République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1782-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier la pétition : Abolissons la taxe sur les chiens en faveur des rentiers AVS
Rapport de majorité de M. Charles Selleger (R)
Rapport de minorité de M. Stéphane Florey (UDC)

Débat

M. Charles Selleger (R), rapporteur de majorité. Le Grand Conseil a reçu la pétition 1782 signée par dix-sept de nos concitoyens, pétition qui demande d'exonérer les rentiers AVS sans rente de deuxième pilier de la taxe sur les chiens. Cette requête se base sur l'apport qu'un animal de compagnie amène en termes de joie et de soutien à une personne âgée qui souvent souffre de solitude, voire de déprime. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

En quoi consiste l'impôt sur les chiens ? Il s'agit en fait de 50 F annuels pour le premier chien - c'est progressif pour les suivants - somme à laquelle s'ajoutent une taxe de 4 F destinée au fonds cantonal d'épizootie et une assurance complémentaire pour un montant de 3 F. Il est donc question de 57 F au total pour un chien. L'ensemble des membres de la commission fiscale a certes perçu le caractère généreux de la pétition, mais celle-ci a décidé à une grande majorité de déposer ce texte sur le bureau du Grand Conseil, après avoir auditionné le représentant des pétitionnaires.

Quelles en sont les raisons ? Elles sont nombreuses. Il y a d'abord le caractère marginal d'une telle exonération - on parle de 57 F annuels - mais également la difficulté de ne l'appliquer qu'aux rentiers AVS qui n'ont pas d'autres sources de revenus ni de fortune. Parce que l'on pourrait très bien imaginer des rentiers AVS qui seraient sans rente de deuxième pilier mais au bénéfice d'une fortune importante. Puis ont été relevés la difficulté de légiférer pour des cas particuliers et enfin le précédent qu'une telle mesure ouvrirait pour toutes sortes d'autres revendications, sans oublier l'existence des services sociaux qui pourraient être mieux à même d'intervenir dans les cas d'espèce, dans les situations difficiles.

Pour tous ces motifs, la majorité de la commission fiscale - je l'ai dit - vous engage, Mesdames et Messieurs les députés, à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Lors des divers débats que nous avons eu l'occasion d'avoir dans ce parlement concernant justement la taxation des chiens, il y a un aspect que ce Grand Conseil n'a jamais voulu reconnaître ni traiter, c'est la dimension sociale des chiens dans notre société, d'où mon rapport de minorité. Je voulais en premier lieu dénoncer cela, et je me permettrai quelques corrections sur ce qui vient d'être dit.

D'accord, le coût de 50 F et la progressivité, c'est juste. Simplement, vous avez omis de mentionner la part communale, parce qu'il ne faut pas oublier que certaines communes se sucrent largement au passage avec la taxation des chiens. Je dirai également que dans ce canton il y a malheureusement encore des personnes pour lesquelles 50 F plus la part communale à 50 F, auxquels s'ajoutent les deux taxes que vous avez mentionnées - soit un total de 107 F pour un chien - représentent une portion importante du budget, je pense notamment à celles qui sont à l'AVS et qui n'ont que ce seul revenu. Le pétitionnaire l'a très bien expliqué quand il est venu devant notre commission. Il a été sensibilisé dans son quartier, en particulier par l'une de ses connaissances qui, il est vrai, ne sortirait pratiquement plus de chez elle si elle n'avait pas de chien. Ce sont les malheurs de notre société: il y a des gens pour qui, malheureusement, si on leur refuse une petite exonération... Et du reste je vous rappelle que celle qui est demandée n'a pas de quoi mettre à mal les finances de l'Etat, puisque cela ne représente en tout cas pas plus de quelques milliers de francs en déduction. J'estime donc que ce parlement se doit d'aider nos aînés les plus démunis en renvoyant la pétition au Conseil d'Etat. Merci.

M. Eric Stauffer (MCG). Très brièvement, j'aimerais dire que nous sommes toujours choqués que, en 2011, on considère les animaux comme des objets qu'on doit taxer. Vous connaissez la position unanime du MCG sur ce sujet-là. Les amis des bêtes ne sont pas à taxer. Et je demande, Monsieur le président, l'appel nominal pour tous les votes que nous ferons sur cette pétition, afin de savoir qui sont les amis des bêtes et qui veut encore considérer en 2011 nos amis les chiens comme des objets qu'il faut taxer.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je suis tout de même surpris par le parti libéral, lequel est... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...le grand défenseur d'une fiscalité meilleure, pour la suppression d'impôts notamment, pour une réduction de la fiscalité, points que le groupe MCG rejoint d'ailleurs. On comprend mal dès lors pourquoi, lorsqu'on parle d'un impôt sur la médaille des chiens, le PLR persiste et signe à vouloir le maintenir. En effet, cet impôt est ridicule - vous l'avez dit vous-même - puisqu'il représente 57 F par personne. Combien cela rapporte-t-il à la collectivité publique, notamment à l'Etat ? Pas grand-chose. On pourrait donc très bien - soyons fous ! - le supprimer purement et simplement. C'est la raison pour laquelle le groupe MCG soutiendra le rapport de minorité. Merci.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne connais pas votre sentiment, mais j'ai toujours un peu de gêne, même de la honte, dès que l'on aborde le sujet des «nantis» de notre société - qu'ils soient suisses ou étrangers, d'ailleurs - qui, parce qu'ils sont à l'AVS ou qu'ils ont un appartement, vivraient avec de gros moyens, même s'ils n'ont qu'une faible rente AVS... Et il serait donc totalement discriminatoire de leur octroyer une subvention !

Qui plus est, j'entends que l'on dit même que, si l'objet passe, ce serait une tâche parfaite pour les services sociaux. Donc on va prendre un assistant social, on va lui faire perdre une ou deux heures pour cela - j'oubliais le tarif que cela coûte au passage - simplement pour une petite taxe annuelle touchant des personnes âgées qui sont peut-être dans le besoin et pour qui, il est vrai, c'est l'animal de compagnie.

Mesdames et Messieurs les députés, il me semble que, là, il faut un peu d'humanisme. Je sais que les crottes de chiens dérangent certains - moi le premier - mais là on parle de personnes âgées, d'animaux de compagnie, de gens qui sont de chez nous, qui ont travaillé toute leur vie et qui n'arrivent pas à payer cette petite obole. Mon Dieu quel scandale ! Mon Dieu quelle horreur ! Avions-nous même besoin d'une pétition ? Ainsi, je vous en prie, renvoyons cette pétition au Conseil d'Etat, qu'il nous fasse quelque chose. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Pascal Spuhler, à qui il reste une minute cinquante.

M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, cette pétition a été traitée en commission fiscale, mais finalement, bien que l'on parle de taxes, elle aurait dû être examinée par la commission des affaires sociales, parce que c'est vraiment d'un problème social que nous parlons aujourd'hui. Il est question d'un compagnon à quatre pattes dont nous savons l'importance pour les personnes âgées qui n'osent plus sortir de chez elles. Si elles ne l'avaient pas, elles resteraient ad aeternam dans leur maison. Il est donc vraiment important que vous réfléchissiez à cela.

La petite taxe pour les petits compagnons de ces personnes âgées n'est pas nécessaire pour les finances de l'Etat. Ce n'est pas à cause de cela qu'elles vont s'effondrer - déjà qu'elles sont un peu catastrophiques, mais enfin bon...

Je vous recommande par conséquent de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin qu'il y ait réellement une réflexion pour exonérer les personnes âgées de cette taxe. On le fait maintenant pour les handicapés, cela a été voté le week-end dernier. Faisons ainsi le nécessaire, aidons les personnes âgées dans le besoin pour qui il est essentiel d'avoir un compagnon pour vivre. Merci.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la réponse à cette pétition, nous l'avons obtenue ce week-end par rapport au vote de la population qui a accepté à pas loin de 70% - 67% et des poussières - l'impôt sur les chiens...

Une voix. A 80% !

Mme Lydia Schneider Hausser. Même à 80% ! (Commentaires.) J'ai certainement confondu avec un autre résultat... Ce qui se passe là, la question qui est posée là n'est cependant pas complètement fausse, mais elle se trompe d'objet. Ce ne sont pas les 57 F d'impôt ou de taxe - appelons cela comme on veut - que chaque propriétaire de chien - que ce soient des personnes âgées, des familles ou autres - doit payer chaque année qui constituent le problème. La question pour les personnes âgées et celles qui sont à l'aide sociale est la suivante: ont-elles droit aux loisirs ? Ont-elles droit à autre chose que juste la nourriture - et encore - voire les transports publics et autres ?

Et dans ce cadre, le phénomène du compagnon canin, mais cela peut être aussi quelqu'un qui a l'habitude d'avoir un loisir qu'il doit arrêter parce qu'il est à l'âge de l'AVS ou à l'aide sociale et qu'il n'en a plus les moyens... Or dans la population en général et parmi les personnes actives, le temps libre et les loisirs font partie intégrante de la vie que nous avons ici à Genève en 2011. Ça c'est la vraie question, et elle demande un autre traitement que juste l'exonération fiscale. Cela requiert l'attribution d'un versement ou d'une aide mensuelle quand c'est nécessaire ou - je ne sais pas - par rapport au chien... Parce que ce qui coûte cher aux personnes âgées, ce ne sont pas les 57 F, mais la nourriture et les vétérinaires.

Ce que nous vous proposons donc, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Bertrand Buchs (PDC). Nous sommes d'accord sur le fond, mais je pense que cette question peut être réglée beaucoup plus simplement dans les communes. Et j'encourage les conseillers municipaux qui sont ici à travailler dans leur municipalité afin que cette taxe soit enlevée pour les personnes qui n'ont pas les moyens de la payer. C'est très facile d'y procéder dans les communes parce que l'on connaît les gens, on sait où ils sont, on peut discuter avec eux. Au niveau de l'Etat, c'est compliqué, alors faisons simple. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. J'aimerais juste répondre au groupe PDC par rapport à ce qu'a dit mon préopinant. Il faut avoir conscience que cela fait des années que ce genre de débat a eu lieu dans les communes. Même à Lancy où j'ai eu l'occasion de siéger, nous avions déjà émis de telles demandes. A l'heure actuelle, il n'y a que Vernier qui a eu le courage de laisser tomber sa part communale, pour la bonne raison que les sommes auxquelles elle renonçait ne mettaient pas à mal ses finances. Et les autres communes, comme je l'ai dit...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Stéphane Florey. ...tout à l'heure, c'est juste pour se sucrer au passage, sur le dos des citoyens et notamment des personnes âgées, ce qui est fortement regrettable.

Le président. Merci, Monsieur le député. L'appel nominal a été demandé tout à l'heure par M. Eric Stauffer. Est-il suivi ? (Plusieurs mains se lèvent.)

Des voix. Oui !

Le président. Très bien. Je fais voter dans un premier temps les conclusions du rapport de majorité, soit le dépôt de la pétition 1782 sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix à l'appel nominal, les conclusions de la majorité de la commission fiscale (dépôt de la pétition 1782 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 40 oui contre 20 non.

Appel nominal