République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 septembre 2010 à 14h
57e législature - 1re année - 10e session - 54e séance
PL 10514-A
Premier débat
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi qui nous est proposé permet d'être conforme à l'identificateur unique des entreprises qui devrait être utilisé par l'ensemble des administrations en 2011, et cela à la demande la Confédération. Il s'agit en fait de voter un projet de loi destiné à mettre à la disposition des entreprises un répertoire des entreprises genevoises, ci-après REG, géré par l'OCIRT, regroupant toutes les données les concernant. Tout cela est adapté à l'administration en ligne et à adjoindre au socle existant.
Donc il ne s'agit pas, comme il l'a pu être dit au cours des travaux de commission par une minorité, de travailler sur l'externalisation ou de porter un jugement sur l'internalisation au sein du CTI. Il s'agit de manière extrêmement simple de renforcer sur le socle existant un dispositif qui permettra d'être en conformité avec la demande de la Confédération, c'est-à-dire un répertoire des entreprises genevoises. Je vous remercie de bien vouloir accepter ce projet, comme l'a demandé la grande majorité de la commission des finances.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, excepté la conclusion de Mme la rapporteure majorité, je fais ses propos miens. Effectivement, l'objectif est de refaire tout le système du registre du commerce; c'est une nécessité. Notre problème, la raison pour laquelle nous avons pris le rapport de minorité, ne porte absolument pas sur l'objet résultant du projet de loi, mais sur les moyens octroyés pour atteindre cet objectif ! Je répète: on ne remet absolument pas en cause l'objectif, mais les moyens, et voici pourquoi.
La Cour des comptes a récemment, dans son rapport du début de l'année, alpagué le CTI en mettant le doigt sur le fait qu'il n'utilisait pas les ressources à l'interne de l'Etat, mais donnait des mandats externes pour réaliser des projets informatiques. Je vais vous donner quelques exemples, et vous allez tout de suite comprendre pourquoi le groupe MCG est opposé aux moyens mis à disposition pour atteindre l'objectif. Nous ne sommes pas à quelques semaines près ou à quelques mois près, et nous vous demandons de retoquer le CTI, qui se moque de ce parlement, et je m'en explique. «Le groupe MCG - je vous lis un petit extrait de mon rapport, page 25 - ne peut accepter ce mode de faire, faut-il encore savoir que le matériel requis pour le présent projet de loi est de 327 000 F, le reste, soit 2 740 600 F ne sert qu'à écrire le programme informatique en confiant 1 970 000 F en mandats externes alors que le CTI regorge de compétences à l'interne !»
Encore une fois, on est pris en otage. Ce n'est pas la première fois que cela arrive à la commission des finances et que le résultat du projet est ô combien nécessaire pour la bonne gestion de l'Etat, mais que les moyens mis à disposition pour atteindre cet objectif sont proprement scandaleux ! La Cour des comptes a condamné le CTI pour ce mode de faire. Pensez-vous que le CTI a modifié son approche lorsqu'il vient présenter un projet de loi à la commission des finances ? Eh bien non ! La Cour des comptes n'a de toute façon pas de moyens répressifs, si ce n'est de produire un rapport divulgué à la presse. Donc finalement, on s'en fout ! Cela n'a pas de conséquence.
Eh bien non, Mesdames et Messieurs les députés ! On a voulu la Cour des comptes indépendante, justement pour avoir un regard objectif sur la gestion de l'administration, alors il faut que cela fonctionne ! Mais si nous ne nous faisons pas le relais de la Cour des comptes dans le pouvoir législatif et que nous acceptons ce mode de faire, finalement, la Cour des comptes ne sert strictement à rien ! Et c'est une évidence.
Donc, nous vous demandons simplement de refuser ce projet de loi en invitant le Conseil d'Etat à expliquer gentiment - avec les mots de son choix - au CTI qu'il faut qu'il se serve des ressources à l'interne en lieu et place d'utiliser et de donner des mandats externes pour des millions de francs par année. En effet, il faut savoir que ces sociétés qui fournissent ce personnel facturent un peu plus de 1000 F par jour et par employé, et que la plupart sont bien entendu frontaliers, ce qui avait aussi été relevé dans le rapport de la Cour des comptes. Je vous passe les détails de sécurité intérieure, parce que beaucoup de députés, ici, n'ont aucune idée de ce que la sécurité intérieure ou la sécurité de l'Etat signifie; or des données extrêmement sensibles pourraient aussi se balader outre frontière. Quelques exemples récents sont là pour l'attester. Donc ces mandats externes n'ont finalement pas lieu d'être. Il y a des compétences à l'interne, il faut les utiliser.
Le CTI, très maladroitement, a bien essayé, en commission des finances, de dire: «Oui, mais le projet de loi, c'est un maximum...»
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur. C'est trois minutes !
M. Eric Stauffer. Oui, je peux conclure ! Mais vous savez, ce que je dis, qui est-ce que cela intéresse finalement, à part les citoyens qui ne vont pas comprendre que l'on va accepter de nouveau de jeter 2 millions par la fenêtre pour des mandats externes ? Alors je vais en rester là...
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur !
M. Eric Stauffer. Oui, c'est cela ! ...et je reviendrai éventuellement par la suite, si on... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Très bien ! Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme Flamand.
Mme Emilie Flamand (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la rapporteure de majorité a déjà bien expliqué en quoi consistait ce projet de loi. J'aimerais revenir sur deux points. Premièrement, il y a deux ans environ, nous avons voté un projet de loi sur l'administration en ligne, pour un montant de 27 millions comprenant dix prestations prioritaires. Depuis, on voit arriver de nombreuses nouvelles prestations, de nouveaux programmes informatiques, et il est vrai que l'on dépense beaucoup d'argent pour l'informatique. Ce projet de répertoire des entreprises ne faisait pas partie des dix prestations de l'administration en ligne, il vient en plus. Et, parfois, on a un peu de peine à comprendre le cap suivi par le département.
Je vais revenir sur la problématique des mandats externes qu'a soulevée M. Stauffer, car je suis d'accord avec lui sur plusieurs points. A l'époque où nous avons traité ce projet de loi en commission, nous n'avions pas encore toutes les informations. Mais depuis, nous avons appris que, dans les projets informatiques, le DCTI budgète toujours et presque par défaut la quasi-totalité des charges de personnel en externe - il faut savoir que, lorsqu'elles sont budgétées en externes, ces charges sont 30% plus élevées qu'à l'interne - et cela parce que le CTI est incapable d'élaborer un plan de charges et de prévoir les tâches qui pourront ou non être réalisées à l'interne.
L'argument de la compétence a été évoqué pour justifier cette externalisation; les mandataires externes seraient plus compétents, plus à jour. Mais, en suivant cette logique, on se résigne à ne confier aux collaborateurs du CTI que les tâches les plus ingrates et on renforce une situation dénoncée par la Cour des comptes, à savoir qu'un grand nombre de collaborateurs du CTI manquent de qualifications ou ont des compétences qui ne sont pas ou plus adaptées à leurs missions. Ces problèmes du CTI sont connus; la commission des finances, et plus particulièrement sa sous-commission informatique, poursuivent leurs travaux à ce sujet et demandent des explications au département, car je crois que les commissaires, tous partis confondus, en ont assez de voter des projets la tête dans le sac, sans savoir où l'on va avec ce CTI.
Alors comme toujours, nous avons eu un dilemme, en traitant ce projet: refuser le projet pour faire pression sur le CTI et le département, et ainsi obtenir des améliorations - c'est la voie choisie par le rapporteur de minorité - ou alors punir un autre service d'un autre département, qui n'est pas responsable des errements du CTI. Les Verts ont choisi cette fois-ci de soutenir ce projet, qui amène une grande rationalisation dans les bases de données de l'Etat, et de ne pas le retarder. Mais nous resterons très attentifs à ce qui se passe dans le centre névralgique de l'informatique de l'Etat. (Applaudissements.)
M. Florian Gander (MCG). En étudiant ce projet, je me suis posé la question: le CTI mérite-t-il vraiment qu'on lui donne cette attention ? Parce que, apparemment... Excusez-moi, mais j'ai vraiment l'impression qu'il n'y a là-bas que des incompétents. On n'est pas capable de leur donner un programme un suivre. On a des ingénieurs, des informaticiens qui ne sont pas capables de créer des programmes. Je m'inquiète sérieusement; en effet, qu'a-t-on en Suisse ? Des têtes ! Et les têtes, en l'occurrence, on ne les a apparemment pas à Genève. Elles doivent être ailleurs, peut-être; on doit les chercher.
Enfin bref, je trouve inadmissible que l'on soit obligé de sous-traiter à hauteur de 1 970 000 F ! A des entreprises externes, dont on sait que 43% des employés sont des frontaliers - mais ce n'est pas pour revenir là-dessus - alors que l'on a des compétences dans les écoles polytechniques et que des informaticiens qui sortent du CEPTA n'arrivent pas trouver d'emploi actuellement. Je ne peux pas adhérer à cela. C'est simplement pour cela que je vais vous demander de refuser ce projet de loi.
Une voix. Bravo !
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mme Flamand, avec beaucoup d'élégance et de conviction, a parfaitement résumé la position qui sera celle du groupe socialiste, donc je ne vais pas reprendre tous ses arguments. J'aimerais néanmoins les éclaircir avec des exemples parce que, au fond, au coeur du débat, dans tous ces projets informatiques qui reviennent, il y a la question des prestations fournies à l'interne du CTI ou des mandataires externes. Vous savez que je suis enseignante, et j'aimerais vous donner deux exemples actuels qui vous montrent comment on pourrait fonctionner, et fonctionner mieux, à l'Etat.
Le premier exemple est l'informatisation des relevés d'absences des élèves dans le postobligatoire. Vous savez que les enseignants, auparavant, notaient dans les carnets de classe de manière manuscrite les absences, les renvois, les arrivées tardives, etc. Il y a quelques années, un enseignant de l'école dans laquelle je travaille a mis au point un programme informatique qui permet aux enseignants, après leurs cours, d'entrer ces données sur ordinateur. Pour le maître de classe, c'est beaucoup plus simple et beaucoup plus lisible.
C'était tellement bien fait, tellement proche du terrain, que ce programme a été repris et développé par le CTI. Et depuis cette rentrée scolaire, tous les établissements du secondaire postobligatoire, et même du cycle, je crois - il faudrait que je vérifie - utilisent ce programme. Et ce programme fonctionne bien parce qu'il a été élaboré par quelqu'un du terrain. Au fond, par quelqu'un qui connaît bien la réalité scolaire ! Il a certainement coûté moins cher que ce qu'auraient coûté des mandataires externes.
Le deuxième exemple, le contre-exemple, est la mise en réseau informatique de tout le catalogue des bibliothèques scolaires du postobligatoire. Il y a quelques années, ce parlement avait dû réfléchir à cette question; il n'avait pas choisi de prendre quelque chose qui existait déjà, le réseau RERO, qui est le réseau romand, et avait préféré développer son propre système. En l'occurrence, je le souligne, ce n'est pas le CTI qui l'a mis au point. Cela a été confié à des mandataires externes, après un appel d'offres tout à fait normal; c'étaient des mandataires externes au DIP, externes au fonctionnement même des centres de documentation et, d'ailleurs, externes au canton.
Ce logiciel, qui s'appelle Flora, Mesdames et Messieurs les députés, est actuellement en état - je l'ai dit hier à la commission des finances - de mort cérébrale. Il est sous perfusion et sous coma artificiel, parce que l'on essaye de sauver ce qui peut l'être. Et selon toute vraisemblance, d'ici à quelques semaines ou quelques mois, le parlement sera saisi d'une demande de nouveaux crédits, parce qu'il faudra faire autre chose, et probablement rejoindre le réseau RERO.
La conclusion - c'est l'appel que j'aimerais vraiment lancer à M. le conseiller d'Etat Muller, et au parlement aussi - est que nous devons véritablement réfléchir à la manière de faire au mieux à l'avenir. Le groupe socialiste aimerait vous dire que, si l'on veut éviter les mandataires externes, cela signifie que l'on doit aussi donner les moyens - et c'est au parlement de le faire - à l'Etat d'assumer ses tâches et, donc, d'engager les personnes compétentes, non pas comme auxiliaires, mais à des postes fixes et correctement rémunérés.
M. Edouard Cuendet (L). Tout d'abord, je me félicite du fait que le MCG salue un rapport de la Cour des comptes; dans ce cas-ci, effectivement, il l'a salué. Je me souviens que, dans une affaire de la police où la Cour des comptes épinglait certaines choses et pratiques dans la police, ce n'était pas le cas !
Cela étant dit, ce projet est important. Il l'est parce qu'il s'intègre dans la politique que veut mener le Conseil d'Etat, la politique ambitieuse en matière d'administration en ligne. C'est clairement l'avenir. A ce sujet, je me réjouis aussi de ce que le rapporteur de minorité ait reconnu l'importance fondamentale de ce projet pour Genève.
Concernant le mandat octroyé à des compétences externes, le groupe libéral est d'avis que, pour ces projets ponctuels, il faut en général des compétences spécifiques, et qu'il serait absurde de les engager de manière fixe à l'Etat. En effet, vu le nombre de projets en cours, cela conduirait à une inflation inconsidérée et incontrôlable du nombre de postes fixes, inflation pas du tout compatible avec la politique de rigueur que, heureusement, le Conseil d'Etat entend mener.
Nous sommes pour que les compétences soient disponibles pour les projets spécifiques. On nous a bien expliqué que les projets étaient très différents entre eux, et cela a été prouvé notamment dans la cadre des travaux de la sous-commission informatique. Donc, il n'est pas question que l'Etat engage à tour de bras des centaines voire des milliers de spécialistes dans tous les domaines informatiques. Cela n'empêche pas le groupe libéral d'avoir un oeil critique aussi sur la gestion. Cela se fait notamment à travers la sous-commission informatique, qui, notamment sous l'impulsion de notre excellente collègue Anne-Marie von Arx-Vernon, a lancé des contrôles annuels budgétaires et des rapports serrés. Il ne faut pas croire que ces projets sont menés en roue libre. Par le passé, des expériences ont été désastreuses, elles ont été dénoncées aussi par le groupe libéral. Il n'est pas question non plus de complaisance, mais estimons que les choses s'améliorent, cependant cela ne doit pas conduire à un engagement pléthorique de nouveaux collaborateurs à l'Etat. Je vous remercie de soutenir ce projet de loi.
M. Eric Bertinat (UDC). L'UDC ne peut que s'associer à tout ce qui a été dit, à toutes les critiques. Le DCTI est actuellement, vraiment, dans l'oeil du cyclone. De nombreux dossiers sont soit maltraités, soit mal présentés, ou posent problème dans l'approche que nous en faisons, que ce soit à la commission des finances ou à la sous-commission informatique. Mais il faut avouer que ce débat, outre la qualité même de la démarche du DCTI ou le problème des mandats que l'on externalise, tombe assez mal sur ce sujet, puisque ce dossier nous est imposé par la Confédération, avec une date butoir: 2011. Donc, sur le fond, nous sommes bien obligés d'accepter cela.
Relevons un même problème que l'on rencontre à toutes sortes de niveaux dans les dossiers informatiques: il convient que nous, simples miliciens, puissions arriver à évaluer l'importance des moyens qui y sont mis et savoir, quand c'est à une valse de millions que nous avons à faire face, si véritablement nous pouvons accepter, et sur quelle base. Et là, nous avons évidemment besoin en commission d'avoir l'aide du département, qui me semble tout de même commencer à le comprendre. On le constate à chaque audition, c'est un travail qui demande maturité à la fois de la part des fonctionnaires, mais peut-être aussi des commissaires. Le sujet est vaste. Du moment que nous ne sommes pas informaticiens, nous sommes confrontés à une technicité, à des coûts, à des difficultés qui ne sont pas compréhensibles, comme cela, de première main.
Donc pour ce qui concerne l'UDC, nous soutiendrons cette demande, tout en relevant qu'il y a encore moult choses à régler, bien évidemment. (Applaudissements.)
M. Jacques Jeannerat (R). J'ai l'impression, Mesdames et Messieurs les députés, que l'on mélange deux problèmes aujourd'hui. Il y a d'un côté les besoins de l'Etat, les besoins de la collectivité d'avoir un fichier des entreprises qui soit fiable et utile, avec une série d'informations comme le nombre d'employés dans les entreprises; c'est important. D'un autre côté, il y a la question de la gestion et de la mise au point des programmes informatiques par le CTI, avec ou sans sous-traitance. Je crois qu'il faut bien distinguer les deux problèmes.
La commission des finances, respectivement la sous-commission informatique, a conscience de ce problème. Elle a adopté plusieurs projets de lois en préavisant positivement pour la commission des finances, parce qu'elle estimait que c'était important. Il y a celui-ci, il y en a un dans quelques points de l'ordre jour également, que l'on va soutenir. Voilà la priorité d'aujourd'hui: ce fichier informatique des entreprises. Comme l'a dit mon excellent futur collègue de parti, M. Cuendet, l'administration en ligne représente non seulement l'avenir, mais aussi un besoin pour la gestion des entreprises dans ce canton.
Le problème du CTI, de la mise à disposition des programmes, doit être vu en commission, et non pas en séance plénière. Le groupe radical vous demande donc de soutenir ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Flamand, à qui il reste vingt secondes.
Mme Emilie Flamand (Ve). Merci, Monsieur le président...
Le président. Veuillez m'excuser: il vous reste une minute et vingt secondes.
Mme Emilie Flamand. Ce sera amplement suffisant. Je voulais simplement vous transmettre mon étonnement d'avoir entendu mon collègue Cuendet dire que, d'une part, il était hors de question de réduire les coûts de réalisation des projets informatiques en internalisant certaines des prestations et que, d'autre part, il était hors de question d'engager du personnel compétent au CTI. Je suis très surprise; je n'ai pas l'habitude d'entendre ce genre de discours de sa part.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Chers collègues, chers citoyens qui nous écoutez aujourd'hui... (Remarque.) ...c'est exactement ce que je disais avant. (Commentaires.) Tout le monde a critiqué le CTI en déclarant qu'il était inadmissible de confier des mandats externes ! Et vous allez voter des millions de crédits, comme si de rien n'était, comme si la Cour des comptes n'existait pas ! Mais, bon sang de bonsoir, où se trouve le courage politique dans cette salle ?! Il est quand même extraordinaire que tout le monde vienne dire: «Les projets ne sont pas bons; il ne faut pas donner ces mandats externes parce que cela coûte trop cher à l'Etat»... Nous vous demandons juste d'économiser des fonds, de rationaliser les compétences, évidemment, et de donner cela...
On vient dire: «On a besoin de spécificités particulières pour ces programmes.» Mais de qui se moque-t-on, Monsieur le député Cuendet ? Pour écrire un programme informatique, quand il faut faire un champ en haut à gauche et, pour l'autre département, l'autre programme informatique, il faut le faire en bas à droite, voulez-vous m'expliquer en langage de programmation ce que cela change ? Maintenant, pour le registre du commerce, faut-il des compétences particulières ? Donc il faudra aller trouver, je ne sais où, peut-être sur la planète Mars, quelqu'un qui a déjà écrit un programme pour le registre du commerce des Martiens ! (Rires. Commentaires.) Et l'autre programme nécessitera quelqu'un qui aura écrit un programme pour le social... Non ! Un informaticien reste un informaticien; un programmeur reste un programmeur. Je veux dire qu'il faut arrêter de prendre les gens pour ce qu'ils ne sont pas.
Je ne comprends pas, vous allez tous voter en coeur 2 millions ! La Cour des comptes l'a condamné, vous le condamnez tous - à l'unisson, parce que personne n'a félicité le CTI dans la présentation de ses projets, et vous allez lui donner 2 millions ! Mais, finalement, le CTI serait bien bête de changer de mode opératoire, puisque vous vous couchez au premier coup de vent.
Je vous demande, Mesdames et Messieurs, de refuser ce projet de loi, de retoquer une fois de manière sèche le CTI, pour lui dire de respecter désormais ce que la Cour des comptes lui a dit, et surtout ce que les députés lui ont dit en commission et à la sous-commission informatique, dont je suis membre aussi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur Deneys, vous avez demandé la parole après les rapporteurs; je vous la donne maintenant, il vous reste une minute.
M. Roger Deneys (S). En tant qu'informaticien-programmeur, j'aimerais simplement attirer l'attention de M. Stauffer... (Commentaires.) J'aimerais attirer l'attention de M. Stauffer et des députés présents dans cette enceinte sur le fait qu'un informaticien-programmeur, c'est bien, mais que quelqu'un qui connaît le métier, comme l'a dit Mme Torracinta, c'est nettement plus utile, parce que les résultats ne sont pas forcément à la hauteur des espérances des utilisateurs. C'est fondamental dans l'informatique ! Pour le reste, je ne me prononcerai pas sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il y a de nouvelles demandes de parole: je la donne à M. Jeannerat, à qui il reste une minute et quarante secondes.
M. Jacques Jeannerat (R). Je n'aurai pas besoin de tout cela, Monsieur le président. J'aimerais seulement m'exprimer en tant que président de la sous-commission informatique. Nous sommes conscients, il est vrai, des problèmes soulevés par l'ensemble des députés dans cette salle. Nous avons décidé de voter ce projet de loi, ainsi que celui qui est à l'ordre du jour, au point 31. Après cela, nous avons demandé au DCTI de nous élaborer une politique de gestion et de conception des programmes. Donc il y a encore ces deux projets, et ensuite nous allons vraiment faire notre travail consciencieusement et arrêter, justement, d'avoir des projets qui arrivent sans que l'on puisse mesurer exactement si l'on a besoin de les mener à l'interne ou à l'externe.
Par conséquent, je vous demande expressément de voter ce projet de loi, ainsi que celui qui figure au point 31 de l'ordre du jour. Ensuite, la sous-commission informatique produira un rapport détaillé sur la façon dont elle voit l'avenir des programmes informatiques à l'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer. Il lui reste trente secondes.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. J'ai décompté un peu plus ! Enfin, c'est une question d'habitude. Vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Deneys, que, s'il est en train de dire que les compétences métier n'existent pas au CTI, alors j'invite le Conseil d'Etat à licencier en masse les collaborateurs du CTI et à engager les bonnes personnes. A un moment donné, et encore une fois, il faut appeler un chat un chat ! Ou l'on a des gens compétents, ou alors on n'a pas des gens compétents, on licencie et on engage des personnes compétentes. Mais on ne continue pas à dilapider les fonds publics !
Surtout, Monsieur Jeannerat, vous dites que ces deux derniers projets vont être votés, mais qu'ensuite il faut vraiment que le CTI change... J'aimerais simplement souligner que cela fait plus d'une année et demie que nous dénonçons ce mode de faire ! Et que nous avons dû, nous aussi, saisir la Cour des comptes sur ce problème, pour qu'elle vienne confirmer ce que l'on vous signale depuis une année et demie. Et vous dites encore: «Doucement, doucement, il n'y a pas le feu au lac !»
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, il y a plus de trois ans que la sous-commission informatique a élaboré l'article 5, intitulé «Suivi périodique». Une fois l'an, les responsables du département des constructions et des technologies de l'information sont donc chargés de rendre compte aux commissaires de l'avancement des travaux et de l'état des dépenses concernant les projets informatiques. Nous avons effectivement l'exigence de vérifier avant de débloquer une deuxième tranche. Ce point n'a pas attendu que le MCG se réveille ! Nous avons des éléments qui nous permettent aujourd'hui de travailler concrètement. Nous attendons de M. le conseiller d'Etat Muller qu'il puisse effectivement faire suivre ces injonctions au sein de son département.
Sur la base de cet article 5, nous avons pu élaborer des recommandations. La Cour des comptes a également émis des recommandations qui ont été, pour certaines, suivies d'effets. La Cour des comptes n'a jamais interdit ni vivement déconseillé de confier des mandats externes ! Ce qu'elle a recommandé, c'est qu'il y ait par la suite des transferts de compétences à l'interne ! C'est donc quelque chose de tout à fait différent. Et si la commission, dans sa majorité moins le MCG, a soutenu ce projet de loi 10514, c'est que nous avons des éléments qui nous permettent de penser que la priorité doit être absolument donnée à la mise en conformité de l'administration en ligne avec le répertoire des... - je cherche le mot...
Une voix. Des entreprises !
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. ...«des entreprises», merci beaucoup ! C'est une priorité absolue. C'est pourquoi nous vous remercions de bien vouloir adopter ce projet de loi, qui, je le rappelle, a été soutenu à l'unanimité moins le MCG.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, M. Jeannerat a tout à fait correctement distingué les deux débats que nous avons en même temps ici. En ce qui concerne le premier volet, j'aimerais vous remercier de l'accueil enthousiaste que vous faites au projet de refonte du répertoire des entreprises. Cela étant dit, s'agissant des questions de gestion qui ont occupé l'essentiel du débat, j'aimerais vous dire tout d'abord que le rapport de la Cour des comptes de juin 2009 est bien connu du CTI, du Conseil d'Etat et de celui qui vous parle. Plusieurs mesures ont été prises, depuis, pour se conformer aux recommandations de la Cour des comptes qui ont été acceptées par le Conseil d'Etat. Vous n'ignorez pas - je m'adresse en particulier aux membres de la commission des finances - que nous sommes actuellement, depuis l'année dernière, dans un processus d'internalisation au sein du CTI de ceux que l'on appelle les collaborateurs externes. Ce sont entre dix et vingt collaborateurs par année qu'il est prévu d'engager en tant que fonctionnaires de l'administration. Cela va donc dans le sens de ce qui est demandé par la Cour des comptes et par la commission des finances.
S'agissant, de manière plus générale... (Brouhaha.) Je ne sais pas pourquoi il y a un peu d'agitation de ce côté-là; que se passe-t-il ?
Le président. Ne vous laissez pas distraire, Monsieur le conseiller d'Etat. Il vous faut poursuivre.
M. Mark Muller. Sur la question générale des mandats externes, si vous faites le parallèle avec la construction de bâtiments ou de tunnels, par exemple, ce que vous demandez, Monsieur Stauffer, ce serait que l'on constitue au sein de l'Etat une entreprise du bâtiment pour construire tous nos bâtiments, les trams et le CEVA. C'est ce que vous demandez pour l'informatique ! Ce n'est évidemment pas dans cette direction que nous allons. Il existe des entreprises sur le marché qui fournissent des prestations et il est dans l'intérêt de l'Etat de pouvoir faire appel aux compétences se trouvant dans ces entreprises. C'est donc de cette manière que nous travaillons, tout en veillant à suivre les recommandations de la Cour des comptes, qui nous a dit que nous abusions peut-être du recours aux entreprises, que l'on pouvait améliorer la gestion et faire un certain nombre d'économies; c'est ce que nous nous efforçons de faire depuis quelques mois.
Je dois quand même vous dire que je suis un peu étonné de certaines interventions qui ont l'air d'ignorer complètement ce qui s'est fait depuis environ une année au sein du département; les efforts ont été reconnus lors de séances de commission que nous avons eues ce printemps. Et tout d'un coup, on dit en plénière, je cite: «Patatras, rien ne va plus, il n'y a que des incompétents au CTI.» Je trouve que c'est manquer un peu de respect envers les efforts de réorganisation qui ont lieu, qui sont actuellement menés dans le département.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière du PL 10514.
Mis aux voix, le projet de loi 10514 est adopté en premier débat par 57 oui contre 13 non et 3 abstentions.
La loi 10514 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10514 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 13 non et 4 abstentions.