République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Pierre Losio, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Pierre-François Unger, François Longchamp et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Mark Muller, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, David Hiler et Isabel Rochat, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Céline Amaudruz, Christian Dandrès, François Haldemann, Olivier Jornot, Alain Meylan, Olivier Norer, Morgane Odier-Gauthier et Guillaume Sauty, députés.

Communications de la présidence

Le président. Nous avons appris avec tristesse le décès de M. André Haldemann, père de notre collègue M. François Haldemann. Nous lui exprimons, ainsi qu'à toute sa famille, notre plus vive sympathie.

Correspondance

Le président. Le Bureau et les chefs de groupe ont trouvé sur leurs places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Courrier de la Fegems (Fédération genevoise des établissements médico-sociaux) concernant la rémunération des aides-soignantes (transmis à la Commission des finances et à la Commission ad hoc personnel de l'Etat) (C-3014)

Annonces et dépôts

Néant.

Interpellations urgentes écrites

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:

Interpellation urgente écrite de M. Thierry Cerutti : Les voies de bus pour qui, pour quoi ? (question 1) (IUE-1280)

Interpellation urgente écrite de M. Thierry Cerutti : Les voies de bus pour qui, pour quoi ? (question 2) (IUE-1281)

Interpellation urgente écrite de M. Thierry Cerutti : Les voies de bus pour qui, pour quoi ? (question 3) (IUE-1282)

Interpellation urgente écrite de M. Jean-Marie Voumard : Coûts du CEVA : expliquer les divergences (IUE-1283)

Interpellation urgente écrite de M. Bertrand Buchs : « Les Automnales » relèvent-elles vraiment du domaine privé ? (IUE-1284)

Interpellation urgente écrite de M. François Lefort : Alerte aux particules fines ! (IUE-1285)

Interpellation urgente écrite de M. Edouard Cuendet : Que fait le gouvernement, et plus particulièrement le département en charge de l'économie, pour aider le commerce de détail, face au franc fort et la concurrence accrue aux frontières ? (IUE-1286)

Interpellation urgente écrite de Mme Anne Emery-Torracinta : Personnes handicapées adultes vivant en institution : le canton va-t-il compenser la diminution de l'allocation pour impotence ? (IUE-1287)

IUE 1280 IUE 1281 IUE 1282 IUE 1283 IUE 1284 IUE 1285 IUE 1286 IUE 1287

Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante.

M 2024
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Bavarel, François Lefort, Anne Mahrer, Sylvia Nissim, Sophie Forster Carbonnier, Olivier Norer, Pierre Losio, Catherine Baud, Brigitte Schneider-Bidaux, Hugo Zbinden, Jacqueline Roiz : Sauvons le patrimoine des Plantaporrêts

Débat

Le président. Nous sommes au point 20 de l'ordre du jour. Le débat est classé en catégorie II: trois minutes par groupe. Monsieur Bavarel, vous avez la parole.

M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, de temps en temps, nous avons besoin d'une petite respiration dans notre Grand Conseil. Ma proposition de motion a en fait une certaine importance pour une catégorie particulière de notre population: les agriculteurs. Nous avons un patrimoine à Genève extrêmement riche de graines, de semences et de variétés qui ont été développées pendant des siècles et des siècles et qui viennent de l'apport des Huguenots. Lorsque les gens se sont réfugiés à Genève depuis la France, ils sont venus avec leurs variétés maraîchères. Ils se sont installés juste en bas de notre salle du Grand Conseil, sur la plaine de Plainpalais. Nous en avons gardé des quartiers: si vous allez un peu plus loin, du côté d'Artamis, vous avez la rue des Jardins, la rue des Plantaporrêts, qui veut dire «planteurs de poireaux», et la rue de la Puiserande, qui était le système permettant d'arroser. Le patrimoine genevois est extrêmement riche en variétés maraîchères historiques. Vous avez des produits comme la poire à rissole et des animaux de rente comme le cochon laineux. Nous avons, avec ce patrimoine qui est extrêmement important, un patrimoine gastronomique qui va autour de cela. Donc nous avons bien évidemment de la longeole et du cardon autour de chez nous, ainsi que la fameuse rissole pendant la période de Noël.

Ce patrimoine est en train de disparaître. Vous me direz: «En réalité, ce n'est pas très grave; on a de nouvelles variétés.» Mais des enjeux arrivent pour nous, à l'avenir, face auxquels avoir des variétés adaptées est extrêmement important. (Brouhaha.)

Une voix. Chut !

M. Christian Bavarel. Et perdre ce patrimoine est regrettable, parce qu'il nous permet de constituer les nouvelles variétés dont nous pourrions avoir besoin à l'avenir. Si je reprends l'exemple du cochon laineux, d'un seul coup, les habitudes ont changé et on se rend compte que, pour des produits gastronomiques, on l'a remis au goût du jour. Et ce sont des produits de diversification pour l'agriculture.

Nous avons quelques associations à Genève, privées, qui travaillent à la sauvegarde de ces vieilles variétés. Je pense à ProSpecieRara, à Rétropomme, aux Mangeurs de pommes, etc., qui sont différentes associations qui vivent uniquement de dons privés et qui auraient besoin de soutien. Alors il s'agit de faire des partenariats public-privé. Il ne s'agit pas de créer des usines et des nouvelles choses, mais simplement que le canton se rende compte que des gens s'engagent très fortement autour de ce patrimoine et que, pour éviter qu'il y ait de grosses difficultés, pour éviter qu'ils disparaissent, ils ont peut-être besoin d'un simple petit coup de main afin que cela puisse se faire.

Donc je vous proposerai d'étudier cette proposition de motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture, parce que je pense qu'il y a un véritable enjeu à auditionner ces différents acteurs et voir quels sont leurs besoins en termes de soutien. Certaines fois, il s'agit simplement de soutiens logistiques, d'autres fois cela peut être des soutiens financiers. Mais ce sont des petites choses qui permettent simplement de ne pas perdre un patrimoine, qui est en réalité notre patrimoine à tous, parce que, sauf erreur de ma part, on se retrouve tous assis autour d'une table. Et si ce que nous avons dans l'assiette peut en plus être de qualité, je pense que personne ne sera déçu.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Leyvraz. (Quelques instants s'écoulent.)

M. Christian Bavarel. La parole est toujours chez moi ! (Brouhaha.)

Une voix. Ouais, ouais, c'est de la censure !

M. Christian Bavarel. Pour le Mémorial, ce sera compliqué ! (Remarque. Rires. M. Eric Leyvraz s'exprime alors que son micro ne fonctionne pas.)

Le président. Attendez !

Une voix. On n'entend pas !

Une autre voix. Ah, la technique ! (Brouhaha.)

Le président. Et si nous essayions, dans un silence religieux, d'écouter M. Leyvraz ? (Remarque.)

M. Christian Bavarel. Monsieur le président, je peux vous proposer que M. Leyvraz vienne à ma place. Le micro ici est branché; il peut faire son intervention depuis cet endroit, ce qui permettra l'enregistrement pour le Mémorial. (Exclamations. Applaudissements. M. Eric Leyvraz prend la place de M. Christian Bavarel le temps de son intervention.)

Le président. Merci, Monsieur le député !

M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, cher collègue !

L'importance de garder une grande diversité biologique est évidemment... (Remarque.) Pardon ? Merci. Je reprends. Cette importance est évidente, surtout avec le réchauffement climatique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui commence à poser de sérieux problèmes à plusieurs variétés de plantes. Oui, c'est vrai que les stations fédérales de recherche agronomique se sont retirées de la conservation des ressources génétiques nationales. Mais n'oublions pas, quand même, que la Confédération a agi sur le plan mondial dans plusieurs organisations, notamment au Pérou, où elle a permis à l'Institut de la pomme de terre de sauver plus de 900 variétés différentes.

Il me semble quand même que, ici, il s'agit d'un problème qui devrait être plus national que cantonal. Mais je pense qu'il serait très intéressant d'avoir cette proposition de motion, comme l'a indiqué mon collègue, en commission de l'environnement et de l'agriculture, pour que nous puissions en discuter. Je vous propose donc également de la renvoyer à cette commission. Merci, Monsieur le président, et merci, cher collègue Bavarel.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Christina Meissner, à qui il reste deux minutes. (Le micro de l'oratrice ne fonctionne pas. Commentaires. Rires. Mme Christina Meissner prend la place de M. Christian Bavarel le temps de son intervention.)

Mme Christina Meissner (UDC). Décidément, vous voyez qu'à l'UDC, comme chez les Verts, nous nous soucions effectivement des anciennes variétés d'espèces indigènes menacées... (Le micro de l'oratrice cesse de fonctionner pendant un bref instant.) Du coup, je n'ai plus la parole...

Contrairement aux espèces sauvages menacées de disparition, pour sauver les espèces cultivées et les races d'élevage, il faut les manger ! Pour cela, effectivement, il y a lieu de sensibiliser les distributeurs et les consommateurs. Je ne vais pas répéter tout ce que mes préopinants ont dit - c'était tout à fait pertinent et j'y adhère - mais revenir sur la nécessaire sensibilisation des consommateurs qui, lorsqu'ils voient la moindre tavelure sur une pomme, ne l'achètent plus.

Alors que nous avons plus de mille variétés de pommes en Suisse, nous en trouvons à peine quatre ou cinq sur les étals. Pourquoi ? Car les distributeurs doivent avoir des quantités et les assurer. Or, pour la plupart des espèces qui, aujourd'hui, ont disparu, c'est précisément parce qu'elles n'avaient pas des rendements suffisants. Donc il y a véritablement lieu d'examiner dans quelle mesure on peut sensibiliser les distributeurs et les consommateurs, et de discuter cela en commission.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Henry Rappaz.

M. Henry Rappaz (MCG). Je reste ici, merci, Monsieur le président !

Mesdames et Messieurs les députés, un peu de lyrisme. Alors on va continuer ! Il n'y a pas si longtemps que cela, à la pointe de la Jonction se trouvaient... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...les Jardins de Genève, dont une magnifique représentation existe sur toile au musée de Plainpalais. Ce n'étaient que vergers et arbres fruitiers sur toute cette étendue. Les dimanches de printemps, tous les Genevois allaient s'y promener pour voir pousser des fruits et des légumes, qu'ils ne connaissaient même pas, soignés par les Plantaporrêts. Les Plantaporrêts, vous savez, sont ces frontaliers qui nous ont amené le cardon et les poireaux; ils nous ont fait connaître encore d'autres légumes que l'on n'avait pas à Genève. Et s'il y a des fruits et des légumes dans nos commerces qui nous paraissent aujourd'hui avoir totalement changé de goût, ce sont bien les tomates et les fraises, ainsi que d'autres produits, qui sont pratiquement dégénérés suite aux manipulations. C'est vrai qu'il faut défendre cette proposition de motion pour que l'on puisse retrouver des fruits, des légumes et certaines races animales qui ont disparu à cause des pesticides et autres.

Aujourd'hui, nous payons cher des fruits et des légumes sans goût, on le sait. Ils sont calibrés au millimètre, etc., alors que, dans le temps, on allait au marché et on trouvait des fruits et légumes qui avaient chacun une personnalité sympathique. Pour y remédier, il n'existe pas trente-six solutions afin d'apporter des saveurs dans votre assiette. Il convient, comme le propose cette sympathique motion 2024, de procéder à la sauvegarde et à la lutte pour la préservation des fruits et légumes et de la biodiversité animale. Il nous faut aujourd'hui lutter pour retrouver ces espèces en voie de disparition. Ainsi, peut-être retrouverons-nous les saveurs d'antan, qui n'ont point d'égal dans les produits que vous trouvez de nos jours dans les supermarchés.

Par ce laxisme, aujourd'hui, trop de monde accepte d'acheter des produits sans goût: des tomates, des abricots, des fraises, des prunes, etc. Le MCG demande donc le renvoi à la commission de l'environnement.

M. René Desbaillets (L). Le titre un peu ironique de cette proposition de motion - «Sauvons le patrimoine des Plantaporrêts» - est subtil, je pense. C'est bien, cela me plaît, parce qu'en définitive c'est un réel problème. Tout le monde parle de souveraineté alimentaire, et je crois que c'est une façon de voir les choses dans l'agriculture qui progresse de jour en jour partout. Mais si l'on veut assurer une souveraineté alimentaire, il faut aussi assurer la conservation chez nous de notre patrimoine de graines, de plantes ou autres, et d'animaux comme les vaches, etc.

En effet, ce qui se passe à l'heure actuelle dans d'autres grands pays, notamment aux Etats-Unis et en Amérique du Sud, pour ceux qui ont vu la semaine dernière une émission qui passait sur France 2 - je crois, mais je ne veux pas faire de la publicité - c'est une catastrophe, avec les OGM, la manipulation génétique des plantes, des graines, etc. Si l'on veut garder notre souveraineté alimentaire, c'est pour que nos générations futures n'aient pas besoin de manger du Monsanto. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il est donc important de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'environnement pour essayer de s'occuper du problème, dans la mesure du possible, parce que je pense que cela dépasse quand même les compétences du seul canton de Genève.

Mme Patricia Läser (R). Mesdames et Messieurs les députés, merci aux Verts d'avoir lancé cette motion. Effectivement, l'agriculture genevoise a aujourd'hui besoin, un grand besoin, de productions de niche; or je pense que les anciennes variétés en sont une. Voyez les cochons laineux: ils ont un succès absolument énorme dans les restaurants gastronomiques; on se les arrache. Donc c'est effectivement une bonne solution. Et le cardon épineux genevois, grâce à l'AOC aussi, a retrouvé ses lettres de noblesse. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ainsi, je pense qu'il y a des tas d'autres produits dans la biodiversité genevoise et de productions du terroir qui méritent d'être étudiés. Par conséquent, je vous propose aussi un renvoi à la commission de l'environnement.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien va accepter le renvoi en commission. Je crois très important que l'on parle de notre histoire et que les jeunes générations n'oublient pas l'histoire de Genève. En effet, comme l'a très bien dit le député Bavarel, l'agriculture genevoise a toujours été pionnière dans le développement de l'agriculture, dans les nouveautés de l'agriculture. Et toutes les grandes familles genevoises ont toujours envoyé des gens à l'étranger pour ramener de nouvelles espèces. Il n'y a qu'à voir nos parcs, avec les arbres que l'on possède; il n'y a qu'à voir les développements agricoles qui ont été réalisés. Au niveau de l'agriculture, nous avons été les pionniers aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.

Il est donc très important de continuer sur cette voie et de voir que Genève a fait beaucoup de choses. N'oublions pas non plus la botanique. La botanique genevoise est à la pointe mondiale. On a permis de sauver de nombreuses espèces grâce à des gens qui ont travaillé sur la botanique. Il faut par conséquent continuer sur cette voie, et nous soutiendrons cette proposition de motion.

M. Antoine Droin (S). Pour compléter tout ce qui vient d'être dit, et à voir cette belle unanimité qui se dégage par rapport à cette excellente proposition de motion, je mentionnerai simplement aussi toute la problématique que l'on vit actuellement notamment dans les grandes surfaces, avec l'unification des produits que l'on nous offre, en termes de goût, de calibre, de tout ce que l'on veut, qui est finalement un appauvrissement terrible de notre nourriture journalière. Et, outre la perte de ce patrimoine, valoriser les espèces anciennes est aussi une manière de faire du développement durable. C'est préserver un patrimoine, favoriser les économies locales et développer l'écologie. Pour toutes ces bonnes raisons et toutes celles qui ont été évoquées auparavant, on ne peut qu'aller dans le sens du renvoi de cette proposition de motion en commission.

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous nous réjouissons de vous présenter ce qui se fait déjà à Genève dans ce domaine, ainsi qu'au niveau mondial avec une préservation de la biodiversité qui a été fêtée l'année passée, mais aussi pour les produits agricoles. Depuis plus de quinze ans déjà, la FAO a mis en place un plan mondial d'action. Plus proche de nous, l'OFAG, l'Office fédéral de l'agriculture, soutient ProSpecieRara, l'Arboretum et toutes ces associations qui favorisent la biodiversité au niveau des produits agricoles, qu'ils soient d'origine végétale ou animale. Et Genève a obtenu une AOC, vous le savez bien, pour le cardon épineux. Nous poursuivons les démarches pour l'artichaut violet de Plainpalais et pour la poire à rissole. Cela peut paraître un peu ridicule ou anecdotique mais, au contraire, je pense que l'on est là dans des fondamentaux, d'une part de notre histoire, mais aussi de l'histoire de l'humanité. Ces créations se sont faites depuis tant d'années - tant d'années de travail - et il faut à présent les maintenir et les préserver.

J'ai une vision un peu moins pessimiste que la plupart d'entre vous sur les produits qui sont proposés à la grande distribution, puisque l'on y trouve aussi un label qui appartient à l'Etat, Genève Région - Terre Avenir, permettant de promouvoir les produits genevois. Ce label promeut aussi des produits spécifiquement labellisés ProSpecieRara. C'est donc là une première action. Bien sûr, ce n'est pas suffisant, mais il faut vous présenter cela et aller de l'avant pour les projets en cours. Je rappelle que, dans la loi sur la promotion de l'agriculture, cet encouragement est déjà prévu à l'article 25, et il pourrait peut-être exister, à travers la loi sur la biodiversité, une possibilité aussi de financer des actions plus particulières. On a déjà installé des vergers pour produire des pommes à cidre. Là, c'est de nouveau une diversification bienvenue de l'agriculture genevoise. On va également mettre en place des cultures de houblon ou d'autres produits pour fabriquer de la bière. On a donc une grande diversification qui est en train d'être mise en oeuvre et on se réjouit de vous la présenter en commission.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je mets à présent aux voix le renvoi de la proposition de motion 2024 à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2024 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 74 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

R 633
Proposition de résolution de Mmes et MM. Prunella Carrard, Antoine Droin, Marie Salima Moyard, Roger Deneys, Elisabeth Chatelain, Anne Emery-Torracinta pour des bains publics le long du Rhône

Débat

Le président. Nous sommes au point 21. Le débat est classé en catégorie II: trois minutes par groupe. Madame la députée, vous avez la parole en tant que première signataire de la proposition de résolution.

Mme Prunella Carrard (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, durant l'été, si vous vous promenez vers le pont Sous-Terre, sur le sentier des Saules, vous vous rendrez vite compte du succès que remporte ce lieu de baignade sauvage auprès de la population genevoise. C'est un endroit de retrouvailles avec ses amis après le travail; on y trouve de la fraîcheur lors des chaudes journées d'été, tout cela avec le courant du fleuve qui fait un peu de cet endroit un Aquaparc genevois. C'est vraiment sympa.

Cependant, le manque d'infrastructures dans cette zone la rend insalubre et la baignade peut être dangereuse. Malgré tout, les gens continuent à se baigner à cet endroit. Il est donc important à notre sens que les autorités genevoises prennent des mesures afin de protéger les habitants et d'aménager les berges.

Le long des cours d'eau, si vous ne le savez pas, le premier mètre est géré par les autorités cantonales, et ce qui vient ensuite est de la compétence communale. La création de bains fluviaux publics le long du Rhône relève donc de la responsabilité tant de l'Etat que de la Ville de Genève. C'est la raison pour laquelle la seule invite de cette proposition de résolution consiste à demander au Conseil d'Etat de «collaborer étroitement avec le Conseil administratif de la Ville de Genève, afin que ce dernier puisse proposer un projet de construction de bains publics le long du Rhône et d'aménagement des rives de la pointe de la Jonction dans les meilleurs délais». Dans de nombreuses villes, cela se fait déjà. C'est le cas à Bâle, Berne et Zurich avec les différents fleuves qui traversent ces villes.

Ce parlement semble conscient qu'il est nécessaire de donner un signe clair en faveur de ce type de projets à Genève car, lors des débats du 14 octobre sur la pétition traitant du même sujet, le rapporteur de majorité avait curieusement appelé au dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil mais imaginait possible le renvoi au Conseil d'Etat de la résolution dont nous débattons aujourd'hui.

Nous saluons la politique des petits pas du Conseil d'Etat et de la Ville de Genève, qui semblent avoir lancé une réalisation par étapes de bains fluviaux le long du Rhône, comme nous avons pu le voir cet été. Toutefois, nous appelons de nos voeux que cela ne s'arrête pas en si bon chemin et que les ébauches d'aménagement mises en place durant l'été ressemblent plus à de vrais bains l'année prochaine, avec des toilettes, des zones de verdure épargnées par les crottes de chiens où l'on puisse s'allonger et une passerelle qui permette de passer facilement d'une rive à l'autre et ainsi de faire de belles promenades à pied ou à vélo.

J'ajouterai encore que le Forum pointe de la Jonction, composé de l'association des habitants de la Jonction, des artistes de Kugler - donc de l'usine Kugler - de l'association Ecoquartiers-Genève et de la maison de quartier de la Jonction, vient de lancer une nouvelle pétition allant dans le sens de la création de bains fluviaux dans cette zone. C'est donc important également pour les gens qui résident dans le quartier.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Prunella Carrard. Je conclus. Nous vous demandons donc de renvoyer cette proposition de résolution au Conseil d'Etat, afin que le parlement donne un signe clair de sa volonté politique d'aller de l'avant sur ce dossier, tant aux habitants qu'au Conseil d'Etat.

M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts saluent cette proposition de résolution, mais surtout remercient Michèle Künzler d'avoir déjà pratiquement réalisé le tout. Alors peut-être que Michèle Künzler a quelques problèmes de communication, parce qu'on ne le sait pas. Mais, lors de sa campagne, elle avait dit qu'elle voulait faire des bains à cet endroit. Elle est arrivée à la tête du département et a simplement donné des instructions pour faire des choses légères afin que l'on puisse aller se baigner. On n'a pas vu passer de ligne budgétaire et on n'a pas pu faire un projet avec des oppositions et des choses très compliquées, parce que c'est juste une infrastructure légère. Alors si la construction de bains publics consiste à aménager des toilettes qui manquent encore à cet endroit, il n'y a aucun problème, et nous l'entendons comme cela.

Nous n'avons aucune envie, nous, de bétonner totalement la rive. Je trouve que l'aménagement qui est là a cette qualité d'être un aménagement léger, qui ne dénature pas le lieu et qui permet de régler les problèmes de sécurité et de capacité de baignade avec un coût moindre. Il permet, l'hiver, aux oiseaux migrateurs - qui sont là dans une zone de protection des oiseaux migrateurs - de pouvoir occuper tranquillement les lieux, parce que l'infrastructure est légère. C'est dans ce sens que nous pensons que l'on peut continuer le projet, mais sans faire des bains publics, sans faire une piscine au bord du Rhône, ce qui serait regrettable.

Encore une fois, nous tenons vraiment à remercier Michèle Künzler pour le très beau travail qu'elle a accompli avec ses services, en collaboration avec la Ville de Genève. Je pense que l'on peut poursuivre l'effort s'il y a encore des choses - il y en a toujours - à améliorer. Mais, de grâce, ne bétonnons pas tout. Installons les sanitaires qui manquent mais gardons cette zone ainsi. Je dois dire que, pour y avoir traîné quelques fois cet été, le plaisir de la population à utiliser ce lieu est maintenant décuplé par rapport à ce qui pouvait se faire auparavant.

Mme Christina Meissner (UDC). Cette proposition de résolution arrive trop tôt ou trop tard. En l'occurrence trop tard: on l'a déjà dit et, à l'évidence, ce parlement semble au courant, les bains existent. Les plates-formes ont été installées par la conseillère d'Etat, avec ses services, de manière légère, sans faire, comme M. Bavarel disait, des bains publics bétonnés, mais en respectant le site. Les travaux continuent pour que justement des aménagements tels que des toilettes, etc., puissent aussi être installés avec la Ville de Genève. Alors que reste-t-il à faire de cette résolution ? La renvoyer en commission ? Certainement pas, on n'y apprendra rien du tout. La renvoyer au Conseil d'Etat, pour qu'il nous dise ce que nous savons déjà ? Je suis désolée, mais l'analyse de l'UDC est que, finalement, vous auriez mieux fait de retirer cette proposition de résolution, qui n'a véritablement plus lieu d'être.

Mais si vous souhaitiez un mégaprojet beaucoup plus ambitieux que ce qui a été réalisé, alors vous arrivez trop tôt, parce que la pointe de la Jonction fait l'objet en ce moment de beaucoup de réflexions. Donc là aussi, de nouveau, la proposition de résolution n'a pas lieu d'être. En ce qui concerne le groupe UDC, nous sommes satisfaits de ce qui a été réalisé. Nous remercions les services de l'Etat ainsi que la conseillère d'Etat et nous rejetterons cette proposition de résolution.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Pascal Spuhler, qui aura trois minutes à se partager avec sa collègue Mme Marie-Thérèse Engelberts.

M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues députés, effectivement, cette proposition de résolution arrive un peu tard. Nous avons déjà traité une pétition dans ce sens, et il a également été beaucoup question de ces bains publics à la Ville de Genève. Il faut faire très attention. Nous ne sommes pas contre un renvoi à l'aménagement pour étudier ce que nous pouvons améliorer, comme des toilettes ou le confort, mais il faut faire quand même attention. Du moment que l'on entre en matière sur un réel confort, sur de réelles installations publiques, cela sous-entend une responsabilité de l'Etat et de la Ville. Cela sous-entend qu'il faut faire attention à la sécurité des gens qui vont fréquenter les lieux. Je vous rappelle également qu'il y a un trafic fluvial sur cette partie du Rhône. Donc cela sous-entend beaucoup de choses, ce qui pourrait effectivement s'étudier à la commission d'aménagement, où je vous propose de renvoyer cette résolution afin d'examiner réellement quelle est la collaboration Ville-Etat pour ces bains publics.

M. Ivan Slatkine (L). J'aimerais vous dire que, pour le parti libéral-radical, nous soutiendrons le renvoi de cette proposition de résolution au Conseil d'Etat, comme nous l'avions dit en effet le 14 octobre dernier quand nous traitions de la pétition. Pour une raison étrange, le Bureau du Grand Conseil n'a pas voulu lier les deux points, ce qui fait que nous nous répétons six semaines après, mais ce n'est pas bien grave.

Nous sommes favorables à ces bains et nous remercions Mme la conseillère d'Etat pour les démarches qu'elle a entreprises. Nous estimons que, aujourd'hui, ce qui a été mis en place est satisfaisant. Il y a en effet des problèmes, peut-être, au niveau de l'hygiène, mais qui nous semblent être de la compétence de la Ville de Genève. Cependant, il faut donner ici un signe positif, un signe clair. Nous sommes en faveur des bains le long du Rhône, c'est pourquoi nous soutiendrons cette proposition de résolution.

Néanmoins, je tenais simplement aussi à ajouter un petit point. Il ne faudrait pas que l'aménagement de ces bains devienne un frein au développement de la pointe de la Jonction. Donc je me réjouis d'entendre Mme la conseillère d'Etat nous confirmer qu'il n'y aura pas de problème à ce niveau.

Enfin, je voulais rappeler à l'auteure de cette résolution que nous avons proposé de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil parce que, si elle demandait des bains, elle demandait aussi la construction d'une passerelle. Or c'était précisément la construction de cette passerelle qui posait un petit problème, raison pour laquelle nous avons dit le 14 octobre dernier que nous soutiendrions la proposition de résolution mais pas la pétition. Vous voyez que nous tenons parole ! Nous vous remercions de ce texte et je conclurai par là.

M. Vincent Maitre (PDC). Concernant cette proposition de résolution, le PDC avait eu l'occasion de s'exprimer lors du débat sur la pétition qui traitait du même sujet. Il avait eu l'occasion de s'exprimer pour l'applaudir des deux mains. C'est une bonne idée, et nous l'avons accueillie avec bienveillance. Nous continuerons ainsi en renvoyant cette proposition de résolution au Conseil d'Etat, aussi bien sûr pour donner le message qu'il convient d'adresser à Mme la conseillère d'Etat, qui est de poursuivre dans cette voie. Les aménagements qui ont déjà été réalisés au bord du Rhône sont en quelque sorte victimes de leur succès, puisqu'ils sont déjà saturés et énormément fréquentés. Il serait à notre avis totalement souhaitable, et cela répondrait à une demande de la population, de continuer sur cette voie et - pourquoi pas ? - d'essaimer même un peu plus loin, jusque dans notre belle rade, comme l'ont fait par exemple les Zurichois, et c'est une réussite absolue. Nous renverrons donc cette proposition de résolution au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stéphane Florey, à qui il reste une minute et trente secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. A entendre les positions qui viennent d'être évoquées, les bras m'en tombent ! (Remarque.) Non, parce que je trouve cela simplement effarant. On avait déposé la fameuse pétition sur le bureau du Grand Conseil - je ne reviendrai pas là-dessus - pour de justes motifs. Ici, la résolution propose exactement la même chose.

Je regrette surtout la position du Conseil d'Etat. On a déposé cette pétition sur le bureau du Grand Conseil parce que nous ne voulions pas de bains sur les bords du Rhône.

Une voix. A cause de la passerelle !

M. Stéphane Florey. Le Conseil d'Etat, premièrement, n'a pas tenu compte de l'avis de ce Grand Conseil. En plus de cela, il devance cette proposition de résolution, qui, comme cela a été relevé, ne sert plus à rien, puisque tout a été fait. Alors justement, comme elle ne sert à rien, nous la refuserons de toute façon.

Mais on voit en plus que les rangs d'en face, qui militent contre la nouvelle plage - pour des raisons de biotopes, disant que l'on va tout bouleverser - appuient ce genre de demandes, qui provoqueront des dégâts pires...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Stéphane Florey. ...que ce que pourrait éventuellement faire la nouvelle plage aux Eaux-Vives. Là, j'ai vraiment de la peine à comprendre. Cela dit, l'UDC refusera cette proposition de résolution pour les motifs que je viens d'exposer.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts pour une minute.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président. Nous sommes tout à fait favorables. Finalement, nous avons vu que les travaux qui ont déjà été aménagés cet été sont justement légers. Et nous sommes très favorables parce que ce coin reste assez informel. Or c'était la volonté de la population et des jeunes qui s'y rendent. En fin de compte, cela nous plaît énormément.

C'est vrai que les questions de sécurité et d'hygiène vont être débattues avec la Ville de Genève, mais la progression des travaux montre bien qu'il y a une très bonne collaboration. Nous soutiendrons donc finalement cette proposition de résolution et son renvoi au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Prunella Carrard, qui s'exprime désormais sur le temps de parole de son groupe.

Mme Prunella Carrard (S). Merci, Monsieur le président. Très rapidement, je vous rappelle juste que, en fait, on a déposé cette proposition de résolution le 6 septembre 2010; donc ce n'était pas trop tard. Aujourd'hui, oui, on la traite trop tard, je suis bien d'accord. Mais enfin, il y a quand même encore des points pertinents, parce qu'elle demande notamment également un aménagement de la pointe de la Jonction et qu'il y a là-bas beaucoup de choses à faire. Ce serait très agréable de pouvoir sortir de l'eau plus confortablement qu'en s'accrochant aux rochers ! Et puis notre proposition de résolution ne demande certainement pas de bétonner - soyons bien clairs - les rives du Rhône, mais bien plus de continuer et de faire davantage, parce que les aménagements actuels sont effectivement déjà saturés, et il serait intéressant de faire un peu plus. Restons dans le bois, mais nettoyons un peu l'herbe des crottes de chiens, etc.

Je pense qu'il y a aussi ici la volonté de donner un message aux habitants de la Jonction, qui ont relancé une pétition sur la question. C'est dire: oui, dans ce parlement, nous sommes favorables, nous vous entendons, nous poursuivons, nous suivons la conseillère d'Etat qui a déjà lancé des aménagements dans ce sens. Nous l'en remercions et nous continuons d'être favorables à ce type de projets.

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Pour une fois que le Conseil d'Etat va plus vite que les auteurs de la résolution, il faudrait le saluer. On vous remercie de nous avoir dit merci ! Mais je crois que le mérite en revient surtout au travail des fonctionnaires qui ont avancé sur ce projet de manière tout à fait simple et légère. C'était notre volonté de le faire. Nous pourrons, s'il y a encore un budget, continuer très simplement la suite de cet aménagement - en concertation avec la Ville de Genève, évidemment.

D'autre part, je tiens à rassurer Mme Carrard. L'histoire de la salubrité a bien avancé: les crottes de chiens, c'est fini; on a remis de l'herbe fraîche; on a complètement aménagé. Effectivement, il existe des conflits. Il n'y a pas de toilettes publiques, mais c'est vraiment du ressort de la municipalité, qui doit prendre ses responsabilités.

Par ailleurs, cela empêchera-t-il un aménagement ultérieur de la Jonction ? Evidemment que non ! C'est un aménagement qui améliore dès maintenant cet endroit. C'est un lieu magnifique, qui était délaissé. C'est une première piste pour l'aménagement de cette Jonction. L'autre piste consiste à voter pour le dépôt «En Chardon» afin de sortir une partie des bus de la Jonction, ce qui permettra d'aménager la pointe, la première partie de la pointe. Ensuite, on viendra pour le reste. Mais la première partie, c'est cela.

Quant à la proposition de M. Maitre d'essaimer sur le lac, c'est comme pour la pétition; on y a déjà répondu: c'est la plage. Le crédit est là, vous l'avez déjà voté. Nous n'attendons qu'une chose: que le tribunal tranche enfin le recours du WWF. Nous pensons que c'est un projet vraiment bénéfique, quelque chose de très positif pour la population. On a constaté le succès de la Jonction. Nous avons été dépassés par ce succès. On voit bien que c'est un manque à Genève; on a besoin d'avoir un accès à l'eau, d'avoir des activités simples et qui ne sont pas trop codifiées. Nous avons des possibilités d'aménagement et nous pourrons le faire. On aurait déjà dû le faire. Nous devrions inaugurer bientôt cette plage; nous n'attendons qu'une chose, c'est de la faire et de vous inviter à nous y rejoindre ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons d'abord voter le renvoi de cette proposition de résolution à la commission d'aménagement. Dans un deuxième temps, nous voterons éventuellement le renvoi au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 633 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 69 non contre 8 oui.

Mise aux voix, la résolution 633 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 71 oui contre 7 non.

Résolution 633

PL 8201-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Anne Briol, Christian Brunier, Dominique Hausser, Christine Sayegh, Françoise Schenk-Gottret, Alberto Velasco, David Hiler et Remy Pagani modifiant la loi sur l'aéroport international de Genève (H 3 25)
Rapport de majorité de M. Jacques Jeannerat (R)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)
PL 8298-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Bernard Annen, Michel Balestra, Florian Barro, Luc Barthassat, Jacques Béné, Janine Berberat, Claude Blanc, Nicolas Brunschwig, Thomas Büchi, Gilles Desplanches, Hervé Dessimoz, Jean-Claude Dessuet, Pierre Ducrest, John Dupraz, Henri Duvillard, Pierre Froidevaux, Nelly Guichard, Janine Hagmann, Michel Halpérin, René Koechlin, Bernard Lescaze, Armand Lombard, Jean-Louis Mory, Geneviève Mottet-Durand, Jean-Marc Odier, Walter Spinucci, Micheline Spoerri, Olivier Vaucher, Stéphanie Ruegsegger, Vérène Nicollier, Philippe Glatz, Pierre-Louis Portier, Michel Parrat, Jean Rémy Roulet Yvonne Humbert et Alain-Dominique Mauris modifiant la loi sur l'Aéroport International de Genève (H 3 25)

Premier débat

Le président. Nous sommes aux points 22 et 23, qui sont classés en catégorie II: quarante minutes. Nous traitons donc les deux projets de lois conjointement dans le même débat. La parole est à M. le rapporteur de majorité Jacques Jeannerat.

M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Oui, merci pour cette précision, Monsieur le président.

Ces deux projets de lois ont été déposés au printemps de l'an 2000 pour le premier et à l'automne de l'an 2000 pour le second. Ce sont de vieux projets puisque, pour le premier, il n'y a plus aucun député signataire qui est encore dans cette salle. On trouve toutefois le nom de David Hiler, qui est passé au Conseil d'Etat comme chacun le sait.

Le premier projet de loi, déposé par la gauche, mettait en exergue le principe de «soumettre l'aéroport à un contrat de prestations», et je cite l'exposé des motifs écrit par les auteurs, qui voulaient s'inspirer de la loi sur les Transports publics genevois. Quelques fioritures avaient été ajoutées à cet élément de ce projet de loi sur un rééquilibrage de la représentation au conseil d'administration mais, pour l'essentiel, c'était vraiment un contrat de prestations.

La commission de l'économie a mis un certain temps pour examiner ce dossier. D'abord, M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht a demandé plusieurs fois d'attendre avant de pouvoir prendre une décision finale, des réflexions se faisant au sein du gouvernement sur l'aéroport. La commission a quand même procédé à un certain nombre d'auditions. Or toutes les personnes auditionnées, sans aucune exception, ont trouvé que soumettre une institution publique qui rapporte de l'argent à un contrat de prestations était une idée bien saugrenue, puisqu'au fond, à l'époque, seuls les TPG étaient au bénéfice d'un contrat de prestations. On n'était pas encore dans le principe de la LIAF, qui est venue plus tard. Vous savez que, désormais, pratiquement toutes les institutions, les associations ou les établissements autonomes qui remplissent une mission pour l'Etat sont au bénéfice d'une indemnité ou d'une subvention au travers d'un contrat de prestations. Voilà donc l'idée: soumettre une structure proche de l'Etat mais qui, elle, rapporte à l'Etat, puisque je vous rappelle que la loi sur l'aéroport précise que, en cas de bénéfice de l'aéroport, 50% de ce bénéfice vient dans la caisse de l'Etat.

Alors, au hasard, voici quelques citations sur cette idée d'un contrat de prestations. D'abord, l'ancien directeur de l'aéroport, M. Jobin, disait que l'aéroport n'assure pas les transports et qu'il ne voyait donc pas comment on pouvait le soumettre à un contrat de prestations. Ou encore, il a été relevé que la comparaison avec les TPG ne peut pas se faire, puisque justement il n'y a pas de subventions accordées à l'aéroport. Une autre personne indiquait qu'il est impossible à l'aéroport d'imposer des fréquences de vols comme on peut imposer des fréquences à un trolleybus qui doit relier un point de la ville à l'autre. Même le Syndicat des services publics trouvait l'idée mauvaise, puisque, je cite: «Le SSP ne voit pas l'opportunité d'un contrat de prestations pour une structure - l'AIG - qui fonctionne sous le contrôle de l'Etat, tout en dégageant des bénéfices.» Vous voyez, tout tourne toujours autour de la même question. Je pourrais vous en citer plusieurs qui vont dans ce sens-là.

L'idée était si mauvaise et n'est tellement plus d'actualité, Mesdames et Messieurs, que même le rapporteur de minorité n'en fait pas mention dans son rapport. Il parle de sujets complètement autres, comme les fioritures liées à la représentativité au sein du conseil d'administration. Vous voyez donc que ce projet de loi est totalement dépassé.

Quant au projet de loi suivant, déposé six mois plus tard, qui a été la réponse au premier projet de loi, il n'y a plus qu'un seul député actuel à l'avoir signé, c'est Jacques Béné, qui n'est pas là à l'instant. Tous les autres signataires ont disparu de cet hémicycle. Ce projet de loi - qui était donc la réponse au premier - déposé par ce que l'on appelait encore à l'époque l'Entente, prévoyait deux choses: d'abord de transformer l'AIG... (Commentaires.) ...en une société d'économie mixte selon l'article 762 du code des obligations, et surtout que les constructions et installations localisées sur le site aéroportuaire deviennent propriété de l'AIG, les terrains restant propriété de l'Etat. Or il y a là deux éléments d'actualité qui font que ce projet de loi est dépassé et inadapté. Il y a d'abord l'actualité qui nous a fait vivre les péripéties de l'aéroport de Zurich qui, lui, s'est transformé en société d'économie mixte. Il a fait l'expérience, a vu qu'il y avait un certain nombre de problèmes et a donc fait marche arrière. Voilà la première raison pour laquelle ce projet de loi n'a plus beaucoup de sens. Mais surtout, l'élément principal c'est que le transfert d'actifs, c'est-à-dire donner en propriété à l'aéroport...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Jacques Jeannerat. Je vais conclure. ...les bâtiments, pour qu'il puisse les gérer de façon plus optimale, tout en gardant la propriété du terrain, a été à la fois adopté sur proposition du Conseil d'Etat par ce parlement et confirmé quelques mois plus tard - il y a maintenant quelques années - par le peuple. En conclusion, Mesdames et Messieurs, ces deux projets de lois méritent un non simple et direct.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. C'est vrai que c'est un projet de loi relativement ancien et que nous en avons parlé il y a déjà fort longtemps à la commission de l'économie. Ces rapports sont sortis un peu tardivement et, du coup, ils sont aussi quelque peu elliptiques. Alors j'ai beaucoup aimé le rapporteur de majorité qui cite son rapport, parce qu'il omet certains passages choisis. En l'occurrence, typiquement, l'audition de M. Jobin, le directeur général de l'AIG à l'époque, commençait ainsi... Enfin, le rapporteur de majorité, en tout cas, a oublié de citer la première phrase de cette audition, que je vous lis: «M. Jean-Pierre Jobin affirme qu'il n'a aucune objection à l'idée, très moderne souligne-t-il, d'un contrat de prestations.»

M. Jacques Jeannerat. Il faut lire la suite !

M. Roger Deneys. Oui, vous, vous avez commencé par la suite, Monsieur Jeannerat ! Alors qu'il faut commencer par le début, quand on lit des citations... En l'occurrence, le principal, c'est que l'idée, effectivement, a quelque peu été éludée dans les discussions. En effet, il y avait les deux aspects. Il y avait aussi l'aspect de la composition du conseil d'administration - sujet d'actualité - et je vous invite d'ailleurs à signer le référendum qui vient d'être lancé contre les nouveaux conseils d'administration des établissements publics autonomes. La représentation des partis politiques est fondamentale et, pour nous, c'est une disposition importante. Du coup, ces projets de lois sont toujours restés un peu en retrait par rapport aux propositions qui sont venues soit du Conseil d'Etat, soit de la majorité de droite de ce Grand Conseil, et qui visaient à retirer des compétences citoyennes à ces conseils d'administration.

Maintenant, le thème du contrat de prestations ayant été un peu éludé dans ces discussions, on peut se poser la question de son actualité. Les auteurs du projet de loi, à l'époque, rappelaient leur souci d'éviter une privatisation rampante de l'aéroport, leur souci d'éviter que le seul critère de son fonctionnement ne soit la maximisation des bénéfices. On peut donc se poser la question, comme l'a fait M. Jeannerat, de savoir si un contrat de prestations est possible avec une entité qui rapporte de l'argent, une entité qui appartient aux collectivités publiques, ici à l'Etat. Franchement, il n'y a pas de problème. Ce n'est pas parce que l'on perdrait de l'argent que l'on devrait avoir un contrat de prestations et que, si l'on en gagnait, on ne pourrait pas en avoir un.

Est-il impossible de fixer des objectifs à l'aéroport ? Je pense que l'on peut tout à fait en fixer pour plusieurs raisons. On pourrait fixer, notamment, les questions d'horaires que l'on a eu l'occasion d'évoquer. Les riverains se plaignent régulièrement qu'il y a des vols de nuit en trop grand nombre. Il y a les questions d'accueil, de qualité d'accueil, les questions de tarifs, même peut-être des parkings. Enfin, il y a un certain nombre d'éléments dont on peut parler. On pourrait aussi imaginer de choisir le type de transport aérien que l'on souhaite privilégier. Veut-on plutôt de l'easyJet à n'en plus finir ou préférerait-on d'autres types d'activités ? Ce sont des choix politiques, des choix citoyens. Doit-on absolument accueillir toutes les compagnies, même avec les avions les plus anciens, les plus bruyants, sans avoir la possibilité de parler des taxes pour ces avions bruyants ?

Un contrat de prestations pourrait donner l'occasion de discuter du fonctionnement tel que les Genevoises et les Genevois le souhaitent, plutôt que de simplement subir ce discours ambiant que l'on entend partout, qui consiste à dire: «Ne nous en mêlons pas, parce que cela rapporte de l'argent.» C'est quand même un peu léger comme raisonnement. Le contrat de prestations permet simplement aux citoyens de donner aussi leur vision du fonctionnement d'une entité. Et fondamentalement on pourrait arriver à une situation qui n'existe pas aujourd'hui mais, le jour où les TPG feraient des bénéfices, on devrait alors, du jour au lendemain, leur dire: «Vous n'avez plus de contrat de prestations» ?! Je pense que...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. ...c'est une très mauvaise idée. En l'occurrence, nous vous invitons - je vous invite - à renvoyer ce projet de loi à la commission de l'économie, afin d'étudier, ce qui n'a pas été le cas à l'époque, la question du contrat de prestations pour l'Aéroport international de Genève.

Mme Irène Buche (S). Mesdames et Messieurs les députés, concernant ce que j'appellerai le premier projet de loi, le PL 8298, il est clair non seulement que ce projet est dépassé, mais aussi que l'idée même d'imaginer une société mixte est contraire à toutes les règles qui ont été données jusqu'à maintenant. Même M. le conseiller d'Etat François Longchamp avait rappelé qu'il fallait que l'aéroport reste un établissement de droit public exclusivement.

En ce qui concerne le projet de loi 8201, les socialistes pensent effectivement toujours qu'un contrat de prestations est parfaitement possible, même pour un établissement de droit public qui n'est pas subventionné et qui rapporte de l'argent à l'Etat. Il n'y a aucune raison que l'on ne puisse pas fixer des objectifs, des missions, des indicateurs, etc., à un établissement tel que l'aéroport, même s'il ne bénéficie pas de subventions.

Nous souhaitons donc que ce projet soit réétudié en commission. En effet, il n'est absolument pas dépassé, ni inutile ni inadéquat, ce d'autant moins que, comme vous le savez, un référendum a été lancé contre la loi sur l'organisation des institutions de droit public. Par conséquent, il est totalement prématuré de mettre de côté ce projet de loi, dans l'hypothèse extrêmement probable où la loi serait refusée par le peuple. Je vous demande donc également de renvoyer ce projet - le PL 8201 - à la commission de l'économie pour examen du fond, notamment sur la question du contrat de prestations.

Mme Christina Meissner (UDC). Décidément, aujourd'hui, on fait le ménage. On travaille tellement vite que l'on peut enfin s'occuper de projets dépassés. C'est assez étonnant, d'ailleurs, mais c'est ainsi !

Revenons à ces deux projets de lois: au sujet du premier, le PL 8201, qui propose un contrat de prestations, l'UDC ne peut que se rallier à la majorité, en disant que, la plupart du temps, quand on demande des contrats de prestations, c'est que l'on demande de l'argent. Or l'aéroport rapporte, et cela paraît être une solution extrêmement incongrue. La minorité prétend qu'ainsi on pourra mieux contrôler l'aéroport. Il ne faut pas oublier que le cadre de travail de l'aéroport est réglé au niveau de l'Office fédéral de l'aviation civile voire d'accords transnationaux, et même simplement par l'économie de marché qui fait que, aujourd'hui, on a des avions et que, demain, on n'en aura peut-être plus.

Mais, pour l'instant, il faut bien admettre que cet aéroport marche bien, même peut-être trop bien pour certains riverains. Cependant, les communes sont dans le conseil d'administration et les riverains surveillent de très près le respect des horaires et tout ce qui mérite de l'être. Je ne le nie pas, étant moi-même riveraine. Mais ce n'est pas à travers un contrat de prestations que l'on arrivera à faire tout cela, d'où le rejet de ce projet de loi 8201.

Quant au projet de loi 8298, là aussi, la majorité l'a déjà dit, demander une société d'économie mixte, c'est aussi trop tard dans la mesure où, entre-temps, en 2007, il y a eu le transfert des actifs. L'AIG est aujourd'hui un établissement public autonome, qui gère donc ses propres installations. Par conséquent, il n'y a pas lieu non plus de voter ce projet de loi.

En conclusion, ces deux projets sont obsolètes. Ne passons pas trop de temps à leur sujet et refusons-les tous les deux. C'est en tout cas ce que l'UDC fera.

Le président. Merci, Madame Meissner. Madame la députée Buche, vous avez demandé le renvoi à la commission de l'économie et vous souhaitez que le vote ait lieu maintenant; votre collègue rapporteur, lui, l'a demandé après l'entrée en matière. Nous allons donc passer au vote sur le renvoi à la commission... (Remarque.) Avant cela, il y a les prises de parole des rapporteurs, puis du Conseil d'Etat, et nous procéderons ensuite au vote sur le renvoi en commission. Vous avez la parole, Monsieur le député Jacques Jeannerat.

M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il faut voir ce qu'est la définition d'un contrat de prestations à l'Etat de Genève ! Quand l'Etat, en l'occurrence le Conseil d'Etat, signe un contrat de prestations, c'est bien pour confier une mission à un organisme - privé, subventionné, un établissement autonome - qui va remplir une mission. Et, pour qu'il remplisse cette mission, on va l'aider en lui donnant une indemnité, une subvention, un bâtiment ou je ne sais quoi.

Là, on est complètement à l'envers ! Si vous voulez qu'il y ait un contrat ou que des exigences soient fixées à l'aéroport, ce n'est pas au travers d'un contrat de prestations. Mme Meissner a rappelé que l'Office fédéral de l'aviation civile édictait un certain nombre de règles. La loi qui gère actuellement l'aéroport est déjà en train d'expliquer toutes ces règles de fonctionnement. Il est donc parfaitement inutile de renvoyer ce projet de loi en commission pour étudier une proposition dont tous les auditionnés - tous, une quinzaine - ont dit que c'était une mauvaise idée !

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Tous, sauf l'ancien directeur de l'aéroport M. Jobin. C'est marqué dans votre rapport, mais au début !

Cependant, concernant le contrat de prestations, c'est vrai que c'est évidemment l'Etat qui demande à une entité quelconque de remplir une mission et qui définit un certain nombre de critères que l'entité doit respecter. Mais ce n'est pas quelque chose d'impossible parce qu'il y aurait des bénéfices ! Vous, vous liez les choses. La subvention - ou plutôt le contrôle de l'efficacité de la subvention, le fait d'atteindre des objectifs - n'est pas une condition qui peut s'éluder comme cela parce qu'il y aurait des bénéfices. On peut dans tous les cas demander des critères.

Je suis convaincu d'une chose. On sait que l'aéroport privilégie des compagnies à bas coûts comme easyJet, au détriment, par exemple, de l'aviation d'affaires. Typiquement, un contrat de prestations permettrait notamment de rééquilibrer les types de vols. Je ne dis pas que c'est ce que je souhaite mais, simplement, c'est vrai que l'on peut dire... (Commentaires.) Non, mais...

Le président. Monsieur le député, on s'exprime sur le renvoi en commission !

M. Roger Deneys. Oui, j'essaie d'expliquer que les questions de critères d'évaluation...

Le président. Eh bien je vous demande de conclure votre intervention !

M. Roger Deneys. Les critères d'évaluation de l'efficacité de l'aéroport sont aussi pertinents pour une entité bénéficiaire. Donc je vous demande de renvoyer ce projet à la commission de l'économie, parce que nous devons justement réfléchir à la définition de ces critères.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi du PL 8201-A à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 8201 à la commission de l'économie est rejeté par 67 non contre 13 oui et 1 abstention.

Le président. Le débat se poursuit, avec la prise de parole de Mme la députée Brigitte Schneider-Bidaux.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Merci, Monsieur le président. Les Verts, après avoir relu ces projets de lois, qui datent de pratiquement onze ans, considèrent qu'ils sont effectivement obsolètes. L'AIG est devenu un établissement de droit public autonome. La grande question qui reste concerne le conseil d'administration, et elle a été résolue lors de notre dernière session. Nous avons voté la loi sur les conseils d'administration, donc nous ne reviendrons pas en arrière et nous vous proposons de refuser ces deux projets de lois obsolètes.

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, soyons sérieux, ces deux projets de lois doivent être refusés sans la moindre hésitation. L'un comme l'autre, d'ailleurs, dans l'idéal, auraient dû être retirés, tant il est vrai que les débats que nous avons eus dans le cadre des transferts d'actifs ont clairement montré que les peurs irrationnelles de la gauche quant à une éventuelle privatisation de l'aéroport étaient sans fondement. Qui aujourd'hui, et même à l'époque, aurait intérêt à ce que cet aéroport soit privatisé ? Je crois que les collectivités publiques, qui sont parties prenantes du conseil d'administration - et ce sera encore le cas - comme les riverains, comme tous les partenaires qui, aujourd'hui, sont intégrés au sein de la gouvernance de l'AIG, n'ont pas intérêt - personne n'a intérêt - à ce que cet aéroport soit privatisé. Le transfert d'actifs a clarifié les choses.

Je crois que, aujourd'hui, s'il est vrai que nous pouvons peut-être discuter des priorités de notre aéroport et que les représentants des autorités politiques qui siégeront au sein du conseil d'administration pourront évidemment se faire l'écho d'un certain nombre de souhaits dans ce domaine, tout cela ne justifie en rien ni l'un ni l'autre de ces projets de lois. Je crois que personne ne sera dupe du fait que l'un était la réponse à l'autre et que, aujourd'hui, tout cela n'a plus de sens. Si des choses peuvent encore être discutées et améliorées autour de la gestion de notre aéroport, ce n'est en tout cas pas avec un éventuel contrat de prestations - qui évidemment ne convient absolument pas au cas qui nous occupe - que cela pourra se régler. Chers collègues, soyons donc sérieux et refusons ces deux projets de lois.

M. Eric Stauffer (MCG). Effectivement, le temps a passé. Mais j'aimerais quand même ici souligner que c'est une stratégie cent fois expérimentée par le Conseil d'Etat. Quand un projet de loi est dérangeant, on le congèle, on le «cryogénise» en quelque sorte en commission, et il ressort dix ans plus tard. Et puis, comme par enchantement, le problème qu'il soulevait a été réglé parce que, entre-temps, il y a eu une votation populaire et que, entre-temps, c'est devenu autonome. On connaît ces techniques.

On serait presque tenté, au MCG, afin de faire un pied de nez au gouvernement pour avoir traîné les pieds en commission, de le voter. Mais, évidemment, on n'aurait pas la majorité, et vu la configuration actuelle de l'AIG... Je m'empresse de dire que je fais partie de son conseil d'administration, mais je n'y vois aucun conflit d'intérêts avec l'article 24 puisque je n'y ai aucun intérêt personnel. Quoi qu'il en soit, on va être raisonnable et refuser ce texte, ainsi que le renvoi en commission, bien sûr.

Cela me permet de souligner, chers collègues, qu'il faut maintenir - et nous donnons là clairement raison à la gauche - la représentativité des partis politiques au sein des conseils d'administration. Parce que si, aujourd'hui, on dit bien que l'on n'a pas de risque de voir un aéroport privatisé, je suis assez d'accord avec cela. Mais, quand on parle d'établissements publics autonomes, on voit bien l'exercice de grand écart qu'est en train de faire le gouvernement, puisque je vous rappelle qu'il doit présenter un objet à la commission des finances. Vous m'excuserez, Monsieur le président, je vais un peu trahir un secret de commission, mais comme l'un de vos députés Verts l'a fait hier avec la commission des finances, je me sens libre de faire la même chose. Donc le gouvernement va faire un grand écart et devra présenter à la commission des finances dans une semaine un projet de loi pour tondre les SIG et l'AIG afin de renflouer les caisses de l'Etat. On voit bien que l'autonomie est un peu réduite dans le sens où on nous l'avait vendue en votation populaire il y a quelques années. Donc ce ne sont finalement pas vraiment des établissements publics autonomes. Ce sont des établissements publics qui appartiennent à l'Etat, comme le Conseil d'Etat va s'exercer à nous le démontrer avec ses projets de lois pour ponctionner quelques dizaines de millions afin, éventuellement, de sauver le budget, sur une proposition notamment que mon groupe a faite.

Alors, Mesdames et Messieurs, c'est sûr, ce projet de loi est aujourd'hui obsolète, et nous allons donc le refuser. Mais ce n'est pas pour autant que nous ne veillons pas au grain. Et je vous encourage, Mesdames et Messieurs - même vous, députés de l'opposition - à signer le référendum pour qu'il y ait une votation populaire, puisque le seul patron de nous autres députés est le peuple. Et il lui appartient le droit de déterminer s'il veut limiter les conseils d'administration ou s'il veut continuer à avoir la représentativité au travers de ses élus.

Le président. Merci, Monsieur le député. Les deux rapporteurs ayant épuisé leur temps de parole, je passe le micro à M. le conseiller d'Etat François Longchamp.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ces projets sont anciens. Ils n'ont pas traîné en commission par la volonté du Conseil d'Etat: c'est le Grand Conseil qui est seul maître de l'ordre du jour de ses commissions. Le Conseil d'Etat n'a absolument rien gelé dans le traitement de ces projets. C'est vous-mêmes qui avez considéré, législature après législature depuis l'an 2000, que ces projets ne méritaient pas une discussion immédiate.

Vous avez sans doute fort bien fait, car nous avons mené diverses réformes, qui passaient sur un axe qui est connu de tous. Le premier de ces axes est l'idée que l'aéroport doit rester exclusivement une propriété de l'Etat de Genève. Il doit le rester pour des raisons simples. D'abord parce que c'est un outil de promotion économique qui génère 8500 emplois à Genève et un équipement important sans le contrôle duquel personne n'imaginerait que Genève puisse connaître la prospérité qui est la sienne. Il s'agit d'un équipement important aussi par les conséquences qu'il a sur les riverains. C'est une raison supplémentaire, également, pour laquelle l'aéroport doit rester sous la maîtrise du canton.

C'est d'autant plus nécessaire que ce n'est pas la privatisation, pour tout vous dire, que le canton de Genève et le Conseil d'Etat redoutent, puisqu'ils y ont été toujours fermement opposés. En réalité, c'est bien la fédéralisation de l'aéroport qui risque probablement, dans les années qui viennent, de devoir attirer notre attention. Je vous rappelle qu'il y a eu le week-end dernier une votation à Zurich sur le devenir de l'aéroport. Dans la mesure où ces initiatives cantonales auraient menacé le développement voire l'activité même de l'aéroport de Zurich, la Confédération, par la voix de Mme Leuthard et du Conseil fédéral, avait indiqué ceci: dans l'hypothèse où un canton venait à entraver le développement d'un équipement qui ne concerne pas seulement Zurich mais l'ensemble de la Suisse alémanique et même l'ensemble de la Suisse, le Conseil fédéral en serait amené à fédéraliser les aéroports. Les électeurs du canton de Zurich n'ont pas suivi les initiants, et cette menace s'est donc éloignée.

Mais j'attire votre attention sur le fait que, si nous voulons conserver en mains publiques un aéroport qui provoque des bienfaits économiques, en particulier dans une période difficile comme celle que nous traversons, il faudra avoir une stabilité et une volonté forte du point de vue politique. Et cette volonté passe ce soir par le refus de ces deux projets, qui sont anciens. Nous avons modifié la structure. Aujourd'hui, les transferts d'actifs ont complètement clarifié les éléments juridiques.

Voici un dernier mot pour vous, Monsieur Stauffer. Le Conseil d'Etat - je ne sais pas d'où vous sortez cela - n'a pas l'intention de déposer un projet de loi pour «tondre» l'aéroport. C'est dans le cadre de la loi actuelle que la régulation des bénéfices est faite. (Remarque.) Et il n'entend pas, Monsieur Stauffer, changer la loi, y compris sur ce point, puisque, comme je vous le dis, la structure actuelle est aujourd'hui stable. Elle provoque des bienfaits. Il s'agit de la défendre, même vis-à-vis de ceux qui peuvent avoir quelques préventions à l'endroit du transport aérien. Nous devons tous avoir la conscience que l'aéroport est aujourd'hui vital non seulement pour Genève mais aussi pour l'ensemble de la région.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons aux votes d'entrée en matière sur ces projets de lois.

Mis aux voix, le projet de loi 8201 est rejeté en premier débat par 68 non contre 13 oui.

Mis aux voix, le projet de loi 8298 est rejeté en premier débat par 76 non (unanimité des votants).

PL 10623-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Mme et MM. Eric Stauffer, Jean-François Girardet, Pascal Spuhler, Sandro Pistis, Dominique Rolle, André Python, Guillaume Sauty, Olivier Sauty, Jean-Marie Voumard modifiant la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (Personnes âgées en perte d'autonomie)
Rapport de majorité de M. Patrick Saudan (R)
Rapport de minorité de Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG)

Premier débat

Le président. Nous sommes au point 24. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je donne la parole au rapporteur de majorité M. Patrick Saudan, pour quatre minutes.

M. Patrick Saudan (R), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais d'abord revenir sur la genèse de ce projet de loi. Cette genèse, en fait, c'est un projet d'initiative cantonale qui avait été déposé par le MCG en 2009, en période électorale, et qui s'intitulait «initiative cantonale pour la dignité des personnes âgées dépendantes». Ce texte n'avait pas pu recueillir le nombre suffisant de signatures, ce qui explique que ce projet d'initiative a été tourné en un projet de loi constitutionnelle. Ce projet de loi a été traité en janvier 2011 lors d'une séance de la commission des affaires sociales. Pourquoi une seule séance ? C'est que la majorité de la commission des affaires sociales a jugé que ce projet de loi posait de tels problèmes, tant sur le fond que sur la forme, que l'entrée en matière n'était pas possible.

Concernant la forme, et plus particulièrement l'exposé des motifs du projet de loi, je ne vais pas revenir sur les termes outranciers et quasiment diffamatoires qui parsèment cet exposé des motifs. Je m'étais déjà exprimé sur ce point envers le premier signataire de ce projet de loi lors de la séance, en plénière, où il avait été renvoyé à la commission des affaires sociales. Vous n'avez qu'à lire mon rapport de majorité.

Cependant, ce projet est également truffé de contrevérités, puisqu'il prétend que l'Etat, pour des motifs purement financiers, retarderait l'entrée des personnes âgées en EMS et rationnerait de plus... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...la construction des EMS. Alors je rappellerai que, depuis plusieurs années, la politique du Conseil d'Etat en faveur des personnes âgées est plus ou moins - plus que moins, il faut le dire - exemplaire, avec une part importante de notre budget qui y est consacrée, et qu'à fin 2011 nous arrivons à plus de 3800 lits en EMS.

Sur le fond, les articles de loi qui sont proposés dans ce projet n'apportent pas grand-chose par rapport à l'arsenal juridique qui est déjà contenu dans les lois sur la santé. L'un des articles est particulièrement problématique. C'est plus précisément l'alinéa 2 de l'article 174A, qui offre un droit opposable de liberté de choix entre l'accompagnement domiciliaire et l'accompagnement en établissement pour personnes âgées. Ce droit opposable signifie qu'une personne âgée de 65 ans en parfaite santé pourrait exiger d'entrer en EMS.

D'ailleurs, je me permets de corriger... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...la conclusion du rapport de minorité de Mme Engelberts, qui cite malencontreusement le conseiller d'Etat d'une manière erronée. En effet, dans le rapport de minorité, il est mentionné que le conseiller d'Etat aurait dit: «La liberté de choix automatique pour toute personne âgée en perte d'autonomie conduirait à un renversement de toute la logique qui prévaut actuellement.» Ce n'est pas exact; j'ai relu le procès-verbal. M. Longchamp a dit: «La liberté de choix automatique pour toute personne âgée conduirait à un renversement de toute la logique qui prévaut actuellement.» Il n'y avait pas la notion de perte d'autonomie. En effet, actuellement, une personne âgée, même en perte d'autonomie, peut refuser d'aller en EMS. Mais ce que signifiait le département, c'est qu'une personne âgée en pleine santé pourrait exiger d'aller en EMS, ce qui serait totalement contraire à la philosophie de la politique envers les personnes âgées qui prévaut dans ce canton depuis plusieurs années. Voilà, Monsieur le président, je m'arrête là; je reprendrai la parole si c'est nécessaire.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la rapporteure de minorité Marie-Thérèse Engelberts.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président, et merci au rapporteur de majorité. Effectivement, lors de la présentation de ce projet de loi constitutionnelle, les réactions ont été vives au sein de la commission. Je vous laisserai lire le rapport. Mais je voudrais revenir sur certains points de l'exposé des motifs, non pas sur la manière dont ils ont été exprimés mais sur le fond de ceux-ci et les propositions auxquelles cela nous amène.

Tout d'abord, j'avais fait référence, en début de présentation de ce projet de loi, à l'actuelle constitution genevoise et à la révision en cours pour montrer et préciser que, en ce qui concerne les aînés, il y a effectivement, sur le plan des principes, extrêmement peu d'éléments, puisque la Constituante a décidé de ne pas tellement travailler sur les diverses populations.

Par rapport au projet de loi, pour y revenir, nous voulions insister particulièrement sur le respect et la dignité des personnes âgées en perte d'autonomie et sur la liberté de choix entre accompagnement domiciliaire et accompagnement en établissement pour personnes âgées; le cas échéant, la liberté de l'établissement et du médecin, et la liberté de choix du mode d'accompagnement qui leur est assuré au sein de l'établissement. Alors effectivement, cela remet en question la manière de prendre en charge les personnes âgées, mais surtout leur choix. Toutefois, je pense qu'aucune personne âgée de ce canton, en tout cas à ma connaissance, ne souhaite à 65 ans aller d'elle-même s'installer dans un EMS. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il peut y avoir quelques rares cas, mais je ne pense pas que c'est la raison sur laquelle il faut insister.

Voici ce sur quoi nous insistons. Effectivement, il est dit que les établissements pour personnes âgées sont des lieux de vie. Or nous constatons quand même que la moyenne de vie dans un EMS est de trois ans. Donc nous pouvions nous poser des questions par rapport à cela et nous souhaiterions vous suggérer d'autres types de solutions concernant la possibilité de l'habitat; je voudrais faire une proposition à ce sujet. Ce que nous désirons, c'est que l'on respecte particulièrement le droit des résidents, les besoins et les attentes des personnes, et qu'il y ait une volonté réelle dans notre canton de laisser la notion du libre choix. Je sais que c'est très contesté. Actuellement, le libre choix du médecin va être possible dans certaines conditions. Mais nous souhaitons véritablement qu'il y ait liberté de choix domiciliaire.

Je voudrais mentionner par rapport à ce sujet un projet qui se développe actuellement aux Charmilles, dont l'architecture est de type modulaire et qui propose aux familles d'avoir une pièce supplémentaire, assez indépendante du logement familial...

Le président. Il vous reste une minute, Madame la députée.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je n'ai pas entendu !

Le président. Excusez-moi; il vous reste une minute. Je rappelle d'autre part que, dans l'enceinte de ce parlement, le «deal» est interdit. Si vous avez des arrangements à passer entre partis, Nicolas-Bogueret ou les Pas-Perdus conviennent tout à fait. Poursuivez, Madame le rapporteur.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Merci, Monsieur le président. Alors je voudrais simplement dire que, aux Charmilles, une expérimentation va avoir lieu pour faire cette proposition à des familles: 40% de l'habitat du projet des Charmilles va consister en des logements familiaux dans lesquels il y a une pièce relativement indépendante par rapport au reste de l'appartement, laquelle permettrait aux familles qui le souhaitent d'accueillir chez elles une personne âgée de leur entourage, de garder des jeunes qui ne trouvent pas de logement, etc. J'estime que c'est une façon intelligente et que la solution n'est pas seulement l'EMS pour les personnes âgées, mais qu'il y a un libre choix, bien sûr de rester chez soi, avec un accompagnement tel qu'on le connaît aujourd'hui et qui peut être renforcé, ou alors de justement rester auprès de sa famille, mais d'une manière indépendante, et simplement de pouvoir être soigné quand c'est nécessaire, et de ne pas forcément aller en EMS. Et nous étions au regret de trouver que la solution de facilité...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je conclus. ...consiste à se dire: «Les personnes âgées, à partir du moment où elles n'ont plus aucune indépendance, on les met dans des EMS, comme cela on est tranquille.» J'aborderai les autres points par la suite si nécessaire.

M. Pierre Conne (R). Chers collègues, le groupe radical du PLR suivra le rapporteur de majorité et refusera l'entrée en matière de ce projet de loi. Cependant, il convient quand même de relever que nous parlons d'un sujet important, celui des personnes âgées en perte d'autonomie, et qu'il mérite toujours de notre part - je sais que nous sommes unanimes sur ce point - attention et respect. En effet, non seulement il s'agit d'un problème de santé publique, avec ses dimensions politiques, organisationnelles, financières, juridiques et éthiques, mais nous sommes aussi tous concernés - parmi nos proches, dans nos familles et peut-être demain nous-mêmes - par cette question. C'était mon point d'introduction. Maintenant, j'aimerais aborder deux éléments qui concernent plus précisément ce projet de loi.

Le premier, qui mérite quand même une précision et une rectification, est que les auteurs de ce projet de loi opposent lieu de vie et lieu de soins lorsqu'ils parlent d'établissements pour personnes âgées, ce qui est un peu regrettable; c'est une vision tronquée de la réalité. Ce sont des établissements de soins qui sont des lieux de vie compte tenu de la durée des soins. Et on ne peut absolument pas évacuer la question centrale: ces personnes nécessitent en permanence une surveillance et un suivi infirmier et médical. Il s'agit donc bien d'établissements de soins dans lesquels les soins vont durer longtemps et qui doivent donc également répondre à des exigences de lieu de vie.

A partir du moment où l'on parle de lieux de soins, on doit évidemment aborder la question de l'organisation des soins, qui sont liés aux types de problèmes recensés auxquels on doit répondre pour faire face aux besoins de soins de la personne. A partir de ce moment-là, il est absolument impensable de mettre sur le même pied d'égalité l'appartement ou la maison dans laquelle on a vécu depuis vingt ans et un établissement médico-social définitivement dévolu à des personnes qui nécessitent une intensité et une permanence de soins complexes, que l'on ne peut plus offrir à domicile. C'est un point qui, vraiment, doit être réaffirmé ici avec force, et ce n'est pas une particularité genevoise, car cela concerne tous les systèmes de soins intégrés les plus évolués actuellement auxquels on se réfère - et on n'a pas à rougir sur ce point, parce que Genève est très en avance dans le domaine de la prise en soins des personnes âgées en perte d'autonomie: on doit effectivement tenir compte des besoins en soins des personnes de manière à les orienter vers les structures les plus appropriées.

Maintenant, j'aimerais aborder un point et revenir sur ce qui a été souligné par le rapporteur de majorité. Ce qui est au centre, dans le fond, et qui fait que ce projet de loi n'est pas acceptable pour nous, c'est qu'il demande la liberté de choix entre les soins à domicile et les soins dans un établissement médico-social. C'est simplement quelque chose d'impraticable, qui nécessiterait même quasiment des moyens financiers illimités si l'on voulait répondre à cette demande.

Les autres demandes de droits fondamentaux précisées dans ce projet de loi sont déjà acquises. Il y a le libre choix entre différents établissements médico-sociaux. Ce libre choix existe. Le libre choix du médecin existe également. Et le libre choix du mode d'accompagnement assuré existe déjà et est garanti par la loi sur le droit des patients.

Voici l'élément sur lequel je terminerai - et je pense qu'il faut quand même aussi saluer les initiants dans la mesure où...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Pierre Conne. ...ils nous amènent à réfléchir une fois de plus à ce sujet important qui est celui de la prise en soins des personnes âgées en perte d'autonomie. Aujourd'hui, le point auquel on devra s'intéresser davantage est celui de la coordination entre les différents niveaux de soins: les soins aigus, les soins à domicile, les soins dans les structures intermédiaires et les soins dans les établissements médico-sociaux. Parce que, actuellement, si chaque personne ne bénéficie effectivement pas toujours en temps et en heure du lieu de soins adéquat, c'est parce que nous manquons aujourd'hui d'une structure de coordination. C'est ce que proposait de faire le PASS, le programme d'accès aux soins, qui pour le moment n'a pas passé, pour de bonnes raisons, le cap de la commission de la santé. Mais cette question de la coordination des structures de soins pour les personnes âgées en perte d'autonomie devra être reprise.

Mme Esther Hartmann (Ve). Les Verts vont refuser l'entrée en matière de ce projet de loi, même si nous avons eu la tentation de nous abstenir pour soutenir en quelque sorte l'accent que les initiants ont mis sur le traitement avec dignité et respect de la personne âgée.

Si l'on considère la situation actuelle, on peut observer que Genève est doté d'un arsenal de moyens d'accompagnement de la personne âgée, que ce soit à domicile ou en EMS. Il arrive des situations où, malheureusement, il n'y a plus le choix, où la personne ne peut plus rester à domicile, pas uniquement parce que les proches ne sont plus là pour la soutenir, mais parce que ces derniers n'y arrivent tout simplement plus, car la personne est dans un si mauvais état qu'elle ne peut plus rester chez elle.

J'ajouterai que les EMS sont maintenant également des lieux de vie. Effectivement, on meurt en EMS, mais moi je soutiens que la vie reste jusqu'au dernier souffle, et ce n'est qu'une fois que l'on ne respire plus que l'on est mort, évidemment. Je crois que les EMS à Genève soutiennent totalement cette optique et accompagnent pleinement les personnes dans leur vie, jusqu'au bout. Pour toutes ces raisons, nous n'accepterons pas l'entrée en matière de ce projet de loi.

M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne reviendrai pas sur tous les arguments qui viennent d'être énoncés et qui sont pour la plupart bien évidemment exacts. Je reviendrai simplement sur une affirmation que l'on trouve à la première page du rapport de minorité, où Mme Engelberts nous dit que la situation actuelle «a entraîné une absence de débat de fond». Je trouve cette affirmation extrêmement grave, vu le temps que nous avons passé, il n'y a pas si longtemps, sur la révision de la loi sur les EMS, qui concernait la gérance. A cette occasion, nous avons longuement parlé de l'ensemble de la problématique agitant ce secteur professionnel qui touche les personnes âgées, et je crois que nous avons pu y répondre à la fois sur la qualité et sur la quantité. Par la quantité, j'entends l'aspect financier du problème. D'autre part, la plupart d'entre vous se rappellent sans doute les longs débats à répétition lors du budget concernant l'initiative 125, qui traite aussi du problème des EMS.

Donc il me semble que, à ce sujet, tout n'a certes peut-être pas été dit et peut encore être amélioré, mais enfin, sur l'ensemble de la question, quand même, ce parlement s'est prononcé ces dernières années de nombreuses fois et a pu en tout cas améliorer tout ce qu'il y avait d'améliorable aujourd'hui. Toutes ces raisons font évidemment que l'UDC - outre le caractère parfois outrancier du projet que le MCG nous propose - refusera l'entrée en matière.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi constitutionnelle est inadapté par sa forme hybride, confuse et peu conforme à une constitution que l'on essaie justement de simplifier. Il l'est aussi sur le fond, car il ne traite que d'une partie de la question de la politique des personnes âgées. Cette question est évidemment fondamentale. Or il est vrai qu'elle souffre aujourd'hui un peu de troubles législatifs et organisationnels, ce que souligne d'une certaine manière ce projet du MCG. En effet, si, sous la «loi-chapeau» de la santé, l'aide et les soins à domicile bénéficient d'une vraie loi, avec des buts, des objectifs et des moyens, pour les EMS il n'y a qu'une loi de gestion, comme le rappelait d'ailleurs le conseiller d'Etat, et les socialistes s'y sont opposés au moment de son traitement il y a deux ans.

Les personnes âgées sont aujourd'hui saucissonnées entre deux lois, sous l'égide de deux départements. Or, pour développer l'EMS de demain, multiprestataire, tel qu'il se pense à Genève mais aussi partout en Suisse, avec non seulement de longs séjours mais également de l'accueil de jour et de nuit ainsi que des logements avec encadrement, il faudra réunir les buts de deux lois, la volonté de deux départements, et construire une vision par-delà l'organisation administrative actuelle.

Il est vrai que la planification sanitaire nous donne aujourd'hui une base pour travailler, mais le défi va résider dans la réunion des forces. Et ce n'est certainement pas ce projet de loi constitutionnelle qui constitue aujourd'hui une réponse à cette problématique. Le groupe socialiste vous invite ainsi à refuser ce projet de loi.

Mme Fabienne Gautier (L). Le groupe libéral du PLR refusera également l'entrée en matière de ce projet de loi, pour les mêmes diverses raisons qui ont été évoquées ici ce soir. On ne peut pas considérer que les EMS sont des mouroirs, comme cela a été dit plusieurs fois dans l'exposé des motifs de ce projet de loi. En effet, je pense que dire cela est un non-respect pour les personnes âgées qui se retrouvent dans les EMS et un non-respect pour le personnel qui s'occupe de ces personnes âgées dans les EMS. Je pense que - et Mme le rapporteur de minorité était elle-même directrice d'une institution où l'on forme du personnel soignant, des infirmières, etc. - c'est un peu se moquer de ces personnes qui travaillent pour les personnes âgées, pour les soins, que de dire que l'on laisse les gens mourir dans leur chambre, que l'on ne s'en occupe pas.

Je rappellerai ici que, pour tout EMS, il faut un projet institutionnel. Dans ce projet institutionnel, la vie à l'intérieur de l'EMS est totalement prévue. Il y a des lieux communs. Les personnes âgées ont leur propre chambre, où elles peuvent avoir leurs meubles, des objets qui leur sont propres. Elles peuvent partager les lieux communs et des activités lorsque leur santé le leur permet. Elles peuvent même sortir des EMS; elles ne sont pas enfermées. Alors c'est un peu difficile aujourd'hui d'entendre et de lire des propos tels que ceux qui figurent dans l'exposé des motifs de ce projet de loi.

D'autre part, tout cela ne peut pas être prévu dans un projet de loi constitutionnelle. La loi sur les personnes âgées traitait peut-être effectivement de la gestion des EMS. Mais, pour ma préopinante, Mme la députée Serdaly Morgan, je rappellerai qu'il existe pour les personnes âgées la loi sur le réseau de soins et le maintien à domicile, qui prévoit justement tout ce qui concerne la santé des personnes âgées, qu'elles soient à domicile - avec la FSASD qui vient s'occuper d'elles et leur prodiguer des soins lorsqu'elles en ont besoin - ou en EMS.

Donc pour toutes ces raisons - et je ne pense pas que la problématique abordée dans ce projet de loi doit faire partie d'un projet de loi constitutionnelle - nous n'entrerons pas en matière sur ce texte, comme je l'ai dit en préambule.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Jacqueline Roiz, pour deux minutes trente.

Mme Jacqueline Roiz (Ve). Deux minutes et trente secondes seront bien suffisantes ! Les raisons concrètes de la non-entrée en matière ont déjà été explicitées, donc je ne vais pas y revenir.

En lisant ce projet de loi, je me demande s'il vient en fait d'une bonne intention, parce que j'avoue quand même qu'il y a un paradoxe entre un langage écrit qui parle de respect et de dignité et la façon dont certains députés s'expriment en dénigrant constamment et en manquant de respect. (Commentaires.) Merci, j'aimerais pouvoir parler tranquillement. (Remarque.) Je vous remercie de respecter mon droit de parole ! (Commentaires.)

Ensuite, évidemment, les arguments indiquant pourquoi ce projet de loi manque d'intérêt au niveau législatif sont bien explicités. Il donne bien l'impression de manquer de recherche, de précision, de vérification des données. Et on dénigre encore une fois tout le travail qui a été fait jusqu'à maintenant pour améliorer les conditions des personnes âgées, pour leur donner différentes options.

En revanche, c'est vrai qu'il y avait un élément de réflexion intéressant concernant le droit de la personne âgée. Mais ce droit, maintenant, on le sait, est déjà inscrit dans d'autres lois. Oui, effectivement, cette notion de respect et de dignité fait que chacun a pris son temps, que tous les partis ont pris leur temps pour réfléchir à ce projet de loi. Il est clair que nous respectons tous nos aînés et avons tous envie qu'ils se portent le mieux possible dans les meilleures conditions qui soient. Chez les Verts, on tient beaucoup à la mixité des générations, qui permet justement un dialogue entre toutes celles-ci. Je pense que cela permet aussi entraide et respect, précisément. Pour toutes ces raisons, nous allons donc rejeter l'entrée en matière.

M. Philippe Schaller (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes effectivement très attachés à la place et à l'autonomie de la personne âgée au sein de notre société. Ce projet de loi a l'intérêt, en fait, de poser cette question. Mais par contre, comme l'ont dit d'autres groupes, il n'évoque pas beaucoup de sympathie quant au ton et à la forme.

J'avais présidé un groupe de travail, il y a une dizaine d'années, visant à se demander quel était l'EMS du futur. Et ce dernier n'est probablement pas l'EMS que nous connaissons actuellement. Sans doute manque-t-il aujourd'hui des structures dites intermédiaires, des habitats, des lieux de vie tels que nous les connaissons pour le handicap. Nous avons fait un gros travail pour les personnes handicapées, et nous devons faire le même travail pour les personnes âgées.

Mais il est vrai que, aujourd'hui, nos modes de subventionnement sont pour les soins à domicile ou pour les EMS. Les structures intermédiaires n'ont pas encore trouvé ni leur cadre législatif ni leur mode de financement. C'est cela que nous devons trouver.

Nous avons un gros travail à accomplir, et c'est effectivement, comme l'a dit Mme Serdaly Morgan, un travail au niveau de la planification, qui doit se faire sur deux départements. Et puis nous travaillerons en fait sur tous les projets qui permettront d'améliorer cet habitat et la place de la personne âgée au sein de la société. En conclusion, nous ne pourrons malheureusement pas entrer en matière sur ce projet de loi.

M. Eric Stauffer (MCG). Je me permettrai, à la fin de mon intervention, de répondre à M. Longchamp sur le sujet précédent, puisqu'il a dit des inexactitudes...

Le président. Non, Monsieur le député. Nous en sommes au projet de loi concernant les personnes âgées...

M. Eric Stauffer. Alors je lui répondrai mercredi prochain, à la commission des finances.

Le président. Volontiers !

M. Eric Stauffer. Bref, peu importe, des faussetés ont été dites par M. le conseiller d'Etat sur le sujet précédent.

Mesdames et Messieurs les députés, si je vous dis «AVIVO», cela vous cause ? Cela vous dit quelque chose ? «Score de l'AVIVO à la Constituante», cela vous cause aussi ? Cela vous dit quelque chose ? (Commentaires.) Et expliquez-moi, l'AVIVO est-elle pour les nouveau-nés ou s'occupe-t-elle plus spécialement des personnes âgées ?! Cela vous cause, ça aussi ? Alors expliquez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi ici vous êtes devenus sourds à une revendication légitime de la population qui se traduit par un vote démocratique et une percée époustouflante de l'AVIVO.

Expliquez-moi, chers collègues, ce qu'il y a dans notre projet de loi constitutionnelle de mal ficelé, de pas bien fait, de non respectueux, ou je ne sais quelles inepties vous avez dites. Je vais vous lire l'article 174B de notre projet de loi MCG: «Les prestations fournies aux personnes âgées en perte d'autonomie doivent répondre à l'ensemble de leurs besoins et attentes, afin qu'elles puissent jouir aussi longtemps que possible de la meilleure qualité de vie et de leur autonomie.» L'article suivant, le 174C, stipule ceci: «Les établissements pour personnes âgées sont des lieux de vie - et non des lieux de mort - où le résident est au coeur du dispositif et qui proposent en conséquence un accompagnement individualisé adapté à chacun.» Qu'y a-t-il de mal ficelé à vouloir inscrire cela dans la constitution, si ce n'est de vouloir respecter les personnes âgées ?!

Mesdames et Messieurs, quand vous buvez l'eau du puits, n'oubliez jamais ceux qui l'ont creusé pour que vous puissiez aujourd'hui étancher votre soif. (Remarque.) Et je vous le dis, Mesdames et Messieurs, il n'est pas normal d'avoir cette attitude que vous avez aujourd'hui, parce que les EMS ont été bien longtemps - et c'est le seul bon point que je laisserai à M. le conseiller d'Etat François Longchamp - des modes de financement pour certains milieux; je vous rappelle que les banques mettaient 50%, l'Etat mettait 50%, et le loyer payé au promoteur était basé sur un 100%. Donc l'Etat payait deux fois, et cela a enrichi bien des promoteurs, qui ont financé quelques partis. Je vous passe les détails; ce sont des secrets d'alcôves qui, un jour, sortiront certainement.

Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs, nous allons maintenir ce projet de loi jusqu'au bout. Monsieur le président, je vous demande le vote nominal, et on se fera un plaisir d'envoyer à l'AVIVO la liste des députés des groupes qui auront voté contre ce projet de loi constitutionnelle... (Remarque.) ...et qui ne respectent pas les personnes âgées. Vous voulez jouer à ce jeu-là ? Le MCG est champion du monde ! Vous ne voulez pas respecter le vote populaire. Rappelez-vous l'initiative qui demandait 60 millions, Mesdames et Messieurs, pour les EMS. Jamais dans un budget, depuis les six ans que nous siégeons ici, il n'y a eu ces 60 millions. Grâce au MCG, il y a trois ans, 5 millions avaient pu être arrachés pour les personnes âgées afin de respecter cette initiative populaire.

Alors je remercie la rapporteuse de minorité, qui a défendu en commission et ici en plénière avec vaillance ce projet de loi. Et honte à ceux qui ne respectent pas leurs aînés !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Roiz, les Verts ont épuisé leur temps de parole. Je redonne brièvement la parole aux deux rapporteurs, à commencer par M. le rapporteur de majorité Patrick Saudan.

M. Patrick Saudan (R), rapporteur de majorité. De combien de temps est-ce que je dispose, Monsieur le président ?

Le président. Eh bien, comme ce sera le dernier point que nous traiterons à cette séance, exprimez-vous pendant deux minutes.

M. Patrick Saudan. Je vous remercie... (Remarque.)

Le président. Trois minutes; je suis de bonne humeur !

M. Patrick Saudan. Merci ! Vous transmettrez ceci à M. Stauffer. Je ne sais pas si le MCG est le champion des personnes âgées, mais lui est le champion de la démagogie et il vient de nous en donner un bon exemple.

Plus sérieusement - et je vais répondre à plusieurs des intervenants précédents - les EMS ne sont pas des mouroirs. Mais il y a une réalité que l'on ne peut pas occulter: la moyenne d'âge d'entrée en EMS est de 86 ans, ce qui explique, Madame Engelberts, qu'effectivement l'espérance de vie en EMS n'est que de trois ans. En effet, l'espérance de vie de la population en général est de 84 ans pour les femmes et de 81 ans pour les hommes. Donc vous voyez, ce sont souvent des personnes qui ont une longévité accrue.

Il faut savoir que - et là, je réponds directement à M. Stauffer - nous respectons la volonté populaire. Nous la respectons d'autant plus que c'est en votation populaire, au début des années quatre-vingt, que le peuple genevois avait décidé que le maintien à domicile devait être la pierre angulaire de notre politique envers les personnes âgées.

Pour répondre à Mme Serdaly Morgan, et comme l'a dit Mme Gautier, c'est la loi sur le réseau de soins et le maintien à domicile qui est la pierre angulaire, qui est cette philosophie, ce qui explique que ce n'est pas une facilité de mettre les personnes âgées en EMS. Nous les mettons, nous leur proposons d'aller en EMS quand il y a plus de 2,5 heures de soins quotidiens. Alors je veux bien vous accorder que, dans l'avenir, et toutes les sociétés occidentales devront le faire, il y a une réflexion à mener sur les unités intermédiaires. Mais, actuellement, la politique genevoise qui a été plébiscitée par le peuple est le maintien à domicile. C'est pour cela que nous entrons relativement tard en EMS.

Je tiens encore à souligner que, dans la loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées, le libre choix de l'EMS est garanti à l'article 25.

Voilà, j'en ai fini, Monsieur le président. Je vous demande donc simplement, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG), rapporteuse de minorité. Je vais tâcher d'être vaillante ! Tout d'abord, je ne voudrais pas que l'on me sollicite particulièrement sur le plan du personnel soignant pour mettre en évidence qu'il y a un manque de respect ou de la méconnaissance. Pendant quarante ans, j'ai travaillé dans ce milieu-là et je crois avoir passablement de choses que je peux exprimer. Mais tout simplement, vous le savez très bien, les EMS, comme M. Saudan vient de le préciser, concernent une période de vie qui se situe à la fin de notre existence. C'est vrai qu'il y a de la vie jusqu'à la fin de notre existence. Mais quelle vie y a-t-il jusqu'à la fin de notre existence ? Donc c'est en tant que soignant mais aussi en tant que personne que je souhaiterais très honnêtement que l'on réfléchisse à une manière de faire, et nos sociétés vont devoir se poser cette question. Je crois que c'est la base même de ce projet de loi. Il s'agissait de dire: chaque personne âgée devrait pouvoir avoir une liberté de choix qui est aussi de rester dans sa propre famille, mais d'une manière relativement indépendante. Et nous souhaitons que la majorité des gens - c'est d'ailleurs déjà le cas - puissent mourir chez eux. Voilà un premier point.

On a souligné le manque de coordination, le manque sur un plan juridique et les liens entre différents projets de lois, qui émanent l'un du département social et l'autre de la santé. Effectivement, il y a un manque de coordination. Alors peut-être bien que l'on peut se poser la question; c'est une question de fond, quand même. En tant que députée, il me semble qu'il y a les aspects juridiques. Et si certains sont lassés d'avoir traité la loi sur les EMS, qui effectivement est un gros pavé, je suis désolée, je n'ai pas fait partie de cette législature. Mais c'est vrai qu'il avait été décidé, lors de l'étude de la planification concernant les EMS, que les aspects qualitatifs seraient traités en dehors. Or il y a une loi très bien ficelée qui a été votée. Et l'aspect qualitatif, nous l'apportons aujourd'hui par cette réflexion.

Tout est perfectible. Je regrette simplement qu'il y ait eu beaucoup d'abstentions, malgré la réflexion de fond qui doit être faite. C'est vraiment dommage, parce que, concernant toutes les structures intermédiaires - beaucoup manquent - il y a là une réflexion innovante à mener. Vous allez donc vous abstenir. Simplement, j'engage véritablement mon groupe à parfaire, à tenir compte de certaines remarques qui ont été formulées et à redéposer un projet de loi concernant cette problématique, qu'il nous paraît absolument indispensable de traiter, non pas pour les cinq prochaines années, mais pour les trente prochaines années. Donc la solution n'est pas seulement la maison, les soins à domicile, l'EMS; c'est la maison, des structures intermédiaires, avec des soins à domicile de qualité, et en même temps des possibilités de rester dans les familles. Et il existe encore bien d'autres systèmes qui sont connus dans divers pays, comme le Canada, dont on ferait bien de s'inspirer ce soir.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. J'ai terminé, merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le conseiller d'Etat François Longchamp.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il y a de beaux principes dans ce projet qui méritent certainement l'adhésion de tous. Et il y a des principes qui, eux, posent un certain nombre de difficultés, voire affaiblissent la situation de la qualité des soins que nous offrons aux personnes âgées.

Voici ce que nous avons voulu. Depuis plusieurs années, cette politique a été menée sur plusieurs législatures et a reçu une approbation forte du peuple, puisque c'est à ma connaissance la dernière fois que le peuple a voté une hausse d'impôts affectés, celle qui vise à l'amélioration des structures de soins à domicile. Nous avons voulu créer des structures de soins à domicile de qualité, sous l'égide notamment de la FSASD, permettant aujourd'hui à notre canton d'offrir aux personnes âgées pouvant rester à domicile une qualité de soins qui est exemplaire et qui mérite notre reconnaissance. Et puis, il y a un moment où les soins deviennent, comme on le dit techniquement, impossibles à domicile. Ils deviennent déraisonnables et il y a un moment où la solution qui s'offre aux personnes âgées les plus dépendantes, à leur famille, est l'établissement pour personnes âgées, l'EMS.

Nous avons voulu améliorer à la fois la qualité mais aussi la quantité des EMS dans notre canton. L'année qui s'achève est celle du plus grand nombre d'ouvertures de nouveaux lits d'EMS. Nous avons ouvert 350 lits depuis un an. Ces 350 lits nouveaux permettent d'une part de faire face à l'augmentation des besoins: il y a un vieillissement de la population, un plus grand nombre de personnes âgées; il fallait donc augmenter le nombre de lits disponibles. D'autre part, il fallait en améliorer la qualité. Nous en avons profité pour supprimer, partout où c'était possible - il en reste encore quelques-unes, mais notre ambition est de les supprimer toutes - les chambres à deux lits. En effet, nous estimons aujourd'hui que, dans notre canton, lorsqu'une personne se trouve dans un EMS, elle doit pouvoir bénéficier d'une chambre qui lui est propre, même s'il reste ici ou là quelques chambres à deux lits, notamment pour les couples, car il y a parfois des couples dont les membres se trouvent être l'un et l'autre en situation de devoir être accueillis dans un EMS.

Nous avons amélioré la qualité de la gestion de ces établissements pour personnes âgées. Cela a fait l'objet d'un débat qui avait été très vif, avec des oppositions assez fortes de milieux qui, pour certains d'entre eux en tout cas, étaient fort conscients des avantages que leur procurait la situation antérieure. Nous avons voulu clarifier les règles de gestion, d'amortissement, de location, les règles immobilières. Et cette loi a été votée par une très large majorité de votre Grand Conseil. Je vous en remercie, parce qu'elle a déployé ses effets. Chacun est aujourd'hui conscient du fait que la gestion des EMS, la gestion financière, s'est notablement améliorée, même s'il y a encore certainement ici ou là des choses à faire.

Mesdames et Messieurs, il est donc déraisonnable, aujourd'hui, d'entrer en matière sur ce projet de loi, parce que laisser le libre choix entre les soins à domicile et l'EMS à n'importe qui pour n'importe quel motif n'a aucun sens. Cela heurte toute cette politique qui a été menée, qui a été soutenue massivement par la population, laquelle est une politique intelligente qui, aujourd'hui, déploie des effets qui font des envieux, notamment dans les cantons qui nous entourent.

Il y a encore mille choses à faire, des structures intermédiaires - et mon collègue Pierre-François Unger s'emploie à les créer, à les dynamiser - des structures pour une partie non négligeable de la population. Il y a encore d'autres améliorations à apporter. Le Conseil d'Etat aura l'occasion de vous permettre d'en débattre puisque, d'une manière tout à fait volontaire, je puis vous annoncer en primeur que nous déposerons l'année prochaine un rapport sur l'avenir de la politique en faveur des personnes âgées, et plusieurs options que le Grand Conseil devra débattre devraient arriver probablement à la fin du premier semestre ou à la rentrée 2012. Vous aurez l'occasion, dans ce cadre, de débattre de manière sereine de ce qui est aujourd'hui une nécessité forte face au vieillissement de la population, celle d'avoir une politique de qualité pour nos aînés.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix l'entrée en matière du projet de loi...

M. Eric Stauffer. Vote nominal !

Le président. Le vote nominal a été demandé. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Je mets donc aux voix l'entrée en matière du projet de loi 10623.

Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10623 est rejeté en premier débat par 52 non contre 15 oui et 13 abstentions.

Appel nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes tous conviés à partager le traditionnel souper sous la grande tente au parc des Bastions, devant le Mur des Réformateurs, offert par les organisateurs de la Course de l'Escalade, que nous remercions. La séance reprend à 20h30 avec deux prestations de serment.

La séance est levée à 18h50.