République et canton de Genève

Grand Conseil

M 2099
Proposition de motion de Mmes et MM. Nathalie Fontanet, Bertrand Buchs, Christiane Favre, Patricia Läser, Beatriz de Candolle, Guillaume Barazzone, Vincent Maitre, Daniel Zaugg, Mauro Poggia, Alain Charbonnier, Michel Forni, Charles Selleger, René Desbaillets, Jean Romain, Jacques Jeannerat, Ivan Slatkine, Brigitte Schneider-Bidaux, Sylvia Nissim, Nathalie Schneuwly, Christine Serdaly Morgan, Patrick Lussi, Thierry Cerutti, Fabienne Gautier, Jacqueline Roiz : Mieux rémunérer les prestations des physiothérapeutes

Débat

Le président. Nous passons maintenant au point 69, qui est classé en catégorie II - trois minutes par groupe. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) S'il vous plaît, Messieurs ! Monsieur Cerutti ! La parole est à Mme la députée Nathalie Fontanet.

Mme Nathalie Fontanet (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la situation des physiothérapeutes est aujourd'hui difficile, notamment parce que le prix de leurs prestations n'a pas été revu depuis 1998 et que le coût réel y relatif n'est donc plus couvert. De plus, la convention tarifaire avec les assurances-maladie a été résiliée et est devenue caduque le 30 juin 2011. Enfin, l'accord cantonal sur la valeur du point tarifaire a également été résilié avec effet au 31 décembre 2011. Dans un tel contexte, à savoir lorsque les partenaires tarifaires ne s'entendent pas sur la valeur du point, il appartient aux gouvernements cantonaux de la fixer. C'est d'ailleurs ce qui a été récemment confirmé par le conseiller fédéral Alain Berset.

Nous avons été informés du fait que physioswiss et physiogenève ont rendez-vous le 20 novembre prochain avec le conseiller d'Etat M. Unger. Nous souhaitons dès lors lui donner un signal fort en acceptant cette motion sur le siège, ce soir, sans passer par l'étape de l'étude en commission.

Le groupe libéral souhaite également rappeler que le canton de Bâle-Ville a déjà rendu une décision positive concernant la valeur du point pour ce demi-canton en décidant d'une augmentation de 5%. Nous estimons que le rôle des physiothérapeutes dans le domaine de la santé ainsi que l'importance et la nécessité de leurs prestations pour les patients ne sont plus à démontrer. Nous souhaitons donc que le Conseil d'Etat agisse avec célérité dans ce dossier, en application de l'article 47 de la LAMal.

Pour ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral vous demande de bien vouloir ce soir voter et renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, afin qu'elle soit en ses mains lors de la rencontre du 20 novembre.

M. Bertrand Buchs (PDC). Quatorze ans sans augmentation ! Quelle est la profession qui, pendant quatorze ans, n'a pas vu ses revenus augmenter ?

Une voix. Les paysans ! (Commentaires.)

M. Bertrand Buchs. Les paysans et les médecins, merci ! Que se passe-t-il lorsque l'on veut renégocier le prix du point ? Il se passe que, quand on veut discuter avec les assurances-maladie, tout simplement, la proposition de ces dernières est de baisser le prix du point ! C'est pour ça que nous avons besoin du soutien du Conseil d'Etat, parce que ce dernier peut faire respecter certaines vérités et quand même faire comprendre aux caisses maladie que les gens ont droit à une augmentation de leurs revenus qui suive le coût de la vie.

Les caisses maladie ont une idée derrière la tête, qui est de se dire que la physiothérapie, ça ne sert strictement à rien. Les assurances-maladie demandent toujours pourquoi rembourser des gens qui vont se faire faire des papouilles et des massages chez le physiothérapeute. La physiothérapie, ça ne servirait strictement à rien, et donc elles ne veulent plus la rembourser ?! Eh bien moi je dis le contraire: la physiothérapie est quelque chose d'essentiel et, sans physiothérapie, je n'arriverais pas à soigner mes patients en tant que rhumatologue !

Physiothérapeute, c'est un métier intéressant, c'est un métier pour les jeunes. Or qu'est-ce qui se passe ? A force de démotiver et de ne plus payer, les gens ne font plus ce métier et arrêtent de se former comme physiothérapeutes. Mais nous avons besoin de physiothérapeutes pour l'avenir; nos personnes âgées ont besoin de physiothérapeutes. Nous avons besoin de prises en charge à domicile, pour éviter les hospitalisations et les placements en pension. C'est quelque chose d'essentiel, et si nous n'augmentons pas le revenu des physiothérapeutes, nous n'aurons plus personne pour exercer ce métier.

Le dernier élément - et c'est quand même un point essentiel, Monsieur le président - c'est qu'on ne paie plus le travail. On ne paie plus le travail ! Les gens qui bossent, on ne les paie plus ! Et pourquoi on ne les paie plus ? Parce qu'on va vous dire que, si on augmente les tarifs de la physiothérapie, les coûts de la médecine vont monter. Et que si les coûts de la médecine augmentent, vos primes d'assurance-maladie vont croître également. Ce n'est pas vrai ! Il n'y a aucune relation entre les coûts de la santé et vos primes d'assurance-maladie ! Et ce n'est pas l'augmentation de quelques centimes du tarif des physiothérapeutes qui fera croître les coûts de la santé. En conclusion, le groupe démocrate-chrétien votera, comme le PLR, le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, M. le député Bertrand Buchs a rappelé l'importance indéniable de la physiothérapie, avec le vieillissement de la population, la complexification de certaines maladies ainsi que l'augmentation des soins et de la technique médicale. Il est donc absolument nécessaire de disposer dès aujourd'hui et pour les années à venir de professionnels, en nombre et en qualité. Pour ce faire, la profession et ses conditions d'exercice doivent rester attractives et le revenu en est une composante, même si ce n'est pas la seule.

Outre ce qui a déjà été mentionné sur le contexte financier dans lequel exercent les physiothérapeutes, rappelons encore deux choses. En 1998, au moment où le prix du point des physiothérapeutes a été fixé, cela a été fait par le biais d'une diminution drastique de sa valeur par rapport à la situation antérieure. Donc, en 1998, au moment où le point des physiothérapeutes est fixé, il est déjà diminué une première fois ! Depuis, au début des années 2000, la formation continue des physiothérapeutes est heureusement devenue obligatoire. Cela dit, ces six jours par année, il faut les financer. La formation est aussi un marché et elle a aussi son coût.

En résumé, il y a un contexte d'augmentation de la complexité, de la demande de qualité, et nous vous invitons à faire bon accueil à la proposition de notre collègue député de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je ne vais pas répéter ce que vous avez déjà entendu deux fois et que vous allez probablement entendre encore, mais la profession de physiothérapeute fait partie de la panoplie des soins et prestations indispensables pour maintenir des gens à domicile et éviter des hospitalisations. Pour cette raison, il est effectivement important d'avoir du personnel bien formé et payé correctement. C'est pour cela que nous vous encourageons à accepter cette motion et à la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, à mon avis ce n'est pas au Grand Conseil de s'occuper des tarifs des physiothérapeutes. Parce que si on en arrive à ce niveau-là, je pense que, bientôt, ce sont les charpentiers, les menuisiers ou les installateurs sanitaires qui vont s'en mêler ! Ensuite, il faut aussi dire que les assurances-maladie ont refusé d'entrer en matière. Santésuisse, l'association faîtière des assureurs-maladie, n'a pas voulu adapter les tarifs et nous attendons aussi, dans ce cas-là, la position de M. Prix. Ce n'est pas parce qu'à Zurich et à Berne il y a eu un large soutien que Genève doit suivre le mouvement !

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette fois-ci le MCG n'est pas en cause et le discours que je vais tenir sera fondamentalement différent de ce que vient de dire mon préopinant. Nous dirons pour le moins que le groupe UDC aura la liberté de vote dans le cadre de ce projet.

Mesdames et Messieurs les députés, après avoir étudié cet objet, nous sommes en tout cas quelques-uns à penser que, par un artifice qui nous échappe - et j'espère que vous n'allez pas prendre ça comme une grossièreté - la profession indépendante de physiothérapeute est classée dans le sous-prolétariat de la fonction médicale - je ne dis pas «fonction publique», mais «fonction médicale» - quand on regarde la façon dont ils ont été traités et dont on dénigre leur travail. Je crois que tout un chacun qui a eu l'occasion une fois de passer chez un physiothérapeute, à cause d'un bobo sportif ou autre, sait le bien qu'il fait. Au moins, avec des manipulations, on a la chance de ne pas avoir à ingurgiter plein de produits toxiques sortis de nos excellents laboratoires de Bâle ou d'ailleurs.

Mesdames et Messieurs les députés, ayons un peu de courage ! Qu'est-ce qu'on demande, en fait ? Que le Conseil d'Etat prenne en compte ces revendications pour aller à une discussion. Cette motion est claire. Elle n'est pas outrancière. En ce qui nous concerne - en ce qui me concerne - je vous demande de l'adopter et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je ne répéterai pas tout ce qui a été dit jusqu'à présent, mais il est vrai que les physiothérapeutes font partie de l'équipe multidisciplinaire de soins. Il y a déjà plusieurs années qu'ils et elles ont revendiqué des changements dans leur statut et la reconnaissance financière de leurs prestations. C'est pour toutes ces raisons et également pour une valorisation de la profession que nous soutiendrons aussi la démarche d'indépendance des physiothérapeutes dans leur ensemble. Nous accepterons donc cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat.

M. Charles Selleger (R). Je n'avais à priori pas prévu de prendre la parole dans ce débat, parce que je ne voulais pas être accusé de parler pro domo, étant donné que je vais également vous faire remarquer que, si les physiothérapeutes n'ont pas vu leurs tarifs réévalués à la hausse depuis quatorze ans, les médecins ont vu depuis plus de vingt-cinq ans leur situation non seulement figée, mais en fait diminuée. Et tous les artifices sont bons pour essayer de faire dégringoler le prix du point du tarif médical.

Je rappelle aussi que, dans une situation de rupture conventionnelle, il appartient au Conseil d'Etat - et je regrette l'absence du conseiller d'Etat chargé de ce dicastère...

Une voix. Il est au Grand Prix d'Horlogerie !

M. Charles Selleger. ...d'établir un prix du point, dans le cadre de ce qu'on appelle justement le tarif-cadre. Ce tarif-cadre peut être contesté par M. Prix, mais on peut s'opposer à l'avis de ce dernier si on fournit des arguments. Alors je le dis au conseiller d'Etat malheureusement absent: s'il veut qu'on lui fournisse des arguments parce qu'il en est à court, il peut s'adresser à nous ! En conclusion, je vous remercie de soutenir cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean Romain, à qui il reste une minute cinquante.

M. Jean Romain (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, non seulement le prix du point des physiothérapeutes n'a pas augmenté depuis 1996, mais, avec l'introduction de la LAMal cette même année, il a baissé. Donc, au fond, il a baissé avant 1996 et, depuis cette date, les physios coûtent moins, et ils coûtent bien moins aux caisses maladie que les frais administratifs desdites caisses ! Personne n'a remis en question, par exemple, la charge administrative de ces caisses maladie, qui elles ne sont pas, disons, prestataires de soins.

Deuxièmement, il est dommage que, malgré les volontés de négociation des physiothérapeutes, les caisses maladie aient laissé pourrir une situation parce qu'elles étaient arrogantes. Les médecins n'ont pas eu à se confronter à ce genre de problèmes puisque eux ont pu négocier le prix du point. Ce n'est pas le cas des physiothérapeutes, et je crois qu'il est maintenant de bon ton et de toute justice de faire parvenir cette motion directement au Conseil d'Etat.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous invite à lui renvoyer cette motion. Une rencontre est effectivement prévue dans quelques jours entre le responsable du département de la santé - notre collègue Pierre-François Unger - et les milieux intéressés. Dans la limite de ses compétences - non pas qu'elles soient limitées intellectuellement, mais elles le sont juridiquement - notre collègue Unger en fera bonne réception. Pourquoi ses compétences seront-elles limitées ? Parce qu'en matière d'édification de tarifs médicaux, vous le savez, les compétences des cantons sont placées sous une très rigide organisation fédérale qui passe par le Surveillant des prix, mais aussi par des décisions fédérales. Des éléments de comparaison des tarifs font également que le canton n'a pas la marge de manoeuvre qu'on lui prête. Il a au contraire une marge de manoeuvre très réduite. C'est dans ce cadre que le Conseil d'Etat prendra acte de votre motion avec intérêt.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur cette motion.

Mise aux voix, la motion 2099 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 77 oui et 8 abstentions.

Motion 2099