République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10891-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Olivier Jornot, Jacques Jeannerat, Christophe Aumeunier, Antoine Barde, Francis Walpen, Fabienne Gautier, Jean Romain, Christiane Favre, Nathalie Fontanet, Patricia Läser, Nathalie Schneuwly, Ivan Slatkine, Mathilde Chaix, Alain Meylan, Daniel Zaugg, Michel Ducret, René Desbaillets, Pierre Weiss, Charles Selleger, François Haldemann modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses (LCI) (L 5 05) (Préserver la zone de villas)
Rapport de majorité de M. Christophe Aumeunier (L)
Rapport de minorité de M. Sandro Pistis (MCG)

Premier débat

Le président. Ce débat est en catégorie II: quarante minutes. Monsieur le rapporteur de minorité, je vous accorde la parole.

M. Christophe Aumeunier (L), rapporteur de majorité. Je rappelle que je suis rapporteur de majorité.

Le président. «De majorité» !

M. Christophe Aumeunier. D'une majorité assez confortable, d'ailleurs, puisqu'il s'agit non pas d'une révolution, mais d'une vraie contribution. Au fond, c'est une contribution à l'aménagement du territoire genevois, respectivement à la construction de logements à Genève, étant donné qu'il s'agit d'apporter une réponse au problème de l'exiguïté du territoire, au fait que nous avons besoin de limiter la pénurie de logements et, respectivement, de répondre à la forte demande qu'il existe pour une nouvelle forme d'habitat. Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit, en définitive: il ne s'agit plus forcément de la villa telle que nous l'entendons, mais bien d'une nouvelle forme d'habitat groupé, plus contemporaine et pour laquelle il y a une demande extrêmement forte.

La loi sur les constructions et installations diverses de 1988 avait déjà prévu trois stades de densification de la zone villas, à savoir un régime général à 20%, et puis, sous deux dérogations, 25 et 30% - respectivement, depuis 1994, 40%. Mais 40% ou 30% de quoi ? Eh bien, il s'agit de la surface brute de plancher de construction hors sol que l'on peut bâtir par rapport à la surface de la parcelle villa. Donc la surface brute de plancher hors sol par rapport à la surface de villa, c'est comme cela que l'on permet de construire dans la zone villas.

Actuellement, le régime général veut qu'il y ait 20% de construction hors sol possible par rapport au périmètre de la parcelle et le projet de loi prévoit 25%. La première dérogation possible permet que le département autorise un projet en ordre contigu. L'ordre contigu, c'est quoi ? C'est au moins deux maisons réunies par un mur mitoyen ou par une construction de moindre importance, lorsque les circonstances le justifient, lorsque c'est compatible avec l'harmonie et l'aménagement du quartier et lorsqu'il y a un préavis, c'est-à-dire un arrêté du conseil administratif qui est favorable. Dans ce contexte-là, la loi actuelle prévoit une dérogation à 25%.

Le nouveau projet de loi permet de passer à 40% dans les mêmes conditions, mais en ajoutant, parce que c'est nécessaire alors, la condition également d'un habitat groupé. L'habitat groupé, qu'est-ce que c'est ? C'est exactement la même chose que l'habitat en ordre contigu, mais où l'on permet qu'il n'y ait plus d'entrée de plain-pied dans la villa. Il s'agit, également là, de garder en définitive une consultation de la commune par voie d'un arrêté du conseil administratif.

Et puis, la seconde dérogation, qui va plus loin, est de permettre que, exceptionnellement, l'on puisse, dans un projet en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé, lorsque les circonstances le justifient, lorsque c'est compatible avec l'aménagement du quartier, lorsque - et cela est nouveau - les parcelles ou l'ensemble des parcelles font au moins 5000 m2, lorsqu'on a une délibération du conseil municipal, qui est nécessaire pour le préavis communal, eh bien, que l'on puisse aller jusqu'à 50% de la parcelle qu'il est possible de créer en mètres carrés habitables.

Plusieurs questions se sont posées à ce niveau-là en commission: est-ce qu'il faut des plans de quartier ? Est-ce qu'il faut une forme de plan ? C'est exactement le même débat qui avait eu lieu en 1984 entre le député Richardet, du parti socialiste, et le député Koechlin, du parti libéral. Les positions n'ont pas changé ! Ce sont exactement les mêmes positions qui ont été exprimées aujourd'hui en disant qu'en passant à 50% il s'agissait, pour les uns, de former des plans de quartier et, pour les autres, de laisser une certaine liberté et de permettre qu'une certaine densité puisse avoir lieu. En résumé, il se dégage une volonté...

Le président. Il vous faudra conclure, Monsieur le rapporteur !

M. Christophe Aumeunier. Je conclus, Monsieur le président. Il se dégage une volonté du législateur de densifier très raisonnablement la zone villas pour qu'elle fasse sa part dans le but de résoudre la pénurie de logements à Genève. Ce qu'il est très important de savoir, c'est que les trois niveaux de densité que j'ai évoqués, soit le régime ordinaire et les deux dérogations possibles, ont été complètement conservés. Il s'agit simplement d'augmenter la densité et, dans ce contexte-là, il est important de dire que nous avons l'agrément de l'Association des communes genevoises, qui a donné son accord à ce projet de loi tel qu'il ressort de la commission. Au bénéfice de ce qui précède, je vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Vous avez pris une minute sur le temps accordé à votre groupe. La parole est à M. le rapporteur de minorité Sandro Pistis.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Chers collègues, tout d'abord le MCG est favorable à la construction de logements rapides, à bon marché, mais pas n'importe comment et certainement pas au détriment de la collectivité.

Agir contre les communes et vouloir imposer des projets qui seront alors stoppés, le plus souvent par des particuliers ou des voisins, comme le démontrent plusieurs projets de construction qui sont actuellement bloqués, ne peut être qu'une erreur. Si aujourd'hui on construit aussi peu à Genève, c'est précisément parce qu'il manque un dialogue avec les communes, et le projet de loi qui nous est soumis ne va pas dans le sens du dialogue. Il est certain que la loi telle qu'elle nous est proposée aurait fait l'affaire pour sa plus grande partie. Mais un élément essentiel n'a pas été pris en considération lors du vote final.

La minorité de la commission, qui, malheureusement, n'a pas été suivie, demandait tout simplement que, pour une densification des petites zones villas, le conseil municipal soit consulté par une délibération. Je tiens à rappeler que les conseillers municipaux sont des personnes responsables, et ils doivent avoir leur mot à dire dans ce genre de projet. D'ailleurs, les conseillers municipaux de Meyrin et de Vernier, mais également l'Association des communes genevoises, sont intervenus pour que cette délibération municipale soit maintenue comme c'est le cas actuellement.

Il est regrettable que certains prennent les habitants des villas pour des boucs émissaires et oublient trop facilement que des personnes aux moyens modestes habitent dans ces quartiers et que la nature verdoyante profite également aux habitants des immeubles se trouvant à proximité. D'ailleurs on est surpris que des représentants de certains partis s'opposent, au niveau communal, à un fragment de ce projet de loi, alors que les députés des mêmes partis votent la loi en question au niveau cantonal ! Vous l'aurez compris, c'est complètement contradictoire !

Ce projet de loi part du principe que les communes veulent à tout prix s'opposer et faire recours, ce qui est un très mauvais point de départ. Ce n'est pas ainsi que les communes et les cantons trouveront des solutions pour la construction de logements !

Le fait que nous soyons directement interpellés par des communes ainsi que par l'Association des communes genevoises doit nous rappeler que le canton n'est pas le seul à prendre des décisions et qu'un dialogue avec les premiers concernés est toujours plus productif. C'est pour ces raisons que le MCG vous proposera de réintroduire l'accord de la commune à travers une délibération.

Mme Christina Meissner (UDC). Densifier et construire du logement, évidemment nous y sommes tous attachés et, en l'occurrence, densifier la zone villas est une alternative pour trouver ces logements sans forcément passer par la modification de zone, et c'est une piste à ne pas négliger. Raison pour laquelle l'UDC est tout à fait favorable à ce projet de loi tel qu'il a été amendé en commission. Parce qu'il est vrai que le premier projet, présenté par le PLR, nous avait donné quelques craintes quant à savoir qu'il pourrait servir certains intérêts particuliers dans la mesure où il s'agissait de densifier surtout les parcelles qui avaient plus de 2000 m2. Or on sait qu'aujourd'hui la plupart des parcelles, à Genève, ont 1000 m2 ou moins. Ainsi, avec l'amendement voté par la commission, de pouvoir offrir à tous les propriétaires de densifier leur parcelle, nous sommes parfaitement d'accord.

De même, des arguments ont été avancés pour dire que si l'on dépassait un certain seuil inférieur, on risquait de perdre en qualité. Permettez-moi de vous rappeler que densité et qualité peuvent très bien aller ensemble mais, quelquefois, pas forcément, et ce n'est pas ce projet de loi qui nous permettra d'atteindre de la qualité, mais d'autres lois ou moyens intéressants, au moment de la construction et de la planification communale.

Justement, en parlant de la commune, le rapporteur de minorité a rappelé cet attachement des communes à pouvoir donner leur avis. Le rapporteur de majorité a dit: «Les communes ne sont pas opposées à cette densification», voire à une consultation qui se limite à la consultation du conseil administratif. Or, la présidente des communes genevoises elle-même a rappelé qu'il était important de conserver la délibération municipale. Raison pour laquelle nous appuierons l'amendement qui est demandé sur ce point-là - donc à l'article 59, alinéa 4, lettre a - pour qu'il n'y ait pas simplement la consultation du conseil administratif, mais véritablement la délibération municipale. La commune, ce sont les habitants, ce sont les élus, ceux-là mêmes qui connaissent leur territoire...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !

Mme Christina Meissner. ...et il est important qu'ils puissent se déterminer. On a vu que certaines communes, au niveau du conseil administratif, n'avaient pas toujours l'objectivité désirée. Donc nous voterons favorablement cet amendement.

M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, au nom du groupe démocrate-chrétien, j'annonce le soutien à cet excellent projet de loi, qui est tout à fait dans l'air du temps, celui qui consiste précisément à envisager une densification, une utilisation plus appropriée, plus judicieuse du sol, qu'on ne l'a fait jusqu'à présent. On le fait aujourd'hui dans les grands projets, pour des logements collectifs, on le fait au niveau du plan directeur cantonal et il est tout à fait logique de le faire pour une zone qui occupe une grande partie de la zone à bâtir: la zone villas.

Cela correspond d'ailleurs aux souhaits exprimés par les habitants, qui désireraient pouvoir construire davantage de surface de plancher sur leurs parcelles, notamment pour permettre aux générations futures de profiter d'un cadre de vie qui est tout à fait intéressant.

La position du rapporteur de minorité est assez... comment dirais-je ? Difficile à comprendre. Il semblerait, à l'entendre, et à entendre ce que vient de dire Mme Meissner, qu'on enlèverait des prérogatives aux communes, en l'occurrence au conseil municipal et au conseil administratif. Mais tel n'est pas le cas !

J'observe que les personnes qui ont annoncé le soutien à l'amendement se réjouissent de la densification, mais, dans le fond, le projet de loi propose simplement une adaptation des valeurs de ces taux d'utilisation au système actuel ! M. Aumeunier, rapporteur de la majorité, a très clairement exprimé qu'on ne changeait rien aux trois graduations, en quelque sorte: à la norme, à la dérogation apportée par le conseil administratif et à celle apportée par le conseil municipal ! On ne change rien, simplement on augmente les valeurs, dans la logique de la densification à laquelle tout le monde semble adhérer ici, dans ce parlement.

Donc on passe simplement, dans le cas standard, du 20 au 25%; dans le cas de la dérogation du conseil administratif, du 25 au 40%; et dans le cas de la délibération requise du conseil municipal - qui est tout à fait judicieuse parce que cela représente des projets d'importance - de 40 à 50%. Voilà ! C'est juste l'application d'une logique et d'une politique que chacune et chacun d'entre vous semble appeler de ses voeux, c'est-à-dire une meilleure utilisation du sol. On ne change rien, il faut le répéter, à la procédure et au système de dérogation actuellement en vigueur ! Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je vous invite à voter le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission et à refuser l'amendement.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les conseillers munici... les députés ! (Rires.) L'erreur... Le lapsus est peut-être révélateur, effectivement ! J'ai été surpris par la prise de position d'un démocrate - mon préopinant, M. le député Dal Busco - qui, bien sûr, défend les intérêts d'un exécutif. On l'a dit - le rapporteur de minorité l'a dit - ce projet de loi passe outre le préavis du conseil municipal, préavis qui est donné sous forme d'une délibération, comme la loi sur l'administration des communes le prévoit actuellement. C'est une délibération qui, elle, est soumise au droit référendaire, qui s'applique en la matière et que nous ne pouvons contester en tant que démocrates comme étant un moyen qu'a le résident - l'habitant, même - d'avoir un droit de regard sur l'aménagement de son territoire.

Ce qui se passe dans les communes, ce n'est pas seulement du ressort d'un arrêté du conseil administratif ! C'est de la responsabilité de toute la population ! Et quand, dans une commune, il y a un projet pour densifier, bien sûr qu'il y a actuellement un mouvement politique qui va dans ce sens, et le MCG ira aussi dans ce sens. Mais ce qu'il ne veut pas, c'est qu'on passe outre la concertation avec les habitants qui sont amenés à discuter des projets qui leur sont soumis !

Ce ne sont pas seulement les promoteurs immobiliers qui ont droit de donner leur avis et qui imposent cela à la population, au voisinage, au quartier, parce que, tout à coup, on a un besoin urgent de densifier en regroupant des propriétés pour pouvoir densifier la zone villas ! Non ! Les conseillers municipaux ont droit de pouvoir donner leur avis. Bien souvent, ils le donnent favorablement.

Mais l'intention de ceux qui ont déposé ce projet de loi était bien clairement indiquée dans l'exposé des motifs: «Il s'agit de remplacer l'autorisation communale exprimée sous la forme d'une délibération du conseil municipal par un préavis de la commune» et de remplacer ce préavis par, simplement, un arrêté du conseil administratif. Alors que se passe-t-il si la population n'est pas contente ? Eh bien, on lui dira: «Lancez un référendum !» Et le référendum sera cantonal ! Et bien sûr que personne dans le canton ne va accepter de voter un référendum ! On a vu ce qui s'était passé avec les Cherpines: toutes les communes environnantes étaient contre ! Parce que, bien sûr, elles étaient directement concernées ! Mais quand il s'est agi de voter au niveau cantonal, on a accepté cela ! Alors non !

Nous sommes démocrates, au MCG ! Nous voulons donner la parole à la population, jusque dans la base ! Et la base, c'est le conseil municipal ! (Applaudissements.)

Le président. Je suspends le débat pour vous donner le résultat de l'élection complémentaire E 2029.

Suite du premier débat: Session 02 (novembre 2012) - Séance 9 du 30.11.2012