République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10821-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi en matière de chômage (LMC) (J 2 20)
Rapport de majorité de M. Philippe Schaller (PDC)
Rapport de première minorité de M. Roger Deneys (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Dominique Rolle (MCG)
RD 873-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'évaluation de la nouvelle loi en matière de chômage
PL 10677-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Antoine Droin, Marie Salima Moyard, Alain Charbonnier, Lydia Schneider Hausser, Roger Deneys, Christian Dandrès, Anne Emery-Torracinta, Christine Serdaly Morgan, Aurélie Gavillet, Jean-Louis Fazio, Elisabeth Chatelain modifiant la loi en matière de chômage (J 2 20)
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Premier débat

Le président. Nous sommes maintenant au deuxième point fixe, décidé avec le Bureau et les chefs de groupe. Nous abordons le traitement des textes concernant le chômage, à commencer par le rapport sur le PL 10821 et sur le RD 873. M. Schaller est rapporteur de majorité; M. Deneys, rapporteur de première minorité; Mme Rolle, rapporteure de deuxième minorité.

A ce document s'ajoute le rapport sur le PL 10677. M. Cuendet est rapporteur de majorité; M. Deneys, rapporteur de minorité.

Nous sommes en débat libre. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité Philippe Schaller.

M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons avoir ce soir un long débat sur ces projets de lois, relatifs au chômage et à l'emploi. Je suis certain que ce débat sera de haute qualité: la question du chômage l'exige, la question de l'insertion sociale nous le dicte.

Nous allons, comme l'a dit M. le président, commencer par le rapport du Conseil d'Etat RD 873 et le traitement du projet de loi 10821 modifiant la loi sur le chômage. Ce projet de loi et ce rapport ont été traités durant quinze séances par la commission de l'économie, soit du 30 mai au 21 novembre 2011. Nous avons pris acte de ce rapport du Conseil d'Etat sur l'évaluation de la nouvelle loi en matière de chômage. Je vous rappelle que, le 1er février 2008, est entrée en vigueur cette nouvelle loi sur le chômage, qui a été acceptée en votation populaire le 16 décembre 2007. Simultanément au projet de loi 10821, le Conseil d'Etat a déposé un rapport évaluant la loi sur le chômage du 1er février 2008 à mi-2010.

Que nous dit ce rapport sur le chômage ? Le premier constat est que la lutte contre le chômage, en particulier contre le chômage de longue durée, est bien une priorité du canton et que l'aide à la réinsertion professionnelle est aujourd'hui accessible - grâce à la loi de 2007 - à l'ensemble des Genevois qui peuvent et veulent travailler, qu'ils soient au bénéfice de l'assurance-chômage ou non. Le deuxième constat est que nous avons réellement, dans ce canton, une stratégie déployée pour lutter contre le chômage et pour le retour à l'emploi. La loi en la matière et les études, notamment par l'Observatoire universitaire de l'Emploi, montrent bien que la durée du chômage est le facteur le plus discriminant pour le retour à l'emploi. Troisième constat, notre loi sur l'assurance-chômage vise à une amélioration de l'exécution de la loi fédérale. La loi cantonale vient en complément, en appui, à la loi fédérale, et notre loi évolue dans un cadre législatif fédéral imposé. Le quatrième constat est que le canton porte une attention toute particulière à la réinsertion professionnelle des chômeurs de longue durée et des chômeurs en fin de droit.

Alors, quelles ont été les principales innovations de la loi, en 2008 ? En 2008, si vous vous souvenez - c'est le rapport qui le démontre, l'évaluation de cette loi le démontre - on voit que, grâce à cette loi, la prise en charge est beaucoup plus rapide et plus dynamique, au niveau des demandeurs d'emploi, par l'introduction de jalons. La prise en charge est également plus ciblée par l'introduction de mesures consistant à combiner une activité professionnelle et une formation: il y a eu un renforcement de la proximité entre les employeurs et l'office cantonal de l'emploi; il y a également eu la création des emplois de solidarité; et, pour terminer, on a vu une meilleure coordination entre les différents acteurs institutionnels.

Et pourquoi le Conseil d'Etat a-t-il déposé un nouveau projet de loi, que nous allons traiter et, j'espère, voter ce soir ? Simplement parce qu'il restait encore une proportion importante de demandeurs d'emploi qui arrivent en fin de droit sans bénéficier de mesures adéquates et de mesures d'activation. Parce que la proximité avec les employeurs - nous avons eu ces derniers temps de nombreuses informations au niveau de la presse - montre que les employeurs et l'OCE ne sont pas encore suffisamment proches et que la communication n'est pas encore suffisamment forte entre les employeurs et l'office cantonal de l'emploi. Et puis, il existe aussi une déclinaison insuffisante d'indicateurs au niveau de l'OCE, l'office cantonal de l'emploi.

Venons-en maintenant aux modifications de la présente loi. Quelles sont les grandes améliorations de cette loi ? C'est, d'une part, anticiper les jalons à neuf mois au lieu de douze, pour les mesures d'activation à l'emploi. Donc les chômeurs n'ont pas besoin d'attendre la fin de leur période de chômage, afin de pouvoir se voir proposer des programmes de formation. Il y a la création de places de requalification dans les métiers durement touchés - vers l'hôtellerie, la vente et le nettoyage - en incluant en fait les acteurs privés. De plus, les allocations de retour en emploi sont renforcées. Enfin, il y a le développement des emplois de solidarité.

Avant de commencer ce long débat, Monsieur le président, j'aimerais attirer l'attention de l'ensemble des membres de ce parlement sur certaines conditions-cadres. La première est que si l'on veut favoriser la reprise d'un travail, on doit effectivement rester incitatif en correspondant à une amélioration réelle de la situation personnelle et financière par rapport à la période de chômage. On doit rester attentif à toujours garder un écart significatif entre le versement de l'allocation et la situation réelle de la rémunération concernée. Mais cela a effectivement pour corollaire la nécessité d'avoir des mesures préventives en matière de sous-enchère salariale. Le troisième élément qui me paraît important est cette proximité entre les employeurs et l'office cantonal de l'emploi: les employeurs dans ce canton doivent devenir curieux et responsables. L'autre l'élément est que l'Etat, le grand Etat - les administrations cantonales et les établissements publics autonomes - vérifie auprès de l'office cantonal de l'emploi qu'il n'y ait aucun chômeur qui correspond au profil recherché, avant de demander un permis de travail pour une personne résidant à l'étranger. Et ceci est un point essentiel...

Le président. Monsieur le rapporteur, vous en avez terminé pour votre premier tour de parole. Je rappelle que chaque député a droit à sept minutes, et vous êtes au bout. (Remarque.) Voulez-vous conclure en quelques mots ?

M. Philippe Schaller. Je conclus rapidement. Je suis convaincu que l'économie doit offrir une place à chacun dans ce canton et que la loi que nous allons voter est une bonne loi en faveur de la réinsertion et de la lutte contre le chômage de longue durée. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je donne la parole à M. Deneys, rapporteur de première minorité.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont depuis longtemps souhaité améliorer les conditions dans lesquelles les chômeurs pouvaient espérer retrouver du travail et ont donc depuis longtemps cherché à promouvoir des mesures qui étaient en faveur des chômeurs - qui leur permettaient de trouver un emploi - et pas contre les chômeurs ! Dans ce projet de loi 10821, on retrouve un certain nombre de propositions que les socialistes soutiennent, parce qu'ils les avaient déjà eux-mêmes proposées lors de précédentes révisions de la loi en matière de chômage; nous avions aussi déjà déposé, il y a plus d'une année, avant le Conseil d'Etat, un projet de loi, le PL 10677, lequel visait justement à proposer des améliorations fondées sur l'expérience et les retours d'expérience des chômeurs. Je crois extrêmement important de le rappeler ici. Les socialistes se sont faits à maintes reprises les porte-parole des personnes qui étaient concernées par ces mesures et qui devaient, ma foi, en subir parfois des conséquences assez désagréables. Outre le fait qu'elles ne trouvaient pas forcément un emploi, elles n'étaient pas assurément considérées comme des personnes à part entière; elles étaient plus ou moins jugées de façon paternaliste.

Malheureusement, le nouveau projet de loi, le PL 10821, cumule deux aspects: il cumule des propositions que les socialistes partagent - pour renforcer l'efficacité des mesures - mais, malheureusement, il comporte aussi un volet visant à faire des économies, et des économies sur le dos des chômeurs. Et nous socialistes, Mesdames et Messieurs les députés, ne pouvons pas partager cette vision-là de la politique publique visant à favoriser la réinsertion des chômeurs: parce que ce n'est pas en faisant des économies sur le dos des chômeurs qu'on va y arriver !

Nous aurions préféré commencer par l'étude du projet de loi socialiste, puisqu'il était antérieur au projet de loi du Conseil d'Etat: la commission en a décidé autrement. Nous en avons pris acte et avons déposé un certain nombre d'amendements, qui correspondent à des propositions que nous avions faites dans le cadre du PL 10677. C'est ce qui explique aussi pourquoi il y a un certain nombre d'amendements qui ont été déposés; parce que notre objectif, à nous socialistes, est véritablement d'améliorer le dispositif, et de ne pas chercher à faire des économies sur le dos des chômeurs, qui sont déjà dans des situations extrêmement difficiles, extrêmement précaires.

Je crois d'ailleurs que l'un des problèmes vient aussi de l'objectif que l'on retrouve dans le projet de loi, dans la stratégie de lutte contre le chômage. On dit que le but est la réduction du taux de chômage... On a eu l'occasion d'en parler en commission des finances la semaine dernière, quand le conseiller d'Etat François Longchamp présentait les comptes de son département et de sa politique publique: les indicateurs utilisés par son département sont essentiellement des ratios de comparaison avec les mêmes indicateurs des cantons voisins. Donc l'objectif cantonal en matière de lutte contre le chômage, ce n'est pas le retour à l'emploi des chômeurs, mais c'est d'être dans la moyenne suisse au niveau des statistiques. L'objectif est sans doute important à mesurer pour le SECO quand il fixe des critères ou quand il juge Genève, mais sur le fond il est particulièrement absurde ! Car notre politique de réinsertion sur le marché de l'emploi ne doit pas se faire en comparaison avec les autres !

Nous avons une situation particulière parce que nous sommes un canton frontalier. Nous devons aussi faire face à de la main-d'oeuvre parfois importée, ma foi, par les multinationales d'horizons plus lointains - on a encore eu l'occasion d'en parler hier soir, Merck Serono demandait des permis de travail pour des personnes qui viennent de l'extérieur encore au début de ce mois. C'est vrai qu'on est dans une situation particulière, donc comparaison n'est pas raison, et le marché de l'emploi genevois mérite d'être étudié pour lui-même ! On doit voir comment le chômage évolue d'une année à l'autre à Genève, et pas simplement pour dire que Genève est au milieu de la statistique fédérale ! Cela n'a aucun sens.

Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont salué les dispositions qui visent à renforcer l'efficacité des mesures en faveur des chômeurs. Je pense notamment à des propositions que nous avions déjà faites: par exemple, pour les chômeurs âgés, nous avions déjà proposé que les durées d'emplois de solidarité, de stages ou d'ARE soient doublées à partir de 50 ans - et non pas de 55 ans ! Nous l'avions déjà proposé, et cela avait été refusé lors de la dernière modification... Eh bien aujourd'hui, le Conseil d'Etat est venu avec cette proposition, parce que cela correspond à une réalité du terrain ! Ce n'est pas un dogme. Les problèmes de réinsertion sur le marché de l'emploi sont réels pour les personnes plus âgées, on peut le regretter, mais il s'agit de prendre acte de la réalité et de ne pas se figer dans des positions qui visent à faire des économies !

Une autre avancée que nous avons saluée, et que nous avons même proposée en l'occurrence, c'était l'extension des mesures cantonales aux indépendants. C'est vrai que les mesures cantonales sont quelque chose d'assez particulier, parce qu'elles ne sont pas financées par les cotisations chômage des salariés, elles sont payées par les impôts des contribuables genevoises et genevois. D'une certaine façon, il est donc normal que tous les contribuables, toutes les Genevoises et tous les Genevois, puissent bénéficier de ces prestations cantonales, et pas simplement les salariés. Par conséquent, cette mesure est une avancée notable - et il faut la saluer - par rapport à la situation précédente.

Maintenant, il y a un certain nombre de dispositifs qui posent problème. J'ai envie d'en prendre un, à ce stade, c'est la question des emplois de solidarité. Les emplois de solidarité...

Le président. Il vous reste une minute.

M. Roger Deneys. J'en parlerai encore tout à l'heure. Malheureusement, aujourd'hui, à Genève, on a l'impression que les emplois de solidarité deviennent de l'emploi standard à bon marché. C'est une solution utilisée de plus en plus quand l'Etat délègue des compétences à des associations, à des fondations, voire - ce qui est proposé aujourd'hui - à des entreprises privées. C'est donc une façon de déléguer de l'emploi bon marché à des acteurs tiers ! C'est faire des économies sur le dos des chômeurs, et nous le déplorons vivement.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme Dominique Rolle, deuxième rapporteur de majorité. (Le micro de l'oratrice ne fonctionne pas.) Venez, Madame, à la place qui se trouve en face de M. Schaller.

Mme Dominique Rolle (MCG), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. (Le micro fonctionne.) Cette fois sera la bonne: je m'entends !

A la lecture de ce PL, j'ai quand même été édifiée. En effet, sous le couvert de mesures tout à fait cosmétiques de réinsertion sur le marché de l'emploi - qui, d'ailleurs, ne donnent pas satisfaction - j'ai surtout vu une volonté de réduire les chômeurs en les mettant dans une cangue ! Alors voici la question qui me venait un peu ironiquement: à quand les chômeurs équipés d'un bracelet électronique ?

Je peux aussi déplorer ceci. Toutes ces mesures reposent, à mon avis, sur un vice juridique: la contrainte. Parce que, quand vous obligez des gens à accepter un travail, d'ailleurs dans des structures qui ne sont pas conventionnées, je me demande si ce n'est pas du travail forcé ! (Remarque.) Je déplore aussi la violence institutionnelle de ces dernières années, laquelle s'est chaque fois accrue avec une modification ou, éventuellement, des règlements internes. Si le Conseil d'Etat avait vraiment voulu réduire le problème du chômage, il aurait veillé à ce que chacun de ces contrats débouche sur un contrat d'embauche. Or ce n'est pas le cas ! On peut aussi déplorer, comme le disait mon préopinant, la création d'une main-d'oeuvre exclusive d'utilisation, sans réelle volonté de réinsertion.

J'aimerais aussi - parce que je n'étais pas membre de la commission - savoir pourquoi n'a pas été présentée une loi qui oblige les établissements publics autonomes ainsi que les entreprises au bénéfice de subventions étatiques à annoncer les postes à repourvoir. Je dénonce par ailleurs le fait que les cotisations de chômage ne sont pas prises en compte lorsque le chômeur renouvelle son délai-cadre; c'est quelque chose qui a été aussi oublié.

De plus, je dénonce le business juteux de ces associations plus ou moins fictives, comme Art'Traction, dont le directeur gagnerait, d'après ce qui m'a été rapporté, plus de 200 000 F à l'année. Cela vaut le coup, quand même ! (Remarque.) Eh bien si ! J'ai vu cela via un PV.

Au MCG, on ne peut que condamner ce genre de mesures. En outre, il y a un flicage de plus en plus important, puisqu'on s'adresse maintenant à un médecin-conseil, alors qu'on sait combien cela pose de problèmes dans les entreprises et combien cela prétérite les employés, qui se voient surveillés ! C'est à présent le tour des chômeurs... Voilà encore une petite mesure sympathique qui permettra d'encore plus resserrer les contraintes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...liées à ce projet de loi !

J'aimerais encore mentionner ceci. J'ai lu un article intéressant, paru sur JobticMag, de Mme Gorgé, qui est en fait la directrice de Trialogue. Elle aussi déplore que les chômeurs subissent cette violence institutionnelle, simplement parce qu'on reporte leur responsabilité en les voyant comme des abuseurs en puissance. Ce n'est pas le cas: les chômeurs sont des victimes ! Finalement, on exige d'eux institutionnellement ce que l'on n'exige même pas des prisonniers, qui pourtant, eux, ont commis des délits pénaux - évidemment, je trouve cela parfaitement condamnable.

Ce projet de loi présente également un important risque d'évasion des données. De même, il y a une ingérence constante dans la sphère privée des chômeurs, profitant de leur fragilité pour, précisément, avoir la mainmise et, sous couvert de les cadrer, les fliquer. D'ailleurs, les médecins du travail ne sont pas dupes - même les médecins tout court ! Et le problème de ce magnifique projet de loi - et même de la loi sur le chômage en elle-même - est qu'il n'y a aucun contrepoids à ce pouvoir, désormais exorbitant, accordé aux personnes mandatées par l'Etat, pour évaluer l'aptitude, le travail et le potentiel. Du reste, la question suivante se pose: ces personnes sont évaluées dans des EPI, alors je me demande bien pourquoi des chômeurs sont évalués dans des organismes qui traitent des handicapés ! Visiblement, le fait de manquer de travail est un handicap... Ainsi, les chômeurs n'ont pas le moyen de se retourner contre une décision qui peut avoir été prise de manière arbitraire.

En tout cas pour ce premier tour, je m'en tiendrai là, et j'invite mon groupe - de même que Mmes et MM. les députés - à rejeter cet ultime projet de contrainte des chômeurs. En effet, encore une fois, on monte d'un cran dans des mesures iniques, puisque, en plus, les chômeurs seront désormais à la merci des employeurs; ils seront sans encadrement, évalués par des personnes de l'Etat qui n'ont pas forcément les compétences pour le faire, que ce soit en matière d'encadrement ou en lien avec le secteur de la personne. C'est donc pour toutes les raisons que j'ai évoquées que je vous invite à refuser ce projet de loi.

Le président. Merci, Madame le rapporteur de deuxième minorité. Je donne maintenant la parole au rapporteur de majorité sur le PL 10677, M. le député Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Comme ces projets de lois sont liés, il faut évidemment les traiter dans leur ensemble. C'est pour cela que je m'exprimerai sur le tout.

D'abord, je suis un peu frappé par l'intervention de Mme Rolle, pour qui Genève est une île qui ne doit pas tenir compte du droit fédéral... Je lui rappellerai quand même que les lois qui ont été élaborées avec conscience - dans le cadre d'une logique et d'une stratégie - par le département de M. Longchamp sont surtout et avant tout des lois d'application du droit fédéral. Donc je trouve les propos de Mme Rolle totalement déplacés, étant précisé que, en plus, elle n'était pas membre de la commission et qu'elle n'a donc pas participé à ses travaux. C'est un peu dommage, car l'un des grands intérêts des travaux de cette commission, je tiens à le souligner, c'était la richesse des auditions que nous avons eues. Nous avons auditionné beaucoup d'acteurs du domaine de l'entreprise, des syndicats, et - on y reviendra certainement plus tard - de l'économie sociale et solidaire. On est loin, en termes de prise en charge, de la vision d'horreur que Mme Rolle nous décrit dans sa perspective apocalyptique et complètement déplacée.

Le chômage est clairement un fléau, il faut le combattre, et la stratégie mise en place par le département dirigé par M. Longchamp suit une logique de prise en charge efficace, qui passe par un suivi renforcé, comme l'a dit mon collègue Schaller, avec des délais plus courts et la création de stages de requalification. Pour la petite histoire, les socialistes - qui reviendront certainement avec leur amendement - ont chipoté durant des séances entières sur le terme de «requalification» qui leur paraissait péjoratif. On parlait donc plus de la forme que du fond ! Le projet qui nous a été soumis prévoit un renforcement des aides au retour à l'emploi et un développement des emplois de solidarité, avec pour priorité absolue - il a été répété par tous les acteurs que c'était une priorité absolue - de limiter la durée du chômage, qui est le pire fléau pour la réinsertion dans le monde du travail.

Nous avons aussi appris l'importance de la collaboration avec les entreprises, sujet évidemment difficile pour le parti socialiste, qui a toujours une prévention négative vis-à-vis du monde de l'entreprise. C'était donc de toute façon... (L'orateur est interpellé par M. Roger Deneys.) Je ne vous ai pas interrompu, Monsieur Deneys ! Il s'agit donc de collaboration avec les entreprises - et non pas de suspicion généralisée - et de collaboration avec les associations de l'économie sociale et solidaire. Contrairement à ce que dit Mme Rolle, ce ne sont pas des esclavagistes - nous y reviendrons plus tard - mais des gens qui font un travail remarquable ! Je pense aux associations PRO et PARTAGE, dont nous avons entendu les représentants, qui nous ont dit pourquoi ces emplois étaient essentiels pour que les chômeurs en fin de droit, notamment, ne tombent pas dans la précarité et ne soient pas totalement exclus du tissu social.

M. Deneys nous a dit que le parti socialiste avait proposé de très nombreuses mesures pour essayer d'améliorer la situation. Au fond, la plupart de ces mesures ont pour conséquence un allongement de la durée du chômage et vont donc à fin contraire d'une réinsertion rapide. Certaines sont clairement contraires au droit fédéral, parce qu'elles représentent le retour sous forme cachée des emplois temporaires cantonaux, dont Berne a souligné le caractère illégal et dont les spécialistes, le professeur Flückiger entre autres, ont relevé le caractère pernicieux en matière de retour à l'emploi; certaines mesures visent aussi à introduire un salaire minimum pour les stages de formation. Je vous rappellerai quand même que la population genevoise a nettement rejeté l'introduction d'un salaire minimum... Ce serait quand même un comble qu'un tel salaire minimum soit introduit par le biais de la loi sur le chômage. Ensuite, il y a une volonté claire de saboter les emplois de solidarité, de toutes les manières, en disant notamment qu'il fallait les limiter dans le temps. Or, cela a été clairement indiqué par les représentants de Berne, ce n'est pas compatible avec le droit fédéral. Toutes sortes de manoeuvres ont donc été entreprises pour essayer de mettre à mal ce projet de loi du Conseil d'Etat, projet qui répond à une logique, à une stratégie et à une volonté de prise en charge dynamique du problème du chômage.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Le PL 10677, déposé avant le projet de loi du Conseil d'Etat, visait effectivement à améliorer, comme le PL 10821, le dispositif voté lors de la précédente modification de la loi. Sans préjuger du fond, la commission ayant décidé de travailler d'abord sur le projet de loi du Conseil d'Etat - comme je l'ai dit, on en a pris acte - il y a une question de méthode. Fallait-il voter l'entrée en matière de ce projet de loi avant que le projet de loi du Conseil d'Etat, le PL 10821, soit accepté ou refusé ? Il était tout à fait possible à la commission de l'économie de suspendre la décision sur l'entrée en matière de ce projet de loi 10677 en attendant la décision de notre Grand Conseil, voire le résultat d'un référendum sur le projet de loi du Conseil d'Etat. Puis, le cas échéant, les socialistes auraient aussi pu décider de retirer ce projet de loi !

Nous avons proposé un certain nombre d'améliorations; certaines d'entre elles ont été retenues, et nous en sommes satisfaits. Nous avons encore d'autres amendements à déposer, et nous le ferons. Le résultat final permettra de dire si le PL 10677 a encore un sens. C'est M. Cuendet qui s'est fait le partisan d'une décision immédiate, ce qui est assez paradoxal, parce que M. Cuendet n'a ensuite pas rendu son rapport, ce qui a obligé notre Grand Conseil à reporter le débat sur le PL 10821 ! (Exclamations.) Alors les méthodes dilatoires du PLR ne m'étonnent guère, mais c'est vrai que, en l'occurrence, il était simplement possible de parler du PL 10821 en fonction de la décision d'éventuellement reprendre ou non le PL 10677.

Pour le reste, des explications nous ont été données en commission, en particulier concernant la mesure de limiter à quatre ans les emplois de solidarité, mesure que M. Flückiger, en tant qu'expert, trouvait relativement intéressante. En effet, on n'arrête pas, dans ce parlement, de dire que rester durablement dans des dispositifs du chômage est précisément un problème... Or notre but, là, était de dire que ce n'est pas une durée illimitée. Mais cela pose effectivement un problème au niveau du droit fédéral. Par conséquent, nous n'avons pas insisté dans cette mesure, nous n'avons pas déposé d'amendement. C'était dans le projet de loi initial, nous en avons pris acte et n'avons pas maintenu cette mesure. Ce n'est pas un amendement du troisième débat ni un amendement que nous déposons aujourd'hui.

Je pense qu'il faut vraiment prendre conscience du fait que les socialistes sont extrêmement pragmatiques et ont surtout fondé leurs remarques et amendements sur les observations des associations concernées, l'Association de défense des chômeurs et le Trialogue, de Mme Gorgé, ainsi, bien entendu, que les syndicats. D'ailleurs, cela me fait assez sourire, parce qu'il me semble que M. Cuendet a basé une bonne partie de son argumentation, hier soir, concernant les initiatives de l'ASLOCA, sur les commentaires des syndicats, pour fustiger ces initiatives. Et, ce soir, on a un courrier de la CGAS - dont on aurait d'ailleurs pu demander la lecture - qui nous demande d'entrer en matière sur tous les projets de lois qui n'ont pas été débattus. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes demandent donc que le PL 10677 soit renvoyé à la commission de l'économie, parce que son sort est lié à celui qui sera réservé au PL 10821.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Est-ce une demande formelle de renvoi ? (Commentaires.) Oui, mais permettez que je vous pose une question, Monsieur Deneys ! Ou bien êtes-vous déjà susceptible à 18h ? (Commentaires.) Très bien ! Nous passons donc au vote sur le renvoi en commission... (Remarque.) Oui, Monsieur le rapporteur de majorité Edouard Cuendet, vous avez la parole.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président; je souhaite m'exprimer sur le renvoi en commission. On m'accuse de faire du dilatoire en ayant deux mois de retard sur le rapport de majorité: le renvoi en commission n'est cependant rien d'autre qu'une mesure totalement dilatoire, et il ne faut pas tomber dans ce jeu-là.

Quant à ma référence aux syndicats, je dirai ceci. Les syndicats sont en général les alliés des socialistes. Quand ils contredisent clairement les socialistes, il est absolument normal que le rapporteur de majorité que j'étais hier soir y fasse référence. Et là, je ne vois vraiment pas le problème. De plus, comme le disait très justement M. Deneys, le PL 10677 est intimement lié au PL 10821; il est donc absolument logique de les traiter en même temps. Par conséquent, un renvoi en commission n'a aucun sens. Tous les travaux ont été faits, toutes les auditions ont été effectuées, et le parti socialiste a usé et abusé de la possibilité de présenter des amendements en commission, inspirés du PL 10677. Par conséquent, c'est purement dilatoire, et l'on voit que le parti socialiste commence dès les premières minutes du débat à faire du dilatoire.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur le renvoi du PL 10677 à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10677 à la commission de l'économie est rejeté par 60 non contre 26 oui.

M. Jacques Jeannerat (R). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi en préambule de prendre quelques secondes pour parler des rapports de minorités. Vous savez que je ne suis pas souvent d'accord avec mon collègue Roger Deneys, mais, au moins, son rapport est légitime, parce que lui a participé aux séances de la commission. Ce qui n'est pas le cas du rapporteur de deuxième minorité ! En effet, sa représentante n'est arrivée qu'à la quinzième séance - il y a eu quinze séances, a dit M. Schaller - et, durant les quatorze autres séances, les représentants de son parti ont voté comme la majorité; puis elle est arrivée comme un cheveu sur la soupe, et elle nous raconte des salades et des trucs, en parlant de contraintes, de machins... C'est complètement n'importe quoi, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est du n'importe quoi ! Voilà pour le préambule.

Mesdames et Messieurs, le principal changement en matière de chômage à Genève n'est pas dans les projets de lois de ce soir, mais bien dans le projet de loi que nous avons voté en 2008, pour lequel le peuple a d'ailleurs donné son approbation. L'essentiel à retenir du rapport qui accompagne le projet de loi 10821, c'est que la stratégie de lutte contre le chômage est orientée vers le retour à l'emploi.

Permettez-moi de revenir justement sur les principales modifications de la loi sur le chômage en 2008. Il y a d'abord une prise en charge plus rapide et plus dynamique des demandeurs d'emploi, par l'introduction de jalons et de parcours plus marqués. En deuxième lieu, la loi est mise en conformité avec la LACI par la suppression des emplois temporaires cantonaux, qui ont été longtemps dénoncés par la Confédération. De plus, la proximité avec les employeurs est renforcée; l'office cantonal de l'emploi, il faut le saluer, a fait des démarches auprès de certains employeurs - il y a encore de la marge, mais on est dans le bon pli. Enfin, il y a la création de programmes d'emplois de solidarité - même si cela déplaît à M. Deneys. Ils s'adressent aux demandeurs d'emploi en fin de droit qui n'ont pas forcément la chance d'entrer dans le marché principal, et ce ne sont pas - non, Monsieur Deneys ! - des emplois bon marché. Les gens qui sont au bénéfice de cette mesure seraient vraiment vexés de parler d'emplois bon marché.

Venons-en maintenant au projet de loi 10821 qui nous concerne. Il accentue cette notion de jalons et d'étapes dans le parcours du chômeur, notamment avec la possibilité d'utiliser les stages d'évaluation à l'emploi comme un outil supplémentaire pour établir le diagnostic et les besoins réels de chaque demandeur d'emploi. En outre, le rapporteur de la majorité l'a souligné, l'anticipation de l'échéance de neuf mois à douze mois est, je crois, un point important.

Un autre élément important qui a retenu notre attention, c'est la création de places de stage de requalification afin de favoriser l'anticipation des mesures d'activation à l'emploi. Cet élément est extrêmement important. Un deuxième élément primordial dans ce projet de loi est le renforcement des ARE, les allocations de retour en emploi. Jusqu'à maintenant, elles étaient limitées au territoire de notre canton - on sait pourtant que l'économie n'a pas de frontières. Désormais, avec le projet de loi qui nous concerne ce soir, un chômeur genevois qui pourrait trouver un emploi dans le canton de Vaud, dans la région de Nyon par exemple, pourra bénéficier de l'allocation de retour en emploi. Je crois que c'est un élément qui n'est pas un détail... C'est important ! L'une des façons de lutter contre le chômage, c'est aussi la mobilité des travailleurs. Et le district de Nyon est une région dynamique sur l'ensemble de l'arc lémanique, et bon nombre de Genevois pourraient y trouver un emploi. Il s'agit également d'ouvrir cette prestation, les ARE, aux chercheurs d'emploi qui ont exercé une activité indépendante mais qui sont en échec avec leur entreprise.

En outre, il y a un accent important - Monsieur Deneys, je pense qu'il faudrait tout de même le reconnaître - avec un développement pour les emplois de solidarité. La finalité, c'est vraiment le retour sur le marché primaire chaque fois que cela est possible. Le succès des emplois de solidarité nécessite certainement d'élargir l'éventail, d'agrandir l'échelle, pour que l'on puisse davantage proposer cette mesure aux gens qui ont de la peine, une fois qu'ils ont épuisé leurs indemnités fédérales, à revenir dans le circuit du travail. Donc il faut élargir ce cadre, probablement à d'autres partenaires comme des collectivités publiques ou des institutions de droit public.

Voilà pour l'essentiel les éléments pour lesquels le PLR vous recommande, Mesdames et Messieurs, d'adopter le projet de loi 10821 tel qu'il est ressorti des travaux de la commission de l'économie.

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, après quinze séances et de longues discussions, de cette commission ressort maintenant un projet de loi qui satisfait une majorité - incluant les Verts, par réalisme. C'est un projet de loi praticable, qui réorganise la solidarité que la communauté doit au plus faible, ou au plus affaibli, par l'éloignement du monde du travail. C'est un projet de loi qui contribue à lutter contre l'exclusion du monde du travail, car la réalité genevoise, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'une proportion importante de demandeurs d'emploi se retrouvent au chômage de longue durée - ce qui peut signifier des années - sans avoir bénéficié de mesures de formation ou de requalification qui leur permettraient de se replacer dans le monde du travail.

Le travail, le fait d'avoir un travail, vous le savez, fournit à chacun la reconnaissance sociale qui permet de vivre ensemble. Cette expérience du chômage de longue durée a des répercussions psychologiques sur les demandeurs d'emploi, ainsi, évidemment, que sur leur famille et sur le bien-être de cette dernière. Cette exclusion génère un sentiment d'abandon, d'exclusion et, finalement, d'injustice. C'est cet engrenage vers l'exclusion, la perte d'identité et, en définitive, la désagrégation sociale, qui rend ensuite difficile le retour vers l'emploi lorsque le chômage perdure pendant des années. C'est précisément cet engrenage que ce projet de loi doit et veut enrayer. Le fait de pouvoir bénéficier d'offres indemnisées de requalification pendant la période de chômage ou à l'issue de cette dernière, par le biais de différents outils de requalification, est justement déterminant pour le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi et surtout des demandeurs d'emploi de longue durée.

Quels sont les grands arguments de ce projet de loi ? D'abord, il accélère la mise en oeuvre des stages de requalification attribués après évaluation. Ensuite, il ouvre cette mesure aux personnes ayant exercé une activité indépendante, et ceci est, à notre connaissance, chose nouvelle et unique en Suisse, et cela sur une proposition Verte et socialiste. Il ouvre aussi cette mesure de requalification aux demandeurs d'emplois dès l'âge de 50 ans. De plus, il ouvre les allocations de retour en emploi aux personnes qui ont exercé une activité indépendante - c'est aussi nouveau - et ce dès l'âge de 50 ans. C'est l'article 30. Il donne également la possibilité de bénéficier d'une allocation de retour en emploi dans une entreprise hors canton et abaisse l'âge de 55 à 50 ans, ce qui est aussi nouveau. Nous prenons acte que nous vivons en Suisse, pas seulement à Genève, et que nos demandeurs d'emploi peuvent aussi retrouver un travail pas très loin de la frontière. Enfin, ce projet de loi étend à une durée de 24 mois la participation financière à ces mesures de requalification.

La troisième mesure s'adresse particulièrement aux demandeurs d'emploi de longue durée: le soutien et le développement des emplois de solidarité - dont certains intervenants viennent de parler. Globalement, ce projet propose aussi d'individualiser les mesures en les modulant selon l'âge et selon les compétences, ce en fonction d'un suivi individualisé, qui sera lui-même déclenché beaucoup plus tôt et dont nous attendons évidemment des effets plus rapides.

Pour terminer, je mentionne encore ceci. Sur un amendement Vert, la commission a réparé une injustice - avec l'accord du département, qui a trouvé cette idée pas mauvaise - qui découle de la dernière réforme de la LACI, laquelle introduisait en Suisse un délai d'attente de six mois, avant que les jeunes diplômés puissent bénéficier d'une allocation de chômage. Cette injustice est réparée par l'article 6B, alinéa 4, qui fait que l'Etat genevois prendra en charge les indemnités pendant le délai d'attente, cela, bien sûr, avec le souhait d'accélérer l'insertion des jeunes diplômés dans le monde du travail.

Finalement, le groupe Vert est presque satisfait. Par réalisme, il soutiendra ce projet de loi et vous demande de faire de même, pour améliorer réellement la vie des chômeurs et surtout des chômeurs de longue durée. Par réalisme, parce qu'un pas de fait en vaut cent ! Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir ce projet de loi.

Mme Christina Meissner (UDC). Je commencerai par des remerciements, surtout au vu de certaines personnes qui sont à la tribune, et je les adresserai aussi, évidemment, à notre conseiller d'Etat, pour avoir accompagné avec assiduité nos travaux en commission. C'est un travail énorme qui a été accompli, cela a déjà été dit, et merci à tous de nous avoir éclairés sur l'ensemble des mesures qui sont proposées.

Cela a été relevé par plusieurs préopinants, il s'agit, avec ce projet de loi, de procéder à une adaptation cantonale, suite aux modifications intervenues au niveau fédéral et après une votation populaire. Il s'agit surtout - c'est à saluer - d'une adaptation qui suit une évaluation sur le terrain. Selon les situations, il convient de faire évoluer la loi, et c'est ce que le Conseil d'Etat a fait. Certes, cette loi ne sera jamais parfaite, et il sera nécessaire - encore - d'évaluer et de la faire évoluer. Je pense notamment qu'il faudra répondre de manière encore plus spécifique à de nouveaux besoins, je pense à ceux des chercheurs de Merck Serono. Aujourd'hui, des mesures d'accompagnement sont proposées; eh bien, ces chercheurs aux qualifications spécifiques auront besoin d'un accompagnement spécifique, qui, à mon avis, est clairement encore à développer. Je pense aussi, qui sait, aux besoins des employés de Procter & Gamble, voire de Hewlett Packard, selon ce qui risque d'arriver - la liste ne fait que commencer. L'ouvrage est et devra rester sur le métier, et nous remercions le Conseil d'Etat de rester vigilant par rapport à ces besoins spécifiques.

Il est aujourd'hui nécessaire de rester sur le circuit, de se sentir utile, et les mots-clés des modifications qui sont proposées par le projet de loi du Conseil d'Etat sont: solidarité, requalification et intégration. Il convient d'avoir une prise en charge plus rapide - moins de temps passé au chômage - et plus ciblée, qui soit adaptée autant aux jeunes qu'aux plus âgés, et aux indépendants. C'est cela qu'il fallait, et nous remercions le Conseil d'Etat de l'avoir fait. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC suivra et adoptera, bien entendu, ce projet de loi.

Si vous permettez, puisqu'il faut se prononcer sur deux projets de lois, je vais maintenant parler de celui des socialistes. Soyons clairs. Nous avons passé des semaines à pinailler - excusez-moi, peut-être que ce n'est pas le bon mot à utiliser - sur des termes. Sur des termes ! «Mesure de formation» plutôt que «stage de requalification»: au final, personne ne remettait en cause la mesure, mais juste sa formulation ! Or la mesure figure dans ce projet de loi que nous soutenons et que nous avons voté. Donc, au vu des majorités qui se sont développées et déclarées en commission, et de cette majorité qui se dessine - une fois de plus - par rapport à un retour en commission de votre projet de loi, Mesdames et Messieurs les socialistes, soyez raisonnables. Les mesures sont prises, et c'est l'essentiel. Le reste, ce sont des mots et une question de fierté mal placée. Alors finissons-en avec ce projet de loi. Les mesures sont prises. Et puis, si vous n'avez pas compris le message en commission, vous le comprendrez sans doute aujourd'hui en plénière.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, oui, il y a des améliorations et, dans ce sens, nos institutions ont fonctionné, dans l'absolu, en adaptant une loi à la réalité, de manière que cette loi tende à être au service de la population et de ses besoins, non le contraire. Et c'est bien. Les députés Roger Deneys et François Lefort, d'autres l'ont dit, ont souligné le fait que les indépendants pourront désormais bénéficier des mêmes mesures d'accompagnement que les autres demandeurs d'emploi. C'était là l'un de nos souhaits. De plus, ces demandeurs d'emploi seront aussi plus rapidement au bénéfice de mesures d'activation. Par ailleurs, l'âge d'accès à ces différentes mesures sera abaissé à 50 ans. En outre, la relation avec les entreprises offrant des postes de travail sera dynamisée. Last but not least, la possibilité de bénéficier d'une allocation de retour en emploi s'appliquera à un travail n'importe où en Suisse, de manière à augmenter les possibilités pour le demandeur d'emploi. Il est ainsi pris acte du fait que le canton n'offre pas toutes les activités possibles, et qu'il n'y a ainsi pas de symétrie entre les compétences d'une personne et les emplois offerts sur un territoire.

Nous ne pouvons qu'être satisfaits que le projet du Conseil d'Etat ait intégré une grande partie des propositions contenues dans le projet de loi socialiste 10677 déposé en juin 2010, comme le rappelait l'un de mes préopinants. Mais les travaux sur ce projet de loi, visant à l'amélioration de la loi sur le chômage et à en faire un bilan, nous laissent un goût mitigé et d'inachevé. Pourquoi alors - si ce n'est pour attiser un clivage gauche-droite, décrédibiliser les réflexions du groupe socialiste et occulter une discussion plus large sur des points que le Conseil d'Etat ne souhaitait pas aborder - avoir considéré le projet de loi 10677 et ses propositions en le traitant par-dessus la jambe ? Ce projet, déposé avant tous les suivants et celui du Conseil d'Etat, a en effet été tout bonnement mis de côté, jusqu'à arriver au point où la majorité des commissaires pouvait tout simplement refuser son entrée en matière.

Mesdames et Messieurs les députés, la peur du franc supplémentaire tend à occulter les débats de fond, et l'on préfère en général, dans la majorité de ce parlement, augmenter les dépenses de l'aide sociale - il est ainsi toujours possible de dire que l'on n'y peut rien et que c'est l'effet d'une conjoncture mauvaise - plutôt que de s'attaquer à nos politiques sociales et de leur donner un visage humain qui préserve la dignité de nos concitoyens. De la sorte, plusieurs discussions de fond, que nous avons proposées dans nos projets de lois et instamment demandées, ont été occultées.

En effet, il nous semblait et il nous semble toujours essentiel de débattre des emplois de solidarité, non pas pour les supprimer, comme l'a laissé entendre le conseiller d'Etat, avec des accusations inopportunes à notre encontre, mais pour nous assurer, premièrement, que nous ne créons pas un sous-marché de l'emploi à prix cassés, en remplacement de fonctions, de prestations et de métiers existants, au risque de précariser les personnes qui auraient déjà la «chance», entre guillemets, d'avoir un emploi et qui devraient s'en satisfaire. Deuxièmement, le but est que ces emplois de solidarité soit constituent un véritable tremplin vers le retour à des emplois moins protégés, soit puissent constituer des ponts vers une fin de carrière à des conditions évolutives, notamment en matière de salaire.

Il nous semblait aussi fondamental de nous préoccuper sérieusement de la qualification des demandeurs d'emploi, qu'ils soient dans les mesures d'activation ou au bénéfice d'un emploi de solidarité. Tout ce que nous avons pu obtenir, c'est l'assurance que le programme d'emplois temporaires comprenne une dimension formatrice, maigre consolation dans un canton qui se targue d'être à la pointe en matière de formation professionnelle. Et l'on n'a rien du côté de l'emploi de solidarité, au prétexte qu'il est un emploi comme un autre et que, dès lors, l'employeur peut recourir au dispositif existant pour les entreprises et via les associations professionnelles: une fois, ce n'est pas vraiment un emploi lorsqu'il s'agit de parler de salaire; une autre fois, c'est un vrai emploi lorsqu'il faut éviter de débourser un sou pour la formation.

Nous aurions, Mesdames et Messieurs les députés, pu aussi discuter plus avant du rôle accru des institutions, notamment de l'économie sociale et solidaire - dans l'accompagnement du chômeur - lesquelles, plus proches du terrain et des réalités du travail, dotées de réseaux, de clientèle et de compétences pointues, sont souvent avantageusement placées par rapport aux collaborateurs de l'office cantonal ou de l'office régional de placement, pour fabriquer une prestation sur mesure et donc plus efficace. Nous aurions pu veiller aux endroits où cette loi risque de précariser encore plus les personnes, notamment face à la maladie, pour les mettre dans un cercle vertueux plutôt que de les entraîner dans une spirale aboutissant encore une fois à l'aide sociale. Nous aurions aussi pu, comme le permet la loi fédérale, discuter plus avant des mesures de prévention en emploi et les développer, comme le soutien à la qualification des employés sans formation, par exemple dans l'hôtellerie ou les services à la personne. Nous aurions pu être ambitieux, parce que l'on ne révise pas tous les jours la loi sur le chômage. Nous aurions aimé une révision sur le mode «et-et» et non pas sur le mode «ou-ou». Nous aurions pu ! La majorité de la commission a exécuté le projet du Conseil d'Etat et, agacée, a évité le débat, alors que la commission avait auditionné largement et disposait d'un matériau important, incluant le rapport du Conseil d'Etat, lui-même riche en enseignements. Mais il y a un seul pilote dans l'avion, et le Grand Conseil devrait déjà être content et se satisfaire d'avoir une place de passager !

Mesdames et Messieurs les députés, nous reviendrons plus tard... (Commentaires.) ...en deuxième débat, sur quelques points, au travers des amendements que nous avons déposés.

Présidence de M. Gabriel Barrillier, premier vice-président

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Eric Stauffer - qui a bien respiré, j'espère !

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Je vous rassure: je respire très bien !

Mesdames et Messieurs les députés, nous traitons aujourd'hui un sujet qui, malheureusement, passionne les Genevois, énerve beaucoup la population... Et les bonnes réponses ne sont pas encore apportées. J'en veux pour preuve qu'aujourd'hui nous entendons le bloc de droite dire: «Eh bien voilà, il y a une mesure pour ceci, il y a une mesure pour cela, encore une mesure pour cela, et c'est très bien.» C'est parfait ! Aujourd'hui, on a créé deux catégories de citoyens à Genève: les frontaliers, qui travaillent et qui gagnent bien leur vie, et les gens qu'on met en emploi temporaire et que l'on exploite.

Vous le vous savez, Mesdames et Messieurs, toutes les sociétés peuvent faire appel aux services de M. Longchamp pour dire: «Nous avons besoin d'un emploi de solidarité, parce que nous voulons réinsérer un chômeur.» Mais, en fait, on exploite. Un supermarché fait très bien cela: il a engagé majoritairement des frontaliers, et aujourd'hui il vient à la rescousse des chômeurs genevois en leur proposant des stages, non pas rémunérés comme des vendeurs mais comme des stagiaires, payés à la fronde, pour aller au supermarché ranger les rayons et les chariots ! Alors vous irez expliquer, Mesdames et Messieurs de la droite, à ces anciens employés de banque - qui jadis vous faisaient confiance et votaient libéral, et qui se sont retrouvés sur le carreau - qu'ils doivent aller pousser des chariots à la Migros, pour un salaire de stagiaire ! Parce que s'ils refusent, ce ne sont pas de bons citoyens ! J'espère vraiment, Mesdames et Messieurs, que la sanction, le 17 juin, tombera sans appel pour condamner cette politique irresponsable que vous êtes en train de mener auprès de la population genevoise !

Or un autre phénomène est survenu, Mesdames et Messieurs. Ce phénomène est extraordinaire ! J'ai déposé deux interpellations urgentes écrites, que vous pourrez retrouver, Mesdames et Messieurs, sur le site du Grand Conseil, sous les numéros IUE 1420 et IUE 1421. Etant donné que nous n'arrivions pas à avoir une réponse satisfaisante de M. le conseiller d'Etat, je me suis adressé directement à Berne, au SECO, qui m'a fait parvenir...

Le président. Monsieur le député, s'il vous plaît: j'aimerais bien que vous reveniez au projet de loi, ce serait plus efficace.

M. Eric Stauffer. Monsieur le président, je ne suis pas en train de parler de la sexualité des fourmis rouges sur la Lune, mais du SECO, c'est-à-dire des mesures et contraintes qu'impose le SECO aux offices cantonaux de l'emploi. Donc je ne suis pas vraiment hors sujet ! Je sais que ce dossier va vous énerver, parce que ce sont de nouvelles directives, on a menti à la population suisse, et je vais vous le révéler ce soir. Je vous lis juste le courriel que j'ai reçu, qui est reproduit intégralement aux pages 4 et suivantes du document IUE 1421-A: «Monsieur, à la demande de M. Gaillard, nous vous adressons la communication du 7 mars 2012 que le SECO a fait parvenir aux organes d'exécution de la loi sur l'assurance-chômage en vue de l'entrée en vigueur des règlements (CEE) No 883 et 987/2009, le 1er avril 2012.» Que dit ce règlement ? Eh bien, il dit que les frontaliers peuvent venir s'inscrire à la caisse de chômage genevoise et bénéficier des stages, des formations et des placements ! Voilà ce que vous, partis majoritaires, avez réussi à faire à la population genevoise !

Cette directive est en vigueur, Mesdames et Messieurs ! Cette directive va finir d'anéantir le tissu social genevois ! Parce qu'on imagine bien, Mesdames et Messieurs, qu'un chômeur frontalier, payé en euros de l'autre côté, en France, aura tout intérêt à venir s'inscrire à la caisse de chômage genevoise pour pouvoir bénéficier des requalifications et des stages de formation, même payés au tarif stagiaire, avec lequel nos résidents ne pourraient même pas régler leur loyer et leur prime d'assurance-maladie; mais eux gagneront trois fois et demie le SMIC de la France ! Extraordinaire, Mesdames et Messieurs ! Voilà ce que vous avez réussi à faire ! Aujourd'hui, vous venez vous gargariser; c'est tout juste - avec les ricanements que vous avez émis lorsque notre collègue socialiste parlait - si vous n'avez pas dit: «Ces chômeurs, ce sont des flemmards, de toute façon ! Autant couper.»

Et puis, vous allez entendre, dans quelques instants, le ministre du département de la solidarité et de l'emploi vous dire: «Mesdames et Messieurs, le chômage est au plus bas depuis les dix dernières années ! Nous n'avons plus que 11 000 chômeurs, alors qu'il y en avait 16 000 il y a encore quatre ans.» Oui, mais j'ai la solution: on réduit les prestations à douze mois, et je vous divise le chômage par deux... Et il n'y aura plus que 6000 chômeurs ! Parce qu'on aura mis les autres à l'assistance sociale ! Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que, dans le canton de Genève, 105 000 personnes sont au bénéfice des subsides d'assurance-maladie parce qu'ils ne gagnent plus assez pour payer leurs primes ! Cela s'appelle un thermomètre social ! Vous êtes, avec votre politique irresponsable en matière d'emploi, en train de détruire la Genève d'en bas ! Et lorsque la Genève d'en bas viendra vous le dire en manifestant... Parce que nous sommes en train de paupériser notre population ! Il n'est pas normal, Mesdames et Messieurs, et nous avons dénoncé cela hier, que les TPG - après la Fondation des parkings, qui avait engagé plus de 50% de frontaliers en payant toutefois Manpower 200 000 F - procèdent, le 25 mai, à la prestation de serment de 96 chauffeurs... (Commentaires.) ...dont 45 frontaliers. Je n'ai pas dit «chauffards», j'ai dit: «chauffeurs»...

Une voix. «Schauffer» !

M. Eric Stauffer. ...dont 45 frontaliers, Mesdames et Messieurs ! Il y a eu 1000 demandes d'emploi qui ont été formulées localement. Et nous avons reçu un témoignage, Mesdames et Messieurs: un candidat a été écarté par les TPG et - ô miracle ! - il a été engagé par le canton voisin pour les transports publics. Son seul défaut: il était suisse. On préfère aujourd'hui engager des frontaliers. Cette politique...

Le président. Voilà, il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président. Cette politique doit cesser ! Aujourd'hui, le MCG propose des solutions concrètes, non pas des mesures pour vous donner bonne conscience, Mesdames et Messieurs. Nous avons déposé un projet de loi qui oblige les secteurs public et privé à annoncer tout poste vacant à l'office cantonal de l'emploi - cela fonctionne en Allemagne; charge, ensuite, au département de M. Longchamp d'être efficace et de proposer des candidats avec de bons dossiers. (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. Voilà, Monsieur le député ! Vous êtes arrivé au bout. Je vous remercie. La parole est maintenant à M. Serge Hiltpold.

M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, je précise en préambule la position du groupe libéral du PLR. Effectivement, nous soutiendrons ce projet de loi, qui répond aux exigences d'un monde d'aujourd'hui et surtout de demain. Les principaux axes ont été précisés par l'excellent rapport de majorité de M. Schaller, je ne vais pas tous vous les énumérer. Je relève brièvement la réduction du délai d'activation des stages de requalification et d'évaluation, et l'ouverture des stages aux plus de 50 ans et aux indépendants.

Voici ce qui m'intéresse surtout, avec toutes les théories - émises par divers députés - que j'entends dans ce parlement depuis hier, avec Merck Serono. En tant qu'entrepreneur, je vais vous parler surtout de l'emploi et des ARE - allocations de retour en emploi. Ce qui est important quand vous voulez remettre quelqu'un sur le marché, c'est de le placer et de trouver un employeur qui l'engage. Lorsqu'un employeur ouvre un poste, il ne le fait pas forcément facilement, parce que, quand vous dirigez une PME, vous n'allez pas être en sureffectif, mais vous êtes avec des effectifs minimums. Vous voulez des gens qualifiés et compétents, et, avec la conjoncture que l'on vit, vous n'allez pas faire de surqualification ou de suremploi. Alors, quand vous avez à créer un poste, je peux vous dire que la personne du pôle employeur, qui essaie de placer quelqu'un en allocation de retour en emploi, doit être particulièrement compétente et faire bien son travail. Parce qu'il faut que la mesure soit incitative. Vous allez premièrement chercher une qualification - au-delà du sexe, de la nationalité et du canton, vous allez premièrement chercher une qualification. Et forcément, souvent, les gens qui sont en mesure de requalification n'ont pas ces qualifications. Donc vous savez pertinemment que, lorsque vous allez engager quelqu'un en allocation de retour en emploi, vous devrez faire un effort de formation. L'effort de formation est fait dans les entreprises. Mais quand vous faites de la formation, vous devez d'abord former des apprentis, ensuite ouvrir des stages de découverte aux métiers, puis organiser la formation supérieure, former des cadres. Et, ensuite de cela, on vous demande encore de réinsérer des gens dans le monde du travail. Voilà simplement la réalité de notre quotidien. J'ai une entreprise de vingt personnes, alors je peux vous dire que je connais bien le système de la formation - je suis président de la commission spécifique des métiers du bois - et c'est un effort.

Quand j'entends dire que c'est un supermarché, que l'on se gave et s'engraisse sur le dos des gens qui reviennent sur le marché, je peux vous dire que ce n'est absolument pas le cas. C'est une mesure qui touche toute l'entreprise, du patron à l'ouvrier, jusqu'à l'apprenti; car, lorsque vous prenez quelqu'un, vous essayez de le former, et tout le monde participe à son intégration. J'aimerais surtout dire ceci. Lorsque vous faites de la réintégration ou de la formation, ce n'est pas pour licencier la personne: le but est de la garder. Lorsque vous avez investi dans la formation de quelqu'un, qu'il est rentable et qu'il a trouvé sa place, ce n'est pas pour le dégommer trois mois plus tard et prendre quelqu'un de moins cher ! On n'est pas du tout dans cette systématique ! Alors j'aimerais juste que l'on arrête de taper sur les employeurs et que l'on revienne un peu les pieds sur terre.

Maintenant, par rapport à cela, il me semble important de souligner un extrait de ce que relève le professeur Flückiger, page 35 du rapport: «Au titre des conditions cadres, la reprise d'un travail doit évidemment rester incitative en correspondant à une amélioration réelle de la situation personnelle et financière. Donc, il faut rester attentif à toujours conserver un écart significatif entre le versement des allocations et la situation réelle de la rémunération concernée sur le marché du travail.» Vous n'allez pas commencer à payer les gens, lorsqu'ils sont en formation, mieux que lorsqu'ils l'auront terminée ! Sinon, c'est impossible, cela ne marchera jamais. Voilà une remarque.

Je ferai encore une petite remarque générale sur les interventions que j'ai entendues tout à l'heure, notamment le pragmatisme du parti socialiste concernant les multinationales qui demandent des permis de travail. Je peux vous dire qu'il n'y a pas que les multinationales qui demandent des permis de travail; il y a aussi des entreprises, des PME - et il y a aussi la mienne, je demande également des permis de travail. Je vais vous présenter un petit cas pratique. Avec des machines à commandes numériques dans le bois, on cherche un opérateur: simplement, cela n'existe pas. Cela n'existe pas ! De Genève, Vaud ou Fribourg, vous ne trouvez personne; alors on demande un permis de travail de quelqu'un qui sera en France voisine, parce que le marché est simplement sec. Le marché est aussi sec en ce qui concerne les ingénieurs, les dessinateurs du bâtiment et les dessinateurs en construction métallique. Pourquoi ? Parce qu'on est dans un canton urbain et que tout le monde se tourne vers les secteurs tertiaires, comme la finance. Le monde du secondaire est complètement à côté. Alors j'entends bien vos déclarations sur l'emploi, les théories et tout... A un moment donné, des mesures très correctes ont été prise en ce qui concernait le développement des pôles scientifiques au cycle d'orientation: il faut amener aussi les gens dans le secteur secondaire et industriel, afin que l'on puisse leur donner du travail. On ne demande que cela ! Mon collègue David Amsler, qui est ingénieur civil, n'arrive pas non plus à toujours trouver des ingénieurs à Genève ! On va les chercher dans les cantons de Vaud ou de Fribourg, parce qu'ici il n'y a pas les compétences, le marché est sec ! Donc il y a simplement des secteurs qui sont porteurs de travail.

Ensuite, je suis obligé de revenir sur les propos de Mme Rolle en ce qui concerne les modèles de réintégration des EPI. Je trouve particulièrement odieux l'usage du terme de «business juteux»: j'ai eu l'occasion de visiter des EPI dans le cadre des affaires sociales, et je peux vous dire que dire cela est méprisant envers les personnes qui y travaillent, car il y a des gens qui sont trisomiques et il y a aussi des éducateurs qui font vraiment leur boulot. Je pense que les propos que vous tenez sont vraiment déplacés.

Enfin, concernant le sous-marché de l'emploi, je veux bien que l'on ait de grandes théories sur les qualifications... Mais quand vous prenez un emploi réel à PARTAGE, et que, dans la commune de Carouge, vous êtes sur un vélo électrique, à ramener des poubelles, c'est un travail de première nécessité, pour lequel j'ai beaucoup de considération, mais, excusez-moi, il ne faut pas non plus payer ces gens 6500 F par mois, je suis désolé ! En effet, comment allez-vous établir ainsi des filières de formation pour des gens faisant des CFC dans la construction ou dans le secteur primaire ? Il faut juste revenir les pieds sur terre ! Chacun à sa place, chacun respecte tout le monde, et je crois qu'il ne faut pas, non plus, créer d'usine à gaz.

Voilà, j'ai terminé mon intervention pour le moment, je reviendrai plus tard sur les amendements. J'espère en tout cas que M. Deneys sera un peu plus prudent dans ce qu'il propose et que le parlement aura la sagesse de refuser cela et de soutenir le projet de loi du conseiller d'Etat Longchamp. Je crois que le conseiller d'Etat n'a pas démérité sur ce dossier, il n'a pas démérité dans son département, et Genève n'a pas à rougir de sa politique de réinsertion ni de sa politique sociale.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Fabiano Forte (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien votera, bien entendu, le projet de loi du Conseil d'Etat; je vous en dirai les raisons tout à l'heure, mais j'aimerais, en guise de préambule, souligner un certain nombre de petites choses.

Hier soir, nous avons, au sujet du débat intéressant, important et très sérieux de Merck Serono, été traités d'hypocrites de la part d'un mouvement, puisque nous ne pouvions intervenir. Nous parlions là de l'économie privée, du libre marché. Ce même mouvement nous dit ce soir qu'il a la solution: imposer à ce libre marché, à cette économie privée, un certain nombre de mesures. Le groupe démocrate-chrétien s'était presque fait traiter de communiste lorsqu'il avait eu l'intention de racheter l'immeuble de Merck Serono pour 1 F symbolique; eh bien, je constate que ce même mouvement qui nous traitait de communistes propose également des solutions communistes ! A quand la fusion, allez savoir... Nous rediscuterons.

Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, nous estimons que le dispositif proposé par le gouvernement vise à une gestion beaucoup plus dynamique du chômage, à une gestion dynamique et solidaire, versus une version totalement paternaliste qui jusqu'à maintenant, plutôt que de pousser les gens vers le haut, les pressait vers le bas. Cela a été dit ce soir, mais il faut le répéter: ce projet de loi vise véritablement à prendre en charge beaucoup plus rapidement les demandeuses et les demandeurs d'emploi, avec un suivi beaucoup plus individuel. Il rapproche également - il veut rapprocher - l'activité de l'office cantonal de l'emploi avec l'économie réelle. Cette économie réelle que nous avons entendu décrire précédemment - notre collègue Serge Hiltpold fait la démonstration jour après jour de ce qu'est l'économie réelle. Je crois que l'administration, par le biais de l'office cantonal de l'emploi, doit s'en rapprocher encore plus, et ce projet de loi y tend.

Le chômage de longue durée n'a que trop duré. Pourquoi ? Parce que notre système de gestion du chômage, jusqu'à ce jour, était une gestion totalement paternaliste et que, comme je l'ai dit tout à l'heure, plutôt que de tirer les gens vers le haut, il les pressait vers le bas. Puis une innovation a été introduite - je dois dire que l'on peut, là, rendre hommage au groupe des Verts et au groupe socialiste - c'est la prise en considération du statut d'indépendant dans l'ensemble de ce dispositif. Puisque jusqu'à maintenant l'indépendant n'avait qu'un droit: celui de prendre des risques ! Et cela, parce qu'une entreprise naît et vit, mais elle peut également mourir - et cela arrive. Il y a donc là une prise en considération de celles et ceux qui créent des emplois en prenant des risques personnels.

Mesdames et Messieurs, le groupe démocrate-chrétien, je vous l'ai dit, votera ce projet de loi, qui vise à redonner des perspectives et un horizon un peu plus positif que celui que nous connaissons aujourd'hui. (Applaudissements.)

Présidence de M. Pierre Losio, président

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je me permets de compléter l'analyse de Fabiano Forte et de vous redire à quel point le groupe démocrate-chrétien soutiendra effectivement le projet de loi du Conseil d'Etat, tel qu'il ressort des travaux de la commission.

Mais j'aimerais vous rappeler deux ou trois éléments qui me paraissent importants au stade de notre débat. Lorsque, en 2008, nous avons voté la nouvelle loi en matière de chômage, il est vrai qu'il s'agissait d'une petite révolution. Nous passions d'une logique d'assistance aux chômeurs à une logique d'accélération du retour en emploi. C'est vrai que cette réforme ambitieuse, à l'époque, avait suscité un débat, qui avait d'ailleurs fini en votation populaire, et la confirmation du soutien à cette réforme avait été alors très claire. A l'époque, nous avions dit - nous avons la preuve aujourd'hui que nous avons tenu parole - que cette loi en matière de chômage devait être évolutive et faire l'objet d'une évaluation. Je crois que ce qui nous est soumis ce soir, de même que les quinze séances de commission, prouvent que le travail d'analyse, de bilan et de réflexion sur ce qu'il convient effectivement d'améliorer dans le dispositif a été fait, et cela de façon très sérieuse.

Aujourd'hui, au vu du rapport de majorité, il apparaît qu'un certain nombre d'améliorations nécessaires ont clairement été apportées. Plusieurs dispositions ont été renforcées dans leur caractère formateur. Ces mesures, aujourd'hui, sont prises; elles sont là. Nous avons entendu que l'une des mesures qui a le mieux fait ses preuves, l'allocation de retour en emploi, a été développée, prolongée et élargie au niveau des bénéficiaires. Nous sommes convaincus, au PDC, qu'il s'agit là de réels avancées pour les chômeurs de ce canton.

Nous sommes également convaincus - et le PDC l'a toujours dit - que le chômage est une réelle épreuve pour ceux qui la vivent; pas seulement à titre personnel, mais également pour les familles des chômeurs. Il est donc nécessaire de faire preuve de respect et de considération. Alors, lorsqu'on entend les caricatures et les raccourcis qui sont faits par certains, du côté du MCG, qui prétendraient que ce que l'on élabore pour les chômeurs s'apparenterait au bagne, que les gens devraient porter un bracelet électronique, ou que ce que l'on se contenterait de faire pour eux se limite à leur faire pousser des chariots dans les grandes surfaces... Je crois qu'il faut être sérieux ! Aujourd'hui, ce qui est fait à Genève en matière de chômage est de qualité. Le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission va dans le sens d'améliorer encore cette qualité. Nous devons effectivement aller plutôt dans le sens très justement rappelé par notre collègue Hiltpold, qui met en évidence le partenariat de plus en plus important entre l'office cantonal de l'emploi et les entreprises de ce canton, lesquelles jouent un rôle primordial en matière de retour à l'emploi et en matière de formation pour une grande partie des chômeurs de ce canton.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, oui, ce projet de loi, tel qu'il ressort des travaux de la commission, a pris en compte un certain nombre d'améliorations nécessaires au dispositif. Oui, ce projet de loi sera de nature à continuer dans la dynamique d'accélérer le retour à l'emploi et d'éviter, d'une certaine façon, le plus gros écueil pour les chômeurs, c'est-à-dire d'allonger la durée du chômage. Aujourd'hui, ce dispositif permet d'accélérer le processus encore davantage et de proposer des emplois de toutes sortes à des personnes qui ne souhaitent qu'une chose: ne pas prolonger leur période de chômage, mais se retrouver le plus vite possible en emploi. Merci de soutenir activement ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, mes deux collègues socialistes ayant dit l'essentiel du point de vue de mon parti concernant ce projet de loi, je m'attarderai sur un aspect qui nous est très cher et pour lequel, je crois, il faut tordre le cou à certaines idées reçues: celles concernant les emplois de solidarité.

Monsieur le conseiller d'Etat, non, les socialistes ne sont pas contre les emplois de solidarité ! Oui, nous soutenons les emplois de solidarité ! Lorsque je prends, par exemple, le rapport l'audition de M. Vincent Gall, directeur de l'association PARTAGE, et que je lis la description qui est faite des personnes que son association engage en emplois de solidarité, je ne peux que me dire ceci: grâce aux emplois de solidarité, ces personnes, qui n'ont en général pas de formation - n'ayant pas dépassé le stade de la scolarité obligatoire - et qui, pour beaucoup d'entre elles, souvent, ne parlent pas notre langue, eh bien oui, l'emploi de solidarité est pour ces personnes un moyen de retrouver une dignité et un salaire !

Le hic, Monsieur le conseiller d'Etat - et c'est cela que vous devez bien entendre - le hic, c'est bien sûr le salaire, mais c'est aussi de revenir sur ce qu'ont été, au départ, les emplois de solidarité. Quand on examine les premiers documents, qui datent de la mise en place de la loi en matière de chômage et même d'avant 2008, on lit que le but des emplois de solidarité était de pouvoir constituer un tremplin pour un retour sur le marché du travail. C'est-à-dire que nul n'avait imaginé, au départ, que l'essentiel des personnes qui trouveraient un emploi de solidarité allaient y rester dans la durée ! Et quand je dis que l'essentiel allait y rester, j'ai les chiffres du rapport. Alors je n'ai pas les plus récents, mais on nous dit qu'il y a eu seulement 36% de sorties dites positives; et parmi ces sorties positives, il y a l'emploi, mais il y a aussi les départs à l'étranger, la retraite, etc. En réalité, ce pour quoi ces emplois avaient été conçus et ce pour quoi on pouvait imaginer à ce moment-là - d'accord, un salaire pas très élevé peut éventuellement se concevoir dans une période transitoire - eh bien, ce pour quoi ces emplois ont été conçus, ce n'est, malheureusement, pas véritablement le résultat.

En conséquence de cela, que vous dit le groupe socialiste, Monsieur le conseiller d'Etat et Mesdames et Messieurs les députés de la majorité ? C'est qu'il convient simplement de se poser la question de la finalité. Si ces emplois doivent s'inscrire dans la durée, alors on doit, comme l'a dit ma collègue Christine Serdaly Morgan, aussi penser à des salaires qui doivent pouvoir évoluer dans la durée, n'est-ce pas ? Au même titre que n'importe quel employé dans n'importe quelle entreprise, s'il donne satisfaction, va avoir, à un moment donné, des possibilités de progression.

Deuxièmement, il est important aussi - cela a été dit - que ces personnes doivent, dans la mesure du possible, pouvoir être requalifiées, et je crois que la formation est essentielle pour les personnes qui sont en EdS.

Troisième remarque - et je crois qu'elle n'a pas été relevée, ou peut-être pas assez aujourd'hui: le groupe socialiste considère comme une dérive par rapport à ces emplois le fait qu'ils vont maintenant être ouverts au petit Etat et au grand Etat. Ils l'étaient déjà depuis quelque temps, en dehors d'ailleurs de toute autorisation légale. Mais il y a le fait que l'on puisse employer à l'Etat, au département de l'instruction publique par exemple, ou dans le grand Etat. On a parlé des EPI, qui s'occupent de réinsertion; eh bien, savez-vous que les EPI emploient plus d'une cinquantaine de personnes en emploi de solidarité ?

C'est là, à mon sens, que l'on prend un risque extrêmement important. Le risque important consiste, sous forme d'emplois de solidarité, à attribuer à des gens des fonctions qui devraient être occupées pour répondre à des prestations publiques nécessaires. Pourquoi est-ce un risque réel ? Parce que, vous le savez très bien, on est en période de restriction budgétaire. A chaque budget, vous nous demandez de faire des économies: on restreint sur la masse salariale, on restreint sur la fonction publique. Et ce que l'on risque de voir arriver à vitesse grand V, c'est des emplois à l'Etat qui seront des emplois sous-payés. Et ça, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve que cela pourrait être extrêmement dangereux.

Lors des auditions auxquelles j'ai eu l'occasion de participer dans le cadre de la sous-commission des finances - avec M. Weiss, par exemple - dans le domaine du handicap, j'ai systématiquement posé ces questions: «Avez-vous des emplois de solidarité ? Que font ces personnes ?» Etc. En général, on nous répond qu'elles font des choses qui ne correspondent pas à des activités de prestations publiques. Mais vous savez aussi que j'ai parfois d'autres sources d'information, par d'autres biais, et que les choses ne paraissent pas tout à fait aussi simples. Je voudrais donc, Mesdames et Messieurs les députés, attirer votre attention sur ceci: il faut que la réinsertion, les objectifs louables de réinsertion que nous avons, ne deviennent pas un moyen d'employer des gens à bon marché !

Ma dernière remarque sera très générale, elle va au-delà de ce projet de loi. Ce projet de loi, l'origine, date de 2008: cela nous montre qu'il faut peut-être, en matière de réinsertion et d'emploi, une certaine humilité ! Puisque, après quatre ans, on se rend bien compte que personne n'avait de baguette magique, et personne n'a eu les moyens de résoudre les choses. Mais s'il y a un élément qui serait peut-être important, c'est au moins d'avoir, à terme, au niveau du Conseil d'Etat une politique plus transversale. Hier, nous avons parlé de Merck Serono; était présent le conseiller d'Etat en charge de l'économie. Aujourd'hui, nous parlons de chômage - il me semble que c'est un peu le sujet - et nous avons le conseiller d'Etat chargé de la réinsertion. Voici donc l'une des premières choses éventuellement à revoir si l'on veut être efficace: lier l'emploi et la réinsertion des chômeurs à la politique économique.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, vous connaissez la parole, le mot d'esprit que l'on attribue à Churchill, qui ne croyait qu'aux statistiques qu'il falsifiait lui-même. Eh bien, je ne vais pas falsifier des statistiques; je vais utiliser des statistiques officielles. Alors sauf à accuser l'Etat d'être un falsificateur - ce que je ne fais pas - permettez-moi de croire dans les chiffres que je vais vous dire. Mes collègues seront certes ennuyés par l'énoncé de certains de ces chiffres, mais il vaut mieux ennuyer avec des chiffres vrais que divertir avec des mensonges.

J'aimerais tout d'abord dire qu'il est erroné de prétendre que, à Genève, il y a deux catégories de travailleurs, d'une part les frontaliers et, d'autres part, les emplois de solidarité. A Genève, il y a en tout cas une troisième catégorie, qui est la plus importante, ce sont les 170 000 résidents, suisses et étrangers, auxquels il convient d'ajouter 30 000 pendulaires vaudois, 70 000 frontaliers et 30 000 travailleurs internationaux; ce sont donc 300 000 personnes qui travaillent dans notre canton. On verra ensuite quelle est l'importance des emplois de solidarité. Mme Anne Emery-Torracinta en a fait un certain catalogue. Nous ne sommes pas véritablement à parts égales, et on ne peut en tout cas pas prétendre que les 300 000 personnes actives dans ce canton n'existent pas. Sinon, qui fournirait à ce canton les milliards de recettes fiscales qui lui permettent de vivre sur un pied assez opulent ?

J'ajoute à cela qu'il y a une deuxième chose qu'il faut prendre en considération: le taux de chômage dans ce canton est plus élevé que celui de la moyenne suisse. Mais il s'en est fortement rapproché, notamment grâce à la modification de la loi fédérale - et pas seulement de la modification de la loi genevoise. Il est encore plus bas qu'il n'apparaît en réalité dans les statistiques actuelles, parce que l'on ne prend pas en considération la population active réelle. Il est de 5,2% aux statistiques du mois d'avril, quand il est de 3,1% pour l'ensemble de la Suisse. Certes, 5,2%, c'est beaucoup, mais sachez une chose - Monsieur le président, que vous n'ignorez probablement pas, vous - c'est qu'environ 85% des chômeurs genevois, près de 12 000 personnes, retrouvent un emploi en moins d'une année. Il n'y a que 15% des chômeurs qui sont chômeurs plus d'un an.

D'autre part, à Genève comme en Suisse, sur quatre chômeurs il y en a trois qui sont de nationalité étrangère et un qui est de nationalité suisse. Le taux de chômage des étrangers est trois fois plus élevé, alors que le taux de chômage des Suisses en Suisse est de 2,2% - il n'est pas de 3,1%. Toujours à Genève, le mois passé, 1600 personnes sont entrées au chômage tandis que 1800 en sont sorties, pour l'essentiel parce qu'elles avaient retrouvé un emploi, ce qui a permis au taux de chômage de diminuer.

J'aimerais encore ajouter une troisième chose, et je crois que Mme Anne Emery-Torracinta, qui craint beaucoup pour des salaires dégradés dans la fonction publique, sera rassurée par les chiffres que je vais lui énoncer. A Genève, nous avons une moyenne de salaire mensuel de 6800 F - 6000 F en Suisse, 6800 F à Genève ! Dans la fonction publique genevoise, c'est près de 9000 F. Alors évidemment, s'il devait y avoir quelques modifications dans la fonction publique genevoise, ce serait au titre d'une valeur qui est chère à Mme Anne Emery-Torracinta: une marche vers l'égalité avec les travailleurs du secteur privé. Ce n'est pas ce que j'espère pour ceux qui sont des travailleurs de la fonction publique. Mais avant de peindre le diable sur la muraille, il faut savoir quels sont les vrais chiffres et il faut savoir que la fonction publique genevoise est payée 20% à 25% de plus - par exemple, pour les professions d'infirmière ou encore d'instituteur - que ce que l'on trouve dans le canton de Vaud. Il faut savoir par conséquent que, à Genève, nous avons une crise en matière de finances qui est créée par un excès de dépenses, et pas par une insuffisance de recettes.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, après avoir consulté le Bureau, j'informe ce parlement que nous allons encore entendre maintenant M. le député Eric Stauffer, après quoi nous prendrons la pause. Nous entendrons ensuite les quatre rapporteurs et le conseiller d'Etat, puis passerons au vote d'entrée en matière sur cette première vague de textes. Monsieur Stauffer, vous avez la parole.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Je suis toujours très amusé, quand on vient donner des chiffres - des chiffres, des chiffres et encore des chiffres... Quand on donne les moyennes de salaires suisses, encore faudrait-il - mais vous autres, citoyens qui nous regardez, vous le savez - eh bien, encore faudrait-il dire que, si les salaires sont supérieurs à Genève, en moyenne suisse, selon les chiffres officiels, nous avons aussi les loyers les plus élevés de Suisse ! Nous avons les primes d'assurance-maladie les plus chères de Suisse ! Zurich est presque à même niveau. Nous avons le coût de la vie le plus haut de Suisse ! Etc. Et puis, nous avons le taux de chômage aussi le plus élevé de Suisse !

De même, j'aime bien quand on entend le PLR - ce sont des propos que l'on n'a pas l'habitude d'entendre dans la bouche de ses représentants - faire la différence entre les chômeurs suisses et les chômeurs étrangers ! Pftt! pour moi, les chômeurs sont des gens qui résident ici: qu'ils soient suisses ou étrangers, cela n'a aucune espèce d'importance, ce sont des gens pour lesquels on doit tout faire afin qu'ils retrouvent un emploi au plus vite ! Et ça, c'est la sortie de tout, Mesdames et Messieurs. C'est pas la question, quand on entend le PDC venir nous dire: «Oui, ces emplois de solidarité, c'est très bien»... Mais évidemment ! Vous savez pourquoi ? Ils ne vont pas dire le contraire... Monsieur Gillet, vous qui êtes l'ancien président du parti démocrate-chrétien, vous savez très bien que, parmi vos membres, il y en a qui bénéficient de ces emplois de solidarité ! N'est-ce pas ? (Remarque.) Qui engagent donc ces gens pour prétendument les former ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Qui les paient 4000 F par mois alors que ce sont des licenciés universitaires ! (Commentaires.) Et qui, en plus - ces gens de votre parti, Monsieur Gillet - touchent des subventions de l'Etat ! Et le président de cette société gagne... presque 200 000 F par année ! Mais c'est l'hôpital qui se moque de la charité, Mesdames et Messieurs !

On voit bien ce que nous avons créé: c'est de l'utilisation qui est faite sous le prétexte de la formation ! Allez m'expliquer comment un cadre, un dirigeant ou un chef de service, qui tombe au chômage à l'âge de 45 ou 50 ans et qui ne retrouve plus un emploi, sera reconverti pour qu'il apprenne à pousser des chariots à la Migros ! Je ne dis pas que c'est dégradant, Mesdames et Messieurs, mais quelqu'un qui a travaillé toute sa vie en Suisse et qui a payé des impôts peut s'attendre à autre chose comme mesure de l'Etat ! Et vous, tout ce que vous avez fait, Mesdames et Messieurs, c'est de favoriser l'arrivée massive de frontaliers ! Et, nous le savons, depuis le 12 mars, Mesdames et Messieurs, les frontaliers peuvent s'inscrire à la caisse cantonale de chômage genevoise et bénéficier de tout le panel de prestations, à l'exception des prestations financières, qui, elles, seront payées par la France ! Voilà ce que vous avez fait ! Voilà ce que vous n'avez pas dit à la population ! Et voilà où vous conduisez le peuple de Genève ! Qu'il m'en soit témoin, ce soir ! Aujourd'hui, cette politique est révolue ! Aujourd'hui, il faut un changement, mais drastique ! dans cette république ! Pour redonner espoir au peuple genevois.

Nous avons parlé de la Migros, laquelle engage majoritairement qui ? Eh bien, du personnel frontalier ! Et aussi - il faut le savoir - elle encaisse plus d'un million par année sur le calcul de l'impôt à la source des frontaliers ! Parce que l'Etat rétribue ce service au-delà du minimum légal fédéral, c'est-à-dire à 3%. Eh bien, Mesdames et Messieurs, je vous le dis et j'assume mes propos: j'appelle au boycott de la Migros ! Nous voulons aujourd'hui que la priorité de l'emploi soit donnée aux résidents genevois ! Un point c'est tout ! Et cela, c'est non négociable, pour le MCG ! J'invite la population à ne plus fréquenter ce supermarché, afin de démontrer aujourd'hui que l'on ne veut pas détruire le tissu social genevois !

Je vous le dis, Mesdames et Messieurs: si les amendements du parti socialiste passent, nous soutiendrons à la fin ce projet de loi ! S'ils ne passent pas, nous nous y opposerons.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que, à la reprise de 20h30, nous entendrons les quatre rapporteurs, ainsi que M. le conseiller d'Etat, puis nous passerons au vote d'entrée en matière.

Fin du débat: Session 08 (mai 2012) - Séance 46 du 11.05.2012