République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 15 avril 2011 à 20h30
57e législature - 2e année - 7e session - 43e séance
M 1945
Débat
M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il était une fois des fiduciaires auxquelles leurs clients demandaient de solliciter auprès du département des finances un délai. En effet, arrivés à fin mars, nous tous devons donner notre déclaration d'impôt. Jusqu'à l'année passée, il suffisait aux fiduciaires d'une simple liste Excel envoyée par e-mail pour obtenir un délai supplémentaire. Mais, depuis l'année passée, les choses se sont terriblement compliquées - vous en trouverez l'explication détaillée en page 3 de notre motion - avec pour conséquence qu'après avoir reçu par la poste un troisième mot de passe - alors qu'avant un simple e-mail suffisait - les fiduciaires pouvaient enfin accéder à l'administration en ligne. Ce qui veut dire que, d'une année à l'autre, alors que l'informatique, que les progrès technologiques auraient dû aller vers encore un peu plus de simplification... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...l'administration fiscale a pris exactement le chemin inverse et a compliqué, par dix, cette simple procédure administrative.
C'est la raison pour laquelle, le 31 mars 2010 - il y a un peu plus d'une année - le groupe UDC a déposé cette motion comprenant trois invites. (Brouhaha.)
Evidemment, l'ordre du jour aidant, nous nous penchons seulement aujourd'hui sur cette motion. Cela nous oblige à vous présenter des amendements sur les deux premières invites, que vous avez reçus sur vos tables. Ce sont des amendements que j'ai préparés avec l'aide de mon collègue M. Jeanneret et qui simplement réactualisent cette motion, parce que, sur le fond, la difficulté qui est causée aux entreprises demeure.
C'est la raison pour laquelle je vous prierai d'accueillir favorablement cette motion et de la renvoyer en commission fiscale.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, vous savez tous que, lorsque l'on étudie les comptes en commission des finances, on part en sous-commission dans les départements. Nous avons eu l'immense chance, avec ma collègue Anne-Marie von Arx-Vernon, d'aller voir le département des finances. Nous avons posé la question que vous vous posiez et nous avons eu des réponses. (Brouhaha.) C'est pas mal du tout ! Les réponses sont relativement simples, et ça va vous expliquer pourquoi les Verts ne voteront pas cette motion et ne la renverront pas non plus en commission - en même temps, si elle doit y aller, ce n'est pas plus grave que cela.
Les réponses qu'on nous a données sont assez simples: oui, il y a eu un problème informatique, oui, la procédure était trop compliquée, et les choses sont en train de se régler.
L'autre problème qui s'est posé et qui était très clair, c'est que les fiduciaires renvoyaient par feuille Excel la liste de tous leurs clients. Mais ces derniers avaient pu, pour certains, déjà faire leur déclaration d'impôt, pour d'autres, changer de fiduciaire et, pour d'autres encore, connaître d'autres types de situations. Et comme il n'y avait pas d'identification des personnes qui étaient bien clientes des fiduciaires, eh bien cela donnait un travail en surplus à l'administration. En effet, un certain nombre de contribuables se retrouvaient à double ou à triple, en étant déclarés à la fois en attente de déclaration et comme ayant eux-mêmes renvoyé leur déclaration à temps.
Vous imaginez donc bien qu'il a fallu un peu clarifier tout cela et que, effectivement, le problème existe, a existé et a été compliqué. Mais tous ces gens ont pris la peine de discuter entre eux, et les réponses sont déjà apportées. Monsieur Bertinat, nous vous fournissons cette réponse directement avec ma collègue Anne-Marie von Arx-Vernon. Dès que le rapport sera rédigé, vous aurez toutes les informations qu'il vous faut.
M. Claude Jeanneret (MCG). Chers collègues, voilà encore une demande qui paraît peut-être bizarre, mais il faut situer le problème là où il est. Il y a une question d'égalité de traitement entre tous les citoyens. Certains citoyens disposent de biens qui ne sont pas des biens exceptionnels - c'est un petit appartement, c'est un studio ou c'est une copropriété. Et dans le cas d'une copropriété, on n'a jamais les comptes avant la fin du premier semestre, ce qui fait qu'on ne peut pas faire la déclaration avant.
Il y a deux ans, l'administration fiscale a pris une initiative - extrêmement sympathique pour elle, mais pas pour le contribuable - c'est de taxer toutes les demandes de prolongation de délai. Or il faut vous dire une chose, c'est qu'on reçoit la déclaration fin janvier, si tout va bien, et qu'on doit la rendre pour le 31 mars.
Déjà, si on veut condamner les fiduciaires, qui ne sont quand même pas seulement des gens qui gagnent de l'argent sur les déclarations, mais qui constituent quand même - Monsieur Hiler, j'espère que vous l'approuvez - une aide vis-à-vis de l'administration fiscale... Parce qu'en général ce qui est fait dans une fiduciaire est effectué de manière professionnelle, et la déclaration est complète. Mais surtout - surtout - c'est la question de l'iniquité de traitement vis-à-vis de quelqu'un qui ne peut pas déclarer et qui est condamné à payer un droit de prolongation de délai. C'est totalement inadmissible. Evidemment, ça rapporte un petit peu d'argent, mais il n'est pas normal d'avoir des délais aussi courts et de taxer - en fait, d'une manière un peu arbitraire et inique - ces pauvres contribuables qui ont eu le malheur d'économiser pour acheter un petit appartement.
Le deuxième point que j'aimerais relever - et là, M. Bavarel me fait sourire, quand il raconte des choses invraisemblables - c'est que, lorsque l'on envoie une liste à l'administration, qui est de toute façon une liste tenue dans un certain ordre et qui peut être lue, disons, de manière informatique... Eh bien, lorsqu'une déclaration est rentrée, on vous renvoie la liste en disant: «Déclaration rentrée», etc. C'est fait automatiquement, ce n'est pas un travail. Ce n'est pas de la correspondance, et quand on me parle de travail à ce propos... Non, ce n'est pas du travail, c'est simplement un service normal d'une administration vis-à-vis d'un citoyen honnête !
En plus de cela, je dois dire qu'on ne peut pas imposer aux fiduciaires de travailler deux mois par année. Les six premiers mois de l'année représenteraient un délai normal, quitte à ce que, à ce moment-là, les délais demandés plus tard pour des raisons différentes soient peut-être, eux, taxés d'une manière un peu plus lourde. Mais donner deux mois pour remplir une déclaration et récupérer toutes les informations, ce n'est pas normal ! Là, je dois dire que l'administration commet un rapt sur le citoyen. Et je m'élève en faux quand on dit que c'est pour une rationalisation. Pas du tout !
Monsieur Bavarel, je vais vous dire une chose, c'est simplement l'histoire qui s'est passée. Il y a eu des demandes par des fiduciaires, effectivement; il y a eu deux ou trois citoyens, qui étaient peut-être un peu sportifs, qui ont dit: «On n'a jamais demandé de délai pour la déclaration, on ne veut pas payer les frais !»
Le président. Il vous reste dix secondes, Monsieur le député !
M. Claude Jeanneret. Et, dans le fond, ils avaient raison de ne pas vouloir payer les frais.
Alors, s'il vous plaît, vis-à-vis de l'équité, de l'équité de tous les citoyens par rapport à une administration, je vous demanderai, chers collègues, de bien vouloir accepter cette motion.
Une voix. Bravo !
M. Philippe Morel (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, renseignements pris auprès des fiduciaires, il apparaît que la demande de report d'une déclaration fiscale est acceptée assez facilement. Il semble même que les déclarations fiscales qui sont envoyées par les fiduciaires sont contrôlées de manière moins rigoureuse que les autres. Donc, du point de vue de la pratique et des fiduciaires, ça semble facile.
Par contre, il persiste un doute sur les coûts engendrés par ce report, coûts qui pourraient effectivement être additionnels par rapport à ceux qui remplissent leur déclaration rapidement. Nous attendons donc une réponse sur le problème des coûts. Mais sur la facilité pratique de le faire, il semble, d'après les fiduciaires qui ont été contactées, que cela soit relativement aisé.
En l'état, et sous réserve de la discussion concernant les coûts, le groupe PDC propose donc de refuser cette motion.
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, personnellement, j'ai aussi étudié la question avec des fiduciaires. J'ai demandé à plusieurs d'entre elles s'il y avait un problème avec les délais. Toutes m'ont répondu que non. Et puis je suis allée sur le site de l'Etat. Et sur le site de l'Etat, qu'est-ce qu'on me dit ? On me dit qu'il y a un délai initial au 31 mars - inscrit sur la déclaration - c'est-à-dire deux mois après la date d'envoi de la déclaration. Il y a une première prolongation au 30 juin, cinq mois après l'envoi de la déclaration. Puis il y a une prolongation exceptionnelle au 30 septembre. Beaucoup de fiduciaires ont justement cette possibilité-là. En plus, qu'est-ce qui est marqué ? «Prolongation pour cas particuliers» au-delà du 30 septembre, c'est-à-dire au-delà de huit mois après la date d'envoi de la déclaration.
Alors moi, je suis un peu surprise d'entendre qu'il y a ce problème-là. Si vous allez sur le site de l'administration fiscale, il y a tout, vous êtes renseignés sur tout. (Remarque.) Certaines fiduciaires m'ont dit que, chaque fois qu'on demande un délai supplémentaire, ça coûte dix francs. Je ne sais pas si c'est vrai, mais, en tout cas en ce qui concerne le délai, il n'y a absolument pas de problème puisque - je peux vous faire une copie, ou vous pouvez aller sur le site - vous avez trois ou quatre possibilités, même au-delà du 30 septembre.
J'aimerais que M. le conseiller d'Etat en charge des finances nous confirme si c'est la pratique. Moi, en tout cas, c'est ce que j'ai cru comprendre et ce que certaines fiduciaires m'ont effectivement confirmé. C'est la raison pour laquelle, Monsieur le président, le groupe socialiste refusera cette motion.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il y a effectivement eu, à l'introduction du système, un problème - il faut le dire. Et son origine est la suivante: dès lors qu'on facturait le délai, il fallait qu'on le facture à la bonne personne. Or je suis désolé de vous dire qu'effectivement les listes qui étaient envoyées comportaient un taux d'erreur trop important, pas de toutes les fiduciaires mais de bon nombre d'entre elles. Vous savez pertinemment, Monsieur Jeanneret, que la qualité des fiduciaires est inégale à Genève, et même très inégale. A un moment donné - et c'est ce qui a occasionné un certain travail - il a donc fallu, si elles voulaient utiliser l'administration en ligne, qu'elles s'identifient, et cela voulait dire déposer un code. Ça a été une première chose. Deuxièmement, il fallait également qu'elles réfèrent spécifiquement au code de déclaration, ce qui exigeait sa saisie.
Alors elles ont été informées en décembre par la newsletter du département, et elles ont été encore informées en janvier. Mais vous savez très bien comment les choses se passent: c'est au moment où le problème se pose que les gens le voient. Et beaucoup de fiduciaires, quand elles l'ont réalisé, ont eu une crainte sur le délai, raison pour laquelle l'AFC, l'année passée, avait consenti un délai supplémentaire. Le fait est qu'à l'introduction il y a eu un problème, que ce problème a été réglé et que, maintenant, nous sommes revenus à une situation normale.
Reste l'émolument de dix francs. Mesdames et Messieurs les députés, je dois quand même vous dire que, dans beaucoup de cantons suisses, les délais ne sont pas aussi généreusement accordés. Il y a même des cantons où il n'y a pas de délais, à vrai dire. (Brouhaha.) Donc, entre pas de délais et le fait de tenir compte du travail des fiduciaires et de prévoir un échelonnement, il y a une balance que nous avons faite. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, gérer un délai implique un coût, un double coût, il faut le gérer. Ce n'est pas cher si c'est par informatique, c'est un peu plus cher si c'est par courrier.
Et il y a un deuxième coût, c'est un coût d'organisation, parce qu'effectivement nous nous devons d'avoir suffisamment de travail les premiers mois de l'année. L'administration a relativement peu de travail en janvier-février, elle fait les formations. Mais il y a un moment où il faut quand même que les déclarations s'échelonnent; parce que, si tel n'est pas le cas, qui va nous tomber dessus pour nous dire que c'est invraisemblable que l'on n'ait pas fait 95% des déclarations à la fin de l'année ? C'est votre parlement ! C'est l'aimable M. Jeanneret ! Qui va nous dire: «Mais comment c'est possible ?!» (Remarque.) Eh bien non ! Evidemment ! Si on veut que ce soit fini à la fin de l'année, c'est comme le lièvre et la tortue, vous savez: il faut partir à temps ! (Rires.) Et si on veut partir à temps, il faut prévoir une petite incitation économique - selon les bonnes théories en vigueur aujourd'hui - afin de stimuler l'un ou l'autre contribuable.
Il y a eu une tempête dans un verre d'eau, et le verre d'eau a beaucoup souffert. (Exclamations.) Maintenant, nous sommes revenus à la normale, de sorte que vous pouvez paisiblement refuser cette motion, sans souffrance énorme de la part des contribuables qui, par ailleurs - je vous le signale quand même - ont bénéficié d'une baisse d'impôt se chiffrant tout de même à 400 millions pour l'année 2010.
Une voix. Grâce à qui ?
M. David Hiler. Il est navrant qu'il ait fallu, comme dans toute nouveauté, essuyer les plâtres. L'affaire est close. Votre parlement n'a pas donné l'urgence, et nous pouvons maintenant passer à des choses sérieuses, si vous le voulez bien ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission fiscale.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1945 à la commission fiscale est rejeté par 59 non contre 23 oui et 1 abstention.
Le président. Nous avons reçu un amendement qui a été annoncé par l'un des auteurs. Cet amendement modifie le texte des deux premières invites, la troisième restant inchangée. Nous allons le voter globalement, si vous êtes d'accord.
La première invite devient: «à renoncer aux exigences nouvelles de l'AFC depuis 2010, s'agissant des demandes de délais par l'intermédiaire de fiduciaires». Et la deuxième invite acquiert la teneur suivante: «à accepter jusqu'au 30 juin de chaque année les demandes qui lui seront présentées par les fiduciaires selon la procédure ancienne (numéro de contribuables)».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 23 oui et 3 abstentions.
Le président. Nous nous prononçons maintenant sur la proposition de motion elle-même.
Mise aux voix, la proposition de motion 1945 est rejetée par 59 non contre 22 oui.