République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 29 novembre 2012 à 20h30
57e législature - 4e année - 2e session - 7e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Gabriel Barrillier, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, David Hiler, François Longchamp, Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat, ainsi que MM. Guillaume Barazzone, Alain Charbonnier et Fabiano Forte, députés.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de juges assesseurs. Je prie Mme le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les juges assesseurs entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Jacqueline Caillat Lambelet, élue juge assesseur psychiatre au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
M. Christophe Dallon, élu juge assesseur psychiatre au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
M. Andri Meiler, élu juge assesseur psychiatre au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
M. Claus Pawlak, élu juge assesseur psychiatre au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
M. Nicolas Perrin, élu juge assesseur psychiatre au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Sylvia Quayzin Hooton, élue juge assesseur psychiatre au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Alexandra Rageth, élue juge assesseur psychiatre au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
M. Alain Souche, élu juge assesseur psychiatre au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Christine Emery, élue juge assesseur psychologue au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Jasmina Froidevaux-Bieri, élue juge assesseur psychologue au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Tania Bénédicte Knoch, élue juge assesseur psychologue au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Christine Pascale Levy, élue juge assesseur psychologue au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Véronique Montfort, élue juge assesseur psychologue au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Dominique Rouy-Durschei, élue juge assesseur psychologue au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Danièle Speierer, élue juge assesseur psychologue au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Anne Berthoud, élue juge assesseur au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, membre d'organisations se vouant à la défense des droits des patients (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Brigitte Berthouzoz, élue juge assesseur au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, membre d'organisations se vouant à la défense des droits des patients (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
M. Nils de Dardel, élu juge assesseur au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, membre d'organisations se vouant à la défense des droits des patients (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Laurence Miserez, élue juge assesseur au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, membre d'organisations se vouant à la défense des droits des patients (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
M. Georges Saloukvadzé, élu juge assesseur au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, membre d'organisations se vouant à la défense des droits des patients (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
Mme Tatiana Tence, élue juge assesseur au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, membre d'organisations se vouant à la défense des droits des patients (entrée en fonction: 1er janvier 2013);
M. Philippe André Vadi, élu juge assesseur au futur Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, membre d'organisations se vouant à la défense des droits des patients (entrée en fonction: 1er janvier 2013).
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Correspondance
Le président. Le Bureau et les chefs de groupe ont trouvé sur leurs places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Copie de la plainte pénale adressée au Ministère public par M. DEVAUD Daniel relative à la violation du secret de fonction (C-3162)
Annonces et dépôts
Néant.
Premier débat
Le président. Nous passons maintenant aux urgences, avec le point 119 bis de l'ordre du jour. Monsieur le rapporteur François Haldemann, avez-vous quelque chose à ajouter ? (M. François Haldemann acquiesce.) Je vous passe la parole.
M. François Haldemann (R), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...vous avez reçu aujourd'hui le rapport sur le travail effectué en commission au sujet du projet de loi concernant les budgets d'exploitation et d'investissement des Services industriels pour l'année 2013.
Ce qu'il faut retenir de ce budget, principalement, c'est que les Services industriels vont maintenir un très haut niveau d'investissement, soit environ 292 millions de francs, malgré le fait qu'ils vont présenter un cash flow de gestion négatif, lequel induit la nécessité de recourir à l'emprunt, ce qui amènera une évolution de la dette à 672 millions de francs.
Les investissements qui seront consentis seront principalement orientés sur l'extension et le renouvellement des réseaux de flux dont les SIG ont la charge. Il s'agit des réseaux de l'eau, du gaz, de l'électricité et de la thermique notamment, mais aussi - parce que cela est parfois remis en cause - du réseau de la fibre optique.
Les investissements financiers qui sont générés vont notamment dans le programme éolien, en partenariat avec d'autres entreprises; cette année, il est malheureusement prévu d'investir seulement 7 millions de francs. La raison de ce maigre investissement dans le programme éolien vient principalement de la difficulté de mettre sur pied des programmes éoliens en Suisse du fait de certaines réticences dans les régions où ces projets sont prévus. Mais ce maigre investissement ne remet en aucun cas en cause la stratégie des SIG, qui souhaitent toujours investir massivement dans les nouvelles énergies renouvelables.
Ce que l'on peut relever au niveau de leur chiffre d'affaires, c'est qu'il va notamment progresser significativement dans le marché de la thermique. Cela vient des investissements massifs qui ont été consentis durant les années précédentes.
Nous verrons aussi les prix baisser, au niveau des tarifs régulés, pour tous les profils de consommateurs. Cette diminution découle notamment de la baisse des prix sur les marchés internationaux. Ce qu'il est important de dire aussi, c'est que l'objectif des Services industriels est de toujours fixer des tarifs potentiellement stables sur trois ans; cela est rendu possible par le fonds de péréquation pluriannuel qui permet d'éviter des hausses et des baisses chaque année, lesquelles peuvent être mal perçues par les consommateurs. Il faut aussi savoir que les Services industriels de Genève restent sous le contrôle de l'ElCom, qui surveille l'application des conditions-cadres qui ont été introduites au niveau fédéral depuis 2009.
Un groupe parlementaire s'était par ailleurs inquiété de la suppression d'une participation de 200 F à l'assurance-maladie pour les retraités des SIG. Cette suppression reflète le souhait du Conseil d'Etat d'harmoniser la pratique du traitement des retraites dans les différentes régies publiques. En l'état, la direction des SIG et la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat ont été entendues, avec les syndicats. Les SIG seraient entrés en matière afin de diminuer l'impact sur les personnes les plus nécessiteuses.
Il a aussi été jugé que l'investissement dans le réseau des fibres optiques, soit 53 millions, ne se justifiait pas forcément, parce qu'il était estimé relativement peu rentable dans les premières années de mise en place, quand bien même les SIG sont parfaitement légitimés quant à la possibilité d'investir dans des infrastructures de télécommunications qui représentent un réseau de flux comparable à d'autres réseaux de flux comme l'eau, le gaz ou l'électricité.
Pour terminer, certains groupes ont regretté le peu de réalisations en matière de nouvelles énergies renouvelables, notamment éoliennes. Mais comme je vous l'ai dit, les SIG sont tributaires de l'avancement de projets qui prennent beaucoup de temps, ces derniers ne se réalisant pas sur le canton. Je conclurai en disant qu'il n'y a pas eu d'opposition à ce projet de loi au sein de la commission.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tant de choses à dire et si peu de temps pour le faire... (Protestations.)
Une voix. L'esprit de synthèse, ça existe ! (Le président agite la cloche.)
M. Eric Stauffer. Je vais quand même essayer de vous faire un panel et je prierai - même s'il n'est pas là - le représentant des Services industriels au Conseil d'Etat de bien écouter ce que je vais dire... (Commentaires.) ...parce que mes paroles vont avoir certains impacts pour le futur.
J'aimerais d'abord relever que nous nous apprêtons à voter un budget d'environ 1 milliard de francs, budget que nous ne pouvons pas amender: soit on le prend, soit on le jette. On le reçoit en un temps record et, comme les Services industriels ont un monopole d'Etat, ils sont toujours bénéficiaires et personne n'a rien à dire. Il est évident que si c'est les hôpitaux, là ça va tergiverser un tout petit peu plus longtemps. Mais enfin, c'était juste une analyse en préambule.
Premier point - et c'est juste une catastrophe au sein des Services industriels: Alpiq, vous connaissez tous, EOS, on ne refait pas l'histoire, le barrage de la Grande-Dixence, Energie Ouest Suisse, partie dans EOS Holding, partie chez Alpiq, et les Services industriels se retrouvent actionnaires d'une société qui est cotée en bourse. Mais il faudra juste m'expliquer si une société cotée en bourse est là pour faire de la philanthropie ?! Non, bien entendu, chers collègues ! Elle est là pour gagner de l'argent ! Donc c'est la tonte organisée de ceux qui sont victimes d'un monopole d'Etat, à savoir les usagers genevois. Et il y a pire ! On nous avait dit au départ, lorsque le MCG, seul contre tous, avait contré cette participation dans Alpiq, que les bénéfices et les dividendes serviraient à baisser les tarifs d'électricité des Genevois. Eh bien figurez-vous, Mesdames et Messieurs, qu'Alpiq a revu sa copie depuis, a licencié 400 personnes, et aujourd'hui les Services industriels doivent investir 60 millions de francs dans une table ronde pour éviter la faillite d'Alpiq ! Eh oui, Mesdames et Messieurs ! Mais à part cela, dans notre république, tout va bien !
Deuxième point: les Services industriels se livrent à une concurrence déloyale ! Je vais vous expliquer. Vous savez, comme toute la population genevoise, que j'occupe d'autres fonctions, notamment celle de magistrat dans une commune suburbaine. Eh bien figurez-vous que des propriétaires d'immeubles qui appartiennent à la Fondation immobilière de la Ville d'Onex reçoivent des courriers des Services industriels concernant une installation de la fibre optique ! Gratuitement ! Alors les propriétaires qui reçoivent ces lettres se disent: «C'est fabuleux, on a la fibre optique gratuite ! C'est officiel, ce sont les Services industriels !» Faux, Mesdames et Messieurs ! C'est un contrat qui a été signé entre Swisscom et les Services industriels ! Et qui aura pour but de créer un monopole encore plus fort sur le transfert de données qui est le futur de la télécommunication en Europe et dans le monde. Et cela, Mesdames et Messieurs, c'est un scandale ! En effet, c'est chaque usager qui va payer de sa poche, car il n'aura pas le choix d'aller ailleurs parce que tout sera maîtrisé par les Services industriels et Swisscom.
Mais il y a pire encore, Mesdames et Messieurs: à Onex par exemple, nous avons une société qui s'appelle Téléonex S.A. La commune a investi des millions de francs pour créer un réseau de fibre optique sur son territoire. Eh bien, peu importe ! Les Services industriels, qui sont une autre régie publique, avec Swisscom, font un deuxième réseau de fibre optique ! Et comme ça on fait de la concurrence déloyale à une autre régie publique, qui est celle d'Onex ! Eh bien moi je vous le dis, Mesdames et Messieurs, ça c'est la gestion à la mode africaine des petits copains et des petits coquins dans cette république ! Et je n'ai pas terminé. Maintenant, vous le savez, les Services industriels sont un îlot...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Oui, Monsieur le président, mais vous savez, pour 1 milliard... La population, encore une fois, m'en sera témoin; je dis des choses importantes, mais personne ne veut les entendre, parce que la vérité fait mal, Mesdames et Messieurs !
Les Services industriels sont un îlot de bienfaisance ! Eux n'ont pas de problèmes avec leurs fonctionnaires, puisqu'ils paient le 13e salaire depuis bien longtemps, plus un bonus. Mais figurez-vous que, alors que nous, nous sommes en train de nous creuser la tête pour renflouer les caisses de la CIA, les Services industriels, eux, ont tout compris: leurs employés touchent la retraite, mais en plus les Services industriels versent un complément ! Je dis bien: les Services industriels versent un complément à leur caisse ! Expliquez-moi comment on arrive à créer des inégalités aussi dramatiques sur le canton de Genève !
Le président. Monsieur le député, je suis désolé, mais vous avez dépassé votre temps !
M. Eric Stauffer. Eh oui, mais bon, Monsieur le président, vous savez, encore une fois, voilà ce que moi je fais du budget des Services industriels de 1 milliard de francs... (M. Eric Stauffer déchire le document se trouvant dans ses mains et le jette derrière lui. Exclamations.) ...parce que de toute façon, tout le monde s'en fout ! Et, Mesdames et Messieurs, vous allez maintenant voter ce budget alors qu'en commission il y a eu 6 abstentions et 4 oui. Cherchez l'erreur, je vous en prie !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Florian Gander, vous n'avez plus de temps à disposition, je suis désolé. La parole est à Mme la députée Christina Meissner.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Il semble que la Ville d'Onex soit bien branchée en matière de communication ! Il va falloir peut-être penser quelques fois à couper le fil !
Désolée, je ne suis pas aussi branchée qu'à Onex, mais tout ce que nous constatons c'est que, pour en revenir au sujet, c'est-à-dire au projet de budget d'exploitation des Services industriels, les efforts sont faits en matière de qualité des prestations, en matière de développement durable, et les consommateurs en profiteront même à travers une baisse des tarifs de 2,9% en 2013. Alors, oui, il faudra rester attentifs, la concurrence est rude. Mais pour aujourd'hui, je pense qu'il faut arrêter de perdre notre temps sur un budget qui est bien fait et le voter. Et si en matière de temporalité, on trouve que les budgets nous arrivent trop tard, eh bien il faut changer la loi. Mais là n'est pas la question posée aujourd'hui à ce parlement.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Eric Bertinat, à qui il reste trois minutes.
M. Eric Bertinat (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vais intervenir sur un autre axe si vous le permettez. C'est celui de la décision qui revient au Grand Conseil - décision légale, bien entendu - d'accepter le budget, et qui n'est finalement qu'une décision de façade ! On nous présente un budget qui est évidemment prêt à l'utilisation et auquel on ne peut rien retoucher. On peut l'accepter ou le refuser. On n'a pas tellement le choix. Et on s'aperçoit qu'il y a une multitude de partenaires au sein des SIG: il y a le conseil d'administration, évidemment, il y a la Ville de Genève, qui a 30% de participation, il y a le canton, par le biais du Conseil d'Etat, et puis aussi le Grand Conseil, qui finalement lui ne fait qu'avaliser le budget qu'on lui présente.
Sur le budget, je n'ai pas grand-chose à dire, l'UDC va l'accepter. Mais restent quand même ces décisions qui sont prises systématiquement par le Conseil d'Etat et qui démontrent finalement que c'est lui qui commande ! C'est lui le seul pilote à bord des SIG. J'en veux pour preuve la décision d'abandonner la centrale chaleur-force, de prélever les 60 millions de l'année dernière pour arrondir son budget - 30 millions cette année, si je ne me trompe pas, et l'année d'après - ou encore de prendre des parts dans EDH. Tout cela sans que le Grand Conseil ait quoi que ce soit à dire. Il est mis devant le fait accompli, tout comme l'est, du reste, le conseil d'administration des SIG. C'est là que le bât blesse, et je veux profiter de l'occasion de ce budget pour dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas et qui nous pose problème, à nous en tant que législatif: nous sommes mis devant le fait accompli et en plus dans des délais impossibles, puisque nous avons reçu ce budget il y a quelques semaines et que nous sommes obligés de l'accepter ou de le refuser ce soir, c'est-à-dire avant le 1er décembre.
Tout cela ne va pas ! Cela nous pose des problèmes, je tenais à le souligner. On le relèvera certainement durant les prochains mois d'une autre manière. Je profite de l'occasion pour vous dire tout cela et, pour le reste, comme je vous l'ai indiqué au début de mon intervention, l'UDC acceptera ce budget.
Mme Marie Salima Moyard (S). Monsieur le président, je m'inquiète un petit peu car je vais avoir un point de vue pour le groupe socialiste non sans quelques ressemblances avec les propos que vient de tenir M. le député Bertinat. Comme quoi tout est possible !
Mesdames et Messieurs les députés, les années se suivent et les soucis des socialistes concernant le budget des SIG, malheureusement, se ressemblent eux aussi d'année en année. Je ne reprendrai pas les propos du député rapporteur Haldemann au sujet de la qualité du travail des SIG; je soulignerai uniquement leurs investissements dans le réseau, le réseau électrique, le réseau gazier - qu'ils entretiennent et c'est fort bien - le travail qu'ils accomplissent en ce qui concerne l'eau potable et les eaux usées également, et celui - un peu plus problématique pour les socialistes - de l'investissement massif dans la fibre optique, qui pose un certain nombre de questions à long terme.
Nous regrettons, comme cela a été dit, un niveau d'investissement jugé trop faible, en ce qui nous concerne, dans les nouvelles énergies renouvelables, que ce soit pour l'éolien - cela a été mentionné - ou la géothermie, avec un investissement somme toute très modeste. Hormis ce bémol, s'agissant de la gestion des SIG et de leur budget, cela fonctionne bien.
Notre souci - et c'est notre souci chaque année, du moins depuis que j'ai le bonheur de siéger dans ce parlement, mais je crois que c'était déjà le cas lors des précédentes législatures - c'est la question de l'autonomie des SIG, autonomie que notre Grand Conseil et surtout le Conseil d'Etat veulent bien leur laisser !
Alors quelle gouvernance face à une ingérence qui devient constante ? Sur ce budget, cela a été mentionné par le député Haldemann, il y a eu une pression du Conseil d'Etat; cela se retrouve en page 12 du rapport dans des termes assez légers: le Conseil d'Etat s'est «ému» de la question de la participation des SIG aux frais d'assurance-maladie de leurs retraités et il a «invité» les SIG à y remédier en supprimant cette participation. Je ne dis pas forcément que ce soit une mauvaise chose, je dis simplement que ce n'est pas l'affaire du Conseil d'Etat. C'est l'affaire du conseil d'administration des SIG et, s'il était là pour l'entendre, je dirais à M. Maudet que les SIG sont assez grands pour gérer ces questions de pure gestion et que ce n'est pas le travail du Conseil d'Etat de venir leur dire quoi faire. Laissons cette question au partenariat social et au conseil d'administration des SIG !
Le problème, c'est que ce n'est pas la première fois: il y a eu l'abandon de la CCF - la centrale chaleur-force que mentionnait M. Bertinat - nous l'avions assez dit. Cela pour le côté du Conseil d'Etat, mais du côté du Grand Conseil on peut se rappeler aussi, il y a un peu moins d'une année, la ponction par le Grand Conseil dans le bénéfice des SIG en augmentant une taxe fort pratique pour trouver quelques dizaines de millions - ponction qui, je vous le rappelle, se trouve devant les tribunaux à ce jour. Alors quelle cohérence à la fois de notre Grand Conseil et de notre Conseil d'Etat face à cette régie publique ? Quand cela nous arrange, elle est autonome, quand cela ne nous arrange pas, elle ne semble pas l'être du tout ! Soyons donc logiques et cohérents, laissons-les travailler ou alors réintégrons-les comme un service de l'Etat, mais arrêtons de valser entre les deux. C'est pour signifier cette position que le groupe socialiste, bien que confiant dans le budget des SIG, marquera par une abstention ce souci profond, récurrent et qui ne trouve pas de réponse concernant la gouvernance des Services industriels. (Quelques applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons là un projet de budget sain d'une entreprise saine, avec des priorités d'investissement explicites. Mais les Verts s'abstiendront sur ce budget, et encore heureux, d'ailleurs, que nous ne le refusions pas ! Pourquoi ? Parce que ce budget est décevant ! Il est décevant au regard des priorités de la transition énergétique. Ce budget est décevant au regard de l'urgence à développer des alternatives renouvelables.
La Conférence des Nations Unies sur le réchauffement climatique s'est ouverte lundi à Doha et, curieusement, ce contexte international, cette réalité tangible que personne n'ose nier ni remettre en question actuellement, cette réalité qui demande des actions efficaces, on n'en trouve nulle trace dans ce projet de budget des SIG !
Les investissements dans les nouvelles énergies renouvelables sont en dramatique diminution par rapport au budget 2012: ils passent de 36 millions à 7 millions ! Et curieusement, en même temps, les investissements dans la fibre optique font le chemin inverse et culminent à 70 millions. Alors, certes, le pari de la fibre optique peut être un pari rentable pour le futur. Mais comme les énergies renouvelables seraient rentables ! Parce qu'elles sont rentables !
Certes, la loi sur les SIG leur permet d'investir dans les infrastructures de télécommunications et l'investissement dans la fibre optique n'est donc pas illégal, mais pour les Verts là n'est pas la priorité ! La priorité... (Commentaires.) Monsieur Gautier, laissez-moi finir ! Les investissements massifs dans les nouvelles énergies renouvelables, c'est cela la priorité ! Ils sont prioritaires pour nous les Verts, ils sont prioritaires pour la communauté, et ces énergies seront aussi rentables, dans l'avenir, que la fibre optique ! Mais surtout elles sont nécessaires !
Cette abstention que nous vous proposons, elle est rare pour les Verts; c'est une manifestation de mauvaise humeur, mais c'est aussi un avertissement pour le futur. Nous voulons maintenir le rythme et les promesses d'investissement dans les nouvelles énergies renouvelables et dans les économies d'énergie. Ce sont les deux principaux piliers de la politique fédérale de la transition énergétique. C'est ce que nous devons, en tant que parlement genevois, au bien-être et à la sécurité de la communauté. Ces urgences ne se trouvent pas dans ce projet de budget, et c'est une grande déception. C'est ce qui motive notre abstention, et nous espérons que ce message sera entendu par les SIG. (Quelques applaudissements.)
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien va accepter le budget des SIG, et nous aimerions tout d'abord infiniment remercier M. Haldemann pour cet excellent rapport et surtout pour la rapidité avec laquelle il l'a rendu. En effet, si l'on peut certes regretter les délais qui nous ont été imposés et qui sont imposés à tous pour l'étude de ce budget, M. Haldemann a rendu son rapport dans un délai extrêmement bref.
On aura compris en écoutant les remarques des uns et des autres qu'en fait ce n'est pas le budget en tant que tel qu'ils critiquent, mais bel et bien la politique des SIG. Les SIG sont un établissement public autonome et, comme l'indique ce nom, la politique des Services industriels n'est pas faite au Grand Conseil. Chaque parti a un représentant dans le conseil d'administration qui, lui, décide ce qu'il en est pour les Services industriels.
Alors, certes, on peut regretter que nous n'ayons pas d'autre choix que d'accepter ou de refuser le budget. Mais c'est ce que ce Grand Conseil a voulu et c'est ainsi. C'est pour cela que le parti démocrate-chrétien salue ce budget et l'acceptera, et je ne reprendrai pas en détail tous les arguments que M. Haldemann a cités concernant les raisons pour lesquelles nous l'adopterons.
M. Renaud Gautier (L). Mesdames et Messieurs les députés, nous connaissions jusqu'à maintenant les propos un tout petit peu anti-étrangers du MCG par rapport aux frontaliers. Je note avec plaisir que dorénavant cela s'étend jusqu'à l'Afrique, puisqu'une gestion qui ne lui plaît pas, c'est une gestion «africaine». Les Africains apprécieront. (Commentaires.)
Je note ensuite que M. Lefort, tout à la défense de l'écologie... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ce qu'on ne peut que souhaiter, désirerait recouvrir le canton de Genève d'éoliennes. Il oublie probablement de dire que dans une séance fort intéressante, tenue par le directeur des SIG auprès de la commission, il nous a été clairement expliqué qu'il était particulièrement difficile de construire des éoliennes à Genève, et je pense qu'il a raison, car si par hasard l'hypothèse existait, je vous laisse imaginer le nombre d'oppositions qu'il y aurait.
Enfin, Mme la présidente, notre nouvelle et ancienne collègue, vient nous dire que somme toute c'est le conseil d'administration qui décide de l'adoption des comptes et du budget, au moins autant que ce parlement. Je crois que c'est là un point central d'un raisonnement que je ne vais pas partager avec l'excellente députée Hirsch. Le problème qui se pose, Mesdames et Messieurs - et vous en avez déjà entendu parler lors de l'adoption des comptes - est le suivant: quel est le rôle de ce parlement d'accepter, dans le cas particulier, le budget des SIG, alors que nous n'avons aucun impact de quelque ordre que ce soit sur ledit budget ? Même chose par rapport aux comptes.
Et pourtant, Mesdames et Messieurs, vous serez amenés, cet automne probablement, à adopter les comptes consolidés de l'Etat, où l'on va vous demander si vous êtes d'accord avec la consolidation de l'ensemble des risques et l'ensemble des biens de l'Etat. Or on ne peut pas d'un côté demander à ce parlement d'assumer une position aussi difficile et compliquée que celle de l'adoption des risques et des comptes consolidés, et d'un autre côté lui demander de n'avoir d'autres fonctions que celle de dire oui ou non à un budget.
Alors soyons cohérents ! Soit on suit Mme la députée Hirsch et on sort les SIG du giron de l'Etat et ils deviennent effectivement autonomes avec des représentants de chaque parti qui acceptent le budget, soit ce parlement a son mot à dire sur ce budget, c'est-à-dire qu'il peut de fait le changer, comme il essaie de le faire par rapport au budget de l'Etat. C'est la raison pour laquelle - même si je salue la rapidité avec laquelle le député Haldemann a rédigé son rapport - je vais à titre personnel m'abstenir, parce que je pense que nous mettons ce parlement dans une position difficile qui est celle de devoir accepter quelque chose sans avoir une quelconque possibilité de modifier le cours desdites choses.
M. Pierre Conne (R). Après tout ce qui a été dit, j'aimerais revenir sur le point, certes probablement un peu étroit, de la décision que nous devons prendre ici, qui est celle d'adopter ou de refuser le budget, car effectivement - et on peut le regretter - nous ne sommes pas partie prenante dans un processus d'élaboration budgétaire, mais dans un processus d'adoption budgétaire, lequel a des étapes qui sont validées et que nous avons soutenues et adoptées en son temps, à savoir la préparation du budget par les Services industriels, l'adoption de ce budget par leur conseil d'administration, l'adoption de ce budget par le Conseil d'Etat et la validation finale, après un passage à la commission de l'énergie, par le Grand Conseil. Nous sommes donc effectivement dans une démarche qui est tout de même assez cadrée, très restreinte, et c'est dans ce cadre-là que nous adopterons - en tout cas le groupe radical - ce projet de loi sur le budget des SIG.
Cela étant dit, j'aimerais m'associer à ce qui a déjà été relevé ici en remerciant le rapporteur pour la qualité de son rapport - aussi bien le rapport oral que le rapport écrit dont nous avons entendu un résumé tout à l'heure - car celui-ci est extrêmement complet et on y trouve les éléments factuels sur lesquels chacun peut d'ailleurs s'appuyer pour effectuer les remarques que nous avons entendues. Effectivement, je crois que, s'agissant de la politique énergétique, s'agissant de la gouvernance, il y a un certain nombre de questions qui ont été posées ici et auxquelles, à ce niveau-là, nous pouvons nous associer.
M. Eric Stauffer (MCG). J'aimerais simplement demander, vu tout ce qui a été déclaré et le nombre d'abstentions, le renvoi en commission. Soyez courageux, amendez ce budget et faites en sorte que les investissements aillent là où vous voulez qu'ils aillent. Soyons courageux, renvoyons ce texte en commission, Mesdames et Messieurs !
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission...
M. Eric Stauffer. Vote nominal !
Le président. Peuvent s'exprimer le rapporteur et le Conseil d'Etat. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. François Haldemann (R), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Nous avons, de par la loi, la nécessité de nous prononcer sur ce budget le 30 novembre au plus tard. C'est ainsi que le prévoit la LSIG. Retourner en commission n'a pas d'intérêt particulier. Je crois que les SIG ont répondu à toutes les questions qui pouvaient leur être posées par tous les groupes qui étaient présents. Je ne vois pas ce qu'un retour en commission changerait. Il y a un certain nombre d'abstentions. Je pense qu'il faut interpréter cela comme le souhait que soient corrigés certains éléments, mais qui ne modifient pas particulièrement le budget d'investissement ou d'exploitation.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur Stauffer, est-ce que vous êtes soutenu pour le vote nominal ? (Plusieurs mains se lèvent.) Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix ! (Brouhaha.)
Une voix. Et onze !
Le président. Onze ! Oui, vous êtes soutenu. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix à l'appel nominal le renvoi en commission de ce projet.
Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11040 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 70 non contre 17 oui.
Le président. Le débat continue. La parole est à M. le député François Lefort.
M. François Lefort (Ve). Monsieur le président, vous transmettrez à l'honorable patricien fatigué que les nouvelles énergies renouvelables et les économies d'énergie ne sont pas circonscrites seulement aux éoliennes qui semblent limiter son horizon. Les SIG peuvent être un acteur majeur de l'investissement dans les nouvelles énergies renouvelables et elles sont rentables ! Ces investissements ne sont pas à la hauteur de ce que nous attendons, nous le regrettons et nous nous abstiendrons.
Une voix. Bravo !
M. François Haldemann (R), rapporteur. J'aimerais juste apporter quelques dernières précisions et réponses à certaines interventions.
La participation des SIG dans la société Alpiq a été mentionnée. Je vous rappelle que, dans le cadre de la vente d'Alpiq, les SIG ont reçu une soulte très conséquente, laquelle a permis de financer tout le programme éco21, que tout le monde ici salue.
Concernant les réseaux communaux et les flux techniques, il faut savoir que les réseaux communaux ne sont pas de la fibre optique; par conséquent, quand les SIG viennent installer de la fibre optique, il ne s'agit pas d'une redondance, mais plutôt d'une mise en conformité avec une technologie plus moderne.
Par rapport à l'intervention de Mme Moyard, j'aimerais dire qu'il y a effectivement peut-être un problème de gouvernance. Nous devrions sans doute nous y atteler, mais ce n'est pas l'objet de ce soir. Peut-être que la commission de l'énergie et des SIG devrait se saisir de ce point-là, mais en l'occurrence nous n'avons pas à nous exprimer sur ce point dans le cadre de ce projet de loi.
Concernant les nouvelles énergies renouvelables, si chères à nos amis les Verts - et dans ce sens, je ne peux que le saluer, car je suis assez favorable à ce développement - il faut savoir que les SIG ont réalisé et terminé cette année la plus grande centrale solaire suisse; elle est du reste très largement la plus grande, puisqu'elle est trois fois plus grande que la deuxième ! En soi, on devrait donc les féliciter d'avoir abouti dans un projet de nouvelles énergies renouvelables sur le canton plutôt que de les fustiger et de nous abstenir lors du vote du budget qui nous est présenté. Je prie donc les groupes qui seraient tentés de s'abstenir de réviser leur position ! En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à accepter ce budget plutôt que d'opter pour une abstention qui, somme toute, est stérile.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11040 est adopté en premier débat par 56 oui et 32 abstentions.
La loi 11040 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11040 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 28 oui contre 17 non et 40 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous passons maintenant à l'urgence suivante, qui figure au point 64. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Alain Meylan (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Comme tout débat sur la fiscalité, celui-ci risque forcément d'être quelque peu technique et je vais essayer, au nom de la majorité de la commission, de planter un peu le décor de ce projet de loi. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Ce projet de loi est relatif à la taxation des immeubles non locatifs, taxation qui est basée actuellement sur une loi qui date de 1964. Depuis 1964, tous les dix ans - 1965-1974, 1975-1984, 1985-1994, 1995-2004 - la loi a été reconduite, prorogée, en adoptant un système d'augmentation un peu systématique de la base fiscale de 20%.
Ce qui a changé au tournant du siècle dernier, c'est l'entrée en vigueur de la LHID, c'est-à-dire la loi fédérale fiscale d'harmonisation, qui indique que les fortunes immobilières doivent être taxées à la valeur vénale. Cela a contraint le Conseil d'Etat, respectivement notre parlement, à prendre des mesures visant à répondre à cette obligation fédérale. Dans le cadre des travaux sur la LIPP - pour reprendre un petit peu la fin de la décennie - ce sujet a d'ailleurs été discuté. Mais vu l'ampleur du travail, on a renoncé à impliquer ou à lier la modification de la loi sur l'imposition des personnes physiques à cette loi d'imposition, pour ne pas mettre en péril - puisque c'est effectivement assez complexe - la modification de la LIPP, qui était absolument primordiale.
Dans les années 2000, on a fait un peu - excusez-moi du terme - du bricolage législatif, puisqu'on a successivement prorogé cette loi, mais sans adopter ces 20% d'augmentation. Effectivement, dans la mesure où l'on tombait sous le coup de la LHID, on n'avait plus vraiment les bases nécessaires pour le faire. On était en contradiction avec la LHID pour fixer arbitrairement une hausse fiscale des biens immobiliers non locatifs. Ce qui fait qu'on est venu avec un projet de prorogation qui arrive à échéance à fin 2012. Je ne veux pas dire que le Conseil d'Etat ou l'administration fiscale n'ont pas fait leur travail, mais probablement que ce projet n'était pas une priorité ni pour l'administration ni pour le Conseil d'Etat, et ils se sont tout d'un coup rendu compte durant l'été que, faute de projet de loi ou de prorogation de loi, on était en absence de dispositions légales pour taxer les biens immobiliers à partir du 1er janvier 2013, d'où le dépôt dans l'urgence d'un projet de loi qui vise à proroger de quatre ans la possibilité de taxer les immeubles non locatifs, avec une hausse de 20%. Cela pour planter le décor des discussions.
Lors des travaux en commission, nous avons mené des auditions, notamment les deux auditions des milieux concernés; la Chambre des notaires et la Chambre genevoise immobilière nous ont confirmé qu'il manquait une base suffisante pour admettre arbitrairement ces 20% et qu'il y avait des risques de recours. S'agissant des constats, la commission est donc d'accord sur le fait...
Le président. Monsieur le rapporteur...
M. Alain Meylan. Oui ?
Le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, mais vous pouvez, à partir de maintenant, utiliser le temps de votre groupe. Je rappelle qu'il s'agit d'un débat de catégorie II - quarante minutes.
M. Alain Meylan. Oui, merci, Monsieur le président. La commission était d'accord sur le fait que des constats démontraient des différences de taxation et des inégalités qu'il fallait revoir, et qu'il convenait de trouver une méthode d'évaluation qui permette à l'administration de répondre à l'exigence fédérale, à savoir la LHID.
Ce n'est donc pas une opposition de la commission au fait d'avoir une évaluation différente des immeubles non locatifs, mais il s'agit de dire que l'administration doit maintenant faire de ce sujet une priorité et de lui laisser deux ans pour le faire. Ces deux ans sont la conclusion de la majorité de la commission, qui a dit: «Prorogeons cette loi pour deux ans, cela permettra à l'administration cantonale de taxer ces immeubles, d'en retirer des ressources financières en impôts et de trouver une base légale.» Respectivement, cela évite le risque ou plutôt la contrainte que l'on aurait, si on augmentait actuellement cette taxation de 20%, d'un référendum obligatoire - donc d'un vote. Il s'agit de laisser pendant les deux prochaines années - en raccourcissant donc un peu le délai - l'administration finaliser son travail. Elle l'avait déjà commencé dans les années 2008-2009, avec des propositions, mais, pour des raisons qu'on n'a pas vraiment pu comprendre, elle a abandonné ses travaux, lesquels étaient d'ailleurs avancés avec les milieux concernés.
On ne doute donc pas que cette possibilité existe, et la majorité de la commission considère par conséquent que, pour toutes ces raisons, il faut trouver une méthode de réévaluation de ces immeubles au niveau de l'impôt, laisser deux ans à l'administration, voter la prorogation sans augmentation de 20% de la valeur fiscale et permettre ainsi à l'administration de trouver des solutions. Telle est la conclusion de la majorité de la commission.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste soutenait le projet de loi présenté par le Conseil d'Etat qui demandait à notre Grand Conseil d'indexer la valeur fiscale de certains immeubles de 20%, alors que l'augmentation de valeur de ces immeubles aurait nécessité une indexation de 60%. Le projet de loi du Conseil d'Etat a été vidé de sa substance par la majorité de la commission fiscale, qui a refusé, une fois de plus, de majorer la valeur fiscale de certains immeubles. Cette décision prive notre canton d'au moins 31,3 millions de revenus par année.
Par «certains immeubles», la LEFI entend les immeubles non locatifs tels que PPE, villas ou maisons de maître. Par contre, il n'est pas tenu compte dans ce projet de loi de l'indexation des immeubles agricoles, qui eux sont taxés sur leur valeur de rendement. Sont également exclus de ce projet de loi les biens qui ont fait l'objet d'une réévaluation liée à d'autres lois, tels des achats ou des successions, cela après le 31 décembre 2004.
Il faut aussi savoir que, d'après une étude de l'OCSTAT de 2009, la proportion des maisons individuelles représente 7% et celle des immeubles locatifs 93% des logements sur le canton. Le nombre de logements en PPE, même si les ventes répertoriées annuellement sont en augmentation, reste encore relativement faible par rapport aux 230 000 logements environ que Genève contient.
En résumé, ce projet de loi ne concerne qu'une fraction du parc immobilier. Tout au plus 10 à 15% des logements de la population genevoise. Le message donné aujourd'hui par la majorité de droite est incompréhensible et inacceptable pour nous. L'effort d'indexation de 20% sur la valeur vénale concernant 10% des logements - et donc plus ou moins 10% de la population - est refusé et, encore une fois, c'est le 90% des autres logements et habitants locataires qui en portera indirectement le poids. Si ce n'est pas directement par les impôts, ce sera par le biais des baisses de prestations que ces 30 millions non encaissés représenteront.
En termes de fiscalité, la majorité de la commission estime que la grande inégalité de traitement réside dans la différence de contribution entre un propriétaire ancien et un propriétaire plus récent pour un même type d'immeuble. Pour nous les socialistes, la véritable inégalité se situe entre le niveau trop bas de taxation de certains immeubles touchés par la loi sur les estimations fiscales de certains immeubles et la contribution fiscale régulièrement mise à jour chez les locataires. Il y a une autre grande disparité, c'est la différence importante entre la taxation de la fortune des propriétaires de biens immobiliers touchés par ce projet de loi et celle d'un contribuable lambda qui aurait une fortune d'un autre type - épargne ou autre.
La durée de quatre ans contenue dans le projet de loi du Conseil d'Etat à l'origine était prévue pour permettre à l'administration fiscale de procéder à l'estimation de la valeur vénale des immeubles non locatifs. Pour ce faire, l'administration fiscale a retenu un processus basé sur trois types d'expertise: une première partie se fera de manière statistique et automatisée d'après les dernières transactions pour la majorité des objets concernés, une deuxième partie concernera l'expertise des valeurs des biens agricoles et une dernière partie serait composée de biens atypiques et nécessiterait une expertise par des architectes.
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la rapporteure.
Mme Lydia Schneider Hausser. D'accord, Monsieur le président. Les travaux préparatoires, dont a parlé M. Meylan, qu'ont menés l'administration fiscale et les milieux intéressés ont fait émerger un potentiel d'augmentation de revenu de l'impôt de l'ordre de 287 millions une fois que ces immeubles seront correctement réestimés. Que ce montant fasse frissonner la majorité de droite de ce parlement, bien évidemment, n'est pas étonnant. Et pourtant, oui, ça l'est ! Parce que ce montant résulte d'une simple mise à niveau de la valeur de ces immeubles. D'une certaine façon, les propriétaires devraient déjà être heureux que, pendant des années, la valeur fiscale de leurs biens n'ait pas suivi la valeur du marché. Ils ont ainsi, sans le dire quand même ici explicitement, réalisé une certaine quantité d'économies.
Les socialistes ne participeront pas au coup de force qui aura lieu ce soir. Pour plus de justice fiscale entre tous les habitants et contribuables du canton, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter d'entrer en matière sur l'amendement général que nous avons déposé et qui reprend ce que nous avait proposé le Conseil d'Etat, qui n'est pas vraiment un Conseil d'Etat de gauche, semble-t-il.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Vous avez utilisé cinquante secondes du temps de votre groupe ! La parole est à M. le député Pascal Spuhler.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris aux propos du rapporteur de majorité, que je remercie pour la qualité de son rapport et de ses explications: si nous ne votons pas ce soir ce projet de loi, nous n'avons plus de loi pour imposer les immeubles à partir du 1er janvier. Donc, nous, la majorité de la commission, vous proposons le projet de loi amendé de telle manière que nous maintenions la situation actuelle.
Effectivement, nous estimons que cela suffit, de proroger cette loi et de l'indexer d'une manière linéaire de 20% tous les dix ans ! Il est nécessaire aujourd'hui que nous nous équipions d'un outil de travail efficace, afin de pouvoir taxer ces immeubles de manière équitable. Repousser un peu plus loin, c'est reculer pour mieux sauter et cela ne change rien à la maniclette, il y aura toujours des inégalités.
Nous vous suggérons donc de voter ce projet et d'inviter le Conseil d'Etat à s'activer dans ses travaux et à nous proposer d'ici à 2015 un projet de loi efficace, qui puisse taxer les immeubles de façon équitable et équilibrée. En conclusion, je vous remercie de voter la loi.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme il vous l'a déjà été dit, la première et la dernière estimation fiscale générale des immeubles non locatifs date de 1964. Depuis, plus aucune estimation n'a été menée, seules trois majorations de 20% ont été effectuées et la dernière a pris fin en 2004. Or, depuis 2001, la législation fédérale exige des cantons qu'ils évaluent la fortune à sa valeur vénale. Aucune dérogation n'est plus possible. Il va donc falloir mener bien vite une nouvelle estimation, cela est urgent.
Lors de la dernière législature, le Conseil d'Etat avait proposé au Grand Conseil des dispositions pour réestimer le parc immobilier et permettre une mise à jour périodique de la valeur fiscale des immeubles. Ces propositions n'ont malheureusement pas été retenues par la majorité du Grand Conseil. Or le temps presse. En effet, la situation actuelle engendre une inégalité de traitement qui est inacceptable. Actuellement, les propriétaires de biens immobiliers identiques ou comparables ne sont pas tous taxés de la même manière. Ainsi, des écarts de 1 à 5 sont constatés pour un même bien immobilier.
Le projet de loi que nous traitons ce soir proposait à l'origine une majoration modeste de 20%, ce qui est extrêmement peu au regard des hausses qu'a connues l'immobilier depuis 1964. Ce projet de loi permettait ainsi d'atténuer légèrement l'inégalité de traitement existante et rapportait accessoirement 31 millions de francs au budget. C'est pourquoi les Verts soutiennent pleinement l'amendement général déposé par les socialistes et vous appellent à faire de même, sans quoi ce projet de loi n'aurait plus vraiment de substance.
Mme Christina Meissner (UDC). La prorogation des dispositions actuelles est nécessaire, on l'a déjà dit, pour éviter le vide juridique, mais surtout pour laisser le temps à un nouveau système de se mettre en place dans de bonnes conditions et non dans l'urgence. S'il est vrai que les discussions vont bon train depuis bien des années - 2008, si mes souvenirs sont bons - les milieux concernés ne sont consultés que depuis septembre 2012 sur ces avant-projets de lois, qui vont effectivement avoir des conséquences en matière de réévaluation de la valeur fiscale des biens immobiliers, voire sur l'augmentation d'un impôt sur les gains immobiliers. Les conséquences sont énormes, et s'il y a aujourd'hui des disparités, elles risquent d'arriver aussi si les projets de lois actuels n'ont pas la possibilité d'être discutés, amendés, négociés. Mais pour cela, il faut du temps, et ce projet de loi permet justement de faire la place à la négociation qui sera nécessaire. C'est la raison pour laquelle nous acceptons ce projet de loi, en espérant que les négociations aboutissent à un système qui puisse être équitable pour tous les propriétaires.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le but de la majorité de la commission est de permettre à l'administration d'avoir une base légale pour continuer à taxer la fortune immobilière dès le 1er janvier 2013, mais aussi d'inciter fortement cette même administration à considérer ce dossier comme prioritaire pour qu'une proposition concertée avec les milieux directement concernés se concrétise rapidement. Ainsi, la solution de facilité consistant à revaloriser forfaitairement, sans discernement et en ne tenant pas compte des situations particulières, l'estimation des immeubles doit être écartée au profit d'une nouvelle loi permettant d'évaluer de manière pérenne et objective les biens immobiliers concernés dès le 1er janvier 2015. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC acceptera ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Aurélie Gavillet pour deux minutes dix.
Mme Aurélie Gavillet (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais d'abord rassurer tous mes collègues qui ont peur de ne pas avoir de base juridique si nous ne votons pas le projet de loi: en réalité il y aura tout à fait une base juridique, parce qu'on peut voter l'effet rétroactif, ce qui sera probablement le cas avec l'amendement général de ma collègue.
La commission avait le choix, lors des travaux sur ce projet de loi, entre une grande illégalité et une petite illégalité. La petite illégalité consistait à simplement indexer les montants des estimations fiscales des immeubles. Et si cela ne correspond pas à leur valeur vénale, finalement, cela respecte mieux la loi fédérale, puisque cela s'en rapproche. La grande illégalité, en revanche, consiste à ne même pas indexer la valeur fiscale, au motif que le Conseil d'Etat met trop de temps à faire son travail. C'est le choix qui a été manifestement fait par la commission et nous le déplorons, c'est pour cela que je vous invite à soutenir l'amendement général de ma collègue qui vise à revenir au projet de loi initial.
M. Vincent Maitre (PDC). Madame la rapporteure de minorité, oui, mille fois oui, vous avez raison, ce projet de loi soulève une importante inégalité de traitement qu'il est actuellement inadmissible de faire perdurer. Il n'empêche que cette république fonctionne encore sous la forme d'un Etat de droit et que pour cela il faut pouvoir agir sur la base de lois qui sont effectivement votées.
Cela a été dit plusieurs fois, d'ici à la fin de l'année, si nous ne votons pas ce projet de loi, nous aurons un vide juridique qui sera intolérable, raison pour laquelle nous devons absolument nous doter d'une loi, et d'une loi qui soit le plus possible à même de remédier à cette inégalité de traitement.
S'agissant de votre amendement général, sur le fond, je pourrais tout à fait y adhérer, idéologiquement également, car je trouve effectivement qu'une augmentation linéaire de 20% ferait en sorte que la chute soit moins dure pour les heureux ou plutôt malheureux propriétaires qui se verront imposer un rattrapage d'impôt, en comparaison avec un immense rattrapage d'un seul coup, après quatre ans, voire plus. Il n'empêche que vous oubliez de dire une seule chose, c'est que si cette proposition d'augmentation linéaire de 20% est acceptée ce soir, cela impose qu'elle soit soumise au référendum populaire obligatoire. Or, cela va de soi, il sera par conséquent impossible d'adopter une loi avant la fin de l'année, puisque les délais référendaires ne nous le permettront pas. Nous arriverons donc à la situation, évidemment pas souhaitable, qui est celle de ne pas avoir de base légale.
Tout cela pour vous dire également que Mme Gavillet se trompe: le principe de non-rétroactivité est un principe quasiment absolu et nous n'avons absolument pas la possibilité de prévoir un effet rétroactif pour une loi fiscale. Raison pour laquelle le PDC ne peut que vous encourager à soutenir le rapporteur de majorité, pour que l'administration fiscale puisse travailler sur une base légale, précisément, qui soit apte à mettre un terme à l'inégalité de traitement, dans la meilleure des mesures, à une échéance relativement brève. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Christophe Aumeunier, auquel il reste quarante-cinq secondes.
M. Christophe Aumeunier (L). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, quarante-cinq secondes seront suffisantes pour comprendre qu'il s'agit ce soir ni plus ni moins d'augmenter la fiscalité des propriétaires de villas et d'appartements de 20%, rien de moins que cela.
Mais au fond, le projet de loi du Conseil d'Etat comporte un vice de forme: il a été déposé le 29 août, alors que le délai de dépôt était le 28 août. Peu importe, si l'on va au plus vite, il est renvoyé à la commission fiscale le 13 septembre et le rapport en revient le 10 octobre. Vous comptez quinze semaines obligatoires, parce que c'est un projet de loi qui est soumis à une votation populaire obligatoire, et nous sommes déjà le 23 janvier. Alors même que la loi s'éteint et n'existe plus au 1er janvier 2013 pour taxer la fortune immobilière. Alors que fait-on ? On ne taxe plus la fortune immobilière ? On n'a plus de base légale ? Qu'est-ce qu'on peut imaginer ? J'entends de-ci de-là, parce que cela n'a pas été proposé en commission, on ne nous a pas donné de réponse de la part du Conseil d'Etat...
Le président. Il vous faut conclure, vous en êtes déjà à une minute !
M. Christophe Aumeunier. ...qu'il y aurait éventuellement un règlement. Mais un règlement fondé sur quelle base légale ? Une base légale cantonale ? La base légale cantonale n'existe plus, Mesdames et Messieurs les députés ! Il s'agit au fond de gérer les risques, de faire en sorte qu'une base légale existe et de soutenir le projet de loi tel qu'il ressort de commission. (Applaudissements.)
M. Pierre Conne (R). Chers collègues, oui, effectivement, nous avons besoin d'une base légale, alors votons cette loi. Par contre, nous ne pouvons pas admettre une augmentation linéaire. Pour quelle raison ? Cela a été très bien expliqué par notre préopinante Mme Sophie Forster Carbonnier, qui décrivait très bien qu'il y avait à l'heure actuelle, pour des objets identiques, un taux de taxation qui variait de 1 à 5. Le problème, c'est de rétablir une équité fiscale, donc d'effectuer ce qu'on doit effectuer depuis plusieurs années, une évaluation de la valeur vénale des immeubles, comme cela a été présenté. En attendant, il est exclu que le groupe radical accepte une augmentation linéaire qui ne ferait que renforcer l'inégalité de traitement des citoyens face au fisc. Voilà ma première conclusion.
La deuxième est la suivante: c'est une responsabilité de l'Etat de garantir la prévisibilité des dépenses et je ne vois pas comment aujourd'hui on pourrait, à quelques semaines de la nouvelle année fiscale, introduire une augmentation de ce type-là. Nous devons garantir, vis-à-vis des citoyens, la bonne foi et la prévisibilité, et nous ne respecterions pas ces principes en adoptant une augmentation, surtout une augmentation inéquitable, telle qu'elle est proposée, notamment par l'amendement général. Votez donc le projet de loi amendé tel qu'il est présenté et refusez l'amendement général des socialistes. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à... (Le président est interpellé.) Non, c'est après ! On traitera l'amendement après, Madame. La parole est à M. le conseiller d'Etat David Hiler.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites, mais il y a tout de même certains éléments qui n'ont pas été évoqués. La première chose, c'est qu'effectivement la dernière décision de proroger - avec une indexation qui ne porte que sur les valeurs des biens où il n'y a eu ni transaction, ni décès - date de 1994. Et ce n'est pas 20%, c'est 60% ! Si nous voulions aujourd'hui suivre le cours immobilier et l'appliquer à ces biens, pour ceux qui n'ont pas fait l'objet d'une réévaluation depuis 1995, il faudrait 60%, soit 90 millions. Confronté à cette réalité, le Conseil d'Etat a choisi de faire une indexation partielle qui porte sur 30 millions et, pour le reste, de reprendre un dossier - j'y reviendrai - dont le traitement et les négociations au niveau opérationnel n'avaient pas donné de résultats extrêmement probants, pas plus que la proposition du Conseil d'Etat d'introduire les modifications nécessaires dans la LIPP faite en 2008. Il ne faut pas non plus faire porter le chapeau de ce refus à l'administration fiscale: ce n'est pas elle qui a refusé, c'est vous.
En revanche, la démarche que nous avons choisie - et elle est, je pense, relativement importante - consiste à dire ceci: d'abord, il y a un problème de conformité, tout le monde l'a reconnu. Deuxièmement, il y a un problème d'égalité de traitement, tout le monde l'a reconnu aussi, parce que celui qui vient d'acheter, il paie plein pot ! Or celui qui possède un bien depuis un certain nombre d'années a 40% d'abattement, plus une valeur qui n'a plus aucun rapport avec le bien détenu: 300 000 F pour une villa qui en vaut aujourd'hui 1,2 million. Ce ne sont pas des cas isolés, ce ne sont pas des cas extrêmes, c'est le cas de toutes les personnes qui détiennent depuis de longues années un bien immobilier où il n'y a pas eu de transaction et qui ont la chance de rester en vie.
A partir de là, on a fait faire une évaluation, qui est forcément une évaluation à la louche: en fait, si on pratiquait la valeur vénale - pas simplement la valeur indexée, la valeur vénale - avec 40% d'abattement, au bout de dix ans, qu'est-ce que cela représenterait en recettes fiscales ? On est arrivé à un montant extraordinairement élevé, qui a fait dire au Conseil d'Etat que cette affaire devait être traitée quand même avec prudence. Pourquoi ? Parce que nous avons un taux d'imposition sur la fortune qui est le plus élevé de Suisse et qui, sous certains aspects, est plus élevé que celui qu'on connaît en France, parce qu'en France on ne paie pas d'impôt sur la fortune sur les participations à des sociétés: quand vous possédez une société, vous n'êtes pas imposé, l'assiette n'est pas tout à fait la même.
Comme cet impôt sur la fortune est par ailleurs assez rare dans l'Europe d'aujourd'hui, nous nous sommes dit ceci: «Concentrons-nous, à part les 30 millions dont nous avons besoin pour des raisons d'intendance - qui ne pouvaient pas aller dans le budget 2013, c'est la planification 2014 qui est à l'évidence problématique - concentrons-nous sur cette affaire d'égalité de traitement et voyons quelles sont les mesures compensatoires possibles.» C'est le projet de loi que nous avons mis en consultation.
A première vue, nous butons toujours sur le même problème, c'est le choix de la méthode: réévaluer objet par objet, avec jugement d'expert sur chaque bien immobilier, est une affaire à 30 millions de francs, d'où le choix d'une méthode simplifiée «CIFI», où on part sur des indices, mais cette approche n'a jamais été et n'est toujours pas goûtée de la Chambre genevoise immobilière - alors de Pic-Vert, je n'en parle même pas. Ce qui fait que chaque fois qu'il y a eu des discussions, elles n'ont abouti à rien. Je ne suis pas sûr d'ailleurs qu'une réévaluation complète aboutirait à de meilleurs résultats. Mais ce que nous, le Conseil d'Etat, allons faire - le 30 novembre, c'est la fin du délai de la consultation des milieux intéressés - c'est que nous allons regarder tous les commentaires et nous prendrons ce qui est possible, correct, par rapport à la LHID et qui n'est pas une tricherie organisée, disons.
A partir de là, quel que soit le résultat de la méthode choisie, nous disons et nous redisons qu'il faudra des compensations. Il s'agit de l'impôt immobilier complémentaire, que tous les cantons ne connaissent pas, et l'autre compensation consiste à agir sur le taux d'imposition sur la fortune, particulièrement pour ce qui est actuellement le prix d'un bien immobilier - entre 1 million et 2 millions de francs. Aujourd'hui, pour la catégorie «2 millions», on paie à Genève 2,2 fois plus qu'à Zurich en termes de taux. Donc l'idée est de dire: «Mettons des vraies valeurs et fixons un taux plus bas», c'est-à-dire sortons de l'inégalité de traitement, sortons de la démarche consistant à dire qu'en théorie on a les taux les plus élevés du monde, alors que dès qu'on gratouille un peu, c'est curieux, on ne les a pas - si cela vous fait penser aux statuts, oui, c'est un peu la même chose, sauf que ce n'est pas le même type de bénéficiaires - et prenons une fiscalité relativement transparente.
Donc, aujourd'hui, vous ne votez que sur une partie. J'entends, le Conseil d'Etat entend que vous ne souhaitez pas voter les 31 millions, qui de toute façon auraient été soumis au peuple, car ce n'est pas une simple indexation réglementaire, comme on la trouve sur les barèmes de la LIPP, c'est un changement d'assiette qu'il aurait fallu voter devant le peuple.
Il n'y a donc pas d'enjeu pour le budget 2013, je le répète, on ne peut pas dealer dans ce domaine et par ailleurs cela n'améliorera pas la planification pour 2014, puisque c'était l'une des recettes sur lesquelles nous comptions. Vous décidez. Evidemment, le Conseil d'Etat n'a pas changé d'avis sur ce qu'il convient de faire, il défend cette indexation - un tiers de l'indexation, si je peux m'exprimer ainsi. Mais ce qui nous concerne le plus, c'est d'arriver à un système correct. Alors oui, nous allons discuter, pour autant que les prises de position permettent la discussion.
En revanche, Mesdames et Messieurs les députés, je dois quand même vous dire deux choses: la négociation ne sera pas infinie. Il y aura un moment où l'on travaille en négociation, et le reste ce sera sous les spots de l'actualité. Nous n'acceptons plus d'avoir une inégalité de traitement pareille ! Et nous sommes clairement sept à le penser. Nous sommes d'accord de discuter sur les mesures de compensation, d'accord de discuter sur la méthode, mais à un moment donné, Mesdames et Messieurs, si cette étude ne démarre pas cette année, un contribuable peut faire un recours parce que la part du bien qu'il détient est taxée différemment qu'une autre partie du bien. Je connais des gens qui sont dans cette situation et qui connaissent le montant ! Soyons clairs. Vous risquez à tout moment de recevoir une injonction du Tribunal fédéral. Ce n'est pas la bonne manière de changer les lois.
Deuxièmement, il y a quand même un certain nombre de personnes qui m'ont dit qu'elles étaient un petit peu choquées qu'on puisse, en détenant une villa valant 1,5 million de francs, être taxé sur une valeur de 300 000 F ! Comme la majorité des gens n'ont pas la chance d'avoir un tel bien et n'ont aucune chance d'y accéder au vu du prix immobilier, tôt ou tard cela finira par des initiatives qui ne demanderont pas la solution de compensation, mais qui demanderont de garder les recettes, n'est-ce pas ? C'est bien ce qui finira par arriver. Or en faisant une taxation propre, en ayant l'égalité de traitement, notre gouvernement estime, en divergence avec l'un ou l'autre courant de ce parlement, que nous avons aussi une opportunité d'avoir un impôt affiché en termes de taux plus près de la moyenne suisse, en tout cas pour ces catégories-là. Vous savez comment fonctionne un barème: si on baisse pour les 2 millions, les deux premières tranches, cela profite à l'ensemble. Cela, on peut le faire à coût constant.
On m'a dit: «Mais quelle garantie ?» Bien sûr qu'il faut une garantie législative. On m'a dit aussi: «Mais en fait, pourquoi ne nous dites-vous pas de combien serait la baisse ?» La raison, c'est qu'il faut que l'on connaisse les valeurs réelles pour dire quel est l'écart, parce que là on a fait une estimation AFC à la louche. J'ai donc entendu avec une immense satisfaction ceux qui aujourd'hui demandent une prorogation sans indexation des valeurs dire qu'il fallait résoudre le problème.
Nous allons faire notre part, à savoir discuter avec les milieux concernés, pendant trois mois; puis nous allons déposer un projet et vous allez faire votre part, qui consiste à adopter. Je pense que ce sont à peu près les choses auxquelles il faut se faire. Nous nous verrons en janvier, puisqu'il y a des gens de Pic-Vert et de la Chambre genevoise immobilière. Nous nous verrons et nous discuterons de la méthode des compensations; à partir de là, effectivement, votre parlement sera saisi.
Aujourd'hui, le seul problème que vous créez, c'est un problème budgétaire, et rien de plus...
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, je suppose que vous allez conclure ?
M. David Hiler. Oui, je vais conclure. Mais ce problème, vous allez l'affronter à nouveau en septembre 2014. Le Conseil d'Etat vous l'a dit et redit. A ce stade de la discussion et en fonction des efforts qui ont déjà été réalisés pour financer de nouvelles prestations que tout le monde veut, dans le domaine de la sécurité en particulier, nous serons obligés de vous dire à un moment donné que la suite du programme ne peut passer que par le frein à l'endettement, parce que c'est la seule possibilité d'obtenir une décision.
Ne croyez pas une seconde que le Conseil d'Etat va continuer à déposer des projets de lois sur les recettes. Ne croyez pas une seconde que nous allons déposer des projets de lois qui seraient une remise en question grave des prestations publiques hors du cadre du frein à l'endettement. Il vous appartiendra donc, le cas échéant - une chance sur deux, pas beaucoup plus - en 2014, de gérer cette affaire.
Voilà, Monsieur le président, avec mes excuses d'avoir quelque peu débordé. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix la prise en considération de ce projet de loi 11020.
Mis aux voix, le projet de loi 11020 est adopté en premier débat par 93 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement général, qui figure dans le rapport de minorité. Le voici:
«Le Grand Conseil de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit:
Chapitre I Prorogation des estimations
Art. 1 Principe
La durée de validité des estimations de la valeur fiscale des immeubles visés à l'article 50, lettres b à e, de la loi sur l'imposition des personnes physiques, du 27 septembre 2009, est prorogée jusqu'au 31 décembre 2016; la valeur fiscale actuelle de ces immeubles est majorée de 20% et reconduite jusqu'à cette date, sans nouvelle estimation par la commission d'experts.
Art. 2 Valeur fiscale actuelle
La valeur fiscale actuelle au sens de l'article 1 est celle qui est déterminante au 31 décembre 2012. Elle comprend, le cas échéant, la majoration prévue par la loi prorogeant jusqu'à la fin décembre 1984 la durée de validité des estimations actuelles de certains immeubles, du 21 mars 1974, et celles figurant dans les lois sur les estimations fiscales de certains immeubles, du 12 mars 1981 et du 14 janvier 1993.
Art. 3 Exceptions
La majoration de 20% prévue à l'article 1 ne s'applique pas aux valeurs fiscales actuelles suivantes:
a) celles qui ont été estimées à la valeur de rendement (art. 50, lettre c, de la loi sur l'imposition des personnes physiques, du 27 septembre 2009);
b) celles qui ont été estimées par expert à la valeur vénale après le 31 décembre 2004;
c) celles qui ont été fixées selon le coût de construction, pour les constructions faites après le 31 décembre 2004;
d) celles qui ont été adaptées ou dont l'adaptation a été suspendue pour le reste de la période décennale (art. 52, al. 3 et 4, de la loi sur l'imposition des personnes physiques, du 27 septembre 2009) pour les aliénations ou les dévolutions pour cause de mort survenues après le 31 décembre 2004.
Art. 4 Réclamation et recours
1 Le contribuable peut contester la valeur fiscale reconduite au sens des articles 1 à 3 par la voie de la réclamation et des recours prévue aux articles 39 à 54 de la loi de procédure fiscale, du 4 octobre 2001.
2 Cette procédure doit être dirigée contre la première taxation fondée sur la valeur fiscale reconduite, mais au plus tard contre la taxation portant sur l'impôt immobilier complémentaire calculé au 31 décembre 2013 (art. 76, al. 6, de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887).
Chapitre II Dispositions finales et transitoires
Art. 5 Clause abrogatoire
La loi sur les estimations fiscales de certains immeubles, du 30 novembre 2007, est abrogée.
Art. 6 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur avec effet au 1er janvier 2013.»
Je vais vous faire voter sur le principe de l'amendement général, non sans avoir donné l'occasion à Mme la rapporteure de minorité de s'exprimer.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Après l'intervention du Conseil d'Etat que nous venons d'entendre, il est difficile d'ajouter beaucoup de choses, à part qu'effectivement ce soir nous sommes sur un petit bout du processus de revalorisation des autres immeubles. C'est vrai que tout le monde - autant le gouvernement, qui vient de le réaffirmer, que le parlement - admet que notre canton est dans une situation financière difficile. Ici, ce n'est pas un nouvel impôt qui est proposé par le Conseil d'Etat, mais une indexation modeste. (Brouhaha.) Refuser cet amendement, c'est privilégier une minorité de la population et rester dans une situation de blocage face à une exigence de réévaluation demandée par une loi fédérale depuis maintenant plus de dix ans.
Vous êtes en train de faire une de ces fameuses Genfereien que vous reprochez toujours à la minorité de faire, comme de toujours chercher la petite bête. Ici, vous êtes en train de faire cela, alors qu'au niveau fédéral, au niveau de l'Assemblée fédérale, vos partis ne sont pas minoritaires, me semble-t-il, et que ce sont eux qui ont proposé ce principe de réindexation et de fixation des valeurs des autres immeubles dont nous parlons ce soir à la valeur vénale. Donc, équilibre du balancier: je crois qu'il faut que vous soupesiez, et vous avez encore une possibilité ce soir d'accepter l'entrée en matière sur ce processus demandé et apporté par le Conseil d'Etat. C'est vrai - M. Hiler a un peu volé les termes et les propos que j'aurais pu dire... (Exclamations.) Mais oui ! Il existe effectivement d'autres moyens pour certains partis que de faire des amendements généraux qui visiblement risquent d'être refusés ce soir. C'est sans doute dommage d'en arriver là, mais à un moment donné c'est peut-être ce qui se passera aussi: il y aura des initiatives ou autres.
M. Alain Meylan (L), rapporteur de majorité. En tant que rapporteur de la majorité, je vous indique que nous maintenons l'issue des débats en commission, à savoir qu'il va y avoir un refus de ce qui est un retour au projet de loi initial. Sans refaire tout le débat, cela va me permettre de répondre quand même à deux ou trois commentaires qui ont été formulés. Non, le projet de loi qu'on vous propose n'est pas sans substance ! Au contraire, il va permettre, si on le vote ce soir, d'avoir dès le 1er janvier 2013 une base légale pour taxer. Donc c'est tout sauf une absence de substance, pour reprendre les termes de Mme Forster Carbonnier, que représente ce projet de loi !
Concernant l'effet rétroactif qu'indique Mme Gavillet et qui serait lié à l'acceptation de l'amendement général qui est proposé, c'est un fait: on doit avoir un vote. Le vote ne peut pas intervenir, selon notre législation, avant probablement les mois de mai ou juin prochains. Sans parier sur le succès ou non de ce vote, cela veut dire que pendant six mois... Car même si ce vote intervenait avec succès, pour ceux qui feraient des demandes, il aurait un effet sur la valeur de la situation fiscale des contribuables à la fin de l'année. Donc c'est vrai, on a cette position-là, mais quid de toutes les modifications des contribuables les six premiers mois - ceux qui quittent le canton, ceux qui ont d'autres raisons de demander une taxation pour les six premiers mois ? On n'aurait tout simplement pas de base légale. On peut donc demander l'effet rétroactif, mais de toute façon on aurait une incertitude immense sur la taxation pendant en tout cas six mois.
En définitive, Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris, le but de la majorité de la commission est de permettre à l'administration d'avoir une base légale pour continuer à taxer, seulement pendant deux ans, et de faire son travail - ce qu'elle a pratiquement déjà fait, M. Hiler l'a rappelé - soit d'établir les bases nécessaires pour permettre, dès le 1er janvier 2015, d'avoir une base claire et précise au sens de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts.
En conclusion, la solution de facilité consistant à revaloriser forfaitairement, sans discernement et en ne tenant pas compte des situations particulières, l'estimation des immeubles - parce que, même s'il y a des situations inéquitables, le fait de taxer forfaitairement ne tient pas compte des situations particulières - doit être écartée au profit d'une nouvelle loi permettant de manière pérenne et objective de taxer les biens immobiliers concernés dès le 1er janvier 2015. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de refuser cet amendement général et de soutenir les travaux de la commission.
M. Roger Deneys (S). Monsieur le président, je voulais simplement demander le vote nominal.
Le président. D'accord. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, il y a largement le nombre. Mesdames et Messieurs, je vais vous faire voter l'amendement général.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 54 non contre 30 oui et 9 abstentions.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 4.
Troisième débat
La loi 11020 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11020 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 30 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous traitons maintenant l'urgence suivante, qui figure au point 44. Cet objet est traité en catégorie II - trois minutes par groupe. La parole est à M. le député Jacques Jeannerat... (Remarque.) Ah, excusez-moi. La parole est à l'auteur de cette proposition de résolution, soit M. Alain Meylan.
M. Alain Meylan (L). Merci, Monsieur le président. Cette proposition de résolution 708, issue des travaux de la commission des transports, peut être qualifiée d'événement pratiquement historique, puisqu'elle scelle en fait une unité et une unanimité sur un projet, celui qui vise à demander à l'Assemblée fédérale d'inscrire l'élargissement de l'autoroute A1 comme projet prioritaire dans le programme d'élimination des goulets d'étranglement du réseau des routes nationales.
Lors des travaux de la commission est apparu, suite à l'audition de l'ensemble de nos conseillers nationaux siégeant à Berne et représentant tous les partis, le besoin de cette unité, de façon à avoir une seule voix, une voix qui porte à Berne et qui vise à résoudre ce problème, lequel est un problème vraiment important et admis... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...par l'Office fédéral des routes, qui reconnaît qu'effectivement il y a un goulet d'étranglement à Genève. Or, dans le cadre des projets fédéraux, on a des moyens financiers pour justement résoudre ces problèmes de goulets dans l'ensemble de la Suisse.
Donc, par cette action vraiment unanime, par cette union sacrée, comme j'aime le dire, non seulement des parlementaires et, je l'espère, de ce Grand Conseil qui suivra sa commission des transports, mais aussi de nos conseillers nationaux et aux Etats à Berne, faisons enfin à Genève ce que savent faire les autres cantons quand il s'agit d'avoir des infrastructures qui leur soient utiles, ainsi qu'à leur région, de façon à assurer un développement économique absolument nécessaire. On voit ces jours et ces mois qu'il est tout à fait primordial de posséder ce genre d'infrastructures, mais aussi de savoir aller chercher au niveau de la Confédération les moyens pour disposer de celles-ci.
Il est donc évident que de ce côté-là, Mesdames et Messieurs, je vous recommande de suivre l'avis de la commission. Cette union sacrée - que je crois être la première à Genève - fera force à Berne, et je me propose, avec nos conseillers nationaux si nécessaire, de me rendre disponible pour représenter la commission et le parlement afin de défendre ce point de vue au Parlement fédéral. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jacques Jeannerat (R). Les Genevois sont préoccupés par les questions de sécurité, de logement, de formation, d'emploi, mais ils doivent aussi prendre conscience - et bon nombre d'entre eux le font - que la mobilité pourrait bien, à l'avenir, devenir le problème numéro 1. Alors, certes, nous construisons - nous reconstruisons, pardon - un réseau de trams que nous avons malheureusement détruit dans les années 60, mais il faut répondre aux problèmes de mobilité par des mesures à la fois de transport collectif, mais aussi de transport privé. Incontestablement, l'autoroute dite de contournement est actuellement saturée et nous devons impérativement, en même temps que l'on reconstruit le réseau des trams, Monsieur le président, élargir cette autoroute.
Nous devons parler d'une seule voix à Berne. Mesdames et Messieurs, cela fait trente ans que les Zurichois s'appliquent, en prenant les parlementaires de la gauche jusqu'à la droite; ils se tiennent par la main et vont réclamer la manne fédérale. Il faut que l'on fasse la même chose, Mesdames et Messieurs ! Il faut que nous nous mettions d'accord. Je demande ce soir à tous ceux qui sont des réticents de la voiture, et auxquels nous avons apporté notre soutien quand ils l'ont demandé pour construire le réseau de trams, de voter unanimement cette résolution. Nous devons absolument répondre aux besoins de mobilité de façon complémentaire. Il faut que Berne entende que nous avons un avis commun sur le développement de nos infrastructures. Le groupe radical vous recommande donc, Mesdames et Messieurs, de voter tous cette résolution.
Des voix. Bravo !
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rendre hommage ce soir à M. Alain Meylan. (Exclamations. Brouhaha.) Lui rendre hommage, parce que M. Meylan s'est énormément battu... (Le président agite la cloche.) ...dans ce dossier. C'est lui qui a eu l'idée d'auditionner l'OFROU, ce qui fut une audition extrêmement intéressante; même les conseillers nationaux qui étaient présents nous ont dit que eux, à Berne, n'avaient jamais eu une telle audition, aussi intéressante, aussi franche, aussi véritablement pertinente.
Je souhaite lui rendre hommage parce qu'il a également soulevé l'idée, et je l'en remercie, que nos conseillers nationaux à Berne puissent être là pour justement réaliser, comme il l'a dit, une union sacrée, même si moi j'utiliserais plutôt l'adage suivant: «L'union fait la force.» J'aimerais relever que, lorsque je suis arrivée dans cette commission des transports, on m'avait dit: «C'est toujours la guerre dans cette commission, entre la gauche et la droite, c'est toujours la guerre des transports !» Or voilà une résolution qui nous a tous mis d'accord. Bien sûr, il a fallu négocier, Monsieur le président ! Bien sûr, les Verts ont un petit peu traîné, n'est-ce pas ? Et on a tout fait pour qu'ils soient tous convaincus: «On attend encore une semaine, encore quinze jours...» Mais l'important est là. Et, voyez-vous, faire signer aux Verts une résolution dans laquelle on demande d'élargir... (Brouhaha.)
Le président. Madame la députée, j'aimerais juste demander à plusieurs députés au fond à droite qui entourent le conseiller d'Etat de bien vouloir aller discuter dans la salle Nicolas-Bogueret, merci. Vous pouvez continuer, Madame.
Mme Loly Bolay. Alors de quoi s'agit-il ? Mes préopinants l'ont dit tout à l'heure, il s'agit de se servir de la BAU - la bande d'arrêt d'urgence - qu'on appelle, vous le savez, la «voie du pauvre». Eh oui, la voie du pauvre, parce qu'on n'élargit pas plus, mais on l'utilise justement dans les moments où il y a une énorme circulation, aux heures de pointe. Cela inclura, sur l'autoroute A1, le tronçon entre le Vengeron et l'Aéroport international de Genève. C'est une très bonne chose, parce que l'expérience qui a été faite entre Morges et Ecublens démontre la pertinence de l'utiliser, dans la mesure où, avant, il y avait cette circulation qui arrivait aux heures de pointe, avec inévitablement les accidents, Monsieur le président, les ralentissements, les bouchons...
Le président. Il vous reste trente secondes pour la mobilité.
Mme Loly Bolay. Or on a vu qu'avec cette voie du pauvre, on est arrivé à diminuer le nombre d'accidents de 25 à 30%. J'aimerais donc véritablement saluer cette volonté de montrer à Berne que, pour une fois, à Genève, nous sommes tous unis derrière nos représentants à Berne, et j'encourage mon groupe à nous suivre en votant cette résolution. (Applaudissements.)
M. Guillaume Sauty (MCG). Il est vrai, et mes préopinants l'ont tous rappelé, que c'est historique; moi-même, c'est la première fois que je vois autant d'unanimité au sein de cette commission qui est parfois houleuse, dira-t-on.
Effectivement, il est important d'avoir cette unanimité pour soulever et récupérer tous ces crédits à Berne qui sont disponibles et que les autres cantons ont trop souvent peut-être pris, au détriment de Genève. Voilà enfin un projet concret qui changera le quotidien des Genevois et de tous les utilisateurs de la route, et je remercie les Verts d'avoir fait ce pas dans cette direction parce que, malgré tout, ce n'est pas une autoroute qui est utilisée uniquement par les Genevois, c'est une autoroute de contournement, de transition, un axe majeur qu'il faut absolument élargir grâce à ces crédits pour les goulets d'étranglement. Je ne m'éterniserai pas, Monsieur le président, et je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de voter cette résolution.
M. Hugo Zbinden (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas tous les jours que les Verts signent une résolution qui demande l'élargissement d'une route. (Rires.) Mais je peux vous rassurer tout de suite, ce n'est pas parce que l'on croit qu'élargir les routes et construire des routes supplémentaires est une solution aux problèmes de circulation que l'on a à Genève. Nous avons signé cette résolution pour trois raisons; je garderai une raison pour moi, mais je vous dirai les deux autres. (Rires.)
Une voix. Il y en a quatre !
M. Hugo Zbinden. Je commence par la première raison. Les Verts sont sensibles à la solidarité, vous le savez, n'est-ce pas ? Et effectivement, je pense que si l'on veut faire entendre la voix de Genève, il faut être unis pour obtenir de l'argent à Berne. C'est vrai pour le train, cela va être vrai pour l'extension de la gare Cornavin et c'est aussi vrai si l'on veut élargir une route. C'est donc pour cette raison que l'on s'est dit que, même si nous sommes minoritaires en quelque sorte là-dedans, nous signerions ce texte par solidarité.
Il y a une deuxième raison, c'est que l'on peut espérer que cet élargissement de l'autoroute ne se fera pas sans mesures de compensation. Pour ce motif, nous avons demandé que l'on ajoute des considérants dans l'exposé. On a notamment inscrit ceci:
«[...] considérant:
- la nécessité de diminuer le trafic individuel motorisé en zone urbaine;
- la volonté de tous les partis d'améliorer la qualité de vie des habitants en diminuant la pollution atmosphérique et sonore due au trafic motorisé [...];
- la nécessité d'optimiser la hiérarchie du réseau routier [...]» Nous allons donc vous rappeler, à un moment donné, ces considérants.
Une voix. Pas de problème !
M. Hugo Zbinden. On a également dit en commission - et c'est aussi dans l'exposé des motifs - qu'en même temps que l'on vote cette résolution, on vote aussi le plan directeur des routes et le plan directeur de la mobilité douce. Et justement, dans ce plan directeur des routes, on accentue la hiérarchie des routes. Cela devrait donc nous permettre justement, si l'on a ce contournement...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Hugo Zbinden. ...de forcer le trafic à passer davantage sur ce contournement et d'avoir ainsi moins de circulation en ville. Quant à la mobilité douce, on devrait également pouvoir la développer davantage.
Juste un petit bémol: vous avez parlé de cette «union sacrée». Cette union sacrée comprendrait aussi que l'on vote les plans directeurs dont je viens de parler. Mais malheureusement, sur vos bancs, il y a déjà deux groupes qui ont déposé des rapports de minorité contre ces plans directeurs.
Le président. Voilà, Monsieur le député. Vous arrivez au bout.
M. Hugo Zbinden. Donc ce n'est pas ce qu'on appelle une union ! Quant à nous les Verts, nous allons tenir notre parole, mais on verra bien comment cela se passe par la suite. (Applaudissements.)
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, je crois que vous serez très attentifs à ce que je vais dire. (Exclamations.) Pour le parti démocrate-chrétien, cette résolution devrait s'appeler «calumet de la paix», parce que, indépendamment de tous les aspects techniques qui ont été admirablement décrits par mes préopinants, il y a deux éléments qu'il faut mettre en exergue, Monsieur le président. C'est d'abord un signal très fort que nous sommes derrière notre Conseil d'Etat ! Nous sommes derrière notre Conseil d'Etat, nous les députés, nous le parlement genevois, pour que nous soyons extrêmement clairs et forts à Berne. En cela, nous avons réussi quelque chose de quand même assez rare et que nous devons relever, car cela constitue une notion à laquelle nous tenons beaucoup au parti démocrate-chrétien: c'est lorsqu'il y a l'unanimité et que tous les partis sont d'accord de faire des concessions et des adaptations - cela a aussi été relevé par les Verts - que, vraiment, l'on se met au service de l'intérêt général.
Cela, Monsieur le président, c'est quelque chose à marquer d'une pierre blanche ! Alors on ne peut que souhaiter que cela se reproduise souvent, et aujourd'hui c'est vraiment avec enthousiasme et plaisir que le parti démocrate-chrétien soutiendra le renvoi de cette résolution à Berne.
Le président. Merci, Madame la députée. Je ne fume pas la pipe, mais je suis prêt à fumer un calumet de la paix ! (Exclamations.) La parole est à M. le député Philippe Morel.
M. Philippe Morel (PDC). Merci, Monsieur le président. Ce soir, le PDC, comme les autres partis de ce parlement, pourrait s'appeler le «Parti De la Circulation». (Rires. Exclamations. Quelques applaudissements.) Et la «Genferei» deviendra à Berne la «genevoiserie», parce qu'elle est positive. Oui, nous sommes pour développer la mobilité douce, oui, nous sommes pour le transport en commun et les vélos, mais pour qu'ils puissent circuler tranquillement, il faut que les voitures aient de la place à l'extérieur de la ville, sur cette autoroute A1.
Nous sommes donc enchantés que cette excellente résolution fasse l'unanimité de ce parlement et nous la soutenons avec vigueur, que ce soit à vélo, à pied, en tram ou en voiture. (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que l'auteur de cette proposition de résolution, M. Meylan, a très bien condensé l'essentiel, soit la nécessité que nous avons de tous soutenir cette résolution. Rappelons quand même que lorsque l'OFROU est venu - cela n'a peut-être pas été dit - il y avait près de quarante projets qu'ils ont étudiés et qu'ils nous ont présentés, donc quarante possibilités qui étaient offertes. Chacune a été éliminée l'une après l'autre. Il faut tout de même rappeler que nous sommes dans le cadre des routes nationales, que Berne a son mot à dire et que si Berne trouve, pour nous donner cette fameuse manne des subventions, que pour réduire les goulets d'étranglement il faut construire cette troisième voie autoroutière sur l'actuelle autoroute de contournement - parce que n'oublions pas qu'une variante de deuxième autoroute avait aussi été étudiée et présentée - eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, c'est peut-être l'union sacrée, et souhaitons qu'en matière de transports cette union sacrée perdure et ne devienne pas, comme le disent certains pour se gausser, une «sacrée union» ! En conclusion, je vous encourage à voter unanimement cette résolution.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est pour dix secondes à M. le député Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Pour vérifier cette union sacrée, je demande le vote nominal. (Exclamations.)
Le président. Est-ce que vous êtes suivi ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, magnifique. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Michèle Künzler.
Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, c'est vrai qu'il est assez rare, notamment sur les questions de mobilité, de trouver une telle unanimité. Nous l'avons souligné, le Conseil d'Etat a déposé le projet «Mobilités 2030» qui brosse le tableau de tous les types de mobilité et qui est aussi évoqué dans cette proposition de résolution. Il faut maintenant voir ce que nous pouvons améliorer à Genève, notamment les grandes infrastructures financées par la Confédération. Nous avons déjà fait une première union sur l'extension de la gare Cornavin et c'est une bonne chose.
Pour la mobilité des voitures, il s'agit d'augmenter maintenant les capacités de l'autoroute de contournement. Et c'est là que cela se joue. Pour les questions qui ont été évoquées de traversée du lac ou de la rade, c'est un préalable ! Et je crois que tous les commissaires l'ont bien compris.
Avec mon collègue François Longchamp, nous sommes allés la semaine dernière déjà voir Doris Leuthard et lui dire: «Oui, le Grand Conseil genevois est d'accord.» Et vous allez le confirmer aujourd'hui sur deux points, nous nous sommes enfin mis d'accord ! Nous avons présenté «Mobilités 2030» ainsi que l'agrandissement de la gare Cornavin, nous avons demandé l'extension de l'autoroute de contournement et dit que nous ne varierions plus sur ces deux projets. C'est cela que l'on demande, et rien d'autre, à la Confédération. Il faut maintenant que nous ayons à Genève le courage, et surtout la lucidité - je crois que c'est cela qui est important et qui nous a manqué si longtemps - de ne pas proposer des projets qui ne conviennent pas à la Confédération, mais de regarder ce que la Confédération pose comme questions et de répondre à la bonne question.
C'est cela qui est important, et ce que je me suis engagée à faire, c'est de répondre à la question de l'extension ferroviaire, qui est une question nationale. Et je peux vous annoncer que la commission a voté, et même le Conseil des Etats est entré en matière ce matin sur le projet FAIF pour le ferroviaire, donc c'est une très bonne nouvelle. On espère que cela continuera au National.
Pour l'autoroute de contournement, nous aurons la réponse l'année prochaine, mais je crois que c'est sur une bonne voie. Je vous remercie de voter à l'unanimité ce projet, mais - comme on l'a souligné - d'entrer aussi en matière sur les autres projets de plans directeurs qui forment un tout. Nous devons maintenant avoir cette vision à long terme avec tous ces éléments... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que ce soit la mobilité douce, les transports publics, le ferroviaire ou les transports individuels motorisés. Ce n'est que dans cet ensemble que nous pourrons nous en sortir. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur la proposition de résolution 708.
Mise aux voix à l'appel nominal, la résolution 708 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 86 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Nous pouvons sortir notre calumet !
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante. Il s'agit de la M 2123, qui figure au point 120. C'est un débat de catégorie II, trois minutes par groupe. La parole est à Mme Jacqueline Roiz. Je vous rappelle que vous aviez demandé le renvoi sans débat.
Mme Jacqueline Roiz (Ve). Exactement, je voulais vous confirmer que je demandais le renvoi sans débat à la commission des Droits de l'Homme.
Le président. Voilà, j'ai compris vos signes ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter le renvoi de cet objet à ladite commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2123 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est adopté par 52 oui contre 19 non et 2 abstentions.
Suite du premier débat
Le président. Nous reprenons l'examen du PL 10873-A, qui figure au point 19. Je vous rappelle que s'étaient annoncés les députées et députés suivants, dans l'ordre: Christo Ivanov, Christophe Andrié, Jacqueline Roiz, Jacques Béné, Irène Buche, Sylvia Nissim et M. le conseiller d'Etat François Longchamp. La parole est à M. le député Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, créer une fondation pour le logement des jeunes est une fausse bonne idée. En effet, comme cela a été dit par mes préopinants, de nombreuses fondations de droit public existent, tant sur le plan cantonal que sur le plan communal. Je citerai les fondations Jean Dutoit, Camille Martin, Emma Kammacher, la FPLC, qui pilote de nombreuses constructions, la Fondation de la Ville de Genève pour le logement social ainsi que des fondations communales, comme la fondation HLM de Carouge, celle de Vernier et d'autres communes. Ces fondations ont intégré dans leurs structures la problématique du logement pour les jeunes, sans parler de la FULE, de la Ciguë, de l'Hospice général, etc., qui relaient les demandes de logement des étudiants, des apprentis, de tous ceux qui cherchent un logement.
Des acteurs privés, comme récemment à Sécheron, en l'occurrence, M. de Picciotto que l'on peut remercier, ont également construit du logement pour les étudiants, avec 155 appartements. Qu'ils soient ici remerciés. Sans eux, Genève n'existerait pas.
La question est de savoir s'il faut créer une nouvelle fondation. La réponse est clairement non, car ce qui existe déjà est largement suffisant, sans compter que les caisses de l'Etat sont vides. Par conséquent, le groupe UDC refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Christophe Andrié (MCG). Créer une fondation, c'est un signal politique fort pour les jeunes, c'est sûr. Le problème, c'est que ce n'est pas d'une fondation que l'on a besoin, c'est de logements, et pour cela il faut des terrains. On a étudié le dossier et reçu beaucoup de fondations, qui nous ont dit que ce qui manquait, ce n'étaient pas des fondations, mais des terrains. C'était il y a un an. Il y a des terrains qui sont en déclassement; on parlait tout à l'heure d'un terrain de 15 000 mètres carrés: il n'est toujours pas déclassé, il n'est toujours pas à l'ordre du jour pour nous. Les choses pourraient bouger beaucoup plus vite, mais je ne crois pas que c'est en mettant des couches dans ce mille-feuille qu'on va pouvoir faire avancer la situation: c'est en prenant le problème à son origine, c'est-à-dire en trouvant des logements qu'on peut rénover, des terrains qu'on peut aménager et des endroits où l'on peut construire des nouveaux logements pour les jeunes.
Il faut savoir qu'il manque des logements pas uniquement pour les jeunes, mais aussi pour les autres personnes. On n'a donc pas forcément besoin d'avoir une fondation spécifique. Aujourd'hui, on a des solutions et je pense que, même s'il est bien de débattre de ce sujet parce qu'il relève d'un problème actuel et d'un problème important sur le canton de Genève, il faut que nous fassions bouger les choses en donnant des terrains, en donnant des immeubles aux fondations existantes pour pouvoir créer des logements pour les jeunes.
Mme Jacqueline Roiz (Ve). Concernant ce projet de loi sur le logement, je voudrais juste faire un petit aparté, car ce projet n'est pas simplement lié à une fondation pour le logement comme toutes les autres fondations. Dans cet aparté j'aimerais vous parler un petit peu du monde du travail actuellement. Ce monde demande de se former constamment et d'être de plus en plus performant et professionnel. Donc en fait, à travers ce projet de loi, on soutient les personnes qui cherchent à se former, soit pour avoir un travail dans le futur, soit pour garder leur travail actuel, puisqu'on sait que les métiers se transforment sans arrêt. Et quel est le public cible ? On a parlé des jeunes, parce qu'effectivement l'intitulé du projet contient les termes «logement des jeunes». Mais le public cible, ce sont en réalité les jeunes étudiants, les jeunes apprentis; on n'en parle pas assez, des apprentis, alors qu'on en voudrait beaucoup. Ce sont aussi les jeunes «un peu moins jeunes» qui reprennent des formations. Toute cette population, en fait, voudrait continuer à se former, malgré les difficultés que peuvent avoir ces personnes, que ce soit parce que dans leur famille il y a trop d'agressivité et qu'elles sont obligées d'aller habiter ailleurs, parce qu'elles n'ont pas de soutien ou que, parfois, il n'y a personne. Ce sont des personnes qui, si elles sont en formation, doivent peut-être diminuer leur taux d'activité pendant une période, des personnes qui ne peuvent pas avoir d'autre logement et que les régies ne laisseront jamais habiter dans d'autres appartements.
On a déjà parlé de toutes les fondations qui ont été citées; ce qui est très clair, c'est que, souvent, elles n'ont pas la vocation de construire, et puis leurs objectifs sont très divers; elles sont souvent orientées vers les étudiants, mais toutes ces fondations disent qu'elles sont saturées par leurs propres activités.
En conclusion, ce que propose ce projet de loi, ce n'est pas une machine à gaz - pas plus que, pour les gourmets, une couche supplémentaire de mille-feuille - ce n'est pas non plus une fondation doublon, mais c'est un moyen concret de soutenir ceux qui avancent, qui se forment, qui étudient, qui prennent leur destin en main, justement, malgré toutes les vicissitudes qu'ils peuvent connaître ! Ce sont des personnes qui vont développer des compétences qui vont nous être nécessaires dans le canton, des compétences que nous serons bien obligés d'aller chercher ailleurs si nous ne les avons pas chez nous. Je trouve donc cela assez dommage, parce que je considère que pour nous, les politiques, c'est la moindre des choses que d'aider ces personnes qui cherchent justement à s'en sortir et à développer leur responsabilité individuelle. Et ne me dites pas qu'il n'y a pas de terrains: c'est faux ! Il ne faut pas non plus donner une preuve par l'absurde, en disant: «Mais pourquoi créer une fondation pour les jeunes étudiants et apprentis, puisqu'on pourrait faire d'autres fondations ?» Bien évidemment, mais faisons d'autres fondations qui s'organiseraient de la même manière ! Voilà, merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Mme Irène Buche (S), rapporteuse de deuxième minorité. J'aimerais rappeler que, effectivement, il existe plusieurs fondations, différents acteurs qui construisent des logements pour les jeunes. Le problème, c'est que leur activité est très morcelée. La Ciguë, par exemple, ne loge que ses membres. La FULE ne loge que les étudiants, et d'autres ne logeront qu'une autre catégorie de personnes. Il faut une véritable politique publique et ce n'est possible que si l'on crée un organisme qui va se préoccuper de cette politique-là uniquement. On ne peut pas demander à la FPLC de se charger du logement des jeunes, alors qu'elle doit s'occuper du logement de toutes les autres personnes, enfin de toute la population ! C'est donc une question de politique publique, une question de signal fort - je l'ai entendu tout à l'heure dans la bouche de M. Andrié. Effectivement, ce serait un signal fort que d'accepter ce projet de loi et de créer cette fondation, qui, je vous le rappelle, ne coûtera pas grand-chose, puisqu'elle sera créée dans le cadre d'une structure existante.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. La parole est maintenant à Mme la rapporteure de première minorité Sylvia Nissim.
Mme Sylvia Nissim (Ve), rapporteuse de première minorité. Je renonce, Monsieur le président, car il me semble que tout a été dit.
Le président. Très bien. La parole est maintenant à M. le rapporteur de majorité Jacques Béné.
M. Jacques Béné (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on croit un peu rêver ! Moi cela me fait plaisir d'avoir un débat sur le logement à 22h30 un jeudi soir... Pourquoi pas ? Mais on nous laisse en fait croire ce soir, avec ce projet de loi, que parce qu'il y aurait une fondation pour le logement des jeunes, on va construire plus de logements. Eh bien, non ! En effet, le territoire cantonal étant ce qu'il est, le nombre d'intervenants sur le territoire étant ce qu'il est aussi, cela ne va pas créer plus de logements. Ce n'est pas parce qu'on a un intervenant nouveau qui va se battre pour le logement des jeunes qu'on va créer plus de logements. C'est illusoire de penser cela !
Il y a aujourd'hui 6000 demandes en suspens à l'office du logement, des gens qui attendent de trouver un logement. Alors on a dit tout à l'heure, avant la pause - je me suis un petit peu calmé entre-temps - qu'il y avait des gens qui renonçaient à venir à Genève. Mais, Mesdames et Messieurs, le problème c'est qu'il y a aussi des gens qui sont à Genève et qui doivent en partir, parce qu'ils ne trouvent pas de logement ! Donc en quoi est-ce crédible de venir avec des arguments selon lesquels il y a des gens qui ne peuvent pas venir à Genève ? Gardons déjà les gens qui y sont !
Alors moi je veux bien, encore une fois, dans un monde idéal, je suis d'accord: une fondation pour les jeunes, une fondation pour les chômeurs, une fondation pour les assurés, une fondation pour les familles monoparentales... Mais nos enfants qui veulent se loger parce qu'ils quittent le noyau familial, ils ne trouvent pas; les personnes qui se mettent en couple et qui veulent créer une famille et avoir un enfant ne trouvent pas ! Et où vont ces gens ? Ils vont en France voisine ! Alors je veux bien qu'on donne une priorité... On parle de politique publique pour le logement des jeunes, mais je crois rêver ! La politique publique, c'est la création de logements sur le canton ! Et nous avons aujourd'hui tous les organismes administratifs pour le faire !
Tout à l'heure, Mme Buche a dit qu'un cadre existe. Oui, un cadre existe: c'est le secrétariat des fondations immobilières de droit public. Donc pourquoi créer quelque chose d'autre si le cadre existe déjà ? En plus, il faut savoir une chose, c'est qu'aujourd'hui, si vous lancez une procédure pour, je ne sais pas, un terrain, sur n'importe quelle commune du canton, en proposant un droit de superficie, et que vous mettez une annonce dans le journal, vous aurez au minimum cent intervenants qui souhaiteraient y construire quelque chose ! Et même du LUP ! Pourquoi ? Parce que les fonds LUP sont à disposition pour construire, il n'y a pas besoin d'autre financement, tel qu'il est proposé aujourd'hui dans ce projet de loi et dans cette fondation. Quel que soit l'organisme qui souhaite aujourd'hui faire du logement étudiant bon marché, si c'est bon marché et soumis à la LGL, il y a des dotations LUP; elles existent, cela a été voté par ce parlement.
Tout le monde est pour la création de logements. Mais pas de cette manière ! C'est totalement illusoire et, comme je l'ai dit au début de ce débat, c'est purement démagogique ! Je vous invite donc à refuser ce projet de loi.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il y a un constat et une piste de solution. Le constat, c'est que, parmi les diverses catégories qui ont des difficultés à se loger, il y en a peut-être une qui est oubliée, celle précisément des jeunes en formation, des apprentis, des stagiaires, qui ne peuvent pas répondre aux critères du logement étudiant et pour lesquels certaines dispositions de la LGL ont quelques difficultés à s'appliquer, notamment celle de l'obligation de résidence.
Puis il y a une proposition qui est ici formulée pour répondre à ce constat et trouver une solution en faveur de cette catégorie particulière de jeunes qui mérite notre soutien: créer une fondation qui leur soit spécifiquement dédiée. Je crois que cette piste n'est pas à suivre, parce qu'une fondation qui leur soit spécialement dédiée, c'est une structure supplémentaire, une structure qui est, par définition, coûteuse. Une structure d'autant plus délicate qu'il y en a aujourd'hui d'autres qui ont pour mission précisément de construire du logement, de construire du logement pour tous ou de construire du logement pour étudiants. Il y a des fondations qui ont cette expérience et cette expertise. Je pense notamment à la FPLC qui a réussi à mettre aujourd'hui sur le marché - conformément aux engagements qui avaient été pris lors de sa création il y a maintenant onze ans, à l'instigation d'une députée qui s'appelait, à mon souvenir, Michèle Künzler - 263 chambres pour étudiants et qui en a près de 300 en construction.
Mesdames et Messieurs, si nous voulons faire un effort pour les jeunes stagiaires, pour les jeunes apprentis, pour les jeunes en formation qui ne répondent pas aux critères du logement étudiant classique, il faut élargir la mission de la FPLC et non pas créer une fondation qui leur soit spécifiquement dédiée. C'est trouver une fausse réponse à un vrai problème. Je vous invite donc à agir dans ce sens et je suis prêt, au nom du Conseil d'Etat, à vous donner l'appui de l'administration pour faire évoluer le but de la FPLC vers cela. Si nous avons ce constat - et je crois que tout le monde peut le reconnaître ici - ne créons pas une nouvelle structure qui sera, par définition, coûteuse, complexe, et qui n'aura pas forcément l'expertise, les forces et les moyens nécessaires pour pouvoir atteindre ces buts. Utilisons les structures publiques qui sont à disposition. Il existe cinq fondations immobilières de droit public, et il y en a une - la FPLC - qui répond précisément à ce besoin. Elargissons son but et nous pourrons ainsi proposer des solutions concrètes aux jeunes en formation, aux stagiaires, aux apprentis. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Roger Deneys, je suppose que c'est pour le vote nominal ? (Remarque.) Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter la prise en considération de ce PL 10873.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10873 est rejeté en premier débat par 53 non contre 28 oui et 3 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons mettre un terme à cette séance très constructive. Je vous donne rendez-vous demain à 17h.
La séance est levée à 22h40.