République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 septembre 2011 à 8h
57e législature - 2e année - 10e session - 62e séance
M 1958 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes amenés à traiter conjointement les points 35 et 63 de notre ordre du jour, à savoir les motions 1958 et 2008. Personne ne souhaitant s'exprimer... (Remarque.) Si ! Madame Emery-Torracinta, vous avez la parole.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je ne sais pas si les auteurs de la motion avaient l'intention de ne pas en parler. Personnellement, j'interviendrai sur la motion 2008 et Mme Bolay parlera de celle du parti radical.
Ma réponse, chers collègues, se fera en trois temps. Tout d'abord, j'aimerais émettre une remarque sur le plan juridique et vous rappeler que la détention administrative est prévue pour permettre le renvoi d'une personne qui ne peut pas être sur le territoire suisse et pour empêcher qu'elle puisse se soustraire à cette volonté de renvoi. Ce qui est intéressant dans la motion 2008, c'est que les motionnaires font une présentation presque exhaustive de la loi fédérale sur les étrangers, mais ils oublient l'article essentiel concernant cette problématique, lequel indique: «La détention est levée dans les cas suivants: [...] lorsque l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles.»
L'expulsion est impossible notamment lorsqu'on ne sait pas où renvoyer la personne ou lorsque l'on souhaite la renvoyer dans un Etat et que celui-ci ne veut pas accepter la personne. Cela signifie qu'il faut avoir signé ce qu'on appelle des «accords de réadmission», ce qui m'amène à l'aspect plus politique de ma réponse. Lorsque l'UDC, par le biais de M. Christophe Blocher, était à la tête du Département fédéral de justice et police, il y a bien eu quelques accords de réadmission de signés, Mesdames et Messieurs les députés ! Avec, je vous le donne en mille: Macao, le Liban, le Chili, la Norvège, la Pologne et la Grande-Bretagne ! Etats dont, nous le savons bien, les ressortissants hantent les nuits genevoises et sont responsables de toutes les questions d'insécurité que nous connaissons dans ce canton... Je rigole, bien sûr, Mesdames et Messieurs les députés ! Mais c'est simplement pour vous dire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que, en matière de sécurité, Christophe Blocher et l'UDC c'est plutôt zéro.
Dernier point de mon intervention, il sera plus philosophique, voire éthique. Lorsqu'on lit l'exposé des motifs, on ne peut être que choqué, voire scandalisé par le rapport de cause à effet établi par les motionnaires entre le fait d'être étranger et celui de commettre des délits. C'est là, Mesdames et Messieurs les députés, une dérive dangereuse pour notre démocratie. Vous le savez, dans un Etat de droit, il y a un principe, c'est celui de la séparation des pouvoirs, à savoir que, lorsque quelqu'un doit être jugé ou lorsqu'il doit être condamné, cela appartient à un pouvoir séparé du politique, qu'on appelle le pouvoir judiciaire. Et par définition la détention administrative viole en fait cet esprit des lois cher à Montesquieu et ne devrait être réservée qu'à des exceptions extrêmement rares. Enfermer massivement et sans jugement des populations qui dérangent, à d'autres époques et en d'autres temps, on appelait cela des camps ! Certes, il y a des précédents historiques dans les Etats démocratiques. On sait que les Etats-Unis, pendant la Deuxième Guerre mondiale, ont enfermé les ressortissants japonais ou américains d'origine japonaise après l'attaque de Pearl Harbour. On sait qu'en 1939 la France encore démocratique de Daladier a enfermé dans les camps de Gurs et Rivesaltes...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la député.
Mme Anne Emery-Torracinta. ...les réfugiés républicains espagnols. Mais il s'agissait de moments provisoires liés à des conflits, et cela ne peut perdurer dans une démocratie. Dans un Etat de droit, il s'agit d'une dérive dangereuse, et, pour ces raisons, nous ne pourrons accepter cette motion tout simplement scandaleuse.
M. Frédéric Hohl (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, depuis plus de cinq ans, le groupe radical, le groupe libéral et bien d'autres groupes au parlement parlent de l'insécurité à Genève. Il ne s'agit plus d'un sentiment mais réellement d'insécurité. Il y a quelques années, quand vous vous exprimiez dans une salle, face à la population, et que vous posiez la question: «Est-ce que quelqu'un connaît une personne qui s'est fait agresser ou qui s'est fait cambrioler, où ça a mal tourné ?», il y avait très peu de mains qui se levaient. Aujourd'hui, on connaît tous quelqu'un qui s'est fait agresser. Donc, je crois que le sentiment d'insécurité, c'est terminé; maintenant, c'est réellement l'insécurité.
Notre motion, Mesdames et Messieurs les députés, la M 1958, demande 250 places de détention administrative. Il y a quand même une différence entre la détention administrative et les camps ! Quand vous êtes en détention administrative, à la seconde où vous dites: «Monsieur l'agent, je veux rentrer dans mon pays», la porte s'ouvre et vous partez immédiatement. C'est une immense différence !
Je souhaite renvoyer notre motion directement au Conseil d'Etat, car le groupe radical avait demandé, à l'époque, par le biais d'une motion, la M 1882, un rapport portant justement sur la planification pénitentiaire. Je crois qu'il va arriver tout bientôt. C'est la raison pour laquelle je vous encourage à renvoyer cette motion demandant 250 places de détention administrative à Mme Rochat, qui pourra l'intégrer dans l'étude qu'elle va nous donner, je crois, incessamment sous peu.
Quant au point 35, la motion UDC qui demande, elle, 1000 places de détention administrative, je crois que c'est quand même un peu exagéré, Mesdames et Messieurs les députés ! On partage tous le sentiment d'insécurité et on souhaite lutter contre les multirécidivistes qui sévissent dans notre canton, mais là, 1000 places, je crois que ce n'est vraiment pas raisonnable. Voilà pourquoi nous allons refuser votre motion.
Le président. La parole à Mme la députée Loly Bolay... à qui il ne reste plus de temps. La parole est donc à Mme Sophie Forster Carbonnier.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce que demandent ces deux motions, c'est d'emprisonner administrativement des gens pour lesquels la détention pénale n'est pas possible. Or, priver quelqu'un de sa liberté, alors qu'il ne peut être condamné pénalement, ne va pas sans poser des problèmes juridiques et éthiques. La législation suisse prévoit la possibilité de mise en détention administrative des étrangers, afin d'assurer l'exécution d'une procédure de renvoi. La détention administrative ne sanctionne donc pas une activité criminelle: elle emprisonne des personnes dans l'attente d'un renvoi, pour une période pouvant aller jusqu'à vingt-quatre mois. Il faut cependant souligner que le droit suisse n'autorise pas la détention administrative quand un renvoi n'est pas possible juridiquement. Or, la plupart des personnes visées par ces deux motions ne peuvent être renvoyées dans leur pays, la Suisse n'ayant pas conclu d'accord de réadmission avec ces Etats.
Pour répondre au groupe radical, il est important de souligner que, s'il est légitime et compréhensible que les habitants de certains quartiers de Genève demandent que l'on fasse cesser les activités de petits délinquants multirécidivistes, Genève se doit cependant de respecter le droit fédéral relatif à la détention administrative. Donc, celle-ci n'est pas la solution au problème. C'est le droit pénal qui devrait être revu, notamment le système des jours-amende, sans doute guère dissuasif pour des personnes sans revenu.
Pour ce qui est de la motion UDC, je voudrais rappeler ici quelques faits. La durée moyenne de la période de détention administrative en Suisse se situe autour de trois mois, mais il arrive que des personnes soient détenues pour des périodes beaucoup plus longues, allant bien au-delà d'un an. Je vous rappelle que nous parlons de personnes n'ayant pas commis de crime, mais qui sont en attente de renvoi dans leur pays ! Or il s'avère souvent que l'objectif premier de la détention administrative n'est pas rempli. Même après de longs mois d'emprisonnement et de détention, nombre de détenus ne sont finalement pas renvoyés, le plus souvent faute d'accords, de nouveau, avec leur pays d'origine. Dès lors, la question de savoir si la durée de leur détention est justifiée et proportionnelle est clairement posée ici. Certes, le taux de renvois s'est amélioré depuis que le règlement Dublin II a été élargi à la Suisse, mais l'efficacité de la détention administrative n'est pas démontrée. Dans les cantons qui la pratiquent le plus, le taux de renvois s'approche plus souvent des 20%, ce qui est fort peu. A Genève, qui pratique fort heureusement plus parcimonieusement cette politique, le taux semble meilleur, mais certainement que Mme la conseillère d'Etat pourra nous donner quelques informations à ce sujet.
En conclusion, jeter systématiquement en prison des étrangers à expulser ne facilite pas les choses. Ce serait même plutôt contre-productif. En revanche, là où les mesures de contrainte...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Sophie Forster Carbonnier. ...prouvent totalement leur efficacité - et je conclus - c'est pour faire gonfler la facture ! Chaque détenu coûte en effet plusieurs centaines de francs aux contribuables. Ainsi, dans une perspective légale humaniste, mais également de bonne gestion des deniers publics, les Verts vous appellent à rejeter ces deux motions. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas m'énerver, mais il y a de quoi en entendant les choses ahurissantes de la gauche. Je crois que ce serait le moment de ne pas seulement défendre les droits de l'Homme... Vous prétendez défendre les droits de l'Homme, et vous aggravez la criminalité ! Vous aggravez le nombre de victimes quotidiennement ! (Commentaires). C'est vrai ! La criminalité sur la voie publique, c'est ce qui pourrit Genève. C'est l'épine qui est dans le pied de Genève ! (Remarque.) Mme Rochat s'en va - bon, elle téléphone pendant que je prends la parole, c'est très bien... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Ce qu'il faut savoir, c'est que, la criminalité sur la voie publique, ce sont les dealers... Qui offrent quotidiennement de la drogue à nos enfants - ou quand ils vont voir des concerts à l'Usine. La criminalité, c'est les voleurs, c'est les escrocs. Ce sont des délinquants en situation irrégulière qui, tous, ont dissimulé leurs papiers d'identité. Il ne faut donc pas dire que ce sont des gens qu'on ne peut pas réadmettre: ils dissimulent, ils ont caché leurs papiers d'identité. Le but de la détention administrative, c'est justement de leur faire sortir leurs papiers d'identité. Il ne s'agit pas d'incarcérer des innocents, mais des multirécidivistes ! Nous avons 700 à 1000 personnes qui commettent des délits quotidiennement à Genève, et vous les protégez ! Parmi eux il y a des multirécidivistes. Tous ! Ils sont tous étrangers en situation irrégulière ! Ils font tous l'objet d'un renvoi de Suisse ! Ils refusent tous de quitter la Suisse ! Et vous voudriez qu'on les laisse tranquilles ici...
Nous devons protéger... Moi, j'ai été élu pour protéger la population ! Je n'ai pas été élu pour protéger... (Quelqu'un applaudit.) ...les assistants sociaux ! Il n'y a pas de réponse sociale à la criminalité ! Vous ne les connaissez pas, les criminels ! Ce sont des gens qui ont une mentalité de criminel ! Il y en a eu à toutes les époques, et nous devons lutter fermement contre la criminalité ! Essayez de réinsérer un criminel... Et peut-être voulez-vous leur donner un salaire ?!
Ce qu'on suggère, c'est effectivement un centre de détention administrative: pour y mettre non pas les innocents, mais les criminels multirécidivistes qui ont dissimulé leurs papiers d'identité ! Car, plusieurs fois, on a retrouvé leurs papiers d'identité lorsque ces gens font quelques mois de détention. C'est juste, on ne peut pas les réadmettre, parce qu'ils n'ont pas de passeport, mais, du moment où l'on ressort leurs papiers d'identité, ils peuvent être réadmis... Donc, il faut arrêter de désinformer les gens. La population en a ras le bol ! C'est le moment de défendre...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Marc Falquet. Tout le monde est d'accord pour défendre la population ! Mme Rochat, je ne sais pas comment elle fait pour tenir ! Ce ne sont que des critiques ! Mais, à un moment donné, ce n'est pas difficile, il faut renforcer les frontières et mettre ces gens en détention pour protéger la population, voilà !
Je vous suggère de soutenir également l'amendement du MCG, que vous aurez certainement lu, qui consiste à collaborer avec les cantons romands pour ce centre de détention administrative, pour y mettre les criminels en situation irrégulière, afin de protéger les gens.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Marc Falquet. Merci.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Guillaume Barazzone (PDC). Aujourd'hui, si l'on commet un crime, que l'on soit étranger, illégalement entré en Suisse ou non, on va en prison. C'est le code pénal, il est prévu pour tous.
Une voix. Mais ça, il faut le dire à lui ! (Rires. Le président agite la cloche.)
M. Guillaume Barazzone. Or ce que j'ai entendu tout à l'heure, c'est un mélange entre la détention administrative et son but; et l'objectif poursuivi par le code pénal et la détention provisoire en matière pénale.
Le problème de la détention préventive, vous l'avez dit, c'est qu'on ne peut pas renvoyer un certain nombre de gens dans leur pays. Malheureusement pour ceux-ci la détention préventive ne fonctionne pas, puisque dès lors qu'ils entrent dans la prison ils peuvent y rester au maximum vingt-quatre mois; mais, au-delà de cette période, si la personne est ressortissante d'un pays qui n'a pas signé d'accord de réadmission avec la Confédération helvétique, elle ne pourra jamais être renvoyée dans son pays. Pour cette catégorie de population, la détention administrative ne fonctionne pas.
Je crois qu'il faut véritablement saluer le travail du Conseil d'Etat, qui a augmenté - et qui continue à le faire dans sa planification - le nombre de places de détention préventive en matière pénale. Je crois que c'est de cela que nous avons besoin pour enfermer un certain nombre de délinquants qui commettent des crimes et des délits dans notre canton. En revanche, s'agissant de la détention administrative, il reste quand même toute une catégorie de la population - vous avez mentionné les accords de Dublin - qui peut être renvoyée dans son pays. Et les 20 places actuelles ne suffisent pas, raison pour laquelle il convient d'augmenter quelque peu la capacité de détention administrative dans notre canton.
Mais les 1000 places proposées par l'UDC, on croit rêver ! C'est complètement exagéré ! C'est la raison pour laquelle nous refuserons cette motion qui est beaucoup trop extrémiste.
En revanche, la motion des radicaux, qui propose 250 places de détention administrative - je rappelle que c'est pour la Romandie, on n'est pas qu'à Genève - cela nous paraît être un chiffre un peu exagéré, mais il s'approche quand même plus de la réalité et de la nécessité de développer des places administratives pour renvoyer ceux que l'on peut. Alors, bien évidemment, la politique étrangère de la Confédération helvétique va devoir évoluer ! Je crois que les accords de réadmission doivent être au centre de la préoccupation du Conseil fédéral; il faut qu'il fasse davantage pression sur les pays qui refusent, année après année, de signer ces accords - des pays qui reçoivent de l'aide de la Suisse en matière de développement. Je crois que cela doit véritablement faire partie de la politique étrangère helvétique; le Conseil d'Etat aura à coeur, j'imagine, de le rappeler à Mme la conseillère fédérale Calmy-Rey. S'agissant de la motion et de la procédure...
Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député.
M. Guillaume Barazzone. ...nous pensons qu'il convient de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, qui, en effet, est en train de planifier le nombre de places de détention. Il reviendra certainement avec des réponses à ce sujet, sur lesquelles nous pourrons nous prononcer à nouveau.
M. Mauro Poggia (MCG). Nous avons entendu beaucoup de choses, certains mélanges. Il va de soi que la préoccupation de tout député élu au Grand Conseil est évidemment de protéger la population genevoise. Il ne faut pas faire de confusion entre les personnes condamnées pénalement et devant subir une peine valablement prononcée par un tribunal, avec les personnes en détention administrative. Par contre, je ne peux pas laisser certains représentants de la gauche venir mettre en cause des lois votées au niveau fédéral et acceptées par le peuple, au motif, évidemment acceptable, que la détention est une atteinte à la liberté. Cela va de soi, nous le savons. Mais ce n'est pas parce que c'est une atteinte à la liberté, qu'il faut oublier qu'il y a des lois fédérales permettant justement d'offrir cette base légale pour une atteinte à la liberté, et la détention administrative a été instaurée précisément dans ce but.
Alors, il va de soi que les places actuelles sont insuffisantes. Le but n'est pas de mettre en détention administrative des personnes qui commettent des crimes ou des délits, puisque, pour cela, la justice pénale a été votée. Elle devrait être appliquée plus sévèrement et, à cet égard, on ne peut pas accepter certaines explications données, selon lesquelles les lois seraient trop laxistes. Elles le sont certainement, mais nos lois ont la possibilité de punir sévèrement ceux qui le méritent. Nous attendons aussi de nos magistrats du pouvoir judiciaire qu'ils appliquent la loi avec sévérité.
Il y a des multirécidivistes de petits délits; effectivement, c'est ceux qui pourrissent - si vous me passez l'expression - la vie quotidienne de beaucoup de nos concitoyens. Les délits commis ne sont pas assez graves pour qu'on enferme ces personnes longtemps, néanmoins ils sont suffisamment contraires au code pénal pour être condamnés. Et ces gens sont en attente de renvoi, et sont dans la rue ! Ils sont arrêtés, condamnés trop légèrement, souvent avec des jours-amende, puis ils ressortent. Ces gens devraient être en détention administrative, parce que les conditions de la détention administrative sont là pour cela, dans l'attente de leur renvoi. Alors, il faut faire quelque chose. Il faut qu'il y ait des places pour cela. Mais les 1000 places proposées par l'UDC sont excessives. Raison pour laquelle, vous l'avez vu, le groupe MCG a soumis un amendement pour cette motion 2008, en suggérant précisément que Genève travaille avec les autres cantons romands. Je pense que Genève ne peut pas faire cavalier seul: c'est un problème global, national.
Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.
M. Mauro Poggia. J'ai terminé. Par contre, nous soutiendrons évidemment sans réserve la proposition radicale.
M. Olivier Jornot (L). Chers collègues, les premiers intervenants se sont trompés de débat. Ils nous ont fait, pour les uns, l'apologie de la détention administrative, pour les autres, sa critique; la question n'est pas là ! La détention administrative est une institution qui est prévue par la loi. C'est une institution qui est non seulement prévue par la loi, mais qui est admise expressément par la Convention européenne des droits de l'homme. Et c'est un instrument que nous n'avons pas le droit de dénigrer ! Nous avons au contraire le devoir de l'employer chaque fois que cela peut être utile pour aider à résoudre les problèmes de notre canton.
Alors, j'aimerais dire aux partis de gauche qui appartiennent maintenant à cette grande cohue des ouvriers de la onzième heure qui ont découvert les problèmes d'insécurité et qui veulent tous, tout à coup, plus de policiers, plus de sécurité, plus de je ne sais quoi... J'aimerais leur dire que ça, c'est un point sur lequel vous devez encore faire votre chemin de Damas, vous devez encore vous convertir, pour admettre en effet que la délinquance d'origine étrangère doit être combattue par des moyens qui concernent l'expulsion de ces délinquants, et pas par des déclarations de bienveillance ! Ce n'est donc pas ce débat qu'il faut faire.
Le débat qu'il faut faire, Mesdames et Messieurs, c'est celui de savoir si 20 places de détention administrative à Frambois, pour trois cantons concordataires, c'est suffisant ou pas ! Et la réponse est évidemment que non seulement ce n'est pas suffisant, mais que c'est même grotesque d'avoir un nombre de places aussi faible par rapport à la problématique que nous connaissons en la matière ! Parce qu'en l'occurrence, c'est vrai, il y a un problème par rapport à ces quelques centaines de délinquants multirécidivistes qu'on ne peut pas... Je suis désolé, Madame Forster Carbonnier, mais on ne peut pas, sur la base du droit pénal, mettre les gens en prison pendant des années uniquement parce qu'ils nous embêtent ! On ne peut pas. Et heureusement d'ailleurs ! Ce qui signifie qu'il faut trouver d'autres solutions pour les inviter à quitter notre territoire. Donc oui, il faut agir. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il faut agir par le biais des accords de réadmission, c'est évident, mais je pense que le parti socialiste a un rôle à jouer: il pourrait écrire à Mme Calmy-Rey pour lui dire qu'elle s'occupe de ce sujet. Parce qu'à l'époque, quand Mme Calmy-Rey a fait des ronds de jambe à l'Algérie, au lieu d'exiger la conclusion d'un accord de réadmission, eh bien, on a perdu une bonne occasion de résoudre le problème avec l'un des pays dont un grand nombre de ressortissants sont concernés. Il faut donc faire quelque chose, et dans cette optique il est légitime que notre parlement accepte au moins un des textes qui est proposé.
Alors non, Mesdames et Messieurs de l'UDC, nous n'accepterons pas votre colonie pénitentiaire à 1000 personnes. Cela ne fait pas sens. Il faut rester dans des chiffres raisonnables. Je ne suis même pas sûr qu'il faille en faire 250. Peut-être que c'est moins. Cela nécessite une appréciation de situation du département, avec les autres cantons romands. On n'a d'ailleurs pas attendu les excellentes suggestions du MCG à ce sujet, puisque, aujourd'hui, il y a déjà un concordat qui régit l'exploitation de ces places de détention administrative. Donc il faudra faire cette appréciation de situation, déterminer le nombre de places adéquat, et le faire relativement vite pour que le Conseil d'Etat puisse agir dans ce domaine.
Nous vous recommandons donc, outre le rejet de la motion 2008, de voter la motion 1958. Je vous remercie.
Une voix. Très bien ! (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Je ne reviendrai pas sur les détails, j'aimerais simplement dire à ma préopinante des rangs socialistes - que, par ailleurs, j'estime profondément - que, peut-être, pour une fois, elle devrait s'inspirer des... Au lieu de rester dans un discours très dogmatique et très angélique sur la détention - d'après ce que j'ai entendu, l'autre soir, de la part d'un criminologue socialiste - et aussi, peut-être, au lieu de rester sur les quelques mots qu'a bien voulu nous adresser par condescendance M. Paychère, ce matin, sur la mauvaise application que nous avons à Genève du code pénal.
Cela dit, nous pensons, à l'UDC, que «rétention» n'est pas «camp de concentration», malgré le bon mot que vous avez voulu faire à ce sujet. Vous parlez de coût: oui, mais osez-vous aussi nous dire, si ces gens ne sont pas en rétention, ce qu'ils nous coûtent socialement ? Puisqu'il semblerait qu'on doive aussi les entretenir. C'est la raison pour laquelle, en ce qui me concerne, je voterai les deux motions, celle de l'UDC et celle du PLR.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG est un groupe visionnaire. Nous l'avons démontré en 2007, lorsque nous avions déposé la résolution 525 qui, dans les invites à destination du Conseil fédéral, demandait: «à définir les budgets à allouer aux cantons pour la construction et linstallation détablissements...
Le président. Il vous reste dix secondes, Monsieur le député.
M. Roger Golay. ...de détention affectés exclusivement à lexécution des détentions de phase préparatoire et celles en vue du refoulement.» Vous aviez refusé cette invite. Aujourd'hui, on ne pourra plus demander ces budgets à la Confédération, puisque la disposition transitoire sur la loi sur les étrangers a été annulée après une année. Zurich s'est servi dans les budgets de la Confédération...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Roger Golay. Oui, merci, Monsieur le président, je termine. Aujourd'hui, ce sera au canton de payer ces installations, alors qu'à l'époque on aurait pu demander ces budgets à la Confédération ! Vous avez alors manqué de vision, ce qui n'était pas le cas au MCG !
Des voix. Bravo !
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Je ne peux qu'être d'accord avec le fait que protéger la population n'est pas seulement de la responsabilité du Grand Conseil, mais également, bien sûr, du Conseil d'Etat. Dans cet esprit, le concordat romand - que je préside - avec le canton de Neuchâtel et celui de Vaud est acquis à la cause de l'agrandissement de l'établissement de Frambois. Comme vous le savez, vous avez pu suivre les travaux d'agrandissement de Champ-Dollon, Cento Rapido, mais cela ne se fait pas d'un coup d'un seul, même si la pression est là. Trois variantes sont maintenant à l'étude dans le cadre du concordat: l'agrandissement de Frambois, avec des bâtiments préfabriqués; la possibilité pour, je vous le rappelle, le premier établissement de détention administrative, celui de Favra, d'être réaffecté à la détention administrative, ce qui permettrait d'avoir une vingtaine de places assez rapidement, mais la discussion est encore en cours. Lorsque le conseil de fondation se réunira en septembre, nous aurons l'occasion d'examiner les coûts de la réaffectation de Frambois.
Vous avez bien compris, la détention administrative et la possibilité d'augmenter le nombre de places de détention sont une priorité pour le Conseil d'Etat, et je serai en mesure de vous donner des réponses lors de la présentation de la planification pénitentiaire qui sera faite tout prochainement.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous en sommes donc au traitement de la motion 2008. Nous avons été saisis d'un amendement, que je vous soumets, Mesdames et Messieurs les députés. Il s'agit d'une deuxième invite: «à entamer une concertation avec l'ensemble des cantons romands, en vue de la création desdites places de rétention et/ou de détention, avec la participation financière conjointe desdits cantons.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 25 oui et 2 abstentions.
Le président. Nous passons maintenant au vote de cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2008 est rejetée par 60 non contre 25 oui.
Le président. Nous sommes toujours en procédure de vote. Nous allons nous prononcer sur la proposition de motion 1958.
Mise aux voix, la motion 1958 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 58 oui contre 29 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)