République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10357-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Guy Mettan, Guillaume Barazzone, Pascal Pétroz, Fabiano Forte, Béatrice Hirsch, Michel Forni, Nelly Guichard, François Gillet, Anne Marie von Arx-Vernon, Jean-Claude Ducrot ouvrant un crédit d'études de 300'000F pour le développement d'une Cité de l'Innovation et du savoir (Cité21) dans le quartier La Praille-Acacias-Vernets-Jonction

Premier débat

Le président. Nous sommes au point 18 de l'ordre du jour. Monsieur le rapporteur de majorité, voulez-vous vous exprimer ? (M. Jacques Béné acquiesce.) Vous avez la parole !

M. Jacques Béné (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je vais essayer d'être bref, parce que c'est un projet de loi très sympathique qui nous a été présenté par nos amis de l'Entente mais, malheureusement, la situation dans laquelle nous sommes par rapport au PAV fait que la majorité de la commission n'a pas pu entrer en matière sur ce projet. En effet, si l'on tenait compte de toutes les velléités non seulement de chaque groupe politique, mais aussi de chaque lobby qui pourrait avoir des intentions dans le cadre du PAV, on pourrait se retrouver avec un crédit d'étude pour le développement non pas d'une Cité de l'innovation, comme c'est proposé ici, mais d'une Cité du développement durable, pour les Verts, d'une Cité de la nature, d'une Cité de la jeunesse, d'une Cité de la culture ou même d'une Cité de la musique, pourquoi pas.

Le Conseil d'Etat a clairement exprimé d'autres objectifs pour ce périmètre et il n'a notamment pas souhaité ou n'a pas vu la nécessité d'ouvrir un crédit d'étude dans le contexte actuel du PAV. Pour cette raison, même si dans un monde idéal nous aurions effectivement été assez favorables à une Cité de l'innovation, car le projet est tout à fait louable, il faut malheureusement voir les choses dans un cadre beaucoup plus global s'agissant du PAV, et la commission a donc refusé l'entrée en matière sur ce projet de loi, ce que je vous demande également de faire, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de minorité. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. Béné et j'aimerais lui poser une seule question: qu'est-ce qui a fait que Genève est la Genève que l'on connaît aujourd'hui ? Si vous voulez répondre à cette question de manière appropriée, vous êtes obligé de reconnaître que ce qui fait Genève, c'est la qualité de ses intellectuels et de ses chercheurs. Calvin était d'abord un théologien, et c'est grâce à ses neurones que Genève est devenue ce qu'elle est. Pendant tout le XVIIIe siècle, les scientifiques genevois ont fait non pas la loi, mais ils ont été reconnus dans le monde entier, dans toute l'Europe, pour leur contribution à la science et à la recherche. Que ce soit dans le domaine botanique avec de Candolle ou dans le domaine de la physique avec les de Saussure - celui qui a gravi le Mont-Blanc ou celui qui a découvert la linguistique moderne - dans tous les domaines Genève a rayonné grâce à ses chercheurs, grâce à son université, grâce à sa science. Et ce même dans le domaine financier - pour vous qui êtes proche du domaine financier, et c'est plutôt un hommage que je vous rends - car l'Institut de Finance est un institut de recherche sur la finance. M. Gallatin, qui a été le fondateur du dollar aux Etats-Unis, est un héritier direct de cet héritage culturel et scientifique du XIXe siècle, et il fut le fondateur de l'Université de New York. Ce n'est donc pas un hasard, tout cela ! Citons encore Piaget, figure ultra-connue de la science genevoise. Et le CERN ? Pourquoi a-t-on le CERN aujourd'hui ? Il y a 3000 physiciens qui travaillent à Genève ! Tout cela, c'est grâce au rayonnement intellectuel et scientifique de notre canton.

Ce projet de Cité de l'innovation n'est pas du tout un petit truc, comme ça, pour faire joli dans le PAV ! C'est l'essence même de l'avenir de notre république qui est en jeu, parce qu'aujourd'hui les laboratoires travaillent en équipe, de façon collective, et ce qui est proposé ici c'est de créer un campus pour favoriser la recherche à Genève, pour poursuivre cette tradition de trois siècles qui a fait la Genève que nous connaissons aujourd'hui et dont nous devons être les héritiers responsables. Il n'y a pas du tout d'incompatibilité entre ce projet et le PAV, au contraire, puisque même le Conseil d'Etat a reconnu dans la loi sur le PAV qu'il fallait y mettre des activités à but intellectuel, des activités à haute valeur ajoutée. Donc suivons ce que le Conseil d'Etat a proposé et ce que le Grand Conseil a voté !

Je rappellerai que, pas plus tard que lundi, la Fondation pour Genève, présidée par un éminent banquier de la place, a publié une recherche sur les multinationales dans notre canton, et notamment sur les problèmes que rencontre Genève en matière d'accueil de multinationales. Et quel est le plus gros problème pour ces dernières ? Ce n'est pas le logement, comme on peut le croire, ni la cherté du franc; le plus gros problème pour les multinationales, c'est le manque de main-d'oeuvre qualifiée. Ce que nous proposons ici, c'est justement de développer la main-d'oeuvre, de faire de Genève ce centre de rayonnement scientifique et de formation dans tous les domaines, pour que les multinationales qui sont ici puissent aussi trouver chez nous la main-d'oeuvre et le personnel qu'elles recherchent, sans avoir besoin de l'importer d'ailleurs.

Voilà ce qui est en jeu avec ce projet de loi, et tout cela pour 300 000 F. Si nous avions demandé 30 millions, je comprendrais, mais on n'a aucune hésitation à voter 30 millions pour une route, alors qu'on hésite à voter 300 000 F pour un projet qui est essentiel pour le développement et le maintien du rayonnement de Genève.

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur !

M. Guy Mettan. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés - et je reprendrai la parole plus tard sur le temps de mon parti - je vous invite cordialement à voter l'entrée en matière de ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je me permets de vous demander si vous souhaitez solliciter le renvoi de ce rapport pour préavis à la commission de l'enseignement supérieur, comme cela figure dans la conclusion de votre rapport de minorité.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de minorité. Je n'en ai pas encore parlé car je comptais formuler cette demande lors de ma prochaine intervention. Mais si vous me précédez, cher président...

Le président. Oui, je vous précède !

M. Guy Mettan. ...je demande le renvoi de ce rapport à la commission de l'enseignement supérieur, afin que ce point soit traité avec le point 78, proposition de motion 2113 sur les Vernets.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous passons donc au vote sur le renvoi... (Le président est interpellé.) Monsieur le rapporteur de majorité... (Commentaires. Un instant s'écoule.) Bien ! Nous nous prononçons sur cette demande de renvoi à la commission de l'enseignement supérieur. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10357 à la commission de l'enseignement supérieur est rejeté par 72 non contre 10 oui et 3 abstentions.

Le président. Cette demande ayant été refusée, le débat continue. La parole est à M. le député Michel Ducret.

M. Michel Ducret (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, relevons tout d'abord que la bonhomie du rapporteur de minorité frise ici la malhonnêteté. Il s'agit d'un crédit d'étude de 300 000 F, Mesdames et Messieurs, mais derrière ce sont des constructions extrêmement coûteuses et des frais d'exploitation qui sont bien réels, et ce n'est pas une bagatelle ! Je n'apprécie donc pas cette manière de présenter les choses.

J'aimerais relever, Mesdames et Messieurs les députés, que c'est la énième proposition dans le même sens déposée par les uns et les autres - mais très souvent les mêmes - sous la pression de divers milieux, qu'ils soient culturels, éducatifs, associatifs, etc., pour implanter de tels équipements dans le périmètre Praille-Acacias-Vernets. Alors bien entendu, Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde a de bonnes idées ! Tout le monde a d'excellentes idées ! Et cette proposition est certes une bonne idée, pour les raisons que le rapporteur de minorité vient d'énumérer. Mais le hic, voyez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que, dans sa résolution sur le périmètre Praille-Acacias-Vernets, notre Grand Conseil s'est déjà... (Commentaires de M. Pierre Weiss.) Monsieur Weiss, on ne vous dérange pas trop, peut-être ? (Un instant s'écoule.) C'est gentil, merci !

Le président. Poursuivez, Monsieur le député !

M. Michel Ducret. Le hic, Mesdames et Messieurs les députés, c'est donc que, dans sa résolution sur le périmètre Praille-Acacias-Vernets, notre Grand Conseil s'est déjà prononcé sur ce type de propositions et a décidé d'exprimer la nécessité d'implanter dans ce grand périmètre de ville nouvelle des équipements publics d'intérêt majeur. Nous avons eu en commission d'aménagement de longues discussions pour éviter à tout prix que les types d'équipements publics majeurs ne soient prédéfinis. C'était extrêmement important, et l'on s'en est rendu compte, pour permettre un processus dans le travail d'urbanisme qui ne soit pas perturbé par de telles volontés. Ce lobbying tenace - pour ne pas dire «ce clientélisme» - devient un peu lassant, car nous avons exprimé la nécessité de ne pas parasiter le processus d'urbanisation, or ces propositions reviennent sans arrêt ! On en traite une bientôt tous les trois ou quatre mois !

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, parler de la nécessité d'une Cité du savoir est une chose...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député !

M. Michel Ducret. ...mais décider de l'implanter dans le périmètre Praille-Acacias-Vernets en est une autre, et ce n'est pas le rôle principal du Grand Conseil dans cette affaire. Nous invitons donc ceux qui veulent une Cité du savoir à en faire la proposition sans définir par avance où elle doit se trouver, et ceux qui tiennent à ce que l'on puisse aménager correctement le périmètre Praille-Acacias-Vernets à refuser cette proposition.

Mme Anne Mahrer (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, qui, de l'université et de la HES-SO Genève, du PDC ou de la commission des travaux, détient la solution et la vision d'avenir pour nos hautes écoles ? Ce qui est sûr, c'est que les mêmes constats sont faits dans le document, réalisé par l'uni et la HES-SO, intitulé «Une vision des hautes écoles à Genève: des campus urbains intégrés», dans le projet de loi que nous traitons en ce moment et dans la M 2001 de la commission des travaux, qui a été renvoyée au Conseil d'Etat en mai 2011 et qui est à ce jour sans réponse. Ces constats sont les suivants: la forte croissance du nombre d'étudiants dans les différents ordres d'enseignement, le manque de logements pour les personnes en formation, la dispersion des lieux d'enseignement dans le canton, l'absence de coordination et le manque de vision en matière de planification des bâtiments, la volonté déclarée du Conseil d'Etat d'investir dans la formation au sens large et, enfin, la disparité de la qualité des bâtiments d'enseignement.

Mesdames et Messieurs les députés, la commission des travaux a justement demandé à réitérées reprises la présentation du document intitulé «Une vision des hautes écoles à Genève: des campus urbains intégrés», et je crois que la commission a été convaincue par cette présentation et convaincue du bien-fondé des sept pôles prévus regroupant des activités de même nature des deux écoles. Ceci doit donc être pris en compte, même s'il reste évidemment la mise en oeuvre.

Les Verts relèvent que, dans ce projet de loi, le PDC a l'audace de proposer une nouvelle fondation de droit public, et qu'il déplore le manque de logements pour personnes en formation... Mesdames et Messieurs les députés, voilà qui est de bon augure pour le point suivant ! (Exclamations.) Et nous nous réjouissons de la cohérence du PDC, qui devrait bien sûr prévaloir tout à l'heure ! (Exclamations. Applaudissements.) Les Verts considèrent que le projet PDC, évidemment, est très attractif et que d'imaginer à Genève un «learning center» sur le modèle de l'EPFL a quelque chose de très séduisant, mais ce projet n'est pas du tout en phase avec la réalité genevoise et nous refuserons donc son entrée en matière. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je salue à la tribune la classe de 4e année du collège de Staël, qui vient assister à notre séance, dans le cadre d'un cours à option de géographie consacré aux institutions politiques suisses et à leur fonctionnement. Ces élèves sont accompagnés de leur enseignant, M. Michel Perritaz. (Applaudissements.) La parole est à M. Jean-Louis Fazio.

M. Jean-Louis Fazio (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition, bien que paraissant séduisante de prime abord, n'a pas convaincu le groupe socialiste. En effet, lors de l'étude en commission du périmètre Praille-Acacias-Vernets, plusieurs options d'installation d'objets culturels, sportifs, universitaires ou administratifs ont été abordées dans ce secteur, mais au sein du groupe socialiste nous estimons qu'il est prioritaire et primordial de construire du logement sur toute parcelle ou tout terrain propriété de l'Etat, ce qui est le cas ici, sur le site des Vernets. D'ailleurs nous nous étonnons ce soir que le PDC, qui se fait le chantre ainsi que le soutien des familles et des jeunes couples, ne se rallie pas à la majorité pour construire des logements dans ce périmètre. En conséquence, nous soutiendrons le rapport de majorité de M. Béné.

M. Stéphane Florey (UDC). Le problème, avec ce genre de projets de lois, c'est qu'ils arrivent soit trop tôt, soit trop tard. En l'occurrence, celui-ci est arrivé beaucoup trop tard puisqu'une résolution a été votée à l'unanimité de ce Grand Conseil - cela a été rappelé - et qu'un projet de loi de déclassement a lui aussi été adopté unanimement dans ce parlement. C'est pour ces raisons que le groupe UDC préfère qu'on laisse la plus grande marge de manoeuvre au Conseil d'Etat et qu'il vienne lui-même avec d'éventuelles propositions de constructions sur les terrains qui lui appartiennent.

Un autre point que je voulais soulever à propos de ce genre de projets de lois, c'est que nous aurions pu avoir autant de projets sur ce sujet qu'il y a de députés dans cette assemblée. D'ailleurs, pour démontrer l'inutilité d'un tel projet de loi, j'avais moi-même émis l'idée - et je l'avais dit en commission - que l'on aurait pu faire un copier-coller pour demander une Cité des sports. En effet, si vous lisez comme il faut le projet de loi, vous verrez que vous pouvez, comme l'a dit le rapporteur de majorité, proposer n'importe quoi ! Ce pourrait être une Cité des sports, des sciences, de la musique... Bref, il y a autant de possibilités que de membres dans ce Grand Conseil. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC n'entrera pas en matière sur ce projet de loi et vous invite à faire de même.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, certes, l'idée contenue dans ce projet est très bonne, et je pense que nous sommes tous ici en faveur d'un meilleur rayonnement de Genève vis-à-vis de l'étranger. Il est en outre évident, selon nous, que la recherche, l'éducation et la formation sont des éléments essentiels pour notre société, cela figure d'ailleurs dans le programme du MCG. Cependant, nous avons tous décidé au sein de ce Grand Conseil de mettre en place une urbanisation différente dans le périmètre du PAV, avec - comme cela a été rappelé ici - du logement, des bureaux et de l'administration, afin de permettre le développement et la croissance de notre canton, ce qui est important. Nous devons donc tenir le cap par rapport à ce qui a été décidé.

Aujourd'hui, cela a aussi été évoqué, il y a plusieurs groupes de pression qui essaient de faire passer de nouveaux projets, comme on a pu le voir avec un terrain d'aventures. Il faut savoir qu'il y a par exemple la commune de Carouge, ainsi qu'une personne qui ne représente pas la commune de Lancy dans ce dossier mais qui siège au Conseil administratif et qui s'est permis de dire qu'elle était en faveur d'un grand parc digne de Central Park à New York.

Il ne faut surtout pas écouter toutes ces sirènes qui nous proposent des objets qui sont aussi intéressants les uns que les autres, mais qui ne sont pas prévus dans cette partie de notre ville en termes de planification d'urbanisation. Il faut par conséquent simplement refuser ce projet car cela n'a pas été prévu au départ et ne correspond pas au cap qui a été décidé dans cette enceinte, lequel consistait à construire des bureaux et des logements, et surtout à faire venir des entreprises ayant des plus-values en matière financière.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne reviendrai pas sur l'objet de ce projet de loi, soit le développement d'une Cité de l'innovation et du savoir, car mon collègue et camarade Fazio a dit ce que nous en pensions globalement, mais j'aimerais cependant relever que nous sommes dans un quartier, dans un lieu qui est particulier et central par rapport à l'un des sept pôles de l'université et des HES, le pôle des sciences. J'ajouterai que Genève a un rayonnement important en ce qui concerne les facultés de physique, de mathématiques et des sciences en général, et que ce pôle est en souffrance actuellement. Alors que nous ne lui attribuions pas une Cité du savoir ni même une parcelle dans le PAV, soit, mais nous aurons à discuter au point 78 de l'ordre du jour d'une motion qui émane également de M. Mettan et qui vise à privilégier une solution ainsi qu'une recherche de locaux pour ce pôle qui est vraiment primordial au niveau de l'Université de Genève.

Je voulais déjà notifier cela en disant qu'au sein du groupe socialiste nous voterons contre ce projet de loi car nous voulons du logement au PAV. Toutefois, le pôle des sciences devra être vraiment favorisé ou en tout cas pris en compte dans ses besoins. Ce pôle est très proche du PAV et on avait même émis l'idée qu'il s'implante à la caserne des Vernets, or ça risque de ne pas être le cas. Nous aurons donc à trouver une solution pour l'agrandissement de ce pôle, mais cela fera l'objet d'un autre point de l'ordre du jour.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'à la liste des raisons de favoriser le développement de l'université le député et ami - pas camarade, mais «et ami» - de l'Entente Guy Mettan aurait pu ajouter la récente recherche de la Fondation pour Genève présentée au Club suisse de la presse, qu'il connaît assez bien et qu'il dirige avec talent... (Commentaires.) Il aurait pu ajouter cette étude, parce qu'elle mentionne justement le besoin qu'il y a de davantage de cerveaux venant de Genève pour travailler dans les entreprises multinationales, elles qui nous sont si importantes et dont le futur est si important pour Genève. Les cautions et les raisons sont donc illimitées et on peut les trouver dans l'histoire comme dans l'actualité.

Maintenant je me demande si, vu ce qui a été dit ce soir, il ne serait pas plus pertinent - et c'est une suggestion que je fais dans le débat - de centrer le futur de l'argumentation sur la M 2113 - qui est donc une motion - et de renoncer à ce projet de loi, afin d'éviter ce qui ressemble fort à un scrutin très minoritaire en sa faveur, pour des raisons diverses, mais peut-être aussi parce qu'il implique un financement et que, en cette période délicate pour nos finances, celui-ci n'est pas des plus faciles compte tenu d'autres priorités, comme celle du logement. C'est une suggestion que je fais au rapporteur de minorité, mais c'est à lui de voir ! Et j'aimerais alors en sens inverse ajouter que l'excuse du logement, quand on connaît la lenteur des procédures et le nombre d'oppositions que certains érigent - et je ne pense pas nécessairement aux communes - est peut-être une excuse destinée à éviter le développement de l'université. Il faut donc voir les choses des deux côtés, raison pour laquelle je pense qu'il convient que nous centrions l'argumentation sur la M 2113. Voilà ma suggestion, mais maintenant, cher ami - et pas camarade - à vous de voir !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Renaud Gautier, à qui il reste trente secondes.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, quel bonheur que de siéger dans ce parlement ! C'est vraiment le lieu dans lequel souffle la science, dans lequel soufflent les projets d'avenir. On met une cinquantaine d'années à créer le CEVA - on y arrive tout gentiment, il y a encore quelques retouches - et on décide ensuite de réaliser le plus grand lieu d'aménagement de Suisse, sauf erreur, à savoir le PAV ! Et ne voilà-t-il pas que tous les puissants intellectuels se réunissent dans cette enceinte pour nous proposer des projets ! Mesdames et Messieurs les députés, c'est vous dire, on arrive presque au niveau intellectuel de la commission des finances et, croyez-moi, ce n'est pas rien ! Alors les premiers veulent construire du logement, rien que du logement !... avec probablement des piscines que M. Deneys pourra taxer. Les autres disent que, non, il faut construire l'université... Mesdames et Messieurs les députés, on se réveille gentiment ! Premièrement...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Renaud Gautier. Merci, Monsieur le président, j'y arrive. Il faudra concevoir du logement, et autre chose ! Et, avant que de parler par principe de l'université, se demander si l'on ne peut pas légèrement lever notre regard vers l'est pour le poser presque jusqu'à Lausanne, afin de savoir s'il ne serait pas temps, par hasard, de commencer à avoir des projets communs, plutôt que de développer ici les sciences de la même façon que là-bas. Mesdames et Messieurs les députés, ce sont les joies de ce parlement: on parle beaucoup pour ne pas dire grand-chose !

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de minorité. Monsieur le président, je vais effectivement prendre du temps sur celui de mon groupe. Tout d'abord j'aimerais dire que j'ai compris que les carottes étaient cuites pour ce projet de loi, mais je pense qu'il vaut la peine de se battre et je ne tenais pas à me rendre sans condition. Je remercie les intervenants qui ont pris en considération le point 78, soit la M 2113, et qui ont annoncé qu'ils le soutiendraient; c'est effectivement un projet qui me paraît aller dans le même sens.

Maintenant j'aimerais quand même préciser un ou deux petits points. La première chose, c'est que ce projet-là n'est pas du tout incompatible avec le logement. Ceux qui disent que c'est le cas commettent un crime contre l'esprit - certes ce n'est pas trop grave, ça peut encore se pardonner. Mais il s'agit quand même d'une affirmation tout à fait fausse parce que, désormais, quand on construit, on ne construit plus seulement du logement ! Créer des barres d'immeubles, n'importe quel imbécile sait le faire... (Commentaires.) ...mais créer des lieux de vie animés, c'est beaucoup plus difficile. Et quand on a un projet tel que le PAV, eh bien on y construit du logement - et nous y sommes très favorables, au PDC - mais on essaie aussi d'y apporter autre chose. Les communes, d'ailleurs, ont émis des critiques à ce sujet et souhaitent qu'on n'y réalise pas seulement du logement, mais aussi autre chose. Alors, comme je l'ai dit tout à l'heure, pourquoi ne pas y mettre des activités liées à la tradition historique et intellectuelle de Genève, et qui correspondent profondément au génie genevois ? C'est ce que nous proposons. Et il n'y a pas du tout d'incompatibilité avec le logement; au contraire, dirais-je même !

D'autre part, on m'a traité de clientéliste, alors j'aimerais voir où sont les divisions de clients qui sont derrière ce projet. Monsieur Ducret, il n'y en a aucun ! Je ne représente aucun lobby ici, et le PDC non plus, d'autant moins que, en matière de sciences et de recherche, il faut chercher pour trouver des clients.

Voilà les quelques considérations que je voulais apporter. J'ai donc compris qu'il y aurait une majorité contre ce projet de loi. Simplement, soyez attentifs à ce qu'on ne rate pas le PAV. Et ne pas rater le PAV signifie aussi y mettre des activités universitaires de recherche, parce que, comme M. Weiss l'a dit, elles sont essentielles au développement de notre canton. (Applaudissements.)

M. Jacques Béné (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai que M. Mettan est visionnaire, parce qu'il avait effectivement compris que les carottes étaient cuites concernant ce projet de loi, tellement cuites qu'il a même déjà déposé la proposition de motion qu'on lui avait demandé de rédiger dans le cadre des travaux en commission, en même temps qu'on l'avait incité à retirer son projet de loi. Donc c'est très bien, on est très satisfaits, et on verra quel sort on réservera à cette motion, qui est quand même un peu similaire au projet de loi qu'on vient de nous présenter, sauf qu'elle ne contient pas la partie financière.

On verra bien ce qu'on en fait. Pour nous, l'idée était plutôt d'avoir un projet d'ordre général. J'estime que ce n'est pas à nous de dire où on veut cette Cité de l'innovation. On peut dire qu'on en veut une, on pourrait même dire qu'on partage le PAV en sept pour les sept groupes politiques de ce parlement et que chacun y fait ce dont il a envie... Ce n'est pas du tout le but, et ce serait donner un signe très négatif et préjudiciable au projet du PAV. Parce qu'il y a un masterplan, il y a des choses qui doivent se faire d'une certaine façon, les différents processus prennent du temps et on ne peut pas arriver avec une idée, aussi bonne soit-elle, et la poser sur la table de cette manière-là.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser ce projet de loi, et nous verrons bien ce qu'il adviendra de la motion figurant au point 78, au moment où nous la traiterons.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, qui vise à accorder des crédits au Conseil d'Etat pour qu'il réfléchisse à quelques missions d'urbanisme, aurait pu susciter une grande joie au sein du gouvernement. Ce n'est malheureusement pas le cas, car nous avons certains enjeux au PAV, à la Jonction ou ailleurs, ainsi que des enjeux en matière d'investissements universitaires, lesquels nous amènent à devoir peut-être construire les choses dans le bon ordre, brique après brique, en commençant par les fondations. Et la première des fondations que nous devons avoir pour le périmètre Praille-Acacias-Vernets, c'est un plan de quartier. Ça fait quelques années que nous parlons du PAV, c'est un projet ambitieux, un projet nécessaire, mais la première des choses qu'il faut y faire, c'est un plan de quartier, de manière à définir très exactement comment nous entendons, avec les communes, répartir les droits à bâtir et construire sur le PAV.

Le deuxième élément c'est que, sur certains terrains que nous maîtrisons, le Conseil d'Etat a fait un choix. C'est le cas de la caserne des Vernets, où nous avons fait le choix, plutôt que d'établir la longue liste de tous les besoins qui avaient été exprimés ici ou là en matière universitaire, culturelle ou autre, de considérer que nous avions un enjeu et une promesse qu'il s'agissait aujourd'hui de tenir, laquelle avait pour nom «logement». Nous avons actuellement un besoin de logements dans notre canton, qui est celui que vous connaissez, et la parcelle de la caserne des Vernets s'y prête totalement, sans que nous ayons des problèmes de mobilité puisqu'il y a déjà des équipements de transports publics de qualité, et sans que nous ayons des problèmes d'animation du quartier puisqu'il s'y trouve un certain nombre d'équipements publics, y compris universitaires. Nous entendions donc privilégier le choix du logement, car c'est ce dont aujourd'hui Genève a besoin.

Mais Genève a aussi besoin d'esprit, puisque c'est le mot que vous avez employé. Nous avons des pôles universitaires qui sont à la fois à construire, à rénover et à imaginer, il y a des investissements que nous faisons, et j'aimerais vous rappeler que, grâce aux crédits que vous avez votés, dans le cadre des budgets qui sont actuellement en cours, nous faisons un effort extrêmement substantiel en faveur de la faculté de médecine, avec la 5e et la 6e étape du CMU, qui est un pôle d'une qualité essentielle. Ces travaux étaient nécessaires à cette faculté, mais ils représentent des efforts extrêmement importants. Comme vous le savez, les immeubles sont en voie de finition pour la 5e étape, et en voie de construction pour la 6e.

Nous avons aussi d'autres promesses qui ont été faites ici ou là, ainsi que d'autres engagements qui doivent être tenus. Nous avons à Bernex la vocation de construire de manière importante et nous avons la volonté d'y bâtir autre chose que des barres d'immeubles et des quartiers sans âme. Nous avons également la volonté d'avoir à Bernex un pôle en matière de formation qui permette à cette commune d'avoir quelque chose de mobilisateur à proposer à ses habitants, en cette période très délicate où il s'agit de convaincre de la nécessité de déclasser et de construire pour loger nos enfants.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat vous demande, bien à regret, de renoncer à lui allouer quelque argent pour réfléchir à tout cela, et nous entendons consacrer les autres sommes que vous nous accordez aux réflexions que je viens de vous indiquer.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix la prise en considération de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 10357 est rejeté en premier débat par 71 non contre 9 oui et 3 abstentions.