République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du samedi 15 septembre 2012 à 10h
57e législature - 3e année - 11e session - 65e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 10h, sous la présidence de M. Pierre Losio, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, David Hiler et Isabel Rochat, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Charles Beer, François Longchamp, Michèle Künzler et Pierre Maudet, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Bertschy, Roberto Broggini, René Desbaillets, Emilie Flamand, Fabiano Forte, Florian Gander, Jacques Jeannerat, Claude Jeanneret, Dominique Rolle et Hugo Zbinden, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du premier débat
Le président. Nous poursuivons notre débat. La parole est au député Patrick Lussi.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que je suis surpris, voire outré, par les propos de ma préopinante socialiste, et je reprendrai quelques mots du député Gautier. Est-ce que vous êtes en train, Madame, de vouloir rallumer les feux de la guerre des classes ? Etes-vous en train de dire, si vous me permettez de mentionner un fait historique - la révocation de l'Edit de Nantes...
Le président. Vous vous adressez à la présidence, Monsieur le député.
M. Patrick Lussi. Car vouloir absolument employer des mots que la social-démocratie a éradiqués de son vocabulaire, pour entrer dans un collectivisme pur et dur, Madame, cela me rappelle ce que ces termes ont amené comme populations dans la misère, à l'est de l'Europe. J'aimerais simplement vous rappeler deux mots que vous ne citez jamais, qui ne font certainement pas partie du vocabulaire socialiste. Le premier est «mécènes»: grâce à ces gens, vous avez de beaux parcs dans notre ville - et nous venons même, dernièrement, d'avoir un beau pont. Le mécénat, Madame, ne vient pas de l'impôt ! Au contraire ! C'est parce qu'il y a moins d'impôt qu'il existe.
Le deuxième mot est «sponsoring», Madame. Il s'agit de gens qui ont de l'argent - les sponsors - et qui l'offrent en faveur du sport. Et avec les taxations multiples que vous proposez actuellement, le sponsoring diminue: on peut le constater, vu la demande d'argent que les clubs sportifs soumettent à l'Etat. Rien que pour cela, tout ce projet et les autres doivent être absolument refusés.
M. Eric Leyvraz (UDC). Ce sera très court: il s'agit juste d'une petite remarque concernant l'Etat de Genève. L'Etat de Genève me fait penser à ces propos de l'écrivain de la Vienne classique, qui disait: «Ah si seulement j'avais les moyens de vivre comme je vis.»
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il est utile de rétablir un peu la nature du débat. Nous avons vu M. Weiss très susceptible tout à l'heure, presque au bord des larmes; nous avons entendu M. Leyvraz dire que la classe moyenne n'en peut plus; nous avons vu le MCG mettre en balance le bouclier fiscal - 40 millions de recettes pour l'Etat - avec la question du taux, quelques petites centaines de milliers de francs. Il faut rappeler que le bouclier fiscal touche des personnes ayant un revenu substantiel. Ce n'est clairement pas un outil à l'attention de la population au revenu faible ni, vraisemblablement, au revenu moyen, mais bien à l'attention de la population au revenu moyen supérieur, de même qu'à celle au revenu très important de ce canton.
Je souhaite aussi relever un terme abondamment utilisé par l'Entente, dans cette enceinte: «l'impôt confiscatoire». D'après la définition du Tribunal fédéral, est estimé confiscatoire lorsqu'il faut porter atteinte à sa fortune pour pouvoir payer ses impôts. Nous sommes quand même dans une situation où le bouclier fiscal vise des personnes payant beaucoup d'impôts parce qu'elles ont des revenus et de la fortune substantiels. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je souhaite que cette enceinte entre en matière sur ce projet de loi visant à suspendre momentanément, pour deux ans, le bouclier fiscal.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut revenir à des fondamentaux: la Suisse est un Etat de droit, et ce droit ne prévoit pas que le système fiscal soit élaboré, comme on l'a entendu, selon une subtile alchimie dont la formule serait dictée par la volatilité des grosses fortunes de notre canton. La répartition des charges de l'Etat doit se faire selon la capacité financière de chacun. Il s'agit d'un principe cardinal figurant dans notre Constitution fédérale, et ce n'est pas uniquement le programme du parti socialiste ! Or, il faut l'admettre, le bouclier fiscal est une entorse majeure à ce principe, tant par le nombre de personnes qu'il concerne - entre 1200 et 1500 personnes - que par le public qu'il vise: des personnes qui disposent de fortunes, M. Deneys l'a dit, de plus de 3 millions de francs. Ce principe constitutionnel, il ne faut pas le remettre en cause, il est profondément juste. Il n'est pas illégitime d'appliquer aux personnes fortunées ce principe - malgré leurs vertus, Monsieur Buchs ! Notre constitution ne prévoit pas un système d'imposition au mérite. Sinon c'est le frein à l'endettement qui s'appliquera - ce frein que vous avez voulu, Mesdames et Messieurs de l'Entente ! Si ce frein s'applique, alors j'aimerais vous entendre: dites-nous à quelle autre catégorie de contribuables vous souhaitez imputer les 40 millions de francs dont vous désirez faire bénéficier les personnes qui vous soutiennent ! Ou dites-nous quelles prestations vous entendez couper. Mesdames et Messieurs les députés, hier soir l'Entente nous a servi un petit cours de morale budgétaire... J'aimerais l'engager aujourd'hui à passer de la théorie à l'acte et à voter ce projet de loi.
M. Pierre Conne (R), rapporteur de majorité. Chers collègues, je formulerai deux remarques pour conclure mon rapport de majorité. La première, pour rappeler qu'à l'heure actuelle le bouclier fiscal est un dispositif de charge maximale d'imposition, qui poursuit l'objectif que les contribuables domiciliés en Suisse ne supportent pas une charge d'impôt sur la fortune et sur le revenu, centimes additionnels cantonaux et communaux compris, qui soit supérieure à 60% de leur revenu net imposable, impôt fédéral direct non compris. Il faut bien rappeler qu'en incluant l'impôt fédéral direct, à l'heure actuelle, avec le bouclier fiscal l'imposition maximale peut monter jusqu'à 72%. Là, je pense que nous connaissons déjà des taux de taxation très élevés. Le deuxième point concerne la fortune. Une fortune, en principe, se constitue sur le travail, sur le revenu, revenu sur lequel les impôts sont payés. La constitution de la fortune en elle-même, qui se fait par le biais du revenu, est donc déjà taxée.
La deuxième remarque concerne le débat que nous menons ce matin. Il ne s'agit pas d'un débat qui consiste à opposer les personnes à haut revenu et les personnes à bas revenu. Le véritable débat que nous avons ce matin porte sur la question du dynamisme économique. Le dynamisme économique de notre communauté se mesure à l'aune de la capacité à investir; et celle-ci se mesure à l'aune de l'attractivité fiscale, notamment de notre canton. Je tiens à vous demander, Mesdames et Messieurs, de bien prendre en compte que l'attractivité fiscale doit être considérée non pas comme un cadeau aux riches, mais comme un investissement dont va bénéficier toute la communauté. C'est cette attractivité fiscale, conçue comme un investissement, que nous vous demandons aujourd'hui de conserver, en maintenant le bouclier fiscal. Je vous remercie.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, mon intervention comportera deux parties: l'une concerne le bouclier fiscal; l'autre, les conséquences, pour l'avenir, de ce qui se passe ce matin. Je reviendrai sur les propos de M. Pierre Weiss en particulier.
Concernant le bouclier fiscal. Pour mémoire, Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que le Conseil d'Etat s'était trouvé, lors de la précédente législature, face à un projet ambitieux de l'Entente, projet qui visait à résoudre le problème de la très haute taxation des revenus supérieurs et de la fortune, à Genève, par une baisse globale qui se montait à plus d'un milliard. Le Conseil d'Etat, pour sa part, a dit: «Nous avons un problème avec la taxation des personnes mariées; nous avons un problème avec les faibles déductions pour la classe moyenne, en ce qui concerne les enfants», puisqu'on se trouvait sous un autre régime, à l'époque, et aussi: «Nous avons un problème d'accroissement trop rapide du barème dans les tranches inférieures, qui touche chacun.» Ce qui faisait que, pour un célibataire qui passait de 60 000 F à 80 000 F ou à 90 000 F, notre société répondait ceci: «C'est bien, tu as bien travaillé: tu as travaillé plus, tu as fait une formation, tu as eu une promotion. Mais comme nous allons tout t'enlever, c'est dommage, tu aurais pu garder le même salaire disponible; avec la fiscalité et le système de subventions que nous avons, tes efforts, à toi en tout cas, ne t'auront servi à rien.» Il s'agissait donc de quelque chose de négatif en termes de dynamique sociale.
Et nous avons comparé tous les systèmes de boucliers fiscaux appliqués en Suisse. Et je peux vous dire qu'il y en a ! Il y en avait un qui était excessivement cher. D'ailleurs, il est à Berne, et vous ne serez pas surpris de voir le canton de Berne faire des économies de 100 ou 200 millions, chaque année ! Avec le bouclier fiscal qu'il a, c'est assez explicable. Puis, nous avons étudié celui du canton de Vaud. Il faut reconnaître - aux Vaudois - qu'en principe ce sont des gens rusés; de plus, ils ont la ruse de ne pas avoir l'air de l'être... Alors que les Genevois ont l'air rusés, mais ils ont de tels sabots, généralement, qu'on les voit venir de loin ! (Rires.) Nos amis vaudois, toujours est-il, avaient inventé le bouclier fiscal le moins cher de Suisse, et c'est celui - couper-coller - que nous avons introduit dans le projet de loi du Conseil d'Etat sur la LIPP. Et nous l'assumons. C'est pour cela, d'ailleurs, que nous n'avons jamais proposé sa suppression, mais simplement sa suspension.
Oui, le chiffre que vous avez indiqué est exact: avec l'impôt fédéral direct, le taux d'imposition s'élève à 72%. L'impôt ne peut pas dépasser 72% - c'est déjà beaucoup. Cela ne constitue pas un impôt confiscatoire, mais on s'en approche dangereusement. C'est-à-dire que la personne qui, avec l'impôt sur la fortune et l'impôt sur le revenu que nous connaissons, en période de bas taux d'intérêt, se retrouverait à 110%, eh bien, sur la base de la jurisprudence actuelle, elle gagnerait, devant un tribunal. Il n'est pas possible de taxer quelqu'un à 110%, déjà maintenant. Nous avons donc pensé qu'il s'agissait de la manière la plus intelligente de procéder, mais nous vous avons dit, à l'époque - et je vous l'ai rappelé tout à l'heure en termes un peu rapides - concernant la fortune: «Nous avons un problème de taux trop élevé et un problème d'assiette incomplète.» Ce que le Conseil d'Etat pense qu'il faudra faire, à l'avenir - il le dira et il consultera les milieux concernés - c'est avoir un taux moins élevé, mais une assiette complète. Et c'est dans cette mesure que nous avions besoin du bouclier fiscal.
Lorsque la planification qui était la nôtre a été compromise par la crise de l'euro et notamment sa conséquence majeure, celle d'augmenter de façon abominable le coût de l'opération de sauvetage des caisses de pension - j'y reviendrai pour répondre à M. Weiss - eh bien, le Conseil d'Etat a pensé qu'il pouvait être raisonnablement demandé au peuple de suspendre pour deux ans ce bouclier; non pas le supprimer, mais bien le suspendre. Mesdames et Messieurs, je suis conscient de ce que je suis en train de faire: je suis en train de vous dire que le Conseil d'Etat pense exactement l'inverse de ce que vous pensez à ma gauche, à savoir qu'il faut le supprimer, et l'inverse de ce qu'on pense à ma droite, c'est-à-dire qu'il ne faut pas le suspendre... Cela arrive, dans la vie politique, on ne va pas en faire un fromage ! C'est la raison pour laquelle nous proposons ce projet de suspension. En cela, je ne qualifierai pas - que cela soit clair - de niche le bouclier fiscal. Une niche est la sous-valorisation volontaire des biens immobiliers par le système que nous connaissons - vous serez saisis de cette problématique de façon ponctuelle et globale; une niche est une déduction particulière pour fortune d'indépendant. Ici, nous sommes dans un mécanisme qui, au fond, essaie d'anticiper les décisions de droit et, même si mes propos ne sont pas très à gauche, je pense personnellement qu'il faut maintenir ce bouclier fiscal aussi longtemps que nous n'avons pas une solution plus élégante, plus honnête, parce que la concurrence fiscale - Dieu sait si ce n'est pas nous qui la créons - est forte. Or, je n'ai pas encore entendu la gauche et les Verts vaudois mener un combat très engagé contre leur bouclier fiscal... Une coordination, une fédération des forces serait, de ce point de vue, intéressante !
J'en viens maintenant au futur. Ce que j'ai essayé d'indiquer tout à l'heure - et pas sur ce débat, Monsieur Weiss, puisque je sais qu'il s'agit ici de mesures temporaires - ce n'est pas de remettre en cause ce que nous avons fait hier - et qui, Monsieur Weiss, est aussi contrariant pour vous, députés, que pour le Conseil d'Etat. L'impact de la crise de l'euro sur le coût d'assainissement des caisses de pension est un facteur qui va limiter de façon drastique notre marge de manoeuvre; pas pour les deux prochaines années, mais pour les dix prochaines années, et nous le savons ! On ne met pas, comme ça, plus de 100 millions - c'est ce que cela finira par coûter vers 2019 - de coût salarial en plus, sans prestations en plus, sans réduire la marge de manoeuvre. Et croyez bien qu'il y a une personne qui est encore plus peinée que vous, de tout cela, c'est moi, parce que, au fond, de voir la réserve conjoncturelle anéantie, alors que le Conseil d'Etat avait réussi, pendant la période des vaches grasses, à empêcher des croissances trop fortes, des charges - ce qui est généralement le piège dans lequel on tombe - donc de la voir anéantie pour une seule cause, tandis qu'elle devait permettre, en 2017 ou en 2018, de passer d'autres caps difficiles liés à des changements contraints de notre fiscalité des entreprises. Donc non, il n'y a aucune ironie à l'égard des décisions que vous avez prises.
Par contre, je dois quand même réagir un peu à une intervention de M. Aumeunier, parce que cela concerne quelque chose qui ne sera plus possible à l'avenir. Oui, certes, nous devons présenter un budget. Mais lorsqu'ici est plébiscitée - par le Grand Conseil, puis par le peuple - une réforme du cycle d'orientation, qui à nombre égal d'élèves coûte 20% de plus que l'ancien système, ce n'est pas avec des économies à l'office des poursuites ou à l'office de la population que l'on va payer de pareils montants. Lorsque le mercredi matin d'école est introduit, il représente, à nombre d'élèves décroissant, pour tout arranger, un surcoût énorme ! Ce projet a été plébiscité par le Grand Conseil. Lorsque l'on demande à cor et à cri des dépenses nouvelles pour la sécurité - des prisons nouvelles - m'est en particulier restée en travers de la gorge la demande de réaliser 450 places de détention administratives - demande votée par ce parlement. Alors là, effectivement, si l'on veut à la fois toujours plus de dépenses et ne pas payer, c'est un peu difficile pour le Conseil d'Etat !
Non, il vous reviendra, Mesdames et Messieurs les députés, de faire un certain nombre de choix ! Les nôtres ont consisté, vous le verrez jeudi prochain, à couvrir le plus possible les dépenses nouvelles par des économies, mais à intervenir dans les secteurs où il nous fallait encore agir. Et cela ouvre le risque, une probabilité forte, sauf «très grosse année 2013», de devoir passer par le frein à l'endettement, mais pas pour des montants gigantesques !
Alors oui, je peux ironiser. Car ceux qui ont voulu le frein à l'endettement vont l'avoir. D'un autre côté, je dois aussi admettre que ce frein à l'endettement nous sert ! Parce que, lorsqu'il est question de notre note - la note Standard & Poor's - je dis toujours aux envoyés ce qui leur paraît juste. Il y a deux manières: soit on obtient un retour à l'équilibre - après une crise tout de même sérieuse, à trois épisodes déjà - par le consensus; soit c'est le frein à l'endettement ! Et c'est ce qui nous permet d'ailleurs d'avoir toujours des taux extrêmement avantageux - parmi les moins chers sur le marché, aujourd'hui.
Voilà, Mesdames et Messieurs, vous allez refuser de demander aux plus riches de ce canton de faire, durant deux ans, un effort - qu'ils faisaient, d'ailleurs, avant 2010. J'attire néanmoins votre attention sur le fait que plus les taux d'intérêt sont bas, plus le coût de ce bouclier est susceptible d'augmenter, puisque c'est en fonction du revenu que l'on calcule la pression, et pas en fonction de la fortune ! Donc, ça nous inquiète un tout petit peu.
Mais pour en revenir à l'essentiel du message, Monsieur Weiss, c'était de dire que nous avons eu raison, hier, tous ensemble, de faire ce que nous avons fait. Il n'est pas question d'augmenter les impôts pour faire ce que nous avons fait ! Ce que nous indiquions simplement là, c'est que, pour lisser le retour à l'équilibre et sans aller devant le peuple avec des potions par trop amères, nous aurions préféré suspendre le bouclier fiscal durant les deux années où nous sommes en difficulté - pour quelques dizaines de millions, et pas pour des centaines de millions. Vous ne le voulez pas, cela ne veut pas dire que nous devions être fâchés pour si peu. En revanche, il est vrai, Mesdames et Messieurs les députés, que le budget 2013 sera votre choix ! Si nous n'arrivons pas à couvrir les dépenses nouvelles avec des recettes nouvelles, si nous laissons faire la nature des recettes nouvelles - c'est-à-dire l'augmentation fiscale basée sur de faibles taux de croissance, plus les fameux 80 millions dont nous avons parlé tout à l'heure - il faudrait dans ce cas-là n'enclencher aucune dépense nouvelle. Vous verrez que la balance n'est pas si forte.
Je viens à présent au dernier argument qui a été sorti de façon assez appuyée, donc «Au fond, c'est la rémunération des fonctionnaires qui est trop élevée, et c'est pour cela que nous avons...», c'est vrai et c'est faux. C'est vrai, parce qu'elle est largement supérieure à celle des autres cantons; c'est faux, parce que l'environnement est le même. Jusqu'à présent, le salaire médian à Genève est également supérieur de 15% à celui du reste de la Suisse; c'est 6800 F contre 6000 F. Alors évidemment, c'est l'environnement qui crée cela. J'ai eu le privilège de dire, à plusieurs reprises - de dire en face - aux organisations représentatives du personnel: «Faites tout de même attention, si cet écart disparaissait, il disparaîtrait aussi pour vous» - et ça, c'était à un moment où il était de bon ton de dire que le plus urgent était évidemment d'affaiblir l'économie genevoise dans certains milieux - et je suis obligé de le maintenir. Forcément, la rémunération sera en lien avec la rémunération médiane générale. Mais là encore, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat, oui, a pris sur lui une fois de couper 0,4% d'indexation pendant la précédente législature; il a accordé 40 millions, qui sont effectivement fixes, par le biais du 13e salaire - vous en avez accordé quelques-uns de plus par le biais de la prime spéciale pour les cadres dirigeants - et, tout récemment, le Conseil d'Etat avait proposé d'ôter une fois 15 et une fois 15 par le mécanisme de demi-annuité. Et, en gros - contrairement à ce qui s'est passé les années précédentes - la rémunération a été plus ou moins stable, à l'exception, peut-être, de deux réévaluations très fortes, notamment celle du corps enseignant. Mais là aussi, Mesdames et Messieurs, concernant le corps enseignant primaire, c'est une réévaluation qui vient de votre décision de demander un niveau de qualification, donc une durée d'études qui n'est pas exigée ailleurs.
Voilà ! Alors, après, je veux bien qu'il faille gérer tout et son contraire quand on arrive au Conseil d'Etat, mais il y a un moment où je suis obligé de vous rappeler que certains choix sont des décisions de contrainte ! Nous aurons l'occasion d'en discuter. Je pense que, malgré la défaite puissante que le Conseil d'Etat connaîtra aujourd'hui, nous en discuterons dans un bon esprit, dans l'idée de trouver des solutions. En vous rappelant toujours que nous ne sommes pas en train de baisser les dépenses, mais d'essayer de freiner leur croissance. Et que, même si nous avons dû faire en deux ans, je pense, à peu près 130 millions d'économies - y compris la baisse de l'annuité - il ne s'agit pas d'une économie au sens strict: c'est une moindre croissance des charges ! Et, de l'autre côté, il est vrai aussi que nous sommes à un moment où il est peut-être plus grave d'avoir une dégradation dans le domaine de la sécurité, en termes de conditions-cadres, qu'un déficit de 30 millions de plus. Ce qui est certain, c'est que, quoi que vous décidiez, même si c'est de refuser le budget, arrangez-vous afin que le budget de la justice puisse être suffisant pour que le ministère public fonctionne - vous avez déjà voté - mais pour ne pas compromettre l'introduction des nouvelles procédures qui concernent, cette fois, les tutelles et curatelles. Parce que, bien sûr, les prestations, c'est très bon, mais si le coeur de l'autorité - qui est le pouvoir judiciaire - ne fonctionne pas, alors il n'y a de liberté ni pour les riches ni pour les pauvres, ça c'est sûr... Et comme généralement les riches ont quelques capacités à engager des gardes du corps, les pauvres, celles-là, ne l'ont pas, il faut que la justice fonctionne. Il est des pays où l'on paie très peu d'impôts, comme l'Ukraine... Mais ma foi, quand on est riche il faut avoir beaucoup de gardes du corps ! Et c'est un chaud partisan des baisses d'impôts, M. Christian Lüscher - je vais un peu atténuer ses propos - qui disait: «Certains contribuables fuient pour l'Ukraine... C'est bien fait pour eux ! Parce qu'ils ont tout à y perdre, au fond, de faire cette fuite-là !»
Donc, Mesdames et Messieurs, je voulais attirer votre attention sur le fait qu'il nous manque quelques dizaines de millions pour retrouver l'équilibre tranquillement, que les marges de manoeuvre d'efficience dans des administrations d'autorité sont terminées, et que le débat porte aujourd'hui forcément sur les prestations et le coût des prestations dans les domaines lourds que sont l'enseignement, la santé et la sécurité. Parce qu'on ne finance pas les 90% du budget par des économies sur les 10% du budget ! Cela, ça me paraît difficile. J'espère donc que la compréhension que vous avez pu avoir de mon regard amusé - ni arrogant, ni méprisant, mais simplement amusé, qui comportait d'ailleurs une part d'autodérision qui vous a échappé... Eh bien, j'espère que nous restons bons amis, et la meilleure manière de le faire c'est de prendre des décisions budgétaires intelligentes, puisqu'il paraît que les bons comptes font les bons amis ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Dandrès, vous avez demandé la parole ?
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de deuxième minorité. Je demande le vote nominal, Monsieur le président.
Le président. Etes-vous suivi ? (Appuyé.) Très bien !
Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'entrée en matière du projet de loi 10903.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10903 est rejeté en premier débat par 60 non contre 27 oui et 1 abstention.
Premier débat
Le président. Nous sommes au point 158, il est 10h30... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je donne la parole à M. Christo Ivanov, rapporteur.
Présidence de M. Gabriel Barrillier, premier vice-président
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, la commission fiscale s'est réunie à neuf reprises pour examiner ce projet de loi. (Brouhaha.) En effet, la perception de l'impôt à la source par les entreprises a fait l'objet d'un long débat. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande encore un effort d'attention ! Vous pouvez poursuivre, Monsieur le rapporteur.
M. Christo Ivanov. Merci, Monsieur le président. Je disais que ce projet de loi a fait l'objet de longs débats en commission. En effet, le projet de loi initial et le rapport dont vous disposez sont basés sur neuf séances. Mais, en réalité - et vous le comprendrez tout à l'heure - nous avons dû en faire une dixième. Ce projet de loi initial, voté par la commission fiscale, prévoyait une commission de perception pour les entreprises à un taux de 4% pour les montants allant jusqu'à 20 000 F, de 3% pour les montants allant de 20 000 à 100 000 F et de 2% pour les montants supérieurs à 100 000 F, les tranches de 3% et 4% représentant 62% des employeurs et le montant de 2% représentant les 38% restants, selon la loi fédérale actuelle. Puis, coup de théâtre, le Conseil fédéral a mis en consultation une modification de l'ordonnance fédérale sur ces taux qui actuellement sont de 4% à 2%, pour proposer des taux de perception de 3% à 1%, et ce dès le 1er janvier 2013. La commission fiscale a donc dû se réunir à nouveau, en urgence, afin d'étudier la possibilité de modifier son vote du 12 juin 2012. La commission fiscale a pris ses responsabilités et vous présente un amendement général modifiant l'article 18, alinéa 4, que vous avez sur vos places.
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous l'a expliqué le rapporteur de majorité, la commission fiscale a longuement travaillé sur ce projet de loi qui est, je vous le rappelle, l'essence même d'un projet de loi déposé par le MCG, il y a deux ans, et qui avait été rejeté en bloc par ce parlement. En effet, le MCG demandait la diminution de la rétribution sur la perception de l'impôt à la source, qui est à l'heure actuelle de 3%. Nous demandions à l'époque de la réduire à 2%. Aujourd'hui, par ce projet de loi, le Conseil d'Etat propose à son tour une diminution. Comme l'a dit le rapporteur de majorité, il y a eu de longues discussions au sujet du taux à appliquer, etc., tel qu'il est proposé par le projet de loi. Et, surprise, le Conseil fédéral, effectivement, estime que le taux est encore trop élevé et qu'il faut le baisser d'une moyenne entre 1% et 3%.
Nous avons donc dû élaborer un amendement général de commission, lequel propose un taux à 3% pour les listes récapitulatives n'excédant pas 100 000 F et un taux à 2% pour les listes récapitulatives dépassant 100 000 F. Le Mouvement Citoyens Genevois vous suggère de généraliser ce taux à 2%, sans faire de différence dans les listes récapitulatives, puisque c'était l'essence même de notre projet de loi d'il y a deux ans. Et nous pensons qu'il est de bon aloi, puisque le Conseil fédéral a décidé de fixer ce taux entre 1% et 3%. Nous estimons qu'il s'agit d'une bonne moyenne, que nous vous avions déjà proposée, et nous vous invitons à accepter l'amendement général que nous avons déposé.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme j'ai eu l'occasion de le dire en commission fiscale, le MCG est un mouvement visionnaire. Nous agissons rapidement. La preuve, même quand vous refusez - parce que vous ne l'aviez pas compris - ce projet de loi que nous avions déposé à l'époque, ce dernier est repris par le Conseil d'Etat et même par la Berne fédérale, réputée lente. Or, vous êtes encore plus lents qu'elle, puisque vous n'avez pas vu qu'elle était en consultation sur de nouvelles dispositions, comme l'a dit M. Spuhler, voulant faire passer ce taux de rétrocession à 1%. Ce n'est donc pas peu dire que nous sommes, dans ce parlement, encore plus lents que les Bernois.
Ce projet de loi apportera un million de recettes fiscales. Nous avons fait part de ce projet à nos voisins de droite, qui ont compris et admettent qu'un petit coup de pouce de la part des entreprises est nécessaire. Un million, ça ne paraît pas énorme, mais il s'agit d'une recette fiscale supplémentaire, qui n'était pas prévue.
Pour revenir à ces taux de rétrocession, il faut tout de même admettre que celui qui emploie des permis B et des frontaliers retire un bénéfice lorsqu'il engage des personnes en tout cas frontalières, cela est reconnu, et il vous suffit, sur internet, de taper «Comparaison salariale entre frontaliers et résidents suisses» pour constater que les employeurs paient une différence de 7% de moins en moyenne suisse pour les salaires de frontaliers, par rapport aux salaires suisses. Il est donc plus intéressant d'employer un frontalier qu'un résident genevois. Les employeurs seront encore gagnants, malgré ce petit pourcentage qu'ils perdront sur l'imposition de leur personnel.
Il faut également reconnaître que les employeurs qui jouent le jeu en faveur des résidents et qui emploient, par exemple, un jeune Suisse, connaîtront aussi des tracasseries administratives importantes, concernant notamment les obligations militaires de leurs jeunes employés; ils n'obtiendront aucune compensation, alors qu'ils supportent non seulement le fait que ces jeunes employés s'absentent régulièrement quinze jours, et ils devront aussi régler toute la paperasse pour la caisse cantonale de compensation. Et là, ces employeurs ne perçoivent rien du tout. C'est donc une situation qui n'est pas équitable envers l'employeur engageant un jeune frontalier ou un jeune de notre pays qui doit remplir ses obligations militaires. Et puis, il faut malgré tout reconnaître que ces rétrocessions sont pénalisantes par rapport aux résidents genevois, puisque cela incite peut-être quelques employeurs, surtout les gros, à engager d'importants contingents de frontaliers, car, à la clé il s'agit - pour une grande entreprise - de plusieurs centaines de milliers de francs. Pour en citer une, Migros ne fait pas beaucoup d'efforts par rapport à nos résidents genevois; même les jeunes étudiants genevois ne trouvent quasiment plus de travail dans ses grandes surfaces, simplement parce que l'on y favorise encore maintenant les enfants des employés, essentiellement des frontaliers. Voilà, j'ai tout dit. Je vous remercie et vous invite à suivre l'amendement qui a été proposé par mon collègue, M. Spuhler.
M. Eric Stauffer (MCG). Très brièvement, je tiens à remercier le PLR et, plus largement, l'Entente de respecter l'engagement qui avait été pris il y a une année, lors du vote du budget. J'aimerais tout de même vous rappeler le contexte: le budget déficitaire avait été voté par la majorité de ce Grand Conseil et le Conseil d'Etat s'était engagé à apporter un train de mesures, pas découlant des projets de lois précédents, mais de celui-là notamment. A cette condition, le groupe MCG n'avait pas mis les pieds au mur - enfin, pas tout à fait - lors du vote du budget 2012.
Finalement, ce qui se passe aujourd'hui n'est que justice par rapport à ce qui s'est produit il y a une année. Le reste a été expliqué par mes collègues, il est vrai que le groupe MCG avait déposé ce projet de loi quelques années auparavant. Mais oublions le passé, regardons vers l'avenir. Et là, cela constitue une rentrée fiscale supplémentaire pour le Conseil d'Etat. Ce n'est pas extrêmement pénalisant pour les PME, parce que, en définitive, pour une petite PME cela représente quelques centaines de francs par année, ce qui est tout à fait absorbable. En revanche, pour les gros employeurs de main-d'oeuvre frontalière, cela représente des sommes beaucoup plus conséquentes. Mais, comme dit quelqu'un que je connais bien: «C'est le jeu, ma bonne Lucette !»
Favorisons l'emploi des résidents genevois, et, de ce côté-là, le projet devrait aussi satisfaire les bancs de gauche, puisqu'il s'agit d'une rentrée fiscale supplémentaire - ou c'est cadeau fiscal aux PME qui ne sera pas fait. Je vous remercie donc, Mesdames et Messieurs, de voter l'amendement du MCG. On pourra ainsi passer au prochain point et peut-être finir avant midi !
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste, lors du dépôt de loi du MCG - il y a une année et demie ou deux ans - avait refusé ce projet de loi qui, au niveau de l'exposé des motifs, était particulièrement axé sur la question des frontaliers - comme à l'habitude du MCG. De ce fait, nous l'avions refusé.
Est arrivé le projet de loi du Conseil d'Etat. Grande discussion. Le rapporteur a indiqué que nous avions passé plusieurs séances de commission à argumenter, la droite voulant faire - et là, nous la suivions - une différenciation entre les PME et les grandes entreprises qui ont des systèmes automatisés qui leur étaient proches, pour permettre cette économie de rétrocession à l'Etat. Finalité de tous ces feuilletons, nous avons le rapport de majorité, avec 4% de rétrocession accordée aux petites PME ne dépassant pas 20 000 F de perception, etc. Nous avions élaboré une échelle qui favorisait les petites entreprises et qui, pour les grandes entreprises, réduisait cette rétrocession. Puis est arrivée la nouvelle du Conseil d'Etat, qui proposait un amendement de commission - amendement que nous avons aujourd'hui devant nous - et qui maintenait cette différenciation entre petites et grandes entreprises au niveau de la rétrocession. Cela nous paraissait correct, cela s'aligne sur le droit fédéral, nous aurions suivi cela sans autre forme de procédure. Or, coup de théâtre, après des négociations en politique de couloir - comme l'a relevé M. Golay - la droite, qui défendait les petites PME en commission, tout d'un coup, s'est dit: «2% pour tous.» Pour nous socialistes, il n'y a pas de grands dangers à cela, dans le sens où le Conseil d'Etat est venu en commission nous démontrer qu'actuellement tout un système a été mis en ligne au niveau de l'administration fiscale, permettant aux petites et moyennes entreprises - mais particulièrement aux petites - de remplir ces formulaires d'imposition à la source, de manière simple et relativement aisée. L'effort que nous voulions faire symboliquement, par rapport aux PME - pour bien montrer que nous étions soucieux de ces petites entreprises qui ont des tâches administratives en plus, proportionnellement au nombre de travailleurs - tombe aujourd'hui ! Pour nous socialistes, la base de ce projet de loi était une économie de rétrocession de l'Etat par rapport aux finances publiques et une aide au redressement, même minime, du montant du budget public. De ce point de vue-là, nous allons accepter l'amendement - quel qu'il soit, puisqu'il se situe dans les normes fédérales - qui sera proposé aujourd'hui. Amendement qui est donc prôné par une majorité de ce parlement - à l'heure actuelle, après négociations ! - et qui serait visiblement l'amendement du MCG, proposant 2% pour tous, petites et grandes entreprises. Je vous laisse prendre acte de cette décision politique.
Présidence de M. Pierre Losio, président
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Je ne vais pas m'épancher sur ce rebondissement subit d'une partie de notre parlement - que je trouve assez amusant à suivre, je dois vous l'avouer. Il me semble important d'affirmer ici que ce projet de loi n'est pas un objet visant à limiter l'emploi frontalier, c'est évident. Cette réduction de la commission de la perception n'a en effet aucun impact sur l'emploi frontalier, contrairement à ce que voudraient faire croire certains d'entre nous. La raison de cette diminution est plutôt à chercher dans le fait que, désormais, toutes les grandes entreprises de notre canton ont informatisé les processus et que l'on peut déclarer dès lors que 2% est déjà une bonne rémunération administrative. C'est donc pour ces raisons-là que nous voterons ce projet de loi, mais non pas pour envoyer un signal tendant à faire croire qu'il faut diminuer l'emploi frontalier.
M. Alain Meylan (L). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral acceptera l'entrée en matière et, je le dis d'emblée, acceptera l'amendement à 2% qui va être proposé.
Cela a un certain sens, des discussions de la commission l'ont prouvé, il est vrai que la charge administrative, notamment grâce au système informatique mis en place par le Conseil d'Etat, l'AEL, permet à certaines entreprises d'améliorer leur efficacité administrative. Sur cet aspect, je rejoins ce qui vient d'être dit: c'est uniquement sur ce point-là que l'on entre en matière, et non pas sur la problématique de l'engagement de frontaliers, bien évidemment. Donc, le groupe libéral acceptera cet amendement.
Je crois qu'il s'agit également de faire preuve de responsabilité, je l'ai dit tout à l'heure. Il est vrai que des négociations ont eu lieu, mais que fait-on d'autre quotidiennement en politique ? Il s'agit de trouver des accords, de trouver une majorité forte et constante, particulièrement au vu du futur qui s'annonce, notamment la fiscalité des entreprises, autre sujet pour lequel j'espère que les mêmes groupes se retrouveront, afin d'améliorer la situation des PME d'une manière bien plus importante. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Ce sujet est de longue date, et ce n'est pas la première fois que nous le traitons dans ce plénum. L'UDC refusera l'amendement du MCG: nous maintiendrons la position que nous avions adoptée en commission. (Applaudissements.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, vous vous en rappelez, lorsque le MCG a déposé son projet - dans un exécutif, en principe, pour prendre une décision, on regarde le projet, et non l'exposé des motifs - nous avions indiqué que ce projet aurait son heure ! Il aurait son heure lorsqu'il faudrait compenser les efforts de baisse de taux d'imposition pour les entreprises, efforts nécessaires à conserver un certain type d'entreprises qui est aujourd'hui favorisé par le système dit «des statuts» et à qui nous devons un bon 20% de nos recettes fiscales globales - globales ! Nous avions donc vu ce projet de cette manière. Entre-temps, il y a eu la crise, ainsi que la crise de l'euro, et c'est maintenant que nous avons besoin de cette ressource nouvelle.
Il est vrai - et cela a été dit - que si la Confédération est arrivée aux mêmes conclusions, comme tous les cantons, c'est que l'on sait que cela coûte moins cher aujourd'hui par les systèmes informatiques. Nous laissons le parlement prendre ses options sur les 2% ou les 3%, nous ne ferons pas de recommandations. Toutefois, si par hasard l'objectif était celui de réguler le nombre de frontaliers, je crains que la solution ne se trouve pas dans ce projet de loi. Il faudra vraisemblablement construire des logements, former beaucoup plus d'infirmières et beaucoup plus de gens dans le domaine de l'horlogerie-bijouterie, puisqu'en ces secteurs les besoins sont assez importants. Il faudra vraisemblablement aussi surveiller d'un peu plus près ce qui se passe là où il y a de la sous-enchère salariale, parce qu'évidemment c'est un facteur qui peut pousser à ce que nous ne voulons pas, à savoir que l'engagement frontalier ne provienne pas d'un manque ou de compétences que nous n'avons pas à Genève, mais relève simplement du dumping-salarial. Ces éléments vont occuper vos discussions ces prochains mois.
Pour le moment, prenons cette décision. Elle est utile, elle nous donne un peu de marge de manoeuvre ! Elle est, je crois, incontestable sur le fond. Et nous nous réjouissons d'avoir eu cette victoire héroïque aujourd'hui... après tant de défaites ! (Rires.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous allons passer au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi. (Remarque. Rires. Exclamations.)
Mis aux voix, le projet de loi 10906 est adopté en premier débat par 79 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 18, alinéa 4, nouvelle teneur, nous sommes saisis de deux amendements. Le premier émane du MCG, plus particulièrement de MM. Spuhler et Golay. Le second émane de la commission fiscale et sera présenté par son rapporteur, M. Ivanov. Il va de soi que si l'amendement MCG est accepté, celui de la commission devient caduc. Je donne la parole à M. Spuhler.
M. Pascal Spuhler (MCG). Brièvement: vous avez effectivement deux amendements de même teneur, la seule différence entre eux porte sur les pourcentages. La commission, après une première réflexion suite à l'information relative à la décision du Conseil fédéral de mettre en consultation le taux, a décidé de proposer un amendement. Nous vous soumettons aujourd'hui un amendement plus simple, c'est-à-dire de fixer à 2% le taux de commission de perception de l'impôt à la source. Dans ce but, nous vous proposons d'adopter cet amendement, également de simplifier la tâche de l'administration, et de mettre tout le monde au même niveau.
Je souhaiterais ajouter un petit commentaire: si certains pensent que cet amendement est bon et le votent parce que les outils informatiques - le système mis en ligne à l'administration fiscale - deviennent efficaces, nous pensons également que cela peut être un moyen de dissuader les employeurs d'engager des frontaliers.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur. Il est quand même regrettable qu'il y ait eu un marchandage, alors que la commission s'était mise d'accord sur un compromis auquel nous étions tous favorables. Par conséquent, ce sont les petites PME qui seront désavantagées par rapport aux grandes entreprises, qui ont des services de ressources humaines et de l'informatique performants. L'UDC reste le défenseur des PME dans ce canton.
Le président. Je mets aux voix l'amendement présenté par MM. Spuhler et Golay: «Art. 18, al. 4 (nouvelle teneur). 4 Il reçoit une commission de perception calculée, par liste récapitulative annuelle au sens de l'article 18A, sur les montants perçus pour l'impôt fédéral, cantonal et communal. La commission s'élève à 2%.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 68 oui contre 6 non et 5 abstentions.
Le président. Cet amendement ayant été accepté, celui qui est présenté par la commission devient caduc.
Mis aux voix, l'article 18, alinéa 4 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 10906 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10906 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 74 oui et 5 abstentions.
Débat
Le président. Je donne d'abord la parole à l'auteur de la résolution, M. Bertinat, puis à M. le conseiller d'Etat David Hiler, à sa demande.
M. Eric Bertinat (UDC). Chers collègues, la double imposition en matière de succession - qui a été votée au début de cet été à Berne - est un dossier quelque peu particulier, puisque la Confédération ne prélève pas d'impôt sur la fortune et sur les successions. Il s'agit d'une décision qui a été négociée à la hâte - juste avant les vacances - avec la France, et qui pose quand même le problème, pour les cantons et les communes, d'une perte nette de recettes fiscales. Le Conseil d'Etat du canton du Valais a déjà refusé cette décision courant juillet, sauf erreur, et hier c'est le parlement valaisan qui, à son tour, l'a rejetée.
Par la présente résolution, je souhaiterais que nous fassions de même. Non pas pour refuser de manière catégorique des démarches avec la France sur ce dossier-là, mais pour que la Suisse, lors de ces négociations, puisse, elle aussi, en retirer quelques avantages ! Les accords se font de part et d'autre ! Dans le cas présent, la France est particulièrement gagnante; la Suisse, absolument pas. Et c'est même pire, puisque les résidents suisses en France, et ils sont nombreux - il y en a 170 000 - seront pénalisés.
Dernière remarque. En cas de décès, c'est la première fois - sauf erreur de ma part - que prime le droit successoral du pays de résidence de l'héritier; partout dans le monde, c'est la loi des droits de succession du pays de résidence de la personne défunte qui prime. Il y a donc vraiment quelque chose de mal conçu dans cet accord. Je vous demanderai par conséquent d'accepter cette résolution, pour que notre Conseil d'Etat puisse faire part de notre refus auprès des autorités fédérales.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je profite de cette occasion pour rectifier quelques points d'histoire. En juin, nous avons eu, à la Conférence des directeurs cantonaux des finances, une information sur les tractations difficiles qui avaient lieu avec la France. De ce point de vue, j'aimerais quand même préciser - par rapport à ce que j'ai pu lire dans quelques interventions plus ou moins bien documentées de chefs de partis - ce qui s'est vraiment passé. La France n'a pas demandé à renégocier la Convention: elle a annoncé qu'elle la dénonçait. Ce qui n'est pas tout à fait la même chose ! C'est la Suisse, donc l'autorité fédérale, qui a demandé à négocier. La France n'a presque pas assoupli sa position, de sorte qu'au fond le choix qui est laissé - et la France se trouve en contradiction avec une norme OCDE - c'est qu'il faut se déterminer entre la peste et le choléra... Pour beaucoup de cantons suisses, et notamment ceux qui font partie du comité de la CDF - ce qui n'est pas le cas de Genève, il s'agit de sept cantons - la question n'est pas si importante que cela, parce qu'ils n'ont pas de droit de succession du tout. Pour notre part, nous avons ces droits de succession, en particulier en ligne directe, pour les personnes au bénéfice d'un forfait. Donc, il fallait étudier soigneusement quelle était la moins bonne solution pour Genève: est-ce, grosso modo, de faire porter le poids d'une double imposition - car elle aura lieu - sur un certain nombre de contribuables ? Notre imposition est assez raisonnable, en ligne directe; mais, en ligne indirecte, elle pas aussi raisonnable que ça ! Et là, savoir comment les gens qui résident en France et ceux qui résident en Suisse vont se positionner par rapport à cette mesure, c'est assez difficile à faire. L'avantage de la Convention, c'est qu'au moins elle offrait une certaine sécurité de droit.
La raison qui pousse notre Conseil à vous recommander de voter cette résolution est la suivante: avec la France, nous sommes dans le cas d'un acte unilatéral - qu'on peut comprendre, pour des raisons philosophiques - de dénonciation d'une convention existante. Si nous signons une nouvelle convention où, peu ou prou, nous acceptons que la France exerce son droit sur les successions à l'international - c'est ce qu'on cherche d'habitude à éviter, avec les conventions de double imposition - nous nous mettons dans une situation difficile ! Parce que nous invitons à peu près tous les pays du monde à dire: «Ah, mais la Suisse est un pays qui accepte qu'on ne taxe pas sur le lieu de décès, mais sur le lieu de résidence des héritiers» - contrairement aux normes OCDE. On ouvre alors la boîte de Pandore à de nouvelles discussions. Il vaut mieux, donc, subir, vraisemblablement, la volonté unilatérale de la France - elle a le droit de dénoncer une convention - plutôt que de faire un modèle qui, au fond, ne nous protège en réalité que de modifications ultérieures du droit français, puisque la Convention reprend le droit français actuel pour en faire une norme internationale au niveau de la CDI.
Alors, sur le plan technique, la solution de conclure une nouvelle convention est quand même meilleure, en termes de sécurité juridique. Et, sur le plan politique, après avoir étudié tous les éléments, notre Conseil juge qu'il est préférable de dire non. Mais ne croyez pas à un coup de bluff de la France; ils dénonceront ce volet de la convention. Or, ici, c'est mieux de supporter cela que de donner un signal négatif. Et, en supportant simplement cette dénonciation, par rapport à tous les autres pays qui sont soucieux de respecter sur ce point les normes OCDE, nous n'aurons ainsi rien à redouter. Le Conseil d'Etat vous invite donc à voter cette résolution, sans forcément adhérer à tous les considérants, dont, à vrai dire, certains nous paraissent un peu inexacts. Mais vu la situation dans laquelle nous nous trouvons, je crois que la Suisse, sur ce dossier, n'a pas avantage à céder. Alors que je crois que, sur d'autres - la fiscalité de l'Union européenne - le rapport de force et la légitimité veulent que nous cédions ! Mais, sur celui-ci, nous sommes dans un cas d'espèce un peu différent. C'est donc volontiers que nous nous appuierons sur votre résolution pour donner notre propre point de vue, notamment à la Conférence des directeurs cantonaux des finances, à la fin de ce mois.
Présidence M. Gabriel Barrillier, vice-président
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut relever un étonnant paradoxe de l'Histoire. Ces quinze-vingt dernières années, les politiques néo-libérales ont fleuri en Europe: après les Etats-Unis, après les années Reagan, et après les années Thatcher, le reste de l'Europe a subi le même discours que les libéraux tiennent - et puis, maintenant, les radicaux, puisqu'ils ont abandonné les indépendants et les PME pour s'intéresser aux riches - le même discours que tiennent les députés PLR, c'est-à-dire que le montant des impôts est trop élevé, qu'il faut les baisser, que c'est la seule façon de réduire le train de vie de l'Etat... (Brouhaha.) ...ce discours qui ne repose sur rien et qui ruine les Etats ! Mais le paradoxe, c'est que, dans tous les Etats européens qui ont connu des majorités de droite ayant défendu ces politiques - et quelques majorités, malheureusement, plutôt socialistes, qui ont entendu ces discours de miroir aux alouettes - eh bien, ces Etats sont aujourd'hui tous au bord de la faillite. Et, pas de miracle, que font ces Etats au bord de la faillite ?! La France de M. Nicolas Sarkozy, par exemple ? Eh bien... (Remarque.)
Eh bien, ces Etats vont chercher l'argent de leurs concitoyens qui vivent à l'étranger, dans les banques des pays étrangers... (Brouhaha.) ...et en l'occurrence dans les banques suisses ! Mais c'est tout simplement logique, Mesdames et Messieurs les députés ! Les banques suisses ont attiré des capitaux étrangers, déduits, cachés du fisc ! C'est l'évasion fiscale qu'il s'agit de dénoncer. Cette évasion fiscale ruine les Etats étrangers; il est normal que ces Etats cherchent aujourd'hui, après avoir mené une politique absurde, à récupérer l'argent. Je trouve que la situation de l'Allemagne est assez intéressante à ce sujet. Avec une majorité pas particulièrement de gauche au gouvernement - Mme Merkel n'étant pas socialiste, à ma connaissance - l'Allemagne vient chercher l'argent que ses riches résidents allemands cachent en Suisse, cachent du fisc allemand... Mme Merkel vient chercher cet argent en Suisse ! Elle attaque la Suisse ! Et la France fait de même ! Les riches Français mettent leur argent en Suisse ? Eh bien, le gouvernement français, même de droite à l'époque, avec M. Sarkozy, vient chercher cet argent en Suisse. Cette question de double imposition, cette question de remise en cause des règles internationales...
Le vice-président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. ...mérite d'être discutée, car il s'agit de respecter les règles. Mais aujourd'hui, il faut le faire en connaissance de cause et je pense que la meilleure des choses, avant de se lancer dans de grandes déclarations - en plus la formulation n'est pas correcte, il aurait fallu utiliser le droit d'initiative cantonale, ce que vous n'avez pas fait, Monsieur Bertinat - c'est de renvoyer ce texte en commission avant d'en tirer la moindre conclusion. Donc, je demande le renvoi de ce projet de résolution à la commission fiscale. (Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais, Mesdames et Messieurs, vous faire voter immédiatement cette proposition de résolution... (Commentaires.) Vous avez demandé le renvoi à la commission fiscale ?
Une voix. Oui !
Le président. J'étais inattentif. Excusez-moi, Monsieur le député ! Nous allons nous prononcer... (Remarque.) Pas aux Droits de l'Hommes, voyons ! Nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 704 à la commission fiscale est rejeté par 57 non contre 11 oui.
Mise aux voix, la résolution 704 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 48 oui contre 1 non et 19 abstentions.
Débat
Le président. Nous sommes au dernier point de notre ordre du jour. (Commentaires.) Je vous lis le titre. Les rapporteurs... Il n'y a pas de rapporteurs ? (Remarque.) Madame Schneider Hausser, rapporteure de majorité, souhaitez-vous vous exprimer ? (Commentaires.)
Des voix. Non !
Une voix. C'est un renvoi !
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de majorité. Il avait été question, hier, d'une demande d'urgence pour renvoyer cette proposition de motion en commission. Est-ce que nous entrons dans le débat, ou pas ? Moi, je suis prête.
Des voix. Non ! (Commentaires.)
Le président. J'en déduis de ces rumeurs que vous souhaitez que je fasse voter le renvoi...
Des voix. Oui !
Le président. ...à la commission fiscale. Celles et ceux qui... (Remarque.) Monsieur le député Golay, vous avez la parole.
M. Roger Golay (MCG). C'est simplement concernant le renvoi de cet objet à la commission fiscale. Si j'ai demandé la parole, c'est pour rappeler à quelques-uns d'entre nous que ce projet est lié à la question des intérêts moratoires. C'est pourquoi nous demandons le renvoi de ce texte à la commission fiscale.
Le président. Bien ! Merci, Monsieur le député. Nous allons nous prononcer sur cette proposition de renvoi.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2040 à la commission fiscale est adopté par 43 oui contre 23 non et 1 abstention.
Le président. Avant de vous libérer, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous remercier et vous féliciter de la haute tenue des débats durant ces deux jours ! (Exclamations. Applaudissements.) Bon week-end ! La séance est levée !
Des voix. Trois jours ! (Brouhaha.)
La séance est levée à 11h10.