République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 mai 2011 à 20h45
57e législature - 2e année - 8e session - 48e séance
M 1992
Présidence de Mme Elisabeth Chatelain, deuxième vice-présidente
Débat
Mme Marie Salima Moyard (S). Mettre en place une véritable valorisation des langues allophones au sein de l'école publique genevoise est le but de cette motion que le groupe socialiste vous propose.
De quoi est-il question ? Vous savez sûrement, ou alors je vous l'apprends, que 42% des enfants scolarisés à Genève sont allophones, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas le français comme première langue parlée. Or de nombreuses études scientifiques ont montré une bien meilleure maîtrise du français lorsque l'on possède correctement sa propre langue maternelle. C'est un premier point. Le second, c'est qu'une langue est aussi une histoire, une culture, une origine. En bref: une identité. Avoir confiance en sa langue d'origine, c'est avoir confiance en soi pour mieux aller vers la diversité culturelle, vers l'autre, dans un esprit d'ouverture, loin de tout ghetto et de repli identitaire.
Vu la forte proportion d'élèves allophones dans notre canton, le statut de ville internationale qui n'est plus à prouver et l'atout que la maîtrise des langues représente aujourd'hui, tous ces éléments ont amené le groupe socialiste à estimer comme une évidence la reconnaissance, la valorisation ou, autrement dit, la mise en place de conditions-cadres par le DIP, en lien avec les ambassades et consulats, très largement représentés dans notre canton, pour renforcer ces apprentissages. C'est d'ailleurs aussi l'avis de la CDIP, la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique, puisque, dans l'accord intercantonal HarmoS, que vous connaissez bien depuis le débat d'hier soir, et dont je cite l'article 4, alinéa 4, il est question de la même problématique: «En ce qui concerne les élèves issus de la migration, les cantons apportent, par des mesures d'organisation, leur soutien aux cours de langue et de culture d'origine (cours LCO) organisés par les pays d'origine et les différentes communautés linguistiques dans le respect de la neutralité religieuse et politique.»
Qu'en est-il donc des invites de cette proposition de motion ? Il s'agit dans un premier temps de faire un état des lieux complet, trop succinct à ce jour, sur l'offre actuelle dans les trois niveaux d'enseignement - l'école primaire, le cycle d'orientation et le postobligatoire - sur les collaborations existantes entre le DIP et les autres partenaires, ainsi que sur les rôles et les responsabilités de chacun, car c'est un dossier qui n'est pas si simple.
Après cet état des lieux, il s'agirait aussi d'élargir l'offre actuelle, de la systématiser, car elle est très disparate aujourd'hui, et de valoriser les compétences acquises dans le parcours de l'élève. Dans la proposition de motion, nous avons pensé à trois éléments, mais il y en a peut-être d'autres. Augmenter l'offre actuelle de cours, à un prix raisonnable, permettrait ainsi à tous les élèves allophones de prendre des cours dans un cadre laïque, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. Un deuxième élément pourrait être le fait de renforcer le rôle de coordination du DIP face à toutes ces représentations d'Etat présentes à Genève; elles sont 165 à ce jour. Finalement - et c'est important pour nous - il s'agirait de mieux reconnaître les acquis des élèves, par exemple en inscrivant systématiquement dans le carnet le cursus de l'élève, voire en le notant, de manière à attester de ses connaissances.
La présidente. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Marie Salima Moyard. La question n'est pas du tout que ces cours soient entièrement assurés financièrement par le DIP, mais il pourrait y avoir une réflexion, peut-être sur un fonds inter-Etats ou sur une aide ponctuelle à des représentations plus démunies que d'autres, car il y a une grande disparité à ce jour.
La présidente. Il vous faut conclure, Madame la députée !
Mme Marie Salima Moyard. C'est ce que je vais faire, Madame la présidente. Voilà pourquoi je propose de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement, afin, dans le contexte de l'harmonisation, du plan d'études romand et de l'accueil continu voté par le peuple, qui sont de grands chantiers, de pouvoir traiter de cette question. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (UDC). Mesdames et Messieurs, maîtriser une langue étrangère est en effet un atout. Une langue étrangère est une culture, les racines qu'il faut effectivement garder et entretenir. Comme vous l'avez très bien dit, 42% des enfants scolarisés à Genève ont pour langue maternelle une autre langue que le français. Dans ces conditions, c'est la langue française qui se trouve largement mise à mal aujourd'hui. Et il s'agirait maintenant, au DIP, non seulement de s'occuper de l'essentiel, en l'occurrence le français, mais aussi de toutes les autres langues allophones pour coordonner le travail avec les 165 représentations de pays étrangers, dont certaines s'occupent déjà de donner des cours. Coordonner et noter les élèves, c'est un travail immense ! Non, ce travail doit se faire au niveau des ambassades, des organisations étrangères.
De plus, j'apprends en lisant cette proposition de motion - je lis cet extrait de la page 5: «Prenons un seul exemple: celui de l'enseignement de l'albanais, dont la communauté à Genève représente environ 12 000 personnes. Cette année, l'enseignement de cette langue n'a pu être garanti qu'à la suite d'un amendement au budget proposé par les socialistes demandant l'allocation d'une somme de 100 000 F au Bureau de l'intégration des étrangers (BIE). En effet, grâce à une partie de cet argent, qui lui sera reversé, la communauté albanaise de Genève sera en mesure de dispenser un enseignement à plus de 300 enfants de 7 à 12 ans [...].» Or ce financement n'est pas garanti pour 2011. Je calcule: 100 000 F fois 165 représentations étrangères... Mais nous n'avons simplement pas les moyens de promouvoir toutes les langues étrangères ! (Commentaires.)
Alors oui, avoir un état des lieux de la manière dont se passe effectivement la coordination, savoir qui enseigne quoi, quelle est la part et quel est le rôle du DIP dans tout cela, je pense que c'est pertinent. Quant à engager le DIP au-delà de son rôle qui, je le rappelle, est déjà d'apprendre aux élèves l'essentiel - en l'occurrence le français, qui n'est pas maîtrisé ou qui est de plus en plus mal maîtrisé - eh bien, je crois qu'engager le DIP au-delà serait exagéré.
Il appartient à la famille, aux communautés étrangères, de favoriser la maîtrise de la langue étrangère, de la langue maternelle des enfants. Je suis moi-même d'origine polonaise. (Remarque.) Ce n'est pas l'ambassade qui m'a enseigné la langue, mais mes parents. Ma mère est même allée jusqu'à m'apprendre le chinois, sachant que, un jour, on devrait peut-être tous le parler. (Commentaires.) Hélas pour elle, après quatre ans d'études, j'ai épousé un Libanais !
Finalement, il appartient à chaque famille de se préoccuper de ses enfants, afin qu'ils aient des racines, et il n'appartient en aucun cas à l'instruction publique de se substituer aux parents.
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Sylvia Nissim. (Le micro de Mme Sylvia Nissim ne fonctionne pas. Quelques instants s'écoulent.) Est-ce possible de brancher le micro de Mme Nissim ? (Remarque.) Prenez la place de votre voisin, Madame la députée. (Le micro de cette place ne fonctionne pas non plus.) Essayez celui derrière... (Mme Sylvia Nissim retourne à sa place, son micro fonctionnant à nouveau. Exclamations.)
Mme Sylvia Nissim (Ve). Voilà, ça fonctionne ! Merci. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts vont soutenir sans hésitation cette proposition de motion socialiste. Contrairement à ma préopinante - qui ne m'écoute pas, mais ce n'est pas grave - nous considérons qu'apprendre sa langue d'origine aide et facilite l'apprentissage du français et des autres langues, par la suite. Nous trouvons les considérants plus que valables, que ce soit par la force des chiffres, vu le nombre d'élèves que cela touche, par la force de l'attractivité de la Genève internationale et par la chance - car c'est bien d'une chance que l'on parle - la chance particulière que Genève a en bénéficiant de la présence de nombreuses représentations étrangères, à travers les ambassades et les missions, et enfin par le non négligeable atout de connaître deux langues ou plus, lors des études mais aussi dans le monde du travail, auquel ces élèves seront vite confrontés.
Les invites, quant à elles, ne mangent pas de pain. Nous sommes persuadés qu'une présentation de l'offre existante à la commission de l'enseignement ne pourra que nous enrichir, mes collègues et moi-même. Concernant la reconnaissance de l'importance des langues allophones et l'encouragement de leur pratique par un programme de promotion pour les rendre plus attractives et mieux les connaître, cela nous semble tout à fait raisonnable et nécessaire. Nous vous recommandons donc le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement, afin que nous puissions en débattre plus avant.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG s'opposera catégoriquement à cette proposition de motion. Nous sommes citoyens, citoyens genevois. A Genève, hier, le parlement a décidé d'ajouter, le mercredi matin, quatre heures d'enseignement à l'école primaire pour les 8-12 ans. Je posais la question en fin de débat: «Mais à quoi serviront ces quatre heures ?» En résumé, le plan d'études romand nous impose un certain nombre d'obligations, c'est vrai: il y a l'anglais qui devient une priorité à introduire pour les élèves de 5e et de 6e; de plus, on voudrait faire un effort pour le développement durable; s'ajoute encore la sensibilisation à la sécurité, aux médias, au cinéma, aux communications de toutes sortes; puis, l'éducation citoyenne vient encore s'ajouter au programme que l'on voudrait imposer aux élèves de 8-12 ans. On a également voté 4 millions pour renforcer l'enseignement prioritairement de la lecture dans les petits degrés.
Les moyens qui ont été mis pour ce mercredi matin, 16 millions, financent l'ajout de quatre heures, alors que, au cycle d'orientation, on vient d'ajouter 30 millions pour la nouvelle grille horaire. On me dira: «Cela n'a rien à voir»... Mais cette proposition de motion ajoute ou désire ajouter des heures pour enseigner des élèves allophones. Alors je prends à partie ce parlement: on vient de voter une motion, proposée par M. Pierre... Weiss - j'allais dire «Bianco» - et...
M. Pierre Weiss. Albus !
M. Jean-François Girardet. «Albus» ! ...et l'on vient d'ajouter une heure d'enseignement du latin pour les classes de 7e du cycle d'orientation. Alors je vous demande comment et où on ajoutera encore des heures d'enseignement pour les allophones, comme le propose cette motion ! Cela d'autant plus qu'il est dit: «Au niveau de l'enseignement primaire, les cours existants, notamment en italien, espagnol, portugais, portugais du Brésil, albanais, turc, arabe, serbo-croate sont financés par les ambassades des pays respectifs ou par des associations agréées par le DIP et subventionnées via le Bureau de l'intégration», comme vient de le rappeler Mme Meissner.
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean-François Girardet. Oui, Madame la présidente. Pour ces raisons, nous estimons, au MCG, que la priorité doit être donnée aux élèves de nos écoles, notamment pour qu'ils apprennent davantage et mieux le français.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Jean Romain (R). M. Girardet a parlé chiffres. Parlons lettres. Connaître sa langue, vous avez raison, c'est connaître sa propre culture et c'est un élément de stabilité pour tout être humain, c'est vrai, quel qu'il soit. Les racines linguistiques sont, à l'évidence, fondamentales, parce qu'on est d'une langue, quelle qu'elle soit, comme on est d'un pays. Une langue, c'est une odeur, une couleur, un lieu d'où elle émane, une saveur; et la saveur des choses est d'abord dans les mots. C'est pourquoi les ambassades et leurs représentations chez nous mettent l'accent sur ce versant de la langue d'origine. Elles le font, et elles le font bien. D'ailleurs, fort heureusement et contrairement à pas mal d'autres villes, nous avons à Genève beaucoup de chance, parce que nous avons justement, à Genève, beaucoup d'ambassades, et c'est cette présence qui assure de manière magnifique ce qu'il leur revient, cette transmission. Ce n'est pas le cas de toutes les villes de Suisse romande, bien moins desservies par cette présence.
Nous ne pensons pas que ce soit la charge de l'Etat que d'assumer, tout ou en partie, cette transmission linguistique. Des cours payés par l'Etat, pour les élèves allophones, cela signifie que l'on prétérite les francophones, tout comme les Suisses allemands venus à Genève, qui eux n'auront pas de cours supplémentaires de français. Or la maîtrise du français, même pour les élèves francophones, même pour eux, est plus que déficiente. Cet enseignement devrait être prioritaire pour tous les élèves de l'école genevoise. Soustraire les cours de langues étrangères aux ambassades des pays concernés ou de leurs représentations chez nous, pour les transférer à la charge de l'Etat ou, éventuellement, dans un partenariat avec l'Etat, c'est augmenter le coût de l'école au bénéfice des seuls élèves allophones !
Nous, nous ne sommes pas amateurs de cette discrimination positive, parce que nous ne sommes pas amateurs de quelque discrimination que ce soit. C'est pour cela que nous ne soutiendrons pas cette proposition de motion.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, il sera de toute façon intéressant de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'enseignement. Il y a des choses à étudier avec lesquelles nous sommes d'accord et il y en a d'autres avec lesquelles nous ne le pouvons pas forcément. Mais ce qui est certain, Madame la présidente, c'est que, pour le parti démocrate-chrétien, il est important de continuer à développer de manière durable les langues d'origine, car nous savons que mieux on maîtrise sa langue d'origine, mieux on s'intègre dans son pays d'adoption. Nous sommes convaincus de la nécessité, voire de l'exigence d'un contrat d'intégration pour les étrangers qui s'installent à Genève, afin qu'ils maîtrisent le français, nos us et coutumes, nos valeurs, nos institutions. Dans la même logique, nous savons qu'il est indispensable de soutenir toute démarche qui renforce le bilinguisme, le trilinguisme, qui est en fait la garantie, Madame la présidente, que Genève reste attractive aux niveaux culturel, social et économique.
M. Pierre Weiss (L). Madame la présidente de séance, je suis heureux de m'exprimer face à vous. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord dire combien je suis reconnaissant aux auteurs de la proposition de motion, qui sont issus de l'Alternative, de reconnaître le rôle positif de la mondialisation. Voilà enfin, ce soir, la mondialisation notamment mise en exergue au début de ladite proposition de motion, et parfois conversion tardive vaut mieux qu'absence de conversion; voilà une bonne chose ! C'est aussi reconnaître implicitement le rôle de l'aéroport de Genève, le rôle des moyens de communication. C'est de la part des auteurs de ce texte un pas significatif que je voulais saluer. Je ne voulais pas oublier de le souligner à l'intention de ceux qui n'auraient pas déchiffré ou décrypté toutes les intentions peut-être subliminales de cette proposition de motion. (Remarque.)
En deuxième lieu, je partage tout à fait l'avis de Mme von Arx-Vernon sur la nécessité d'un contrat d'intégration. L'on ne peut imaginer en effet soutenir une telle proposition de motion si elle ne s'accompagne pas d'une démarche concernant les contrats d'intégration. Or je n'ai pas compris, à la lecture et des invites, et des considérants, et du texte de la proposition de motion, que cette dernière s'accompagne précisément de cette démarche vers les engagements et la responsabilité à l'égard de la société hôte de la part des parents et élèves allophones. Donc, en l'état, cette proposition de motion me semble insatisfaisante. Si elle nous revenait complétée, par les auteurs, d'une volonté de faire signer des contrats d'intégration, mon approche serait certainement différente.
En troisième lieu, il y a la partie qui concerne l'enseignement proprement dit. Alors que l'on nous explique que les grilles horaires sont pleines à craquer, que l'on peine à trouver du temps pour assurer les fondements de notre culture de base - on a vu la discussion pour le latin: même pour une demi-heure, pour une heure, on ne peut trouver que deux trimestres pour le fameux regroupement 3 du cycle - voilà que, soudainement, il y aurait de la place pour les langues allophones ! Il y a quand même un problème de priorité qui se pose ! Doit-on privilégier des minorités ou, au contraire, la culture majoritaire de la société dans laquelle nous vivons ? Je crois que, à cette question, les motionnaires n'ont pas suffisamment, pour l'heure, réfléchi.
Enfin, les conséquences financières doivent aussi être prises en considération. Je ne partage pas la vision un peu catastrophiste de notre collègue Meissner qui imaginait qu'il y ait tout à coup 160 langues que l'on doive subventionner à raison de 100 000 F. Que je sache, les élèves originaires des îles Tonga sont plus faibles en nombre que ceux qui viennent d'Albanie ou du Kosovo. (Remarque.)
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Weiss. Je conclurai simplement en disant que s'il y a effectivement des élèves albanais en grand nombre, il y a également une communauté albanaise qui, pour notamment assurer la vigueur de la société du Kosovo, a su trouver en elle-même les moyens financiers pour transférer dans ce pays, là-bas, les ressources nécessaires. Je suis persuadé qu'elle peut aussi les trouver pour les 100 000 F dont il a été question tout à l'heure, de façon tout à fait légale cette fois-ci.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je suis quand même étonnée de toutes les réactions entendues jusqu'à maintenant. D'abord, il y a une mauvaise compréhension de la proposition de motion... (Remarque.) Oui, mais je vais peut-être vous l'expliquer ! ...et il y a peu d'ambition et de vision du futur. A Genève, on n'a pas de mine d'or ni d'uranium. A Genève, plus des 50% de la population parlent des langues d'origine étrangère. Alors oui, on a donné de l'argent pour que les gens des communautés elles-mêmes apprennent leur langue maternelle, ce qui est important individuellement pour aller de l'avant dans le français et dans l'apprentissage de notre langue cantonale.
Par contre, ici, la demande est d'aller plus loin. C'est de dire que mon enfant - ma fille, mon fils - s'il a envie d'apprendre l'arabe, il le peut, non pas dans la grille horaire, mais dans les heures qui seront en plus, le mercredi matin, ou à d'autres moments dans le cursus scolaire, ou encore à côté de ce dernier. (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai que cela demande de se projeter dans l'avenir, pas d'une mondialisation, mais simplement d'une valorisation de ce qui existe à Genève et que l'on n'arrive pas à porter au-delà des communautés. Et je crois que refuser cette proposition de motion, c'est refuser d'une certaine façon une vision différente de Genève, avec la population qui la compose. Cela avait déjà été relevé, concernant la loi sur l'intégration et le rapport que la commission des Droits de l'Homme avait rendu; on nous avait déjà exposé que des travaux étaient effectués au niveau intercantonal, justement sur ce melting-pot et sur cette valorisation que l'on pourrait faire des langues autres que le français. Il s'agit de pouvoir partager cela aussi avec nous, Genevois, et avec nos enfants.
Genève, qu'on le veuille ou pas, comme le dit M. Weiss, oui, Genève est au centre de l'Europe; oui, on a, à Genève, des diasporas de plusieurs pays du monde. (Brouhaha.) Alors, pouvoir valoriser l'apprentissage de nos enfants dans certaines langues et cultures autres que celles de Genève permettrait peut-être un développement que, malheureusement, nous sommes en train d'enterrer avant d'y avoir réfléchi ce soir.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, il convient peut-être de rappeler que les cours de langues d'origine concernent potentiellement une grande partie de la population scolaire. Permettez-moi de dire que - et cela n'est nullement controversé au niveau de la recherche - tout démontre qu'une bonne connaissance et la maîtrise de la langue d'origine permettent plus facilement d'entrer dans l'apprentissage d'une nouvelle langue, principalement la langue d'accueil, la langue pratiquée dans l'école.
A partir de ce constat - je rappelle qu'il n'est pas controversé - respectivement l'ensemble des pays, mais, plus proches de nous... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...mais, plus proches de nous, l'ensemble des cantons se sont unis pour signer un concordat, que vous avez ratifié, qui s'appelle HarmoS et qui prévoit très clairement dans ses dispositions l'encouragement de l'apprentissage des langues d'origine. Très clairement, également, le plan d'études romand inscrit dans ses objectifs le fait d'encourager l'apprentissage des langues d'origine.
Mesdames et Messieurs, il est inutile de développer de fausses querelles en ce qui concerne les attentes partagées de faire en sorte que la pratique du français soit mieux entretenue et mieux, aussi, partagée. Je pense que nous avons à mesurer cela, et nous devons éviter de l'opposer à langue d'origine.
Monsieur le député Weiss, vous avez évoqué la question, après d'autres, des contrats d'intégration. Peu importe, finalement, le libellé de la proposition de motion, je ne suis pas là pour défendre une proposition de motion; mais je suis là pour défendre les pratiques du département de l'instruction publique, de la culture et du sport, les pratiques encouragées par le Bureau de l'intégration, rattaché au département de la sécurité, de la police et de l'environnement, finalement une vision du Conseil d'Etat où l'on souhaite améliorer le climat scolaire et améliorer la pratique et la maîtrise du français, en passant par cet encouragement.
Bien évidemment, ce n'est pas au détriment du français que nous devons le faire. Preuve en est le fait que le français, en termes de classes d'accueil, se déroule sur l'horaire scolaire, alors que le renforcement des compétences dans les langues d'origine se situe en dehors du temps scolaire. C'est bien cela qui est prévu également. Il faut faciliter cet accès et le fait que les enfants, quelle que soit leur origine, puissent pratiquer leur langue en dehors du temps scolaire, pour mieux se retrouver dans l'apprentissage du français sur le temps scolaire.
Mesdames et Messieurs, je pense que nous avons besoin d'un consensus là autour, parce que cette question n'est pas l'objet, au niveau suisse, de véritables combats, de véritables controverses. Au contraire, au niveau de l'éducation, au niveau des gouvernements, pratiquement l'ensemble des responsables partagent cette vision et cette opinion.
Permettez-moi enfin de dire que, dans les tests PISA... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Je vois que M. Romain rit, mais je ne sais pas dans quelle langue. Ce doit être en latin ! (Commentaires. Chahut.) Alors je souhaite vous dire, car cela vous intéressera tous, et M. Romain aussi, qu'à l'occasion des tests PISA, au niveau suisse, on aura pu montrer que, en neuf ans, l'écart entre les élèves allophones non natifs et les natifs s'est resserré. Oui - parce qu'il faut le remarquer - un certain nombre de choses fonctionnent, y compris dans les départements de l'instruction publique des différents cantons de notre pays !
Je terminerai en disant ceci. Mesdames et Messieurs les députés, soyons très attentifs, si nous voulons parler de la Genève internationale, à ne pas diviser deux catégories de migrants, d'un côté ceux que l'on qualifie très régulièrement «de la Genève internationale» et, de l'autre côté, les immigrés. Mesdames et Messieurs les députés, il ne saurait y avoir de traitement particulier pour une Genève anglophone et on ne saurait considérer de façon diamétralement opposée le sort, par exemple, d'élèves qui sont attachés, par leur origine, à la langue arabe, au turc ou encore à d'autres langues. Mesdames et Messieurs les députés, la Genève internationale - c'est probablement l'un des aspects importants pour son avenir - devra capitaliser également sur la connaissance et le savoir des différentes langues, pour faire en sorte d'attirer tous types d'activités. Bien entendu, nous avons les activités onusiennes et celles des multinationales, mais nous aurons besoin, au niveau des entreprises - et c'est leur quotidien - de multiples langues, maîtrisées par une main-d'oeuvre capable ainsi de jeter des ponts avec l'ensemble des pays. L'environnement de Genève se situe sur la carte du monde comme un point privilégié à cet égard.
Je tenais simplement à remettre tout cela en perspective, du point de vue des pratiques et des objectifs. Nous avons, j'en suis convaincu, fondamentalement le même but: une meilleure intégration, une meilleure maîtrise de la langue française et des langues, ainsi qu'une diversité des langues, de manière à mieux préserver notre avenir en termes de connaissance et d'ancrage dans la communauté internationale. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'enseignement.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1992 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 44 non contre 30 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 1992 est rejetée par 44 non contre 29 oui et 1 abstention.
Présidence de M. Renaud Gautier, président