République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1942
Proposition de motion de Mmes et MM. Eric Stauffer, Roger Golay, Mauro Poggia, Thierry Cerutti, Claude Jeanneret, Jean-François Girardet, Pascal Spuhler, Sandro Pistis, Henry Rappaz, Dominique Rolle, André Python, Jean-Marie Voumard, Florian Gander, Marie-Thérèse Engelberts : Frontaliers: la bombe fiscale qui va exploser et ravager les finances du canton de Genève. Renégocions l'accord de 1973 !

Débat

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez, il y a un accord qui régit l'imposition des travailleurs frontaliers sur le canton de Genève. Cet accord date de 1973 et prévoit que 3,5% du salaire brut est reversé à la France chaque année. Résultat des courses, il faut savoir que, quand cet accord a été négocié - je vous dis cela de mémoire - ça concernait environ une dizaine de millions de francs. Pourquoi ? Parce que, avant d'engager un frontalier, eh bien l'employeur devait justifier de trois recherches sur le marché local, passer par une commission tripartite et ensuite justifier d'un besoin particulier d'une main-d'oeuvre qu'il ne trouverait pas sur le canton de Genève. Evidemment, depuis l'entrée en vigueur des accords de libre circulation le 1er janvier 2002, eh bien toutes ces restrictions sont tombées, et nous avons effectivement connu une explosion du nombre de frontaliers et bien sûr de la masse salariale. Aujourd'hui - toujours de mémoire - cela représente, à la louche, quelque chose comme 200 millions par année.

Alors, ce n'est pas tellement sur le montant qui est payé par année aux départements de l'Ain et de la Haute-Savoie, puisque c'est surtout ces deux départements qui sont concernés... En effet, un accord a été signé, et donc pour l'instant il est en vigueur et on doit le respecter; et Genève a pour habitude de respecter les accords qu'elle signe. En revanche, du côté français, le respect n'a peut-être pas la même signification que pour nous autres, Genevois. L'utilisation qui est faite de cette manne providentielle - c'est-à-dire à peu près 200 millions de francs par année - a été quelque peu, au fil des années, détournée de ce qui avait été signé dans l'accord. J'en veux pour preuve que l'accord - et je vous dis toujours cela de mémoire - prévoyait que cet argent devait servir à la construction d'infrastructures sur le territoire français. Alors c'est vrai que, aujourd'hui, les 52 communes qui bordent le canton de Genève et la frontière suisse se sont toutes dotées - enfin, la majorité - d'une piscine municipale, d'une bibliothèque municipale au moyen de cette manne qui tombait du ciel. (Commentaires.) Et puis, au fur et à mesure que les années sont passées, eh bien cela a été détourné par les conseils régionaux, et les communes ne voient finalement plus beaucoup d'argent de cette manne.

J'ajouterai l'élément suivant concernant le manque de respect des autorités françaises par rapport à la convention signée. Une fois par année - et ce n'est pas M. le conseiller d'Etat qui va me contredire - les autorités françaises, représentées par les préfets respectifs, doivent justifier de l'utilisation de ces fonds auprès du Conseil d'Etat genevois. Or figurez-vous que, lorsque le MCG a commencé à mettre le doigt dessus, il y a déjà quelques années - et M. le conseiller d'Etat l'avait admis, c'est dans le Mémorial du Grand Conseil - ça faisait des années que les Français ne donnaient plus la justification de l'utilisation de ces fonds. Ça a été quelque peu rétabli, mais nous aimerions aujourd'hui renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Elle n'a pas d'effet contraignant vis-à-vis de ce dernier, mais elle va peut-être l'aider à faire quelque peu pression sur la France au motif que, par exemple, les parcs et relais - les P+R, comme on les appelle communément à Genève - en France, il n'y en a pas ou très peu. Alors on nous dit qu'il y en a qui sont prévus, mais enfin, vous savez, les promesses rendent joyeux les fous ou fous les joyeux, c'est selon ! (Commentaires.)

Nous aimerions par là mettre l'accent de manière très particulière sur l'utilisation de ces fonds, encore une fois, pour que le Conseil d'Etat puisse affirmer la position des Genevois et dire qu'une région - comme on l'a indiqué ces deux derniers jours - se construit ensemble et pas de manière unilatérale, et que ces fonds doivent réellement servir les collectivités locales auxquelles ils sont destinés et ne pas être détournés par des conseils régionaux; Rhône-Alpes par exemple, qui se prend la grosse part du gâteau et ne réalise pas les infrastructures locales.

On pourrait imaginer qu'ils ont utilisé cela pour construire l'autoroute A 41 qui relie Annecy à Bardonnex. Mais, évidemment, ça va à l'encontre de ce que les Genevois ont voulu. En effet, nous autres, Genevois, nous avons voulu privilégier le transport collectif en faisant et en votant un CEVA, alors que les Français ont investi pas loin d'un demi-milliard d'euros pour construire cette autoroute qui est la plus chère de France aujourd'hui.

Alors il faut aujourd'hui que le gouvernement...

Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Je conclus, Monsieur le président. Il faut que le gouvernement s'affirme, avec une volonté du parlement claire et déterminée, afin que les Français utilisent de manière efficace et constructive pour la région ces fonds que Genève leur donne. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Mme Loly Bolay (S). M. Stauffer n'a pas fait mention de la problématique de ce frontalier suisse qui a fait recours au Tribunal fédéral en demandant que ses frais de transport lui soient déduits. Vous n'en avez pas parlé, c'est pour cela que moi, j'en parle ! Votre motion dit que, selon une fiduciaire, la perte se situerait entre 100 et 200 millions si tous les frontaliers - je rappelle qu'il y en a environ 90 000 - demandaient à chaque fois une déduction de leurs frais de transport.

J'aimerais juste dire que, selon les chiffres que j'ai - et M. le président du département pourra les confirmer ou non - à l'heure actuelle, la somme de 100-200 millions n'apparaît absolument pas puisque, dans les chiffres de 2010 ou de 2009, par exemple, environ 5400 frontaliers ont effectivement demandé à revoir leur imposition suite à cette décision du Tribunal fédéral; 5400 frontaliers dont environ la moitié - 2900 - ont décidé de retirer leur demande. Pourquoi ? Parce qu'un frontalier ne peut pas dire: «Ecoutez, je suis frontalier, et suite à cette décision du Tribunal fédéral, j'aimerais déduire mes frais de transport.» Il ne peut pas le faire, parce qu'il faut d'abord qu'il prouve que ses revenus proviennent à 90% de Suisse. A partir du moment où il veut être traité comme un Suisse, c'est-à-dire avoir droit à ces déductions des frais de transport, il faut aussi qu'il déclare tout le reste. Or, pour beaucoup de frontaliers, ça ne les intéresse pas de déclarer tout le reste, parce qu'ils ne seraient pas gagnants, ils seraient plutôt perdants.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste ne peut pas accepter cette motion. En effet, s'agissant de certaines invites, notamment concernant les P+R - on en a souvent parlé ici - il n'y a pas de différence qui est faite entre les frontaliers et les Suisses. Les frontaliers ne paient pas moins pour un parking, un P+R, qu'un Suisse. C'est totalement faux, nous l'avions déjà prouvé.

En plus de cela, les chiffres pour cette année sont les mêmes que l'année dernière: il y a 5700 frontaliers qui ont demandé à déduire leurs frais de transport mais, comme l'année dernière, il y en a 3000 qui ont décidé de se retirer parce qu'ils seraient plutôt perdants que gagnants.

J'imagine, Monsieur le conseiller d'Etat, que vous pouvez peut-être confirmer ou non ce chiffre et nous dire si la perte pour les rentrées fiscales - comme l'indique la motion - serait de 100 à 200 millions. Peut-être pouvez-vous nous dire si, évidemment, c'est loin d'être la vérité et que les chiffres sont vraiment bien inférieurs à ces montants-là.

C'est la raison pour laquelle, Monsieur le président, le groupe socialiste refusera cette motion.

M. Charles Selleger (R). La position du parti radical concernant cette motion ne sera pas de la soutenir, en l'état en tout cas. Effectivement, déjà, la première invite, qui fixe les montants de 3,5% et de 2,5%, est loin d'être claire pour nous. Elle mériterait une analyse soigneuse en commission.

Et puis cette motion contient également des invites tout à fait stigmatisantes, anti-frontaliers, auxquelles notre parti ne souscrit pas.

En l'état, cette motion ne sera donc pas votée par notre groupe. Par contre, nous ne nous opposerons pas à une éventuelle demande de renvoi, si elle est formulée, à la commission fiscale.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion est une liste à la Prévert rassemblant un nombre considérable d'invites hétéroclites. Elle aborde des aspects fiscaux, de mobilité et d'emploi.

Pour ce qui est des aspects fiscaux, notre parlement s'est déjà prononcé hier sur la rétrocession accordée aux entreprises au titre de l'impôt à la source. Nous estimons qu'il n'est donc pas nécessaire d'y revenir.

Ensuite, renégocier l'accord de 1973 est selon nous une mauvaise idée pour le moment. En effet, le projet d'agglomération qui nous a été présenté aujourd'hui prévoit justement que nos voisins français participent financièrement, notamment en ce qui concerne la construction du CEVA. (Brouhaha.) Il serait donc complètement contre-productif, à l'heure actuelle, de diminuer la rétrocession qui est faite à la France sur la masse salariale des travailleurs frontaliers.

Pour ce qui est de l'emploi, les Verts pensent en effet que l'économie genevoise devrait faire un effort plus important dans l'engagement de chômeurs de longue durée. Mais nous ne pouvons accepter la politique de stigmatisation du MCG envers une partie des travailleurs qui participent à la prospérité de notre canton.

Enfin, l'idée d'augmenter massivement le prix des abonnements P+R est totalement farfelue, puisque ce serait autant de voitures qui entreraient au centre-ville, l'encombrant encore davantage.

Pour toutes ces raisons, les Verts refuseront de voter cette motion.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est certain que le groupe UDC, sur bien des aspects, souvent, rejoint ou du moins apprécie les propositions du MCG, qui peuvent revêtir, par certains côtés, un intérêt.

En ce qui concerne cette motion - je vous le dis d'emblée - nous ne l'aurions pas rédigée de cette façon, en ce sens que, comme l'a dit ma préopinante, on fait appel à plein d'objets. Peut-être qu'ils mériteraient d'autres interventions mais, en tout cas, ils ne doivent pas être amalgamés dans le même objet.

Ainsi, après réflexion, le groupe UDC vous a proposé un amendement. Il est clair que nous ne pourrons pas modifier la nature d'un texte qui est proposé, mais nous aurions préféré une résolution. Il nous semble en tout cas intéressant de demander à Berne d'examiner la première invite visant à renégocier l'accord, en ce sens qu'elle dit simplement: «Est-ce qu'on ne doit pas calculer ces 3,5% sur la masse salariale nette au lieu de la masse brute ?» Ceci nous semble une piste intéressante, vu ce qui se passe. C'est pour cette raison que le groupe UDC vous propose cet amendement visant à ne garder que la première invite de cette motion et à écarter toutes les autres.

Avec cela, le groupe UDC votera cette motion; autrement, il s'abstiendra.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Mauro Poggia, à qui il reste une minute.

M. Mauro Poggia (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. J'ai entendu certains intervenants, du côté de la gauche, qui ont considéré que cette motion était anti-frontaliers. C'est vrai qu'on aime bien - lorsque le MCG propose quelque chose - stigmatiser, toujours taper sur le même clou, quitte à ne pas lire les textes qu'on a sous les yeux, parce que ça fait bien de dire que le MCG est anti-frontaliers. Alors, prenez vos plus belles lunettes, chers collègues, et regardez les invites. Vous verrez que ces invites n'ont rien d'anti-frontaliers. On demande simplement au Conseil fédéral de renégocier les accords de 1973, par lesquels - je rappelle - nous versons 200 millions par année aux communes limitrophes de la Suisse; 200 millions qui seraient censés permettre auxdites communes de créer des infrastructures destinées notamment à favoriser la diminution du trafic pendulaire. Vous le savez, il n'y a pas de park and ride qui se constitue en France. Vous le savez aussi, la France est incapable de réunir les malheureux 100 millions d'euros qu'il faut pour faire arriver ce CEVA depuis la frontière suisse jusqu'à la gare d'Annemasse - gare d'Annemasse dans laquelle on ne prévoit absolument rien pour attirer les travailleurs frontaliers et les inciter à prendre les transports publics.

Ces 200 millions ne servent donc qu'à embellir les communes françaises avoisinantes. Tant mieux, sans doute, mais cette somme ne devrait pas servir à garnir les bacs à fleurs pour faire réélire les maires desdites communes. Elle devrait servir précisément à favoriser ces travailleurs frontaliers qui apportent de la richesse non seulement à Genève - et le MCG le reconnaît - mais également dans lesdites communes.

Je ne parle même pas des 90 millions par année, dans la péréquation fiscale au niveau de la Confédération, que Genève doit verser compte tenu des masses salariales qui sont réalisées par les frontaliers à Genève. C'est une somme particulièrement importante qui est à charge de Genève, et ce que demande...

Le président. Il vous faut songer à conclure, Monsieur le député !

M. Mauro Poggia. Je termine tout de suite, Monsieur le président. Ce que demande simplement cette motion, c'est que l'on remette l'ouvrage sur le métier. Dans ce sens, nous demanderons le renvoi de cette motion à la commission fiscale. Je vous remercie.

M. Guy Mettan (PDC). En l'état, le parti démocrate-chrétien refusera cette motion, d'abord parce que - ça a déjà été dit - elle ressemble à un curieux bric-à-brac et mélange à la fois des considérations internationales, de mobilité, de parking, fiscales, etc. Il n'y a pas de cohérence dans cette motion.

Cela dit, c'est vrai qu'il faut reconnaître qu'il y a quand même des invites intéressantes, notamment l'invite numéro 2 qui consiste à encourager l'engagement de personnel résidant sur le canton. C'est vrai que la pression des frontaliers a créé et crée un certain malaise à Genève, parce que la population genevoise a l'impression qu'on engage trop de frontaliers. Nous avons eu l'occasion, à la sous-commission des finances, d'auditionner M. Longchamp mercredi ou mardi dernier et, effectivement, nous avons abordé ce problème. M. Longchamp nous a dit qu'il écrivait à chaque entreprise et à chaque service public, lorsqu'il y a un engagement, pour les encourager à d'abord faire appel aux chômeurs genevois avant d'engager un frontalier. Je pense que c'est une mesure qui doit être soutenue et peut-être encore plus généralisée.

Voilà pour un point, mais ça n'est pas l'objet de cette motion. On nous promet, dans les considérants, d'aborder le problème du Tribunal administratif concernant les déductions des frais de transport. Or ce n'est pas du tout abordé dans les invites. Et qu'est-ce qu'on nous propose ? D'ouvrir la boîte de Pandore en révisant le traité de 1973.

Là, je crois qu'il y a une profonde incompréhension de ce qui se passe au niveau de la région, parce que, si vous allez voir les communes françaises... Nous avons l'impression que celles-ci - d'après ce que j'ai entendu - construisent des bacs à fleurs, des piscines, etc. C'est entièrement faux. Pourquoi ? Parce que les communes frontalières qui accueillent, justement, beaucoup de constructions et de frontaliers sur leur territoire, eh bien elles ont l'impression d'avoir tous les coûts pour elles et pas de recettes. En effet, qu'est-ce qui coûte cher quand on doit loger des gens ? Et les communes genevoises le savent bien, qui, elles, hésitent de leur côté à accueillir des logements parce qu'elles savent que cela engendre des frais... Ce sont des frais d'écoles, des frais de routes, des frais de voirie, ce sont toutes sortes de frais de cette nature qu'elles doivent prendre en charge pour accueillir ces nouveaux habitants. Et ces frais ne sont pas du tout couverts par les 3,5% que nous leur accordons.

Donc, si nous renégocions ces accords, ce n'est pas 3,5% qu'elles nous demanderont, mais 15%, 20% ou 30%. Et je pense que, pour le moment, nous avons autre chose à faire que cela; sans compter - et ça a été aussi dit - que cet argent, 200 millions, est peut-être une somme qui paraît importante, mais elle est faible par rapport à la masse de salaires que cela représente. Elle est quand même réinvestie dans la région parce que, même si c'est la région qui prend sa part, c'est la région qui finance aussi une partie du CEVA, c'est la région qui financera - si c'est accepté - toute la rénovation des voies de chemin de fer qui est prévue en France voisine...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Guy Mettan. Donc la région apporte aussi cette contribution au développement de notre propre agglomération.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de rejeter cette motion.

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous donner quelques informations qui vous permettront sans doute de vous faire une idée plus précise. D'abord, l'arrêt du Tribunal fédéral n'a effectivement pas été suivi - contrairement à ce que nous redoutions, à vrai dire - d'un nombre très important de demandes de révision. Cette année encore, les demandes de révision sont moins importantes que nous pouvions le croire. Pour quelles raisons ? En premier lieu parce que les choses, comme l'ont dit Mme Bolay et d'autres, sont relativement compliquées.

D'abord, pour pouvoir faire ces déductions, il faut avoir le statut de quasi-résident. Un quasi-résident doit avoir 90% de ses revenus qui viennent d'une activité dans le canton de Genève. Il suffit donc qu'il y ait deux salaires - l'un sur France, l'un sur Suisse - il suffit qu'il y ait une valeur locative en France et qu'elle soit relativement importante pour que le contribuable ne puisse pas prétendre au statut de quasi-résident.

Par ailleurs, comme c'est l'ensemble des revenus - à ce moment-là - qui sont pris en compte dans l'assiette suisse, qui seront taxés, eh bien, pour un certain nombre de cas, l'opération n'est pas du tout favorable au contribuable. En fait, il a avantage à profiter du barème. Un certain nombre de gens se sont adressés au Groupement transfrontalier européen et, effectivement, dans bien des cas, il n'était pas avantageux pour les contribuables d'avoir un statut de quasi-résident.

En plus, comme vous le savez, notre déclaration n'est pas d'une simplicité enfantine et est par ailleurs assez différente de celle des Français. Elle n'est nullement remplie d'avance, contrairement à une partie de la déclaration française, de sorte que finalement, cette année encore, on peut s'imaginer que les pertes fiscales ne seront pas extrêmement importantes. Il est par contre possible qu'avec le temps elles s'élèvent. En effet, on dira que c'est plus un problème culturel et de rapport qualité-prix entre le fait de payer une fiduciaire - parce que, vous le savez, il y a une fiduciaire qui s'appelle «Quasi-Résident» à Genève - et l'économie que réalisent les gens, qui est somme toute relativement modeste. De plus, nous avons une fiscalité qui est très avantageuse pour les personnes les plus modestes; la fiscalité la plus avantageuse de Suisse, en tout cas, pour les personnes les plus modestes. Ces éléments-là sont donc de nature à freiner le mouvement.

En revanche - et nous en parlerons plus tard - l'impôt à la source en tant que tel est remis en cause, vraisemblablement, à long terme. Et il devra vraisemblablement être remplacé par un simple impôt de garantie. Ça, c'est pour dans dix ans, et la décision interviendra au niveau fédéral. Je n'ai pas senti l'administration fédérale et mes collègues directeurs des finances vouloir une autre solution.

Pour le moment, il n'y a donc pas péril en la demeure. En revanche, il y a danger, grave danger, à essayer de renégocier l'accord. Cela pour deux raisons. D'abord parce que les Français pourraient nous dire: «Ecoutez, puisque vous voulez renégocier l'accord, prenez celui que tous les autres cantons suisses ont avec la France. Nous prenons l'impôt, nous vous laissons un pourcentage de la masse salariale.» Avec la France, c'est cela. Alors il est vrai que, avec la RPT et cet accord, l'écart entre les deux est en train de se réduire, mais - tout de même - il reste de 200 millions.

Maintenant, j'aimerais quand même rappeler deux ou trois choses. Effectivement, ce sont les conseils généraux des départements - ce n'est pas la région Rhône-Alpes - qui prennent les 40% du tout. Mais la situation actuelle en France n'est pas très confortable pour les collectivités publiques. Sauf si vous avez fait une grève de la lecture des journaux depuis un ou deux ans, vous n'êtes pas sans savoir que la situation financière de l'Etat français est désastreuse - désastreuse ! Et comme le système français est un système de cascade - où l'argent remonte à Bercy et redescend - évidemment, les flux sont en train de se tarir. Et les collectivités locales sont aujourd'hui en difficulté. Or notre avantage est plutôt que des transports en commun puissent être développés dans la région, quel que soit le financeur - parce qu'en France il y a plusieurs financeurs. Notre avantage est que nous puissions assurer un bon fonctionnement de l'agglomération et non subir une tension permanente.

D'autre part, j'aimerais rappeler que nous sommes dans notre tort par rapport à nos amis français. Nous avons promis 2500 logements par année, nous ne les avons pas construits. Nos voisins se plaignent, à raison, du fait que nous n'avons pas... (Remarque.) Ah, nous n'avons pas respecté nos engagements.

Je finirai, Mesdames et Messieurs, sur la stigmatisation, pour dire deux choses. Monsieur Poggia, on ne peut pas se plaindre d'être accusé de stigmatisation quand on a une affiche où il est écrit: «Plus jamais ça !», et qu'en dessous il est inscrit: «Frontaliers». Disons, si ce n'est pas stigmatiser, je ne sais pas ce que stigmatiser veut dire ! Non, Monsieur Poggia, vous n'êtes certainement pas une oie blanche, ni même un jars blanc, en ce domaine ! (Rires.) Donc, là... Franchement !

En revanche - dans la lancée de ce que j'ai pu dire hier soir, et de ce qu'a pu indiquer M. Longchamp à la commission - vous n'êtes pas les seuls à stigmatiser. Et notre république irait sans doute mieux si on ne stigmatisait pas, dans une partie des entreprises publiques et privées - une partie - les personnes âgées de plus de cinquante ans et les jeunes sans expérience professionnelle. Très certainement, le ressentiment à l'égard des frontaliers serait moins grand si nous étions capables d'une plus grande solidarité. (Commentaires.) Seul contre tous s'il le faut, le Conseil d'Etat continuera à dire que ce n'est pas en opposant les gens les uns contre les autres qu'on construira cette région, mais que ce n'est pas non plus sans responsabilité sociale des entreprises publiques et privées que nous parviendrons à sortir de cette sorte d'enfer où chacun harcèle l'autre et qui n'est pas la société pour laquelle nous nous sommes engagés, en tout cas pour la plupart des partis qui siègent dans ce Grand Conseil. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Il y a une demande de renvoi à la commission fiscale, sur laquelle nous allons maintenant voter. (Commentaires. Le président agite la cloche.)

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1942 à la commission fiscale est rejeté par 42 non contre 36 oui.

Le président. Nous sommes saisis, Mesdames et Messieurs, d'un amendement déposé par le groupe UDC, que vous devez sauf erreur avoir reçu. La parole n'est pas demandée, je vais donc vous faire voter cet amendement qui consiste à conserver la première invite et à supprimer toutes les autres.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 21 oui et 13 abstentions.

Le président. Nous nous prononçons maintenant sur la proposition de motion elle-même.

Mise aux voix, la proposition de motion 1942 est rejetée par 59 non contre 14 oui et 7 abstentions.