République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8201
9. Projet de loi de Mmes et MM. Anne Briol, Christian Brunier, Dominique Hausser, David Hiler, Rémy Pagani, Christine Sayegh, Françoise Schenk-Gottret et Alberto Velasco modifiant la loi sur l'aéroport international de Genève (H 3 25). ( )PL8201

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur l'aéroport international de Genève, du 10 juin 1993, est modifiée comme suit :

Art. 2, al. 1 (nouvelle teneur)

1 L'établissement a pour mission, dans le cadre d'un contrat de prestations conclu avec l'Etat, de gérer et d'exploiter l'aéroport et ses installations en offrant, au meilleur coût, les conditions optimales de sécurité, d'efficacité et de confort pour ses utilisateurs.

Art. 2, al. 4 (nouveau)

4 L'établissement conclut avec l'Etat un contrat de prestations pour une durée pluriannuelle. Ce contrat contient notamment les prestations que doit offrir l'établissement, les objectifs qu'il doit atteindre ainsi que les indicateurs qui seront utilisés pour les mesurer.

Art. 5, intitulé Autorités cantonales (nouvelle teneur)

Art. 5, al. 4 (nouveau, l'al. 4 ancien devenant l'al. 5)

4 Sont soumis à l'approbation du Grand Conseil, sous forme d'un projet de loi, le contrat de prestations et ses avenants éventuels entre l'Etat et l'établissement. Le référendum ne peut s'exercer contre la loi y relative ni prise dans son ensemble ni dans l'une ou l'autre de ses rubriques.

Art. 7, al. 1 et 2 (nouvelle teneur)

1 L'établissement est géré, en conformité avec la concession fédérale, par un conseil d'administration formé de :

2 Les administrateurs désignés par le Conseil d'Etat, conformément à l'alinéa 1, lettre b, doivent être choisis, notamment, en fonction de leurs compétences ou de leur expérience dans le domaine de la gestion ou de l'aviation civile. Les diverses tendances de la vie économique, sociale et environnementale du canton et de sa région doivent être représentées afin de promouvoir une politique d'entreprise conforme au développement durable.

Art. 12, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Le président du conseil d'administration est nommé par le Conseil d'Etat en dehors de ses membres. Le conseil d'administration élit le vice-président ; sa désignation est soumise à l'approbation du Conseil d'Etat.

Art. 13, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Sous réserve des compétences du Grand Conseil, du Conseil d'Etat et de l'autorité compétente de la Confédération en matière d'aviation civile, et dans le respect du contrat de prestations conclu avec l'Etat, le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion de l'établissement et a notamment les attributions suivantes :

Art. 14, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Il est convoqué par le président ou, à défaut, par le vice-président.

Art. 15 Conseil de direction (nouvelle teneur)

1 Le conseil de direction se compose de 5 membres représentatifs des diverses tendances de la vie économique, sociale et environnementale du canton. Le président et le vice-président du conseil d'administration en font partie de droit. Les trois autres membres sont choisis chaque année en son sein, par le conseil d'administration. Ils sont rééligibles une fois. Un mois avant la date de l'élection, il est procédé à une ouverture formelle des candidatures.

2 Le conseil de direction est présidé, en principe, par le vice-président du conseil d'administration.

3 Le secrétariat du conseil de direction est assumé par le secrétaire du conseil d'administration.

Art. 16, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Il est convoqué par le président ou, à défaut, par le vice-président.

Art. 19, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Le directeur général de l'établissement assume la direction de celui-ci selon un cahier des charges adopté, conformément aux directives fédérales, par le conseil d'administration. Il exécute les décisions du conseil d'administration et du conseil de direction et assiste à leurs séances avec voix consultative. Il reçoit ses instructions du conseil de direction.

EXPOSÉ DES MOTIFS

En 1993, l'Etat a décidé de donner davantage d'autonomie à l'Aéroport international de Genève. Après un septennat d'expérience, nous constatons que cette autonomisation garantit certes plus de responsabilité opérationnelle, mais que le cadre stratégique, les objectifs et le contrôle sont mal définis. Or l'autonomisation mise en pratique dans un cadre flou n'a que peu de sens.

C'est pourquoi, ce projet de loi propose de soumettre l'aéroport à un contrat de prestations qui permettrait de clarifier les règles, de fixer des objectifs et de définir les indicateurs utilisés pour les mesurer.

Il faut savoir que, pour élaborer ce projet de loi, nous nous sommes beaucoup inspirés de la loi sur les Transports publics genevois, entreprise publique dont la soumission à un contrat de prestations est assurément une réussite.

Le contrat de prestations est un outil de gestion moderne qui permet d'optimiser les fonctionnements des institutions publiques tout en préservant leur caractère de service public.

Influencés ou conditionnés par les prophètes de la globalisation de l'économie mondiale, certains pensent que la privatisation de cet établissement serait judicieuse. Nous pensons, au contraire, que cet aéroport doit rester un vrai service public, et ne pas être soumis aux seuls critères du profit maximum. En effet, cet établissement fait partie de la dynamique économique de Genève, mais il doit aussi se soucier des aspects sociaux et environnementaux de notre canton. Retirer cet aéroport des mains publiques serait un acte de bradage inacceptable du bien public qui profite à l'ensemble de la population du canton et de la région.

De plus, ceux qui pensent que le statut public de l'Aéroport de Genève est un obstacle à son développement et à l'accroissement de son efficacité se trompent totalement. En Europe, plusieurs aéroports se développent et sont des modèles d'efficacité tout en étant publics (Lyon et Bâle sont de bons exemples). Cette obsession de modification de statut est une démonstration de dogmatisme ou une simple excuse pour couvrir d'autres problématiques.

Ce projet de loi propose, de plus, de rééquilibrer le conseil d'administration afin de le rendre davantage représentatif et conforme à notre volonté de promouvoir une politique de développement durable.

Voici en résumé, les principales modifications apportées à la loi sur l'Aéroport international de Genève :

Article 2

Le contrat de prestations est intégré dans la mission de l'aéroport.

A l'alinéa 4, nouveau, il est précisé que la durée de ce contrat est pluriannuelle, sans fixer spécifiquement la durée dans la loi. Celle-ci pourra être définie dans le contrat de prestations lui-même. Ce mode de faire s'inspire de la loi sur les Transports publics genevois.

Nous précisons en outre les grands axes de ce contrat de prestations, soit : la définition des prestations à offrir, les objectifs à atteindre et les indicateurs utiles pour mesurer ces performances.

Article 5

Dans cet article, un nouvel alinéa précise que le contrat de prestations et ses éventuels avenants seront soumis au Grand Conseil sous forme d'un projet de loi préparé par le Conseil d'Etat. Evidemment, comme pour celui des TPG, ce contrat de prestations n'est pas soumis au référendum.

Article 7

Cet article redéfinit la composition du conseil d'administration afin de le rendre plus représentatif et donc davantage démocratique et efficace. Plus nous impliquerons l'ensemble des milieux intéressés par la vie de l'aéroport, plus nous améliorerons son fonctionnement et éviterons des problèmes.

Les modifications sont les suivantes :

Le Conseil d'Etat désigne 4 représentants et non 5. Nous lui demandons de nommer des personnes provenant de différents secteurs, soit 2 du monde économique, une proposée par les associations de protection de l'environnement et une provenant des milieux aéronautiques.

Les communes riveraines gardent deux sièges. Mais, leur représentation ne se limite plus à Meyrin et au Grand-Saconnex. Le choix est réalisé par l'Association des communes genevoises afin que celui-ci soit représentatif de l'ensemble des communes riveraines.

Nous remplaçons un des sièges proposés par les chefs des départements de l'économie publique des cantons romands par un membre proposé par les associations de défense des riverains.

Les compagnies aériennes ne sont représentées que par une personne, à nouveau par souci d'équilibrer les différentes sensibilités de ce conseil.

Article 12

Alors que maintenant le Conseil d'Etat nomme le président et le premier vice-président, à l'avenir, le gouvernement nommera le président et approuvera la désignation du vice-président choisi préalablement par le conseil d'administration.

Cet article limite la vice-présidence à un seul poste et non deux comme c'est le cas actuellement.

Article 13

Nous précisons que l'action du conseil d'administration de l'aéroport s'inscrit dans le cadre du contrat de prestations.

Nous définissons que le conseil d'administration élabore, en collaboration avec le Conseil d'Etat, le projet de contrat de prestations et les projets d'éventuels avenants. Nous insistons aussi pour que ces projets soient soumis aux associations représentatives du personnel de l'établissement.

Nous donnons la compétence au conseil d'administration de désigner son vice-président.

Article 14

Cette modification résulte du fait que ce projet de loi ne prévoit plus plusieurs postes de vice-présidences.

Article 15

Cet article modifie la composition du conseil de direction.

L'objectif est de n'avoir qu'une seule vice-présidence et de rendre ce conseil plus représentatif afin que les trois valeurs de base du développement durable y soient représentées, soit : l'économie, le social et l'environnement.

Nous supprimons l'alinéa empêchant les représentants du personnel de siéger dans le conseil de direction, comme le Parlement l'a fait dernièrement en ce qui concerne les Services industriels de Genève.

Article 16

Cette modification résulte du fait que ce projet de loi ne prévoit plus plusieurs postes de vice-présidences.

Article 19

Afin de renforcer la démocratie interne et l'implication des membres du conseil de direction, le directeur général recevra ses instructions du conseil de direction et non plus uniquement du président.

Parce que le contrat de prestations est un bon moyen de réformer l'Etat, parce que ce genre de contrat permet de garantir tant l'efficacité des entreprises publiques que le statut de service public, parce qu'une plus grande représentativité d'un conseil d'administration ne peut que crédibiliser et accroître son action, parce que la volonté de pluralité de ce conseil d'administration peut renforcer une politique axée sur le développement durable, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de soutenir ce projet de loi afin qu'il soit concrétisé dans les meilleurs délais.

Préconsultation

M. Christian Brunier (S). Je crois qu'il y a un postulat de départ sur lequel nous sommes tous certainement d'accord, c'est que l'aéroport de Genève est un outil indispensable de la politique économique du canton. Il est, de ce fait, important d'offrir tous les moyens de gestion modernes à cet établissement public.

En 1993, l'Etat de Genève décidait de donner davantage d'autonomie à l'aéroport. Le groupe socialiste pense que c'était une bonne chose. Néanmoins, toute autonomisation doit s'accompagner d'un certain nombre de mesures, pour clarifier le cadre dans lequel évolue un établissement public. On doit définir les règles du jeu, ce qui n'a pas été fait, provoquant depuis un certain temps nombre de dysfonctionnements. Le but d'une autonomisation est bien sûr de responsabiliser davantage l'entité publique, à qui on confère davantage d'autonomie pour la rendre plus libre, plus proactive, plus réactive, plus rapide, plus souple dans son fonctionnement. Mais le but d'une autonomisation est aussi, comme je l'ai dit précédemment, de fixer correctement les règles du jeu, de clarifier qui fait quoi, comment et dans quelles conditions.

A ce propos, il faut se remémorer les propos de l'inspection cantonale des finances, qui dit très clairement, dans de multiples rapports, je cite, que «pour des établissements dépendant de l'Etat, la contrepartie naturelle d'une telle autonomie de gestion serait, de l'avis de l'ICF, un contrat de prestations entre l'Etat et ces établissements. Un tel contrat offrirait tout d'abord une clarification des rapports entre l'établissement et le Conseil d'Etat. De plus, il permettait aux autorités cantonales d'exercer leur haute surveillance d'une manière encore plus performante, dans la mesure où elles auront à disposition une information détaillée sur les prestations». Ceci est l'avis de l'ICF et ces dernières années, chaque fois que nous avons suivi les conseils de l'ICF, nous avons amélioré le fonctionnement de l'Etat et des établissements publics. Ces derniers mois, ces dernières années, nous avons vécu plusieurs tensions, plusieurs dysfonctionnements à l'aéroport international de Genève. Ceci n'est pas acceptable et nous devons donc clarifier les règles et instaurer un outil de contrôle de prestations efficace, qui permettra à la politique de faire de la politique et à l'aéroport d'assurer le meilleur fonctionnement de l'établissement.

Le deuxième chapitre de ce projet de loi concerne le conseil d'administration de cet établissement. Nous proposons une nouvelle formation dudit conseil, afin de le restructurer, de le moderniser, mais aussi de le démocratiser, puisque aujourd'hui, vous le savez, ce conseil est avant tout dans les mains du monde économique et des compagnies d'aviation, les autres secteurs y étant relativement peu représentés. Le Grand Conseil a, à plusieurs reprises, marqué son intérêt pour le développement durable et a affirmé qu'il voulait mener une politique globale et une gestion allant dans le sens du développement durable. Une motion du groupe radical vient encore d'être déposée dernièrement, qui va dans ce sens. Il faut donc renforcer le conseil d'administration pour que les trois valeurs du développement durable que sont l'économie, bien sûr, mais aussi l'environnement et le social puissent s'exprimer d'une manière plus libre et plus claire à travers cette institution.

C'est pourquoi nous avons décidé de renforcer la présence des milieux environnementaux, de renforcer aussi la pluralité politique, puisque aujourd'hui celle-ci n'existe pas dans ce conseil d'administration. Alors, certains crient à la politisation. Je leur répondrai que, quand le conseil d'administration est à 80% à droite, il n'est pas politisé, mais qu'en revanche, quand il y a deux membres de la gauche en plus, là on parle de politisation ! En l'occurrence, il s'agit juste d'être un peu cohérents, Mesdames et Messieurs les députés de l'opposition. Nous devons renforcer certains milieux dans ce conseil d'administration et, pour ce faire, nous diminuons un peu la présence des compagnies d'aviation, entre autres. Ceci provoque également l'ire de certains, mais je relèverai qu'il est quand même étonnant que, dans une entreprise publique, les clients soient représentés en force. Ici, les clients sont les compagnies d'aviation et on va bien sûr me répondre que ce ne sont pas des clients ordinaires, que ce sont des clients qui ont des liens privilégiés avec Genève ! Eh bien, nous venons d'apprécier ces liens privilégiés avec Genève, avec l'exemple de Swissair qui a tourné les talons et qui a lâché d'un seul coup l'aéroport de Genève ; la présence des compagnies d'aviation dans le conseil d'administration n'a en rien amélioré la synergie entre les compagnies d'aviation et l'aéroport.

Donc, agissons dans cet axe du développement durable, développons les outils de gestion pour moderniser cet aéroport, pour clarifier les rapports entre l'Etat et l'aéroport, pour que les compétences de l'Etat et de l'aéroport s'additionnent. C'est dans ce sens que nous voulons agir. Il y a des aéroports publics extrêmement performants en Europe : Satolas est un aéroport public, Amsterdam est un aéroport public et la notion de public ne nuit en rien au fonctionnement de ces établissements.

M. Jean Rémy Roulet (L). Le groupe libéral ne soutiendra bien évidemment pas ce projet de loi, dont l'objectif est d'étatiser et politiser l'aéroport international de Genève. Dans un univers de concurrence accrue, ce projet de loi affaiblit non seulement notre canton, mais toute une région. De plus, le groupe libéral déposera dans les jours à venir un projet de loi donnant une autonomie accrue à notre aéroport. Avant d'expliciter clairement cette démarche, il paraît judicieux de tracer brièvement quelques grandes tendances de l'économie et du marché aéronautique. Il s'agira également de resituer le contexte juridique suisse, ce qui mettra en évidence l'inadéquation manifeste entre ces réalités économiques et juridiques et le projet de loi 8201.

Les tendances économiques : selon les dernières prévisions de l'Association des transports aériens publiées en 1999, il y a tout lieu de penser que le trafic international des passagers continuera de croître à un taux supérieur à 5% pour la période 1999-2003. Cela signifie, Mesdames et Messieurs les députés, un doublement du trafic passagers à l'horizon 2020, soit, vous en conviendrez, un doublement de ce marché. C'est probablement ce qui amène les instances dirigeantes de l'aéroport de Genève à prévoir un trafic de 14 millions de passagers d'ici ces vingt prochaines années, sans augmentation proportionnelle des mouvements d'avions.

Sur le plan de l'économie mondiale, il faut souligner les impacts, dans les années à venir, de ce que l'on appelle communément aujourd'hui la nouvelle économie, impact notamment sur la mobilité des personnes, au vu de la globalisation des échanges qu'entraînent révolutions technologiques, comme Internet, ou télécommunications. Relevons simplement l'une des conclusions du professeur Garelli, auteur du fameux rapport sur la compétitivité mondiale : «Les conséquences sociales de la compétitivité restent une des préoccupations majeures pour toutes les nations. Les Pays-Bas, à titre d'exemple, semblent réussir à piloter une économie à deux étages. La première est globale, avec une orientation à la privatisation, la flexibilité et la compétitivité. L'autre est locale et basée sur un tissu social associatif, favorisant notamment le partage du temps de travail.» Quel est le point commun entre ces méga-tendances et notre canton ? Eh bien, il n'y a qu'à prendre la liste des entreprises qui viennent s'installer dans notre canton pour voir les choses d'une façon très claire. Genève attire les entreprises de la nouvelle économie. Ces entreprises sont peu polluantes, utilisent peu de matière première. Ces activités, par contre, ont leurs exigences, celles d'être développées par une main-d'oeuvre extrêmement qualifiée, mobile et internationale. La boucle est ainsi bouclée : l'aéroport international de Genève constitue une fenêtre unique sur le monde, permettant à toute une région un développement économique respectueux de l'environnement et du social, un développement durable, somme toute.

S'agissant du contexte juridique suisse, dans quel contexte juridique suisse l'industrie aéronautique suisse se situe-t-elle ? Nous la voyons à trois niveaux. Tout d'abord, l'aéroport de Genève est actuellement au bénéfice d'une concession fédérale d'exploitation. Cette concession arrive à échéance au 31 mai 2001. Il appartient au département fédéral concerné d'ouvrir formellement la procédure de renouvellement de cette concession. Elle fera l'objet d'une enquête publique. Il appartient aussi aux autorités fédérales de mesurer dans quelle mesure les lois cantonales relatives à l'aviation civile sont compatibles ou non avec le droit fédéral. Cela concerne bien évidemment le projet de loi 8201.

La deuxième batterie de lois concerne l'accord bilatéral sur le transport aérien qui vient d'être voté par le peuple suisse. Or, cet accord améliorera la qualité de la desserte de Genève et ceci sur plusieurs plans : meilleures connexions, tarifs à la baisse, entrée en jeu de nouvelles compagnies aériennes et ceci au bénéfice des clients de notre aéroport.

La troisième modification législative du paysage aéronautique suisse est intervenue en avril dernier dans le canton de Zurich. Elle est, de notre avis, majeure. Elle constitue un précédent dans la compétition - car c'est bien le terme qu'il faut employer - que se livrent, sans merci et à distance, Zurich Kloten et Genève Cointrin. En effet, ce printemps, le peuple zurichois, à une large majorité, s'est exprimé en faveur d'une autonomie accrue de l'aéroport Zurich Kloten, rebaptisé Unic Zurich Airport. A noter que cette votation portait sur un projet de loi émanant du Conseil d'Etat zurichois, appuyé par son parlement. J'invite les députés à visiter le site Internet de UnicAirport.com et de le comparer avec celui de notre aéroport, par ailleurs fort bien fait. Ils mesureront ainsi immédiatement l'impact de cette décision populaire. Le message zurichois est clair, et je cite ce que vous pourriez lire sur le site Internet : «Nous sommes un HUB de première classe situé au centre de l'Europe. Nous sommes cotés en bourse. Nous participons au développement économique de Zurich et de sa région. Nous pouvons exporter notre know-how. Nous sommes prêts pour affronter l'ouverture des marchés aéronautiques. Nous serons l'un des centres commerciaux et de voyage les plus modernes de Suisse. Nous anticipons la dérégulation de l'industrie aéronautique. Nous investissons dans le futur.»

Venons-en au projet de loi 8201, dont on peut dire qu'il va à l'encontre de toute la dynamique législative et économique que nous venons de citer. Ce projet de loi a trois objectifs :

1. Imposer à l'aéroport un contrat de prestations, qui sera adressé au Grand Conseil sous forme d'un projet de loi non soumis à référendum - cela nous rappelle les discussions d'il y a quelques jours ! Or, l'analogie avec les TPG est déplacée ; elle pourrait, au gré des majorités politiques, être fatale au développement, pas uniquement de l'aéroport, mais de toute notre région. Rappelons que les services assurés par les TPG le sont au prix de plus de 100 millions par an à charge de la collectivité. Par contre, l'aéroport, lui, a dégagé, entre 1994 et 1998, un bénéfice de 40 millions au profit de cette même collectivité. Pour assurer sa mission au bénéfice de tous, l'aéroport n'a donc pas besoin d'indemnisations publiques au titre d'un contrat de prestations.

2. Renforcer l'influence des politiques au sein du conseil d'administration de l'AIG. Rappelons tout simplement que cette tendance va à l'inverse de tout ce qui se passe partout ailleurs.

3. Enrayer le fonctionnement jusqu'ici fort efficace du conseil de direction de l'AIG, en le privant d'une partie de ses prérogatives actuelles. L'actuel statut d'autonomie, accordé en 1994, a permis une gestion appréciée par les passagers, les compagnies aériennes et les entreprises installées dans l'aéroport, ainsi que par le personnel. Les auteurs du projet de loi, dans leur exposé des motifs, balaient cette réalité d'une seule phrase : «Nous constatons [...] que le cadre stratégique, les objectifs et le contrôle sont mal définis.»

En conclusion, le groupe libéral, je le répète, s'opposera à ce projet de loi et annonce le dépôt d'un projet de loi visant à donner à notre aéroport toutes les chances pour son développement futur, chances que nos collègues zurichois n'ont pas hésité à saisir et qu'ils ont eu la sagesse de soumettre au verdict populaire. Vous l'aurez compris, ce projet de loi d'autonomisation accrue ressemblera à s'y méprendre à l'actuelle loi en vigueur régissant Unic Zurich Airport. C'est un signal clair que nous voulons donner aux utilisateurs de notre aéroport ; c'est un signal clair que nous voulons donner à Swissair ; c'est un signal clair que nous voulons adresser aux cantons voisins et à la région frontalière : le signal d'une Genève ouverte sur le monde, et non pas d'une Genève recroquevillée sur elle-même, style Carcassone-sur-Arve, ou Blécherette-sur-Versoix !

M. Rémy Pagani (AdG). Un seul argument pour démonter le beau château de cartes que M. Roulet vient de nous présenter. Il nous annonce 14 millions de passagers pour cet aéroport qui devient, de plus en plus et intrinsèquement, un aéroport citadin. En l'occurrence, c'est bien toute la problématique de cet aéroport de Cointrin : plus la ville se développera - et elle va continuer à se développer - moins l'aéroport pourra se développer, du fait des contingences de bruit, de pollution, du kérosène qui se déverse sur les pistes au décollage et à l'atterrissage... Il n'y a donc pas lieu dans ce débat de mettre en avant toutes les notions d'autonomisation, de privatisation ; le fait est que nous devons piloter à vue cet aéroport, comme nous devons piloter l'aménagement de notre territoire.

En ce qui concerne la position de notre parti sur le projet de loi 8201, nous avions des réticences, et nous en avons toujours eu, quant au contrat de prestations. Toujours est-il que c'est un moindre mal, parce que aujourd'hui la situation est grave à l'aéroport de Genève Cointrin. Les résultats, notamment de cette tendance à l'autonomisation, sont là, Mesdames et Messieurs les députés ! Je n'en citerai que quelques exemples, pour vous rafraîchir la mémoire.

L'aéroport, en tout cas jusqu'en 1998, a mis 60 millions en réserves latentes et ces 60 millions sont toujours là, bien qu'on cherche à nous les cacher. Ces 60 millions sont gérés par une seule personne et placés à court terme : je vous laisse imaginer le drame, si un jour la Bourse vient à s'effondrer et que ces 60 millions disparaissent et nous échappent, puisqu'en fait nous en possédons la moitié ! D'un côté, on nous dit qu'il n'y a pas d'argent, alors qu'il y en a, placé à court terme. Et d'un autre côté, on fait apparaître, dans le bilan de cette année encore, des pertes. Tout cela est un montage, un bricolage financier ; ce n'est pas une saine politique comptable, une saine politique générale.

Deuxième exemple : l'aventure de la SWA dans laquelle s'est engouffré l'aéroport, dans laquelle il a investi des compétences et de l'argent, qu'il a perdu, point n'est besoin d'y revenir !

En ce qui concerne la politique du personnel, et nous y reviendrons, personne aujourd'hui ne connaît le salaire de M. Jobin, par exemple, y compris le conseil d'administration...

Une voix. Et le tien ?

M. Rémy Pagani. Oh, je peux le dire, il n'y a pas de problème ! C'est un des effets majeurs de la politique salariale de l'Etat de Genève que de pouvoir savoir qui gagne quoi, à tous les échelons de l'administration !

Aujourd'hui, à l'aéroport, il y a un espace opaque, que ce soit au niveau du salaire de M. Jobin ou au niveau de ses collaborateurs directs. Et ceci se traduit par une politique désastreuse en ce qui concerne le personnel, à savoir le blocage des bas salaires et l'explosion des salaires des cadres, explosion que le Conseil d'Etat a voulu tempérer ces dernières années et qui est malheureusement effective à l'aéroport.

Autre exemple : le recours contre les décisions du Conseil d'Etat et contre nos décisions en ce qui concerne l'indemnisation des riverains. Le recours a été porté devant le Tribunal fédéral, qui l'a bien évidemment rejeté, qui a cassé les velléités d'insubordination, si j'ose dire, des dirigeants de l'aéroport, comme il va d'ailleurs casser les velléités d'insubordination d'Orgexpo.

Enfin, dernier petit exemple que j'avais cité au début de cette législature : quand on se permet d'octroyer à un haut cadre parti en retraite anticipée plus d'argent qu'il n'en a jamais gagné, une rente plus élevée que le salaire qu'il ait jamais touché, c'est aussi un des effets de cette autonomisation que vous prônez tant, Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face !

C'est pour mettre fin à ces dérapages que nous adhérons au projet de loi 8201. C'est pour ces raisons que nous travaillerons en commission à le peaufiner, comme nous avons peaufiné le projet de l'usine des Cheneviers, dans lequel nous trouvons qu'il y a des pistes à suivre. Nous travaillerons d'arrache-pied pour faire en sorte que l'aéroport soit un outil politique de gestion économique de notre canton et qu'il ne connaisse pas de dérapages. En définitive, la logique de l'autonomisation est assez claire : dans un premier temps, on privatise tout ce qu'on peut privatiser et, quand les choses vont mal, on demande à l'Etat - on l'a vu pour la Banque cantonale - de revenir mettre de l'argent. A chaque fois, on privatise les bénéfices et on collectivise les pertes !

M. David Hiler (Ve). Le problème dont nous discutons a en fait deux composantes. La première concerne, de manière générale, pour l'ensemble de l'Etat, la question de l'autonomie de secteurs, de services qui ont manifestement un caractère d'entreprise. Nous avons toujours dit et nous continuons à dire que nous souhaitons une autonomie de gestion. Mais ce qui ne paraît pas être compris par certains, c'est que, plus il y a autonomie de gestion, plus le contrôle doit être fort. Les pouvoirs publics, lorsqu'il y a autonomie, doivent fixer des objectifs extrêmement clairs et contrôler de très près que ces objectifs soient suivis. Ceux qui parlent d'autonomie en pensant qu'il faut cesser de contrôler, ont totalement tort. Je le répète : c'est bien l'inverse. Il n'est possible d'accorder une autonomie et d'éviter tous les travers qu'a dénoncés M. Pagani que si, inversement, on renforce les systèmes de contrôle.

Il est vrai que la manière de comptabiliser les réserves et les provisions de l'aéroport a fait jaser. Concernant les derniers comptes, en revanche, je crois qu'on peut dire qu'avec l'introduction des normes IAS ceux-ci sont aujourd'hui conformes aux normes que le parlement a voulu établir pour l'ensemble de l'Etat et des fondations ou entreprises qui dépendent de l'Etat. En outre, dans ce contexte, le contrat de prestations est un outil essentiel. On peut discuter la chose dans tous les sens, il faut un contrat de prestations. Une expérience a été faite pour les TPG ; nous allons très prochainement discuter d'un tel contrat pour l'université : il ne peut y avoir autonomie sans contrat de prestations, sans fixation précise des objectifs. S'agissant des TPG, le principal obstacle à une bonne maîtrise de ce contrat, c'est que l'Etat lui-même n'est pas toujours capable de fixer les objectifs des TPG, qu'il les fait fixer par les TPG et qu'ensuite il fait signer le contrat ! Ceci démontre que, plus on laisse d'autonomie, plus on doit développer des compétences au sein de l'Etat pour fixer les objectifs et vérifier leur réalisation, ce que, je le répète, seul le contrat de prestations permet. Il en irait d'ailleurs de même - je le signale à M. Roulet - si on adoptait une solution à la zurichoise ; cela ne changerait rien de ce point de vue là. Il faudrait simplement fixer le contrat de façon encore plus précise.

Cela dit, un problème assez typiquement genevois se pose dans ce débat, c'est que les personnes nommées dans ces conseils d'administration - celui de l'aéroport comme celui, par exemple, de la Banque cantonale - s'estiment, semble-t-il, libres tout à coup de tout lien avec ceux qui les ont nommées, pensent qu'elles ont le droit de tout faire - alors que, manifestement, on n'est pas là dans le cadre d'entreprises privées et que ce n'est pas leur argent - n'acceptent pas les règles du jeu ou les prennent comme une atteinte à leur dignité. A cet égard, ce dont on a besoin aujourd'hui, c'est de mettre les choses au clair. Un bon contrat, y compris s'il doit être passé avec une société, vaut mieux que ces sortes de délégation à la mords-moi-le-noeud, du style : «Bon, tu t'en occupes et quand cela ira mal, tu me le diras !» De ce point de vue, il est essentiel qu'entreprise par entreprise, service par service, chaque fois qu'il y a autonomie, on fixe les contrats de prestations. C'est la responsabilité du Conseil d'Etat de le faire pour l'ensemble des secteurs concernés et d'avoir une politique cohérente sur ce point.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous soutenons ce projet de loi et nous l'avons cosigné. Il peut être amélioré, mais j'aimerais tout de même relever qu'il n'est pas possible aujourd'hui de prétendre que l'aéroport de Genève est respectueux de l'environnement. Il y a en effet énormément à faire au point de vue du bruit - c'est notre principal souci - pour les gens qui habitent dans ces secteurs. La consommation est terrible, mais, je le répète, s'il faut un jour trouver, dans la perspective du développement durable, une solution pour réduire le trafic aérien, ce ne sera pas par le biais de la gestion des aéroports : ce sera bel et bien par le biais d'une taxe sur le kérosène introduite, naturellement, au niveau européen. En l'état, il est totalement absurde de vouloir minimiser les dégâts constants et permanents de l'aéroport sur l'environnement et sur la qualité de vie des habitants d'une bonne partie de notre canton. C'est une donnée évidente ; cet aéroport a été construit trop près de la ville, on ne peut pas le nier après coup.

M. Bénédict Fontanet (PDC). L'intervention de M. Pagani tout à l'heure est la démonstration de ce qu'il ne faut pas faire s'agissant de l'aéroport, la démonstration du fait qu'une autonomie accrue est absolument nécessaire pour l'aéroport.

Vous parliez, mon cher collègue, de 60 millions de réserves latentes. Les réserves latentes résultent soit de la surévaluation de passifs, qu'on augmente pour être prudents, soit de la sous-évaluation d'actifs. Ce sont des problèmes purement comptables. Ces 60 millions de réserves sont peut-être des réserves ouvertes. Quoi qu'il en soit, c'est un autre problème et cela démontre que vous n'avez pas saisi la problématique.

S'agissant de SWA, tout le monde peut se tromper. Il n'y a que ceux qui ne prennent pas de risque qui n'échouent jamais. L'idée était peut-être séduisante dans un premier temps. Le transport aérien est un exercice difficile, mais il y a encore quelques compagnies pour s'y lancer : EasyJet a été un succès, SWA ne l'a pas été, Air Engadine a l'air de ne pas se porter trop mal. Enfin, il est toujours facile de juger des projets a posteriori. Vous jugez également la politique du personnel de l'aéroport lamentable. Pour fréquenter souvent l'aéroport, il ne me semble pas que les gens qui y travaillent appartiennent au Lumpenproletariat cher à Marx. Quant à l'indemnisation contre laquelle l'aéroport a recouru, de deux choses l'une, Mesdames et Messieurs : ou on donne une autonomie et dans ce cas les responsables ont un certain nombre de compétences, les établissements publics ont une personnalité juridique et peuvent agir et ester en justice, le cas échéant ; ou on ne donne pas d'autonomie et ces établissements restent des services de l'Etat, comme c'était le cas pour l'aéroport jusqu'à récemment. A ce moment-là, on ne discute pas, les décisions sont prises par notre Conseil, par le Conseil d'Etat, et l'aéroport, comme d'autres établissements publics, les applique. Mais on ne peut pas vouloir tout et son contraire, soit une certaine forme d'autonomie d'une part et reprocher, d'autre part, à ceux qui en bénéficient d'en faire usage.

Sur le fond du dossier, il me semble que les aéroports, tout comme d'ailleurs les compagnies aériennes, ont connu une évolution très sensible ces dernières années. Dans un premier temps, le transport aérien était le fait de compagnies d'Etat la plupart du temps et les aéroports n'étaient pas plus que des espèces de gares, qui appartenaient à ces mêmes Etats. Comme vous le savez, les compagnies se sont privatisées, se sont ouvertes à l'intérieur des Etats - il y a ainsi en Europe plusieurs compagnies aériennes - et les aéroports sont devenus de véritables entreprises, de véritables centres commerciaux pour un certain nombre d'entre eux, voire de véritables villes si l'on se réfère aux très grands hubs européens comme ceux de Londres ou de Paris. Dans cette optique, vouloir repolitiser l'aéroport est une grave erreur. L'expérience a montré s'agissant de la Banque cantonale - je n'étais pas intervenu dans ce débat pour des raisons qui paraissent évidentes compte tenu des circonstances - que les entités publiques qui ont des activités commerciales et qui sont gérées par l'Etat ou indirectement par l'Etat, ne sont pas, la plupart du temps, gérées de manière satisfaisante. Je ne crois donc pas que ce soit rendre service à l'aéroport que d'accroître les compétences du politique en son sein, d'accroître l'influence des partis politiques. En effet, Mesdames et Messieurs, les débats de ce Conseil en sont souvent la triste illustration : nous sommes, hélas, très souvent incapables de dépasser nos petites querelles politiciennes et quand il s'agit de gérer un tel équipement d'intérêt public pour toute la région et pour le pays, nous ne pouvons nous contenter de baigner dans notre petit bocal, de faire des bulles de politique politicienne en essayant de faire nommer çà et là des petits copains. Cela n'est pas satisfaisant... (Commentaires et rires.) Je suis tout à fait à l'aise à ce niveau, Monsieur Pagani : je suis en effet membre d'un certain nombre de conseils d'administration, je le suis professionnellement, dans le cadre de mes activités d'avocat. Jamais personne ne m'a nommé dans une entité publique ou parapublique et je ne cherche pas à me faire nommer, comme certains sur ces bancs ou sur d'autres d'ailleurs, qui courent le jeton de présence dans des conseils d'administration publics ou parapublics. Dieu soit loué, je n'ai pas besoin de cela pour vivre et je m'en porte parfaitement bien ! C'est pour cela que je suis tout à fait à l'aise, s'agissant de la problématique de l'aéroport.

La plupart des aéroports européens sont aujourd'hui en mains privées ou paraprivées, même chez nos très jacobins voisins français : les aéroports de Paris sont une entité totalement autonome, qui ne rend quasiment pas ou plus de comptes à l'Etat français. Je crois donc que ce qui nous est proposé par ce projet n'est pas souhaitable. Je ne vois pas ce qu'un contrat de prestations passé avec le canton amènerait, sauf à ce que ce contrat soit passé aussi avec la France voisine, que l'aéroport dessert, et sauf à ce que ce contrat de prestations soit passé aussi avec la Confédération, puisque manifestement et au contraire des TPG - qui ne jouent qu'un rôle très local - la vocation de l'aéroport dépasse très largement le cadre genevo-genevois.

Quant au renforcement de la politique, je l'ai déjà dit, la gestion d'un aéroport et du trafic aérien nécessite des compétences très spécifiques, difficiles à trouver, et je ne suis pas certain qu'en multipliant le nombre de représentants issus du politique, nommés par les partis politiques, on arrive à une situation qui soit satisfaisante. Quant aux compétences de la direction de l'aéroport, je ne suis pas du tout opposé, conformément à ce que disait M. Hiler tout à l'heure, à ce que le contrôle sur les établissements publics soit accru. C'est une bonne chose, mais je pense que ce contrôle ne passe pas par une limitation des capacités du management à gérer. Il faut que le management gère et si le résultat, le produit du travail du management n'est pas satisfaisant, des sanctions doivent pouvoir être prises. Mais ce n'est pas en interférant dans les grandes décisions devant être prises par la direction de l'aéroport, respectivement par son conseil d'administration, sur des problèmes qui souvent dépassent très largement la compétence de chacun d'entre nous, qu'on améliorera la gestion. Qu'on mette en place des structures de contrôle qui soient satisfaisantes et efficaces, oui, mais il ne convient pas de limiter le pouvoir d'action du conseil et de la direction actuelle.

Enfin, il faudra que nous nous posions aussi une autre question. L'aéroport, aujourd'hui véritable entreprise commerciale, constitue un actif effectivement très important : ne serait-il pas intelligent qu'à un moment ou à un autre l'Etat de Genève, ne serait-ce que pour amortir un peu sa dette, privatise cet aéroport et aille dans la droite ligne de ce qui s'est fait à l'étranger avec succès jusqu'à présent ?

M. Jean-Marc Odier (R). Beaucoup de choses ont été dites par rapport à ce projet de loi. Aussi, je serai très bref. M. Brunier introduisait son projet de loi en faisant un amalgame entre politique, économie et aéroport. Or, notre opposition porte principalement là-dessus : nous l'avons déjà dit, nous sommes complètement opposés à lier le politique et l'économie, à laisser les décisions au politique dans des entreprises qui sont en concurrence économique directe avec d'autres sur le marché.

Par rapport au contrat de prestations, l'exemple des TPG ne peut pas être avancé dans ce cas. Les TPG ont en effet une activité uniquement cantonale et ils coûtent à l'Etat 150 millions par année, contrairement à l'aéroport qui rapporte.

L'aéroport contribue à l'économie genevoise, romande et même régionale et je vois difficilement comment on pourrait soumettre ses décisions à l'approbation du Grand Conseil. Les radicaux sont donc totalement opposés à ce projet de loi, qui vise en fait une étatisation de l'aéroport, et ils défendront fermement l'autonomie de l'aéroport.

M. Carlo Lamprecht. Ce débat sur l'aéroport de Genève a commencé par une grande vérité énoncée par M. le député Brunier, à savoir que l'aéroport international de Genève est un levier essentiel pour l'économie et pour l'emploi dans ce canton. Je le remercie d'avoir relevé cette importance, importance qui a été chiffrée il y a quelque temps dans une étude réalisée par un institut international, selon laquelle les retombées annuelles liées à l'exploitation de l'aéroport de Genève dépassent les 8,7 milliards de francs et sa seule activité dégage environ 23 000 emplois. Voilà les chiffres qui nous ont été fournis par cette étude qui fait référence. On peut toujours les contester, mais ils sont là et confirment ce que le député Brunier disait tout à l'heure.

Maintenant, parlons de la gestion de l'aéroport dans son nouveau statut. J'aimerais faire remarquer que les bénéfices de l'aéroport ont passé de 10 millions en 1997 à 18 millions en 1998 et à 32 millions en 1999. Et si un déficit de 22 millions apparaît aujourd'hui dans les comptes, c'est tout simplement parce que nous avons dû imputer à l'aéroport les 55 millions d'indemnités de nuisances, conformément à la volonté du Grand Conseil. Monsieur Pagani, vous avez porté toute une série d'accusations, sans faire aucune allusion aux bienfaits de l'aéroport, alors que vous travaillez dans les syndicats, que vous devez défendre les emplois et la création d'emplois. En l'état, malgré tout ce qu'on peut dire, malgré tout ce qu'on peut reprocher à l'aéroport, les résultats sont là pour prouver que les choses vont bien, en dépit du départ de Swissair. Le conseil d'administration se soucie des relations avec d'autres compagnies d'aviation internationales pour faire en sorte que l'aéroport, non seulement dégage des bénéfices, mais soit utile à la fois à la population genevoise, à la Genève internationale - c'est important, car sans son aéroport, notre cité serait une ville de province, il ne faut pas l'oublier ! - et au développement économique de la région. En effet, je voudrais rappeler que si des entreprises s'installent, non seulement à Genève, mais en Suisse romande et en France voisine, c'est aussi grâce à l'aéroport. Quel est le principal atout d'Archamps ? c'est l'aéroport international de Genève. Quel est le principal atout de la région vaudoise, jusqu'à Neuchâtel ? c'est cet aéroport de proximité. Avoir un aéroport à moins de 150 km est un atout important.

Mesdames et Messieurs, je ne sais pas quel est le type de contrat de prestations que vous proposez, ce qu'il recouvre et je me réjouis d'examiner tout cela en commission avec vous. Cela dit, deux ou trois choses me surprennent quand même. Les prestations aujourd'hui, l'aéroport doit les gagner : il doit attirer des compagnies d'aviation, faire en sorte qu'elles s'y s'installent, parce que, sans compagnies d'aviation, il n'y a pas d'aéroport, il faut bien le dire ! Or, pour que des compagnies d'aviation s'installent, il faut qu'elles bénéficient de conditions acceptables, de conditions concurrentielles, il faut qu'elles aient un potentiel de passagers.

Dans ce sens, aujourd'hui, à première vue, lorsque je lis qu'on veut écarter une importante compagnie d'aviation du conseil d'administration, je pense personnellement qu'on fait fausse route. J'en veux pour preuve que depuis qu'Air France siège au conseil d'administration de l'aéroport de Genève, Swissair nous traite un peu différemment. Par ailleurs, l'offre à l'aéroport aujourd'hui a changé. Grâce à EasyJet Switzerland - compagnie suisse qu'on a ici un peu dénigrée - on compte beaucoup de nouveaux passagers. En effet, 80% des 450 000 passagers d'EasyJet cette année n'avaient jamais pris l'avion : ce sont des gens qui prennent l'avion parce que cela ne coûte pas cher. C'est aussi de la concurrence et elle est bénéfique à l'aéroport de Genève et à ceux qui l'utilisent.

Et puis, deuxièmement, une petite remarque : vous préconisez un seul siège au conseil d'administration pour les cantons voisins. Or, Mesdames et Messieurs, l'aéroport de Genève est l'aéroport d'une région, l'aéroport de la Suisse romande. Aussi, dire à un conseiller d'un autre canton siégeant dans ce conseil qu'on l'écarte pour mettre quelqu'un d'autre à sa place me paraît pour le moins déplacé.

Concernant les questions qui ont été posées sur le personnel, sur les réserves latentes, etc., j'ai parfois le sentiment qu'on prend tous les gens pour des tricheurs... Cela dit, je vais vous l'avouer très franchement, il y a quand même une réflexion qui m'intéresse dans votre projet de loi et que je suis prêt à analyser avec beaucoup d'ouverture, c'est celle de savoir si un conseiller d'Etat doit être président de l'aéroport. C'est une proposition intéressante, parce que vous m'épargnerez ainsi beaucoup d'efforts et beaucoup de conflits, que je ne recherche pas. Ce que je recherche, Mesdames et Messieurs, c'est l'intérêt de Genève.

Tout à l'heure, un député disait que cet aéroport était un aéroport citadin : c'est vrai, mais c'est justement son atout. Ensuite, vous avez critiqué l'aéroport sur le plan environnemental. Il y a aujourd'hui un concept de l'environnement à l'aéroport de Genève. On peut bien entendu toujours faire mieux, mais si on veut un aéroport il faut accepter certaines nuisances - le bruit, les gaz de kérosène - sinon, il faut le fermer ! En l'occurrence, ces nuisances sont maîtrisées et je vous invite à venir voir ce qui se fait à l'aéroport en matière de protection de l'environnement, conformément aux directives de l'Office fédéral de l'aviation civile. Alors, ne dites pas qu'il n'y a pas de protection de l'environnement.

Bien sûr, on peut craindre que l'aéroport se développe. Quant à moi, j'estime que s'il se développe c'est un signe que l'économie genevoise se développe aussi, que l'emploi y trouve son compte, comme les finances cantonales. D'après les projections faites jusqu'en 2010, la capacité maximum de l'aéroport, vous l'avez dit, peut atteindre 10 ou 15 millions de passagers ; c'est le grand maximum et nous savons que nous ne pouvons pas aller au-delà. Mais si cela peut être bénéfique pour Genève, il faut peser la manière dont nous approchons ce nouveau statut. Tout peut être remis en question, mais je vous rends attentifs, une fois de plus, à ce que M. le député Brunier disait au début de ce débat sur l'importance de l'aéroport. Il faut essayer d'être raisonnable et faire en sorte que cet équipement, qui nous est si profitable, puisse continuer à se développer. Je ne veux pas polémiquer aujourd'hui sur l'autonomie, sur les réserves, etc. On verra tout cela en commission et j'espère que celle-ci aura soin d'entendre celles et ceux qui demanderont audition. J'espère qu'on respectera les règles du jeu, qu'on entendra tous les gens intéressés, d'où qu'ils viennent, et qu'on mènera une réflexion intelligente, tous ensemble, dans l'intérêt de la République et du canton de Genève.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.