République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10951-A
Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport annuel de gestion, le compte de profits et pertes et le bilan des Services industriels de Genève pour l'année 2011
Rapport de majorité de M. François Lefort (Ve)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous entamons la série des urgences avec le PL 10951-A, qui figure au point 60 bis. Ce débat est classé en catégorie II, quarante minutes. Je rappelle aux deux rapporteurs qu'il convient qu'ils calibrent leurs interventions de façon à garder suffisamment de temps pour pouvoir réintervenir à la fin du débat. Monsieur le rapporteur de majorité François Lefort, vous avez la parole.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'énergie et des Services industriels a étudié les comptes 2011 présentés par les Services industriels et vous en a fait rapport dans le tiré à part que vous avez trouvé sur vos tables.

Je vais d'abord évoquer le contexte international. L'augmentation de la capacité de production électrique en Europe, principalement basée sur des centrales à gaz, mais aussi sur des énergies renouvelables, ce qui est intéressant, a eu pour résultat une surproduction d'électricité en Europe en 2011. Les prix de l'électricité, en baisse depuis 2008, se sont encore réduits, même si les tarifs de l'électricité sont restés relativement stables pour les consommateurs. Cette surproduction a créé de nombreux problèmes pour les entreprises européennes, puisque ces nouvelles centrales ne sont pas rentables compte tenu du prix du gaz. Ces entreprises ont dès lors été contraintes de faire de grosses dépréciations, et Alpiq a ainsi dû procéder à 1,6 milliard de dépréciation. Cela a son importance, car les SIG participent à Alpiq de par leur participation à EOSH. Cette participation a baissé en valeur et affecte donc les comptes des SIG à raison de -138 millions.

D'après les résultats d'Alpiq au premier trimestre 2012 qui ont été publiés le 4 mai dernier, cette tendance se confirme en 2012, en raison entre autres de la baisse des marges liée à la force du franc suisse et de la hausse des coûts liés à l'élimination des déchets des centrales nucléaires... Dans ce contexte négatif, les SIG ont pourtant pu réaliser une opération intéressante, non budgétée, en achetant en 2011 15% du capital de la société EDH, propriétaire de barrages sur le Rhin en Suisse, permettant un accès direct à un potentiel de production hydroélectrique et sécurisant pour Genève 15% de la consommation du canton. Pour ce faire, les SIG ont dû changer rapidement de stratégie et abandonner leur projet de centrale chaleur-force à gaz au Lignon. Les récentes nouvelles en provenance d'Alpiq, que je viens de mentionner, semblent donc donner raison à cette stratégie.

Pour le reste et pour l'essentiel de ce qui se trouve dans les comptes des SIG, c'est-à-dire pour les actifs propres des SIG hors impact de l'effet négatif d'Alpiq, les SIG sont une entreprise qui se porte bien et qui est saine. En détail, les SIG ont gardé 99% du marché électrique genevois en 2011, dans un contexte concurrentiel agressif. La plus grande centrale solaire de Suisse construite sur Palexpo par les SIG est fonctionnelle et produit 4,5 MW/h. Le programme éco21 a permis quant à lui d'économiser 21 GW/h d'électricité. La consommation d'électricité à Genève est stabilisée depuis trois ans en raison des conditions climatiques, bien sûr, d'un effet économique, mais surtout des mesures d'économies d'énergie, ce qui est en soi une bonne nouvelle. La consommation thermique a baissé de 12% en 2011, pour cause de températures douces. De plus, pour la première fois dans leur histoire, les SIG vendent du froid depuis 2011, grâce au réseau Genève Lac Nations. La consommation en eau continue de diminuer, malgré l'augmentation de la population, ce qui constitue encore une bonne nouvelle, comme celle de la baisse des volumes de déchets incinérés, preuve que le recyclage est de plus en plus efficace. Les SIG accompagnent les travaux dans le canton pour le renouvellement de leur réseau, ce qui a pour conséquence que les investissements, hors achats exceptionnels d'EDH, se montent à plus de 200 millions en 2011. Cela fait des SIG l'un des acteurs importants de l'économie genevoise.

Derniers détails: la taxe d'épuration a augmenté en 2011, les tarifs de l'utilisation des réseaux électriques ont quant à eux baissé, et les charges d'exploitation sont inférieures aux charges budgétées. Le résultat des SIG à Genève, hors consolidation, est similaire à celui de 2010 et supérieur à ce qui avait été budgété, ce qui est encore une bonne nouvelle. Cela permet de dire que les SIG se portent bien à Genève, ce qui n'est pas le cas de certaines de leurs fréquentations. Les SIG vont bien et investissent donc s'endettent. Toutefois, l'endettement va s'accentuer en raison des investissements dans les énergies renouvelables - que ce soit l'hydroélectricité ou encore l'éolien...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. François Lefort. Merci, Monsieur le président. ...mais également à cause de la recapitalisation de la caisse de pension CAP, qui est rendue nécessaire par la loi.

Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève a accepté les comptes 2011 de cette entreprise et vous recommande de faire de même. Cependant, la commission reste inquiète, voire très inquiète quant aux répercussions des mauvais résultats d'Alpiq sur les comptes futurs des SIG, et souhaite attirer l'attention du Conseil d'Etat. D'autres stratégies doivent être envisagées, y compris la dernière stratégie, qui est celle de la fuite. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de voter ces comptes.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur de minorité Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai que les Services industriels de Genève sont une entreprise saine, compétente et bien gérée. Et, contrairement au Grand Conseil et au Conseil d'Etat, celle-ci possède une vision, une perspective qui s'appelle «Vision 2040», c'est-à-dire qu'elle planifie un plan d'affaires ainsi que des investissements, et qu'elle planifie l'avenir énergétique du canton de Genève pour les Genevoises et les Genevois non pas à l'échéance des prochaines élections, comme certains d'entre vous qui se trouvent autour de cette table, mais bien à long terme. Résultat des courses, les SIG saisissent les opportunités - comme celle de la participation à EDH qui s'est présentée - et en même temps planifient des investissements dans les autres énergies renouvelables, que ce soit l'éolien ou le solaire, ou encore un autre projet qui a eu l'occasion d'occuper l'actualité, y compris de notre Grand Conseil, à savoir le projet de centrale chaleur-force, qui permettait de produire 10% d'électricité supplémentaires pour la consommation genevoise à Genève même. En effet, quand la consommation augmente dans notre canton, il ne s'agit pas simplement d'aller acheter des barrages et peut-être d'autres énergies plus loin: il convient d'assumer les conséquences de nos comportements en produisant de l'énergie ici, puisque nous la consommons ici. Ça c'est un principe de cohérence que les SIG ont bien compris, d'autant plus que la production locale est aussi une garantie d'autonomie à long terme.

Et pour ce qui est des comptes 2011 des Services industriels, il faut dire que les SIG ont bien pu saisir une opportunité qui était imprévue - ce qui évidemment change les comptes de l'entreprise pour 2011 - et nous en prenons acte, nous ne le refusons pas, mais en même temps le problème est que le Conseil d'Etat s'est mêlé de cette affaire. Notre Grand Conseil s'est lui aussi mêlé de cette affaire puisqu'il a piqué de l'argent aux SIG au moment du vote du budget 2012 - ça ne concerne donc pas 2011 - mais le Conseil d'Etat est intervenu directement dans la marche des affaires des SIG en les empêchant de poursuivre le projet de centrale chaleur-force. Vous pourrez d'ailleurs lire aux pages 41 et 42 de mon rapport - et je rappelle aux auditrices et auditeurs qui aimeraient savoir de quoi l'on parle que nous sommes en train de traiter le PL 10951-A - une lettre que le président du conseil d'administration des SIG a écrite au président de la commission de l'énergie et dans laquelle il relève que «le conseil d'administration de SIG a été désagréablement surpris d'apprendre que le Conseil d'Etat avait décidé de revenir sur sa décision de soutenir la construction de ladite centrale - à chaleur-force - cela sans concertation préalable, ce qui ne correspond pas aux bonnes pratiques en matière de gouvernance». Ce courrier, Mesdames et Messieurs les citoyennes et les citoyens, Mesdames et Messieurs les députés, est tout simplement la preuve que le Conseil d'Etat se mêle directement de ce qui ne le concerne pas; il fausse les résultats d'une entreprise qui se projette non pas en vue des prochaines élections, mais à l'horizon 2040, et il fait du tort à la marche économique de celle-ci. Et ce même Conseil d'Etat vient ensuite nous donner des leçons de prétendue bonne gouvernance et d'indépendance des régies publiques ! C'est bien la preuve que ce Conseil d'Etat se moque de nous, se moque des Genevoises et des Genevois, et qu'il faut simplement, parce que nous ne sommes pas d'accord avec cette façon de faire, refuser les comptes 2011 des SIG, car ils ne sont pas sincères par rapport à la marche de l'entreprise qui, au demeurant, est excellente pour elle-même.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Renaud Gautier, et je rappelle que nous sommes en premier débat.

M. Renaud Gautier (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, après ces propos hautement politiques, laissez-moi partager avec vous une préoccupation qui devrait intéresser tout le monde, et en particulier celles et ceux dans ce parlement qui trouvent que, lors des votations du 17 juin, on pourrait perdre un contrôle démocratique desdites institutions. Je n'ai aucune raison - et je le dis tout à fait clairement ici - de mettre en doute les comptes des SIG, du moins l'application comptable que ces derniers font des normes auxquelles ils sont soumis.

La problématique qui nous concerne ici, dans la mesure où nous aurons à adopter les comptes consolidés de l'Etat, c'est-à-dire comprenant par exemple ceux des SIG, c'est que nous sommes dans une confrontation de type épistémologique entre une vision comptable des comptes - et les comptables disent qu'ils ont pris toutes les mesures qu'il faut - et une vision politique de ces mêmes comptes, qui est celle que je vais défendre devant vous en disant que, de mon point de vue, un certain nombre de réserves ou de provisions devraient être faites par rapport à certains points de ces comptes. Je vais vous les citer très précisément.

Les SIG ont dû assumer une perte pas banale qui est celle d'Alpiq, qui a donc détruit 1,3 milliard de ses actifs, Mesdames et Messieurs les députés; 1,3 milliard ! Cela a un impact direct sur les SIG qui, à travers EOS, sont aussi propriétaires d'Alpiq. Nul aujourd'hui ne peut vous dire que la situation d'Alpiq demain, l'année prochaine ou l'année d'après, sera meilleure que cette année. Or l'impact que pourrait avoir la fin ou la suppression de ce qu'Alpiq fournit à Genève va ou peut représenter un risque financier majeur.

En outre, il y a le débat sur la caisse de pension. Les employés des SIG ne sont pas affiliés à la CIA ou à la CEH, mais à la CAP. Néanmoins, les hypothèses qui sont évoquées par les comptables des SIG m'ont l'air fort éloignées de la réalité qui est celle dont nous discutons par exemple à la commission des finances, même si la situation financière de la CAP est bien meilleure que celle de la CIA ou de la CEH.

Enfin, Mesdames et Messieurs - et là c'est peut-être le professionnel qui parle - je ne vous cache pas avoir une grande inquiétude face aux produits financiers. En effet, cette année c'est -9 millions, alors que l'année dernière c'était +17 millions, soit un delta de 26 millions. L'essentiel du travail des SIG est celui d'un acheteur et d'un vendeur de courant. Pour ce faire, ils se prémunissent avec des instruments financiers contre le risque de change, contre le risque de variation des coûts. Ces produits financiers - la lecture régulière des journaux le montre, ainsi que quelques scandales connus ces dernières années - sont des instruments extrêmement sophistiqués, qui à mon sens devraient uniquement être utilisés par des professionnels de la finance. Je ne suis pas, sur la base de l'audition que nous avons faite à propos des comptes, totalement convaincu de la capacité des SIG à gérer ce genre de produits. Ainsi donc, je me suis retrouvé lors des comptes à devoir proposer une vision plus prudente de ces derniers, ce qui n'est malheureusement pas possible puisque nous sommes dans deux réalités différentes, la réalité comptable et celle du politique. Je parle aujourd'hui à titre personnel et je ne voterai pas ces comptes, dans la mesure où je trouve qu'un certain nombre de garanties ne sont pas fournies face à des inquiétudes à mon sens logiques que ce parlement peut avoir quant à l'avenir financier des SIG.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Madame la députée Mathilde Chaix, le temps de parole de votre groupe est épuisé. Je regrette, les quatre minutes ont été employées ! La parole est à M. le député Florian Gander.

M. Florian Gander (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, comme l'a dit mon préopinant, il y a deux points de vue: l'un est comptable, l'autre politique. Du point de vue comptable - une fois n'est pas coutume - le MCG accepte les comptes tels qu'ils ont été présentés par les SIG. Cependant, nous tenons à rappeler que ce fut une année assez riche en rebondissements au niveau des SIG, puisque la commission - comme vous le savez - a quand même travaillé un certain temps sur la centrale chaleur-force, laquelle a été abandonnée du jour au lendemain par le Conseil d'Etat.

S'agissant des acquisitions qui ont été faites chez EDH, nous ne pouvons que les soutenir, car ces acquisitions sont bonnes pour le canton de Genève, mais nous restons néanmoins «sur notre faim», entre guillemets, car cela ne va pas développer l'autonomie cantonale. Or ce que nous souhaitons actuellement, en tout cas au MCG, c'est une autonomie cantonale en matière énergétique. Alors certes nous n'arriverons pas à couvrir 70% de nos capacités du jour au lendemain, mais c'est en commençant à travailler aujourd'hui que nous pourrons développer notre avenir électrique cantonal, et si possible un avenir électrique propre.

Pour toutes ces raisons - et malgré la perte financière d'Alpiq, qui politiquement fait courir un risque à notre canton - nous pensons que ces comptes tiennent la route. Toutefois, nous restons vraiment très inquiets au sujet de nos parts dans la société Alpiq par le biais d'EOS. Le MCG soutiendra donc ces comptes, mais avec une réserve par rapport à Alpiq.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts reconnaissent que l'addition des comptes des SIG est correcte: on a fait l'addition comme il faut et on a respecté les normes comptables. Néanmoins, s'agissant de la gestion effectuée par le conseil d'administration des SIG - et nous souhaiterions des conseils d'administration plus responsables - il y a quelques choix qui nous font très peur. Aujourd'hui, tout le monde en parle ici, les choix opérés autour d'Alpiq sont assez surprenants. Alpiq est une entreprise de trading en électricité: ce sont des gens qui achètent et qui revendent à terme de l'énergie, avec tous les risques de change que cela comporte, tous les risques qu'il y a autour. Ainsi, que les SIG soient impliqués à l'intérieur de cette entreprise nous inquiète, d'autant plus que l'on voit les résultats et que l'estimation des risques autour de ces résultats ne nous semble pas tout à fait adéquate.

L'autre élément qui nous inquiète, c'est bien évidemment l'utilisation de produits financiers. Lorsqu'il s'agit de se protéger contre des risques de change, ce que vous pouvez faire avec ces produits, c'est de la bonne gestion. Mais lorsqu'il s'agit d'obtenir un rendement à travers ces produits, cela devient de la haute finance. Or nous entendons que le métier des SIG consiste à fournir des fluides aux Genevois, non pas à spéculer et à faire de la haute finance. Aujourd'hui, nous avons un conseil d'administration des SIG dont nous ne sommes pas sûrs qu'il soit conscient de ses responsabilités. Il est vrai que, si les membres d'un conseil d'administration pléthorique ou d'un petit Bureau prennent des décisions entre eux, puis demandent à cette sorte de grand-messe qui sert de conseil d'administration de les ratifier, l'exposé fin sur les risques de différents produits - qu'ils soient financiers ou de participation à travers diverses entreprises - ne peut pas être aussi précis que lorsque le conseil est plus restreint.

Mesdames et Messieurs, les députés Verts sont inquiets, nous tenons à le dire aujourd'hui. Nous pensons que la comptabilité et les comptes sont justes, nous estimons que les normes comptables ont été respectées, mais les choix ainsi que la gestion de ce conseil d'administration nous font néanmoins souci. (Quelques applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai un peu le sentiment ce soir que certains prennent prétexte de ce point pour régler leurs comptes avec les SIG - et je pense en particulier au rapporteur de minorité - plutôt que de se pencher réellement sur les comptes et l'orthodoxie comptable des SIG pour l'année 2011. Effectivement, un certain nombre d'événements - que d'aucuns ont déplorés - ont émaillé la fin de l'année 2011, mais je crois que nous devons aujourd'hui nous concentrer sur les comptes qui nous sont soumis. Nous avons pu poser toutes les questions en commission, nous avons pu obtenir toutes les réponses, et je crois clairement que nous pouvons dire que ces comptes correspondent à la réalité et respectent en tous points les normes auxquelles les SIG sont soumis. Sur cet aspect, il n'y a à notre sens pas matière à remettre en question l'approbation de ces comptes.

En revanche, que l'on s'inquiète pour l'avenir, comme M. Gautier, s'agissant de certains éléments pouvant susciter quelques craintes et quelques réflexions, tels que les difficultés d'Alpiq ou les conséquences, pour les SIG, de l'aggravation de la situation d'Alpiq dans le futur, c'est effectivement légitime. Que l'on puisse s'interroger sur certaines options prises pour l'avenir par cette entreprise publique est aussi légitime, mais ce n'est pas en refusant les comptes que nous allons régler ces questions du passé ou du futur. Nous avons eu l'assurance de la part de Mme Rochat, et c'est une excellente chose, que nous pourrons très prochainement rediscuter de ces questions d'avenir, alors je crois qu'il faut clairement dissocier ce qui relève de la qualité des comptes 2011 - et sur ce point le groupe PDC n'a aucun doute et donnera son approbation - et les autres questions qui méritent effectivement débat. Ce débat aura lieu ces prochains mois, nous en sommes certains, et c'est peut-être davantage dans le cadre de l'adoption des prochains budgets que nous devrons avoir un oeil particulièrement attentif sur un certain nombre d'éléments que d'aucuns ont évoqués ce soir. Mais, s'il vous plaît, chers collègues, ne prenons pas prétexte de ce rapport sur les SIG pour régler les comptes du passé ou anticiper des problèmes futurs. (Quelques applaudissements.)

M. Eric Bertinat (UDC). Chers collègues, l'UDC partage en grande partie les propos que notre collègue Bavarel a tenus concernant entre autres la politique menée par le conseil d'administration des SIG. En partie, parce que, finalement, la politique que peuvent mener les SIG reste quand même très cadrée. Preuve en est ce fameux problème des centrales chaleur-force, où le conseil d'administration a été mis devant le fait accompli. Autre exemple: la décision que vous avez prise l'année passée, dans le cadre du budget 2012, de retirer 60 millions aux SIG, sans trop demander ce qu'en pensait le conseil d'administration. On voit bien qu'il y a là un point qui mérite certainement d'être amélioré - et quand je dis cela je pense bien évidemment à la votation du 17 juin sur les institutions publiques - et peut-être bien qu'il sera bénéfique de pouvoir rediscuter et reformater en quelque sorte le conseil d'administration.

D'autre part, l'UDC tient à relever que, si effectivement on n'a pas pu parvenir à une partie de l'autonomie cantonale avec ce projet de centrale chaleur-force, la décision qu'a prise le Conseil d'Etat - même s'il n'a peut-être pas mis de gants et qu'il n'a pas agi de la manière qu'on pouvait espérer - nous permet d'assurer toute l'énergie dont nous aurons besoin ces prochaines années. C'est une décision qui n'est évidemment pas sans conséquence et que l'on peut diversement apprécier, mais assurer l'avenir énergétique de ce canton est sans aucun doute une bonne chose.

J'ajouterai une dernière petite remarque, toujours sur l'autonomie cantonale. Si le projet d'une grosse centrale chaleur-force est abandonné, nous savons que le Conseil d'Etat planche sur un projet comprenant plusieurs petites centrales chaleur-force qui nous permettront là de retrouver une certaine autonomie cantonale, tout en gardant, avec l'achat de participations à EDH, cette fameuse autonomie énergétique dont le canton a besoin. Pour toutes ces raisons, nous accepterons les comptes 2011 des SIG.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai vraiment le sentiment d'assister ce soir à un paradoxe au sein de ce parlement. Il n'y a pas plus tard que six mois, tout le monde disait que les SIG étaient en pleine santé, qu'ils savaient bien se gouverner et que tout était parfait. On disait même qu'on pouvait sans problème leur retirer chaque année 60 millions pendant trois ans et qu'ils auraient encore bien assez d'argent, parce qu'ils avaient déjà beaucoup de réserves et qu'ils savaient comment en accumuler davantage, comment bien gérer les choses. Ce soir, pourtant, nous entendons les mêmes personnes qui ont décidé de retirer ces 60 millions dire que les SIG ne savent pas gérer, que cela ne fonctionne pas, qu'il faut faire attention. Mais attention à quoi ? Au fait qu'ils ont décidé de jouer le jeu avec Alpiq en entrant dans cette société qui fait des achats-ventes avec des cours en bourse, etc., sur le marché libre de l'électricité - et, plus généralement, de l'énergie - et qu'il y a eu un problème chez Alpiq qui se répercute bien évidemment aujourd'hui sur les SIG ?

Concernant les fonds investis en bourse ou dans différents placements, il est vrai que les SIG n'ont pas été plus alertes que beaucoup de gestionnaires de fortune, de banques de la place ou même de particuliers par rapport à la crise de l'euro. Cela étant, on ne peut pas leur reprocher cette crise ! A un certain moment, il faut donc savoir ce qu'on veut: il faut savoir si maintenant l'on estime que les SIG doivent réfléchir de façon différente par rapport à l'avenir en anticipant en termes comptables et budgétaires et en gérant un peu différemment et plus prudemment leur fortune et leurs avoirs.

Ce que le rapport de minorité soulève comme problème, Mesdames et Messieurs - et c'est un sujet d'actualité - c'est la gouvernance. Mais là également, il y a six mois, on était satisfait de la gouvernance des SIG. Or, brusquement, on reproche aux SIG d'être une usine à gaz - c'est le cas de le dire. Je crois pourtant que ce n'est pas vrai. Je pense que nous pouvons encore faire confiance aux SIG, tout en leur accordant, comme l'indique le rapport de minorité, une autonomie que ce parlement a voulu leur donner à plusieurs reprises, que ce soit en termes d'autonomie des régies publiques ou d'autonomie de gestion. Du reste, s'il existe un rapport de minorité ce soir, c'est bien pour rappeler que, s'agissant du conseil d'administration tel qu'il est aujourd'hui et qui pourrait encore être réduit à l'avenir selon la volonté de certains, il convient de se poser la question de la limite de l'autonomie et de savoir quelle autonomie on donne à ces entreprises autonomes vis-à-vis de l'Etat.

Je pense honnêtement que ce n'est pas parce que les SIG présentent des problèmes qui méritent d'être résolus pour l'avenir - non seulement pour eux mais aussi pour toutes les régies, voire toutes les entreprises du canton - que nous pouvons dire qu'il faut changer leur gestion. Je rappelle que celle-ci était parfaite et qu'on la donnait même en exemple dans cette république il y a encore six mois.

En ce qui concerne le vote du parti socialiste, il sera diversifié: le rapport de minorité met bien en avant le refus de perte d'autonomie mais, s'agissant des comptes et du travail effectué par les SIG pendant l'année 2011, nous serons plusieurs à le soutenir.

M. Pierre Conne (R). Mesdames et Messieurs les députés, sur la base du PL 10951, de ses annexes et de l'audition des SIG, il apparaît que les comptes qui nous ont été présentés reflètent bien la réalité patrimoniale et financière de l'entreprise. Il apparaît aussi que ces comptes ont été tenus dans le respect des normes comptables applicables. Pour ces raisons, le groupe radical approuvera ces comptes tenus avec rigueur.

L'examen de ces mêmes comptes est aussi l'occasion d'approfondir plusieurs sujets: certaines de ces questions trouvent immédiatement des réponses claires et précises, mais pour d'autres les réponses sont nettement moins satisfaisantes. Il en est ainsi de la fixation des tarifs de l'électricité facturés tant aux ménages qu'aux entreprises et industries, pour lesquels cette électricité peut représenter un poste très important du budget. Cette tarification est certes complexe, mais aussi peu transparente. On peut par exemple s'étonner que le résultat opérationnel du secteur «distribution d'électricité» pour les activités en monopole soit de 66 millions, pour un produit de 222 millions. On aimerait aussi comprendre au bénéfice de qui, quand et comment les montants accumulés dans les fonds de péréquation pluriannuelle sont redistribués. Les questions ont été posées, mais les réponses sont restées peu convaincantes. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous reviendrons sur ces éléments dans le cadre de la commission de l'énergie et, sur la base du rapport de la Cour des comptes, nous auditionnerons les SIG. C'est ainsi que nous considérons prendre nos responsabilités et mener un politique constructive.

En revanche, il n'en va pas ainsi du groupe socialiste et de la manière dont il nous présente un rapport de minorité qui n'est tout simplement pas acceptable. J'aimerais tout d'abord évoquer l'introduction de ce rapport de minorité, dans laquelle on peut lire que, dans le fond, les comptes sont très bien tenus et que ce projet de loi peut être adopté. Or c'est précisément ce que l'on nous demande ! Est-ce que les comptes sont bien tenus ? Est-ce que le rapport peut être adopté ? La réponse est oui. S'ensuit un galimatias de vaines attaques politiciennes contre le Conseil d'Etat où le rapporteur revient sur d'anciennes histoires de centrale chaleur-force, sujet qui est aujourd'hui enterré et qui n'est plus à l'agenda politique ni à l'ordre du jour. Du reste, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais quand même signaler que le rapporteur de minorité qui s'est empressé de nous servir ces lignes n'a toujours pas rendu ses rapports sur les comptes des SIG des années 2007, 2008 et 2010. C'est ce qui s'appelle - et je m'adresse au groupe socialiste - ne pas mener une politique responsable. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Les deux rapporteurs ont peu ou prou épuisé leur temps de parole, mais le Bureau leur accorde une minute trente à chacun. La parole est à M. le député Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Les comptes des SIG sont effectivement bien tenus, mais il est clair qu'un parlement n'a pas pour seul objectif de faire une analyse comptable fiduciaire des comptes: il convient qu'il procède aussi à une analyse politique. En l'occurrence, quand un budget est déposé, qu'un investissement est prévu pour réaliser une centrale chaleur-force, des éoliennes ou du solaire et que, ultérieurement, des événements font que ces projets ne voient pas le jour, eh bien nous devons analyser pourquoi cet argent a été investi et si les risques étaient raisonnables. Du reste, je pense que M. Gautier a raison de relever les incertitudes qui pèsent à moyen terme, bien qu'Alpiq ait pour le moment plutôt rapporté de l'argent aux SIG.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, les SIG ont une vision 2040 et essaient de se projeter dans l'avenir; ils ne cherchent pas simplement à répondre à des éléments conjoncturels du temps politique qui est le nôtre. Dans ce sens-là, je fais personnellement bien plus confiance à la direction et au conseil d'administration des SIG - je suis désolé, chers collègues ! - qu'à vous et moi pour décider de ce que les SIG doivent faire. Les compétences sont dans l'entreprise, elles ne sont pas dans ce Grand Conseil, et je pense qu'il faut en prendre acte.

Les SIG ont un budget annuel de l'ordre d'un milliard et leurs bénéfices se montent à 100 millions de francs par année; le Grand Conseil en pique 60 millions, ce qui fait que nous diminuons leur capacité d'investissement ainsi que leur crédibilité envers des partenaires. En outre, le projet de centrale chaleur-force a coûté 4 millions à l'entreprise, qui ont été payés par les factures de vous et moi; nous avons dû payer ces investissements inutilement abandonnés par le Conseil d'Etat ! Je rappelle d'ailleurs que ce projet avait été lancé par le conseiller d'Etat Robert Cramer, conseiller d'Etat Vert.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Roger Deneys. Dans ce sens-là, les investissements sont projetés et on ne peut donc pas accepter que le Conseil d'Etat intervienne dans cette gestion. C'est pour cette raison qu'il faut refuser les comptes ! Il ne s'agit pas de faire un procès d'intention à l'entreprise, mais bien à l'ingérence du Conseil d'Etat dans ses décisions.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur de majorité François Lefort, pour une minute trente.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Faisons simple: pour la majorité de la commission, et même pour les thuriféraires de la centrale chaleur-force, le changement de stratégie qui a vu l'abandon de ladite CCF n'est pas une raison pour refuser les comptes 2011. Dans le contexte international qui nous a été décrit, la CCF était de toute façon devenue un mauvais projet, qui promettait pour l'avenir des pertes bien supérieures aux 4 millions de coût d'étude qu'a mentionnés le député Roger Deneys. Ce projet était en effet prometteur de pertes en raison de l'augmentation du prix du gaz.

Nous apprécions à posteriori la décision stratégique d'investir dans des capacités de production hydroélectrique localisée aussi en Suisse - et pour des capacités bien supérieures à celles de la CCF. C'est une décision stratégique, cher Monsieur Deneys, qui nous éloigne d'Alpiq et de ses mauvaises fréquentations. Il s'agit donc d'une piste pour le futur proche que nous souhaitons voir explorée par les SIG et leur conseil d'administration, en lequel vous portez grande confiance. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant des comptes 2011 qui nous occupent ce soir, la commission vous recommande bien sûr de les accepter.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons la délicate question des comptes où il s'agit de faire un bilan de l'activité d'une société ou d'une entreprise - qu'elle soit autonome, étatique, paraétatique, privée ou publique - et en l'occurrence il me revient de défendre celui des SIG. J'aimerais d'ailleurs remercier le rapporteur de majorité, qui a vraiment fait une description extrêmement complète des activités que l'on retrouve dans ces comptes. Comme je l'imaginais bien, le rapporteur de minorité - dont je salue le rapport - n'a bien sûr pas pu s'empêcher de revenir sur cette fameuse décision, une décision qui - je le rappelle - a été prise par le Conseil d'Etat et qui a été amenée par la direction des SIG. Je crois donc qu'il faut encore une fois remettre les choses à leur juste place.

Il est vrai que, de par une disposition légale, l'Etat a un droit - un devoir, devrais-je dire - de tutelle ou plutôt de surveillance sur les SIG. Il n'était dès lors pas question d'envisager de laisser les SIG grossir leurs investissements à raison de plus d'un milliard... J'imagine bien les réactions que vous auriez pu avoir, à juste titre, au sein de ce parlement.

Les SIG vont bien, la compatibilité est maîtrisée et les comptes d'exploitation sont en baisse, comme cela a été relevé. Il est vrai que les risques financiers de cette société qui ont été évoqués ici sont à prendre en considération, et je remercie les membres de la commission de l'énergie d'avoir attiré l'attention non seulement sur l'aspect politique - qui est un aspect important en soi - mais aussi sur l'aspect technique financier, qui ne fait que corroborer des soucis que j'ai eus dès le départ quant aux prises de participation des SIG dans des sociétés financières qui sont volatiles ou en tout cas rendues fragiles par une situation économique et énergétique mondiale compliquée. Et le risque relatif à ces prises de participation - et qui bien sûr se retrouve chez les deux propriétaires, que ce soit les communes ou l'Etat - pèse effectivement sur le bilan de l'Etat, et il s'agit donc d'évaluer ce risque au plus juste. Des explications ont été données en commission au sujet de cette technique financière bien particulière qui consiste à évaluer ce risque et qui doit pouvoir figurer au pied de bilan ou en tout cas être visible, lisible par la commission et mon département. Ce n'est pour l'instant pas le cas - je dois l'avouer, Mesdames et Messieurs les députés - et le risque que les SIG font donc porter sur les comptes consolidés de l'Etat doit maintenant être évalué.

Nous sommes à un tournant, à un tournant énergétique, et nous sommes en train de prendre en considération cette politique énergétique, avec une vision et une stratégie - je m'empresse de le préciser - s'inscrivant maintenant dans une politique qui doit être ambitieuse et en même temps pouvoir rester locale. C'est la raison pour laquelle je reviens quand même sur les petites CCF qui vont pouvoir développer peut-être de façon plus modeste l'importance d'avoir ce couplage chaleur-force, sur lequel personne n'est jamais revenu, surtout pas le Conseil d'Etat dans son extrait de procès-verbal. Il est vraiment important que nous puissions prendre en considération cette disposition financière qui, au vu de la situation mondiale, peut effectivement poser un certain nombre de problèmes.

J'aimerais finir en vous disant que cette autonomie est toute relative, dans la mesure où la société appartient à l'Etat et aux communes, et il vous revient donc de pouvoir révéler cette situation qui peut potentiellement s'avérer dangereuse. En conclusion, je vous remercie d'accepter ces comptes, car ils sont vraiment le reflet d'une gestion des plus rigoureuses.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je mets maintenant aux voix l'entrée en matière du PL 10951.

Mis aux voix, le projet de loi 10951 est adopté en premier débat par 86 oui et 1 abstention.

La loi 10951 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10951 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui contre 7 non et 18 abstentions.

Loi 10951