République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1825
Proposition de motion de Mmes et MM. Alberto Velasco, Françoise Schenk-Gottret, Lydia Schneider Hausser, Roger Deneys, Virginie Keller, Pablo Garcia, Christian Brunier, Véronique Pürro, Alain Etienne, Laurence Fehlmann Rielle, Mariane Grobet-Wellner : Pour une véritable politique de promotion du vélo

Débat

M. Charles Selleger (R). Les voies du Seigneur sont insondables, comme vous le savez, il en va de même des voies parlementaires genevoises. Cette motion, déposée en mai 2008, a été traitée par notre plénum dix-neuf mois plus tard. Elle a donc été renvoyée en commission en décembre 2009. La voici de retour après avoir attendu plus de vingt-quatre mois en commission sans être examinée.

Certes, promouvoir le vélo, personne ne contestera que c'est une bonne idée, mais, pour nous, il est exclu que nous souscrivions aux invites qui encouragent les cyclistes à rouler sur les trottoirs, à l'instar de ce qui se passe au quai Wilson. Qu'en serait-il de la sécurité, non seulement des cyclistes, mais des piétons, des enfants qui roulent en trottinette ou de ceux dans les poussettes ? Voyez ce qui se passe sur les trottoirs du pont du Mont-Blanc ! Compter sur la civilité des cyclistes, comme le demandent les invites, c'est une gageure. Voyez ce qui se passe aux feux de circulation ! Et la motion demande en plus d'augmenter la signalisation spécifique aux cyclistes. C'est tout simplement de l'argent perdu. En l'état, Mesdames et Messieurs, face à l'inutilité du renvoi en commission, puisque le texte n'est pas traité, il convient de refuser la motion.

M. Roger Deneys (S). Cosignataire de cette motion qui date de mai 2008, je suis évidemment assez dépité de constater qu'elle revient aussi longtemps après et sans avoir suffisamment attiré l'attention du Grand Conseil pour qu'elle soit traitée en commission. En effet, la problématique des déplacements en ville à vélo est toujours aussi avérée. Les problèmes sont réels. On sait que de plus en plus de gens recourent à la bicyclette comme moyen de transport au quotidien, ce n'est pas simplement une activité sportive. On sait aussi que de nombreux jeunes utilisent le vélo comme moyen de transport et, dans ce sens, ce sont aussi des personnes particulièrement fragiles dans la circulation. Il convient donc de prendre des mesures pour garantir leur sécurité. C'est vrai que cette motion aurait mérité un traitement sérieux de la part de notre parlement.

On peut estimer que les cyclistes ne se comportent pas toujours de façon suffisamment correcte dans la circulation. Il n'empêche que ce sont des victimes régulières d'accident et pas seulement en raison de leur comportement incorrect. Puis, les jeunes qui font du vélo, ce sont aussi des personnes qui sont en train d'avoir une mobilité d'avenir, parce qu'ils ne recourent pas à des carburants fossiles pour se déplacer sur quelques kilomètres.

Mesdames et Messieurs les députés, nous regrettons donc que la commission des transports n'ait pas accompli son travail. A l'époque, le renvoi en commission avait été largement accepté par 59 oui contre 26 non. C'était peut-être une période électorale et certains dans cette salle soutiennent les renvois en commission dans un tel moment, mais après ne s'intéressent pas vraiment au problème, et je le déplore.

Et même si certaines invites peuvent être considérées comme provocatrices, je vous invite à renvoyer la motion au Conseil d'Etat dans la mesure où certains aménagements simples, faciles, comme du traçage de peinture sur certains trottoirs pour que cohabitent les cyclistes et les piétons est tout à fait réalisable dans des délais courts. Cela se fait déjà ! En Ville de Genève, cela se pratique d'ailleurs sous l'égide... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...d'un conseiller administratif PLR, Pierre Maudet, et je ne vois donc pas pourquoi nous ne pourrions pas le réaliser de façon plus généralisée quand les trottoirs le permettent. Bien entendu, les campagnes qui visent à lutter contre les incivilités des cyclistes doivent être soutenues, cette motion le demande aussi, et pour cette simple raison, nous vous invitons à la renvoyer au Conseil d'Etat pour empoigner vraiment cette problématique. Le déplacement tout automobile n'a pas d'avenir en Ville de Genève; nous sommes sur un territoire beaucoup trop petit et nous vous invitons donc à rendre le vélo plus sûr et plus attractif. C'est une responsabilité citoyenne première aujourd'hui.

M. Stéphane Florey (UDC). Comme l'a dit M. Selleger, cette motion ne sert plus à grand-chose. En termes de politique de promotion du vélo, ces dernières années il me semble que nous en avons déjà suffisamment fait, à voir l'initiative sur les pistes cyclables entre autres. Une fois de plus, quand vous donnez le petit doigt au vélo, il vous mange carrément tout le bras. (Exclamations.) C'est une évidence !

De plus, avoir des invites qui sont un encouragement aux incivilités, je suis désolé, c'est juste un peu scandaleux ! De dire: «à poursuivre une politique répressive uniquement à l'encontre des cyclistes "casse-cou" qui ne respectent pas la priorité absolue des piétons sur les trottoirs», mais même si vous respectez la priorité des piétons, de toute façon vous êtes en infraction, puisque vous n'avez pas à rouler sur les trottoirs. Donc c'est clairement un encouragement aux incivilités. C'est la raison pour laquelle il est complètement inutile de renvoyer cette motion en commission ou au Conseil d'Etat, et je vous invite également à la refuser.

M. Florian Gander (MCG). Chers collègues, à nouveau les vélos sont sur la route. Et quand je lis les invites de cette motion, la première d'entre elles, «tracer [...] des voies cyclistes sur les trottoirs», est un véritable danger pour les piétons. Donc rien que pour cela nous refuserons la motion. Ensuite, quand je vois dans la deuxième invite qu'il faut «favoriser une meilleure cohabitation entre les cyclistes et les piétons sur les trottoirs, là où la vie de ces derniers est menacée en circulant sur la chaussée». On se demande de qui la vie est menacée ? Est-ce celle des piétons ou celle des cyclistes ? A l'heure actuelle, je vois tellement de cyclistes rouler sur les passages piétons et heurter des piétons ! Pour moi c'est un véritable danger. Alors non, les vélos doivent aller sur la route et emprunter les pistes cyclables. Depuis 2008, des aménagements ont largement été réalisés. Je pense qu'il n'y a pas besoin d'en faire la preuve, la politique a évolué dans ce sens. Mme Künzler a poussé dans cette direction, pour qu'il y ait de plus en plus de pistes cyclables. Les vélos sont de ce fait accueillis sur la route, alors qu'ils y restent ! On n'en a pas besoin sur les trottoirs.

Ensuite, quand je lis qu'il faut mettre de plus en plus de feux pour les vélos. Mais laissez-moi rire ! Ils ne respectent déjà pas les feux de circulation. Quand un feu est rouge, pour eux c'est vert; qu'il soit vert ne fait aucune différence, ils ne s'arrêtent jamais ! Vous savez comment nous les appelons les cyclistes ? Les «Highlanders» ! (Rires.) Honnêtement, ils se croient invincibles.

Pour toutes ces raisons, le groupe MCG refusera toute discussion sur cette motion.

M. Hugo Zbinden (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, on pourrait effectivement croire qu'avec l'acceptation de l'initiative 144, cette motion ne fait plus sens. Malheureusement, je pense qu'elle a encore toute son importance, d'autant plus qu'elle demande des mesures transitoires qui pourraient être réalisées assez rapidement en attendant les fruits de l'initiative.

Si mes collègues des bancs d'en face déplorent la mauvaise cohabitation entre cyclistes et piétons, nous sommes tout à fait d'accord. C'est en effet un problème. Cela me fait quand même un peu rire quand M. Gander dit à quel point les cyclistes sont dangereux sur les trottoirs, lorsque l'on sait qu'il n'y a pas si longtemps le MCG a présenté une motion proposant que les scootéristes et les motards roulent sur les pistes cyclables d'une manière généralisée. Dans ce cas, tout à coup, il n'y avait pas de problème de sécurité.

Nous ne demandons justement pas ici que les cyclistes puissent toujours rouler sur les trottoirs, bien au contraire, nous voulons juste que, dans les situations délicates et difficiles, les cyclistes puissent emprunter les trottoirs s'il y a assez de place et que l'on procède à un marquage approprié le signalant. Par contre, dans les autres endroits, nous n'allons pas aller dans ce sens et nous partageons l'idée d'interdire aux cyclistes d'utiliser les trottoirs.

Je pense donc au contraire que cette motion peut apporter une amélioration de la cohabitation entre les cyclistes et les piétons; je vous invite dès lors à la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. François Gillet (PDC). Cette motion date d'une époque, certes, pas si lointaine mais quand même, où rien de concret n'avait été décidé en faveur de la mobilité douce. Je rappelle - M. Zbinden vient d'y faire allusion - que depuis nous avons adopté l'initiative 144 sur la mobilité et que tout prochainement la commission des transports va se pencher sur le plan directeur de la mobilité douce. Ce dossier est ainsi clairement une priorité du Conseil d'Etat et de la commission des transports qui va en traiter très bientôt.

Cela a été dit: certaines invites de la motion vont évidemment beaucoup trop loin. Le groupe démocrate-chrétien est convaincu qu'il faut faire davantage pour la mobilité douce à Genève mais souhaite l'accomplir dans un cadre qui est celui adopté par le peuple, c'est-à-dire l'initiative 144. M. Deneys disait tout à l'heure que déjà aujourd'hui des aménagements ponctuels peuvent être réalisés. Cette motion n'est pas utile pour avancer dans une meilleure prise en compte des besoins des cyclistes à Genève et dans la nécessité d'aller plus loin dans les aménagements en faveur des cyclistes. Nous le ferons dans le cadre de l'application de l'initiative 144 et de l'examen du plan directeur sur la mobilité douce. Je crois qu'il s'avère dès lors inutile de renvoyer cette motion en commission ou au Conseil d'Etat.

Mme Fabienne Gautier (L). C'est une cycliste qui vous parle et j'aimerais dire qu'il n'y a pas plus dangereux pour les cyclistes que les autres cyclistes qui ne respectent pas la loi sur la circulation routière. Que demande justement cette motion ? C'est l'irrespect de la loi sur la circulation routière à laquelle les cyclistes sont soumis. C'est totalement inadmissible ! M. Gillet vient de le dire. L'initiative 144 a été votée en mai 2011. Le peuple l'a acceptée, il va donc y avoir plus d'aménagements de pistes cyclables, ce qui s'est déjà produit.

Avant de déborder sur les trottoirs, que les cyclistes commencent déjà par respecter les pistes cyclables et les feux rouges et à utiliser les chemins qu'ils doivent prendre au lieu de passer dans des rues qui ne sont pas autorisées aux cyclistes. J'en veux pour preuve les rues basses. Il n'y a pas plus dangereux pour les piétons. Les personnes âgées qui traversent n'entendent pas les vélos arriver. Ils sont irrespectueux; ils n'ont pas le droit de passer dans les rues de basses; et continuellement ces rues sont empruntées par les cyclistes. Alors qu'ils commencent déjà par respecter ce qu'ils doivent faire ! Nous refuserons donc totalement cette motion, tant son renvoi en commission que celui au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Schneider Hausser; il reste vingt secondes au groupe socialiste.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous demande de ne pas pratiquer la politique de l'autruche pour deux raisons. C'est vrai qu'il y a des dangers, il est question des piétons, mais parlons aussi des cyclistes, d'autant qu'il y a parmi eux beaucoup de jeunes. Les jeunes cyclistes sont effectivement en nette augmentation. Cela devient urgent de s'en occuper, indépendamment des projets qui seront peut-être en route dans quelque temps. Pour le moment des mesures urgentes fonctionnent sur le pont des Acacias et sur celui de la Coulouvrenière. Il n'y a pas d'accident depuis l'introduction des lignes jaunes pour les cyclistes et tout se passe bien entre ces deux populations: piétons et cyclistes. Nous pourrions continuer un peu et plus rapidement qu'en attendant des projets de lois.

Le président. Merci, Madame la députée. Je précise que le groupe socialiste avait droit à six minutes puisqu'il est motionnaire. Donc excusez-moi. Je passe à présent la parole à M. le député Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais rappeler à cette noble assemblée qui reste malheureusement chaque année en cette saison assez peu éveillée aux questions de mobilité douce - mais évidemment c'est la saison des automobiles, de l'amour de la voiture ! L'érotomanie automobile se diffuse chaque année dans cette assemblée et dépasse toutes les bornes de la raison ! - que si nous étions simplement attentifs aux auteurs d'infraction pour réaliser la traversée du lac, eh bien nous l'attendrions encore un millénaire, deux millénaires, dix millénaires ! (Commentaires.) En effet, ce n'est pas comme ça que nous menons une politique publique...

Le président. Monsieur le député, veuillez vous adresser si possible au président qui est prêt à faire le paratonnerre !

M. Roger Deneys. Mais très volontiers, Monsieur le président ! Surtout que je sais que je peux compter sur votre sagesse proverbiale.

La politique publique en matière de sécurité consiste à prendre des mesures qui permettent de garantir l'exercice de la bicyclette en milieu urbain dans des conditions de sécurité suffisante. Il ne sert à rien de stigmatiser les cyclistes qui ne respectent pas les lois ! D'ailleurs je connais quelques députés PLR qui régulièrement ne les respectent pas à vélo. Je les ai vus à plusieurs reprises. (Exclamations. Commentaires.) Mais ce n'est pas grave, je ne leur en veux pas !

Des voix. Des noms ! Des noms !

M. Roger Deneys. Non, mais ils ont déjà des blâmes donc je n'ai pas besoin de donner leur nom.

Le président. Poursuivez, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. Pour ces simples raisons, je vous invite à envisager ces questions de cyclisme d'un point de vue de sécurité publique. Ce n'est pas une question d'auteur d'infraction ou non. Il s'agit de savoir comment nous pouvons améliorer la sécurité pour les cyclistes, pour les plus faibles et aussi pour les piétons. Parce que si les cyclistes disposent de meilleures conditions pour pratiquer la bicyclette en ville, les piétons en bénéficieront évidemment aussi. Bien sûr il faut également réprimer les infractions des cyclistes, mais il s'agit aussi de leur fournir des conditions-cadres suffisantes pour pratiquer la bicyclette.

Contrairement à ce qui a été dit par Mme Gautier - mais cela ne m'étonne pas de sa part - notre Grand Conseil, dans sa majorité PLR, a diminué le montant des investissements pour les aménagements cyclables dans le cadre du projet de budget 2012 que vous avez voté. Le montant pour les aménagements cyclables, quelques six mois après l'acceptation...

Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député !

M. Roger Deneys. ...de l'initiative 144, a été réduit. C'est tout simplement honteux, et nous le déplorons. Il reste de ce fait encore beaucoup de travail à accomplir.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stéphane Florey à qui il reste une minute trente.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Deneys mon invitation à balayer devant sa porte. Puisqu'en tant que conducteur de tram, étant souvent sur le réseau en ville, il me semble l'avoir souvent vu se comporter pas tout à fait dans les règles de l'art... (Exclamations. Huées.) ...mais également d'autres députés, et elles se reconnaîtront, puisque c'est principalement des dames dont je ne citerai pas le nom. Je les invite également à respecter un peu plus les lois en vigueur et peut-être qu'une fois nous pourrons revenir sur le sujet. Mais avant tout, respectez la loi !

Le président. Monsieur le député Roger Deneys, votre temps de parole est épuisé ! Je cède la parole à Mme la conseillère d'Etat Mme Michèle Künzler.

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je crois que la plupart des gens ont été mis en cause pour des infractions, et je vous invite donc à respecter la loi, comme cela a été demandé. D'autre part, il est vrai que cette motion a été déposée il y a un certain temps. Depuis, deux événements importants se sont produits. Tout d'abord, a été acceptée par la population l'initiative 144 qui souhaite des aménagements pour la mobilité douce. Cela a des implications pour les piétons d'abord et aussi pour les cyclistes. Ensuite, nous avons déposé un plan directeur de la mobilité douce qui sera bientôt traité et qui est bien plus global que les éléments de cette motion. Il pourra conférer une vision d'ensemble des aménagements nécessaires.

Nous sommes en train de créer un fonds pour répondre à l'initiative sur la mobilité douce, car, effectivement, les montants dépensés actuellement pour les pistes cyclables sont insuffisants. Il n'y a pas eu ni cohérence ni de hiérarchisation dans le réseau de la mobilité douce. En analysant ce qui a été fait ces derniers temps, on me propose de réaliser une piste cyclable à Jussy. C'est très bien, mais ce n'est pas vraiment là où le noeud du réseau se révèle le plus important. Prochainement, nous allons déposer huit itinéraires qui arriveront de tous les points d'horizon du canton pour disposer de voies sécurisées. C'est un premier pas pour mettre en oeuvre l'initiative 144.

Je vous invite d'abord à travailler le plan directeur de la mobilité douce, plutôt que cette motion, pour avoir une vision globale sur le canton et, d'autre part, à appuyer les éventuels projets de lois pour mettre en oeuvre cette initiative. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat, je passe au vote de la prise en considération de la proposition de motion 1825 à l'appel nominal (Appuyé.) comme cela a été demandé.

Mise aux voix à l'appel nominal, la proposition de motion 1825 est rejetée par 48 non contre 25 oui.

Appel nominal