République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 octobre 2011 à 15h
57e législature - 2e année - 12e session - 73e séance
P 1685-A
Débat
Le président. Nous sommes au point 35... (Brouhaha.) Monsieur Meylan, s'il vous plaît, nous aimerions poursuivre ! Avant de traiter cette pétition, je vais demander à M. Fabiano Forte, membre du Bureau, de procéder à la lecture du courrier 2994 de la Coordination asile.ge.
Présidence de M. Renaud Gautier, président
M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur de majorité. Deux mots en préambule pour vous dire que les travaux au sujet de cette pétition ont été menés par la commission idoine lors de l'ancienne législature, à laquelle je n'ai pas participé; vous comprendrez donc aisément que je ne peux me faire que le porte-parole de la majorité de l'époque.
Aux yeux de la majorité de l'époque précisément, il est apparu, à la suite des auditions, que le système actuel mis en vigueur fonctionnait et qu'il avait fait l'objet d'un large consensus, puisque c'est l'ensemble du panel politique qui avait pu trouver un point d'accord commun à la révision de ce règlement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Enfin, ce règlement permet - puisque c'est l'objet contesté aujourd'hui - une certaine flexibilité, mise en pratique et en vigueur par l'Hospice général en ce qui concerne expressément les fameux cas dits «vulnérables». En effet, ces gens peuvent bénéficier dans la pratique et par le biais de l'Hospice général de règlements de leur sort tout à fait distincts, quand bien même ceux-ci ne peuvent plus bénéficier de l'assistance sociale, mais de l'aide d'urgence.
Pour ma part, je n'ai rien d'autre à ajouter, si ce n'est, comme évoqué en préambule, que la majorité de la commission des Droits de l'Homme de l'ancienne législature vous recommande le dépôt de cette pétition.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition date bien de la fin de la dernière législature, soit de 2009, mais elle reste tout à fait d'actualité. Je crois qu'il faut préciser qu'il ne s'agit pas de parler de la politique d'asile de la Suisse, mais bien de l'application d'une mesure spécifique concernant les personnes déboutées dans le cadre de cette procédure d'asile. Et il s'agit en particulier de parler des personnes les plus vulnérables, c'est-à-dire les familles, les mineurs, les femmes seules et les malades. Les personnes qui viennent chercher refuge en Suisse et qui en général n'ont pas le bagage suffisant pour s'intégrer facilement se retrouvent vite exclues des mécanismes qui sont les nôtres et donc peuvent rapidement se retrouver dans des situations extrêmement précaires, d'autant plus que l'aide d'urgence représente des montants très faibles. Il est justement évoqué dans la pétition qu'une famille de cinq personnes dispose de 30 F par jour pour assumer ses besoins. Certes, le loyer est pris en charge, mais 30 F par jour pour une famille de cinq personnes, c'est une somme extrêmement modeste qui ne permet pas d'affronter un certain nombre de difficultés.
Un règlement d'application de la loi a été mis en vigueur par le Conseil d'Etat. Une année après cette mise en vigueur, la Coordination asile.ge a souhaité attirer notre attention sur la réalité du terrain, sur la réalité opérationnelle des conséquences de cette situation, de ce règlement, au travers de cette pétition qui signale divers problèmes.
Les problèmes se posent en particulier pour les familles lorsque des enfants sont scolarisés, parce que le règlement permet à l'Hospice général d'octroyer un complément à l'aide d'urgence - ces fameux 30 F par jour pour cinq personnes - et permet au cas par cas d'accorder un supplément pour une course d'école, pour un spectacle ou pour toute autre activité en lien avec la scolarité. Mais comprenez bien ce que cela signifie: cela veut dire que chaque fois qu'un enfant doit aller à une course d'école ou assister à un spectacle, eh bien les parents doivent se rendre à l'Hospice général afin de faire une demande pour obtenir un supplément financier.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. Je vous laisse imaginer les conséquences financières en termes administratifs d'une telle pratique, alors qu'en mettant ces personnes au régime ordinaire de l'aide sociale, cela représenterait ici un montant de 60 000 F à 70 000 F par an et cela éliminerait donc ces fameux coûts pour l'Hospice général. Ainsi, il serait plus raisonnable de mettre ces personnes vulnérables dans le dispositif de l'aide sociale plutôt qu'à l'aide d'urgence. Donc c'est bien pour des cas très particuliers...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. ...que cette pétition demande d'agir, et le Conseil d'Etat ne l'a pas fait.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, l'aide d'urgence - si j'ose dire - ne tombe pas du ciel, c'est lié à un article de la Constitution fédérale, laquelle prévoit ceci en son article 12: «Quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.» Et la question qui se pose par rapport à la problématique de l'aide d'urgence, c'est bien ça: qu'en est-il de la dignité humaine ? Nous, groupe socialiste, pensons que l'aide d'urgence telle qu'elle est pratiquée en Suisse en général, et dans le canton de Genève en particulier, n'est malheureusement pas toujours conforme à la dignité humaine et que les problématiques sont nombreuses. Je ne vous donnerai qu'un exemple pour illustrer pourquoi... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...nous soutenons cette pétition qui parle des personnes vulnérables.
En 2008, j'avais déposé un projet de loi demandant de modifier un certain nombre de points concernant l'aide d'urgence et je donnais l'exemple d'une famille qui se trouvait à Genève avec six enfants - une famille qui se trouvait donc à l'aide d'urgence. Parmi les six enfants, il y avait un bébé, trois jeunes enfants qui étaient scolarisés à l'école obligatoire et deux ados - l'un de seize et l'autre de dix-huit ans - qui, eux, ne l'étaient pas. Qu'est-ce que cela signifie à votre avis, Mesdames et Messieurs, des adolescents de seize et dix-huit ans livrés à eux-mêmes toute la journée ? Cela ne peut qu'amener à des problématiques qui seront beaucoup plus graves. Je crois donc, Mesdames et Messieurs les députés, que si l'on veut être conforme à ce que dit la Constitution fédérale, c'est-à-dire respecter la dignité humaine, si l'on veut aussi éviter les problèmes de désoeuvrement et ceux qui vont inévitablement survenir par la suite, nous avons tout avantage à ce que les personnes vulnérables soient à l'aide sociale et non à l'aide d'urgence. C'est pour cela - comme le groupe socialiste vous l'a déjà demandé à plusieurs reprises dans ce parlement - que je vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Nous aurons ainsi des éléments concernant ce qui se passe aujourd'hui à Genève dans ce domaine.
Mme Esther Hartmann (Ve). L'aide d'urgence, il faut reconnaître que c'est un échec. Pourquoi l'aide d'urgence ? Elle a été conçue pour faire en sorte que les personnes qui ont vu leur demande d'asile refusée partent le plus rapidement possible de Suisse. C'est un rapport de l'ODM qui le mentionne, d'ailleurs. Conclusion: actuellement, seuls 17% des personnes partent au bout d'un an; les autres, on ne sait pas ce qu'elles deviennent, à tel point que le canton des Grisons a même fait une ligne budgétaire pour les personnes qui ont disparu des statistiques - «die Untergetauchten», disent-ils.
Maintenant, d'un point de vue éthique, quelles conditions l'aide d'urgence offre-t-elle pour les personnes, les femmes, les familles, les enfants ? Qu'est-ce qu'on leur propose ? On leur propose des conditions de vie extrêmement précaires, extrêmement délicates. Certains disent: «Genève est généreuse ! On n'a pas besoin de s'inquiéter de l'aide d'urgence à Genève ! Tout va bien ! Circulez, il n'y a rien à voir !» En février 2011, Amnesty International publie cet article sur le foyer des Tattes: «Dans le bâtiment I, réservé aux hommes déboutés de l'asile, des ombres se croisent. Silence. Des portes se ferment. Les longs couloirs rouges sont dénués de vie. A chaque étage, environ quarante personnes se partagent une douche et un WC. Pas de lavabo, ni de papier toilette.» Est-ce que ce sont des conditions de vie dignes ? Est-ce que vous souhaiteriez vivre comme cela ? Moi, en tout cas pas. Des chambres de 16 m2, habitées par quatre résidents. Est-ce que vous supporteriez de vivre à quatre dans une chambre de 16 m2 ? Moi, non.
Ensuite, quel est aussi l'échec de cette politique ? C'est que les personnes qui arrivent sont généralement très fragiles sur le plan psychique. Et qu'a-t-on constaté ? Que leur état s'aggravait. Bien sûr, Genève est généreuse et permet que ces personnes aient accès dans une certaine mesure aux soins médicaux. Mais est-ce que vous aimeriez vivre avec des personnes qui sont fragiles psychologiquement et qui risquent par moments, comme on dit trivialement, de «péter un câble» ? Moi, non. Est-ce que c'est rentable pour l'Etat de voir ces gens dans cette situation ? Non. Que peut-on faire quand on a très peu...
Le président. Il vous reste quinze secondes, Madame la députée.
Mme Esther Hartmann. ...d'argent pour vivre ? On ne peut pratiquement rien faire, et alors on cherche des sources de financement. Accepter l'aide d'urgence telle qu'elle est, c'est accepter aussi un risque d'augmenter la criminalité, ce qui me surprend de la part de partis qui veulent défendre la protection...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Esther Hartmann. J'y arrive, Monsieur le président !
Le président. Non, il faut conclure, il ne faut pas arriver !
Mme Esther Hartmann. Pour tous ces motifs, le groupe des Verts demandera le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président, pour votre patience. (Applaudissements.)
Le président. Mais je vous en prie, Madame la députée. La parole est à M. le député Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais parler du fond de cette pétition dans quelques secondes. Mais laissez-moi tout d'abord m'amuser un instant de la contradiction affichée des Verts, même si c'est vrai que l'on n'est plus à ça près. Hier, nous avons découvert que votre conseiller aux Etats mentait sur la traversée du lac, et aujourd'hui...
Le président. Monsieur le député, veuillez surveiller vos propos, je vous prie.
M. Eric Stauffer. Mais je les surveille ! J'affirme, Monsieur le président, que Robert Cramer a menti à la population quand il a dit qu'il était pour la traversée du lac. Cela étant, il y a quelques minutes, un pétitionnaire s'offusquait du racket qui était fait par la Fondation des parkings, et Mme la conseillère d'Etat Verte a indiqué que nous sommes dans un Etat de droit, qu'il faut que la loi soit respectée et qu'il est inconcevable que des députés puissent demander autre chose. Or que vient-on d'entendre ? On vient d'entendre une députée Verte dire qu'il y a le droit fédéral, mais qu'il faut qu'on fasse autre chose. Alors il faudrait savoir ce que vous voulez, les Verts ! Doit-on appliquer la loi seulement pour les automobilistes et pas pour les autres ? Je veux dire, il faudrait que nous soyons un peu cohérents dans nos débats politiques, parce que j'estime que, là, il y a des contradictions patentes !
Maintenant, Mesdames et Messieurs, il faut que nous soyons clairs. Avant de faire des discours larmoyants dans lesquels on déclare que les gens n'ont pas de papier toilette ou je ne sais quoi d'autre, il faut être clair: à Genève, toute personne légale ou illégale qui a besoin de soins reçoit des soins; toute personne légale ou illégale qui a besoin de médicaments reçoit des médicaments. Nous ne sommes pas des barbares ! Par contre - et je peux vous parler d'expérience, puisque j'ai fait partie de la commission des visiteurs officiels de prison pendant quelques années - lorsque nous nous rendions à Frambois, je discutais toujours avec certains des détenus et je leur demandais: «Mais pourquoi acceptez-vous ces conditions de détention, de vivre dans cette précarité, alors que la Confédération suisse vous offre le voyage de retour, même dans certains cas avec un petit pécule, pour que vous puissiez essayer de développer une activité économique dans votre pays ?» Vous savez quelle était la réponse ? Eh bien la réponse...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure dans trente secondes. La réponse était la suivante: «Oui, mais l'association telle et telle m'a dit que si je résistais, j'aurais un permis de travail.» Voilà où sont les vrais hypocrites ! Voilà, en voulant favoriser les conditions de détention, ce que vous créez à Genève et en Suisse ! Et ça, ce n'est pas acceptable ! Alors, non, le MCG ne laissera personne sur le trottoir, illégal ou légal. Mais il faut que le droit s'applique ! Il faut que ces gens comprennent qu'il y a des lois et qu'ils doivent respecter celles du pays dans lequel ils viennent, c'est-à-dire la Suisse, et que s'ils...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je conclus ! ...ne sont pas les bienvenus, ils doivent rentrer chez eux, et c'est la Confédération qui paie leur billet de retour. Alors non à cette pétition ! Merci.
Le président. Monsieur le député, vous me permettez, d'une manière générale - bien évidemment, cela ne s'adresse pas qu'à vous - de relire l'article 90 de la loi portant règlement du Grand Conseil - je ne sais pas pourquoi, je sens qu'on en aura besoin: «Le président rappelle à l'ordre le député, le conseiller d'Etat ou le fonctionnaire qui, en séance: a) profère des menaces à l'égard d'une ou de plusieurs personnes; b) prononce des paroles portant atteinte à l'honneur ou à la considération; c) emploie une expression méprisante ou outrageante; d) trouble la délibération; e) viole le règlement.» La parole est à Mme la députée...
M. Eric Stauffer (hors micro). Alors si j'ai bien compris, je suis averti, c'est bien ça ?
Le président. Non, Monsieur le député, si vous m'aviez écouté avec toute l'attention requise...
M. Eric Stauffer (hors micro). Je n'ai pas compris, parce que vous parlez dans votre barbe et que l'on n'entend rien.
Le président. J'ai perdu ma moustache il y a un certain nombre d'années, vous devriez le savoir. J'ai indiqué à titre préalable que vous me donniez l'occasion de relire cet article. Jusqu'à présent, vous n'avez pas été cité.
M. Eric Stauffer (hors micro). Bien.
Le président. La parole est à Mme la députée Anne-Marie von Arx-Vernon.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Monsieur le président, je vous remercie. Mesdames et Messieurs, c'est une situation tout à fait particulière qui nous est proposée, parce qu'on peut toujours faire mieux, c'est vrai. Mais vouloir faire beaucoup mieux dans ce cas-là peut avoir des effets très pervers. Vous avez eu une démonstration de ce que peut être un effet pervers lorsque les gens sont embusqués pour pouvoir encore mieux incriminer les étrangers et les personnes qui se trouvent sur notre territoire et qui, pour certaines, ne devraient effectivement plus y être.
Pour bien connaître ce sujet, pour bien connaître la situation de personnes parfois victimes, parfois en grande précarité et pour certaines en grand danger, je peux vous assurer que, à Genève, tout est fait pour qu'elles soient prises en charge, prises en considération, pour qu'elles soient accompagnées, soignées et qu'elles aient tous les soins et tout l'accompagnement qu'elles méritent. Donc, pour nous, c'est extrêmement important de poser la question, c'est très bien, et cette pétition se justifie. Mais quand on voit que tout ce qui est fait pour que des personnes aient leur dignité... Et je me permets de rappeler que le parti démocrate-chrétien avait proposé une motion demandant que les personnes frappées d'une non-entrée en matière puissent travailler dans des activités d'utilité publique, avec un dédommagement honorable, comme à Zurich, mais cela a été refusé ici.
Ainsi, nous devons effectivement être respectueux de la loi, des lois cantonales et de l'intercantonalité qui fait que Genève est plutôt plus généreux que les autres cantons... (Remarque.) Oui, c'est vrai ! Je peux vous l'assurer, je connais bien la situation, je sais de quoi je parle ! Aujourd'hui, à Genève, toutes les personnes en situation de fragilité et de précarité, même lorsqu'elles sont déboutées, sont soignées et prises en charge. Je respecte la pétition et les pétitionnaires et ils ont raison de poser la question, mais nous, nous avons raison de proposer de la déposer sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
M. Patrick Lussi (UDC). Il est certain que, dans un tel débat, les quelques propos que je vais émettre vont être assimilés à la parole de l'Antéchrist. (Remarque.) J'ai lu la pétition, je l'ai comprise et c'est bien pour cela que j'essaie d'intervenir, parce que, Monsieur le rapporteur de minorité, je crois que la parole unique ou la pensée unique n'est pas encore là. Nous intervenons simplement sur quelques faits. Le rapport de majorité, même s'il est légèrement vieux, garde pour nous toute sa pertinence pour le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Quand j'entends ma préopinante Verte qui prend des accents, j'ai presque envie de dire que l'on n'est plus au Grand Conseil, on est dans un temple où la mythologie Verte, ainsi que la mythologie sociale, est en train de court-circuiter les lois et les règlements acceptés par le peuple, par une tendance à la sensiblerie - je parle de ce qu'elle a dit, qui semble très déplacé à mon sens. Alors, en dire plus ou en dire moins, le but, c'était une pétition... On parle de compléments... Malgré ce que vous avez rapporté concernant ce que certains organismes dits «informés» de l'ONU pensent de nous, j'aimerais que l'on puisse penser nous aussi la même chose de tous les autres pays qui font partie de l'ONU, afin de savoir ce que eux font exactement avec leurs réfugiés. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC - sagement, cette fois-ci, sans autre propos - vous recommande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le... Pardon, excusez-moi, à Mme la députée Anne Emery-Torracinta, à qui il reste une minute.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Ce n'est pas grave, Monsieur le président ! Je voulais simplement rappeler à M. Stauffer et aux personnes qui penseraient que les Verts et les socialistes ne veulent pas respecter la loi que lorsqu'il est question des personnes vulnérables, au contraire, nous, nous demandons le respect de la loi. Pourquoi ? D'une part, parce que dans la brochure explicative du Conseil fédéral réalisée au moment de la votation populaire, il avait été bien précisé qu'il serait tenu compte de la situation des personnes les plus vulnérables, comme les mineurs et les personnes malades. De plus, le droit fédéral prévoit que l'on puisse - que l'on puisse ! C'est bien le verbe pouvoir ! - soustraire de l'aide d'urgence les personnes qui sont vulnérables. Par conséquent, ce que nous demandons, c'est simplement d'utiliser cette petite marge de manoeuvre que permet le droit fédéral, afin que les plus vulnérables des personnes qui se trouvent à Genève à l'aide d'urgence puissent avoir une vie conforme à l'article 12 de notre Constitution fédérale. Je crois donc que nous sommes parfaitement légalistes, et même sans doute plus légalistes que le roi ici. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Deneys, par un effet de ma bonté, je vous laisse quelques instants pour répondre, bien que vous ayez épuisé votre temps de parole.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président, pour votre générosité. J'aimerais attirer l'attention de ce Grand Conseil sur le fait que nous parlons bien ici des cas les plus vulnérables, et j'insiste sur le fait que cette pétition vient des milieux qui s'occupent de ces personnes et qui constatent les problèmes que l'aide d'urgence pose au quotidien à ces dernières.
Le département s'était exprimé en disant: «Oui, mais ce règlement a été fait avec les milieux concernés.» Or les mêmes milieux disent une année plus tard que cela ne fonctionne pas bien et que cela met des personnes dans des situations difficiles. C'est donc une réalité du terrain.
De façon très pragmatique, j'invite le Grand Conseil à prendre en considération cette position et à renvoyer au Conseil d'Etat la pétition afin qu'il en fasse quelque chose pour améliorer la situation, qui peut manifestement l'être, puisque les personnes qui s'occupent des requérants déboutés le constatent sur le terrain. C'est du pragmatisme élémentaire. Les coûts évoqués sont de 60 000 F à 70 000 F par année...
Le président. N'abusez pas de ma générosité, Monsieur le député !
M. Roger Deneys. Je n'abuse pas et je conclus en disant que cela fera en plus des économies au niveau de l'Hospice général. Et c'est donc bien pour les personnes les plus vulnérables que cette mesure s'applique, et uniquement pour elles.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de majorité, M. le député Vincent Maitre.
M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Dans tout ce débat, il y a véritablement une seule chose fondamentale - elle a été dite, et à juste titre, par Mme Emery-Torracinta - qui constitue tout simplement le noeud du problème: cela consiste à fixer le curseur de la dignité humaine. Quelle est en somme la définition de la dignité humaine ? Alors évidemment, en fonction de nos tendances politiques, cela revient à peu près à discuter du sexe des anges. Il est apparu à la majorité de la commission de l'époque que les conditions des personnes frappées de non-entrée en matière, puisqu'il s'agit d'elles, et en particulier des cas vulnérables, sont certes très difficiles - elles ne font envie à personne - mais il a aussi été rappelé que ce sont des gens dont le statut est spécial, car ce sont des gens qui ne doivent pas, au regard de la loi, rester sur le territoire suisse et qui ont un délai relativement bref pour le quitter. Alors on le sait, c'est vrai, en pratique il est parfois quasiment impossible, voire totalement impossible pour ces gens de rentrer dans leur pays, mais cela dépend plus des accords internationaux conclus entre Berne et d'autres pays, qui refusent souvent de prendre ces mêmes ressortissants.
Il n'empêche que, comme cela a été rappelé, la commission de l'époque a été convaincue dans sa majorité. D'après ce que j'ai pu en lire et en comprendre, elle a certes été attentive et touchée par la qualité de vie de ces personnes particulièrement vulnérables, mais elle a aussi été convaincue par le fait que le système fonctionne; il fonctionne parce que ces gens ne sont pas livrés à eux-mêmes, ne se retrouvent pas sur le trottoir et qu'à Genève, en définitive, on ne laisse pas mourir les gens dans la rue lorsqu'ils vont mal. Cela ne veut pas dire encore qu'on leur offre des espérances de vie et une qualité de vie phénoménales, loin de là, et je pense que l'ensemble de la commission...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Vincent Maitre. ...était d'accord là-dessus. Mais il n'empêche que, au final, les conclusions de ce rapport ont su convaincre en tout cas la majorité, et je ne peux donc que maintenir le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous sommes à présent en procédure de vote concernant le dépôt de la pétition 1685 sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) (dépôt de la pétition 1685 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 46 oui contre 29 non et 1 abstention.