République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 mars 2011 à 10h15
57e législature - 2e année - 6e session - 35e séance
M 1946
Débat
Le président. Le débat est classé en catégorie II: trois minutes par groupe. La parole est à M. le député Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, Quai 9 est devenu un haut lieu des toxicomanes non seulement de Genève, mais de toute la France, puisqu'il y a une zone de non-droit aux alentours de Quai 9, où la police a reçu instruction de ne pas appréhender ni de fouiller les dealers, puisque c'est un local d'injection. Donc c'est le comble de l'hypocrisie. En effet, ce n'est pas un local où nous allons, en tant qu'Etat, donner les moyens de distribuer des produits de substitution pour essayer de désintoxiquer ces pauvres malheureux pris par la tourmente des stupéfiants; mais c'est bien un local d'injection, avec des drogues dures, de la cocaïne, de l'héroïne, j'en passe et des meilleures. C'est donc très hypocrite, puisque l'on sait que la vente des stupéfiants est illicite en Suisse - et Genève fait partie de la Suisse - mais que nous autorisons par ailleurs des locaux d'injection.
Alors quelle est la thérapie proposée... (Remarque.) ...aux toxicomanes ? Eh bien rien ! C'est là un vrai problème, et Quai 9 ne remplit plus, aujourd'hui, sa mission. Pire encore, la France a durci son code pénal sur les infractions liées à la drogue, au trafic de drogue et à la consommation de stupéfiants; par conséquent, les Français sont aujourd'hui bien inspirés de venir sur le territoire genevois. Ainsi, nous avons ouvert ici une première en Suisse romande: un centre de tourisme pour les drogués de toute la France, qui viennent évidemment ici en toute impunité en acheter. Car les dealers savent bien qu'il y a un local d'injection de vraies drogues et non pas de produits de substitution; les dealers viennent vendre leurs drogues et les toxicomanes viennent l'acheter et la consommer. Donc aujourd'hui, je le dis, la mission de Quai 9 n'est plus assurée.
Par conséquent, que vous demande la proposition de motion du MCG ? Elle invite le Conseil d'Etat «à fermer la structure du "Quai 9" sans délai» et «à renforcer le dispositif policier aux abords de la gare pour endiguer le "tourisme" de la drogue.» Mais elle l'invite également «à ouvrir dans l'enceinte - ou dans le périmètre - des HUG une antenne de prévention et de soins pour les toxicomanes locaux» et enfin «à accentuer/développer la campagne de prévention contre la drogue, notamment pour les adolescents.»
Quelqu'un va-t-il venir dire aujourd'hui, devant ce parlement, que notre motion se veut trop dure, qu'elle est contre une partie de la population ? Non ! On veut simplement que Quai 9 remplisse sa mission de prévention et...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. ...de salubrité publique. En effet, il n'est pas normal que toute une région de la ville subisse ce tourisme de la drogue, de par l'incohérence des politiques, qui autorisent...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Monsieur le président, nous avons une fois trois minutes, et une fois trois minutes en tant qu'auteur. Donc si je veux déborder un petit peu, je déborderai... (Commentaires.) Mais je conclurai pour reprendre la parole un peu plus tard. J'aimerais simplement vous dire, Mesdames et Messieurs, qu'il faut apprendre à dire «non». J'ai discuté avec un éminent membre du parti libéral, qui connaît cette problématique et qui m'a dit: «Pour une fois - ce sont ses termes - vous avez raison. Il faut apprendre à dire "non" aux toxicomanes. Et, à un moment, il faut les soigner.» Or ce n'est pas avec Quai 9, tel qu'il est conçu aujourd'hui, que l'on arrivera à les soigner. C'est simplement un oreiller de paresse qui permet aux toxicomanes de venir acheter et consommer de la drogue, et non pas des produits de substitution pour les soigner.
Des voix. Bravo ! Ouais !
Présidence de M. Renaud Gautier, président
M. Frédéric Hohl (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la première invite de cette proposition de motion est: «à fermer la structure du "Quai 9" sans délai». On a bien compris. Et le titre est «Quai 9 ou la honte des Genevois !» Personnellement, je suis genevois. Cela fait cinq ans que je suis député. La première année, il vrai que j'étais très intrigué par Quai 9, donc je suis allé sur place pour me rendre compte et voir le travail qui s'y faisait. Je pense très important d'aller sur le terrain pour comprendre ce qui se passe avec Quai 9. Or je dois dire au nom du groupe que j'ai été impressionné par le travail remarquable de l'équipe de Quai 9.
En septembre 2010, j'ai également participé à une journée complète avec beaucoup d'élus qui venaient de France, non seulement de France voisine, mais de la France entière. Il y avait des Parisiens, des Niçois... Bref, des gens de toute la France. Ils étaient très intéressés et très intrigués. C'est vrai que, de l'extérieur, c'est toujours étrange de voir un lieu où des gens viennent s'injecter de la mort. Je comprends; mon premier sentiment était un sentiment de rejet voire de dégoût. Mais un véritable travail est fait, et c'est très important.
Alors dans votre exposé des motifs, vous dites: «"Quai 9" ne remplit plus sa mission.» C'est faux. Le rôle confié par l'Etat est clair: réduire les risques et orienter les toxicomanes vers des lieux de traitement, ce que Quai 9 fait. (Remarque.) Ensuite, vous indiquez que 80% des toxicomanes proviennent de la France. C'est faux. Selon le rapport de Quai 9 de 2009, ce sont 25% de Français, non 80%. Ensuite, les toxicos français viennent à Genève pour acheter de la drogue bon marché. C'est absolument exact; vous avez absolument raison. Mais ce n'est pas Quai 9 qui organise le prix de la drogue ! (Commentaires.) Pas du tout ! Absolument pas ! (Remarque. Le président agite la cloche.) Vous dites aussi que le responsable de la buvette a été arrêté pour trafic d'héroïne. Là encore, c'est faux. Aucun membre du personnel n'a été interpellé par la police. (Remarque.) C'est faux. (Remarque. Le président agite la cloche.) Non ! Ecoutez-moi, Monsieur Stauffer. Les usagers de Quai 9 peuvent se responsabiliser, prendre un emploi temporaire et travailler temporairement à la buvette, ce qui a été le cas; des usagers de Quai 9 sont rémunérés et soumis aux charges sociales. Or, effectivement, l'un de ces usagers a été interpellé par la police. En raison du secret de fonction, Quai 9 ne sait pas ce qui s'est passé avec ce collaborateur temporaire.
Dans vos invites, vous indiquez qu'il faut absolument fermer Quai 9. Alors je vous donne un exemple parmi cent que l'on peut trouver. Imaginez un employé temporaire de l'hôpital cantonal, qui travaille peut-être même dans un secteur de la prévention, et qui, en dehors de son travail, se fait arrêter par la police pour trafic de stupéfiants. Donc, pour suivre votre logique, vous allez demander la fermeture des HUG !
Vous comprendrez bien que l'on va refuser cette motion. (Applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC). Précédemment, on a parlé de développement durable. On peut effectivement le dire - j'ai eu quelque expérience dans le domaine - l'Etat mène une politique de développement durable à Genève du trafic de stupéfiants sur la voie publique, c'est vrai, et de la consommation de drogue.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Marc Falquet. Je parlerai de Quai 9 dans un instant. Concernant le trafic de drogue, il faut savoir que le trafic d'héroïne est tenu par les Albanais. Il y a cinquante-cinq lieux publics de vente de stupéfiants à Genève. Or 80% de la clientèle des Albanais sont des Français, qui viennent de l'Ain, du Jura et de la Haute-Savoie, et on fournit en héroïne les villes d'Annecy et de Chambéry. Il faut le savoir. Le quart restant est composé au trois quarts de Confédérés qui viennent de Vaud, Valais, Fribourg et Neuchâtel et qui se fournissent à Genève. Voilà un élément... (Remarque.) ...concernant le trafic d'héroïne tenu par les Albanais.
Quai 9 favorise le trafic d'héroïne, spécialement d'héroïne aux alentours, parce que les Albanais vendent par exemple aux Géorgiens, qui viennent à proximité du Quai 9. Il faut savoir que les Géorgiens n'étaient que voleurs, et ils sont devenus dealers depuis qu'ils sont à Genève; ils sont devenus toxicomanes et dealers depuis qu'ils sont à Genève.
Donc Quai 9 va dans la logique d'une banalisation de la consommation de stupéfiants à Genève. Jamais Quai 9 ne fera sortir un seul toxicomane... Il faudra me montrer un seul toxicomane qui arrive à s'en sortir ! Si l'on n'extrait pas les gens de leur milieu - vous savez très bien que la drogue provoque surtout des dépendances psychologiques - vous les maintenez dans la dépendance. Et que fait-on ? On fait une société de morts-vivants, qui sont dépendants surtout des services. C'est surtout favorable aux... (Remarque.) Evidemment, il y a un bienfait: on soulage un peu l'enfer des toxicomanes. C'est comme si l'on envoyait du parfum; on leur envoie du parfum alors qu'ils sont dans le merdier jusqu'ici; on leur envoie une bouteille de parfum pour... (Remarque.) Voilà. Quai 9 a des effets secondaires terribles; il favorise le trafic de drogue, et les commerçants ont divisé par cinq leur chiffre d'affaires aux alentours des rues Voltaire et Rousseau. (Remarque.) Oui, c'est aussi une réalité qu'il faut prendre en considération. Même si l'on soulage l'hygiène, disons que l'on «socialise» la consommation de drogue, et les gens restent malheureux jusqu'à la fin de leur vie, parce que l'on n'arrive pas à les sortir de leur milieu.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je crois qu'il faut revenir au fond du débat, à savoir: à quoi sert Quai 9 ? Je pense que vous vous rappelez du Letten et de ces milliers de drogués qui se droguaient dehors, sous des ponts, sur les rails, en réutilisant les seringues de leurs camarades qui s'étaient piqués juste avant. Il faut savoir que les drogués mouraient du sida et de l'hépatite C parce qu'ils n'avaient pas de conditions d'hygiène adéquates pour prendre leur drogue.
Alors on peut dire que l'on est pour ou contre la drogue, mais on parle de dépendance. On parle de personnes qui vivent en marge. Alors c'est sûr que les gens qui vivent en marge ne sont jamais absolument dans la loi. C'est sûr qu'il y a des problèmes. Mais il faut penser à ces personnes. Vous ne pouvez pas exclure une partie de la population parce que la drogue vous déplaît. Je vous rappelle que l'alcool est vendu en vente libre et que vous pouvez aller boire votre coup, votre alcool, à n'importe quel endroit à Genève quand vous en avez besoin.
On dit que la drogue est interdite, que les gens ne peuvent pas se droguer; s'ils se droguent, qu'ils aillent le faire dans les escaliers, dans des endroits sans aucune hygiène. Enfin, vous savez aussi que les pharmacies distribuent gratuitement des seringues si on amène des seringues usagées. Alors si vous êtes dans cette même optique, interdisez aux pharmacies de donner des seringues, parce que c'est aussi pousser à la consommation de la drogue. C'est de l'hypocrisie pure et simple !
Des gens ont besoin d'aide. On leur donne cette aide avec Quai 9. On a eu cette idée qui est précurseur au niveau européen. Les Français - notamment les journaux français - sont venus voir Quai 9 pour étudier ce que l'on peut faire au niveau de la drogue. Je pense que, actuellement, Quai 9 remplit absolument sa fonction. Les gens peuvent se resocialiser en allant à Quai 9. Ils peuvent utiliser des seringues propres; ils évitent ainsi d'attraper des maladies infectieuses, de mourir du sida ou de l'hépatite C et de les transmettre aux autres. C'est essentiel. On doit sortir de cette hypocrisie.
Quant au problème de la vente de drogue, c'est autre chose; c'est un problème de la police. Cela n'a rien à voir avec le débat d'aujourd'hui. Donc les démocrates-chrétiens refuseront cette proposition de motion. (Applaudissements.)
Mme Loly Bolay (S). Ce que l'on a entendu tout à l'heure de la part de du MCG, mais aussi de l'UDC, est vraiment stupéfiant. (Remarque.) On peut le dire, c'est stupéfiant. Pour commencer, j'aimerais rappeler que Quai 9 a été créé ici, suite à un projet de loi dans les années nonante, lorsque M. Guy-Olivier Segond était encore conseiller d'Etat.
Ce Quai 9, que fait-il ? Il fonctionne vraiment comme un garde-fou, Mesdames et Messieurs les députés. Tout d'abord, voici les chiffres. Dans les années nonante, il y avait à Genève environ une centaine de personnes qui étaient contaminées par le virus du sida. A l'heure actuelle, grâce au travail du Quai 9, ce sont deux à trois personnes maximum par année. Dans la même période, il y avait vingt-cinq à trente morts par overdose. Aujourd'hui, il y en a moins de dix. Alors n'en déplaise au MCG - eh oui, Mesdames et Messieurs les députés ! - les travailleurs sociaux, les infirmières et les médecins du Quai 9 ont sauvé des vies. Eh oui, n'en déplaise au MCG. Non seulement ils ont sauvé des vies, mais en plus ils ont diminué les risques pour la population; c'est une évidence. Le docteur Buchs l'a dit, c'est une évidence.
Alors que fait cette proposition de motion, Mesdames et Messieurs les députés ? Cette motion, à part écrire des contrevérités et des mensonges, jette l'anathème contre ces collaborateurs, qui font un travail remarquable. Elle jette l'anathème et dit des mensonges.
La deuxième remarque concerne les 80% de clients qui viendraient de la France voisine. M. Frédéric Hohl a rectifié ce chiffre à 25%. Mais j'irai plus loin. Il existe en France voisine l'association APRETO, qui a des antennes à Annemasse, Cluses, Divonne et Ferney. L'APRETO va même plus loin que le Quai 9, puisqu'il y a deux appartements thérapeutiques qui prennent en charge ces gens-là. Or que ce passe-t-il entre l'APRETO et Quai 9 ? Il y a une véritable collaboration transfrontalière, puisque l'APRETO vient à Genève. Lorsqu'il y a des Français qui viennent à Quai 9, ils sont tout de suite pris en charge par l'APRETO à Annemasse. Alors dire, Mesdames et Messieurs les députés, comme il est dit dans cette proposition de motion, autant de contrevérités et de mensonges n'est tout simplement pas acceptable.
Je dirai en outre ceci. Il existe une véritable collaboration avec la police dans le cadre du comité de pilotage; en plus, des personnes ayant de grandes responsabilités à la police sont dans ce comité de pilotage...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Loly Bolay. Je conclus, Monsieur le président. ...et travaillent en collaboration avec Quai 9. Or les policiers sont très contents du travail du Quai 9.
Enfin - je vais conclure par là, Monsieur le président - le jour où le MCG et l'UDC viendront avec une proposition de motion sur le blanchiment d'argent, sur ces caïds qui font du commerce de la drogue et qui font autant de victimes, eh bien on vous suivra ! Pour l'instant, vous ne l'avez pas fait. Nous, nous l'avons fait. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas vous surprendre. Les Verts se rappellent bien évidemment du Letten, du Platzspitz - moment dramatique dans l'histoire de notre pays - où nous avons vu des gens mourir en masse, vraiment en masse, sans soins et dans des conditions d'hygiène déplorables. Suite à ces drames et à cette gestion désastreuse, qui était bâtie uniquement sur la répression, la Confédération a mis en place la politique dite des quatre piliers, lesquels sont la prévention, les thérapies, la réduction des risques et la répression. Les Verts soutiennent cette politique des quatre piliers.
Nous devons dire aujourd'hui de quoi fait partie Quai 9. Il fait partie de l'un des piliers qui est l'aide à la survie. Certes, nous ne pensons pas qu'aider simplement les gens à la survie soit satisfaisant. Nous entendons bien que les personnes dépendantes de différents types de produits ont des comportements extrêmement dérangeants, dus à tous ces problèmes de toxicomanie et de dépendance ainsi qu'au besoin d'argent; il y a de la délinquance autour des problèmes de drogue. Mais nous sommes absolument sûrs qu'il faut réduire les risques. Nous sommes absolument sûrs qu'avoir des seringues propres est important, et important pour les familles de certains toxicomanes, qui ne savent pas forcément que leurs proches sont toxicomanes. Vous pensez bien que, au début d'une toxicomanie, les couples existent encore, et les risques de transmission du sida sont extrêmement importants. Vous pensez bien aussi que les produits, toujours coupés, frelatés avec différents types de produits, présentent un risque pour la vie, et les problèmes d'overdose en relation avec des produits frelatés sont extrêmement importants. Aujourd'hui, que fait Quai 9 ? Il permet de stabiliser certaines personnes, et des personnes qui vivent en marge. Donc nous pensons que cela fait réellement partie de cette politique que nous soutenons. Nous remercions le Conseil d'Etat de s'engager aussi dans le soutien à cette politique et entendons poursuivre la politique en Suisse des quatre piliers.
Mesdames et Messieurs, le sujet de la toxicomanie est beaucoup trop grave pour que l'on joue avec lui ou que l'on en fasse un sujet purement électoral ou émotionnel. Nous devons agir ensemble, tout le parlement - et j'ai l'impression qu'il y a une large majorité dans ce sens ici dans ce parlement - afin de pouvoir aider ces personnes à survivre et à trouver une solution. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Lussi, à qui il reste vingt-cinq secondes.
M. Patrick Lussi (UDC). J'essaierai de faire avec ce temps, Monsieur le président, simplement pour remarquer l'art que chacun a de déplacer le débat et de parler de choses qui n'ont pas lieu. En ce qui concerne le groupe UDC et les deux premières invites de cette proposition de motion, peut-être que ce n'est pas le terme «fermer» qui est adéquat, mais «déplacer». Il faut voir que nous sommes dans une ville touristique. (Brouhaha.) Laissez un centre pareil derrière la gare, où les gens passent, où l'on voit à la place de Cornavin, à la sortie du tram, la faune qui règne... Mesdames et Messieurs, vous qui êtes tellement attachés...
Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député.
M. Patrick Lussi. ...à la sécurité passive, vous devriez plutôt penser à sortir de ce site les gens qui dérangent ! C'est la raison pour laquelle...
Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député !
M. Patrick Lussi. ...l'UDC vous invite à accepter cette motion.
Une voix. Bravo ! Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Claude Jeanneret, à qui il reste une minute et cinquante secondes.
M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on remarque que le débat est déplacé, dans certains milieux qui encouragent la drogue. Je dois dire que nous avons demandé - nous sommes conscients du problème - d'ouvrir dans l'enceinte des HUG une antenne de prévention et de soins pour les toxicomanes locaux et d'accentuer et développer la campagne de prévention contre la drogue, notamment pour les adolescents. Là, il y a un encouragement très net à l'Etat de faire quelque chose de positif.
Par contre, à l'origine, l'idée de Quai 9 pouvait certes sembler raisonnable, parce que l'on distribuait des seringues et que l'on encourageait les gens à avoir une certaine hygiène dans la toxicomanie. C'est sympa ! Cela coûte très cher à nos concitoyens ! Il y a surtout à relever que l'on détruit un quartier, la vie sociale d'un quartier, des commerçants, uniquement pour laisser un lieu où non seulement on empêche les citoyens locaux de vivre normalement, mais où, de surcroît, on encourage et on développe le commerce de la drogue !
J'entends parler de blanchiment... Mais bien sûr, Madame Bolay ! Là, il y a du blanchiment, là on incite les gens à vendre de la drogue. Vous dites vous-mêmes que l'on attire les Français transfrontaliers pour le développement de la drogue. (Commentaires.) Mais c'est magnifique ! On est en train de faire un haut lieu de commerce de drogue à Genève. (Commentaires. Le président agite la cloche.) Je sais que le trading est l'une des vocations de la Genève internationale, mais n'exagérons pas ! La drogue est interdite de vente en Suisse, et développer un lieu comme cela est simplement un scandale, surtout au détriment des honnêtes citoyens qui y vivent et où les commerces locaux en paient les conséquences tous les jours.
Alors Quai 9, dans sa situation actuelle, non ! C'est un scandale, c'est ignoble pour une ville comme Genève de laisser et de développer le commerce de la drogue. Ce n'est pas normal.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Claude Jeanneret. Par contre, je répète, on a envie d'ouvrir dans l'enceinte des HUG une antenne de prévention et de soins pour les toxicomanes locaux. Faisons le travail ici, mais n'allons pas faire du commerce avec des gens qui viennent faire du tourisme pour acheter de la drogue à Genève.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, chers amis, rappelez-vous peut-être les grandes épidémies de peste du Moyen-Age, lors desquelles il fallait clôturer la ville pour que les gens atteints meurent à l'extérieur. Rappelez-vous, plus proche de nous, la construction des asiles de fous, comme ils s'appelaient à l'époque, qui sont devenus des cliniques psychiatriques, relativement loin de la ville pour faire croire que la folie n'existait pas. C'est au fond ce que vous proposez pour les personnes, très gravement atteintes, qui consultent Quai 9.
Mesdames et Messieurs, la politique de la toxicomanie à Genève repose sur une assise politique très large. Depuis vingt ans, tous les groupes parlementaires travaillent ensemble autour d'un certain nombre de projets, dont on connaît les risques - ils existent - et dont on essaie à la fois de mesurer les bénéfices pour savoir si les risquent valent la peine d'être encourus.
Le député Bavarel a répété les quatre piliers qui fondent notre approche de la politique de la drogue et de la toxicomanie. C'est bien sûr la répression. Mais la répression se fait sur le trafic et l'importation; elle ne doit pas se faire sur les malades. Tout le monde est à peu près d'accord avec cela. C'est ensuite la prévention. Elle n'est pas simple. Elle est faite quand même dans les écoles de la manière la plus adéquate possible, mais c'est vrai que c'est quelque chose de difficile, dont les résultats sont d'ailleurs difficiles à évaluer. C'est enfin les approches thérapeutiques, dont nous rêvons tous. La plus haute, celle qui vous amène à l'abstinence, ne fonctionne malheureusement que dans 5% des situations de toxicomanie. Il faut juste le savoir pour éviter d'avoir le fantasme que 100% des toxicomanes arrêtent un jour de se droguer. Non, ils seront 5%. Et il y a le seuil de la substitution; vous y avez fait référence en parlant de médicaments de substitution. Ce seuil est relativement élevé, puisque la substitution doit pouvoir permettre à la personne toxicomane - ce qui n'apparaîtrait presque pas - de travailler normalement et de bénéficier d'une insertion sociale majeure.
Mais il y a hélas des patients dont la déstructuration sociale est telle que ces ambitions restent démesurées. Ce sont probablement 10% à 20% des toxicomanes, qui sont tellement désinsérés dans leur vie sociale, dans leur vie économique... Ils n'en ont plus, plus d'autre que celle que de vivre de petits trafics, c'est vrai, mais tout en étant malades. De manière hypocrite, vous l'avez dit, de manière nuancée pourrait-on dire autrement, nous avons admis qu'ils étaient en infraction lorsqu'ils vendaient de la drogue et qu'ils étaient malades lorsqu'ils en consommaient. Cette distinction est peut-être un peu arbitraire, mais c'est la raison pour laquelle il y a une zone dans laquelle il n'y a pas de deal. C'est Quai 9. Les gens qui dealent à Quai 9 n'ont plus le droit de revenir à Quai 9.
Il s'est passé un événement l'année dernière. Je me rappelle que, dans le premier communiqué de presse qui avait été publié par ceux qui ont par la suite déposé la proposition de motion, il avait été dit que c'était un responsable de Quai 9 qui avait été pris en train de dealer. Le lendemain, les choses avaient été corrigées; c'était celui qui servait au bar. Ensuite, on a appris que celui qui servait au bar était en réalité un toxicomane pour lequel on tentait, par un petit boulot, d'appliquer les mesures de réinsertion, qui, comme on l'a vu, ne sont pas réussies à chaque fois.
Mesdames et Messieurs, les chiffres sont têtus. J'ai dû inaugurer Quai 9 dix jours après mon entrée en fonction en décembre 2001. C'était l'oeuvre de mon prédécesseur et de tout le parlement, qui dans son ensemble avait accepté l'hypothèse d'une tentative, d'un essai dans la dramatique épopée du sida, où l'on se rappelle que les toxicomanes étaient les vecteurs les plus fréquents de la maladie dans notre société. Et là, les faits sont têtus. Mesdames et Messieurs, de 90 nouveaux malades du sida chaque année, on est tombé à moins de 2 - 0 l'année dernière - en ce qui concerne la toxicomanie. Pour les abcès, le nombre est également divisé par dix. Dans le cadre des hépatites, le nombre de nouveaux cas d'hépatite C a beaucoup diminué; et les nouveaux cas d'hépatite B ont disparu, parce que les malades sont vaccinés. Par ailleurs, les toxicomanes, que l'on juge hélas si souvent incompétents au motif qu'ils sont désinsérés, apprennent un certain nombre de choses, et une bonne part d'entre eux peut réintégrer des seuils d'enseignement, qui sont des seuils d'enseignement thérapeutique qui les ramènent à une réhabilitation sociale.
De cela, Mesdames et Messieurs, nous devons être fiers. Mais chacun de ces piliers, chacune de ces techniques, si j'ose dire, est complémentaire à l'autre. Vouloir en briser une, c'est vouloir briser l'ensemble. J'espère que votre parlement saura une fois de plus montrer son soutien à la politique des toxicomanies telle qu'elle est développée à Genève, telle qu'elle nous est enviée dans le monde entier, et que vous rejetterez massivement ce texte que, personnellement, je trouve ignoble.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je donne la parole trente secondes à Mme la députée Schneider Hausser, pour une communication.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). C'est peut-être un détail. J'oeuvre au sein de la réduction des risques dans le comité de Première Ligne. A ce titre-là, je ne prendrai pas part au vote.
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur le renvoi de la M 1946 au Conseil d'Etat.
Des voix. Vote nominal ! (Commentaires.)
Le président. Le vote est lancé... (Remarque.) Monsieur Stauffer !
Mise aux voix, la proposition de motion 1946 est rejetée par 54 non contre 20 oui.