République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1698-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition pour en finir avec l'impunité des dealers et des criminels récidivistes violents

Débat

Le président. La parole n'étant pas demandée... (Le président est interpellé.) Ah pardon, elle est demandée in extremis par M. Eric Stauffer, à qui je passe le micro.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Nous sommes toujours vendredi après-midi, mais cette fois il est 15h52. Vous voyez, cela ne fait que deux minutes que je n'ai pas parlé.

Je voudrais simplement dire encore une fois que le Mouvement Citoyens Genevois, de manière très respectueuse, bien sûr, est toujours très amusé des effets d'annonce du gouvernement, notamment du parti radical qui - j'aimerais vous le rappeler, chers collègues - en 2009, quand nous étions en pleine campagne électorale pour cette législature, avait placardé sur tous les bus: «Les criminels en prison» ou «Faisons plus de zones de détention administrative». On avait même entendu un récent jeune conseiller d'Etat qui, lors de cette campagne, disait qu'il fallait faire des zones de rétention à l'Aéroport international de Genève.

Nous sommes donc toujours très amusés, et pourquoi ? Parce que, finalement, c'est cette majorité qui a remporté ces élections et force est de constater que, trois ans après, ils n'ont toujours rien fait et qu'effectivement les citoyens sont excédés par ces multirécidivistes qu'on arrête le lundi, qu'on libère le mercredi et qu'on arrête de nouveau le vendredi. Tout cela congestionne évidemment toute la chaîne sécuritaire à Genève, parce que cela impacte la gendarmerie, la police de sûreté, le service pénitentiaire avec Champ-Dollon, le Ministère public qui doit faire les procédures et, en lieu et place de retirer ces gens de la circulation et d'appliquer la loi - simplement la loi ! - de rétention de dix-huit mois au maximum, eh bien ces gens, dans ce laps de temps de dix-huit mois, on les aura arrêtés peut-être quarante fois, cinquante fois, soixante fois, cent fois ! Et on continue... Et après, évidemment, cela génère des heures supplémentaires... Et que fait le gouvernement dans cette politique sécuritaire pour ces multirécidivistes ? Eh bien, la première grande décision du Conseil d'Etat nouveau, depuis le mois d'avril, a consisté à dire: «Messieurs de la police, si vous ne récupérez pas vos heures supplémentaires d'ici au 31 décembre, elles seront perdues !» Et aujourd'hui qu'est-ce qu'on a ? On a 50% de la police judiciaire qui est en vacances pour compenser ses heures supplémentaires, et 40% de la gendarmerie ! Voilà quelle belle sécurité ce Conseil d'Etat donne aujourd'hui au canton de Genève ! On a donc une police à 50% ! C'est extraordinaire !

Mais alors à part cela, je vous rassure, on a toujours droit aux beaux effets d'annonce du gouvernement, qui est plein de bonnes intentions ! Par exemple de construire 12 000 prisons d'ici à la semaine prochaine ! Et cela pour un coût de 300 millions, ce qui a été refusé par sa propre majorité, que ce soit au Conseil d'Etat ou au Grand Conseil, à savoir par le PLR qui s'est opposé au budget. C'est extraordinaire ! Nous sommes donc dans les effets d'annonce ! Je pense par conséquent que le prochain slogan, Monsieur le président, sera le suivant: «Venez à Genève, on rase gratis !» Et comme cela, tout va bien !

Mme Anne Emery-Torracinta (S). J'aimerais apporter quelques éléments d'explication qui me paraissent assez intéressants. C'est vrai qu'on a un gros problème aujourd'hui, ce sont ces fameux multirécidivistes qui font des allers et retours, j'allais dire, entre le Palais de justice et la rue. Le problème vient notamment du fait que l'on a ce qu'on appelle les «ordonnances pénales», qui permettent de gagner du temps, d'ailleurs, pour le Parquet, en condamnant quelqu'un éventuellement à six mois de prison sans passer par un jugement et par toute la procédure habituelle, si vous voulez. Le problème, c'est que la personne qui reçoit cette ordonnance peut faire opposition et, pendant ce temps, il y a une sorte d'effet suspensif de la mise en prison et la personne retourne donc dans la rue.

Il existe un moyen d'empêcher cela. Mais pour ce faire, il faut que le Ministère public ait plus de moyens, plus de procureurs, parce qu'il faut qu'ils aient le temps de rédiger un certain nombre de demandes auprès du Tribunal des mesures de contrainte - c'est cela, sauf erreur, Madame la conseillère d'Etat ? - et cela doit être très argumenté, car si ce n'est pas le cas les avocats de la défense vont trouver les éléments qui permettront de remettre ces gens dehors. Donc cela demande des moyens. Alors, sans aller jusqu'à la détention administrative, qui pose des problèmes non seulement éthiques, mais aussi juridiques - sans oublier que la détention administrative se pratique dans l'idée de pouvoir renvoyer les gens chez eux - appliquons simplement la loi, le code pénal et le code de procédure pénale actuels ! Mais pour cela, donnons les moyens nécessaires au Ministère public. Je rappelle que l'année dernière, lors du vote sur le budget, le groupe socialiste avait proposé un amendement visant à accorder des moyens supplémentaires au Ministère public...

Une voix. Que nous avions soutenu !

Mme Anne Emery-Torracinta. Que vous aviez sans doute soutenu, Monsieur le député, mais que la majorité de la commission judiciaire et la majorité de ce parlement avaient refusé. Quelques mois après, le Ministère public, par le biais du département, est revenu avec un crédit complémentaire et l'argent a été accordé. Mais soyons un peu cohérents et vous, Mesdames et Messieurs de la majorité, soyez - surtout vous - cohérents !

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, je vous serais extrêmement reconnaissant de bien vouloir transmettre à M. le député Stauffer qu'effectivement, entre 15h50 et 15h52, il était agréable de siéger dans cette salle, c'est-à-dire après qu'il eut fini de parler la première fois et avant qu'il ne commence à parler la deuxième fois. D'autre part... (Commentaires.) ...peut-être pourriez-vous aussi indiquer...

Le président. S'il vous plaît, Messieurs, laissez parler l'orateur !

M. Renaud Gautier. ...à ma préopinante que les leçons de morale concernant le fait de savoir qui doit faire quoi - même si j'admets que nous sommes dans la ville de Calvin - m'apparaissent relativement malvenues de la part de celles et ceux - et en particulier celle - qui allument des incendies au sujet de questions au moins tout aussi graves, comme celles de la fusion des caisses de pension.

Enfin, on rappellera ici que, si l'on ne peut que louer l'alliance du MCG et des socialistes pour la défense de la justice, c'est M. le procureur lui-même qui était venu nous expliquer, à l'époque, qu'il était trop tôt pour déterminer les besoins exacts du Ministère public et que, effectivement, après que le pouvoir judiciaire eut évalué ses besoins, il lui avait été donné l'ensemble, ou du moins une partie de ce qu'il souhaitait.

Dernier point: M. Stauffer n'a pas manqué de relever que certains avaient refusé le projet de budget, mais je me permets de lui signaler qu'il faisait aussi partie de celles et ceux qui l'ont refusé.

Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Je vous rappelle, Monsieur le député Stauffer, qu'il n'y a qu'une seule intervention par groupe. (Commentaires de M. Eric Stauffer.) Non, non, vous n'êtes pas mis en cause du tout. (M. Eric Stauffer s'exprime hors micro.) Non, non ! (Commentaires.) On va poursuivre la séance. La parole n'étant plus demandée, il est pris acte de ce rapport.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1698.