République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 juillet 2010 à 8h
57e législature - 1re année - 10e session - 48e séance
PL 10648-A
Premier débat
Le président. Nous sommes au point 135 de notre ordre du jour, le projet de loi 10648. Avant de donner la parole à Mme Chatelain, rapporteur de majorité, nous allons lire deux lettres, comme il a été décidé hier. Je vais donc demander à Mme Baud de lire la lettre des Verts et à M. Bertinat... (Remarque.) L'inverse ? On va faire l'inverse, voilà. Monsieur Bertinat, c'est donc à vous de lire le courrier 2925.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Baud pour la lecture du courrier 2926.
Le président. Merci, Madame la vice-présidente. La parole est au rapporteur de majorité, Mme Chatelain.
Mme Elisabeth Chatelain (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais commencer cette journée de travail par des remerciements. Je souhaite les adresser au département des finances et à toutes les personnes qui nous ont aidés pour surveiller, examiner et analyser ces comptes. Elles ont répondu à toutes nos questions, souvent détaillées, pointues, et demandant la plupart du temps beaucoup de recherches. Merci également au secrétariat général du Grand Conseil, qui nous a soutenus dans nos travaux et m'a particulièrement appuyée dans la rédaction de mon rapport de majorité.
J'aimerais aussi préciser, pour la compréhension, que j'ai utilisé les abréviations des anciens titres des départements, puisque nous sommes dans les comptes 2009 et qu'il n'y a eu que deux mois écoulés avec les nouvelles définitions des départements, ce qui pose d'ailleurs - pour certains départements ayant beaucoup changé, et quand des services ont passé d'un département à l'autre - certains problèmes de compréhension.
Pour entrer dans le vif du sujet, nous pouvons être satisfaits: les revenus de l'Etat, en 2009, se sont élevés à 8154 millions de francs, ses charges à 7832 millions. Nous avons donc un boni de 322 millions. C'était... (Remarque.) ...inattendu, et on va l'expliquer aujourd'hui.
Nous avons pu, grâce à cette bonne gestion, diminuer la dette de 670 millions. Et si elle reste conséquente - à 10,7 milliards - cette dette a baissé de presque 2 milliards depuis 2005, ce qui fait que la charge financière, les intérêts que nous devons chaque année, diminuent drastiquement. C'est une très bonne chose étant donné la situation de crise qui se poursuit. La réserve conjoncturelle, du coup, est à 905 millions, ce qui est très important pour pouvoir assurer les années futures.
J'aimerais m'arrêter un petit moment sur les investissements. Les investissements nets ont dépassé pour la première fois les 400 millions; 596,5 millions d'investissements en 2009, c'est remarquable. C'est aussi remarquable dans le sens où nous devons rattraper un grand retard, au niveau genevois, par rapport à nos investissements. Il est à relever également que le taux de réalisation par rapport à ce qui a été budgété est de 87%. C'est un taux élevé, ce qui nous montre que les services de l'Etat sont à même de mener à bien les grands travaux. Ces derniers sont nécessaires, même si, quelquefois, quand il s'agit de travaux sur la voie publique en particulier, ils dérangent un peu le quotidien de nos concitoyens.
J'aimerais mettre quand même un ou deux petits bémols, dans le sens où, certes, les recettes fiscales sont en hausse d'une façon globale, mais nous avons surtout eu la chance d'avoir des résultats exceptionnels sur l'impôt de succession et sur les impôts immobiliers. Il est difficile d'anticiper ce genre d'impôts, et nous ne pouvons pas souhaiter les voir systématiquement en hausse chaque année; les successions sont par définition peu prévisibles. Par contre, les impôts sur les personnes physiques et morales sont en baisse et dénotent la crise, qui ne faisait pourtant que commencer en 2009.
Les charges de personnel, particulièrement, ont augmenté, et certains le relèveront lors de ce débat, c'est évident. Il faut vraiment noter que ces charges ont augmenté en majeure partie suite à des choix politiques que nous avons faits ici, dans cette enceinte. Nous avons accepté un nouveau système de rémunération des fonctionnaires, avec la compensation de l'inflation et le treizième salaire. Nous avons créé - et cela à notre demande - des postes dans les politiques publiques prioritaires, c'est-à-dire la justice, la sécurité, l'enseignement, en particulier le postobligatoire, et l'aménagement du territoire. Ce sont nos demandes qui ont fait augmenter ces charges de personnel.
Ce qu'il faut aussi relever, c'est que la population a augmenté d'à peu près 50 000 personnes depuis dix ans. Et les services à cette population doivent bien évidemment être assurés, ce qui m'amène à vous demander de faire preuve d'une certaine prudence, non pas pour les comptes, puisque cet argent est dépensé, mais vis-à-vis du budget prochain. Les réformes structurelles, en particulier sur le personnel de la fonction publique, ont leurs limites, nous courons un risque quand même assez fort d'augmenter notre dette. Les revenus de cette année semblent bons, mais la crise n'est quand même pas terminée. Nous dépendons fortement de notre environnement international, sans compter la baisse d'impôts qui déploiera ses effets en 2010. Si l'Etat souhaite poursuivre sa politique anticyclique - surtout avec les investissements, qui sont, encore une fois, nécessaires pour notre république - nous devons nous donner les moyens de cette politique.
Les demandeurs d'emploi augmentent, et j'ai demandé à l'administration de nous faire un tableau - il figure à la page 12 du rapport - qui s'avère très parlant et inquiétant. J'ai aussi demandé de pouvoir visualiser les chiffres liés aux dépenses sociales par habitant: ces dernières diminuent. Il faut rester très attentif à ce fait-là: les différences entre les plus pauvres et les plus riches de notre canton augmentent, nous devons faire attention à ce qu'il n'y ait pas trop de disparités.
La commission des finances, comme chaque année, a travaillé en sous-commission et s'est rendue dans chaque département pour poser des questions. Leur nombre était souvent assez incroyable, mais la commission a toujours obtenu des réponses. Nous avions décidé, en commission, comme chaque année, de questions transversales que nous avons posées à toutes ces entités. Je vous les ai résumées dans le rapport, vous y trouverez tous les détails des questions et des réponses. J'aimerais juste revenir sur une ou deux de ces questions, déjà pour dire que, quand nous parlons de «taux d'absentéisme», c'est probablement une erreur de langage. Dans le langage courant, nous avons tendance à parler d'absentéisme en tant que critique, puisqu'on décide déjà que c'est un tort d'avoir été absent. En fait, notre demande était plus anodine, elle concernait le taux d'absence dans les départements, dans les services. Cela permet de constater, si nécessaire, s'il y a des problèmes dans certains services, ce que nous avons d'ailleurs pu relever.
Au niveau de la mise en oeuvre des différentes politiques à l'Etat - touchant par exemple la consommation énergétique, la gestion de la mobilité ou les retours sur investissements, soit pour des projets informatiques soit sur des subventions accordées - nous suivons très attentivement ces dossiers en commission des finances. Les politiques se mettent en place, parfois un peu plus lentement que nous le souhaitons, mais nous nous rendons compte que l'Etat fait de gros efforts dans ces différents domaines.
Le président. Il vous faut conclure, Madame le rapporteur !
Mme Elisabeth Chatelain. Une dernière question que nous avons posée et qui nous semble très importante, c'est le contrôle interne. Vous trouverez pas mal de détails dans le rapport. Nous avons quelques soucis pour un ou deux départements au niveau du contrôle interne. Sur ce point, la mise en place et le travail s'effectuent avec plus ou moins de vigueur et de rythme...
Le président. Merci, Madame...
Mme Elisabeth Chatelain. ...dans chacun des départements.
Le président. ...le rapporteur. Vous pourrez reprendre après, si vous le souhaitez. Je passe la parole à M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Le groupe MCG, certes, prend acte des profits réalisés sur cette année 2009; certes, les chiffres qui nous ont été fournis sont exacts, mais il n'en demeure pas moins que certains éléments des comptes 2009 nous apparaissent comme étant, je dirais, si graves que nous ne pouvons pas accepter ces derniers en l'état.
Je vais essayer de disséquer plusieurs éléments, dont voici le premier qui, selon nous, est le plus important: comme dans toute société, vous avez des réviseurs, vous avez des auditeurs et vous avez, quand on doit accepter les comptes, une assemblée générale des actionnaires devant approuver les comptes et la gestion des organes dirigeants. En l'occurrence, à l'Etat, les auditeurs sont l'ICF, l'inspection cantonale des finances. Un auditeur a la possibilité de faire des observations, qui sont - je dirais, entre guillemets - «assez légères». Quand il y a un désaccord profond, l'auditeur, le réviseur, émet des réserves. Et lorsqu'il y a des réserves, eh bien, en règle générale, dans le monde privé - et non pas étatique - les comptes ne sont pas approuvés par l'assemblée des actionnaires... (Remarque.) ...sauf à l'UBS ou à la BCGe, vous avez raison, Monsieur Deneys... (Rire de l'orateur.) ...de le spécifier.
Cela étant, je vais vous citer quelques passages de mon rapport de minorité concernant ces réserves.
Sous «Problématiques ouvertes sur les comptes 2009», on lit: «Causes des réserves: divergences d'opinion (réserves de carrière); mises en oeuvre différées (consolidation); difficultés d'ordre technique (débiteurs du service des contraventions; immobilisations incorporelles).
En vertu des normes d'audits, tous les thèmes présentés ci-après justifient une réserve.»
Donc - vous entendez bien - ce ne sont pas de simples observations, ce sont carrément et littéralement des réserves !
Je poursuis: «L'ordre dans lequel sont présentées ces réserves reflète leur matérialité.»
Concernant la réserve n°1 «Comptes consolidés», on lit ceci: «Les comptes 2009 ne présentent pas une situation financière consolidée de l'Etat avec ses principales filiales (HUG, TPG, SIG, AIG, UNIGE, FIPARK, FTI, HG, Palexpo, FPLC, FIDP).
Absence de vision globale du patrimoine et des dettes de l'Etat et du résultat de l'activité étatique dans son ensemble.
La consolidation est prévue pour les comptes 2010.»
Voici la deuxième réserve de l'ICF: «Sous-évaluation des subventions d'investissement accordées». On s'aperçoit que dans son rapport No 09-14, l'ICF a relevé «que le poste "Subventions d'investissement accordées" était sous-évalué en raison de l'absence de reconstitution des subventions d'investissement accordées avant l'exercice 1998.
Lors de l'exercice 2009, le DCTI et le DSE ont entrepris d'importants travaux afin de reconstituer et comptabiliser les subventions d'investissement versées pour la construction d'EMS, de D2 et de bâtiments scolaires (réintégration de F 49,1 millions de "Subventions d'investissement accordées").
En dépit de ces travaux, nous - l'ICF, donc - sommes d'avis que le montant des subventions d'investissement octroyées avant l'exercice 1998 demeure sous-évalué de plus de F 100 millions (au 31 décembre 2009, le poste "Subventions d'investissement accordées" s'élève à F 458,26 millions).
La sous-évaluation du poste "Subventions d'investissement accordées": péjore la situation patrimoniale de l'Etat de Genève (sous-évaluation de l'actif et des fonds propres de l'Etat à hauteur des subventions d'investissement non comptabilisées, soit plus de F 100 millions); a pour effet de sous-évaluer les "charges différées de subventions d'investissement".»
Vous verrez que la réserve n°3 relègue les heures supplémentaires de la police au niveau, je dirais, d'amateur, puisque les heures des enseignants sont plus du double, et nous parlons d'environ 110 millions de francs. Sous «Réserve 3 - Réserve de carrière des enseignants», on lit: «Conformément aux normes IPSAS, les périodes d'enseignement supplémentaires ("réserves de carrière") doivent être comptabilisées en tant que provision dans la mesure où elles impliquent une contre-prestation de la part de l'Etat sous la forme d'une compensation par diminution du temps de travail. Cette analyse est confirmée par le Président de l'IPSAS Board (l'organisme qui édicte les normes IPSAS).»
Sur la base des données à sa disposition, l'ICF estime «que l'engagement brut lié aux "réserves de carrière" avoisine F 110 millions.
L'absence de comptabilisation des "réserves de carrière" contrevient au principe de l'image fidèle puisque: la situation patrimoniale de l'Etat de Genève est améliorée à tort (surévaluation des fonds propres de l'Etat à hauteur de l'engagement net non comptabilisé); le compte de fonctionnement n'enregistre pas les charges et les revenus consécutifs aux dotations et utilisations de cet engagement.
La répétition de cette réserve s'imposera tant que les Directives d'application des normes IPSAS ne seront pas respectées et que l'impact sera significatif sur les comptes.»
Laissez-moi peut-être vous fournir, d'une manière un peu plus simple, une explication concernant cette réserve. On ne va pas rentrer dans le détail du calcul des 22 périodes sur les 35 périodes des enseignants du secondaire - ça serait trop technique, et personne n'y comprendrait rien. La résultante de cela, c'est que des heures supplémentaires appelées «réserves de carrière» sont générées. L'Etat de Genève part du principe - compte tenu qu'il ne va pas les payer mais les compenser en congés, ou que les gens pourront partir à la retraite plus tôt - eh bien, il part du principe qu'il n'a pas à les provisionner. Mais ceci est faux, parce que lorsque les gens prennent ces heures en compensation, eh bien il faut engager des auxiliaires pour les remplacer ! Et l'auxiliaire, l'Etat doit le payer, donc il y a un flux financier. Ainsi, ces montants - estimés à 110 millions - doivent être provisionnés dans les comptes de l'Etat. Une fois encore, ce n'est pas seulement le MCG qui le dit, mais c'est carrément l'inspection cantonale des finances.
Poursuivons: «Réserve 4 - Débiteurs du service des contraventions». Je lis: «Les revenus du service des...»
Le président. Il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. Alors j'y reviendrai plus tard, Monsieur le président. Merci.
Le président. Merci, je passe la parole à M. Jeannerat.
M. Jacques Jeannerat (R). Merci, Monsieur le président. Le groupe radical se déclare globalement satisfait des comptes 2009. Le résultat positif va nous permettre de poursuivre la diminution de la dette. Au niveau des recettes, il faut qu'on se réjouisse que l'économie genevoise ait su, que l'économie genevoise ait pu résister mieux que d'autres cantons - mieux que d'autres grandes villes qui nous entourent - à la crise économique qui a démarré mi-2008. C'est d'autant plus à souligner qu'une bonne partie de l'économie genevoise repose sur l'exportation vers certaines régions qui ont subi la crise de façon plus forte que nous.
Les entreprises genevoises ont ainsi pu servir une masse salariale importante qui s'est traduite par de bonnes rentrées fiscales. La bonne santé de l'économie a également permis de limiter le chômage et donc les dépenses pour la collectivité.
A noter - Mme la rapporteuse de majorité l'a souligné - le chiffre intéressant et important des recettes fiscales liées aux droits de succession, mais - je précise bien - aux droits de succession pour les personnes soumises au régime des forfaits fiscaux. Ce qui est important, dans cet élément-là, ce n'est pas le phénomène aléatoire relevé par Mme Chatelain, mais bien le fait que ces forfaits fiscaux sont destinés aux gens qui ont une certaine fortune et qui vont donc pouvoir payer des impôts de succession au moment de décès. Il faudrait donc qu'on s'en souvienne à l'avenir. Les personnes qui sont dans ce parlement et souhaitent la disparition de ces forfaits fiscaux devraient mieux y réfléchir, parce que c'est environ 300 à 400 millions qui pourraient disparaître des recettes fiscales chaque année.
Au chapitre des dépenses, les radicaux sont tout de même un peu inquiets des augmentations de charges de personnel et surtout des dépenses générales, qui sont importantes. Dans l'économie privée, si l'on avait le même taux de croissance des dépenses générales, eh bien je vous assure qu'aujourd'hui les entreprises ne pourraient apporter des recettes fiscales aussi importantes qu'elles l'ont fait pour 2009. Nous devons donc veiller à ce que ces dépenses générales n'augmentent pas de façon exagérée à l'avenir.
S'agissant du nombre de collaborateurs de l'Etat, il faut reconnaître que la lecture des comptes n'est pas évidente. Au fond, le Conseil d'Etat se glorifie d'avoir diminué le nombre de postes d'environ 5% sur la législature, mais ce n'est pas à mettre en parallèle avec les francs sonnants dépensés pour rémunérer les collaborateurs de l'Etat. En effet, dans le nombre de postes, on ne compte pas les agents spécialisés qui ont un contrat de durée limitée ou le personnel auxiliaire. Le groupe radical - ça fait trois ou quatre ans - demande qu'on corrige cette façon d'analyser le nombre de collaborateurs de l'Etat. On nous garantit que, pour l'année prochaine, ce sera fait de façon plus sérieuse et surtout plus systématique.
Toujours au niveau des dépenses, le groupe radical salue la maîtrise des subventions accordées; on est en dessous de ce qui était prévu au budget. C'est probablement l'un des fruits positifs de la LIAF, qui n'a pas que des défauts.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, il faut poursuivre la rigueur budgétaire. Le grand danger, avec une reprise de l'économie, c'est qu'on retombe dans des excès de confiance, des excès de dépenses. Il ne faut pas reprendre la courbe ascendante des dépenses - comme nous l'avons trop fait par le passé, chaque fois que la situation économique s'améliorait. Les radicaux veulent, à terme, maîtriser la dette. Dans l'idéal, celle-ci ne devrait pas dépasser le montant d'un exercice budgétaire, notre objectif est donc qu'elle atteigne environ les 7 milliards, pas plus.
Il faut poursuivre dans la mise en place de conditions-cadres, nécessaires au bon fonctionnement de l'économie. On le voit - et je l'ai dit au début de mon intervention - c'est grâce à une économie saine, qui a pu résister à la crise, qu'on a pu engranger des recettes fiscales importantes. Il faut donc poursuivre dans l'amélioration des conditions-cadres, et l'une des prochaines étapes pourrait être la suppression de la taxe professionnelle communale. En effet, des entreprises en bonne santé, ce sont des rentrées fiscales assurées. Et c'est un rôle de l'Etat en faveur de ceux qui en ont le plus besoin. En conclusion, les radicaux accepteront ces comptes.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Quand on s'intéresse aux comptes de l'Etat, on doit très clairement distinguer, je dirais, l'aspect financier, l'aspect comptable d'un côté, de l'aspect politique. Sur le plan de la gestion financière, on doit effectivement - et on peut - se réjouir des 322 millions de boni. Il faut reconnaître que la gestion financière du Conseil d'Etat est bonne. Malgré ce qu'a dit le rapporteur de minorité, M. Stauffer, malgré les cinq réserves de l'ICF, je vous rappelle que cette dernière recommande d'approuver les comptes. Et je ne résiste pas au plaisir - je le fais régulièrement - de vous rappeler que ces comptes-là sont quand même le résultat - pour l'essentiel, en tout cas pour onze mois - du travail d'un Conseil d'Etat à majorité de l'Alternative.
On peut se réjouir également des investissements, comme l'a dit Mme Chatelain, qui ont été très importants cette année et qui continueront à augmenter. Sur ce plan-là, le groupe socialiste est satisfait et approuvera les comptes.
Toutefois, sur un plan plus politique, le groupe socialiste émet des réserves et a des inquiétudes par rapport à l'avenir. En effet, la majorité de la population et du parlement a accepté, l'année dernière, une baisse des rentrées fiscales, alors que diverses politiques vont devoir être menées, notamment en matière sociale ou en matière d'éducation, je pense par exemple à la réforme du cycle d'orientation qui va coûter cher... Toutes ces réformes devront être menées de front, dans une période qui ne sera pas forcément des plus roses d'un point de vue financier.
Si j'ai bien lu - comme vous - la «Tribune de Genève» il y a quelques jours, on nous apprend que les comptes 2010 seront peut-être à l'équilibre. Mais, là encore, on a des incertitudes et on ne sait pas très bien dans quelle mesure ces comptes 2010 seront à l'équilibre - si c'est pour des raisons qui sont, en quelque sorte, des épiphénomènes, peut-être des échanges de terrains, ou si c'est réellement grâce à des rentrées fiscales qui seront meilleures que prévues. Les bons résultats de 2009 sont liés, comme l'a dit Mme Chatelain, à de bonnes rentrées fiscales, mais c'est aussi - et j'aimerais, au nom du groupe socialiste, le souligner - à cause de choix politiques quand même plus discutables, notamment en ce qui concerne le personnel de l'Etat, dont la croissance est systématiquement freinée. C'est un élément sur lequel le groupe socialiste, notamment par la bouche de sa cheffe de groupe, reviendra ultérieurement, parce que c'est un point très important pour nous.
J'aimerais dire à ce propos qu'en commission des finances on voit assez souvent les limites de cet exercice, puisque les divers départements viennent régulièrement nous demander des crédits complémentaires. Cela prouve bien que, quelque part, on a toujours tendance à sous-estimer, à vouloir freiner à tout prix la croissance du personnel de l'Etat, quand bien même on sait qu'on aura besoin de ces personnes. Et puis, un deuxième exemple que je pourrais citer, c'est celui du DCTI, où l'on confie la mise en place de projets informatiques - à force de ne pas vouloir l'attribuer à l'interne du département - à des mandataires externes qui coûtent plus cher et donc, quelque part, grèvent ensuite le budget de ce département.
Nous reviendrons également - ultérieurement, quand nous parlerons du département de la solidarité et de l'emploi - sur certains aspects de la politique sociale. Mais j'aimerais relever un point extrêmement intéressant du rapport de majorité, à la page 13 - et Mme Chatelain y a fait allusion - c'est les dépenses sociales par résident. Quand on dit «dépenses sociales», c'est l'Hospice général, le SCARPA, les prestations complémentaires et le service de l'assurance-maladie. Les dépenses sociales ont régulièrement augmenté entre 1995 et 2002. Depuis 2002, elles ont baissé et, aujourd'hui, elles sont revenues à un niveau légèrement inférieur à celui de 1995.
Sur cela, je crois qu'on doit être très clairs, Mesdames et Messieurs les députés: alors que la précarité augmente, alors que les difficultés d'une partie de la population augmentent, eh bien les prestations sociales, de fait, ont baissé. Nous reviendrons aussi tout à l'heure sur les emplois de solidarité et sur les emplois de formation.
Nous aurons l'occasion de relever aussi que l'esbroufe du rapport de minorité et de son auteur est inutile, puisqu'il ne s'agit en rien de dénoncer purement et simplement l'«Etat négrier» - je mets quelques guillemets, je cite ce que dit régulièrement le MCG. Il faut agir, et vous avez reçu récemment, dans vos enveloppes, un projet de loi socialiste prévoyant d'augmenter les salaires versés dans le cadre des emplois de solidarité, mais nous y reviendrons tout à l'heure.
Autre remarque, qui figure également dans le rapport de majorité: les indicateurs concernant le chômage. Ils ne sont, là aussi, guère réjouissants. Pour le groupe socialiste - et nous y reviendrons - la politique de l'emploi devrait être beaucoup plus dynamique et également plus transversale. On peut effectivement se poser un certain nombre de questions, puisqu'on sait que notre canton, en ce qui concerne l'emploi, a tendance à attirer des entreprises à haute valeur ajoutée - on cherche même, dans la politique économique du canton, à les attirer. Mais on pourrait se demander si une politique économique intelligente ne consisterait pas aussi à développer de l'emploi pour des personnes moins qualifiées. Là, on aurait un vrai travail à faire, en collaboration entre le DARES et, bien sûr, le DIP et le DSE.
On pourrait faire la même remarque en fonction des professions d'avenir - vous savez qu'on va ouvrir 357 lits d'EMS l'année prochaine, on va avoir besoin de personnel. On sait que tout ce qui concerne l'accompagnement de la personne, lié notamment au vieillissement, sera extrêmement important à l'avenir. Et on doit développer, dans le secteur des soins, dans le secteur des prises en charge des personnes, des politiques de formation. Cela doit se faire de manière transversale - je le répète - au sein de l'Etat. C'est ce que nous appelons, au parti socialiste, une «politique d'investissement social», dans le sens qu'on favorise, on investit pour de l'emploi, pour créer des places de travail, pour former des gens. Mais, à terme, ce sont des économies qu'on réalisera puisque ces personnes auront du travail et n'émargeront pas au budget de l'Etat en ce qui concerne le chômage.
Autre réserve: on a parlé des investissements, soit, et hier soir nous avons eu des débats sur le logement. Le groupe socialiste s'inquiète quand même du nombre insuffisant de logements qui se construisent à Genève. Là aussi - même si nous approuvons globalement les comptes 2009 - il y a beaucoup à faire, et nous insistons pour que le Conseil d'Etat agisse, et vite.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste dira oui aux comptes, mais un «oui, mais», parce qu'à l'heure où la population du canton augmente, à l'heure où la population du canton vieillit, à l'heure où la population est de plus en plus en prise avec la précarité, à l'heure où la Confédération se décharge notamment de la politique sociale, coûteuse, sur les cantons, ce que nous faisons à Genève - c'est-à-dire restreindre à tout prix les charges de personnel de l'Etat - est une politique qui ne pourra pas se continuer très longtemps, au risque sinon de provoquer des explosions sociales toujours plus importantes. (Applaudissements.)
Le président. Merci, sept minutes pile ! (Rires.)
Présidence de M. Renaud Gautier, premier vice-président
M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, voilà, l'heure des comptes a sonné ! Pour le MCG, il est difficile de prendre une décision unique, parce qu'on n'a pas distingué la qualité des comptes de celle de la gestion. Au niveau des comptes, je ne pense pas qu'on puisse avoir beaucoup de retenue - parce que les comptes, c'est quoi ? C'est déclarer ce que l'on a dépensé. La comptabilité à l'Etat est bien tenue, il peut y avoir des erreurs relevées par l'ICF, mais je crois que, quand on a changé des méthodes - comme on l'a fait chez nous, c'est-à-dire qu'on a adopté les normes IPSAS, qui ne sont pas nécessairement assimilées par tout le monde... Le Conseil d'Etat avait quand même déjà déclaré certaines réserves vis-à-vis des normes IPSAS, ne serait-ce qu'au niveau des caisses de pension. Il y a des erreurs, indiscutablement, ce sont de petites erreurs. Mais il est vrai que ne pas comptabiliser les amendes, c'est une erreur; la réserve de carrière, alors, c'en est une grosse, parce que ressortir 110 millions de sa poche, en un coup, sans les avoir mis au budget, c'est un peu grave ! Mais, par rapport à l'équilibre que l'on a en général, je ne crois pas que ce soit quelque chose de déterminant.
Nous sommes plus réservés quant à la gestion. Je vais d'abord passer sur l'idée des comptes. Ces derniers nous révèlent un boni de plus de 300 millions, c'est une excellente chose. Je crois qu'on ne peut pas rêver de meilleure situation dans une période, quand même, de turbulences et de crise. Quand on pense que certains pays ont des déficits de plus de 8% et que les dettes y augmentent d'une manière catastrophique - on peut penser à notre voisin - alors qu'ici on fait le contraire... Depuis cinq ans, on a passé d'un endettement de 13 milliards à 10 milliards, je crois que c'est quand même à relever. Et cette année, qui aurait pu être une année difficile, même si l'on dit que la crise va encore arriver - c'est peut-être vrai, mais on a quand même eu une période difficile, on n'a qu'à le voir sur les autres régions suisses - on parvient à quelque chose de positif. (Brouhaha.) Il faut bien dire ici que c'est il y a cinq ans, lorsque le Conseil d'Etat a lancé son idée de contrôler l'augmentation des dépenses, que nous avons véritablement commencé à bien gérer, disons, financièrement - et je précise bien: «gérer financièrement» - le canton.
C'est ainsi que, pendant cinq ans, les dépenses ont été relativement contrôlées. Il y a des dépenses un peu lourdes cette année, celles en personnel, mais cela provient quand même de la mise en place d'un treizième salaire pour les fonctionnaires, qui a contribué à une forte augmentation de la dépense. Mais, dans le contrôle des dépenses en général, je pense qu'on a été raisonnables. Il y a à Genève, il est vrai, un grave problème: on a un excès d'emplois au niveau des fonctionnaires. C'est un peu dommage, parce que je crois que nous sommes la seule institution qui dépense autant en investissements informatiques. Quand on voit l'investissement informatique dans les autres entreprises, ça débouche en principe sur une rationalisation du travail et une économie de personnel. Chez nous, le malheur, c'est que l'informatique nous coûte très cher et débouche sur une augmentation de personnel - voilà un paradoxe qu'il faudra résoudre un jour ! (Commentaires.)
Maintenant, quand on parle de l'emploi en général, il est vrai qu'on peut se plaindre, d'une certaine manière, qu'à Genève - après avoir créé ces dernières années plus de 30 000 places de travail, alors qu'il y avait auparavant 25 000 demandeurs d'emploi - on a toujours 25 000 demandeurs d'emploi et qu'on a augmenté de 40 000 le nombre de frontaliers. Il est vrai que là, il y a un grave problème de gestion au niveau de l'Etat - au niveau des employés de l'Etat aussi, parce qu'il y a des services pour lesquels nous importons de la main-d'oeuvre alors qu'on en a sur place.
En ce qui concerne la main-d'oeuvre de faible qualification, je ne pense pas que ce soit en développant des entreprises de ce genre à Genève qu'on arrivera à résoudre quoi que ce soit. En effet, on sait que les entreprises à faible qualification sont celles qui importent le plus de personnel de l'extérieur de Genève, et il y a là un dumping salarial tout à fait inadmissible. Mais il s'agit du privé, contre lequel on ne peut pas intervenir. Par contre, au niveau de l'Etat, s'agissant du dumping salarial, je pense que les emplois de formation - qui sont souhaitables, parce qu'il est indiscutable que nous devons encourager la réinsertion rapide des chômeurs dans l'économie - sont un outil absolument nécessaire, mais ce n'est pas parce qu'on appelle quelque chose «emploi de formation» qu'il faut sous-payer les gens. L'Etat n'a pas un rôle de sous-payeur, ce n'est pas son rôle de profiter de l'assistance pour faire travailler les gens et en faire des working poors. Cela est inadmissible, c'est la raison pour laquelle nous émettons des réserves quant à la gestion, mais non pas quant à la comptabilisation et à la méthode financières.
En ce qui concerne les résultats, il est clair que le seul contrôle efficace que nous ayons porte sur les dépenses, et elles ont été bien contrôlées. Au niveau des revenus, ça reste aléatoire, parce que les impôts dépendent de l'activité économique en général. Genève a la chance d'accueillir des activités de service, où il s'agit d'exportation invisible. Nous sommes une place de trading importante et, en général, une place de gestion importante dans le monde. Alors, il est clair que la diminution de l'activité d'exportation physique, qui a réellement eu lieu, a été largement compensée par l'accroissement de l'activité, je dirais, d'exportation de services. Et c'est là qu'on voit qu'une place comme Genève, une petite capitale du trading qui est quand même l'un des centres de hauts profits, nécessitant du personnel de haute qualification et donc très bien payé... Tout cela fait que nous avons non seulement augmenté nos impôts, mais nous avons aussi pu largement couvrir nos dépenses.
Je crois que nous sommes à peu près au bout de ce que je voulais dire comme propos préliminaires... Il y a une chose que l'on peut regretter, c'est le manque de consolidation des entités autonomes, parce que, malgré tout, ces dernières représentent la quasi-totalité ou majorité de nos subventions, et il semblerait quand même souhaitable que ces comptes puissent figurer au niveau de la consolidation - ça, c'est un point technique.
Monsieur le président, je crois que le MCG a encore à prendre une décision: si on arrive à séparer véritablement l'approbation des comptes de l'approbation de la gestion...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, s'il vous plaît !
M. Claude Jeanneret. ...nous suivrons. En effet, l'approbation des comptes, nous l'acceptons, mais concernant la gestion, nous restons sur une certaine réserve. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Cuendet.
M. Edouard Cuendet (L). Merci, Monsieur le président. Comment aborder ces comptes 2009 ? Il aurait pu y avoir deux solutions: on aurait pu se complaire dans une béate autosatisfaction en prenant uniquement en considération l'excédent de recettes de 322 millions, on aurait pu s'intéresser au rapport de minorité alimentaire, dont on a vu qu'il n'était qu'un condensé du rapport de l'ICF et dont le député MCG Jeanneret vient de nous dire qu'au fond il n'était pas pertinent. Mais cela n'a pas grand intérêt.
Une question se pose aujourd'hui: le canton de Genève est-il à la Suisse ce que la Grèce est à l'Europe ? Cette question possède une pertinence véritable si l'on prend en considération l'endettement du canton. Et c'est sur ce sujet-là que, dans ce rapport introductif, je vais me concentrer. En 2009, l'endettement du canton de Genève atteignait encore la somme stratosphérique de 10,7 milliards. Ces chiffres placent Genève largement en tête des cantons suisses en matière de dette. Selon les statistiques fédérales, notre canton connaît un endettement de 32 200 francs par habitant, suivi par Bâle-Ville avec 22 000 francs et le canton de Vaud avec 9470 francs. A cet égard, on se référera au très intéressant tableau qui nous a été remis à la commission des finances - mais qui n'est malheureusement pas dans le rapport - selon lequel on voit que le canton de Vaud, entre 2004 et 2009, a réduit sa dette de moitié en la faisant passer de plus de 8 milliards à moins de 4 milliards. Ce rapport devrait en fait figurer aux comptes.
En Europe, la Grèce est également victime d'un endettement massif atteignant 115% de son produit intérieur brut en 2009, et elle a un déficit public de 13,6% de son PIB. On voit donc, c'est évident, que la situation du canton de Genève n'est pas du tout aussi dramatique et est nettement plus enviable, puisque son endettement public atteint à peine 30% du PIB. Mais pourquoi donc notre canton se trouve-t-il dans une situation aussi enviable et parvient-il à produire un excédent de recettes ? Eh bien, comme l'a dit mon collègue Jeannerat, c'est parce qu'il bénéficie d'une économie incroyablement dynamique, qui a pour l'instant beaucoup moins souffert que celle d'autres cantons et pays avoisinants. Ce bilan a notamment été rendu possible par un exceptionnel résultat dans le domaine du trading des matières premières à Genève, qui est l'un des fleurons de notre canton et qui doit être préservé. Or la présence à Genève de ces sociétés de trading dépend évidemment du régime fiscal dont elles bénéficient, et ce régime fait actuellement l'objet d'attaques massives de Bruxelles. Ça sera un enjeu majeur pour notre canton dans les prochaines années, et je me félicite du fait que, dans le catalogue à la Prévert du programme de législature, ce point soit mis en exergue.
Ce résultat découle également des recettes exceptionnelles provenant des impôts de succession, à hauteur de 308 millions, dont 200 millions générés par les personnes au bénéfice du forfait fiscal. Rappelons que ces forfaitaires produisent également, de manière générale, une fiscalité d'environ 90 millions par année. On arrive donc au moins aux environs de 300 millions par année de la part de ces contribuables que les socialistes voudraient chasser du canton. Et on a vu que les Zurichois y sont bien arrivés: après la suppression du forfait fiscal à Zurich, tous ces contribuables sont en train de partir, et d'ailleurs pas très loin, puisqu'ils vont à Schwyz. Sans cette économie et sans ces contribuables, le canton de Genève ne serait pas capable d'assurer les conditions-cadres en matière d'infrastructures et d'investissements - on a souligné l'importance des investissements pour le canton et celle des infrastructures nouvelles, qui sont indispensables. Sans cette économie et ces contribuables, le canton ne serait pas en mesure d'offrir les prestations sociales qui bénéficient à toute la population, et c'est alors qu'il se retrouverait peut-être au niveau de la Grèce, qui a payé jusqu'à 15% pour des emprunts à trois mois et doit réduire le salaire de ses fonctionnaires. N'oublions pas, à cet égard, que la notation du canton de Genève est pour l'instant à A+ et que le rapport de Standard & Poor's est plutôt positif, mais que notre canton se situe en réalité plus bas que l'Espagne qui a un double A - et on sait que ce pays, actuellement, se trouve dans une situation économique très difficile.
Il ne faut donc pas se reposer sur ses lauriers et, à ce niveau-là, on peut considérer le programme de législature comme beaucoup trop timoré en matière d'endettement. En effet, il ne vise que la maîtrise de l'endettement et pas sa diminution, ce qui devrait être l'une des priorités du canton. Je reviendrai tout à l'heure sur la question des dépenses. En conclusion, le groupe libéral acceptera les comptes.
M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, avec un excédent de 322 millions de francs, nous sommes tentés d'en rester au bouclement des comptes 2009 et de nous satisfaire de ce résultat. Cet excédent est tout simplement incroyable en cette période de crise économique. Il faut savoir remercier toutes les entreprises pour leur travail et leur fidélité à Genève, malgré une fiscalité toujours trop élevée, qui permet à l'Etat de poursuivre ses multiples tâches sans réellement devoir se remettre en cause. Pour preuve, l'augmentation des dépenses en 2009: les charges de personnel ont augmenté de 5%, soit 91 millions, pour s'élever à un total de 2000 millions de francs pour 455 000 habitants, soit près de 4500 francs par personne, enfants compris. Une famille de quatre personnes coûte donc 18 000 francs à l'Etat. A noter également l'augmentation des effectifs de l'Etat de 113 unités.
Autre augmentation, les dépenses générales: elles sont en hausse de 12%. Et les subventions, si elles n'ont augmenté que de 2,5%, s'élèvent à la coquette somme de 3400 millions de francs. La dette - bien qu'en diminution grâce aux résultats miraculeux de notre économie - reste préoccupante avec ses 10,7 milliards, et elle devrait être une priorité pour notre parlement, ce qu'elle n'est d'évidence pas.
Bref, pour que le ménage de l'Etat tourne, il lui faut la coquette somme de 7,5 milliards de francs, une somme qu'il trouve sans effort, même en temps de crise majeure. Il n'est pas près de revoir sa manière de fonctionner pour diminuer ses dépenses, c'est le principal enseignement de ces comptes.
Alors, avons-nous de quoi pleurer la bouche pleine ? La réponse est oui. Lors des longues discussions qui se sont tenues en commission des finances, plusieurs dossiers nous ont posé problème, et il faudra bien que le Conseil d'Etat apporte des solutions crédibles; nous pensons aux heures supplémentaires de la police ou celles que le DIP appelle «réserves de carrière», nous pensons à l'opacité des dépenses de la solidarité internationale, aux locaux nécessaires au pouvoir judiciaire ou encore aux HUG et aux limites atteintes par leur plan Victoria. Voilà quelques exemples, il y en a bien d'autres.
Nous nous sommes aussi interrogés en découvrant, en page 13 du rapport de notre collègue Elisabeth Chatelain, le petit calcul des dépenses sociales. Premièrement, la présentation de ces dépenses est faite pour certains secteurs: quand on vient nous dire que les dépenses sociales sont en diminution et se sont stabilisées à 2851 francs par résident, il est bien indiqué que c'est «dans certains secteurs» que ce ratio a été calculé.
Deuxième remarque: il n'est pas anodin de relever que ce chiffre ne tient pas compte des résidents sans papiers. Alors je me pose quand même une question, parce que si ce ratio de 2851 francs est multiplié par la population de Genève, on arrive à 1,3 milliard. La question est la suivante: le nombre de résidents clandestins, s'il en avait été tenu compte, est-ce qu'il aurait diminué le ratio qu'on nous présente ? Je ne crois pas. Alors est-ce qu'on a sorti la somme que représente l'aide sociale destinée aux clandestins ? Peut-être, je n'en sais rien, ce rapport ne le dit pas. Mais ça sous-entendrait quand même que l'Etat - alors qu'il ne veut jamais répondre à nos questions quand on souhaiterait chiffrer et connaître le nombre ou le coût des clandestins à Genève... L'Etat nous répond toujours qu'il ne peut pas, qu'il ne connaît pas les chiffres. Alors, moi, en lisant ce petit alinéa sur les dépenses sociales, j'aimerais bien qu'on me donne des réponses, je pense qu'on y reviendra plus tard.
Bref, nous discuterons de tout cela durant cette journée; reste que les comptes 2009, malgré les réserves de l'ICF, sont corrects. C'est pourquoi l'UDC votera, dans un premier temps, l'entrée en matière.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes aujourd'hui face aux comptes, qui constituent un bilan de législature - un bilan de la législature précédente ou alors un bilan d'entrée de la présente législature. Ces comptes, qui sont positifs, couronnent une méthode, celle qu'avait appliquée l'ancien gouvernement de ce canton. Ce dernier voulait nous dire qu'il était essentiel de maîtriser les charges et nous avait indiqué, dans le discours de Saint-Pierre, la manière dont il entendait s'y prendre - avec comme devise, très clairement: «Renoncer pour innover» - en disant qu'il fallait que les charges aient une croissance inférieure à l'inflation. Ce gouvernement s'est tenu à cette méthode. Vous aviez - et nous le saluons - un gouvernement qui a parlé d'une seule voix, malgré des divergences internes, certainement. Il a su régler ces différents problèmes et faire de la politique pour notre canton.
Au sujet de la gestion de la dette, le gouvernement nous disait: «Peut-être qu'au bout de quatre ans nous serons parvenus à stabiliser la dette.» C'est ce qu'il nous disait quatre ans auparavant; aujourd'hui, on voit que la dette a baissé de 2 milliards.
Nous avons vu aussi l'efficacité d'un plan de mesures, de deux plans de mesures - P1, P2 puis quelques numéros supplémentaires - et une volonté de les appliquer. Nous avons encore vu que ces méthodes fonctionnent.
Bien évidemment, nous les Verts cherchons depuis quelques années à établir la vérité de certains coûts. On avait eu beaucoup de peine à obtenir les coûts de l'utilisation des fluides dans les bâtiments de l'Etat. On a même fait venir les Services industriels pour savoir si eux savaient ce qu'ils livraient à l'Etat de Genève. On s'était demandé si, dans les bâtiments de l'Etat, il y avait des compteurs d'électricité - des choses aussi simples que cela, parce que ces chiffres, on ne pouvait pas les obtenir.
Nous avions demandé un bilan carbone. On a su par des fuites que certains fonctionnaires s'étaient demandé: «Qu'est-ce que c'est que cette nouvelle méthode comptable ? Un bilan carbone... Est-ce que ce sont ces vieilles feuilles noires sur lesquelles on appuie, puis ça se reproduit deux fois ?» Non, non, il s'agit bien d'évaluer l'impact en gaz carbonique sur la planète ! C'est ce que font aujourd'hui de gros instituts financiers tels que la Banque Pictet qui, pour ses activités, dresse un bilan carbone. Faire un tel bilan, c'est non seulement bon pour la planète, mais aussi pour le porte-monnaie; c'est être capable de se dire: «Mon impact sur l'environnement, si je suis capable de le mesurer, je suis aussi capable de faire des économies sur mon bilan environnemental, qui se traduiront assurément par des économies en francs.»
Nous restons bien évidemment, au bout de ces quatre ans de législature, soucieux vis-à-vis de l'environnement. Nous sommes en train de vivre la sixième plus grande extinction d'espèces de l'histoire de notre planète, à un rythme encore jamais connu. C'est incontestablement un problème planétaire mais, au niveau local, nous ne voyons pas tant de mesures ou que nous ayons réellement saisi l'urgence de la situation.
Nous avons, bien entendu, les normes OPair, qui vont devenir contraignantes et qu'il va falloir respecter. Tous les gens qui ont des enfants en bas âge se rendent compte que le nombre d'entre eux qui ont des faux croups, qui ont de l'asthme, qui ont ce type de problèmes, augmente. Nous avons un vrai problème de santé publique. Alors nous saluons les investissements effectués en matière de transports publics. Nous voyons qu'à Genève, lorsqu'on le décide - et là, je salue vraiment l'initiative prise par Robert Cramer pendant toutes ces années, et cette volonté qu'il y avait de construire des trams - lorsqu'on le veut, lorsqu'on travaille et lorsqu'il y a une concertation avec tous les milieux, on arrive à construire. Aujourd'hui, certes, nous rattrapons un retard, la situation est difficile. Je dois dire que cette volonté de construction a été ralliée par tous les partis, une volonté de mettre, pour l'ensemble de la population, des trams qui auront un impact extrêmement fort sur notre environnement.
Nous avons vu que les mesures d'économies peuvent poser des problèmes. Nous pensons et sommes aujourd'hui très attentifs à ce qui se passe à l'Hôpital - 1 milliard de notre budget. Nous pensons que nous sommes au bout de l'exercice, nous pensons qu'à un certain moment on va se retrouver avec des endroits où l'on est peut-être un peu trop à flux tendu. Le personnel soignant souffre, et nous ne sommes pas sûrs qu'il faille aller beaucoup plus loin en termes d'économies. Nous pensons que là, il faut être vraiment précautionneux: la santé des uns et des autres est essentielle. Nous avons vu, après quelques auditions avec santésuisse, que nous avons de vrais problèmes. Nous avons entendu - en commission des affaires sociales, cette fois - le représentant des assureurs nous dire: «Oui, le prix des dépenses de maladie à Genève a baissé. Oui, les réserves ont augmenté et, oui - parce que ça nous fait plaisir - on va vous faire augmenter les primes maladie, car il faut qu'on finance les autres cantons !» On n'est donc pas sûrs qu'il faille continuer aujourd'hui à aller pressurer à l'Hôpital. Mais il faut peut-être - je vais le dire brutalement - casser la figure aux assureurs, parce que là, on est vraiment fatigués de ce qui se passe.
Nous arriverons à une conclusion - parce que nous allons revenir avec des questions pendant cette journée - en saluant bien évidemment le travail effectué, en restant critiques et en restant attentifs. Il s'agit de dire que les enjeux pour Genève et notre planète sont essentiels, et de constater que l'argent, c'est comme les ressources naturelles, il faut l'utiliser avec précaution. Néanmoins, si vous n'utilisez pas du tout d'eau, pour l'hygiène, ça va être compliqué - il y a un moment où vous devez quand même utiliser la ressource, mais de manière précautionneuse. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les démocrates-chrétiens saluent la gestion et les comptes 2009 présentés par le Conseil d'Etat et accepteront l'entrée en matière - avec, en préambule, cette question: avons-nous des problèmes de riches ? Peut-être.
Nous relevons sept points importants. Le premier, c'est la gestion exemplaire de la dette, qui est passée de 13 à 11 milliards. Même si elle est encore trop importante, cette dette nous semble acceptable pour les investissements, mais pas pour le fonctionnement. Elle devra donc, à terme, atteindre au maximum le montant d'un exercice - nous pensons que c'est possible.
Nous relevons également les investissements, qui nous tiennent très à coeur en tant que politique anticyclique et comme lutte contre le chômage. Cela a été un signe très fort donné par les députés et suivi par le gouvernement.
Le troisième point, ce sont les rentrées fiscales importantes, dues à la bonne tenue de l'économie genevoise et au dynamisme des entreprises. Et là, nous devons relever l'excellent travail fourni par le ministre Unger pour faire venir des entreprises à Genève.
Nous relevons la nécessité de renforcer les contrôles internes. Nous serons particulièrement attentifs au sein des départements: rigueur et transparence semblent être les deux mamelles de la bonne gestion.
Monsieur le président, nous avons également un cinquième point: trouver l'équilibre entre le renforcement des compétences internes des fonctionnaires et l'attribution des mandats externes qui permettent de développer des outils nouveaux - avec, bien évidemment, le transfert des compétences, notamment dans le domaine informatique. Il y a là un véritable enjeu pour l'avenir.
Comme sixième point, nous relevons que l'inspection cantonale des finances a fait des recommandations. Bien sûr qu'elles seront suivies d'effet, parce que les démocrates-chrétiens y sont également très attachés. Notamment en matière de thésaurisation abusive, il y a eu d'énormes efforts. Et il faut dire que l'inspection cantonale des finances a recommandé d'accepter les comptes, il ne faut donc pas faire croire le contraire.
Comme septième point, nous relevons que les comptes sont présentés cette année d'une certaine manière, qui ne sera plus en vigueur l'année prochaine. En effet, les comptes seront alors issus d'un budget par prestations et donc difficilement comparables. Mais nous donnons en tout cas un signal très clair. En acceptant d'entrer en matière sur ces comptes, Mesdames et Messieurs, les démocrates-chrétiens vous recommandent d'en faire autant.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est au rapporteur de minorité, M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. En prolongation de ma première intervention - j'en étais resté à la quatrième réserve de l'inspection cantonale des finances - j'aimerais quand même réagir aux propos d'une députée, de je ne sais plus quel parti, qui vient dire: «Finalement, ce n'est pas grave, il n'y a que de simples réserves de l'ICF.» Eh bien, c'est vraiment la démonstration d'une méconnaissance du fonctionnement des services d'auditeurs. En effet, quand le fait n'est pas grave, on peut parler de simples observations - quoiqu'une observation faite par un réviseur lors de l'approbation des comptes constitue déjà une pierre noire dans un jardin. Quand on parle de réserves, eh bien elles sont à prendre vraiment au sérieux, puisqu'un réviseur peut ainsi actionner tout un tas de dispositifs, mais qui ne fonctionnent pas dans la machine qu'est l'Etat.
Cela étant dit, la quatrième réserve de l'ICF concerne les débiteurs du service des contraventions. Je vous la lis: «Les revenus du service des contraventions sont comptabilisés selon le principe de caisse (vs. principe d'échéance prescrit par les normes comptables).
A titre indicatif, en 2007, le service des contraventions avait estimé que le montant des débiteurs 2007 non comptabilisés au 31.12.2007 avoisinait F 33,5 millions (montant net après déduction de la provision pour débiteurs douteux). L'estimation du service ne peut être considérée comme fiable.
L'absence de comptabilisation des débiteurs du service des contraventions péjore la situation patrimoniale de l'Etat de Genève (sous-évaluation de l'actif et des fonds propres de l'Etat à hauteur du solde net (après provision) des débiteurs non comptabilisés au 31 décembre 2009).» C'est-à-dire que, au service des contraventions, personne ne sait où il en est tant c'est chaotique.
La cinquième et dernière réserve de l'ICF concerne les immobilisations incorporelles: «Le solde du poste "Immobilisations incorporelles" au 31 décembre 2009 s'élève à F 74,2 millions.
Ce montant est fortement sous-évalué, car il correspond essentiellement aux immobilisations incorporelles acquises ou créées sur l'exercice 2008 et 2009.» Voilà, j'en ai terminé avec ces cinq réserves.
Nous avons encore un sujet qu'il nous tient vraiment à coeur d'aborder - parce que ce n'est jamais le bon moment d'en parler - c'est le remboursement de la Banque cantonale de Genève. Lorsque l'on fait le budget, comme on s'y affairera vers le mois d'octobre, eh bien évidemment, on ne peut pas parler de la BCGe, parce qu'on ne sait pas ce qu'elle va gagner et donc ce qu'elle va rembourser. Quand il s'agit des comptes, on est devant le fait accompli: on ne peut pas amender les comptes, on peut les accepter ou les refuser. Finalement, ce n'est donc jamais le bon moment pour aborder le problème de la BCGe. Or au MCG, nous avons décidé que, finalement, le bon moment, c'était maintenant. En effet, figurez-vous que la BCGe, sur l'exercice 2009, a généré environ - je vous dis ça de mémoire, mais à 1 million près, on y est - 74 millions de bénéfices et n'a remboursé à l'Etat de Genève que 4 millions. Alors, moi je vous le demande, Mesdames et Messieurs: est-ce raisonnable ? Est-ce respectueux, quand on a une banque cantonale qui doit la bagatelle de 2,3 milliards - sans compter les intérêts parce qu'ils se sont arrêtés dans l'échelle du temps ? Est-ce raisonnable d'afficher un bénéfice de 74 millions et de ne rembourser que 4 millions à l'Etat de Genève ? Evidemment que ce n'est pas raisonnable !
Mais le pire, Mesdames et Messieurs, c'est ce qu'on ne vous dit pas: la BCGe paie des dividendes, elle paie des dividendes à l'Etat de Genève ! Et savez-vous que, sur ces dividendes, il y a des impôts à payer, des impôts fédéraux ? C'est-à-dire qu'en lieu et place d'un remboursement avant distribution des dividendes, eh bien la banque paie des dividendes. Puis l'Etat encaisse, puisqu'il est actionnaire, et va payer des impôts fédéraux sur ces dividendes versés par la BCGe. Je m'excuse, mais il n'y a pas besoin d'avoir fait l'université pour comprendre que c'est vraiment une imbécillité monstrueuse que de faire comme ça !
Nous sommes en train de faire cadeau de millions de francs à Berne, alors que la BCGe est endettée et qu'elle pourrait payer avant distribution des dividendes, en remboursement. Il n'y aurait ainsi pas d'impôts fédéraux à payer sur les dividendes ! Alors il faudra qu'on nous explique, parce que quand on a voulu aborder cela à la commission des finances, évidemment: «La BCGe, oui, c'est le grand thème du MCG, vous avez déjà tout dit !», etc. Oui, mais on essaie de vous le dire ! Ce qu'on aimerait, c'est que vous le compreniez et que vous agissiez de manière responsable ! On est venu nous dire en commission, Mesdames et Messieurs, que les 2 milliards de dette, il fallait qu'on se prépare psychologiquement à les passer par pertes et profits et à n'encaisser que les frais de fonctionnement qui s'élèvent aujourd'hui à 350 millions.
Moi je vous le demande, Mesdames et Messieurs les députés: êtes-vous prêts, psychologiquement, à tirer un trait sur 2 milliards ? En disant, pour solde de tout compte avec la BCGe: «Bon, allez, on tourne la page !» Mais quel est le message que nous allons donner aux contribuables genevois ? Qu'est-ce que nous allons bien pouvoir leur dire, si on passe 2 milliards par pertes et profits ? C'est un scandale !
Imaginons que, par impossible, la Banque cantonale se retrouve libérée d'une dette de 2 milliards - j'ai bien dit: 2 milliards. Il resterait les frais de fonctionnement: 350 à 380 millions. A coups de 4 millions par année, on va où ? Il faudra combien de dizaines d'années pour pouvoir rembourser ces 380 millions - sans intérêts, je vous le rappelle ? Alors, à un moment donné, on dit stop. Et l'on dit que, maintenant, il est temps qu'on parle de la BCGe, maintenant, il est temps qu'on mette les choses sur la table ! Et c'est maintenant que la Banque cantonale doit assumer ses responsabilités ! Et surtout, les politiques doivent assumer leurs responsabilités ! Parce que nous ne pourrions pas imaginer un seul instant, au MCG, qu'il y ait une connivence entre différents partis qui auraient été impliqués dans le scandale de la BCGe et qui, aujourd'hui...
Le président. Monsieur le rapporteur de minorité, pourriez-vous, s'il vous plaît, songer à conclure ?
M. Eric Stauffer. Mais avec plaisir ! Je reviendrai ultérieurement sur ce sujet, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole est à Mme le rapporteur de majorité.
Mme Elisabeth Chatelain (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir quelques instants sur les réserves de l'ICF. Je souhaiterais d'abord dire - aussi pour ne pas faire peur aux personnes qui nous écoutent - que l'ICF, organe de contrôle de l'Etat, recommande d'approuver les comptes, malgré ces quelques réserves qu'elle explicite et sur lesquelles je vais revenir.
Pour la première réserve, les comptes consolidés, cela sera réglé en 2010. Faut-il faire du foin pour cette première réserve ?
Deuxième réserve: les subventions d'investissement accordées. Le travail est en cours pour réévaluer, pour travailler au niveau de tout ce qui concerne ces subventions d'investissement. Le travail que nous demandons à notre administration, en particulier à tous les services financiers, est énorme. Nous avons passé aux normes IPSAS, il a donc dû y avoir un retraitement, et le prochain budget sera traité par politiques publiques. Les changements dans notre administration, dans tout ce qui est financier, sont remarquables, les personnes qui s'en occupent le font avec énormément de soin. Ce qu'il faut aussi relever, c'est qu'il y avait, sauf erreur, une dizaine de réserves l'année passée; il y en a cinq maintenant, et la première sera levée l'année prochaine. Je crois que nous devons vraiment considérer que le travail est fait d'une façon sérieuse, et c'est reconnu par l'ICF.
Pour la troisième réserve, la réserve de carrière des enseignants, c'est très délicat de comparer cela aux heures supplémentaires de la police. C'est une façon de procéder qui a cours dans l'enseignement postobligatoire depuis, je pense, des dizaines d'années. C'est une manière de permettre une certaine souplesse par rapport aux effectifs des jeunes en formation. Les enseignants diminuent ou augmentent leur temps de travail en fonction des besoins, et il y a un compte pour chaque enseignant, de façon à permettre cette souplesse. Cela permet aussi, pour des enseignants qui arrivent en fin de carrière et qui sont peut-être un peu à bout de souffle, de travailler un peu moins. De cette façon-là, il y a une bonne répartition de leur charge de travail et des prestations qu'ils peuvent fournir aux élèves. Ce qu'il est important de relever, c'est que, par exemple, des enseignants qui prennent leur retraite plus tôt par le biais du PLEND abandonnent leur réserve de carrière s'ils en avaient une. Ainsi, il est difficile de comptabiliser cela en heures supplémentaires. Et là, le Conseil d'Etat a pris une position très claire, en l'expliquant. L'ICF a une position comptable qui est, elle aussi, très claire et liée à une orthodoxie comptable peut-être difficilement applicable à ce genre de situations. Mais, au moins, les choses sont claires, transparentes, elles sont dites. De plus, cette réserve est expliquée et acceptée par l'ICF.
Au niveau du service des contraventions et de ses débiteurs, ce sont des sujets qui nous ont préoccupés, il y a une véritable problématique. Nous avons été saisis tout récemment d'un projet de loi proposant la mise en place d'un nouveau système informatique pour la gestion des contraventions; c'est absolument indispensable après l'échec de MICADO, que nous avons vécu comme douloureux au niveau de tout ce qui est informatique, des prestations et des rentrées que nous devons assurer. Ces amendes doivent être payées, et ce nouveau système informatique devrait pouvoir, si tout se passe bien, entrer en vigueur en 2011. Cette réserve pourra donc être levée.
Quant aux immobilisations incorporelles, si cette réserve permet, là aussi, à l'ICF d'approuver les comptes, c'est que depuis le 1er janvier 2008, tous les nouveaux actifs incorporels sont comptabilisés, et ceux qui restent sont amortis pour la plupart en cinq ans. Il ne vaut donc pas la peine de tout retraiter, uniquement pour des amortissements qui courent sur une faible durée. Là aussi, c'est en toute transparence que l'inspection cantonale des finances demande d'approuver ces comptes.
J'aimerais juste revenir sur la remarque de M. Bertinat concernant les dépenses sociales et le tableau à la page 13 - tableau qui est d'ailleurs assez mal mis en page, c'est un petit peu dommage au niveau de la lecture. J'aimerais aussi qu'il regarde le graphique à la page suivante, qui est très parlant. Je crois qu'il n'a pas vu - parce qu'il doit y avoir une petite erreur, soit de ma part, soit de la part de la mise en page - que lorsqu'on parle de 2851 francs par résident pour les dépenses sociales, c'est en 2002. En 2009, on arrive à 1950 francs par résident; il y a une forte baisse, et je crois que c'est très important. Et, sur 455 000 habitants dans notre canton, s'il y a - je ne sais pas le chiffre, l'Etat ne peut pas nous le dire, c'est justement la définition même d'un sans-papiers, de ne pas être répertorié - s'il y a 1000, 2000, peut-être 3000 sans-papiers, est-ce que la proportion changera ? Je ne le crois pas, j'en suis même certaine.
J'aimerais juste - peut-être pour amener un petit sourire dans ce parlement - répondre à M. Cuendet, qui craint que Genève soit pour la Suisse ce que la Grèce est pour l'Europe. Je pense que le seul risque pour Genève est qu'on se retrouve dans cette salle avec une chaleur telle que nous l'avons vécue hier soir et qui permette certains éclats. Je crois que c'est la seule comparaison que nous pourrions faire avec la Grèce, car - je vous le rappelle, et ceci pour rassurer notre population - la dette est quand même couverte par des actifs considérables que possède l'Etat de Genève.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je vous suggère de clore la liste, dans la mesure où chacun des partis a au moins pu s'exprimer une fois. Auront donc droit à la parole: M. Claude Jeanneret, M. Pierre Weiss, le rapporteur de minorité et, enfin, M. le conseiller d'Etat David Hiler. Je donne donc la parole à M. Claude Jeanneret.
M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Monsieur le président. (Remarque.) Oui, Monsieur Barrillier, j'ai déjà parlé, mais je ne crois pas que tout a été compris. Merci.
Chers collègues, j'ai quelques points à ajouter sur ce que nous avons entendu. En ce qui concerne le rapport de l'ICF, il s'agit effectivement d'un rapport de contrôle des comptes. Nous parlons aujourd'hui des comptes. Lorsqu'un rapporteur fait certaines réserves, ça ne veut pas dire qu'il refuse les comptes. Et c'est totalement aberrant de dire que l'ICF propose d'accepter les comptes. Il est clair que, s'il y a une ou deux réserves à émettre quand on contrôle des comptes, ça ne veut pas dire qu'on les refuse. Et je répète bien que ce n'est pas au niveau des comptes que nous nous opposons, au MCG, à l'acceptation des choses. Ce que l'ICF a relevé est vrai. Comme le dit très bien Mme Chatelain... Je croyais entendre un rapport des caisses maladie, parce qu'avec le temps les réserves disparaissent; c'est vrai qu'on l'a vu, je ne pensais pas que c'était la même chose à l'Etat, mais bon, puisque la majorité le pense, acceptons cela !
L'autre chose que je dirai, c'est que nous avons quelque chose de très utile au niveau de l'inspection cantonale des finances: des rapports qui, jusqu'à maintenant, étaient totalement indépendants. Nous avons simplement un grand souci au niveau du MCG: nous avons appris que le Conseil d'Etat aimerait mettre l'ICF dans la hiérarchie étatique de l'exécutif. Et je pense que là, nous, les députés, devrons faire très attention à ce que cela ne se produise pas, parce que c'est l'indépendance de travail de l'ICF qui permet justement d'avoir des rapports objectifs, des rapports tout à fait professionnels et qui ne sont pas influencés par une hiérarchie.
Je reviens quand même à la question de la gestion. Il est clair qu'au niveau du MCG nous maintenons nos doutes. M. Stauffer a parlé de la gestion de la BCGe: c'est vrai que c'est catastrophique de voir que les milliards qui ont accru notre dette sont quand même en partie dus à cette honorable banque, qu'on a réduit son remboursement à 300 et quelques millions et que, là-dessus - à la place de faire rembourser dignement et avec honneur une dette qui a permis de sauver cet établissement - on se limite à quelques millions par année, cela alors qu'on fait 70 millions de bénéfices sur lesquels on paie des impôts fédéraux ! C'est quand même aberrant d'envoyer de l'argent à Berne alors que, si on remboursait l'Etat, eh bien ce serait tout pour Genève - ça serait quand même préférable. Et je crois que là le gouvernement doit véritablement réfléchir à reprendre les choses en main. La Banque cantonale a une certaine autonomie, mais si elle l'a, c'est grâce à nous, c'est grâce à l'Etat, et il faut aussi qu'il y ait le retour des choses. La gestion égoïste de certains, qui disent que les subventions sont bonnes uniquement quand on en a besoin, mais que quand on est riche, on n'a plus rien à faire avec l'Etat... Je crois qu'il faut qu'on oublie ce genre de discours.
Quant aux libéraux, qui veulent nous faire croire que nous sommes un canton au bord du précipice, je rappellerai quand même qu'ils ont fait partie du gouvernement aussi longtemps qu'on a accru la dette, ils en sont aussi responsables que les autres. Et alors, nous donner des leçons de gestion, maintenant, alors qu'ils ont réussi à mettre le canton avec 13 milliards de dette, je crois qu'on peut tous rigoler ! Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Partant du principe que le gouvernement va reprendre les choses en main, je passe la parole à M. le député Pierre Weiss.
M. Pierre Weiss (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ferai d'abord juste une petite remarque concernant les attaques incessantes du MCG contre les partis en général, le parti libéral en particulier. Je me demande, avant que ce parti n'existe... (Commentaires.) ...pour quel parti ses électeurs actuels votaient. (Commentaires. Brouhaha.) J'en connais qui votaient pour le parti libéral, pour le parti démocrate-chrétien, pour le parti radical...
Le président. Monsieur Weiss, sur les comptes, s'il vous plaît !
M. Pierre Weiss. C'était juste un petit rappel. (Commentaires. Rires.) Sur les comptes, je ferai trois observations par ordre d'importance décroissante. La première: si la gestion est bonne, si les comptes, avec quelques réserves, méritent d'être approuvés, il y a néanmoins une bombe à retardement qui a été indiquée par Standard & Poor's dans son rapport sur l'Etat de Genève, il s'agit des caisses de pension. Aujourd'hui, les choses vont encore bien, mais demain, je ne sais pas quels en seront les effets concrets dans les budgets de l'Etat et dans les comptes ultérieurs. Je rappelle que Standard & Poor's indiquait que les engagements à long terme du canton atteignent déjà - «déjà», c'est moi qui l'ajoute - 233% des recettes totales à fin 2008. A combien en serons-nous dans les années qui viennent, compte tenu des évolutions boursières - et même si le Créa nous prédit, ces derniers jours, un retour à une conjoncture économique plus normale ? C'est le premier point et c'est probablement le souci de la législature, au-delà du programme qui a été établi par le Conseil d'Etat. Si ce point-là n'est pas réglé à satisfaction avec un équilibre dans les sacrifices qui devront être consentis, eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, je vous promets des années extrêmement difficiles.
Deuxième point, s'agissant des dépenses: il y a une augmentation structurelle des dépenses de l'Etat, qui continue. Je ne parle pas seulement de l'augmentation due au treizième salaire - ça fait 4,6% d'augmentation des dépenses de personnel que l'on a eu l'an passé - mais également d'autres dépenses qui continuent d'augmenter, y compris en raison des investissements. Ces derniers sont nécessaires, mais nous savons fort bien qu'ils se traduisent par un certain nombre de dépenses de fonctionnement. Il faudra assumer: lorsque nous faisons des choix d'investissements, sachons aussi que pour environ 10%, selon les cas, eh bien nous devrons payer du fonctionnement supplémentaire, parce qu'il y a des gens qui devront faire fonctionner ces nouveaux équipements publics.
Ma troisième remarque concerne une réserve - et là, c'est un point que je dédie plus spécifiquement à M. Hiler. Dans la controverse entre l'ICF et l'Etat de Genève sur la réserve de carrière, l'inspection cantonale des finances, au fond, part d'une définition brute des réserves de carrière et chiffre à 110 millions le montant qu'elle aimerait voir comptabilisé. Le Conseil d'Etat répond, au fond, en termes de réserves nettes de carrière. Ce qui serait bon, pour le prochain exercice - afin de ne pas subir les critiques qui se font jour, y compris de la part de l'ICF - c'est de calculer cette réserve nette de carrière. Voilà une suggestion que je fais au passage; c'est le matin, on peut encore en faire.
M. Gabriel Barrillier. Pas trop quand même !
Présidence de M. Guy Mettan, président
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Une fois n'est pas coutume, nous sommes d'accord avec l'un des points relevés par le député Weiss. C'est vrai que les fonds de pension, c'est une bombe à retardement. Il manque juste un chiffre à cela, mais c'est plusieurs milliards. Quelque part, ça veut donc dire que, dans l'esprit du Conseil d'Etat, il faudrait commencer par éliminer les 2 milliards que la BCGe devrait rembourser - ce qui ferait descendre, en termes clairs, la dette de 2 milliards - pour peut-être nous la remettre l'année d'après avec les caisses de pension. Et là, effectivement, il va y avoir de gros, gros problèmes. Mais - à chaque année sa peine - nous en parlerons très certainement l'année prochaine et nous aurons certainement quelques éclaircissements sur ce sujet.
On a parlé de la BCGe, on a parlé des impôts payés sur les dividendes versés alors que la BCGe ne rembourse pas, nous allons passer maintenant à un autre thème qui fait partie de notre opposition aux comptes 2009, il s'agit des «économies» - entre guillemets - qui ont été faites à l'Etat de Genève et du fait que, pour justifier ces dernières, on n'engage plus de personnel. La baisse linéaire de 5% dans tous les départements, même dans certains services où il n'y avait que trois personnes, crée des problèmes insurmontables pour ces services. Eh bien, figurez-vous que l'Etat a trouvé un fournisseur d'employés bon marché. En plus, il n'a pas besoin de les rémunérer puisqu'ils sont payés par une assurance fédérale qui s'appelle l'assurance-chômage. J'en veux pour preuve, Mesdames et Messieurs, que beaucoup de départements et certains établissements publics autonomes - mais nous y reviendrons ultérieurement - pour justifier ces non-engagements d'employés, ont fait appel au chômage pour ce qu'on nomme des programmes d'emploi-formation ou des emplois - entre guillemets - de «solidarité».
Parlons déjà des programmes d'emploi-formation. On va prendre par exemple quelqu'un qui a été malheureusement frappé par la disgrâce du chômage et qui gagnait 3800 francs par mois. Si cette personne est célibataire, elle va toucher 70% ou, si elle est mariée avec des charges de famille, 80% de son dernier revenu. Je vous laisse faire le calcul, c'est à peine 3000 francs par mois - à peine ! Eh bien, le chômage va placer cet employé - enfin, ce chômeur ou cette chômeuse - dans un service de l'Etat, par exemple aux OPF, ou dans d'autres départements, au DSPE ou peu importe. Cette personne va travailler comme un fonctionnaire normal et être payée au tarif du chômage - c'est-à-dire à peine 3000 francs par mois pour un job à plein temps, à l'Etat ! Et des cas comme ça, à l'office cantonal de la population, par exemple, il y en a des dizaines. Ces gens vont travailler six mois, soi-disant pour un emploi-formation, alors qu'en réalité ils sont formés en deux jours sur les systèmes informatiques de l'Etat. Et ces gens ont une adresse de messagerie, comme un fonctionnaire d'Etat, je veux dire, un employé normal - et je défie quiconque de me démontrer le contraire ! Ils sont donc assimilés à des fonctionnaires sans être payés par l'Etat mais par la caisse de chômage, à des salaires pouvant avoisiner à peine les 3000 francs, voire moins.
Et après, on va voir un Conseil d'Etat venir se targuer d'avoir réalisé des économies comme le Grand Conseil le lui a demandé, en ayant généré toute une manne de main-d'oeuvre d'une manière scandaleuse. En effet, n'importe quelle société privée qui engagerait des employés à moins de 3000 francs par mois pour un job à plein temps dans le secteur tertiaire, le secrétariat, la saisie, se verrait condamner par des tribunaux de prud'hommes.
Aujourd'hui, eh bien l'arrogance va plus loin puisqu'ils viennent afficher un excédent de 380 millions. «La conjoncture était bonne !» Plop, plop, plop, plop ! (L'orateur se frappe le torse.) Tout le monde tire sur ses bretelles... (Remarque.) Oui, 322 millions, merci, chère collègue ! Tout va bien dans le meilleur des mondes ! Et puis alors, les laissés-pour-compte... Vous savez, ces Genevois qu'on veut mettre sous le tapis parce qu'on ne veut pas les voir ! Eh bien c'est une honte ! C'est une honte d'exploiter des Genevois comme ça ! Et c'est l'une des raisons qui fait que le MCG veut s'opposer à ces comptes ! Nous exigeons que le Conseil d'Etat assume ses responsabilités et que, de manière rétroactive, les gens qui ont été utilisés, abusés et contraints soient payés conformément à la loi B 5 05 relative au personnel de l'Etat. Ça, c'est une exigence du MCG, parce que vous n'avez pas le droit - même s'ils n'étaient que dix, alors qu'ils sont des centaines - même s'ils n'étaient que dix, vous n'avez pas le droit de vous comporter comme des négriers qui utilisent des esclaves ! Je reviendrai plus tard sur le reste. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à M. Hiler.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais choisir de cette riche rhétorique quelques thèmes, les plus généraux, puisque nous aurons vraisemblablement, lors de la discussion département par département, l'occasion de revenir sur l'explication du droit fédéral concernant le chômage et, notamment, des plans emploi-formation.
Deux ou trois choses, d'abord, sur les réserves de l'ICF. Premièrement, les réserves dépendent du référent comptable, et si nous prenions aujourd'hui le référent comptable nouveau - qui vient d'être adopté en Suisse - la plupart de ces réserves tomberait. Ça, il faut le dire. Ce qu'il faut dire aussi, c'est que, dans la plupart des cantons aujourd'hui - tous, en fait - ces réserves n'auraient pas lieu d'être, parce que le référent est moins exigeant. Vous avez fait le choix, il y a quelques années, de nous doter du référent le plus exigeant, nous avons fait le choix de concéder très peu de dérogations. Le prix à payer, évidemment, c'est un assez gros travail pour faire notamment un certain nombre d'estimations de valeur, qui renvoient dans certains cas, pour être tout à fait à jour, à des décennies en arrière.
Maintenant, je vais quand même vous rassurer sur notre motivation. Un certain nombre de ces demandes de l'ICF sont de nature à améliorer le résultat, c'est donc vous dire - et c'est l'une des raisons qui fait que vous me voyez optimiste sur les comptes de cette année - que nous allons évidemment tout mettre en oeuvre pour répondre, là où c'est possible, par des estimations. Mais elles concernent des immeubles D2, des pontons, des débarcadères - toutes sortes de choses intéressantes qui vont donner beaucoup de travail au DCTI, au DIM et au DSE. Mais une fois que ça sera fait, ça sera fait...
L'autre réserve, c'est évidemment les comptes consolidés. C'est une décision que vous connaissez, on a décidé de faire les choses en deux temps et on aura donc les comptes consolidés pour l'exercice 2010... (Remarque.) Oui... (Rire de l'orateur.) Inch Allah ! C'est une opération assez compliquée, et je veux quand même vous dire que le seul canton suisse ayant adopté les normes IPSAS, avec un temps de retard par rapport à Genève - le canton de Zurich - ne consolidera pas intégralement, alors que nous sommes partis, pour notre part, sur une consolidation intégrale.
Et puis il reste le point assez particulier du système de contraventions. C'est l'histoire, que vous connaissez tous, d'un xième projet informatique échoué dans ce domaine particulier. (Remarque.) Oui, voilà... Il y a quelque chose d'un peu plus sérieux derrière - c'est-à-dire en dehors du fait de ne pas comptabiliser au bilan un certain nombre de choses devant être payées - c'est le suivi. Avec la mise en place, cette fois, du nouveau système, il faudra veiller à ne pas seulement avoir la créance, mais aussi à la faire payer.
Reste la réserve de carrière. Ce sujet, effectivement - et M. Weiss a eu raison d'insister là-dessus - est quand même un peu plus compliqué qu'il n'y paraît. Et - si je peux me permettre cette adresse à Mme le rapporteur de majorité - ce n'est pas tellement la comptabilité contre les besoins du service. Au fond, qu'est-ce qui différencie la réserve de carrière des heures supplémentaires ? Première situation - tout de même: en cas de fermeture de l'entreprise Etat, de liquidation, on ne doit rien. Voilà, on ne doit rien. Les heures supplémentaires, par contre, on les devrait, les vacances aussi - ça met déjà un doute. La deuxième raison pour laquelle on ne doit rien, c'est qu'au fond elles ne seront payées qu'en cas de prise de la retraite et que la plupart des enseignants partent avant l'âge de la retraite. (Remarque.) Eh oui, eh oui... Donc, dès lors qu'on part à soixante ans, on n'a pas le temps de rattraper la réserve de carrière, et ça s'arrête. Or, ces dernières années, des enseignants qui avaient commencé leur carrière beaucoup plus jeunes que ceux d'aujourd'hui - c'était le bon temps des suppléances, c'était aussi des formations un peu moins longues dans bien des cas - eh bien ces gens sont partis en abandonnant simplement leur réserve de carrière, mais en touchant un PLEND, ce n'est pas rien non plus... Disons que ce n'était pas un marché de dupes, il y avait quelques avantages de l'autre côté aussi.
Aujourd'hui, l'idée de M. Weiss - qui est l'une des idées que l'on peut poursuivre - est de dire: est-ce qu'on est capables de faire sérieusement le calcul de ce qu'il faudrait provisionner, sachant que, dans la plupart des cas, les gens ne vont pas l'utiliser ? Nous aurions pu - je le signale quand même aussi, afin que ce soit clair pour tout le monde - faire un peu baisser le résultat en mettant un chiffre «réserve de carrière», puis faire un calcul précis l'année prochaine pour faire baisser la réserve et dégager une recette; nous ne l'avons pas fait, parce que nous avons essayé de respecter une doctrine. Maintenant, tout va aussi dépendre des habitudes, et ça, c'est aussi un peu lié au dossier des caisses de pension. Ces réserves qui vont chaque année en diminuant n'ont donc rien de dramatique, et c'est la raison pour laquelle, en réalité, l'ICF est plutôt contente des progrès - quoique marquant un certain nombre de points noirs au niveau des observations qui, elles, sont beaucoup plus nombreuses et devront être résolues au fil du temps.
Deuxième point, les croissances en pourcent. Monsieur Bertinat, vous savez pertinemment que, dans les 5% de croissance de la masse salariale, il y a déjà 1,9 qui est un «one shot», comme on dit, c'est une dépense unique qui fait suite à la remise à niveau du système salarial de la police. On doit donc verser cela à la caisse de la police. Ce n'était pas absurde: avec une inflation à 1,3% et des mécanismes à 1%, on part de toute façon à 2,3. Ce n'est donc pas la croissance des effectifs qui est à l'origine de ceci, mais bien, là encore, des opérations de nature comptable uniques.
Il y a un dernier point sur lequel j'aimerais tout de même insister. Un certain nombre d'entre vous avez dit: «Tout ça, c'est grâce aux entreprises !» Comme si l'Etat était une sorte de nullité ne vivant que parce que les entreprises sont prospères et donc donnent beaucoup d'argent... Ce n'est - je m'excuse quand même de le dire - pas tout à fait le cas. Ces entreprises ont des demandes assez précises. Oui, nous voulons développer à Genève du haut de gamme dans le domaine de l'exportation, parce qu'il s'agit des seules entreprises qui viendront jamais s'établir pour des exportations. Les coûts des locaux, les coûts salariaux sont bien trop élevés pour faire du tissage de coton - je ne vais pas vous faire un cours là-dessus. Ces entreprises sont exigeantes quant à la qualité du système de formation, quant à la qualité des infrastructures, quant à la sécurité et - à vrai dire - quant au type de fiscalité dont elles peuvent disposer. C'est donc un tout.
Nous sommes dans une société haut de gamme, qui exige évidemment, dans un certain nombre de domaines, des prestations également haut de gamme. Nous sommes dans une société où le coût de la vie est extrêmement élevé. Et donc, de la même façon que les salaires du privé sont ici 10% plus élevés que ceux du canton de Vaud, c'est à peu près le cas de ceux de la fonction publique. Ce système est un tout, il peut toujours être amélioré au niveau de l'Etat - comme les entreprises, d'ailleurs, améliorent constamment, sinon elles finiraient par disparaître. Et c'est la chance que nous avons.
Il faut donc absolument se rappeler qu'il y a un système cohérent et que, pour garder ce type d'entreprises, il y a un volet fiscal, qui figure dans le plan de législature. Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous aurons l'occasion d'en parler. Mais il faut aussi des conditions-cadres appréciées de ce type d'entreprises, et leurs exigences sont élevées - on peut le comprendre. C'est une des raisons - une - pour lesquelles elles sont ici. De ce point de vue, Madame Torracinta, on ne peut pas faire venir des entreprises exportatrices bas de gamme car elles n'ont aucune raison de s'implanter ici, pour les raisons que j'ai évoquées. En revanche, en principe, c'est en faisant venir des entreprises haut de gamme exportatrices qu'on génère des emplois dans le commerce de détail, dans la restauration, dans l'hôtellerie, et c'est effectivement là qu'on a des emplois moins qualifiés mais malgré tout - dans certains secteurs, pas tous - raisonnablement rémunérés si on regarde ce qui se passe juste de l'autre côté de la frontière.
Ces éléments étant placés, le dernier point que j'aimerais mettre en avant, c'est la notation. Si vous comparez la notation d'un Etat souverain... (Rire de l'orateur.) ...avec une collectivité locale, vous êtes un joyeux plaisantin, Monsieur Cuendet ! (Rire de l'orateur.) On ne peut pas comparer, et vous le savez... Disons, il y a de toute façon un grade de plus pour l'Etat souverain. Maintenant, si on veut, en gros, jouer: pour avoir un déficit correspondant à un déficit de 8% du PIB - qu'on observe dans un certain nombre de pays développés - eh bien les calculs sont assez faciles; c'est - vous le savez - 3,2 milliards de francs de déficit. C'est ça que cela veut dire: 3,2 milliards de francs de déficit pour l'Etat de Genève. Nous n'en sommes pas là !
Reste la question de l'endettement explicite, qui est extrêmement peu élevé par rapport aux standards internationaux, assez élevé par rapport aux autres cantons suisses et à peu près comparable à celui de la Confédération - ce qui nous met quand même du bon côté de la barrière dans ce triste monde.
En revanche, il y a le dossier des caisses de pension. Il est dans le programme de législature, vous allez pouvoir en discuter longuement. Personnellement, ça fait à peu près quatre mois maintenant, je crois, que le quart de mon emploi du temps y passe, avec le soutien de l'un ou l'autre de mes collègues, des délégations personnelles, des délégations aux caisses de pension. Nous arrivons au bout d'assez longues négociations, dont la mise en consultation d'un plan urgent d'assainissement pour la seule CIA, le temps que vous ayez traité de la fusion qui commencera dès 2011. En effet, le vieillissement - que nous connaîtrons trois ans avant les autres cantons, puisque nous avons fait des études spécifiques à cause de la fusion - ajouté à la crise financière et au faible rebond de l'année 2010, nous amène à prendre des mesures. Elles ont un coût, un coût pour toutes sortes de gens - les collaborateurs, les futurs retraités, les retraités actuels et l'Etat. Nous sommes donc un peu plus qu'attentifs, nous ne sommes plus dans le diagnostic, nous sommes dans le catalogue des mesures qui vont être prises. Et là, il y a effectivement - pour conjurer un risque qui pourrait monter jusqu'à 10 milliards à vingt ans - un certain nombre de mesures qui vont nous obliger à mettre cela dans les priorités budgétaires.
Voilà, pour le reste, je vous remercie d'accepter - pour la plupart d'entre vous - les comptes, et je vous remercie d'avoir eu - pour la plupart d'entre vous - une appréciation pas trop négative de notre gestion. Et puis, comme nul n'est parfait, si l'un ou l'autre groupe refusait notre gestion, nous en tirerions évidemment argument pour nous améliorer. (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je salue à la tribune M. Fred Teeven, membre de la Chambre basse du Parlement néerlandais, qui nous rend visite, accompagné de M. le consul van Loon. (Applaudissements.) Très bien, nous allons donc maintenant passer au vote d'entrée en matière sur le projet de loi 10648.
Mis aux voix, le projet de loi 10648 est adopté en premier débat par 71 oui (unanimité des votants).
M. Pierre-François Unger. Voilà, ils nous aiment !
M. David Hiler. Vous nous aimez !
M. Pierre-François Unger. Ce témoignage d'amour nous réchauffe le coeur !
Deuxième débat: Session 10 (juillet 2010) - Séance 49 du 02.07.2010