République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 décembre 2011 à 17h
57e législature - 3e année - 2e session - 9e séance
PL 8201-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous sommes aux points 22 et 23, qui sont classés en catégorie II: quarante minutes. Nous traitons donc les deux projets de lois conjointement dans le même débat. La parole est à M. le rapporteur de majorité Jacques Jeannerat.
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Oui, merci pour cette précision, Monsieur le président.
Ces deux projets de lois ont été déposés au printemps de l'an 2000 pour le premier et à l'automne de l'an 2000 pour le second. Ce sont de vieux projets puisque, pour le premier, il n'y a plus aucun député signataire qui est encore dans cette salle. On trouve toutefois le nom de David Hiler, qui est passé au Conseil d'Etat comme chacun le sait.
Le premier projet de loi, déposé par la gauche, mettait en exergue le principe de «soumettre l'aéroport à un contrat de prestations», et je cite l'exposé des motifs écrit par les auteurs, qui voulaient s'inspirer de la loi sur les Transports publics genevois. Quelques fioritures avaient été ajoutées à cet élément de ce projet de loi sur un rééquilibrage de la représentation au conseil d'administration mais, pour l'essentiel, c'était vraiment un contrat de prestations.
La commission de l'économie a mis un certain temps pour examiner ce dossier. D'abord, M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht a demandé plusieurs fois d'attendre avant de pouvoir prendre une décision finale, des réflexions se faisant au sein du gouvernement sur l'aéroport. La commission a quand même procédé à un certain nombre d'auditions. Or toutes les personnes auditionnées, sans aucune exception, ont trouvé que soumettre une institution publique qui rapporte de l'argent à un contrat de prestations était une idée bien saugrenue, puisqu'au fond, à l'époque, seuls les TPG étaient au bénéfice d'un contrat de prestations. On n'était pas encore dans le principe de la LIAF, qui est venue plus tard. Vous savez que, désormais, pratiquement toutes les institutions, les associations ou les établissements autonomes qui remplissent une mission pour l'Etat sont au bénéfice d'une indemnité ou d'une subvention au travers d'un contrat de prestations. Voilà donc l'idée: soumettre une structure proche de l'Etat mais qui, elle, rapporte à l'Etat, puisque je vous rappelle que la loi sur l'aéroport précise que, en cas de bénéfice de l'aéroport, 50% de ce bénéfice vient dans la caisse de l'Etat.
Alors, au hasard, voici quelques citations sur cette idée d'un contrat de prestations. D'abord, l'ancien directeur de l'aéroport, M. Jobin, disait que l'aéroport n'assure pas les transports et qu'il ne voyait donc pas comment on pouvait le soumettre à un contrat de prestations. Ou encore, il a été relevé que la comparaison avec les TPG ne peut pas se faire, puisque justement il n'y a pas de subventions accordées à l'aéroport. Une autre personne indiquait qu'il est impossible à l'aéroport d'imposer des fréquences de vols comme on peut imposer des fréquences à un trolleybus qui doit relier un point de la ville à l'autre. Même le Syndicat des services publics trouvait l'idée mauvaise, puisque, je cite: «Le SSP ne voit pas l'opportunité d'un contrat de prestations pour une structure - l'AIG - qui fonctionne sous le contrôle de l'Etat, tout en dégageant des bénéfices.» Vous voyez, tout tourne toujours autour de la même question. Je pourrais vous en citer plusieurs qui vont dans ce sens-là.
L'idée était si mauvaise et n'est tellement plus d'actualité, Mesdames et Messieurs, que même le rapporteur de minorité n'en fait pas mention dans son rapport. Il parle de sujets complètement autres, comme les fioritures liées à la représentativité au sein du conseil d'administration. Vous voyez donc que ce projet de loi est totalement dépassé.
Quant au projet de loi suivant, déposé six mois plus tard, qui a été la réponse au premier projet de loi, il n'y a plus qu'un seul député actuel à l'avoir signé, c'est Jacques Béné, qui n'est pas là à l'instant. Tous les autres signataires ont disparu de cet hémicycle. Ce projet de loi - qui était donc la réponse au premier - déposé par ce que l'on appelait encore à l'époque l'Entente, prévoyait deux choses: d'abord de transformer l'AIG... (Commentaires.) ...en une société d'économie mixte selon l'article 762 du code des obligations, et surtout que les constructions et installations localisées sur le site aéroportuaire deviennent propriété de l'AIG, les terrains restant propriété de l'Etat. Or il y a là deux éléments d'actualité qui font que ce projet de loi est dépassé et inadapté. Il y a d'abord l'actualité qui nous a fait vivre les péripéties de l'aéroport de Zurich qui, lui, s'est transformé en société d'économie mixte. Il a fait l'expérience, a vu qu'il y avait un certain nombre de problèmes et a donc fait marche arrière. Voilà la première raison pour laquelle ce projet de loi n'a plus beaucoup de sens. Mais surtout, l'élément principal c'est que le transfert d'actifs, c'est-à-dire donner en propriété à l'aéroport...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jacques Jeannerat. Je vais conclure. ...les bâtiments, pour qu'il puisse les gérer de façon plus optimale, tout en gardant la propriété du terrain, a été à la fois adopté sur proposition du Conseil d'Etat par ce parlement et confirmé quelques mois plus tard - il y a maintenant quelques années - par le peuple. En conclusion, Mesdames et Messieurs, ces deux projets de lois méritent un non simple et direct.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. C'est vrai que c'est un projet de loi relativement ancien et que nous en avons parlé il y a déjà fort longtemps à la commission de l'économie. Ces rapports sont sortis un peu tardivement et, du coup, ils sont aussi quelque peu elliptiques. Alors j'ai beaucoup aimé le rapporteur de majorité qui cite son rapport, parce qu'il omet certains passages choisis. En l'occurrence, typiquement, l'audition de M. Jobin, le directeur général de l'AIG à l'époque, commençait ainsi... Enfin, le rapporteur de majorité, en tout cas, a oublié de citer la première phrase de cette audition, que je vous lis: «M. Jean-Pierre Jobin affirme qu'il n'a aucune objection à l'idée, très moderne souligne-t-il, d'un contrat de prestations.»
M. Jacques Jeannerat. Il faut lire la suite !
M. Roger Deneys. Oui, vous, vous avez commencé par la suite, Monsieur Jeannerat ! Alors qu'il faut commencer par le début, quand on lit des citations... En l'occurrence, le principal, c'est que l'idée, effectivement, a quelque peu été éludée dans les discussions. En effet, il y avait les deux aspects. Il y avait aussi l'aspect de la composition du conseil d'administration - sujet d'actualité - et je vous invite d'ailleurs à signer le référendum qui vient d'être lancé contre les nouveaux conseils d'administration des établissements publics autonomes. La représentation des partis politiques est fondamentale et, pour nous, c'est une disposition importante. Du coup, ces projets de lois sont toujours restés un peu en retrait par rapport aux propositions qui sont venues soit du Conseil d'Etat, soit de la majorité de droite de ce Grand Conseil, et qui visaient à retirer des compétences citoyennes à ces conseils d'administration.
Maintenant, le thème du contrat de prestations ayant été un peu éludé dans ces discussions, on peut se poser la question de son actualité. Les auteurs du projet de loi, à l'époque, rappelaient leur souci d'éviter une privatisation rampante de l'aéroport, leur souci d'éviter que le seul critère de son fonctionnement ne soit la maximisation des bénéfices. On peut donc se poser la question, comme l'a fait M. Jeannerat, de savoir si un contrat de prestations est possible avec une entité qui rapporte de l'argent, une entité qui appartient aux collectivités publiques, ici à l'Etat. Franchement, il n'y a pas de problème. Ce n'est pas parce que l'on perdrait de l'argent que l'on devrait avoir un contrat de prestations et que, si l'on en gagnait, on ne pourrait pas en avoir un.
Est-il impossible de fixer des objectifs à l'aéroport ? Je pense que l'on peut tout à fait en fixer pour plusieurs raisons. On pourrait fixer, notamment, les questions d'horaires que l'on a eu l'occasion d'évoquer. Les riverains se plaignent régulièrement qu'il y a des vols de nuit en trop grand nombre. Il y a les questions d'accueil, de qualité d'accueil, les questions de tarifs, même peut-être des parkings. Enfin, il y a un certain nombre d'éléments dont on peut parler. On pourrait aussi imaginer de choisir le type de transport aérien que l'on souhaite privilégier. Veut-on plutôt de l'easyJet à n'en plus finir ou préférerait-on d'autres types d'activités ? Ce sont des choix politiques, des choix citoyens. Doit-on absolument accueillir toutes les compagnies, même avec les avions les plus anciens, les plus bruyants, sans avoir la possibilité de parler des taxes pour ces avions bruyants ?
Un contrat de prestations pourrait donner l'occasion de discuter du fonctionnement tel que les Genevoises et les Genevois le souhaitent, plutôt que de simplement subir ce discours ambiant que l'on entend partout, qui consiste à dire: «Ne nous en mêlons pas, parce que cela rapporte de l'argent.» C'est quand même un peu léger comme raisonnement. Le contrat de prestations permet simplement aux citoyens de donner aussi leur vision du fonctionnement d'une entité. Et fondamentalement on pourrait arriver à une situation qui n'existe pas aujourd'hui mais, le jour où les TPG feraient des bénéfices, on devrait alors, du jour au lendemain, leur dire: «Vous n'avez plus de contrat de prestations» ?! Je pense que...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. ...c'est une très mauvaise idée. En l'occurrence, nous vous invitons - je vous invite - à renvoyer ce projet de loi à la commission de l'économie, afin d'étudier, ce qui n'a pas été le cas à l'époque, la question du contrat de prestations pour l'Aéroport international de Genève.
Mme Irène Buche (S). Mesdames et Messieurs les députés, concernant ce que j'appellerai le premier projet de loi, le PL 8298, il est clair non seulement que ce projet est dépassé, mais aussi que l'idée même d'imaginer une société mixte est contraire à toutes les règles qui ont été données jusqu'à maintenant. Même M. le conseiller d'Etat François Longchamp avait rappelé qu'il fallait que l'aéroport reste un établissement de droit public exclusivement.
En ce qui concerne le projet de loi 8201, les socialistes pensent effectivement toujours qu'un contrat de prestations est parfaitement possible, même pour un établissement de droit public qui n'est pas subventionné et qui rapporte de l'argent à l'Etat. Il n'y a aucune raison que l'on ne puisse pas fixer des objectifs, des missions, des indicateurs, etc., à un établissement tel que l'aéroport, même s'il ne bénéficie pas de subventions.
Nous souhaitons donc que ce projet soit réétudié en commission. En effet, il n'est absolument pas dépassé, ni inutile ni inadéquat, ce d'autant moins que, comme vous le savez, un référendum a été lancé contre la loi sur l'organisation des institutions de droit public. Par conséquent, il est totalement prématuré de mettre de côté ce projet de loi, dans l'hypothèse extrêmement probable où la loi serait refusée par le peuple. Je vous demande donc également de renvoyer ce projet - le PL 8201 - à la commission de l'économie pour examen du fond, notamment sur la question du contrat de prestations.
Mme Christina Meissner (UDC). Décidément, aujourd'hui, on fait le ménage. On travaille tellement vite que l'on peut enfin s'occuper de projets dépassés. C'est assez étonnant, d'ailleurs, mais c'est ainsi !
Revenons à ces deux projets de lois: au sujet du premier, le PL 8201, qui propose un contrat de prestations, l'UDC ne peut que se rallier à la majorité, en disant que, la plupart du temps, quand on demande des contrats de prestations, c'est que l'on demande de l'argent. Or l'aéroport rapporte, et cela paraît être une solution extrêmement incongrue. La minorité prétend qu'ainsi on pourra mieux contrôler l'aéroport. Il ne faut pas oublier que le cadre de travail de l'aéroport est réglé au niveau de l'Office fédéral de l'aviation civile voire d'accords transnationaux, et même simplement par l'économie de marché qui fait que, aujourd'hui, on a des avions et que, demain, on n'en aura peut-être plus.
Mais, pour l'instant, il faut bien admettre que cet aéroport marche bien, même peut-être trop bien pour certains riverains. Cependant, les communes sont dans le conseil d'administration et les riverains surveillent de très près le respect des horaires et tout ce qui mérite de l'être. Je ne le nie pas, étant moi-même riveraine. Mais ce n'est pas à travers un contrat de prestations que l'on arrivera à faire tout cela, d'où le rejet de ce projet de loi 8201.
Quant au projet de loi 8298, là aussi, la majorité l'a déjà dit, demander une société d'économie mixte, c'est aussi trop tard dans la mesure où, entre-temps, en 2007, il y a eu le transfert des actifs. L'AIG est aujourd'hui un établissement public autonome, qui gère donc ses propres installations. Par conséquent, il n'y a pas lieu non plus de voter ce projet de loi.
En conclusion, ces deux projets sont obsolètes. Ne passons pas trop de temps à leur sujet et refusons-les tous les deux. C'est en tout cas ce que l'UDC fera.
Le président. Merci, Madame Meissner. Madame la députée Buche, vous avez demandé le renvoi à la commission de l'économie et vous souhaitez que le vote ait lieu maintenant; votre collègue rapporteur, lui, l'a demandé après l'entrée en matière. Nous allons donc passer au vote sur le renvoi à la commission... (Remarque.) Avant cela, il y a les prises de parole des rapporteurs, puis du Conseil d'Etat, et nous procéderons ensuite au vote sur le renvoi en commission. Vous avez la parole, Monsieur le député Jacques Jeannerat.
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il faut voir ce qu'est la définition d'un contrat de prestations à l'Etat de Genève ! Quand l'Etat, en l'occurrence le Conseil d'Etat, signe un contrat de prestations, c'est bien pour confier une mission à un organisme - privé, subventionné, un établissement autonome - qui va remplir une mission. Et, pour qu'il remplisse cette mission, on va l'aider en lui donnant une indemnité, une subvention, un bâtiment ou je ne sais quoi.
Là, on est complètement à l'envers ! Si vous voulez qu'il y ait un contrat ou que des exigences soient fixées à l'aéroport, ce n'est pas au travers d'un contrat de prestations. Mme Meissner a rappelé que l'Office fédéral de l'aviation civile édictait un certain nombre de règles. La loi qui gère actuellement l'aéroport est déjà en train d'expliquer toutes ces règles de fonctionnement. Il est donc parfaitement inutile de renvoyer ce projet de loi en commission pour étudier une proposition dont tous les auditionnés - tous, une quinzaine - ont dit que c'était une mauvaise idée !
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Tous, sauf l'ancien directeur de l'aéroport M. Jobin. C'est marqué dans votre rapport, mais au début !
Cependant, concernant le contrat de prestations, c'est vrai que c'est évidemment l'Etat qui demande à une entité quelconque de remplir une mission et qui définit un certain nombre de critères que l'entité doit respecter. Mais ce n'est pas quelque chose d'impossible parce qu'il y aurait des bénéfices ! Vous, vous liez les choses. La subvention - ou plutôt le contrôle de l'efficacité de la subvention, le fait d'atteindre des objectifs - n'est pas une condition qui peut s'éluder comme cela parce qu'il y aurait des bénéfices. On peut dans tous les cas demander des critères.
Je suis convaincu d'une chose. On sait que l'aéroport privilégie des compagnies à bas coûts comme easyJet, au détriment, par exemple, de l'aviation d'affaires. Typiquement, un contrat de prestations permettrait notamment de rééquilibrer les types de vols. Je ne dis pas que c'est ce que je souhaite mais, simplement, c'est vrai que l'on peut dire... (Commentaires.) Non, mais...
Le président. Monsieur le député, on s'exprime sur le renvoi en commission !
M. Roger Deneys. Oui, j'essaie d'expliquer que les questions de critères d'évaluation...
Le président. Eh bien je vous demande de conclure votre intervention !
M. Roger Deneys. Les critères d'évaluation de l'efficacité de l'aéroport sont aussi pertinents pour une entité bénéficiaire. Donc je vous demande de renvoyer ce projet à la commission de l'économie, parce que nous devons justement réfléchir à la définition de ces critères.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi du PL 8201-A à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 8201 à la commission de l'économie est rejeté par 67 non contre 13 oui et 1 abstention.
Le président. Le débat se poursuit, avec la prise de parole de Mme la députée Brigitte Schneider-Bidaux.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Merci, Monsieur le président. Les Verts, après avoir relu ces projets de lois, qui datent de pratiquement onze ans, considèrent qu'ils sont effectivement obsolètes. L'AIG est devenu un établissement de droit public autonome. La grande question qui reste concerne le conseil d'administration, et elle a été résolue lors de notre dernière session. Nous avons voté la loi sur les conseils d'administration, donc nous ne reviendrons pas en arrière et nous vous proposons de refuser ces deux projets de lois obsolètes.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, soyons sérieux, ces deux projets de lois doivent être refusés sans la moindre hésitation. L'un comme l'autre, d'ailleurs, dans l'idéal, auraient dû être retirés, tant il est vrai que les débats que nous avons eus dans le cadre des transferts d'actifs ont clairement montré que les peurs irrationnelles de la gauche quant à une éventuelle privatisation de l'aéroport étaient sans fondement. Qui aujourd'hui, et même à l'époque, aurait intérêt à ce que cet aéroport soit privatisé ? Je crois que les collectivités publiques, qui sont parties prenantes du conseil d'administration - et ce sera encore le cas - comme les riverains, comme tous les partenaires qui, aujourd'hui, sont intégrés au sein de la gouvernance de l'AIG, n'ont pas intérêt - personne n'a intérêt - à ce que cet aéroport soit privatisé. Le transfert d'actifs a clarifié les choses.
Je crois que, aujourd'hui, s'il est vrai que nous pouvons peut-être discuter des priorités de notre aéroport et que les représentants des autorités politiques qui siégeront au sein du conseil d'administration pourront évidemment se faire l'écho d'un certain nombre de souhaits dans ce domaine, tout cela ne justifie en rien ni l'un ni l'autre de ces projets de lois. Je crois que personne ne sera dupe du fait que l'un était la réponse à l'autre et que, aujourd'hui, tout cela n'a plus de sens. Si des choses peuvent encore être discutées et améliorées autour de la gestion de notre aéroport, ce n'est en tout cas pas avec un éventuel contrat de prestations - qui évidemment ne convient absolument pas au cas qui nous occupe - que cela pourra se régler. Chers collègues, soyons donc sérieux et refusons ces deux projets de lois.
M. Eric Stauffer (MCG). Effectivement, le temps a passé. Mais j'aimerais quand même ici souligner que c'est une stratégie cent fois expérimentée par le Conseil d'Etat. Quand un projet de loi est dérangeant, on le congèle, on le «cryogénise» en quelque sorte en commission, et il ressort dix ans plus tard. Et puis, comme par enchantement, le problème qu'il soulevait a été réglé parce que, entre-temps, il y a eu une votation populaire et que, entre-temps, c'est devenu autonome. On connaît ces techniques.
On serait presque tenté, au MCG, afin de faire un pied de nez au gouvernement pour avoir traîné les pieds en commission, de le voter. Mais, évidemment, on n'aurait pas la majorité, et vu la configuration actuelle de l'AIG... Je m'empresse de dire que je fais partie de son conseil d'administration, mais je n'y vois aucun conflit d'intérêts avec l'article 24 puisque je n'y ai aucun intérêt personnel. Quoi qu'il en soit, on va être raisonnable et refuser ce texte, ainsi que le renvoi en commission, bien sûr.
Cela me permet de souligner, chers collègues, qu'il faut maintenir - et nous donnons là clairement raison à la gauche - la représentativité des partis politiques au sein des conseils d'administration. Parce que si, aujourd'hui, on dit bien que l'on n'a pas de risque de voir un aéroport privatisé, je suis assez d'accord avec cela. Mais, quand on parle d'établissements publics autonomes, on voit bien l'exercice de grand écart qu'est en train de faire le gouvernement, puisque je vous rappelle qu'il doit présenter un objet à la commission des finances. Vous m'excuserez, Monsieur le président, je vais un peu trahir un secret de commission, mais comme l'un de vos députés Verts l'a fait hier avec la commission des finances, je me sens libre de faire la même chose. Donc le gouvernement va faire un grand écart et devra présenter à la commission des finances dans une semaine un projet de loi pour tondre les SIG et l'AIG afin de renflouer les caisses de l'Etat. On voit bien que l'autonomie est un peu réduite dans le sens où on nous l'avait vendue en votation populaire il y a quelques années. Donc ce ne sont finalement pas vraiment des établissements publics autonomes. Ce sont des établissements publics qui appartiennent à l'Etat, comme le Conseil d'Etat va s'exercer à nous le démontrer avec ses projets de lois pour ponctionner quelques dizaines de millions afin, éventuellement, de sauver le budget, sur une proposition notamment que mon groupe a faite.
Alors, Mesdames et Messieurs, c'est sûr, ce projet de loi est aujourd'hui obsolète, et nous allons donc le refuser. Mais ce n'est pas pour autant que nous ne veillons pas au grain. Et je vous encourage, Mesdames et Messieurs - même vous, députés de l'opposition - à signer le référendum pour qu'il y ait une votation populaire, puisque le seul patron de nous autres députés est le peuple. Et il lui appartient le droit de déterminer s'il veut limiter les conseils d'administration ou s'il veut continuer à avoir la représentativité au travers de ses élus.
Le président. Merci, Monsieur le député. Les deux rapporteurs ayant épuisé leur temps de parole, je passe le micro à M. le conseiller d'Etat François Longchamp.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ces projets sont anciens. Ils n'ont pas traîné en commission par la volonté du Conseil d'Etat: c'est le Grand Conseil qui est seul maître de l'ordre du jour de ses commissions. Le Conseil d'Etat n'a absolument rien gelé dans le traitement de ces projets. C'est vous-mêmes qui avez considéré, législature après législature depuis l'an 2000, que ces projets ne méritaient pas une discussion immédiate.
Vous avez sans doute fort bien fait, car nous avons mené diverses réformes, qui passaient sur un axe qui est connu de tous. Le premier de ces axes est l'idée que l'aéroport doit rester exclusivement une propriété de l'Etat de Genève. Il doit le rester pour des raisons simples. D'abord parce que c'est un outil de promotion économique qui génère 8500 emplois à Genève et un équipement important sans le contrôle duquel personne n'imaginerait que Genève puisse connaître la prospérité qui est la sienne. Il s'agit d'un équipement important aussi par les conséquences qu'il a sur les riverains. C'est une raison supplémentaire, également, pour laquelle l'aéroport doit rester sous la maîtrise du canton.
C'est d'autant plus nécessaire que ce n'est pas la privatisation, pour tout vous dire, que le canton de Genève et le Conseil d'Etat redoutent, puisqu'ils y ont été toujours fermement opposés. En réalité, c'est bien la fédéralisation de l'aéroport qui risque probablement, dans les années qui viennent, de devoir attirer notre attention. Je vous rappelle qu'il y a eu le week-end dernier une votation à Zurich sur le devenir de l'aéroport. Dans la mesure où ces initiatives cantonales auraient menacé le développement voire l'activité même de l'aéroport de Zurich, la Confédération, par la voix de Mme Leuthard et du Conseil fédéral, avait indiqué ceci: dans l'hypothèse où un canton venait à entraver le développement d'un équipement qui ne concerne pas seulement Zurich mais l'ensemble de la Suisse alémanique et même l'ensemble de la Suisse, le Conseil fédéral en serait amené à fédéraliser les aéroports. Les électeurs du canton de Zurich n'ont pas suivi les initiants, et cette menace s'est donc éloignée.
Mais j'attire votre attention sur le fait que, si nous voulons conserver en mains publiques un aéroport qui provoque des bienfaits économiques, en particulier dans une période difficile comme celle que nous traversons, il faudra avoir une stabilité et une volonté forte du point de vue politique. Et cette volonté passe ce soir par le refus de ces deux projets, qui sont anciens. Nous avons modifié la structure. Aujourd'hui, les transferts d'actifs ont complètement clarifié les éléments juridiques.
Voici un dernier mot pour vous, Monsieur Stauffer. Le Conseil d'Etat - je ne sais pas d'où vous sortez cela - n'a pas l'intention de déposer un projet de loi pour «tondre» l'aéroport. C'est dans le cadre de la loi actuelle que la régulation des bénéfices est faite. (Remarque.) Et il n'entend pas, Monsieur Stauffer, changer la loi, y compris sur ce point, puisque, comme je vous le dis, la structure actuelle est aujourd'hui stable. Elle provoque des bienfaits. Il s'agit de la défendre, même vis-à-vis de ceux qui peuvent avoir quelques préventions à l'endroit du transport aérien. Nous devons tous avoir la conscience que l'aéroport est aujourd'hui vital non seulement pour Genève mais aussi pour l'ensemble de la région.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons aux votes d'entrée en matière sur ces projets de lois.
Mis aux voix, le projet de loi 8201 est rejeté en premier débat par 68 non contre 13 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 8298 est rejeté en premier débat par 76 non (unanimité des votants).