République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 10 juin 2011 à 20h45
57e législature - 2e année - 9e session - 53e séance
M 1970 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons traiter conjointement les propositions de motions 1970 et 2009, et je passe la parole à M. Antoine Bertschy.
M. Antoine Bertschy (UDC). Merci, Monsieur le président. Je prends la parole à la place de notre présidente, qui n'a malheureusement pas pu participer à la deuxième partie de nos débats. Je dois vous avouer que je ne suis jamais très favorable aux motions visant seulement à ce que la loi soit appliquée. Or c'est ce que la motion demande, il faut bien le reconnaître. Toutefois, il y a réellement un problème à Genève, avec une certaine population qui, par une mendicité que l'on ne parvient pas à faire cesser, importune les citoyens de notre canton. La mendicité a toujours existé à Genève. A l'époque, il s'agissait de musiciens, de personnes dans le besoin ou hors normes. Dans les années quatre-vingts, il y a eu les punks qui faisaient la manche à la gare... Mais maintenant ce n'est plus cela, il s'agit d'une mendicité organisée, qui utilise toutes les astuces pour soutirer de l'argent à nos concitoyens, et même de très désagréables astuces consistant par exemple à employer des enfants pour susciter la pitié. Le groupe UDC ne peut pas accepter, surtout à la veille de la Journée mondiale de l'enfance - qui aura lieu dans deux jours - que des personnes se servent de leurs enfants pour demander la charité. Nous disons à ces gens qu'il faut qu'ils retournent chez eux, car ils seront mieux à élever leurs enfants dans leur patrie. Je rappelle que la Suisse verse des dizaines et des dizaines de millions à la Roumanie afin de développer le pays. Dans les accords passés, il est prévu que la Roumanie ou les autres pays de l'ex-bloc soviétique doivent aider leurs populations minoritaires, or cela ne se fait pas. Et je crois que ce n'est pas à Genève et aux citoyens de ce canton d'être importunés parce que la politique est mal menée dans les pays de souche de la population rom. Il y a toujours la question de l'offre et de la demande: certains demandent de l'argent et d'autres en offrent. Il y aurait donc une autre solution, c'est d'interdire aux personnes d'en donner, mais l'UDC ne pense pas qu'il faille aller dans ce sens.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Antoine Bertschy. Je vais terminer, Monsieur le président. En revanche, lorsqu'il y a des bandes organisées, que des gens font la manche avec des enfants, dans des conditions d'hygiène absolument déplorables, il faut les renvoyer chez eux, car ils y seraient bien mieux qu'ici, sur nos trottoirs, à demander de l'argent aux passants. Je vous propose donc de faire bon accueil à cette motion et de la voter.
M. Stéphane Florey (UDC). Ce que demande la proposition de motion 2009 est tout simple: il s'agit de faire un bilan, un vrai bilan de ce que rapporte la loi sur la mendicité, loi qui est apparemment très peu appliquée. Il faut une fois pour toutes tirer les conséquences de cette loi et savoir si elle est bénéfique ou non. L'UDC demande aussi une tolérance zéro. Puisque la loi n'est que très mal appliquée, nous requérons sa mise en vigueur à 100%. Surtout, nous voudrions que la population soit informée, ainsi que les touristes, de la politique sociale menée à l'égard des étrangers, et particulièrement des personnes vivant illégalement chez nous. Par exemple, on pourrait procéder comme à l'aéroport de Londres où, lorsque vous descendez de l'avion, on vous informe qu'il y a des taxis officiels, mais aussi des taxis non officiels, lesquels ont tendance à arnaquer les touristes... Eh bien nous, ce que nous demandons, à Genève, c'est d'informer clairement la population et les touristes, pour qu'ils ne donnent pas d'argent aux personnes qui mendient et pour qu'ils sachent aussi que ces dernières sont, selon la loi genevoise - la LASI - prises en charge. En effet, toutes ces personnes, illégales ou pas, sont malgré tout prises en charge par l'Etat ! Donc informons-en clairement la population, afin qu'elle arrête de leur donner de l'argent, puisque c'est néfaste non seulement au tourisme, mais aussi à l'économie genevoise.
Une voix. Bravo !
M. Frédéric Hohl (R). Pour le groupe PLR, je relève que vous avez complètement raison avec ces deux propositions de motions: il faut appliquer la loi, c'est juste, mais je pense qu'il n'y a pas besoin de motions pour cela. Et, oui, on souhaite que la police applique la loi, c'est clair, comme d'habitude.
Pour la motion 1970, c'est assez fin: vous essayez de toucher la corde sensible en évoquant les enfants et la prostitution des enfants des Roms. Vous y faites allusion sept fois dans la motion: la prostitution des enfants, la prostitution comme la pire forme de travail, la vente des enfants, les personnes mineures en prostitution... Vous en parlez sept fois, cela m'a donc interloqué. J'ai alors pris la peine de passer quelques coups de téléphone, notamment à des ONG. (Remarque.) J'ai même pris contact avec Terre des hommes, qui s'occupe de cette problématique. Or ils n'ont pas entendu parler de cette question à Genève, mis à part le cas que vous évoquez en page 3. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas suivre votre motion. Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs, à ne pas l'accepter.
Ensuite, concernant le deuxième texte, vous proposez notamment d'informer les touristes. Bon, moi je veux bien... Informer les touristes sur la problématique sociale à Genève... Vous allez faire cela en plusieurs langues ? Est-ce qu'il y aura un bureau de l'office du tourisme chargé d'expliquer ce que font les Roms ? Enfin... Il faut être un peu sérieux ! On a déjà de la peine à expliquer aux touristes la topographie des lieux - comment prendre un bus, comment visiter Genève. Si, en plus, il faut leur donner des explications sur tout ce qui s'y passe, avec les petits problèmes - et les grands ! - qu'on a... Je crois que les touristes ne viennent pas à Genève pour cela. Mesdames et Messieurs, soyons un peu sérieux ! On va rejeter ces deux motions, et je vous encourage à faire de même. Merci !
M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, certains textes inspirent le renvoi - mais pas celui en commission... En effet, lorsqu'on utilise des termes aussi stigmatisants pour une population qui, certes, statistiquement commet des délits chez nous, cela nous fait penser à des textes de triste mémoire. Quand on parle des «populations errantes», cela peut faire penser aux «juifs errants» et aux textes utilisés de manière scandaleuse, inadmissible et inhumaine, voici quelques décennies. Alors, vous avez raison, la loi doit être appliquée. Il est vrai que les personnes qui sont en Suisse de manière illégale et qui troublent l'ordre public n'ont rien à y faire et doivent retourner chez elles. Nous sommes d'accord avec vous, mais il y a la façon, et tout le monde ne peut pas être mis dans le même panier. Il y aurait une seule personne de bonne dans ce panier que votre texte serait déjà inadmissible.
En ce qui concerne le groupe MCG, nous soutiendrons ces textes pour autant que nos amendements soient acceptés, amendements qui modifient fondamentalement le but à atteindre. Pour ce qui est de la motion 1970, nous demandons que l'on supprime évidemment toute référence à «Roms» et à «populations errantes». Il s'agit de façon générale des personnes qui sont en Suisse de manière irrégulière et qui troublent l'ordre public. Nous demandons - vous avez les textes sur vos bureaux - à ce que le droit fédéral soit appliqué, s'il fallait le répéter, sur le territoire de la République et canton de Genève - qui fait encore partie de la Suisse - «en mettant en oeuvre tous les moyens utiles pour arrêter, placer en détention et procéder au renvoi systématique de toute personne qui trouble l'ordre public et qui se trouve en situation irrégulière». Le rappel peut être bon. Il est vrai que, dans ce domaine, des considérations politiques prennent malheureusement parfois le dessus sur l'application de la loi. Or la population a clairement dit qu'elle souhaitait que la loi soit appliquée et que les personnes commettant des délits ou des contraventions dans notre pays soient renvoyées.
Concernant la motion visant les mendiants qui harcèlent la population, et plus particulièrement sa troisième invite, je me souviens d'une intervention de Mme Céline Amaudruz qui disait aux députés socialistes qu'ils pensaient vivre dans le pays des Bisounours... Là, je crois véritablement que c'est elle qui y vit ! Non mais, écoutez ça...
Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député.
M. Mauro Poggia. Je finis, Monsieur le président ! Ecoutez ceci: il faut «informer la population et les touristes» du fait que les gens qui sont ici et n'ont pas de moyens de subsistance peuvent se rendre à l'assistance publique et qu'ils y seront aidés... Je propose de mettre cela simplement dans les «Feuilles d'avis» internationales, pour que tous les mendiants du monde viennent chez nous et puissent s'adresser à nos services sociaux !
M. Patrick Lussi (UDC). Il s'agit d'un sujet très difficile, nous le savons, comme vient de le démontrer mon préopinant qui, d'habitude, ne fait pas dans le romantisme politique. Aujourd'hui pourtant, il y a mis tout son talent et son savoir oratoires.
J'aimerais vous rappeler deux choses, Mesdames et Messieurs les députés. Tout d'abord, que la motion 1970 a été déposée le 15 septembre 2010. Pourquoi à cette date ? Puisque personne n'en a parlé, je vous le rappelle: lors de la séance du 23 juin 2010, le Conseil fédéral a approuvé les accords-cadres bilatéraux avec la Roumanie ! Alors il est clair que ce n'est pas très bien de nommer les Roms, et «Roms» est peut-être à nouveau un terme qui va vous choquer, Mesdames et Messieurs les députés. Mais alors, allons jusqu'au bout de votre raisonnement humaniste ! Car je rappelle que, dans ces accords, il a été décidé de donner 181 millions dans le cadre de programmes spécifiques à la Roumanie. Et dans ces programmes spécifiques, il est bien marqué, sous «Sécurité, stabilité et soutien des réformes»: «promouvoir la société civile» et «intégration de minorités». Oui, Mesdames et Messieurs, l'Union démocratique du centre sait bien que les Roms sont une population discriminée en Roumanie ! La motion vise donc à ouvrir le débat et à choisir entre deux voies. Soit on estime que la Roumanie fait une sorte d'épuration ethnique et est très contente des accords de Schengen qui permettent aux Roms de venir chez nous, et alors on doit prendre toutes les mesures qu'il faut à l'encontre de ce pays. Soit on estime que ce n'est pas tout à fait cela et que ces gens, qui ne sont pas forcément des criminels - et ce n'est pas à nous de le dire - doivent être intégrés en Roumanie et que, pour cela, la population suisse donne de l'argent, à travers les impôts, de manière que ces personnes soient bien traitées, intégrées, logées, qu'elles puissent travailler et parviennent aussi, par exemple, à être fonctionnaires en Roumanie, car, je le rappelle, actuellement aucun Rom n'est fonctionnaire dans l'administration roumaine. Alors, c'est cette deuxième voie que l'UDC souhaite emprunter. Je sais que vous vous hérissez lorsqu'il est question de ce sujet, car vous pensez que l'on fait de la discrimination. Toutefois, nous demandons l'application de la loi parce que nous donnons déjà de l'argent et que nous aimerions qu'il soit utilisé aussi pour cette population, en Roumanie, et que nous ne voulons pas lui en consacrer, en supplément, chez nous. Nous vous demandons donc d'accepter la motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Une voix. Bravo, Patrick !
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Pour les socialistes, ces deux motions sont une honte. Alors que l'on vient de voir dans l'émission télévisée «Mise au point» une démonstration par A plus B de l'absurdité du système genevois d'interdiction et de mise à l'amende de la mendicité, l'UDC persiste. Ce groupe demande de se montrer plus dur et d'infliger davantage d'amendes, cela avec l'argent du contribuable, investi pour le temps que la police consacre, pour les affranchissements des envois postaux, par le service des contraventions, par les divers secrétariats et ensuite par la justice. Mesdames et Messieurs, depuis 2007, depuis que nous avons voté cette loi, nous aurions pu rénover et aider pas seulement un quartier, mais des villages roms entiers avec les sous du contribuable genevois, afin de construire plutôt que de s'engager dans le cercle infernal de la répression !
De plus, l'UDC joue à l'autruche: vous ne pourrez pas indéfiniment refuser de voir que le monde existe autour de vous, de Genève en particulier, pour les populations roms de Roumanie. Dans une des motions, vous évoquez la convention relative aux droits de l'enfant, vous décrivez les pires scènes d'attaque et de cambriolage - quand ce n'est pas de la prostitution - et, en guise de solution, vous, l'UDC, proposez de renvoyer les personnes chez elles ! Je ne pense pas que cela sera réglé ainsi, ce n'est pas une solution.
Vous parlez des accords de libre circulation en disant que la seule solution est le renvoi. C'est intéressant, parce que vous jouez sur la marge: vous préconisez d'utiliser l'internement administratif, alors que la Roumanie a signé des accords bilatéraux et alors que, c'est vrai, elle n'est pas encore totalement intégrée à Schengen, mais est en phase de l'être. Mesdames et Messieurs, c'est vraiment voir petit ! Et ce que vous proposez est dangereux. En effet, si pour les populations roms et pour les Roumains les internements administratifs peuvent être appliqués, pourquoi ne les appliquerait-on pas aussi pour les Espagnols, les Portugais - qui commencent peut-être à nous déranger - pour les Italiens et pour d'autres peuples ?! (Commentaires. Le président agite la cloche.)
En résumé, que vous le vouliez ou non, l'histoire des Roms de Genève est devenue un peu la nôtre, et nous devrions y penser dans ce sens si nous voulons en sortir, plutôt que de tourner en rond. Beaucoup de bruit, beaucoup d'agitation par rapport à ces motions ! In fine, elles s'intégreraient mieux dans un magazine à sensation que dans un objet parlementaire tel que cela nous est proposé ce soir. Mesdames et Messieurs, les socialistes refuseront ces motions qui, selon nous, feraient mieux d'errer dans les archives des textes non étudiés par ce parlement.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de motion que nous avons ce soir porte le titre suivant: «Le respect du droit, ça change la vie. Halte à la prostitution des enfants, à la mendicité et aux cambriolages: renvoyons les Roms et autres populations errantes en situation irrégulière !» Les Verts sont très attachés à la Suisse, qui dispose de bases et de règles de droit qui font partie de nos traditions et de nos valeurs. La première règle - il y a des normes antiracistes - c'est que la loi s'applique à des individus, et non à des groupes. On est responsable de ses actes d'un point de vue individuel, et non collectif.
Pour les Verts, le titre de la motion est nauséabond et nous rappelle des souvenirs extrêmement douloureux de l'histoire du XXe siècle de l'Europe. De voir aujourd'hui que, dans ce parlement, cet amalgame puisse être fait, que l'on puisse mettre ces mots les uns derrière les autres, en désignant une population et en disant qu'il faut renvoyer ces personnes, cela nous heurte et nous choque. Nous rappelons que nous avons passé des accords avec divers pays et que les personnes ont le droit de venir en touristes, pour travailler ou pour différents motifs, et que l'application du droit pour les individus doit être la même pour tous. Ce doit être une application des droits des uns et des autres. Ce que vous nous proposez relève du droit collectif et est inadmissible et contraire aux traditions de notre pays. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts sont attachés aux traditions suisses, à ces valeurs fondamentales qui défendent le pays. Aujourd'hui, les «Heimatmüde» sont sur les bancs d'en face !
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites, mais un élément important a été oublié. Dans la motion 1970, l'UDC nous fait une fois de plus la démonstration de son incohérence et des éléments nauséabonds qui arrivent lorsqu'on fait des amalgames. Incohérence, car, au nom des enfants qui prétendument seraient maltraités, prostitués et qu'il faudrait renvoyer avec leur famille dans leur pays afin qu'ils y soient beaucoup mieux, Mesdames et Messieurs les députés, n'oubliez pas que, lorsque nous votons pour la solidarité internationale afin précisément de pouvoir développer des écoles, des hôpitaux et des dispensaires dans les pays d'origine de ces gens, eh bien l'UDC ne vote pas les crédits ! Une fois de plus, nous sommes face à son incohérence, face à de la malhonnêteté et face à des visions extrêmement dommageables pour Genève. Par conséquent, le parti démocrate-chrétien refusera cette motion.
Quant à la motion 2009, il suffit de rappeler aux Genevois que, lorsqu'ils donnent de l'argent, ils encouragent les gens à rester, et que pour que ces derniers ne restent pas, eh bien il faut ne pas leur en donner ! Ainsi, nous refuserons également cette motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Marc Falquet, à qui il reste trente secondes.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je vais vous raconter une petite anecdote sur les donneurs de leçons. Lorsque j'étais à la police, des personnes en situation irrégulière se présentaient souvent, le soir, que ce soient des mendiants, des Roms ou des demandeurs d'asile. Alors nous prenions la liste de tous les gens qui ont bonne conscience - et qui se trouvent sur les bancs d'en face - des gens qui font la morale, des gens solidaires: en vingt ans, Mesdames et Messieurs, aucun d'entre eux n'a accueilli l'une de ces personnes !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Marc Falquet. Aucun n'a accueilli chez soi l'une de ces personnes irrégulières ! C'est encore nous, les policiers, qui devions nous débrouiller pour trouver des logements ! Et ensuite, on vient nous tenir des théories ?! (Brouhaha.)
Il est vrai que ce sont les Roms qui posent des problèmes...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Marc Falquet. ...ce sont les Roms qui commettent beaucoup de cambriolages et qui importunent les personnes âgées. Et vous êtes complètement à côté de la plaque et de vrais hypocrites ! C'est tout ce que je voulais dire. (Brouhaha.)
Mme Nathalie Fontanet (L). Le groupe libéral est extrêmement choqué par le contenu de ce texte. Mais nous tenons à rappeler que, aujourd'hui, si ce type de texte est établi par certains groupes, c'est à cause de l'attitude - et nous venons de le voir - du groupe socialiste, qui se cache dans son angélisme, qui prétend que la mendicité ne pose pas de problèmes à Genève, et qui se retranche derrière l'idée formidable d'accueil et d'encadrement de ces personnes. Je pense que s'il y avait, de part et d'autre, un peu plus de clairvoyance et moins d'hypocrisie, et que l'on arrivait à reconnaître ensemble certains problèmes, des groupes ne seraient pas obligés de présenter un texte qui choque la majorité de notre parlement.
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, les temps de parole des uns et des autres étant épuisés - c'est le cas de le dire - je passe le micro à Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'effectivement il est dangereux de faire des amalgames. On parle d'internement administratif et de prostitution des enfants... Je crois qu'il faut juste savoir de quoi il est question. L'internement administratif n'a rien à voir dans ce débat, et nous aurons l'occasion d'aborder cela lors du traitement d'un prochain objet figurant à l'ordre du jour.
Concernant la prostitution des enfants, il existe une loi sur la prostitution, entrée en vigueur, qui protège les mineurs et prévient l'exode de filles entre 15 et 18 ans, qui arrivent par wagons entiers, par containers - j'emploie le mot «containers» à dessein - soit à la gare, soit à l'aéroport. Et cela, c'est indigne ! Aussi, Genève s'est doté d'une loi sur la prostitution afin de protéger ces filles et ces jeunes hommes, et je crois que le problème est réglé. S'agissant des jeunes qui sont dans la rue, avec des mendiants, le problème a été résolu en dix jours, Mesdames et Messieurs, par une action conjointe de M. Charles Beer et moi-même l'année dernière. Il faisait moins dix degrés, des enfants étaient sur le trottoir, ce qui est indigne d'une population quelle qu'elle soit, indigne pour Genève, indigne pour l'humanité.
Revenons à la motion qui nous préoccupe et laissez-moi vous donner des chiffres importants. Depuis que la loi est en vigueur - soit depuis 2008 - le nombre total des rapports de contraventions infligées à des mendiants s'élève à 13 634; cela pour un montant, amendes et frais compris, de 1 629 380 F et concernant 1516 personnes. Juste pour 2011, 1606 rapports de contraventions ont été dressés, pour un montant de 203 000 F. Voilà les chiffres que je voulais vous donner.
On parle de moins de 300 Roms pour une population de 500 000 personnes. Il est important de rappeler certaines choses: la Roumanie est entrée dans l'espace Schengen, il est donc illusoire d'imaginer que l'on puisse renvoyer les Roms. Cela, pour une raison d'ordre administratif. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La raison administrative, elle est pratique. Je peux vous dire que, pour ceux qui sont sur le terrain, la réalité, c'est ça, et il ne faut pas vivre de mythes: la réalité, c'est qu'au bout de deux mois les Roms partent au Luxembourg ou en France, puis ils reviennent. Et le délai reprend, jusqu'à ce que l'on arrive à identifier qu'ils sont là durant trois mois consécutifs et qu'ils n'ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins.
C'est clair qu'il faut appliquer la loi. Mais je vous explique les écueils devant lesquels la police genevoise se trouve pour arriver à les renvoyer. «Renvoyons les Roms !» C'est tellement facile de dire cela ! Laissez-moi vous expliquer la vraie vie, les vraies difficultés que l'on rencontre. Ils sont là depuis quelques semaines, des contraventions sont infligées, leur nombre en atteste. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) On parvient à démontrer qu'ils n'ont pas de moyens de subsistance. Ils arrivent à partir juste avant l'échéance des trois mois... Et quel est le meilleur moyen d'attester qu'ils sont là depuis trois mois, puisqu'ils sont errants ? C'est de leur infliger des contraventions. Ce n'est que grâce à ces dernières qu'on arrive à déterminer qu'ils sont là depuis deux mois et quelques jours. Juste avant l'échéance des trois mois, ils se débrouillent pour passer la frontière, et tout est à reprendre à zéro ! Ce qui rend la dissuasion extrêmement difficile. C'est cela, la réalité !
Je vous ai toujours dit que toutes les lois ne pourront jamais contrevenir à la crédulité et à la bêtise des gens qui continuent à alimenter ces mendiants. Dès le 16 juin, la loi sur le bonneteau entrera en vigueur. (Commentaires. Le président agite la cloche.) A cet effet, un ordre de service est passé, afin que la police puisse appliquer la loi, comme vous le demandez. Cet ordre de service traite de la procédure applicable en matière de contraventions. Les bases légales, vous les connaissez: il y a la loi fédérale, la loi pénale genevoise et la loi sur la police. Le cadre légal existe. Depuis le 1er janvier, nous avons les ordonnances de flagrante contravention; il s'agit maintenant de dissuader ces gens en leur mettant des contraventions le plus souvent possible, de façon à pouvoir conserver leur trace et noter qu'ils sont là depuis plus de trois mois. La réalité, c'est ça !
Maintenant, il faut aussi savoir que toutes les amendes - concernant tous les montants - sont systématiquement cassées par l'association Mesemrom. C'est aussi une réalité ! (Commentaires.) Mais c'est une réalité ! (Brouhaha.) Je ne vous dis pas que c'est bien ou pas: vous me demandez pourquoi on ne les renvoie pas, alors je vous dis que la réalité, c'est ça. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vous dis que la réalité, c'est que, d'un côté, la Ville de Genève emploie des sommes considérables pour vider les camps, les matelas et les installations provisoires et que, de l'autre, elle donne 40 000 F à l'association pour subvenir aux besoins de ces personnes. Je ne pose pas de jugement de valeur, ce n'est pas à moi de juger. Mais mon rôle est de vous expliquer la difficulté et la réalité du terrain, qui est celle-ci ! A partir du 16 juin, la loi sur le bonneteau entrera en vigueur, et l'ordonnance est extrêmement claire à cet effet. Je vous ai donné des chiffres: ils me semblent assez éloquents.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes donc en procédure de vote. Le renvoi en commission n'ayant pas été demandé, je dois vous soumettre, Mesdames et Messieurs les députés, l'amendement MCG à la motion 1970 appelé «amendement général». Voici la nouvelle invite proposée par cet amendement: «à faire application du droit fédéral sur le territoire de la République et Canton de Genève, en mettant en oeuvre tous les moyens utiles pour arrêter, placer en détention et procéder au renvoi systématique de toute personne qui trouble l'ordre public et qui se trouve en situation irrégulière».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 24 oui et 1 abstention.
Le président. Je dois maintenant vous soumettre la proposition de motion 1970.
Mise aux voix, la proposition de motion 1970 est rejetée par 64 non contre 9 oui et 7 abstentions.
Le président. Nous sommes toujours en procédure de vote et sommes saisis d'un amendement MCG relatif à la motion 2009. Il s'agit de biffer la troisième invite ainsi libellée: «à informer la population et les touristes que l'Etat assure, même aux personnes étrangères sans autorisation de séjour, le droit à des prestations d'aide financière si ces personnes ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de leur famille, rendant de ce fait la mendicité superflue».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 23 oui.
Le président. Je vous soumets à présent la proposition de motion 2009.
Mise aux voix, la proposition de motion 2009 est rejetée par 59 non contre 9 oui et 10 abstentions.