à faire de même.

Mme Catherine Baud (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts voteront aussi ce projet de loi. En effet, la Cour des comptes a émis vingt-quatre recommandations, de sorte que cette Fondation soit gérée de façon beaucoup plus professionnelle qu'avant.

Je pense que maintenant nous pouvons avoir confiance en ce texte. Il s'agit d'un projet de loi permettant à cette Fondation de fonctionner d'une manière cohérente, il n'y a donc aucune raison de s'y opposer. En conséquence, nous vous encourageons à voter ce projet de loi tel qu'il est présenté.

M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical vous invite également à accepter ce projet de loi. Tout simplement parce qu'il considère que la question qui nous est posée, au Grand Conseil, est de savoir si, oui ou non, nous estimons que les statuts proposés sont conformes à nos lois et à nos pratiques.

Mesdames et Messieurs, on peut éventuellement comprendre que les gens de Carouge, qui siègent ici dans cette assemblée, aient des comptes à régler entre eux sur le plan politique, mais ce n'est pas le lieu de cette discussion-là ! Effectivement, le texte qui nous est soumis est conforme à la loi, il est acceptable par notre Grand Conseil qui peut le valider.

Les discussions qui devaient avoir lieu à Carouge ont eu lieu, et on ne règle pas à nouveau les comptes de ce qu'on n'a pas pu obtenir au niveau communal devant ce Grand Conseil ! Voilà, tout simplement, la raison pour laquelle le groupe radical du PLR vous recommande d'accepter ce projet de loi.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit plusieurs fois - et je vais, pour le groupe socialiste, être brève - il y a eu des problèmes à la Fondation immobilière de Carouge. Nous avons ici la preuve que des travaux ont été entrepris, que des révisions ont été effectuées, que ce soit en termes de règlement de fondation, que ce soit - et nous l'avons lu dans les journaux, nous l'avons entendu en direct - dans la gestion de l'attribution, ainsi que dans la gestion de la Fondation immobilière.

De ce fait, nous allons soutenir ces nouveaux règlements, pour permettre à cette Fondation d'avancer, pour que des logements soient attribués, pour que des logements soient construits et qu'effectivement la Fondation de Carouge reparte sur un bon pied. C'est ce que nous espérons et c'est ce que nous avons lu entre les lignes par le dépôt de ces nouveaux statuts.

M. Eric Bertinat (UDC). Chers collègues, l'UDC est à la base du contact demandé à la Cour des comptes, afin d'avoir un rapport sur les questions différentes qu'a soulevées cette fondation. La plupart des réponses, pour nous, sont positives. Le problème que soulève le MCG concernant l'attribution des appartements est certainement réel, et nous espérons, après avoir pris notre décision, qu'à défaut d'être réglé il sera au moins surveillé au niveau de la commune. Le Conseil municipal a néanmoins un regard - Carouge n'est quand même pas New York et ce qui s'y décide est connu.

Sachant cela, nous allons voter ce projet de loi, parce que, malgré tout, la plupart des recommandations émises par la Cour des comptes ont été prises en considération.

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 10972 est adopté en premier débat par 63 oui contre 11 non.

La loi 10972 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10972 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui contre 12 non.

Loi 10972