République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Pierre Losio, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, David Hiler, François Longchamp, Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. David Amsler, Claude Aubert, Antoine Bertschy, Mathilde Captyn, Alain Charbonnier, Christian Dandrès, Michel Forni, Serge Hiltpold, Vincent Maitre, Ivan Slatkine et Daniel Zaugg, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 10955-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant les états financiers individuels de l'Etat de Genève pour l'année 2011

Premier débat

Le président. Nous traitons cet objet en catégorie II: trente minutes. Je donne la parole à M. le rapporteur. (Remarque.) Je vous donne la parole sur le rapport PL 10955-A.

M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur. Monsieur le président, j'étais dérangé par le député Selleger, qui me racontait son week-end à moto... (Exclamations.)

Monsieur le président, je propose que l'on passe assez vite sur ce deuxième projet de loi. Comme l'a dit hier soir la concierge du Grand Conseil, un plus un égalent deux. Donc on ne va pas s'embêter plus longtemps. Par contre, il conviendrait que l'on consacre un peu plus de temps pour le projet de loi suivant, à savoir les comptes consolidés. Je rappelle en effet que, l'année dernière, les comptes consolidés avaient transité par un rapport et non pas par un projet de loi. Donc je vous propose - en répétant que l'ICF n'a fait aucune remarque - que l'on passe rapidement au vote. Telle est ma suggestion, Monsieur le président.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je dirai quelques mots à ce sujet. Je vous rappelle que, il y a encore quelques années, cette partie-là du projet de loi, on y passait la journée. Alors que s'est-il passé ? Je pense qu'il est important de le dire et que les choses soient sues. Nous étions il y a fort longtemps sur une logique de caisse. La réponse donnée systématiquement à tous les députés qui posaient une question était: «Ouh là là, vous ne vous rendez pas compte, mon brave Monsieur, ce n'est pas de ma faute. C'est le gouvernement précédent, c'est l'équipe d'avant, etc.» Nous sommes passés sur un principe d'échéances, dans un premier temps, qui a permis que les gens qui sont au pouvoir prennent la responsabilité réelle des comptes présentés, ce qui est le cas. Ensuite, nous avions un référentiel comptable, qui était d'ailleurs celui que l'on pratiquait dans le reste de la Suisse, où de temps en temps on amortissait très fortement, et à d'autres périodes on n'amortissait pas du tout. Et vous aviez des bonis, avec une dette qui flambait. C'était assez curieux. Aujourd'hui, nous avons un référentiel comptable de qualité, l'IFRS, qui nous permet à tous d'être d'accord sur ce que vous avez dit, sur l'addition à la fin, et de savoir ce qu'elle signifie.

Mais ceci ne s'est pas fait comme cela ! Un énorme travail a été fait, dans les départements, qui a permis d'avoir des comptes sur lesquels nous sommes tous d'accord, ce qui est quelque chose d'exceptionnel. Cela fait bientôt dix ans que je siège à la commission des finances. C'est vraiment la première fois que l'on arrive à quelque chose d'aussi fort que cela.

La dernière chose que l'on a faite est que - pendant des années, nous l'appelions de nos voeux - nous avons enfin eu un budget par prestation, par programme et par politique publique. Cela signifie aussi que, aujourd'hui, on sait ce que coûte une politique publique. Ces améliorations de la machine étatique sont exceptionnelles et, je dirai, fabuleuses. Genève est l'un des rares endroits dans le monde où nous avons cette qualité d'information, ce qui nous permet, effectivement, Monsieur le rapporteur, de revenir à de la politique et de nous occuper de la manière dont sont utilisés les deniers, non pas de la façon dont on fabrique l'addition.

Pour réussir cela - je tiens à remercier ici non seulement le département des finances, mais aussi toutes les entités de l'Etat, du petit Etat et du grand Etat - un travail phénoménal a été fait dans les départements et chez les subventionnés. Alors parfois, dans ce canton, où tout le monde raconte que tout va mal et que c'est une catastrophe, admettons aussi qu'un travail de qualité a été fourni en termes d'informations financières. Je tiens aussi à remercier mes collègues de la commission des finances... (Commentaires.) Surtout eux, bien évidemment, qui siègent avec moi sur les mêmes bancs, mais aussi les personnes des bancs que l'on appelle les bancs d'en face. En effet, il y a eu une qualité de travail dans cette commission - la population croit toujours que les politiciens ne passent leur vie qu'à se disputer - et une volonté commune d'arriver à quelque chose de solide. Nous avions, à l'époque, fait naître la Cour des comptes, et j'en suis extrêmement fier, vu le travail qui est fait aujourd'hui. Je dois - et nous devons - dire haut et fort ceci: oui, à Genève, les politiques travaillent et ils travaillent pour le bien commun. Cette qualité d'information que nous avons, je pense que quelques autres cantons en rêveraient.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Eric Leyvraz (UDC). M. Bavarel a dit l'essentiel. Il faut simplement relever que, si les chiffres sont justes, cela ne veut pas dire qu'ils sont bons. C'est la première chose. Je constate aussi les progrès en maths de notre rapporteur - un plus un égalent deux - je le félicite ! Je propose que nous votions.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous nous prononçons sur l'entrée en matière du projet de loi 10955.

Mis aux voix, le projet de loi 10955 est adopté en premier débat par 43 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Le président. Le deuxième débat porte sur l'examen des états financiers selon les livres. Pour l'ensemble du deuxième débat, chaque groupe et chaque rapporteur dispose d'une enveloppe globale de 5 minutes, y compris le Conseil d'Etat. Les députés voudront bien poser leurs questions en relation, j'insiste, avec la régularité des comptes - on ne refait pas le débat d'hier - en indiquant s'il s'agit du compte de fonctionnement ou du compte d'investissement, et surtout quelle politique publique et quel programme est concerné. (Remarque.) La parole n'étant pas demandée, nous nous prononçons sur le PL 10955 article par article.

La loi 10955 est adoptée article par article en deuxième débat.

Troisième débat

Le président. Nous nous prononçons sur ce texte dans son ensemble en troisième débat... (Remarque.) Madame Lydia Schneider Hausser ? (Exclamations.)

Une voix. C'est une erreur !

Mme Lydia Schneider Hausser. Je souhaite m'exprimer au sujet du projet suivant.

La loi 10955 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10955 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 46 oui (unanimité des votants).

Loi 10955

PL 10956-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant les états financiers consolidés de l'Etat de Genève pour l'année 2011

Premier débat

Le président. Nous traitons cet objet en catégorie II: trois minutes par groupe. Je donne la parole à M. le rapporteur, qui ne la prend pas. Monsieur le député Eric Leyvraz, la parole est à vous.

M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Nous voilà enfin avec des comptes consolidés. C'est la première fois. C'est remarquable de les avoir en main, car nous savons que, pour les banques et les instituts de notation, c'est ce qui compte; c'est cela qu'ils vont regarder pour savoir s'ils vont prêter à Genève et quel taux d'intérêt sera appliqué à notre république. Alors parfois, les comptes consolidés améliorent les comptes de la République. Là, on voit très bien que c'est plutôt une péjoration et que la dette financière se monte à plus de 14 milliards de francs.

Evidemment, si l'on se compare aux pays européen, c'est un chiffre tout à fait acceptable. D'après les normes de Maastricht, on pourrait très bien avoir 25 ou 26 milliards de dette et être encore dans les clous. Mais nous sommes en Suisse et il faut se comparer avec notre pays. Alors là, on est vraiment le mauvais élève ! On voit les cantons qui nous entourent, qui ont fortement baissé leur dette. Nous sommes certainement les premiers de classe dans le mauvais sens, comme nous le sommes pour l'impôt sur la fortune et les cotisations maladie; nous sommes également dans le peloton de tête pour les impôts cantonaux et communaux.

Je pense que, ici, on arrive très nettement à une limite du supportable - 14 milliards de dette, quand on a un budget d'un peu plus de 8 milliards, c'est beaucoup trop - et il faut commencer à être raisonnable. On arrive à une limite un peu comme pour les terrains agricoles. On a toujours pris sur les terrains agricoles pour développer la ville, pour construire. Puis, tout d'un coup, on se rend compte qu'il y a des limites, qu'il faut commencer à réfléchir et que, se l'on veut conserver une zone agricole, on ne pourra plus faire comme on avait fait auparavant. Je crois que, ici, nous sommes dans ce cas-là et que, maintenant, il va falloir pour les prochains budgets prendre des décisions qui seront difficiles à prendre pour vous, Mesdames et Messieurs, parce que nous serons en année électorale - 2013. Nous verrons bien dans ce parlement ceux qui ont le courage de prendre des dispositions qui seront certainement peu populaires, parce qu'il faudra couper un peu dans le gras, une année où il faut se faire réélire. Alors je me réjouis de voir, dans cette assemblée, ceux qui auront le courage de défendre les intérêts de la République avant les leurs. (Quelques applaudissements.)

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, avec ces comptes consolidés, nous avons ici le grand Etat. C'est avec plaisir, le 17 juin dernier, que nous avons pu voir que la population avait une volonté de proximité et de lien entre le citoyen et son hôpital, les SIG, l'Aéroport, l'Université et les Transports publics, mais aussi d'autres fondations de Genève peut-être moins mises en avant au quotidien, les Fondations immobilières et autres. En introduction, les socialistes aimeraient adresser ses remerciements à ces milliers de fonctionnaires, de personnes qui travaillent, font tourner ces régies publiques et nous donnent d'une certaine façon le confort de Genève. Je crois que c'est à l'occasion des comptes que l'on peut d'une part regarder en termes financiers le bilan, mais aussi en termes humains et de prestations rendues à la population, que ce soit au niveau de l'hôpital ou des SIG. Bien sûr, il y a toujours des choses à améliorer et à faire évoluer. Cependant, l'implication dont font preuve toutes ces personnes dans leur travail au sein de ces régies est important pour le niveau de vie. Si j'ai bien compté, environ 14 000 personnes, même plus, travaillent dans ce grand Etat, mais aussi en faveur, d'une certaine façon, du confort et de la sécurité que peut nous apporter le fait d'avoir des soins, des transports et toutes les prestations que nous fournit aussi l'Hospice général à travers l'aide sociale. En résumé, tout irait bien.

Sauf que, avec ces comptes consolidés, quand on a un temps limité pour étudier tous ces comptes de toutes ces régies publiques - que ce soit les SIG, les TPG, l'hôpital - on le fait au pas de charge, tant aux finances que dans les commissions spécialisées; on a encore été saisis de l'affaire, la dernière fois au Grand Conseil, en urgence. C'est vrai qu'il y a très peu de débats de fond sur la qualité et l'orientation, peut-être, que le Grand Conseil pourrait prendre dans ces prestations, même si nous étudions les contrats de prestations. Mais, au niveau des comptes, nous avons un vrai souci, que le groupe socialiste aimerait relever; peut-être même proposerons-nous à terme que ces comptes consolidés soient repoussés un peu plus tard dans l'année afin de permettre une analyse et un travail sur le résultat comptable de ces fondations publiques. Donc, pour l'instant, aujourd'hui, nous les accepterons. Simplement, nous reviendrons pour faire évoluer cette pratique.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je suis plutôt inquiet à la vue de ces comptes consolidés. Nous avons eu l'habitude, dans cette enceinte, de considérer que, si une entreprise publique rapporterait de l'argent, il n'y avait pas de souci à se faire. Malheureusement, elle est souvent à côté d'entreprises qui ne rapportent pas d'argent mais qui nous coûtent, qui ont besoin de subventions. Or, s'agissant de l'équilibre entre les unes et les autres, je pense que, certaines fois, nous n'avons pas été assez attentifs à l'optimisation du profit, comme diraient les économistes. Je pense que les Ports Francs ne sont pas toujours l'endroit où la gestion a été la plus précautionneuse; je ne suis pas certain que l'Aéroport soit toujours avec le niveau de rendement qu'il devrait avoir; je ne suis pas certain non plus que les Services industriels coûtent exactement ce qu'ils devraient coûter.

Je pense que nous avons un gros problème. Le peuple a tranché il y a très peu de temps sur les conseils d'administration. Mais nous avons là... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...un problème de responsabilité de ces conseils d'administration. Lorsque des engagements sont pris dans des entreprises annexes, que l'on rachète - où l'on prend des parts de participation et des risques - je souhaiterais que les administrateurs de ces entreprises soient responsables des choix qu'ils opèrent. Lorsque des prises de participation finissent par faire que, aux SIG, on a pris des participations chez Alpiq - qui est un trader, quelqu'un qui achète de l'électricité à terme et qui fait différentes choses - que l'on se rend compte qu'il y a une part de risque phénoménale, que l'on voit arriver à la commission des finances l'appréciation de la part de risque, mais que l'on n'est pas d'accord avec le conseil d'administration des SIG, j'ai envie qu'ils portent la responsabilité qui est la leur. Je serai extrêmement attentif, et mon groupe avec moi, si nous devions perdre à ces endroits-là de l'argent - et de l'argent d'un certain volume - à ce que l'on poursuive les administrateurs des SIG. En outre, certaines entreprises dépensent pas mal d'argent mais pour délivrer une prestation; je pense aux TPG. Or nous avons tous vu en début d'année que la prestation, après le changement, n'était pas à la hauteur de ce que la population espérait, ni à la hauteur de l'argent que nous avons mis à l'intérieur de cette entreprise. Mais nous n'avons pas vu le conseil d'administration.

Donc, aujourd'hui, les comptes consolidés nous font voir quelle est la taille du grand Etat, mais ils nous font aussi voir quelle est la responsabilité de ces administrateurs. Cette responsabilité des administrateurs est écrasante, surtout en regard de la légèreté avec laquelle on a l'impression que certaines entreprises sont gérées. Alors oui, ces comptes consolidés sont une bonne chose pour nous donner une meilleure vision, mais ils sont de nature à nous inquiéter. Autant tout à l'heure j'ai pu dire toute la satisfaction que j'avais sur la qualité de l'information qui était remontée, autant là je ne partage pas tout à fait les mêmes choses. Au niveau de l'Etat et de ce qui a été fait, l'information est bonne. Mais, comme l'information est bonne, elle est inquiétante. (Quelques applaudissements.)

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, ces comptes consolidés sont extrêmement intéressants, parce qu'ils permettent cette visibilité entre les grandes structures de l'Etat et les institutions autonomes notamment. C'est là que nous pouvons aussi encore mieux comprendre, voir et estimer les prestations à la population, qui sont exemplaires et excellentes. Pour beaucoup de gens qui nous regardent ou qui comprennent comment fonctionne Genève, on est un peu une Rolls-Royce. Alors a-t-on les moyens de nos ambitions ? Nous devons continuer à rester ambitieux, parce que Genève doit continuer à se développer; Genève doit continuer à être extrêmement rigoureuse, certes, mais également visionnaire. Les meilleures prestations à la population n'ont peut-être pas de prix, mais elles ont un coût.

Nous devons maintenant - ces comptes consolidés permettent d'affiner encore notre regard - trouver l'équilibre pour maintenir ce qu'il y a de meilleur s'agissant des Hôpitaux, de l'Aéroport, de grandes infrastructures et de grandes institutions. Nous devons trouver l'équilibre entre les besoins et les moyens; nous devons trouver l'équilibre entre les tâches de l'Etat et ce qui peut ne pas forcément être de grandes tâches régaliennes.

Oui, nous acceptons ces comptes consolidés, bien évidemment, mais, surtout, nous vous donnons rendez-vous en automne pour l'heure de vérité, lorsque le budget 2013 nous sera présenté.

M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, alors voilà, on a reçu de magnifiques comptes qui nous précisent que l'on a 14 milliards de dette, avec un budget de 8 milliards. Je dois dire que si un privé a deux fois plus de dette, sans raison, que son revenu, son avenir est plutôt sombre. Je pense que, pour l'Etat, c'est la même chose. C'est d'autant plus grave à cause de ceci. Si l'endettement n'était dû qu'à des investissements à long terme, pour équiper le canton - encore faudrait-il voir sur combien d'années on peut rembourser un investissement consenti aujourd'hui pour l'avenir. Mais ce n'est pas le cas ! Cela fait plus de trois ans que l'on nous présente des budgets avec une augmentation des charges de 2% et une augmentation des revenus de 1%. M. le conseiller d'Etat ne peut pas dire le contraire. Chaque année, je reviens sur cette distorsion qui existe entre l'augmentation des charges, l'augmentation relative en chiffres des charges, par rapport à celle des revenus. Il n'y a pas de miracle.

Aujourd'hui, on va dans le mur. On va dans le mur parce que l'on n'a pas pris les dispositions qu'il fallait, c'est-à-dire réellement diminuer les charges de fonctionnement - et il s'agit de ne pas arriver à des aberrations comme on entend en arrêtant tout d'un coup d'investir. Ainsi, on arrête d'investir non pas dans le fonctionnement, mais d'abord dans l'avenir, donc toute l'infrastructure, parce que c'est beaucoup plus facile. Personne ne voit que l'on arrête de construire une route; il y a déjà des trous, ils sont toujours là. Par contre, le trou, dans le fonctionnement, il existe, et il n'y a pas d'effort qui est fait. Il n'y a aucun effort qui est fait, parce que, chaque année, c'est la même chose. Chaque année, on nous dit: «Oui, mais ce n'est pas beaucoup.» Et puis on a la grande astuce: la réévaluation. Avez-vous déjà vu des liquidités entrer dans la poche de quelqu'un quand il dit que sa maison a doublé de valeur, sans la vendre ? Pas du tout ! Donc le résultat des courses est que l'on n'a pas de déficit, puisque l'on a des réévaluations, mais on a une augmentation de la dette ! Il faut bien trouver des liquidités, CQFD ! Par conséquent, on est dans une gestion qui n'est pas acceptable.

On peut accepter les comptes, parce que, de toute façon, qu'on les accepte ou pas, ils sont là. On a passé beaucoup de temps à faire de grandes déclarations dans cet hémicycle; elles sont magnifiques mais n'ont rien à voir avec les comptes. On a parlé de politique, de développement, de social et de je ne sais quoi. Mais soyons clairs et nets, les comptes sont bien tenus. Alors bravo aux fonctionnaires qui tiennent les comptes, parce que je dois dire que, par rapport à certains cantons, Genève peut se targuer d'avoir mis au point une comptabilité efficace. Je crois que le département des finances y est pour beaucoup. Il y a de la rigueur et on sait où on en est. Donc maintenant, quand on reçoit des bilans consolidés, cela nous donne une meilleure vision de l'ensemble des grandes structures étatiques, de celles qui rapportent plus ou moins.

Simplement, je crois que l'on ne doit pas s'endetter pour du fonctionnement. Si l'on doit s'endetter, c'est uniquement pour les investissements qui assurent l'avenir de Genève ! Il faut que l'on fasse cette réflexion. J'espère que, cette année, pour une fois, quand on nous présentera le budget, il y aura une réflexion générale. Les seuls qui ont réagi contre le budget, c'est le MCG. Pourquoi ? Parce que, dans les partis gouvernementaux, on ne peut pas refuser un budget. Alors on en discute beaucoup; il y a des exemples magnifiques, surtout parmi nos amis PLR, qui, pendant des heures, discutent de la quadrature du cercle et qui, à la fin, votent le budget. (Remarque.)

Le président. Monsieur Jeannerat, s'il vous plaît !

M. Claude Jeanneret. Monsieur Jeannerat, vous êtes toujours aussi grossier d'interrompre les gens, merci ! (Remarque.) C'est à votre habitude, on a l'habitude ! Alors maintenant, c'est moi qui parle, et vous vous taisez ! (Remarque.) C'est clair, net et précis ! On a toujours des grossièretés dans ce parlement, Monsieur le président, qui sont inadmissibles. Bien, je vais arrêter là en disant simplement que l'on ne peut pas être content de ces comptes; 14 milliards de dette, ce n'est pas satisfaisant pour Genève. On va les accepter - on ne peut pas faire autrement - mais il faudra vraiment que, au niveau du budget, on fasse un effort. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Leyvraz, pour trente secondes.

M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président, j'interviens très brièvement. Je m'élève contre la déclaration de Mme Schneider Hausser, qui dit que l'on fait tout au pas de course et que l'on n'a pas le temps de vraiment étudier ces comptes. C'est totalement faux ! La commission des finances a pu disséquer tous les comptes et poser toutes les questions possibles et imaginables. Alors je lui conseille vivement de s'adresser à ses commissaires à la commission des finances. Cette remarque est également valable pour mon groupe.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Jean-François Girardet, votre groupe a épuisé son temps de parole. La parole est à M. le député Renaud Gautier.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, cette année, nous vivons une première. Jusqu'à cette année, nous étions informés des comptes consolidés. Cette année, nous avons à les voter. Cela pose, me semble-t-il, quelques questions de fond que je souhaite partager avec vous et que j'avais déjà évoquées - certaines d'entre elles - lorsque l'on a parlé, par exemple, de la problématique des comptes des SIG.

Première remarque, j'appelle de mes voeux une modification législative. Je trouve extrêmement peu correct que le Conseil d'Etat adopte les comptes des TPG, puis nous transmette une version dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle est une version allégée, puisque nous n'avons pas reçu les comptes des TPG en tant que tels, et vient ensuite nous demander in fine d'adopter les comptes consolidés dans lesquels figurent ces comptes des TPG. Alors de deux choses l'une. Ou c'est le Conseil d'Etat qui adopte les comptes consolidés; ou, si c'est ce parlement, alors il adopte aussi les comptes des grandes régies.

La deuxième réflexion que j'aimerais partager avec vous a trait à la notion de l'appréciation du risque. J'ai déjà eu l'occasion de le dire lors du traitement des comptes des SIG, je ne conteste pas ici l'appréciation comptable qui est faite, par exemple, des SIG. Ce que je conteste, c'est l'appréciation du risque. J'entends bien qu'il y a une appréciation financière, telle qu'elle est dictée par des normes, de la notion du risque, mais il y aussi une appréciation politique du risque. Ici, nous sommes un plénum politique, et nous devons tenir compte de cette problématique-là. Dans le cadre des SIG, vous savez que j'ai bataillé avec lesdits SIG sur la problématique du risque Alpiq, dont, à titre personnel, je trouve qu'il n'est pas assez couvert, dans la mesure où le 1,6 milliard de dépréciation que comptabilise Alpiq et qui se répercute entre autres sur les comptes des SIG m'a l'air d'être une appréciation momentanée - c'est le propre des comptes, c'est une image à un moment donné - et non pas une appréciation future.

En ce sens, je rejoindrai l'une des très nombreuses questions posées par M. Riedweg hier. Les SIG, dans le fond, sont non seulement des producteurs d'électricité, mais aussi des marchands. Ils achètent et vendent de l'électricité pour participer à la fourniture d'électricité générale à Genève. Pour ce faire, ils utilisent des produits dérivés. Ils se garantissent contre la hausse des taux, contre le risque des monnaies et contre le risque de variation du cours du l'électricité. C'est très bien. Cependant, c'est une compétence métier très particulière, qui comporte des risques importants, puisque, l'année dernière, nous avions un gain sur ce poste-là et que, cette année, nous avons une perte. C'est pourquoi je ne suis pas totalement convaincu que ce soit une compétence métier des SIG. Alors se pose la question: pourquoi ne pas faire cela ? Mais, à ce moment-là, ce doit être fait par une entreprise spécialisée dans le risque.

Enfin, on a parlé de deux éléments qui sont effectivement inquiétants. Le premier consiste en la dégradation de la trésorerie générale des comptes consolidés. M. le conseiller d'Etat a parlé du chiffre de 90 millions hier avec raison. C'est un signal d'alarme auquel nous devons être attentifs. Il ne saurait se dégrader encore plus. Enfin, chacun a pu gloser sur la dette, qui se monte effectivement à 14,1 milliards, mais dont il faut quand même rappeler qu'à peu près 80% reviennent au canton. Le reste correspond effectivement à la dette du Groupe. Donc de deux choses l'une. Ou bien ce parlement adopte des comptes consolidés, mais, pour ce faire, il adopte l'entier des comptes; ou bien ce parlement est capable d'émettre un avis concernant la vision politique qu'il a de ces comptes-là, entre autres en ce qui concerne la gestion des risques, qui, à mon avis, n'est pas forcément bien perçue; ou alors c'est le travail du Conseil d'Etat, et c'est le Conseil d'Etat qui adopte les comptes et les comptes consolidés.

C'est vrai que j'ai caressé l'idée de refuser ces comptes consolidés. Ce n'est pas une bonne idée. Je dis tout de suite à celles et ceux qui partageraient cette idée, parce que celles et ceux qui nous prêtent de l'argent et celles et ceux qui nous donnent une note ne regardent pas les comptes de l'Etat mais les comptes consolidés. Il est vrai que, si nous refusions les comptes consolidés, nous donnerions un message, dans le cadre des emprunts que nous sommes amenés à faire très régulièrement, qui ne serait pas bon. Donc nous n'avons pas tellement d'autre choix que d'adopter ces comptes consolidés. Pour ma part...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Renaud Gautier. Oui, Monsieur le président. Pour ma part, je le ferai de mauvaise grâce, tout en rendant compte des risques que cela apporte si nous ne devions pas les adopter, en espérant que le Conseil d'Etat saura adapter la législation à cette nouvelle problématique sur les comptes consolidés.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne maintenant la parole à M. le député Jacques Jeannerat. Vous parlez sur le temps du groupe radical et, vu votre emportement, je vous appelle à l'apaisement pour ne pas mettre le feu à ce parlement en ces heures matinales.

M. Jacques Jeannerat (R). Merci, Monsieur le président. Je vais tâcher de ne pas mettre le feu à ce parlement à des heures matinales. Mais je dois quand même répondre au représentant du MCG, qui accuse le PLR de toujours chercher la quadrature du cercle, notamment dans le cadre des débats budgétaires. J'aimerais juste rappeler que nous ne cherchons pas la quadrature du cercle, mais nous agissons de façon que la République soit bien gérée. Nous assumons notre rôle de parti gouvernemental. Nous déposons des amendements et les discutons avec nos partenaires des autres partis gouvernementaux que sont les PDC et les Verts, par exemple, ce que le MCG ne fait pas. D'ailleurs, c'est plutôt le MCG qui cherche la quadrature du cercle, puisque, depuis que ce parti préside la commission des finances, on y siège deux fois plus longtemps. Donc plutôt que de pleurnicher sur la classe politique et de la traiter de tous les maux, ce parti ferait mieux de grandir... (Protestations et commentaires.) ...et de participer activement et véritablement au débat démocratique pour notre République.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne maintenant la parole pour une minute à M. le député Claude Jeanneret, qui a été mis en cause.

M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas épiloguer longtemps sur les élucubrations de mon préopinant. On dit que la commission des finances a siégé beaucoup, mais il est vrai qu'on a dû voter une grosse loi, et la réunion des caisses de pension était effectivement un énorme travail qui nous a imposé de siéger plus longtemps que prévu. C'est quand même un travail qui était nécessaire, parce que Genève encourt un risque de plusieurs milliards pour des caisses de pension, dont la mise à jour actuelle pourrait être catastrophique. Je pense donc que, si la commission des finances a travaillé un peu plus, c'était pour arriver à faire ce projet de loi en fin de saison. Si M. Jeannerat n'a pas réalisé la chose, il faut croire qu'il roupille pendant les commissions !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne maintenant la parole à M. Jacques Jeannerat en tant que rapporteur.

M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur. Merci, Monsieur le président. En tant que rapporteur, je suis un peu surpris par les propos du représentant du MCG. En effet, j'aimerais reprendre les propos de M. Bavarel, qui a expliqué avec beaucoup de sagesse que les travaux à la commission des finances pour ces comptes s'étaient faits dans une grande sérénité. (Remarque.) Donc je suis un peu surpris comme rapporteur, maintenant, qu'il y ait une agressivité aussi importante amenée par le «Mouvement des concierges genevois» ! (Commentaires.)

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je voulais intervenir sur deux points. Le premier point concerne les SIG. Vos inquiétudes sont fondées. Mais, à l'heure actuelle, c'est un risque, et ce n'est pas encore un risque réalisé. Ce risque, il faut quand même le dire, se limite au maximum à la perte de toute valeur des capitaux d'EOS. Le montage, que vous connaissez, consiste en une participation des SIG au sein d'EOS, qui est actionnaire d'Alpiq. Evidemment, si Alpiq rencontrait de très grosses difficultés, la substance d'EOS serait très amoindrie et, par conséquent, les participations détenues par les SIG perdraient de leur valeur. Cela ne fait toujours pas couler les SIG. Mais c'est avec satisfaction que je vois que votre parlement veut suivre cette affaire de près et entend mettre une certaine pression. Les conseils d'administration vont être prochainement renouvelés par vos soins, vos partis, et par nos soins, le Conseil d'Etat. Et je ne doute pas que le nouveau responsable en charge de cette régie suivra ce dossier de façon très attentive, de sorte à veiller que le risque reste admissible.

Deuxième point que vous avez soulevé - il est important - les comptes consolidés donnent à votre parlement un rôle de haute surveillance important mais astreignant. Je comprends bien la difficulté de prendre connaissance d'une information qui est assez vaste; je la comprends d'autant mieux que je fais l'exercice un peu en amont de ce parlement. C'est vrai que c'est assez musclé. Je ne crois pas que la solution d'un report dans le temps soit forcément la meilleure, parce que l'année financière - de finances publiques, s'entend - est divisée en deux mi-temps: l'une pour les comptes et l'autre pour le budget. A l'automne, vous devez vous consacrer au budget. Vous allez prendre décision en partie sur ce qui vous est proposé mais aussi sur la représentation que vous vous êtes faite de la situation financière ou de l'état de délivrance des prestations - c'est aussi un élément d'appréciation. Donc je crains qu'il faille plutôt essayer de s'organiser un peu en amont.

Est-ce le parlement, est-ce le Conseil d'Etat qui doit approuver les comptes des entités ? C'est une vaste question. Mais, en réalité, c'est votre parlement qui en décide, parce que c'est du niveau législatif. Si vous souhaitez lancer ce débat, je crois que le mieux est de déposer un projet de loi en ce sens.

Maintenant, on peut quand même imaginer à l'avenir un certain nombre de développements. Je dis «à l'avenir», parce que nous avons une étape techniquement un peu lourde à franchir: la mise en conformité avec le nouveau plan comptable des collectivités publiques suisses, le MCH2, qui va tout de même occuper les services pour que nous puissions présenter le budget 2014 selon ces nouvelles exigences. Cela ne remet pas du tout en cause les normes IPSAS, mais ce sont des plans comptables un peu différents de ceux auxquels vous êtes habitués. Mais derrière cette étape, la question des indicateurs liés aux comptes consolidés se pose. Lorsqu'il s'agit de politiques extrêmement importantes, comme l'énergie, et que pratiquement l'entier de l'action - ou les 80% de l'action - est hors de l'Etat et dans les SIG, il faudrait en effet que vous soyez renseignés non seulement sur le volet financier, mais de façon synthétique sur l'atteinte des indicateurs clés dans ce domaine. C'est vrai des TPG, des Hôpitaux et de toutes les autres régies qui ont une importance déterminante. Ces indicateurs existent. Le problème est de vous les donner sous une forme qui soit suffisamment synthétique pour que, avec cinq à dix indicateurs clés par politique publique, vous puissiez vous faire une idée. Si cette idée vous laisse songeurs, alors vous pouvez retourner à la très longue liste des indicateurs hospitaliers ou des indicateurs en matière d'énergie. Je crois que c'est un défi qu'il faudra relever pendant la prochaine législature.

Mesdames et Messieurs, vous avez, certains d'entre vous - beaucoup d'entre vous, en réalité - eu des propos fort aimables pour les personnes qui s'occupent de la partie technique, de la mise en forme et du respect des normes, c'est-à-dire pour un certain nombre de fonctionnaires, qui ont dû développer de nouveaux outils. Je voudrais profiter de cette occasion pour les remercier ici, en donnant leur nom, et vous allez aussi comprendre pourquoi je voulais insister.

D'abord, évidemment, M. Pierre Béguet, directeur général des finances de l'Etat... (Applaudissements.) ...est l'architecte de ces différentes actions. Il est l'architecte et il est aussi celui qui a su choisir des personnes de qualité. Je vais vous en parler, mais j'aimerais remercier M. Pierre Béguet pour une deuxième raison. M. Pierre Béguet, dont vous imaginez qu'il a quand même pas mal de travail, lorsque les choses ont commencé à tourner difficilement autour du dossier des caisses de pension alors que le représentant direct du Conseil d'Etat a une promotion, à la Ville de Genève, Pierre Béguet a accepté d'aller siéger dans le comité de la CIA au moment où il était évident que la CIA allait passer au-dessous de son taux de couverture statuaire. Il l'a fait avec courage, et je veux aussi l'en remercier.

Maintenant, concernant les personnes dont vous avez souligné la qualité du travail, je profite de vous dire qu'une partie non négligeable d'entre elles sont en réalité des femmes. (Commentaires.) Ce qu'il y a de bien, aussi, c'est que ce sont soit elles-mêmes des migrantes, soit des filles de migrants. La directrice de la trésorerie est bulgare; elle est suisse aujourd'hui, mais elle est aussi bulgare. Or elle gère, je crois, à la perfection la dette. Evidemment, plus on a une grosse dette, mieux on la gère; autrement, on a beaucoup d'ennuis. Alors je voudrais la remercier. (Applaudissements.) Mme Alicia Calpe - son nom le laisse entendre - est d'origine espagnole. Elle tient de main de fer la centrale commune d'achats. Mme Coralie Apffel Mampaey est française - pas frontalière. Elle vient du nord de la France; elle est «ch'tie». Elle est aujourd'hui la personne qui est en charge de tous les états financiers que vous recevez ici. Enfin je m'en voudrais de ne pas souligner une nouvelle arrivée dans l'état-major - elle complète le travail de M. Pierre-Emmanuel Beun, qui est vraiment notre expert financier - qui vient elle aussi d'une grande société de conseil de la place. C'est une femme dont le nom indique suffisamment ses origines pour que, malheureusement, je ne me rappelle jamais que le prénom. Elle s'appelle Aïcha, qui est un nom merveilleux. Vous avez eu le privilège de travailler avec elles. Laissez-moi donc vous dire que, en ayant mis les finances dans les mains des femmes, nous les avons vraisemblablement mises dans de bonnes mains et que, ce qui fait la richesse de Genève... (Applaudissements.) ...c'est que, riche ou pauvre, on vienne ici.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous nous prononçons sur l'entrée en matière du PL 10956.

Mis aux voix, le projet de loi 10956 est adopté en premier débat par 72 oui (unanimité des votants).

La loi 10956 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10956 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui et 12 abstentions. (Applaudissements pendant la procédure de vote.)

Loi 10956

Le président. Avant de passer aux urgences, je tiens à remercier les députés qui se sont adaptés à la nouvelle procédure concernant les comptes. Elle méritera de la part du Bureau une séance d'analyse pour voir ce que l'on peut encore éventuellement améliorer ou ce qu'il faudrait y changer. Je pense que cette façon de faire a permis à tout le monde de s'exprimer en deuxième débat sur le rapport de gestion et que nous avons fait certainement plus de politique et moins de comptabilité; c'est ce qui était important. Merci à tous les membres de la commission des finances, merci au staff du département des finances pour tout le travail accompli, et merci pour le suivi et la mise en place de cette procédure à Mme Hutter et à tous ses collaborateurs du Secrétariat général de notre Grand Conseil. (Applaudissements.) Nous passons maintenant au traitement des urgences, à commencer par le point 101.

PL 10957-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ) (E 2 05) (Protection de l'adulte et de l'enfant)
Rapport de majorité de Mme Nathalie Fontanet (L)
Rapport de minorité de Mme Irène Buche (S)

Premier débat

Le président. Nous sommes en catégorie II: quarante minutes, à savoir quatre minutes par groupe et quatre minutes par rapporteur. Je prie donc Mmes les rapporteures de bien vouloir calibrer leur intervention si elles souhaitent intervenir de nouveau à la fin. Je donne la parole à Mme Nathalie Fontanet. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Mme Nathalie Fontanet (L), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi concerne la mise en oeuvre du nouveau droit de la protection de l'adulte et de l'enfant au niveau de l'organisation judiciaire. Actuellement, c'est un juge unique qui prononce les mesures. Dès 2013, l'autorité de protection de l'adulte et de l'enfant sera multidisciplinaire. Ainsi, outre le magistrat de carrière, elle sera composée de différentes catégories de juges assesseurs, tels que des psychiatres, des psychologues, des travailleurs sociaux - ou autres spécialistes du domaine social - et des représentants des associations de défense des droits des patients. Le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant devra adopter une nouvelle façon de travailler. (Brouhaha.) Son travail sera plus approfondi et les audiences seront plus longues. Le Tribunal aura aussi de nouvelles compétences en matière de placement à des fins d'assistance.

La commission a accepté à l'unanimité de travailler sur la base de l'amendement général du pouvoir judiciaire. A cet égard, afin de pallier le problème de recrutement et de disponibilité des juges assesseurs, l'amendement général permet de leur garantir une activité et une rémunération minimale. Cette solution a été préférée à celle proposée par le projet de loi, qui visait la professionnalisation des assesseurs.

La commission s'est divisée uniquement sur trois points: l'ouverture de la liste des juges assesseurs à des médecins FMH et à des représentants des associations de défense des droits des autres personnes concernées, ainsi que la modification de la composition du Tribunal lorsqu'il traite de causes portant sur la limitation de la liberté de mouvement et sur le placement à des fins d'assistance qui n'ont pas été ordonnés par un médecin. Je vous exposerai ultérieurement, lors de la présentation des amendements, les arguments de la majorité de la commission sur ces trois points. A ce stade, je vous recommande d'accepter l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont accueilli avec une grande satisfaction le nouveau droit fédéral en matière de protection de l'adulte et de l'enfant. Il faut donc bien comprendre que ce rapport de minorité que je vous présente aujourd'hui n'est pas une opposition à ce droit de fond, qui va de toute manière entrer en vigueur, mais plutôt un souci d'améliorer le projet tel qu'il est ressorti de la commission et surtout de prévoir une ouverture à des profils d'assesseurs qui ne sont pas prévus par le projet tel qu'il vous est soumis. Donc ne vous y trompez pas, nous entrerons en matière sur la loi. Nous souhaitons simplement y faire des ajouts qui nous paraissent très utiles pour assurer une meilleure protection des personnes qui en ont besoin, et surtout pour assurer leur autonomie, parce que c'est aussi l'un des buts de la loi.

Je vais évoquer très brièvement les amendements tels qu'ils sont proposés; on y reviendra ensuite. L'idée est de prévoir que des juges assesseurs, sur le volet médical, ne soient pas que des psychiatres, parce que nous estimons que d'autres médecins - des généralistes, des neurologues ou d'autres spécialistes - pourraient très bien prendre des décisions dans le cadre du Tribunal de protection, parce qu'ils connaissent bien ces situations-là. En particulier, il y a des médecins qui connaissent très bien les problèmes du handicap mental et qui pourraient siéger dans ce Tribunal.

Ensuite, il y a la question du volet social, avec le juge assesseur qui sera travailleur social ou psychologue. Là aussi - c'est à la demande des associations concernées, donc des associations de défense des droits des personnes en situation de handicap - nous avons souhaité vous proposer un amendement pour que des représentants de ces associations puissent siéger, mais bien évidemment en tant que professionnels, avec des compétences. Par conséquent, j'aimerais bien que vous compreniez ces amendements comme un souci d'améliorer la loi, d'élargir la palette, et il ne s'agit pas de s'opposer à ce qui est proposé. Je reviendrai ensuite sur les différents amendements.

Présidence de M. Gabriel Barrillier, premier vice-président

M. Roger Golay (MCG). Tout d'abord, Mesdames et Messieurs les députés, en ma qualité de président de la commission judiciaire et de la police, je tiens à saluer les débats, la manière dont ils se sont déroulés dans cette commission. Ils ont été menés de manière très sereine, dans un délai très court, puisque nous étions tenus par le 1er janvier 2013; en effet, c'est une adaptation d'une loi cantonale à une loi fédérale, de sorte que l'on doit voter ce projet de loi aujourd'hui dans l'urgence afin que le pouvoir judiciaire puisse s'organiser, ainsi que le Secrétariat général du Grand Conseil, pour les postes à repourvoir au niveau de la magistrature. Donc cela a été traité très rapidement, très sérieusement, et je tiens à saluer les deux rapporteures, de majorité et de minorité, pour leur excellent travail.

Néanmoins, le groupe MCG ne votera pas les amendements du parti socialiste. Nous en resterons au rapport de majorité sans accepter, comme je l'ai dit, les amendements qui suivront.

Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi fait partie de toute la réforme voulue par le législateur fédéral dont la grande majorité est déjà entrée en vigueur le 1er janvier 2011. Ce projet de loi prévoit de remplacer l'actuel Tribunal tutélaire, composé d'un juge unique, par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, au 1er janvier 2013. C'est une modernisation du droit tutélaire, avec une approche différente, puisque la réforme fédérale prévoit un tribunal qui statuera de manière collégiale, avec un juge titulaire et deux assesseurs.

Faut-il le rappeler, c'est une priorité de la révision du code civil, qui donne compétence aux cantons, ce qui est rare, parce que toutes les procédures fédérales qui sont entrées en vigueur donnaient très peu de compétences aux cantons. Dans celle-ci, on donne compétence aux cantons pour mettre en place des autorités de protection qui doivent être, je le souligne, interdisciplinaires et collégiales.

Le parti socialiste, ma collègue l'a dit, salue donc cette réforme. Cependant, il a mis un bémol concernant les articles 103 et 104, d'où le rapport de minorité de ma collègue Irène Buche, concernant la composition. D'abord, j'aimerais ici rappeler le message du Conseil fédéral s'agissant des compétences qui doivent être réunies au sein de l'autorité pluridisciplinaire. Pour le Conseil fédéral - je me réfère à la page 9 du PL 10957 - l'interdisciplinarité doit intégrer au sein même du collège décisionnel les compétences de médecins, singulièrement de psychiatres, de travailleurs sociaux ou d'autres professionnels dont l'approche spécialisée apporte une évaluation circonstanciée des situations qui se présentent. Dans son message, à la page 6706, le Conseil fédéral ajoute qu'il y aura lieu de s'assurer le concours de personnes disposant «de compétences psychologiques, sociales, pédagogiques, actuarielles ou médicales.» Autrement dit, il s'agit d'une palette de compétences diversifiées.

La majorité de la commission ne l'a pas voulu ainsi; elle a suivi les recommandations du Palais de justice. Nous ne partageons pas ces arguments, parce que, tout au long de nos auditions, toutes les associations - Pro Mente Sana et les autres - nous ont dit qu'il était pertinent que cette interdisciplinarité trouve sa place dans cette réforme. Nous ne sommes pas contre les psychiatres, bien au contraire. Nous estimons cependant que le psychiatre aura de la difficulté à faire une expertise pour des gens qui n'ont pas de problème psychiatrique. Alors en commission, on nous a dit que nous voulions mettre beaucoup plus de juges assesseurs. Là n'est pas notre motivation du tout. Nous restons toujours avec des gens qui vont fonctionner avec un juge et des assesseurs. Seulement, nous voulons cette diversification au sein de cette autorité pour que, véritablement, ce Tribunal puisse travailler rapidement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Si on ne met que des psychiatres, alors que nous proposons des médecins FMH, des généralistes, le risque est très grand que, lorsque l'on demandera une expertise...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Loly Bolay. Oui, Monsieur le président; je reviendrai tout à l'heure lors du traitement des amendements. ...on court le risque de devoir demander à d'autres médecins, qui ont d'autres spécialisations et donnent une expertises sur des cas bien précis. Alors Monsieur le président, je reviendrai tout à l'heure avec d'autres arguments sur les amendements concernant les articles 103 et 104.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Nathalie Schneuwly (R). Mesdames et Messieurs les députés, le nouveau droit des tutelles entre en vigueur en 2013, on l'a dit. Une fois encore, notre parlement a dû se dépêcher pour adapter cette LOJ, la loi sur l'organisation judiciaire. Le grand changement, c'est l'institution du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, comme l'a bien expliqué la rapporteuse de majorité. Au lieu d'un juge, nous aurons un collège de trois personnes: un juge de formation juridique, comme c'est le cas actuellement, plus un psychiatre et un psychologue ou un travailleur social ou encore un membre des organisations de la défense des droits des patients.

Cette réforme est une avancée sociale, dès lors que les mesures seront beaucoup plus adaptées à la personne. Par contre, cette autorité de la protection de l'adulte et de l'enfant aura un coût, car elle fournira un travail plus approfondi, des audiences plus longues et une activité plus importante, comme l'a très bien dit la rapporteuse. Globalement, tous les commissaires étaient satisfaits des propositions faites par le pouvoir judiciaire. Malheureusement, effectivement, la minorité en veut toujours plus. Elle voulait que l'on puisse choisir à la carte les juges en fonction des problématiques. Lors des auditions, on a même entendu qu'il faudrait deux psychiatres, parce qu'ils ne sont jamais du même avis.

La majorité a refusé ces alternatives, d'une part pour des raisons pratiques: si l'on doit changer la composition des juges pour chaque affaire, cela ne sera pas possible et cela va compliquer encore inutilement le travail de la magistrature. D'autre part, la jurisprudence reconnaît en effet que les psychiatres sont des experts, et on espère ainsi, en ayant des experts déjà comme juges assesseurs, éviter des recours par la suite et avoir des affaires traitées plus rapidement. C'est donc le gain en efficience que nous choisissons en prenant cette mesure. Donc le PLR vous encourage vivement à entrer en matière sur ce projet de loi et à refuser tous les amendements de la minorité.

Présidence de M. Pierre Losio, président

M. Miguel Limpo (Ve). J'interviens très brièvement. Nous soutiendrons bien évidemment ce projet de loi pour les raisons évoquées par Mme Fontanet et son excellent rapport de majorité. Mais nous soutiendrons également l'amendement socialiste, comme nous l'avons fait en commission, concernant la représentation des médecins à l'intérieur de ce collège. Contrairement à ce que dit Mme Schneuwly, ce n'était pas une demande et une volonté immense de la minorité, mais une demande des associations, qui disaient qu'il y avait vraiment une problématique dans certains cas de handicap, que les psychiatres ne pouvaient pas toujours y répondre et que, finalement, qu'on le veuille ou non - c'était l'impression que j'avais en commission - ce n'était pas tant... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...cette idée qui était remise en cause, mais c'était presque la manière de trouver une bonne formulation pour intégrer cette problématique. En fin de compte, la minorité n'a pas renoncé à essayer de trouver une solution pour intégrer les médecins. C'est plutôt la majorité qui, par souci de rapidité de traitement, a renoncé à réfléchir à cette problématique.

Pour notre part, nous soutiendrons donc ce projet de loi, bien évidemment, mais nous souhaitons vraiment que l'amendement socialiste qui concerne l'intégration des médecins FMH dans ce collège soit accepté.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, vous l'avez sans doute remarqué, le groupe UDC s'est abstenu en commission. Il s'est abstenu surtout parce que nous étions encore dubitatifs quant à l'orientation à choisir notamment par rapport au choix des psychiatres ou autres médecins. Nous avons tenu un débat dans notre caucus afin de mieux nous déterminer. Trois éléments, aujourd'hui, nous font non seulement entrer en matière, mais aussi accepter ce projet de loi sans les amendements.

D'abord, il y a les propos tenus par le secrétaire général adjoint du département, quand il nous assuré, suite à certaines questions, que, même si ce projet de loi pouvait ne pas paraître tout à fait complet par rapport au droit précédent, ces dispositions étaient déjà dans le droit fédéral, ce qui fait que nous n'avions... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...aucune inquiétude à avoir; il faut aussi parfois savoir si nous devons venir et critiquer dans une année ou deux, ou se lancer et faire confiance. Le deuxième point qui a emporté notre adhésion - en relisant tous ces débats - c'est l'audition de M. le procureur général Olivier Jornot, qui nous a mieux fait comprendre cela. En dernier lieu, il était également important de relire et de bien comprendre l'audition de M. Frossard, qui est le rapporteur du groupe de travail. Là aussi, il maintient l'ensemble de tout ce qui a été fait pour ce projet de loi et qui a été rapporté par Mme la rapporteure de majorité.

Aussi, le groupe UDC soutiendra ce projet de loi et ne soutiendra pas les amendements proposés.

M. Fabiano Forte (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, j'aimerais remercier Mme le rapporteur de majorité de son excellent travail, tant les travaux étaient ardus, longs et techniques.

On a bien entendu la proposition d'amendement du parti socialiste visant à l'intégration d'experts dans cette nouvelle commission, qui, je le rappelle était auparavant composée d'une seul et même juge - donc un peu le fait du roi, une seule et même personne qui décide de mesures de protection tutélaire, sans autres formes de discussion. Nous nous réjouissons de l'introduction de la pluridisciplinarité dans cette structure.

Le groupe démocrate-chrétien acceptera cet amendement et acceptera ce seul amendement sur ce projet de loi. Pourquoi ? Un expert psychiatre aura valeur devant un tribunal en termes d'expertise - son expertise sera reconnue par un tribunal - dès lors qu'il traitera d'un cas qui relève de la psychiatrie. Pour d'autres cas, un psychiatre ne pourra tout simplement pas émettre quelque expertise que ce soit devant un tribunal. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit introduite cette notion de médecins FMH, de médecins généralistes, qui permettent une meilleure pluridisciplinarité, tant les cas sont divers et variés.

Donc, je le répète, nous accepterons cet amendement - ce sera le seul que nous accepterons sur ce projet de loi - et vous invitons à faire de même. (Quelques applaudissements.)

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je m'associe bien sûr aux chaleureux remerciements adressés au rapporteur de majorité, qui a effectué, dans un temps record, un travail magnifique. J'associe également le rapporteur de minorité, bien sûr, à mes remerciements.

Il est ici question de la rapidité de prise en compte de ces modifications majeures, qui doivent correspondre à notre nouveau droit. Ce qui a vraiment transcendé cette modification était la pluridisciplinarité de cette protection. C'est une décision qui, en cela, a vraiment été très clairement débattue lors des différentes séances de commission.

Parmi les deux possibilités qui sont offertes, d'avoir des décisions soit administratives soit judiciaires, Genève ayant une longue tradition de décisions judiciaires en matière de protection de l'adulte et de l'enfant... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...c'est cette voie-là qui a été choisie et jugée la meilleure. C'est à l'unanimité de la commission que cela a été choisi, et il faut le relever. L'esprit nouveau du droit a été préservé; cette qualité de juridiction a été relevée. Je salue également, par rapport à l'amendement dont il est question ici, la contribution du pouvoir judiciaire, avec les trois éléments qu'il a apportés et qui font l'objet, notamment à travers les articles 103 et 104, des modifications que le rapporteur de minorité aimerait voir opérées.

Ce n'est pas dans un souci de rapidité du traitement que cela a été accepté, mais vraiment dans un souci de cohérence, que je résumerai en trois points. Tout d'abord, il y a l'ajout de ces trois juges à la juridiction actuelle, avec les nouvelles tâches qui s'y rapportent. Ensuite, il y a la détermination de la qualité attendue des assesseurs, donc des psychiatres et des assistants sociaux. Troisièmement, il y a la possibilité pour toutes les juridictions... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...surtout pour le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant - je dis bien pour toutes les juridictions - de pouvoir bénéficier de ces compétences, à travers la commission de gestion du pouvoir judiciaire.

Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez donc bien compris, je vous recommande de voter sans réserve ce projet de loi, faisant enfin naître l'adaptation de cette juridiction au nouveau droit de la protection de l'adulte et de l'enfant. Et, vous l'aurez bien compris, je ne soutiens pas l'amendement.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'entrée en matière du PL 10957.

Mis aux voix, le projet de loi 10957 est adopté en premier débat par 69 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1, lettre d) (nouvelle teneur) à 58, phrase introductive (nouvelle teneur) et lettre a) (nouvelle teneur).

Le président. A l'article 103, nous sommes saisis d'un amendement de Mme Irène Buche. Je donne la parole d'abord à Mme Buche pour son amendement.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. En fait, ce premier amendement consiste à ajouter à l'article 103, alinéa 3, lettre a), après «psychiatres», «et médecins FMH». C'est l'amendement qui ressort de mon rapport de minorité. Voici l'explication, que j'ai déjà avancée tout à l'heure. Il est clair qu'un psychiatre est nécessaire pour les placements à des fins d'assistance. Il est nécessaire pour une partie des situations qui sont soumises aussi au Tribunal de protection, mais pas dans d'autres cas. En particulier dans les situations de handicap mental, il y a des médecins, des généralistes voire des neurologues, qui ont de meilleures connaissances de ces situations, et il faudrait pouvoir les faire siéger notamment dans ces situations. Donc l'idée d'ajouter «médecins FMH» à côté de «psychiatres», dans la même disposition, permet simplement d'élargir le champ - il ne s'agit pas de limiter. On maintient les psychiatres et on permet au Tribunal de faire appel à d'autres médecins quand c'est nécessaire. Donc voilà le premier amendement.

Il y en a un deuxième qui suit, qui est dans la même logique... Veuillez m'excuser, j'ai inversé les amendements. En réalité, le premier amendement proposé était de remplacer «psychiatres» par «médecins FMH», ce qui inclut bien évidemment les psychiatres, et ensuite, si cet amendement est refusé, d'ajouter «et médecins FMH» après «psychiatres». Veuillez m'excusez de cette confusion, Monsieur le président.

Mme Nathalie Fontanet (L), rapporteuse de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi la majorité de la commission s'est-elle opposée à cet amendement ? D'abord parce qu'elle a entendu M. Wuarin rappeler que, dans la jurisprudence actuelle, lorsqu'il y a des cas de maladie mentale, on fait appel à des spécialistes dans le domaine de la psychiatrie. Il est rappelé que même un généraliste avec une certaine expérience dans ce domaine ne pouvait donner une expertise suffisante. Il a surtout souligné qu'un jugement rendu dans une composition sans psychiatre pourrait être cassé et qu'il était important de préserver la légitimité. M. Wuarin a également insisté sur le fait que les audiences étaient organisées en flux constant et qu'il serait forcément extrêmement difficile de décider avant leur tenue dans quelle composition les juges devaient siéger. Devraient-ils être entourés d'un médecin généraliste, d'un neurologue, d'un psychiatre ? Alors même que la question, dans tous les cas, reste la même: la capacité de discernement de la personne sur laquelle on prononcera une mesure.

Ensuite, on a entendu les psychiatres. Vous me direz évidemment que c'est comme ce à quoi on assiste aujourd'hui. Les psychiatres, eux, ont indiqué qu'ils estimaient que cela permettrait de gagner du temps, notamment dans l'expertise; cela évitera d'avoir ensuite à demander une expertise à un psychiatre. Et l'on voit bien qu'il ne s'agit pas pour nous aujourd'hui d'entrer dans un combat de médecins. Je dis cela parce que l'on voit qu'il y a un remous dans la salle; les médecins FMH se sentent un peu gênés; ils estiment qu'ils sont finalement largement aussi compétents que leurs confrères psychiatres, ce que nous ne remettons pas en cause. Il ne s'agit pas de dire qu'il y a un meilleur médecin qu'un autre. Il s'agit de rappeler que l'on est dans des situations où l'on examine la capacité de discernement et que l'on est devant une autorité multidisciplinaire dont nous devrons décider de la composition lors de chaque audience. On doit aussi, malheureusement, penser à des questions d'organisation, lesquelles ne doivent pas prétériter les personnes au sujet desquelles on prononcera une mesure, c'est évident. Il ne s'agit pas de demander à un jardinier de venir se prononcer parce que cela sera plus facile. Il s'agit d'avoir le médecin le plus compétent. Sur la question de la capacité de discernement, nous avons décidé, après avoir entendu les experts, qu'il était manifestement plus utile, au regard de la jurisprudence et de l'organisation, de nous limiter aux médecins psychiatres.

Par ailleurs, j'aimerais également rappeler qu'il y a aussi des questions de coûts à tout cela, parce que plus les catégories de personnes composant cette autorité pluridisciplinaire devront être élargies, plus les coûts seront importants. En effet, comme on l'a déjà expliqué, on doit garantir une rémunération et une activité minimale à toutes les personnes qui composeront cette autorité. Pourquoi ? Parce que l'on peut avoir besoin d'eux à tout moment et qu'aucun médecin n'acceptera simplement de renvoyer ses patients pour venir siéger à cause du fait que, tout d'un coup, le Tribunal estime qu'il a besoin de lui.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs, pour des questions de cohérence, de coûts, d'organisation, de défense des personnes qui vont être l'objet de ces mesures, et pour éviter que ces décisions soient cassées, la majorité de la commission vous prie de bien vouloir en rester au projet de loi et à l'article tel qu'il a été voté par la majorité, à savoir des médecins psychiatres pour les représentants du domaine médical. Je rappelle aussi ceci. Les médecins psychiatres ne sont pas seuls; il y a d'autres personnes qui font partie de cette autorité - des travailleurs sociaux et un juge - et il ne s'agit pas de tout remettre dans les mains d'un seul médecin psychiatre. Voilà, Mesdames et Messieurs, j'espère avoir été claire. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Vous l'avez été. La parole est à Mme Loly Bolay.

Mme Loly Bolay (S). Merci, Monsieur le président. Mme Fontanet a peut-être été claire, mais en tout cas pas du tout convaincante à nos yeux. J'aimerais saluer la position du parti démocrate-chrétien, qui fait preuve d'ouverture.

Je souhaite quand même rappeler ici les termes de l'ancien tuteur général, qui a fait partie du groupe de travail concernant cette réforme: lui et son groupe avaient justement proposé l'interdisciplinarité en se basant d'ailleurs sur la pratique actuelle du tuteur général s'agissant de la présence médicale au sens large du terme.

En outre, toutes les associations qui s'occupent de handicap nous ont dit - vous trouvez cela à la page 54 du rapport PL 10957-A - qu'«un grand nombre de personnes vivant avec une déficience intellectuelle n'ont jamais fait appel à un psychiatre». Ensuite, elles s'interrogent, à juste titre: «Quelle légitimité aura un psychiatre pour des personnes qui n'ont pas du tout de troubles psychiatriques ?» Les psychiatres ne nous posent pas de problème. Ce qui nous pose problème, c'est votre étroitesse d'esprit, qui va à l'encontre même de ce que propose le Conseil fédéral lorsqu'il parle d'interdisciplinarité.

Mme Fontanet nous dit: «Si vous voulez mettre des médecins FMH, cela va augmenter les coûts.» Faux ! Nous ne voulons pas augmenter le nombre d'assesseurs. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il s'agit d'avoir une palette de personnes qui ont des connaissances spécifiques; justement, s'il y a besoin d'autres connaissances que psychiatriques, on aura des médecins dans la liste, des assesseurs, qui pourront rendre cette expertise.

On nous dit aussi: «S'il y a des médecins, ils ne pourront pas venir, parce qu'ils auront des patients à traiter.» Mais c'est la même chose pour les psychiatres ! Allons donc ! Les psychiatres n'ont-ils pas de patients ?! Ils attendent que nous les nommions comme juges assesseurs ?! Soyons un peu crédibles, Mesdames et Messieurs les députés. Je vous demande d'accepter ces amendements, parce qu'ils vont dans le bon sens; c'est la logique et c'est ce que l'on a toujours demandé. (Remarque.) Monsieur Romain, vous n'étiez pas en commission. S'il vous plaît, ne m'interrompez pas. (Remarque.) Oui, mais vous n'étiez pas en commission pour écouter ces arguments. (Remarque. Le président agite la cloche.) Donc il faut cette interdisciplinarité - mot difficile à prononcer pour moi. Et, je vous en supplie, évitez que, dans une année, on se rende compte que ce Tribunal ne pourra pas fonctionner, précisément parce qu'il manque des compétences diversifiées, et qu'il faille revenir ici pour amender la loi; on va perdre du temps. Je vous rappelle - on a beaucoup parlé des comptes - que l'on a besoin de faire des économies...

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Loly Bolay. Je vous en propose une - en votant cet amendement !

M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais mettre un peu plus de calme dans le débat, parce que je pense que c'est un débat purement technique. Il n'y a pas à y mettre du sentiment. Ce n'est pas de la faute des médecins s'il y a besoin pour chaque diagnostic d'un médecin spécialiste; c'est la faute des tribunaux, qui ont exigé que, lorsque l'on doit donner un avis, il faut la spécialité de l'avis. Lorsque l'on fait une expertise - moi, je suis souvent médecin expert pour la rhumatologie - je n'ai pas le droit d'émettre un diagnostic psychiatrique, parce que je ne suis pas psychiatre, même si j'ai un diplôme de médecin et que j'ai fait des stages en psychiatrie. Je n'ai pas le droit de donner un avis psychiatrique. Si je rends une décision d'expertise en disant: «Cette personne ne peut pas travailler parce qu'elle a un problème psychiatrique», mon expertise est jetée à la poubelle.

Alors dans un tribunal, si vous avez un expert qui n'est pas le bon, en cas de recours, la décision du tribunal est mise à la poubelle, et on recommence; on perd du temps et de l'argent. Donc ayez simplement cette petite ouverture de mettre ce mot supplémentaire, «médecins FMH», et tout est réglé.

Une voix. Bravo !

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, bien sûr, quand on entend les arguments présentés par mon préopinant, qui est de plus médecin, ce que je ne suis pas, on pourrait être tenté de le croire. Mais, en définitive, le mieux que l'on veut toujours n'est-il pas l'ennemi du bien ? Il semblerait que toute une pléiade de gens excessivement compétents aient présidé au libellé de ce que l'on a à voter aujourd'hui, raison pour laquelle, sans plus d'explications, le groupe PDC... (Remarque.) Veuillez m'excuser de ce lapsus linguae. Le groupe UDC se ralliera au rapport de majorité.

M. Roger Golay (MCG). Je tiens à rectifier quelque chose. Alors bien sûr, la composition de ce Tribunal est d'un juge professionnel et de deux juges assesseurs. Cela a été dit, pour une expertise, le Tribunal aura tout loisir d'entendre des experts. Bien sûr, il y aura aussi des auditions de témoins, des parents et d'autres personnes. C'est juste un organe de décision judiciaire composé de ces trois personnes; c'est tout. Les expertises auront lieu si c'est nécessaire.

Donc on va créer une véritable usine à gaz à vouloir tant de juges assesseurs, avec tant de spécialités, parce qu'on devra les définir, comme l'a très justement dit Mme Fontanet, rapporteure de majorité. C'est simplement une simplification. Autrement, il faudra des médecins dans toutes les branches. Or ce n'est pas possible par rapport au nombre prévu d'ouvertures de nouvelles fonctions de juges pour ce Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant. On va donc créer une véritable usine à gaz si l'on va dans le sens du PDC, des socialistes ou peut-être même des Verts.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder aux votes. D'abord, nous nous prononçons sur le premier amendement; s'il est refusé, nous passerons à l'amendement subsidiaire. Je rappelle la nouvelle teneur de l'art. 103, alinéa 3, lettre a), selon le premier amendement: «médecins FMH».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 47 non contre 15 oui et 16 abstentions.

Le président. Je vous soumets maintenant l'amendement subsidiaire, modifiant l'article 103, alinéa 3, lettre a), selon la nouvelle teneur suivante: «psychiatres et médecins FMH».

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 38 oui contre 37 non et 3 abstentions. (Exclamations et quelques applaudissements à l'annonce du résultat. Commentaires.)

Le président. Nous sommes toujours à l'article 103, alinéa 3. Nous sommes saisis d'un amendement pour une lettre e), nouvelle: «membres d'organisations de défense des droits des autres personnes concernées.» Je donne la parole à l'auteure de l'amendement, Mme Irène Buche.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Cet amendement concerne le volet social, l'assesseur social, en quelque sorte, du Tribunal. Pour l'instant... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...on prévoit des assistants sociaux, des psychologues ou d'autres personnes qui ont des compétences sociales. Il nous a été dit en commission qu'il serait vraiment souhaitable que, dans un certain nombre de situations, on prévoie des membres d'organisations de défense des droits des personnes concernées, notamment des personnes en situation de handicap, pour donner le pendant à la représentation des membres d'associations de défense des droits des patients. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

En effet, ces associations connaissent bien la situation et sont plus en mesure que des assistants sociaux, qui travailleraient dans des domaines totalement différents, de participer à ces décisions de mise sous curatelle - ou à la prise d'autres dispositions - qui ont des conséquences importantes pour les personnes concernées. Je pense en particulier à des organisations comme la FéGAPH, Pro Infirmis et Pro Senectute, ou à des associations comme insieme et Cerebral. On peut penser encore à d'autres. Ces associations sont parfaitement à même de proposer et de nommer des personnes qui ont des compétences professionnelles.

De nouveau, il s'agit d'une ouverture, l'idée étant de permettre au Tribunal de faire appel à des compétences différentes de celles qui sont déjà prévues. Donc il s'agirait simplement de prévoir une lettre e), qui dirait: «membres d'organisations de défense des droits des autres personnes concernées.»

Le président. Merci, Madame la rapporteure. La parole est à Mme la députée Anne Emery-Torracinta... (Brouhaha.) Avant que vous vous exprimiez, Madame Emery-Torracinta, j'ai cette déclaration à faire. Mesdames et Messieurs les députés, trop de conversations particulières se déroulent dans cette enceinte. Je pense notamment au groupe radical, qui est fortement dissipé. Je vous invite à tenir vos discussions particulières dans les salles attenantes et à respecter chaque député qui s'exprime. (Remarque.) Mais moi, je ne préfère rien, Madame la députée ! La parole est à Mme Anne Emery-Torracinta.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous vous douterez bien que, là, je suis concernée par le sujet et que je pourrais être soumise à l'article 24. Mais j'aimerais quand même apporter mon éclairage par rapport à cette problématique et comparer l'ancien droit avec le droit qui va être mis en vigueur.

Dans l'ancien droit, c'était un peu tout ou rien. Cela veut dire que, au moment où le Tribunal devait statuer, on allait, pour reprendre la terminologie juridique, «interdire une personne», ce qui veut dire la priver de tous ses droits. Cela a amené un certain nombre de parents de personnes par exemple mentalement handicapées à tout simplement refuser de telles mesures de protections, parce qu'ils estimaient que leur enfant, leur jeune adulte, avait des capacités de discernement et aurait dû être protégé dans certains domaines mais pas dans d'autres. Je connais un certain nombre de parents d'enfants - qui ont peut-être quarante ou cinquante ans maintenant - pour lesquels aucune mesure de protection n'a été prise alors que cela aurait été nécessaire.

Avec le nouveau droit, il est justement intéressant que l'on va avoir des mesures à la carte. Mais pour mettre ces mesures à la carte, pour établir ce qui va être nécessaire pour telle ou telle personne, il faut bien connaître les problématiques. Or je suis quand même frappée quand j'entends certains d'entre vous s'exprimer. J'entends très souvent le mot «patient» alors que l'on parle de personnes qui ne sont pas forcément malades mais dont la situation nécessite justement des compétences spécifiques par rapport au domaine du handicap. L'amendement qui vous est proposé ne consiste pas à créer une usine à gaz de plus; il s'agit simplement, dans le panel des juges assesseurs, d'avoir des gens compétents pour des personnes qui ont des problématiques très spécifiques et qui auront besoin de mesures de protection à la carte, lesquelles mesures ne seront ni le tout ni le rien mais des mesures intermédiaires, qui demanderont par conséquent d'avoir une très bonne connaissance du sujet.

Donc cet amendement va dans le même sens que celui qui a été voté précédemment: c'est simplement donner un peu plus de souplesse au droit actuel, un peu plus de marge de manoeuvre au pouvoir judiciaire, qui va devoir le mettre en application, plutôt que se retrouver par la suite coincé avec des mesures de protection inadaptées, tout simplement, parce que les personnes concernées n'auront pas pu être prises en compte.

J'ajoute que, si l'on veut éviter l'écueil actuel, qui est que des parents fassent en sorte que leur enfant ne soit pas protégé, il faut justement que le droit s'applique beaucoup mieux et avec des spécialistes. Donc je vous invite vivement à accepter cet amendement, qui ne coûtera rien de plus mais permettra simplement d'avoir des mesures beaucoup plus souples et beaucoup plus adaptées aux personnes concernées.

Mme Nathalie Fontanet (L), rapporteuse de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, l'article 103, alinéa 3, lettre d), prévoit déjà que des «membres d'organisations se vouant statutairement depuis 5 ans au moins à la défense des droits des patients» fassent partie des assesseurs. Ce que nous demande maintenant le parti socialiste avec son nouvel amendement est que l'on puisse disposer de personnes qui représentent également des associations défendant les droits de toutes les autres personnes. Alors la personne qui sera l'objet d'une mesure et qui est un ami des animaux devrait-elle pouvoir être représentée par une association de défense des animaux ?! On n'est plus logique dans ce que l'on essaie de faire !

J'ai bien compris - on a étudié cela en commission - qu'il y avait toute une série de personnes qui souffrent d'un handicap mental et qui souhaitent également être représentées dans ce sens. Mais jusqu'où pouvons-nous aller dans le cadre d'une organisation qui doit pouvoir fonctionner ? Combien de représentants ? En effet, votre terme est vague. Il s'agit de représentants des associations qui défendent les droits des autres personnes. Ce n'est pas limité. On ne pourra tout simplement pas s'en sortir, et l'on ne peut pas ajouter catégorie sur catégorie à cette liste de juges assesseurs ! Le Tribunal ne pourra plus fonctionner. On a déjà un Tribunal qui est composé d'une autorité pluridisciplinaire.

J'aimerais aussi rappeler, Mesdames et Messieurs, que, lorsque le Tribunal organise ses audiences, ces dernières le sont sur deux ou trois jours. Alors il va devoir dire ceci. Pour M. X, il faut un représentant de l'organisation Y. Pour Mme Z, il faut un représentant de l'organisation Z... Ce n'est tout simplement pas possible ! On est en train de transformer ce Tribunal en une usine à gaz.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie, s'il vous plaît, de voter l'article de loi tel qu'il a été voté par la majorité de la commission et de refuser cet amendement déposé maintenant par les socialistes.

Le président. Merci, Madame le rapporteur. La parole est à Mme la rapporteure de minorité Irène Buche... (Remarque.) Elle est encore une fois à Mme Anne Emery-Torracinta; il vous reste une minute et trente secondes, Madame la députée.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). On vient d'avoir là, avec Mme Fontanet, la démonstration de ce que j'avais essayé de vous dire tout à l'heure, à savoir qu'elle nous a parlé de patients. Je ne vous parle pas de personnes qui sont malades, mais de personnes handicapées, qui ont des handicaps extrêmement différents. Or je vous rappelle que l'on va prendre des mesures graves, qui sont des mesures de suppression de droits pour ces personnes. C'est comme si - on a parlé de médecins tout à l'heure - vous avez un cancer et que je vous dis: «Au fond, il n'y a pas d'importance, allez chez un psychiatre ! Il va parfaitement pouvoir soigner votre cancer; il est médecin !» C'est comme si moi qui suis enseignante et qui enseigne l'histoire, je disais: «Par souci de simplification et d'économie, mais c'est égal, je peux enseigner l'allemand ! Ce sera beaucoup plus simple pour l'école, et on m'enverra des élèves pour faire de l'allemand.»

Non, Mesdames et Messieurs les députés ! On a affaire à des problématiques spécifiques; il faut des assesseurs spécifiques. Simplement, on veut ouvrir la possibilité d'avoir un pool et un panel de spécialistes différents. Le Tribunal sera assez grand, ensuite, pour choisir qui il veut faire intervenir durant les jugements. Et, au niveau du Conseil d'Etat, dans le règlement d'application, le Conseil d'Etat aura tout loisir de choisir les représentants qui seront les plus à même de représenter les différentes personnes. Mais là, on a tout simplement exclu de cette loi une partie de la population qui est parmi la plus faible de notre canton. Cela va totalement à l'encontre de ce que demande le droit fédéral. Je vous invite vivement, au nom des plus faibles d'entre nous et en référence à la Constitution, selon laquelle on mesure la force d'une société à la manière dont elle s'intéresse au plus faible d'entre eux - c'est dans le préambule de notre Constitution fédérale - à soutenir cet amendement. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme le rapporteur de minorité Irène Buche, à qui il reste une minute et trente secondes.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais simplement dire que les membres d'organisations se vouant statutairement depuis 5 ans au moins à la défense des droits des patients ont leur place dans ce Tribunal, bien sûr pour de bonnes raisons. C'est parce que le Tribunal reprend la compétence de la commission de surveillance des professions de la santé. Mais il n'y a pas de raison que les autres personnes ne soient pas aussi représentées dans ce Tribunal. C'est donc la raison de cet amendement, pour avoir aussi le pendant. En effet, là, on ne parle plus de patients.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, très brièvement et sans entrer dans une querelle de médecins dans laquelle vous comprendrez bien que je n'entrerai pas, je dirai ceci. Quand on parle d'exclusion, la sensibilité qui est la mienne, qui est la nôtre, bien sûr, me fait réagir. Il n'est pas question de ne pas prendre en compte cet aspect. J'ai eu l'occasion de rappeler en préambule que la tradition genevoise en matière de protection de l'adulte et de l'enfant garantissait, par cette voie judiciaire, que personne ne soit laissé pour compte. Le fait d'avoir choisi cette voie judiciaire en témoigne.

L'allègement et la simplification des procédures sont vraiment les maîtres mots qui ont prévalu dans toute cette organisation judiciaire. Ce nouveau droit nous semble assez compliqué comme cela. La question du coût n'entre pas en ligne de compte, parce que la qualité de vie, ainsi que la qualité de la prestation et de la juridiction, est à mettre en avant. C'est la raison pour laquelle le projet de loi et l'article tels qu'ils vous sont présentés initialement, avec l'ajout du pouvoir judiciaire, me semblent tenir compte de ces priorités.

Le président. Merci, Madame la conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant l'amendement à l'article 103, alinéa 3, lettre e), nouvelle, que je vous relis: «membres d'organisations de défense des droits des autres personnes concernées.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 13 oui et 13 abstentions.

Le président. Je vous soumets maintenant l'article 103 dans sa nouvelle teneur, puisqu'il a été amendé tout à l'heure.

Mis aux voix, l'article 103 ainsi amendé est rejeté par 40 non contre 36 oui et 1 abstention. (Remarque à l'annonce du résultat.)

Le président. Vous pourrez revenir en troisième débat. Nous sommes maintenant saisis d'un amendement à l'article 104, alinéa 3, nouvelle teneur... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mesdames et Messieurs les députés, je vous en prie ! A l'article 104, alinéa 3, nouvelle teneur, il vous est proposé de biffer les termes suivants: «ordonné par un médecin». Vous trouvez cela à la page 26 du rapport. (Remarque.) Je répète: l'amendement consiste simplement à biffer «ordonné par un médecin». Quand je dis «simplement», ce n'est pas une appréciation de qualité. Je donne la parole à Mme la députée Irène Buche.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. En fait, des placements à des fins d'assistance peuvent être ordonnés soit par un médecin, soit par le Tribunal de protection. Or l'alinéa 3 prévoit que seuls les placements ordonnés par les médecins sont revus par le Tribunal dans la composition incluant un représentant des associations de défense des droits des patients. Pourtant, nous ne voyons pas pourquoi il y aurait un traitement différencié selon que la mesure est ordonnée par un médecin ou par le Tribunal. C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer les termes «ordonné par un médecin», afin que le Tribunal siège toujours dans la même composition quand il s'agit de placement à des fins d'assistance, donc toujours avec un juge assesseur psychiatre et un juge assesseur membre d'une organisation se vouant statutairement à la défense des droits des patients.

C'est une demande qui a été émise par des associations qui connaissent bien la situation, à savoir Pro Mente Sana et l'Association des conseillers accompagnants, qui sont sur le terrain tous les jours auprès des patients placés à des fins d'assistance ou hospitalisés de manière non volontaire. Donc je vous invite à accepter cet amendement, qui est parfaitement logique pour que le traitement soit le même pour tout le monde et que le même droit soit appliqué par les mêmes personnes.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la rapporteure de majorité Nathalie Fontanet, sur cet amendement.

Mme Nathalie Fontanet (L), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. La majorité de la commission a également refusé de donner suite à cet amendement, pour plusieurs motifs. D'abord, la composition telle qu'elle est prévue à l'article 104, alinéa 3, est conforme au droit actuel. C'est-à-dire que, aujourd'hui, les personnes n'ont pas droit, lorsque c'est un tribunal qui se prononce, à la représentation d'un représentant d'une association de défense des droits des patients. Ensuite, la majorité de la commission a estimé que la présence systématique d'un représentant des associations de défense des droits des patients entraînait de facto l'impossibilité de recourir à la présence d'un assesseur psychologue ou travailleur social, ou autre spécialiste du domaine social. Cela pourrait, selon cette majorité, être plus utile à la personne dans certaines situations, en permettant en particulier de se prononcer par exemple sur d'autres lieux d'accueil, sur des projets de vie de la personne.

La commission a estimé que la présence d'un assesseur représentant des associations de défense des droits des patients peut être limitée aux cas dans lesquels une telle présence est nécessaire pour assurer la sauvegarde des droits desdits patients, ce qui n'est pas le cas dans des situations dans lesquelles c'est un tribunal et non un médecin qui traite des causes portant sur la limitation de liberté. Le département, à cet égard, a rappelé que, lors de la révision d'une mesure - par exemple six mois après le placement, afin de vérifier si les conditions de maintien de cette mesure sont toujours réunies, en particulier pour déterminer si l'institution est toujours adaptée - il est plus utile, tant pour la personne concernée que pour le Tribunal, de s'assurer les compétences d'un spécialiste du dispositif social, capable de suggérer par exemple un placement dans une situation plus adéquate. Or, si un représentant de la défense des droits des patients devait participer, cela exclurait de facto un représentant du domaine social. Pour ces motifs, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission vous demande de refuser cet amendement.

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur cet amendement à l'article 104, alinéa 3, nouvelle teneur, qui consiste à biffer les mots: «ordonné par un médecin».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 26 oui.

Le président. Je précise que l'amendement qui avait été déposé tout à l'heure, qui était la conséquence de la modification de l'article 103, ne va pas être voté, puisque l'article 103 n'a pas été modifié. Vous pourrez le redéposer en troisième débat.

Mis aux voix, l'article 104 (nouvelle teneur) est adopté, de même que les articles 105 (nouvelle teneur) à 144, alinéa 9 (nouveau).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Troisième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1, lettre d) (nouvelle teneur) à 58, phrase introductive (nouvelle teneur) et lettre a) (nouvelle teneur).

Le président. Nous avons à nouveau un dépôt d'amendements. Madame Fontanet, vous remettez en troisième débat le texte de l'article 103 ?

Mme Nathalie Fontanet (L), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Dès lors que cet article a été refusé par la majorité du parlement tout à l'heure, je souhaite le soumettre à nouveau au vote, le faire réintégrer ce projet de loi, en particulier avec, évidemment, la mention «psychiatres» toute seule, telle qu'elle était à l'origine à l'alinéa 3, lettre a).

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, j'ai demandé la parole pour vous dire que je redépose l'amendement qui prévoit d'ajouter «et médecins FMH» après «psychiatres» à l'alinéa 3, lettre a). (Remarque.) Il m'a été dit que je pouvais le déposer oralement. (Commentaires.)

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons d'abord nous prononcer sur l'article dans son intégralité, comme l'a proposé Mme Fontanet, puis sur l'amendement, puisqu'il a été supprimé par des erreurs et des incompréhensions de certains députés. Je vous soumets donc l'article 103 dans sa teneur originelle - telle qu'il est sorti des travaux de commission - qui sera a posteriori amendé par Mme Buche. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Mis aux voix, cet amendement (réintégration de l'article 103) est adopté par 73 oui contre 3 non.

Le président. L'article 103 est donc réintégré. Maintenant, nous votons l'amendement... (Brouhaha.) S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés ! Maintenant, nous votons l'amendement de Mme Buche à l'article 103, alinéa 3, lettre a), nouvelle teneur: «psychiatres et médecins FMH».

Des voix. «Ou !» (Remarque.)

Le président. Moi, j'ai «et». (Remarque.) Je n'ai pas la bonne version sous les yeux, veuillez m'excuser. C'est «psychiatres ou médecins FMH»... (Remarque.) Dans l'ordre, c'est «médecins FMH ou psychiatres».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 39 non contre 38 oui et 1 abstention. (Quelques applaudissements à l'annonce du résultat.)

Mis aux voix, l'article 104 est adopté, de même que les articles 105 (nouvelle teneur) à 144, alinéa 9 (nouveau).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Mise aux voix, la loi 10957 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui et 11 abstentions.

Loi 10957

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons faire une pause jusqu'à 10h, et nous traiterons le projet de loi sur le tourisme, qui sera interrompu par la cérémonie de prestation de serment. Nous reprenons donc à 10h.

La séance est levée à 9h40.