République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 15 avril 2011 à 16h
57e législature - 2e année - 7e session - 41e séance
PL 10497-A
Premier débat
Le président. Le rapporteur ne demande pas la parole. Je passe le micro à M. le député Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le problème des taxis à Genève est un problème récurrent depuis de nombreuses années, et force est de constater que nous ne sommes pas capables de le régler. Force est de constater, aussi, que c'est encore une genevoiserie, avec deux types de taxis, les bleus et les jaunes. D'ici à ce que nos amis écologistes fassent le groupe des taxis verts, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai pas ! (Commentaires.) Mais voici le problème que cela cause: l'image de cette Genève internationale que nous voulons tous prôner en prend un sacré coup dans l'aile. J'en veux pour preuve que ces touristes qui prennent des taxis bleus et qui se retrouvent coincés dans les bouchons, puisque les taxis bleus n'ont pas le droit d'utiliser les voies pour les taxis, ne comprennent rien. Ou pire encore: quand ces taxis bleus bravent cette interdiction, prennent les couloirs de bus et se font arrêter par la police, les touristes ne comprennent plus rien. Franchement, ce n'est pas une très bonne image pour Genève.
Nous avions pourtant essayé de proposer des solutions, des solutions pour englober tous les taxis dans une seule corporation. Mais évidemment, ce que nous avions qualifié à l'époque de réseaux d'influence - pour rester correct un vendredi après-midi - a fait que cela a toujours capoté. Il y avait la mainmise des garages, les garages qui avaient une multitude de plaques de taxi et qui ne voulaient surtout pas de démocratisation qui aurait causé une baisse drastique de leurs revenus. Aujourd'hui, on élabore une autre solution, mais on remet cette «mafia des garages» - entre guillemets - dans la mafia des centrales, en voulant constituer une seule et unique centrale d'appel. De ce fait, la puissance de certaines personnes dans cette corporation ferait la pluie et le beau temps en excluant certains membres de cette centrale unique.
Nous sommes tous en faveur d'une saine concurrence, et il est hors de question que l'on donne le monopole d'une centrale à une seule et même entité, même si l'on viendra vous expliquer que les actionnaires sont les chauffeurs, ce qui n'est pas tout à fait exact; mais on ne va pas se perdre dans les chiffres et dans les combats d'arrière-garde.
Alors, Mesdames et Messieurs, je vous le dis. C'est vrai, le projet de loi du MCG a au moins tenté de faire quelque chose pour cette Genève et cette Genève internationale: essayer de concilier l'ensemble de la profession. Nous avons perdu des heures et des heures à aller discuter avec les taxis jaunes; la fédération, à l'époque - elle est morte depuis - regroupait tous les taxis dits de service public. Nous sommes allés voir les taxis bleus. Ce n'est pas M. le conseiller d'Etat qui va me contredire, parce que l'on s'en était ouvert à lui pour essayer de trouver ensemble une solution pour sortir de cette impasse. Rien n'y a fait. Les lobbies sont puissants; il y a beaucoup d'argent derrière.
Finalement, aujourd'hui, on en est toujours à cette genevoiserie: deux types de taxis avec le même examen, dont l'un a le droit d'utiliser les voies prioritaires pour les taxis et l'autre pas, et plus personne ne comprend rien. Il y a une discrimination, par rapport surtout à l'étranger qui n'est pas au fait des coutumes genevoises et qui dirait: «Halte, taxi !», chose qu'il n'aurait pas le droit de faire pour un taxi bleu, parce que c'est seulement sur appel. Enfin bref, les gens ne comprennent plus rien, et c'est une genevoiserie qui doit s'arrêter.
Alors je vous demande, Mesdames et Messieurs, de renvoyer ce rapport à la commission des transports, que tous ensemble nous trouvions une solution, sans exclure personne. En effet, si ce projet a capoté la première fois, c'est que l'on a voulu exclure une quantité d'environ 100 à 120 taxis qui sont devenus bleus par la force des choses, qui se sont regroupés en association et qui ont mis le feu aux poudres pour l'ensemble. Je vous demande, dans un accès de responsabilité, de prendre ce problème à la base, d'inclure tous les taxis dans une même et unique corporation, de tenir compte de l'article 27 de la Constitution fédérale, qui prône la liberté de commerce, de jouer sur la concurrence, en ayant plusieurs centrales d'appel, certes avec des conditions et des restrictions, parce que c'est un service public qui doit être performant. En effet, je ne sais pas si vous avez déjà essayé de demander un taxi à 2h du matin. Suivant l'endroit, on vous envoie paître ! Voilà encore une genevoiserie à laquelle il y a lieu de mettre un terme.
Alors je vous le demande, renvoyons ce projet en commission. Nous serions aussi en mesure de retirer ce projet de loi s'il y avait un projet de loi de la commission, afin de pouvoir faire quelque chose qui tienne la route, pour Genève, la Genève internationale et l'image que l'on veut donner à l'extérieur. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission. Le rapporteur entend-il s'exprimer à ce sujet ?
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur. Bien évidemment, Monsieur le président. Il faut quand même que je vous raconte une histoire, chers collègues. Ce projet de loi a été présenté à la commission des transports. Le premier signataire était invité à s'exprimer, comme c'est désormais la tradition. Or non seulement il n'est pas venu, mais en plus il ne s'est pas excusé; et pire, les deux collègues de son parti...
M. Eric Stauffer. J'étais à l'hôpital ! (Commentaires.)
M. Jacques Jeannerat. ...étaient incapables de parler du projet de loi. J'en prends pour preuve que, lors du vote d'entrée en matière, ils n'ont même pas voté oui. Donc je veux bien que M. Stauffer boude et ne prenne même pas le temps de s'excuser quand il est convoqué en commission afin de présenter un projet de loi, pour faire son show devant la télévision en plénière; mais je trouve cela un peu fort de café. Il a fait perdre du temps aux députés de la commission, qui se sont tourné les pouces pendant une heure en attendant l'audition suivante. Et il a fait perdre des jetons de présence; l'Etat a dû verser des jetons de présence à des députés qui sont allés boire un café sur la terrasse du Café de l'Hôtel de Ville. Donc je ne suis pas très chaud pour renvoyer ce projet de loi en commission. Il y a un moment où il ne faut pas se foutre de la tête du monde, Monsieur le président ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous nous prononçons sur le renvoi du rapport PL 10497-A à la commission des transports.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10497 à la commission des transports est rejeté par 58 non contre 13 oui et 3 abstentions.
M. Patrick Lussi (UDC). Il est certain que, travaillant dans cette commission des transports, je suis étonné d'entendre ce que vient de nous dire le député Stauffer. En effet, il n'y a pas que son projet. Il y a aussi le nôtre et celui du Conseil d'Etat. Les commissaires, actuellement, non seulement ne font pas rien, mais essaient de séparer le bon grain de l'ivraie, entendent des gens; bref, ils travaillent sur un problème récurrent - on l'a vu - les taxis.
Alors il est dommage, lorsque l'occasion est donnée, que l'on y travaille - M. le conseiller d'Etat pourra le confirmer - et que l'on essaie de présenter tous ceux qui ont écrit des textes, que ceux-là ne viennent pas et qu'en plus - là, je rejoins le rapporteur - les commissaires MCG n'aient pas jugé opportun d'expliquer, de s'exprimer, voire - et c'est peut-être là le point - de défendre ce projet.
C'est la raison pour laquelle je crois que ce n'est pas sanctionner, parce que les travaux continuent, Monsieur Stauffer. Les travaux ne sont pas terminés. Nous essayons d'y faire participer les commissaires MCG, parce qu'ils auront leur mot à dire dans le projet final qui va sortir. Mais, de grâce, ne faisons pas une tempête dans un verre d'eau avec ce projet de loi qui, pour le moment, ne mérite que d'être abandonné.
Mme Loly Bolay (S). La problématique des taxis interpelle tous les commissaires de la commission des transports. Deux projets de lois sont à l'étude, et tous les députés ont pris la mesure et l'urgence, effectivement, de trouver des solutions à cela. Maintenant, excusez-moi, mais M. le rapporteur a tenu des propos que je partage entièrement, et je crois que je ne suis pas la seule. Ce n'est quand même pas sérieux - pas sérieux ! - de la part d'un groupe qui est convoqué pour venir présenter ce projet de loi... Alors je veux bien que l'un des membres soit malade. (Remarque.) Mais tous les autres auraient pu venir, à la limite en prenant un taxi ! (Commentaires.) Il y avait deux députés. Nous avons donné la possibilité aux deux membres MCG de la commission de téléphoner, respectivement à M. Golay, qui ne pouvait pas venir, et - je crois, de mémoire - à M. Poggia. Aucun des deux n'a pu se déplacer. Nous avons fait une pause en attendant que quelqu'un vienne. En désespoir de cause, nous avons demandé aux deux représentants du MCG, signataires du projet de loi - quand ils ont signé, ils savaient très bien ce qu'ils faisaient ! - mais aucun n'était en mesure de nous présenter ce projet de loi. (Commentaires.)
Mesdames et Messieurs les députés, quand on est responsable et sérieux, et que l'on dépose un projet de loi, on vient le défendre en commission ou on trouve quelqu'un pour le faire. Je suis désolée, ce n'est pas sérieux. Nous avons fait ce qu'il y avait à faire dans ce cas-là: un classement totalement vertical.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il m'apparaît judicieux de tenter de rappeler ici que le débat sur les projets de lois n'est pas un débat de personnes ou sur une personne, mais sur le fond du projet de loi. Vous savez très bien, les uns et les autres, qu'à ce jeu-là cela va se terminer par des cartons rouges. Ensuite, vous viendrez vous plaindre, les uns que je vous prive de parole et les autres que je ne connais pas le règlement. (Remarque.) Non, Madame la députée, vous n'avez pas attaqué un groupe; vous avez attaqué nommément un député. Cela ne sert strictement à rien; cela ne fait pas avancer le débat. (Commentaires.) Donc j'entends bien que l'on en reste au fond du problème et non pas que l'on débatte sur les personnes. (Remarque.) La parole est à M. le député Roberto Broggini.
M. Roberto Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. En tant que président de la commission des transports, je peux garantir à ce parlement que le travail est actuellement accompli avec la présence des représentants du DARES, département de M. Unger, qui est venu nous présenter un projet de loi il y a maintenant plus de deux mois, et que nous y travaillons d'arrache-pied. Nous sommes actuellement en train d'étudier deux projets de lois qui concernent les taxis, lesquels sont accompagnés également de motions, notamment du PDC. Nous allons encore procéder à un certain nombre d'auditions, comprenant l'ensemble des différents syndicats ou représentants patronaux des taxis. Nous avons auditionné les différents intervenants - je pense à l'Aéroport, à la Gare routière, à la Société des hôteliers et à bien d'autres - afin que le travail soit fait de la manière la plus sérieuse possible. Je vous en prie, Mesdames et Messieurs, croyez bien que la commission travaille sur ces projets de lois. Des représentants du MCG siègent dans cette commission et pourront intervenir. Nous arriverons à des résultats, je l'espère, avant la fin de l'été, sachant que c'est un gros dossier.
M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, le proposant de ce projet de loi, qui a négligé de venir le défendre devant la commission...
Une voix. Il était à l'hôpital !
M. Michel Ducret. Mais oui, Monsieur, bien sûr ! (Brouhaha.) Il est sans doute tout seul... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président. C'est difficile de s'exprimer dans cette arène ! Le véritable problème, ici, est qu'il veut faire croire que, seul, il a empoigné le problème des taxis à Genève. Il veut faire croire cela aux députés de ce Grand Conseil élus récemment, à la profession et bien entendu à la population.
Pourtant, Mesdames et Messieurs, relevons que ce projet de loi vient comme un cheveu sur la soupe dans les nombreux composants et projets de lois qui ont été déposés à ce sujet depuis plus de dix-neuf ans ! Depuis plus de dix-neuf ans, Mesdames et Messieurs, la commission des transports est régulièrement saisie de projets de lois sur les taxis. Il y en a eu quatre, je crois, à ce jour. Or aucun de ces projets de lois n'a pu satisfaire les divers acteurs de la profession qui sont concernés.
Alors très clairement, il n'en reste pas moins que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, et tous les «stauffer» de taxis vous le diront ! Mais pour le groupe radical, cet ouvrage, Mesdames et Messieurs, a bien été mis sur le métier, et nous estimons que ce projet de loi n'était tout simplement pas opportun, sinon pour faire briller l'aura de celui qui l'avait déposé. Or comme il a oublié d'allumer la lumière le jour où il fallait aller le défendre, ce n'est pas nous qui allons regretter cette petite panne d'électricité !
Le président. La remarque faite précédemment, Monsieur le député, vaut aussi pour vous. (Remarque.) Monsieur le député Ducret, la remarque faite précédemment vaut aussi pour vous ! La parole est à M. le député François Gillet.
M. François Gillet (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne reviendrai pas sur les péripéties qui ont été évoquées tout à l'heure au sujet de la situation, effectivement un peu étonnante, vécue lors de la présentation manquée de ce projet de loi.
Cela dit, j'aimerais quand même rassurer cette assemblée, le MCG en particulier et les représentants des taxis bleus. Même si - et j'imagine que cela va être le cas - ce projet de loi est rejeté dans quelques instants, cela ne veut absolument pas dire que le groupe PDC et la commission des transports, qui travaillent avec un grand sérieux sur ce projet, vont évacuer toutes les préoccupations de ceux qui travaillent dans ce domaine.
Je crois qu'il est important aujourd'hui de trouver une solution qui satisfasse si possible une majorité de la corporation. Même s'il est vrai qu'il est difficile dans ce domaine de satisfaire tout le monde. Je peux vous dire que, si nous rejetons ce projet de loi, cela ne veut pas dire que, en commission, nous serons fermés à toute proposition d'amendement. Je tiens à préciser que les travaux se passent dans un esprit constructif, et qu'il n'est pas question que le rejet de ce projet de loi stigmatise une catégorie par rapport à une autre.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stauffer, qui a objectivement été mis en cause. Je lui donne donc la parole pour qu'il puisse répondre à la mise en cause, seulement et uniquement pour cela. Sinon, il connaît l'usage que je fais du petit bouton que j'ai devant moi !
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je trouve détestable que vous fassiez état que je n'étais pas là. J'étais hospitalisé - je parle sous le contrôle du professeur Morel... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Le 8 mars, j'étais hospitalisé aux HUG et j'ai dû subir une opération, comme vous le savez tous. Je trouve très mesquin le fait de venir dire que je ne me suis pas présenté.
Ensuite, vous avez dit une autre contrevérité. Les signataires, Monsieur Jeannerat - Monsieur le président, vous transmettrez - sont ceux de l'ancienne législature, c'est-à-dire que les commissaires présents dans la commission des transports ne sont pas les signataires de ce projet de loi. Or le projet de loi sur les taxis et la problématique des taxis sont complexes. Effectivement, il aurait été opportun et respectueux, puisque vous saviez que j'étais à l'hôpital - j'ai même croisé mon collègue, le rapporteur de ce projet de loi, dans les couloirs des HUG, parce qu'il était hospitalisé en même temps... (Commentaires.) Il aurait été respectueux de reporter cette audition. Vous ne l'avez pas fait.
Je conclus en disant - Monsieur le président, vous transmettrez au député Michel Ducret - que si vous cherchez à nous défier, je suis capable d'organiser une manifestation... (Remarque.) ...dans les quatre jours, en bloquant Genève avec plus de 400 taxis...
Le président. Monsieur le député...
M. Eric Stauffer. ...pour vous montrer que vous avez tort !
Le président. Monsieur le député...
M. Eric Stauffer. S'il y a des amateurs, vous me le dites, et je l'organise. Vous verrez... (Commentaires.) ...qui écoute, qui écoute les chauffeurs de taxis à Genève et qui ne les écoute pas et se moque d'eux aujourd'hui !
Le président. Monsieur le député, ça suffit ! Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote d'entrée en matière sur le PL 10497.
Mis aux voix, le projet de loi 10497 est rejeté en premier débat par 53 non contre 15 oui et 2 abstentions.