République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 mars 2012 à 14h
57e législature - 3e année - 6e session - 35e séance
PL 10336-A
Premier débat
Le président. Nous sommes en catégorie II: quatre minutes par rapporteur et quatre minutes par groupe. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité Pierre Weiss.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi représente l'un des derniers objets à vendre de la saga de la Banque cantonale, dont on a appris aujourd'hui qu'elle coûtait 110 millions de moins pour l'Etat que les 2,3 milliards que les contribuables ont dû mettre de leur poche jusqu'à présent pour cette affaire.
Il s'agit, dans ce projet de loi, de vendre un bâtiment qui en réalité avait été construit comme loge de concierge pour une propriété appelée «Von Graffenried», construite par un célèbre architecte genevois de l'entre-deux-guerres, Braillard, sur la commune de Bernex. Il est donc question de vendre ce bâtiment - qui avait été transformé par la suite en un EMS de près de 700 m2 abritant 21 pensionnaires en 12 chambres - pour un prix initialement de 4 500 000 F et finalement de 3 950 000 F.
Au moment où le projet de loi a été déposé, l'EMS n'était plus exploité. Dans une note de suivi du 28 novembre 2007 de la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale - et c'est probablement l'essentiel de la question - il est notamment indiqué que le département de la solidarité et de l'emploi, à qui l'on avait alors confié la charge des EMS, je cite, «n'est pas intéressé à acquérir la parcelle en cause», car «ce projet n'entre pas dans la planification médicosociale ni dans le cadre de la planification EMS 2001/2010. Le plan financier impliquant des coûts de construction élevés (y compris la remise aux normes des 2 établissements existants) laisse apparaître un prix d'achat initial trop important. (...) L'Etat renon(ce) à l'acquisition des 2 parcelles gagées en notre faveur».
Une autre note, toujours de 2007, montre qu'il n'y a pas d'intérêt de l'Etat pour acquérir deux autres des parcelles en sus de celle-là et, en définitive, l'Etat confirme sa volonté de renoncer à cette parcelle, parce que l'EMS, tel qu'il était alors, était trop petit, peu rentable et non adapté aux normes de confort du secteur et que, d'autre part, si un projet de transformation devait être réalisé, il aurait impliqué en particulier d'empiéter sur la zone agricole, avec déclassement et emprise sur les forêts, dont on sait qu'elles sont protégées par une législation ad hoc. C'est la raison pour laquelle, lorsque la commission a été appelée à voter, elle s'est prononcée par 10 oui contre 2 non et 3 abstentions - les 2 non étant des voix socialistes, représentées ici par M. Deneys - en faveur de la vente de ce bâtiment pour un montant de 3 950 000 F. J'en ai terminé pour l'instant, Monsieur le président.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Les fameuses notes de 2007-2008, ce sont les fameuses notes du DCTI, les fameuses notes de l'ère Muller; ce sont les fameuses notes de l'ère d'une gestion du patrimoine de l'Etat qui visait systématiquement à privatiser, à liquider, à vendre les bijoux de la famille pour récolter le moindre centime. Nous avons déjà eu l'occasion en 2007 et 2008 de constater que l'Etat vendait des biens appartenant à la Fondation de valorisation sans même se préoccuper de l'éventuel intérêt qu'ils pourraient présenter pour l'Etat, pour d'autres activités. J'ai, dans mon rapport de minorité, cité l'immeuble sis Alexandre-Gavard 28, en plein périmètre du PAV et qui abrite des locaux de l'OCE, soit 60% des surfaces. A l'époque, cet immeuble, occupé à 60% par l'administration publique, a été vendu à une émanation de la banque Pictet... On voit bien comment ça marche à Genève: on est en plein périmètre stratégique, et on vend ! Eh bien, ici c'est la même chose ! On a une parcelle qui abrite un EMS, 21 chambres...
M. Pierre Weiss. Non, 12 chambres et 21 patients !
M. Roger Deneys. Oui, 21 patients et 12 chambres ! ...et on ne se préoccupe même pas de savoir si l'on peut en faire un usage public raisonnable ! Eh bien, là, c'est tout simplement inadmissible ! Dans mon rapport de minorité j'ai évoqué la motion 1729 - sur les conseils de ma collègue Anne Emery-Torracinta - qui rappelle que des demandes ont été faites pour des lieux spécifiques, notamment pour les handicapés. Alors, ici, on pourrait réaliser une structure provisoire, étant donné que le bâtiment existe, qui plus est dans un périmètre stratégique, puisqu'il est situé à proximité de Bernex et pas très loin de la plaine de l'Aire. Pourquoi faut-il vendre ce bien, alors qu'il pourrait servir à la collectivité publique ? Je vous le demande ! Une fois de plus, nous sommes en train de brader le patrimoine de l'Etat ! Voilà pourquoi nous vous invitons à refuser ce projet de loi.
D'ailleurs, on pourrait dans tous les cas retourner en commission des finances, parce que la façon de travailler de cette dernière n'est pas particulièrement sérieuse: c'est expédié ! On n'avait même pas les courriers du département que c'était déjà voté, expédié et vendu à un propriétaire privé. Franchement, ce n'est pas une gestion rationnelle des biens de l'Etat. Et si l'on se préoccupe de la santé des finances publiques, on ferait mieux d'être un peu plus attentifs aux conséquences de ce que l'on brade à la moindre occasion.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai la réponse à la question de M. Deneys, «Mais pourquoi l'Etat n'en a pas voulu»... Tout simplement parce que ce n'est absolument pas rentable ! Cela engendrerait des frais d'exploitation ainsi que de mise aux normes qui sont complètement délirants ! Et pourquoi l'Etat ne le rachète-t-il pas ? Mais tout simplement parce qu'il est important aussi de désendetter l'Etat ! Il y a des priorités, des choses extrêmement importantes qui nous attendent, notamment - et M. Deneys est bien placé pour le savoir - la fusion des caisses de pension. Nous avons des priorités ! Et ce n'est pas brader les bijoux de la couronne que de vendre ce bâtiment, qui n'est pas du tout adapté à un usage d'utilité publique ! On dit que c'est un scandale, une horreur, que nous sommes absolument irrespectueux de notre patrimoine... Pas du tout ! Nous avons des priorités. Et, au parti démocrate-chrétien, nous voulons désendetter l'Etat. Nous estimons qu'il y a des priorités qui vont se situer dans le domaine social et de la pérennité de l'Etat, et si nous pouvons récupérer quelques sous, qui correspondent effectivement à ce que les citoyens ont dépensé pour pouvoir racheter les milliards de la Banque cantonale, eh bien, nous nous en réjouissons ! Je vous remercie de soutenir ce projet de loi.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Madame la députée, je ne partage pas votre point de vue. En effet, vous avez dit que l'on ne pouvait rien faire de ce lieu sur le plan social. Mais je n'en suis pas sûre ! Les éléments qu'on a reçus du département sont quand même assez laconiques, pour ne pas dire lacunaires. On nous indique que l'on ne peut pas construire sur la parcelle, soit ! Or il est peut-être possible de transformer l'intérieur du bâtiment, et l'on sait que l'on manque de locaux dans le domaine social.
Deuxièmement, je crois que, dans ce canton, on devrait plus souvent avoir une vision à plus long terme et éviter, comme l'a dit mon collègue Roger Deneys tout à l'heure, de vendre les bijoux de la couronne, éviter de vendre les terrains de l'Etat. On ne sait pas, peut-être qu'un jour ces terrains pourront être déclassés et avoir une autre affectation ! On sait qu'à terme on aura des besoins - notamment de logements - dans le canton, donc gardons ce que l'on peut et évitons de vendre des bâtiments ou des terrains qui pourraient être utiles un jour ou l'autre pour la collectivité.
M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'aimerais apporter quelques éléments complémentaires à ce que mon excellente collègue Anne-Marie von Arx-Vernon vient de dire. La parcelle dont il est question est située sur le territoire de la commune de Bernex et cette dernière a été approchée par les services de l'Etat pour une éventuelle acquisition de cette parcelle. Nous avons donc mené de notre côté des analyses qui, semble-t-il, sont similaires à celles que les services de l'Etat ont réalisées sur la viabilité économique de cet objet, et notamment sur les investissements qu'il faudrait consentir pour, précisément, envisager une affectation dans le domaine social ou médicosocial. Nous avons procédé à la même analyse au niveau de la commune et nous sommes arrivés aux mêmes conclusions: les investissements à consentir sont trop importants et la viabilité économique de l'opération serait extrêmement prétéritée. De plus, le potentiel qui aurait pu nous intéresser pour les raisons qu'évoque M. Deneys - par exemple, le développement urbain dans la région - eh bien, ce potentiel à bâtir est inexistant sur cette parcelle. Pour toutes ces raisons, la commune est parvenue aux mêmes conclusions que la majorité de la commission, à savoir que le prix de vente tel qu'il est proposé à un privé est un bon prix et qu'une vente à ce prix-là servirait probablement les intérêts de l'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur de minorité Roger Deneys, à qui il reste une minute trente.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement rappeler la note du DSE qui se trouve à la page 11 du rapport. Cette lettre, dont je vous cite un extrait, est au conditionnel: «Cependant, dans la mesure où il semblerait que, d'une part, cette parcelle soit non constructible et que, d'autre part, il n'y ait pas de possibilité de modifications du bâtiment dans l'objectif d'en augmenter la capacité d'accueil, il n'est économiquement pas raisonnable au vu du prix demandé d'envisager une activité à caractère social pour un maximum de 21 résidents.» Je vous rappelle simplement que cela appartient à la Fondation de valorisation et que, si c'est une fondation publique qui acquiert le bien, le prix peut être fixé de gré à gré, sans même que cela ne passe devant notre Grand Conseil ! Donc cette parcelle aurait pu être vendue, avec le bâtiment, pour un franc symbolique ! Même pour une mesure provisoire, même pour dix ans, c'est certainement mieux que des bâtiments provisoires ou des baraquements que l'on installe quelque part...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Roger Deneys. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser ce projet de loi ! On peut tout à fait revenir avec un autre projet, il n'y a aucune urgence, donc rejetez ce projet de loi !
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. le rapporteur de majorité Pierre Weiss, pour quarante secondes.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Ce bâtiment n'est pas voulu par le département de la solidarité et de l'emploi; ce bâtiment ne se situe pas dans une zone de développement de la commune de Bernex; enfin, ce bâtiment peut contribuer, pour 4 millions, à réduire la dette de notre canton. Pour ces trois raisons, il convient de le vendre, et je vous remercie de suivre mes conclusions en adoptant ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons maintenant voter l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10336 est adopté en premier débat par 41 oui contre 17 non et 8 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2.
Troisième débat
Le président. La parole est demandée par M. Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement dire que, une fois encore, le MCG est amusé quand le PLR veut vendre des bâtiments et que, par ailleurs, il loue à prix d'or des immeubles pour les administrations publiques... Mais, je le répète, on n'est pas à une contradiction près. Peut-être - Monsieur le président, vous transmettrez au rapporteur de majorité - peut-être qu'ils ont déjà un acheteur qui pourrait être un promoteur immobilier et qui, en outre, pourrait établir un contrat avec l'Etat, afin de lui louer ce même bâtiment en vue d'abriter l'administration publique...
Tout ça pour dire que le MCG n'est pas en faveur de cette vente. Au mieux, il s'abstiendra; au pire, il refusera.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons maintenant, en troisième débat, nous prononcer sur ce projet de loi.
La loi 10336 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10336 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 44 oui contre 22 non et 4 abstentions.