République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1777-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Envoyer les enfants de Saint-Gervais-Cornavin au cycle de la Gradelle? Une proposition absurde!
Rapport de Mme Mathilde Chaix (L)
P 1780-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Envoyer les enfants des Pâquis au cycle d'orientation de la Gradelle? Une proposition absurde!
Rapport de M. Pascal Spuhler (MCG)

Débat

Le président. J'appelle les rapporteurs à s'asseoir à leur table. (Commentaires.) La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Mathilde Chaix (L), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, à la rentrée 2011, 60 enfants habitant le quartier de Saint-Gervais vont être envoyés au cycle de la Gradelle, à trente-six minutes de bus de chez eux.

Les pétitionnaires regrettent cette décision, d'une part parce qu'elle porte préjudice à l'intégration sociale de leurs enfants dans leur quartier d'origine, mais aussi parce qu'elle rallonge sensiblement et inutilement les journées des enfants dès l'âge de 12 ans. Les pétitionnaires regrettent surtout le manque total de concertation du DIP avec les parents, tant en amont de la décision qu'une fois la décision prise. En effet, il leur a été impossible de discuter des aménagements avec le DIP.

Les pétitionnaires demandent donc un réexamen du nombre de places disponibles dans les cycles du périmètre de Saint-Gervais, afin que les élèves de ce quartier y soient réintégrés. Si cela s'avère impossible, les pétitionnaires demandent de pouvoir, avec le DIP, discuter d'aménagements d'horaires et de dispositions pratiques particulières.

Convaincue de la nécessité de trouver des solutions et, surtout, de la nécessité d'ouvrir le dialogue entre le DIP et les pétitionnaires, et compte tenu de la proximité de la rentrée 2011, la commission des pétitions vous propose, à l'unanimité, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur. La commission des pétitions a décidé de travailler rapidement sur ces deux pétitions étant donné l'urgence, puisque la rentrée scolaire est en septembre: 60 enfants pour Saint-Gervais et 52 pour le quartier des Pâquis. Il me semble que ce n'est pas négligeable et qu'il vaut la peine de repenser ce problème de déplacement, de délocalisation, pour tous ces enfants qui vont devoir, d'un coup, d'un seul, à peine deux mois après l'école primaire, sauter à pieds joints dans l'adolescence. A 12 ans, ces enfants vont être obligés de traverser toute la ville de Genève: un trajet de trente, voire quarante minutes. A 12 ans, on va leur demander d'être responsables et d'assumer un déplacement important pendant les heures de circulation.

Mesdames et Messieurs, cette solution brutale du département de l'instruction publique, de précipiter des enfants de cet âge-là loin de chez eux, est difficilement acceptable ! Et l'on peut comprendre l'inquiétude des pétitionnaires, car le département les prévient tardivement, très près de la date de rentrée scolaire. Ces personnes n'ont pas le temps de se retourner, de s'organiser. Et quand elles essaient de réagir, on leur répond que ce n'est pas possible de changer les choses et que les délais sont trop courts ! Cela prouve le manque total de vision du département ! En effet, comment ne pas prévoir qu'une centaine d'enfants vont sans doute suroccuper des locaux existants, qu'il y aura un manque de places dans ces trois cycles d'orientation - Cayla, Sécheron et Montbrillant - et que ces trois établissements scolaires ne pourront pas accueillir autant d'élèves ? C'est un manque total de coordination, de planification, de la part du DIP !

Les pétitionnaires ont émis plusieurs idées, ne serait-ce que de rajouter des pavillons dans ces écoles... Je pense que ce n'est pas une mauvaise idée, en tout cas provisoirement, en attendant que d'autres structures soient construites. Mais je tiens surtout à souligner le risque inhérent au déplacement qui sera imposé à ces enfants: ils auront 12 ans lorsqu'ils devront traverser la ville à des heures de haute densité du trafic. Et pas forcément en bus, car la liberté de déplacement vaut aussi pour les enfants: s'ils veulent aller à vélo, on peut imaginer le danger que cela représente dans la circulation !

Il faut aussi remarquer que cette délocalisation entraîne des frais: des frais de repas, des frais de déplacement, ce qui est un problème. Les familles concernées n'auront pas forcément les moyens de payer des abonnements annuels de bus. Quant aux frais de nourriture, on ne nous a pas dit que ces enfants pourraient être accueillis par le parascolaire, on nous a indiqué qu'un local serait mis à disposition de ceux qui voudront manger à midi...

Une voix. Le McDonald's ! (Rires.)

M. Pascal Spuhler. Le McDonald's ! Pour les candidats à la malbouffe, bravo ! Si c'est pour faire de nos enfants de petits Américains dodus, non merci, ce n'est pas une bonne idée !

Dernier point que je relèverai: les enfants en question pratiquent des activités parascolaires à l'heure actuelle, or ils ne le pourront peut-être plus, parce qu'ils seront loin de leur quartier. C'est la même chose pour le sport, les cours de langues ou autres, activités qui ont généralement lieu à proximité du domicile, et non pas à l'autre bout de la ville.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la commission vous invite à renvoyer ces deux pétitions au Conseil d'Etat et demande surtout de surseoir à la décision de transférer les élèves concernés au cycle d'orientation de la Gradelle.

M. Jean Romain (R). Vous pouvez peut-être vous étonner que la première des pétitions ait été acceptée à l'unanimité et que ça n'ait pas été tout à fait le cas pour la deuxième, alors que le problème semble exactement le même...

Je vais mettre un tout petit bémol. Nous avons reçu les parents, et cette mesure est apparue, à leurs yeux, comme une provocation: c'est du moins ce qu'ils ont exprimé. Ce n'est pas exact: il ne s'agit pas d'une provocation du département de l'instruction publique, qui imposerait à 50 enfants de traverser le Rhône pour le plaisir ! C'est plus un manque de compréhension des choses ou, peut-être - M. Beer pourra y répondre, ce n'est pas à moi de le faire - à un manque de prévoyance.

Quoi qu'il en soit, il n'est pas exact non plus - c'est l'objet de mon refus - de prétendre que les parents ont été mis devant le fait accompli, puisque la directrice de la Gradelle a reçu elle-même les parents concernés pour leur expliquer la situation.

Il existe cependant - et j'aimerais terminer sur cet élément, pour montrer que le sujet est un peu plus vaste - un problème dû à des différences de seuil d'occupation des bâtiments. En effet, si vous augmentez de 50 élèves le nombre d'enfants d'une école qui en compte déjà 700 - à savoir 750 - cela complique énormément les problèmes de discipline, les problèmes d'organisation interne, les problèmes de surveillance durant les récréations ! Et je vous rappelle qu'au cycle d'orientation il faut surveiller les jeunes pendant les récréations.

Maintenant, est-ce la solution qu'il fallait choisir ? Vraisemblablement pas, et je rejoins les deux rapporteurs sur ce point, mais, de toute façon, on ne peut pas augmenter le nombre des élèves à l'infini sans mettre la discipline en péril. Cette discipline est nécessaire et, je le sais, certains dans ce parlement y tiennent beaucoup.

Une voix. Très bien ! (Commentaires.)

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Le parti socialiste aimerait relever un élément. Qu'il n'y ait pas de places dans certaines écoles et que des élèves doivent momentanément être déplacés, c'est une chose. Et il est vrai qu'un parcours de trente minutes ce n'est pas la fin du monde. Par contre, quand les élèves viennent de régions rurales et qu'ils doivent prendre le train ou le bus pour aller à l'école, une indemnité pour les transports est versée aux familles à faible revenu, justement pour permettre aux élèves de se déplacer dans des conditions acceptables. Pour nous, parmi les demandes des parents, ce point est primordial, et nous invitons l'assemblée à renvoyer - en particulier concernant cette question - ces deux pétitions au Conseil d'Etat.

M. Roger Golay (MCG). La décision de la commission des pétitions ne me paraît pas véritablement être un vote de sanction par rapport au DIP, mais, quand même, nous souhaitons, nous exigeons - en tout cas, j'imagine, la majorité de la commission des pétitions - qu'une solution soit trouvée pour la rentrée. Nous n'allons certainement pas nous contenter d'un rapport dans six mois, voire une année, du Conseil d'Etat pour répondre à ce problème !

Il est inacceptable d'avoir aussi peu de vision d'avenir par rapport à l'urbanisation du quartier, par rapport à la démographie, et de ne pas être capable de prévoir que le nombre des élèves va augmenter ! On voit très bien que le nombre des élèves augmente en première primaire et en deuxième primaire, et il faut bien imaginer que cela va continuer ! C'est un manque total de vision d'avenir, je le répète, du DIP et, en l'occurrence aussi, du DCTI, puisque ces deux départements sont concernés.

La commission a été claire: nous voulons une solution pour que ces enfants puissent rester dans leur quartier et qu'ils ne soient pas déplacés, comme l'ont dit les deux rapporteurs. De plus, prévoir des sandwiches, pendant une année, pour des enfants de 12 ans... (L'orateur est interpellé.) C'est ce qui a été dit en commission ! Oui, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est ce qui a été prévu: des sandwiches seront distribués, et cela dans un local qui n'est pas adapté à la restauration. Voilà ce que le département nous a répondu: des sandwiches pour les enfants. Alors je mets au défi le Conseil d'Etat de bien vouloir aussi, durant une année, se nourrir de sandwiches au moment des repas !

M. René Desbaillets (L). Comme à mon habitude, je ne vais pas faire un grand discours ou exposer mes théories, je vais plutôt rester pragmatique. En commission, nous avons constaté qu'à la rentrée 2012 - c'est-à-dire en septembre 2011 - sans transfert, il y aura moins d'élèves dans les trois cycles de la rive droite, environ 100 élèves de moins. Je ne vois donc pas pourquoi on obligerait une cinquantaine d'élèves à changer de rive et à passer une heure par jour dans le bus, uniquement pour, il faut le dire franchement, le bien-être des enseignants qui veulent avoir de la place dans les salles de classe et dans les salles de professeurs ! C'est inadmissible !

Alors que nous sommes à l'ère de la proximité et que nous cherchons à diminuer les transports, à diminuer la pollution, à mieux manger, voilà que l'on envoie 50 jeunes dans des écoles loin de chez eux - ce qui signifie aussi qu'ils seront séparés de leurs copains de football qui jouent à Varembé, etc. - pour aller à la Gradelle se nourrir d'un sandwich ou d'un McDo, à des heures... C'est inadmissible, d'autant qu'il y a de la place ! Par conséquent, ces élèves doivent rester dans leur cycle d'orientation !

M. Olivier Norer (Ve). Le groupe des Verts partage les propos exprimés jusqu'alors par les différents partis. Un autre élément nous amène à ne pas accepter cette proposition en l'état: le groupe des Verts à toujours cherché, de façon générale, à réduire les déplacements de la population, il n'est donc pas acceptable qu'on fasse le contraire pour des élèves.

Par ailleurs, la proposition formulée par la préopinante socialiste, d'indemniser les familles auxquelles on impose des déplacements supplémentaires, nous semble pleine de bon sens et nous pensons que le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat est tout à fait souhaitable.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe PDC soutient le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

Le problème, c'est que les parent ont été avertis quasiment à la dernière minute. Les explications données ne semblent pas avoir été très claires, et nous espérons que les calculs ont été bien effectués. Parce que de nombreux exemples se sont produits: des jeunes ont dû changer d'école alors que les classes demeuraient vides dans l'établissement qu'il leur fallait quitter.

C'est donc une bonne chose que de renvoyer ces pétitions au Conseil d'Etat. Cela nous permettra d'obtenir une réponse claire et nette, et de savoir s'il fallait vraiment envoyer ces 50 adolescents à l'autre côté du canton.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. D'abord, permettez-moi de vous dire, avec tout le respect que je vous dois, que les précisions que peuvent apporter le Conseil d'Etat et respectivement, en l'occurrence, le département de l'instruction publique, de la culture et du sport, sont évidemment également fonction de leur possibilité de s'expliquer en commission. Mais comme notre audition a été refusée par ladite commission, il est difficile, en même temps, de nous reprocher notre manque d'explications !

Mesdames et Messieurs les députés, il faut choisir ! Monsieur Spuhler, il y a deux pétitions: pour la première, vous avez refusé de nous auditionner - ne prétendez pas le contraire ! - et, pour la deuxième, nous avons pu donner un minimum d'explications. Alors vous pouvez nous reprocher de le faire tardivement, mais, la prochaine fois, évitez de refuser de nous auditionner, et les choses se passeront bien mieux ! Merci beaucoup d'en prendre note !

Par ailleurs, il est facile de dire: «Il n'y a qu'à», «Il suffit de», «Il faut qu'on» ! Mais permettez-moi de vous proposer un petit exercice, celui qui vise à concilier votre élan planificateur d'hier soir sur les bâtiments avec votre souci d'aujourd'hui de penser à la proximité. Mesdames et Messieurs les députés, lorsqu'il a fallu construire davantage de cycles d'orientation, de rénover des bâtiments - nous en aurons finalement construit, vous le savez, trois en dix ans - nous l'avons fait sur la base d'un plan directeur. Et ce dernier prévoit un certain nombre de constructions de logements à proximité desquels doivent naître des écoles, dont un cycle d'orientation.

Alors, nous avons voulu planifier correctement les bâtiments scolaires, notamment en construisant la Seymaz, mais cette dernière devait faire écho, Mesdames et Messieurs les députés, à la construction des Communaux d'Ambilly ! Mais où en est-on dans ce projet ? Alors oui, nous avons anticipé, sous l'angle des bâtiments. Ce que vous avez demandé hier, nous l'avons fait, mais, malheureusement, les décisions ne suivent pas toujours !

Ensuite, il faut suivre ses propres indicateurs du plan directeur. Aujourd'hui, le bâtiment de la Seymaz existe - il est magnifique, du reste, et je rends hommage une nouvelle fois au Grand Conseil pour la construction de ce bâtiment - or, les logements devant l'accompagner n'ont pas été construits ! Ce qui fait que nous sommes aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, en face, tout simplement, d'un déphasage rive gauche - rive droite qu'il faut bel et bien admettre.

Et, en même temps, il est nécessaire - tous les rapports relatifs à la qualité de l'éducation mettent cela en évidence, et je remercie M. le député Romain de l'avoir souligné - de respecter la taille et les effectifs des bâtiments scolaires, notamment par rapport à l'encadrement, le nombre de conseillers sociaux, le nombre de doyens, le nombre de personnels administratif et technique, et de secrétaires.

Alors c'est vrai, il y a finalement, je le concède, des difficultés. Et je vous ferai une confidence: je m'en serais bien passé ! Je me serais en effet bien passé de rendre la vie plus compliquée à quelques familles. Mais, je le répète, nous faisons le maximum pour éviter que les complications soient trop importantes. Or ce n'est tout de même pas Zola ! J'ai l'impression, à vous entendre, que nous entrons dans le monde de «Germinal»... Alors, un peu de mesure ! Car ce que vous dépeignez aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, comme étant un scandale, c'est seulement dix-sept minutes de bus. Non seulement cela a été vérifié et chronométré par la direction générale, mais également annoncé par les TPG, aux heures précises de pointe. Certes, Mesdames et Messieurs les députés, cela peut faire, au total, une demi-heure, car certains jeunes doivent marcher un peu pour arriver à l'arrêt de bus et, ensuite, de l'autre arrêt de bus jusqu'à l'école.

Vous nous demandez de nous préoccuper de ce problème: nous allons le faire ! Comment ? D'abord, en prévoyant un lieu d'accueil pour les repas, ce que nous ferons; ensuite, en tenant compte, chaque fois que cela est nécessaire, de la situation financière des familles, par rapport aux abonnements, de manière qu'elles ne rencontrent pas de difficultés économiques supplémentaires. Nous le faisons. Nous le ferons.

Autre précision, Mesdames et Messieurs les députés - et je n'allongerai pas davantage le débat, Monsieur le président, malgré votre patience qui n'a d'égale que votre bonne humeur. Aujourd'hui, il faut accueillir dans les établissements scolaires bon nombre d'élèves qui viennent de la campagne genevoise. Or, ces élèves prennent le train, prennent le bus ! Et je n'ai pas encore constaté que cela provoquait une brutale dégradation de leurs conditions d'existence !

Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais que vous pensiez - et que nous pensions également à l'avenir - que... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...au-delà du message que vous allez nous adresser en nous renvoyant ces pétitions - là, il n'y a pas de suspense, on appuie sur le bouton, on reçoit les pétitions, et nous ferons de notre mieux, comme on vous l'a dit, concrètement - il faudrait, puisque cette situation émeut le Grand Conseil, faire en sorte qu'à l'avenir nous puissions éviter que des apprentis de 15 ans viennent de tout le canton, même du canton du Jura ou de celui de Vaud, jusqu'à Lancy, pour y recevoir un enseignement qui est centralisé pour toute la Suisse romande sur un seul lieu du territoire cantonal. Il faut avoir un discours cohérent pour tous. Il faut concilier planification et proximité, et ne pas passer d'un débat à l'autre en changeant de discours ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder à deux votes, puisqu'il y a deux pétitions. Je vous soumets tout d'abord les conclusions de la commission pour la pétition 1777.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1777 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 58 oui contre 10 non et 4 abstentions.

Le président. Nous sommes toujours en procédure de vote. Je vous soumets maintenant les conclusions de la commission pour la pétition 1780.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1780 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 47 oui contre 17 non et 8 abstentions.