République et canton de Genève

Grand Conseil

R 630
Proposition de résolution de Mmes et MM. Céline Amaudruz, Stéphane Florey, Christina Meissner, Christo Ivanov, Eric Bertinat, Eric Leyvraz, Patrick Lussi, Antoine Bertschy, Marc Falquet pour une augmentation des effectifs de la gendarmerie de 500 personnes

Débat

Le président. La parole est à Mme Céline Amaudruz.

Mme Céline Amaudruz (UDC). Madame la conseillère d'Etat, je relèverai - bien que vous ne soyez pas là - que l'UDC vous a entendue prétendre au téléjournal, un dimanche soir - il y a deux semaines, je crois - que le sentiment d'insécurité était dû aux médias. Le lendemain, vous vous êtes rattrapée - j'imagine grâce à de bons conseillers - et vous avez dit à la radio que finalement, effectivement, Genève devenait de plus en plus insécurisée et qu'il y aurait besoin de gendarmes supplémentaires.

Je crois que la sécurité doit devenir une priorité pour Genève. Aurai-je besoin de vous rappeler que Genève est le canton où il y a le plus haut taux de criminalité ? Ai-je besoin de vous rappeler qu'avant Schengen il y avait 5000 cambriolages par année et que, depuis l'abolition des frontières, il y en a - souvent à la kalachnikov ou tout autre moyen utile - plus de 1000 par mois ? Ce qui correspond à 140% d'augmentation du nombre de cambriolages. Ce n'est pas possible ! La sécurité, c'est un droit du citoyen, tout comme le droit au logement ou le droit à la liberté de parole.

Alors, l'UDC ne demande pas grand-chose; elle souhaite une augmentation de la gendarmerie de 500 personnes, dans un délai de dix ans: nous avons un objectif à long terme ! Clairement, aujourd'hui, Madame la conseillère d'Etat, vous n'y arrivez pas, et l'UDC vous propose une solution sur le long terme qui, je pense, mérite d'être étudiée.

Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président

Mme Nathalie Fontanet (L). Je dois dire que c'est assez cocasse de voir l'intervenante UDC faire la leçon à notre magistrate sur le fait de véhiculer et de parler de sentiment d'insécurité, alors que la proposition de résolution commence par mentionner «le sentiment d'insécurité qui ne cesse de croître». Mesdames et Messieurs, on n'en est plus là ! C'est l'insécurité qui croît ! Et si même l'UDC fait ce genre de réflexion, c'est que finalement chacun d'entre nous peut, à un moment donné, se tromper.

Alors oui, l'insécurité croît à Genève. Oui, l'un des paramètres pour y remédier, c'est effectivement l'augmentation des effectifs de police. Mais ça n'est pas la panacée et ce ne sera pas nécessairement la seule solution, ou en tout cas celle qui permettra de régler le problème.

Nous, les libéraux, souhaitons également - comme d'autres, d'ailleurs - que les conséquences de la loi de procédure pénale soient réglées, que nos policiers soient moins astreints à des tâches administratives et qu'ils puissent se retrouver sur le terrain. Nous souhaitons également voir une politique de justice plus juste et des peines plus fermes appliquées. Aujourd'hui, l'idée même de dissuasion n'existe plus. Finalement, comme disait M. Zappelli: les Genevois vont faire leurs courses en France, parce que c'est moins cher, et les criminels viennent agir en Suisse, parce que c'est moins cher également. Et nous avons des efforts à faire à ce niveau-là.

Nous avons aussi des efforts à réaliser au niveau du code pénal, parce que, manifestement, les peines ne sont pas assez strictes. Et le fait d'avoir plus de policiers sur le terrain, s'il s'agit d'interpeller les gens et de les laisser sortir immédiatement, après une agression violente pour le surplus, cela ne servira à rien. Au-delà de ces explications plus complètes, si nous souhaitons lutter contre l'insécurité à Genève, si nous souhaitons protéger non seulement les fils d'employés internationaux et les conseillers municipaux, mais Monsieur et Madame Tout le Monde - dont on parle moins, mais qui eux aussi font l'objet d'agressions dans nos rues - eh bien oui, cela commence par l'étude de cette proposition de résolution en commission et régler la question de la quotité: pourquoi 500 ? pourquoi 300 ? pourquoi 400 ? Et puis, il faut voir quels seront aussi les moyens que nous pouvons donner à l'Etat pour faire en sorte que la profession de policier devienne plus attrayante, que les classes de formation se remplissent et que, finalement, la volonté d'engager n'en reste pas là, mais qu'on puisse recruter des policiers pour venir prêter main forte et pour restaurer la sécurité dans notre canton.

Pour ces motifs, Monsieur le président, les libéraux soutiendront le renvoi de cette proposition de résolution à la commission de la sécurité.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Par cette proposition de résolution, l'UDC enfonce des portes ouvertes - et le faisait déjà lors du dernier budget que nous avons voté en décembre. Dans les faits, en décembre, je crois que c'était à l'unanimité que ce parlement a attribué des moyens supplémentaires à la police; il y a eu des constats en commission, il y a eu des études qui ont montré que nous avions une population qui s'est accrue, comparée aux effectifs de police. De ce fait, les socialistes ont été d'accord d'augmenter ces derniers. On sait très bien que ce qui est difficile, c'est de motiver les jeunes ou des personnes à entrer dans cette profession. Et pour cause ! Et c'est là qu'on a un paradoxe, une contradiction, dans ce que vous proposez, Mesdames et Messieurs de l'UDC. D'un côté, vous prônez une déréglementation, un assouplissement des contrôles financiers et de la libre circulation des marchandises, de même que l'efficacité et l'efficience de l'Etat; ce qui a comme conséquence une diminution des effectifs, non seulement dans la police mais dans d'autres services complémentaires au travail de celle-ci ! Et puis, dans cette résolution, bouche en coeur, vous venez nous dire: «Ah non ! Mais maintenant, il faut un Etat de droit ! Il faut des effectifs, il faut qu'on puisse augmenter le nombre de policiers.» C'est ça votre avenir ? Augmenter la police uniquement par rapport à l'Etat ? Là, il y a une vraie contradiction.

Je crois qu'il n'est pas si simple de gérer le phénomène de l'insécurité. Il y a l'insécurité visible. Et aussi, on ne dit pas qu'elle n'existe pas, mais je crois qu'il y a aussi une insécurité latente pour des travailleurs. Qu'il s'agisse de ceux qui sont à l'Etat ou qu'il s'agisse de la population, qui a aussi besoin de pouvoir s'appuyer sur autre chose que juste sur des policiers dans la rue quand les choses ne vont pas ! Que ce soit à l'hôpital, que ce soit aux services sociaux, que ce soit dans les services d'administration, on n'a bientôt plus affaire qu'à des ordinateurs ! Donc, je crois que là, Mesdames et Messieurs de l'UDC, Mesdames et Messieurs de ce parlement, concernant l'insécurité, bien sûr que nous sommes d'accord d'augmenter les effectifs, mais on n'a pas besoin de chiffres ! Quand vous donnerez les moyens, fiscalement ou par d'autres rentrées au niveau de l'Etat, oui, nous augmenterons les effectifs de policiers ! Et peut-être d'autres moyens encore, qu'il s'agisse de collaboration avec la France voisine ou d'autres systèmes. Mais, pour cela, il faut des finances ! Dont acte. Merci.

M. Antoine Bertschy (UDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues socialistes, vous allez faire un travail d'archivistes et vous allez retrouver l'endroit où l'UDC était contre les augmentations d'effectifs... Nous avons toujours été favorables aux augmentations d'effectifs de la police ! (Remarque.) Jamais nous ne nous y sommes opposés ! Lors du dernier budget, nous n'avons pas voté le montant alloué au département de justice et police - qui a changé de nom - parce que les moyens financiers n'étaient pas suffisants ! Alors, ne venez pas raconter n'importe quoi, s'il vous plaît.

Ce que nous proposons, c'est l'augmentation des effectifs. Le problème n'est pas financier ! Tout le parlement est d'accord de mettre les moyens pour augmenter les effectifs. Le problème est au niveau de la formation. Et c'est à ce niveau-là que nous vous interpellons, Madame la conseillère d'Etat. Il faut tout mettre en oeuvre pour que, d'ici dix ans, on puisse avoir des volées qui tournent ! Pas comme cette année. Effectivement, nous sommes 50 personnes, à peu près; il y a 50 nouveaux gendarmes, mais 30 partent à la retraite. Donc, il n'y a que 20 nouveaux ! Nous voulons que vous ayez les moyens de votre politique: nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission de cette résolution et nous souhaitons qu'elle y soit bien travaillée.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Fontanet, vous avez la parole, mais pour quinze secondes.

Mme Nathalie Fontanet (L). Monsieur le président, mea culpa. J'ai oublié d'indiquer que le parlais au nom des libéraux-radicaux, et pas au seul nom des libéraux; nous formons maintenant une tellement grande famille unie... (Exclamations.) ...que j'ai l'impression que, lorsque je m'exprime, je le fais également pour eux. Merci, Monsieur le président.

Le président. Ce parlement en prend acte, Madame la députée. La parole est à Mme Anne-Marie von Arx-Vernon.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Je crois qu'il est important de rappeler - et de prévenir surtout ces malentendus ou ces mensonges - qu'il a toujours été voté, en commission des finances, les budgets pour l'augmentation des postes nécessaires - cela, sauf par l'UDC et même, parfois, par le MCG. Donc, vous voyez, il faut arrêter de dire n'importe quoi.

Nous soutenons clairement la politique de la conseillère d'Etat, qui a montré à quel point il était important de motiver les jeunes pour s'engager dans la police et la gendarmerie. Nous soutenons absolument sa politique, non seulement en matière de recrutement, mais également en matière de féminisation de la police et de la gendarmerie. Tout ce qui est fait au sujet de la sécurité doit l'être sur une base de sérieux, et non de chiffres inventés juste pour faire des effets de manche.

Nous estimons que ce qui s'effectue en ce moment est extrêmement bien pris en main par le Conseil d'Etat et sa ministre. Nous devons soutenir cela, et pas passer notre temps à tirer dessus. Car, dès que l'on porte atteinte aux institutions, on donne l'exemple aux malfrats. Et c'est de notre responsabilité de respecter les institutions ! Je vous remercie.

M. Patrick Lussi (UDC). En définitive, il est difficile, lorsqu'on parle de sécurité et qu'on est en période électorale, de subir les «vibratos» consistant à dire: «Tiens, l'UDC ne comprend rien, et elle est contre les institutions», cela parce qu'on essaie d'inscrire, sur dix ans - d'inscrire un plus, dans le marbre - qu'il nous faudra des gendarmes. Et là, ma chère préopinante, je suis un peu désolé, et surtout chagriné, d'entendre vos propos ! Car il me semble que cela correspond à ce que l'on disait il y a quelque temps. Vous nous faites un procès d'intention. Vous nous dites: «Vous avez de mauvaises intentions», alors qu'en définitive vous vous y ralliez. Mais vous préférez les maquiller par le langage du politiquement correct, qui n'est malheureusement qu'opportuniste en cette période électorale. Et je me réjouis de vous entendre l'année prochaine, quand les élections seront passées.

Quant à ma préopinante socialiste... Madame, je trouve dommage que vous y voyiez une question de coût ! Oui, cela a un coût. Simplement, une fois de plus, comme j'ai eu l'occasion de le dire ce matin, il serait bon que les caciques genevois de votre parti aillent s'inspirer des nouvelles donnes des gens qui semblent avoir une certaine étincelle de compréhension par rapport aux phénomènes de la criminalité actuellement - je veux dire, à Zurich ou ailleurs. Car, Madame, certaines choses ont été exprimées, et puisque vous nous provoquez en disant qu'on ne donne pas les moyens et qu'on veut coûter cher, il est certain que si l'on ne peut pas créer de nouveaux moyens, on pourrait peut-être les prendre là où ils sont inutiles. Il semblerait quand même que les vocations des socialistes - et c'est bien démontré - de vouloir absolument faire de la médiation et engager à tort et à travers des gens pour cela, n'ont pas, à ce jour, amené les résultats escomptés, puisqu'on est dans ce phénomène d'augmentation de la délinquance.

Donc, Madame, si vous voulez vous épargner des attaques, il faut essayer de rester dans le concret et aborder les problèmes. Et avec l'objectif, pour Mme Rochat, de 500 gendarmes - ainsi qu'on l'a relevé - eh bien, ce n'est pas en lui tirant dessus ou en lui glissant des peaux de banane...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Patrick Lussi. ...mais c'est en ayant les moyens, sur dix ans, d'augmenter valablement les effectifs de gendarmerie ! Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter cette résolution.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il faut savoir que le groupe MCG va soutenir le renvoi en commission de cette résolution. Simplement, on peut estimer que l'invite: «à augmenter les effectifs de la gendarmerie de 500 personnes dans un délai maximum de 10 ans» est peu ambitieuse; cela représente 50 personnes par année. Aujourd'hui, le département arrive à créer quasiment deux classes d'école de gendarmerie de 36 personnes, donc on serait même en dessous de ce qu'est en train de faire Mme Rochat.

Je pense que si l'on veut augmenter les effectifs de 500 gendarmes - ou davantage, car il en faudrait beaucoup plus pour qu'on retrouve une sécurité absolue dans le canton - eh bien, ce n'est pas que 500 gendarmes de plus qu'il faudrait, mais aussi du personnel administratif. Et là, Mesdames et Messieurs les députés de l'UDC, pendant des années vous avez refusé ces postes ! Puisque vous étiez toujours opposés à l'augmentation des effectifs de la fonction publique ! Et la police fait partie des coupes linéaires que vous avez toujours voulu défendre.

Donc, il ne faudrait pas augmenter que de 500 policiers et gendarmes ! Il faut penser qu'il y a aussi les inspecteurs de la police judiciaire, puisque certaines reprises de travail se font par eux. Il faudra également plus de gardiens de prison, puisqu'il y aura plus d'arrestations... Et il faudra plus de juges ! C'est un tout ! C'est tout le système qu'il faut revoir. Ces 500 gendarmes, c'est très bien, mais il faut avoir une étude globale sur l'ensemble de ce qui est nécessaire, puisqu'on sait que les procureurs sont déjà débordés aujourd'hui ! Donc, augmenter de 500 gendarmes, c'est bien, mais il faudra vraiment avoir une politique d'ensemble. Je pense que de renvoyer ce texte à la commission judiciaire, afin de procéder à une étude, est une bonne chose. C'est pourquoi on soutiendra déjà - au moins - le renvoi en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Claude Jeanneret, à qui il reste une minute vingt.

M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, j'ai juste quelque chose à mettre un peu au point. J'ai entendu une certaine forme d'inanité face à ma collègue de la commission des finances... Je crois que depuis six ans le MCG se bat pour que la sécurité des citoyens soit assurée: il s'est toujours battu pour maintenir ou augmenter les effectifs de police. Il s'est aussi battu pour maintenir un certain statut du personnel, ce que le PDC n'a pas fait. Alors, quand j'entends le parti «girouette» oser dire que le MCG n'a pas soutenu depuis six ans - et je fais partie de la commission des finances depuis six ans - les augmentations d'effectifs ou les budgets de sécurité qu'on avait proposés, je trouve que c'est un mensonge inadmissible. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Pour vingt secondes, je vous donne la parole, Madame Emery-Torracinta.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. C'est assez piquant quand même de voir cette résolution - au fond, assez inutile - venant d'un parti ayant rédigé un rapport de minorité contre le projet de budget qui demandait une augmentation des effectifs de la police ! Mais j'aimerais surtout adresser une question à l'UDC. On sait que le problème du manque de gendarmes est lié en partie au recrutement et à la difficulté d'engager dans un bassin de population qui est petit. Ainsi, ma question est la suivante: accepteriez-vous un amendement qui consisterait à dire: «à demander au Conseil d'Etat d'étudier la possibilité d'engager des policiers frontaliers pour répondre aux besoins de la police» ? (Exclamations.)

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. J'aimerais juste rapidement vous donner deux chiffres - seuls les chiffres ne mentent pas, dit-on. En dix-neuf ans, on a connu une augmentation de gendarmes de 17 unités. En dix-neuf ans ! Pendant la période... Depuis 2009 - j'hypothèque un peu le budget 2012 de quelques semaines - c'est plus de 70 postes de gendarme en plus. Retenez juste ces deux chiffres: 17 postes de gendarme en dix-neuf ans, et 70 depuis 2009.

Alors, on peut dire que la droite ne fait rien, on peut dire que la sécurité va mal à Genève... On peut effectivement en débattre longtemps. Encore une fois, ces chiffres, eux, ne mentent pas ! Plus de policiers, c'est une nécessité - et je me réjouis d'avoir ce débat en commission - mais il faut non seulement plus: il faut mieux. Mieux former. Et c'est là tout l'enjeu de PHENIX, la grande réorganisation de la police genevoise.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes en procédure de vote sur le renvoi de cette proposition de résolution à la commission judiciaire et de la police.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 630 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 46 oui contre 22 non et 13 abstentions.