République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1965
Proposition de motion de Mme et MM. Jacques Jeannerat, Frédéric Hohl, Charles Selleger, Nathalie Schneuwly pour une utilisation temporaire des voies de bus par les autocars

Débat

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion radicale est - nous l'espérons - une bonne idée, une bonne idée pour essayer de faciliter la vie des Genevois, et notamment des enfants, pendant une durée de deux ans. Je vous donne l'explication...

Le titre de notre proposition de motion est le suivant: «Pour une utilisation temporaire des voies de bus par les autocars». Cette dernière vous propose que, pendant deux ans, les véhicules de transport collectif puissent utiliser, comme les taxis, certaines voies de bus.

Je vous donne un exemple très concret: les élèves de l'école de Satigny désirent aller, à 9h du matin, au théâtre de marionnettes... Si l'on choisit comme moyen de transport l'autocar, ils seront obligés de se lever extrêmement tôt, ce qui complique singulièrement la vie de famille au niveau des horaires. Or il suffirait d'une simple motion empreinte de bon sens pour que, pendant deux ans, durant les travaux, les autocars puissent utiliser les voies de bus, afin d'amener par exemple ces élèves de manière rapide dans ces lieux de divertissement.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de renvoyer cette motion à la commission des transports pour qu'elle soit examinée. Cela permettrait de déterminer s'il s'agit vraiment d'une bonne idée ou si c'est une fausse bonne idée. Mais nous pensons honnêtement que c'est une bonne idée.

M. Roger Golay (MCG). Effectivement, la DGM - du département de Mme Künzler - pourrait accorder l'utilisation des voies de bus dans certains cas exceptionnels à qui le souhaiterait. Plusieurs demandes ont été faites dans ce sens, notamment pour des véhicules transportant les handicapés, mais elles ont été refusées pour des raisons qui appartiennent à Mme Künzler et son département, même si, comme je l'ai dit, le droit sur la circulation routière peut tolérer l'utilisation des voies de bus dans certains cas.

Quoi qu'il en soit, je vous rappelle tout de même que nous avons tous accepté un contrat de prestations des TPG, dans lequel il est stipulé que la vitesse commerciale des transports publics doit être de 18 km/h. Or, si nous chargeons un peu plus ces voies de bus, il ne sera plus possible d'arriver à tenir cette vitesse commerciale, ce qui peut générer un désintérêt des usagers à utiliser les transports publics, alors même que nous avons prévu de développer le réseau des transports publics.

De plus, si l'on regarde les choses de plus près, nous savons très bien qu'il y a des systèmes de déclencheurs de feux lorsque les bus parviennent à des carrefours, à des intersections, ce qui fait que, s'il y aurait... (Exclamations.)

Des voix. S'il y avait ! (Rires.)

M. Roger Golay. ...s'il y avait des véhicules privés ou commerciaux, cela poserait un problème: cela empêcherait les transports publics de traverser les carrefours normalement.

Pourquoi les cars en particulier ? On le sait bien, tout ce que propose M. Hohl est foireux - tout ce qu'il organise, du moins ! (Commentaires.) Et cette motion est de la même veine !

Le président. Monsieur Golay, Monsieur Golay !

M. Roger Golay. Excusez-moi ! J'ai peut-être dérapé...

Le président. Je l'ai déjà demandé: arrêtez avec les attaques personnelles ou je vous coupe le micro !

M. Roger Golay. Il prétend que sa proposition relève du bon sens... Non, ce n'est pas du tout le cas ! C'est juste pour servir les petits copains de son parti politique, et nous refuserons bien entendu cette motion.

A ce moment-là - vous transmettrez à M. Hohl, Monsieur le président - pourquoi pas les camions: pourquoi les cars spécialement ? On connaît la réponse - en tout cas, au MCG, nous la connaissons ! Nous, nous n'entrons pas dans ce domaine, nous n'avons pas de lobbies derrière nous ! Nous refusons cette motion et nous vous invitons à en faire de même.

M. Antoine Droin (S). M. Hohl demandait tout à l'heure si c'était une bonne ou une mauvaise idée... Je trouve, pour ma part, que c'est une très mauvaise idée... (Exclamations.) ...dans le sens où les voies de bus sont déjà souvent encombrées - nous pouvons le constater - que ce soit par du parking sauvage, parfois par des vélos, par des scooters... Si des cars ou je ne sais quoi peuvent utiliser ces voies de bus, nous risquons de boucher non seulement le reste de la ville mais aussi les voies des transports publics, qui sont, aujourd'hui déjà, fortement en retard à cause de la circulation. Cette proposition de libérer des voies de bus, qui servent aux transports publics, pour des transports privés ne me semble par conséquent pas du tout appropriée !

A ce moment-là, pourquoi les cars ? Pourquoi pas, effectivement, les bus pour les handicapés, par exemple, les voitures bleues ou les vélos rouges ? (Commentaires.)

Mesdames et Messieurs les députés, cette idée est très mauvaise, et je vous prie de refuser cette motion. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stauffer, à qui il reste trente secondes...

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes morts de rire au MCG, parce que le même groupe qui a déposé cette motion s'est opposé - je vous le donne en mille - à l'utilisation des bandes de bus pour les taxis bleus ! Il y a deux sortes de taxis à Genève - les touristes n'y comprennent plus rien ! - les taxis jaunes qui peuvent emprunter les voies de bus et les taxis bleus qui ne le peuvent pas. Et le groupe qui a déposé cette motion s'était opposé à ce que les taxis bleus - transports publics s'il en est - puissent le faire !

Mesdames et Messieurs les députés, nous l'avons bien compris: nous devons refuser cette motion «Odier» ! (Rires. Applaudissements.)

Une voix. Là, c'est la fessée !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, il est certainement intéressant d'étudier cette proposition de motion en commission. Comme vous le savez, Monsieur le président, nous attachons une importance tout à fait particulière à la complémentarité des transports, notamment avec les transports publics.

Nous vous proposons donc, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion à la commission des transports.

M. Olivier Norer (Ve). Le groupe des Verts a étudié cette motion avec beaucoup d'intérêt... Elle pose effectivement la question de l'accès des voies de bus à d'autres moyens de transport. Toute une série de moyens de transport ont déjà accès aux voies réservées aux bus, et ce n'est pas sans poser des problèmes. En effet, les voies réservées aux bus ne sont déjà pas nombreuses et ces derniers ne sont pas en avance, voire ne sont parfois même pas à l'heure. Cela signifie que si l'on permet à d'autres véhicules supplémentaires d'emprunter les voies de bus déjà bien encombrées, cela ne fera qu'aggraver la situation. Voilà pour le problème pratique.

Pour ce qui est de l'aspect légal, la législation fédérale permet en effet, dans le cadre des règlements d'utilisation des routes, à certains transports publics d'emprunter des voies de bus. C'est bien stipulé.

Maintenant, si nous voulons ajouter toutes sortes de critères différents, nous ferons une exception à la genevoise, bien classique, où seront tolérées des choses tout à fait inacceptables dans le reste de la Suisse, ce qui n'est pas admissible ! Nous ne devons pas faire de Genève une république bananière en autorisant des accès particuliers à toute une série de personnes, tout en les refusant à d'autres !

En Italie, par exemple, il y a des zones théoriquement interdites à la population, mais on y trouve bien sûr des voitures de députés, de privilégiés, de fonctionnaires, etc.

Est-ce cela que nous voulons à Genève ? On commence par les cars et on finit avec une légion de tolérances, de particularismes qui enlèvent tout le sens de la législation initiale ! De ce point de vue, nous pensons que les tolérances sont déjà assez nombreuses et qu'il ne faut pas en rajouter ! C'est pour cette raison que nous refuserons cette motion. (Applaudissements.)

M. Alain Meylan (L). Le groupe libéral soutiendra cette motion pour pouvoir l'étudier en commission, et ce pour plusieurs raisons.

Le député Stauffer a indiqué être un spécialiste des taxis... J'ai la particularité, dans ma vie professionnelle et ma vie politique, de m'être occupé trois fois des taxis, et je pense avoir une certaine légitimité pour en parler.

Effectivement, les taxis jaunes sont un service public: ils ont donc le droit d'utiliser, à certaines conditions, les voies publiques qui sont à leur disposition. Ce qui n'est pas le cas des taxis bleus, qui n'ont pas la légitimité publique. C'est la loi actuelle ! Que vous le vouliez ou non, Monsieur Stauffer, c'est le cas ! Nous allons du reste très certainement en rediscuter ces prochains temps. De ce côté-là, nous sommes d'accord: la loi autorise ou non certaines personnes à utiliser les voies de bus.

Pour ce qui est des transports professionnels, je pense qu'il est utile d'analyser la situation en commission des transports: on pourra nous expliquer quelles sont les possibilités et les impossibilités, certainement assez nombreuses, c'est vrai. Mais il faut aussi nous demander pourquoi nous sommes dans cette situation: pourquoi un bus met-il plus d'une heure - jusqu'à une heure et demie - pour aller de l'aéroport au centre-ville, sur un réseau de transports privés ?

Une voix. Il y a trop de vélos ! (Commentaires.)

M. Alain Meylan. Pourquoi notre régime de circulation n'a-t-il pas été adapté ? La direction générale de la mobilité ne sait pas anticiper les flux de circulation, et je pense que, de ce point de vue, avec une traversée du lac et un réseau élargi, nous devons mener des réflexions essentielles dans l'équilibre et dans la vision de ce que l'on veut en matière de circulation à Genève. Il n'est pas admissible, Mesdames et Messieurs, dans une ville comme Genève - de 300 000 ou 400 000 habitants - qu'il faille une heure ou une heure et quart pour aller de l'aéroport au centre-ville ! Pensez aux touristes ou aux internationaux qui viennent à Genève et doivent passer par la rue de la Servette, laquelle est complètement embouteillée à cause de deux immeubles qui provoquent un bouchon au milieu de cette rue ! A Chêne-Bourg ou à Chêne-Bougeries, on a voulu éviter un bouchon, or là on en occasionne un autre vers la rue de la Pisciculture ou de...

Une voix. De la Poissonnerie !

M. Alain Meylan. ...de la Poissonnerie, voilà !

Mesdames et Messieurs les députés, il y a un réel problème de circulation, et je pense qu'une étude doit être faite en commission des transports. Le groupe libéral soutiendra donc le renvoi de cette proposition de motion en commission. Certes, elle pose un certain nombre de problèmes - on ne le cache pas - et je ne pense pas que l'on puisse de facto autoriser les véhicules de transport privé, touristique, à utiliser les voies de bus...

Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !

M. Alain Meylan. ...mais il me paraît utile d'étudier ce point de vue en commission des transports.

M. Antoine Bertschy (UDC). Je vais commencer par répondre à mon préopinant... Pourquoi un touriste qui prend un car X ou Y d'une compagnie radicale ou libérale met-il une heure et quart pour traverser la ville de Genève ? C'est parce que moi, vous, nos concitoyens, nous mettons aussi une heure et quart pour traverser la ville de Genève ! Et il n'y a pas de raison que le touriste puisse emprunter les voies de bus, alors que le simple citoyen, lui, doit se taper les bouchons ! Tout le monde à la même enseigne ! (Commentaires.)

Il n'y a qu'une seule solution pour aller plus vite, c'est de prendre le bus ! Certes, depuis l'aéroport, il fait quelques zigzags: son trajet n'est pas franchement direct pour aller au centre-ville. Mais ça, c'est un autre problème ! Nous aurions pu en discuter lorsque nous avons débattu du contrat de prestations des TPG, mais c'est un autre problème.

Pourquoi ne pouvons-nous pas accepter, au sein de l'UDC, cette motion ? Pour une raison simple: c'est qu'elle favorise, non pas certaines catégories de la population, mais deux ou trois entreprises, qui veulent pouvoir utiliser les voies de bus. Ce n'est pas acceptable ! Pourquoi, sous prétexte que nous aurions une compagnie de cars, pourrions-nous utiliser les voies de bus, alors que si nous possédions une entreprise qui pratique d'autres activités - les camions, les taxis, comme cela a été évoqué précédemment - nous ne pourrions pas emprunter ces voies ? Et pourquoi le simple citoyen ne pourrait-il pas utiliser les voies de bus ? A ce moment-là, il n'y a qu'une solution: supprimons les voies de bus, Mesdames et Messieurs ! (Rires. Commentaires.) Je ne pense pas que ce soit ce que vous vouliez, et nous ne le voulons pas non plus ! Les voies de bus, comme leur nom l'indique, doivent servir aux bus et pas à autre chose ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Frédéric Hohl, à qui il reste une minute trente.

M. Frédéric Hohl (R). Merci, Monsieur le président. Chacun se fait plaisir... On sent bien que cette proposition de motion provoque le débat et, honnêtement, je pense qu'il faut prendre le temps de l'étudier en commission.

Monsieur Bertschy, nous n'avons pas parlé des touristes qui vont profiter des voies de bus... Nous avons parlé notamment des classes scolaires, qui font très souvent appel à des sociétés d'autocars pour se déplacer ! Il y a quelques petites exceptions... (Commentaires.) Mais parlez-en en commission: je pense que c'est important !

Monsieur le président, vous transmettrez à M. Golay, ce brillant entrepreneur - qui commence gentiment à essayer d'imiter son patron et qui est en train d'y arriver - que, honnêtement, je n'ai pas du tout apprécié ses propos.

Monsieur Golay, je vous trouve mal élevé: vous n'êtes pas du tout éduqué ! Il y a un minimum de respect à avoir, et je pense que vous pourriez peut-être un peu en faire preuve... C'est vrai, vous essayez d'imiter votre patron: vous avez encore de la peine à y aller, mais je pense que vous y arriverez ! (Exclamations.) Vous lui transmettrez, Monsieur le président ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous ai déjà dit tout à l'heure, Monsieur le député, qu'à l'impossible nul n'est tenu !

Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Michèle Künzler.

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat est opposé à cette motion, qui pose effectivement pas mal de problèmes...

Si l'on devait autoriser les autocars à circuler eux aussi sur les voies de bus, qui sont déjà fort occupées par les bus et les taxis, ce serait tout simplement impossible ! Il faudrait conclure, comme M. Bertschy vient de le faire, à la suppression des voies de bus, parce qu'elles ne serviraient plus à rien !

En l'occurrence, la loi fédérale ne permet pas que les voies de bus puissent être utilisées pour n'importe quel usage. Les voies des bus ont des spécifications qui sont reconnues dans la LCR, et il n'est pas possible de faire des exceptions à bien plaire !

Quant à dire, Monsieur Meylan, qu'il faut une heure et demie pour aller de l'aéroport au centre-ville... Je me demande depuis quand vous n'avez plus pris le bus ! Il faut entre dix-neuf et vingt et une minutes pour faire le trajet avec le bus 10. Je viens de le vérifier. Si vous prenez le train, le trajet dure sept minutes. De plus, le billet est gratuit depuis l'aéroport ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) En tout cas, il est beaucoup plus rapide de prendre le bus, et il n'y a aucune raison d'avoir des exceptions supplémentaires, alors que la situation est déjà tendue pour les transports publics.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition de renvoyer cette motion à la commission des transports.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1965 à la commission des transports est rejeté par 53 non contre 25 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la proposition de motion 1965 est rejetée par 64 non contre 12 oui et 7 abstentions.