République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 juin 2010 à 17h
57e législature - 1re année - 9e session - 41e séance
PL 10364-A
Premier débat
M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'énergie et des Services industriels a traité ce projet de loi en deux séances, les 15 janvier et 5 février derniers. Ce projet de loi, qui émane du MCG, est intitulé «"ECO21" sur l'économie d'énergie» et propose principalement deux choses: une distribution gratuite de cinq ampoules par foyer à l'ensemble de la population genevoise et l'interdiction des ampoules à filament sur le territoire du canton. Dans l'esprit des déposants de ce projet, ces deux actions ont pour but de réduire la facture énergétique du canton. Enfin, ce projet propose de financer cette distribution d'ampoules en prélevant les fonds nécessaires sur le budget du programme éco21 des SIG.
Comme se plaît à le rappeler son auteur, ce projet de loi, déposé le 30 septembre 2008 - la date est importante - pourrait passer pour visionnaire, et mon collègue vous dira certainement que c'est un projet extrêmement visionnaire. Quel est le contexte, à cette époque, en 2008 ? Partout en Europe, en Suisse, on parle de la suppression des ampoules à filament. Les discussions sérieuses entamées en 2007 entre les gouvernements européens, l'Union, les producteurs d'électricité et les producteurs d'ampoules, surtout, ont abouti en décembre 2008 et ont été approuvées par les Etats membres à la même date. Puis, en mars 2009, le parlement de l'Union européenne, suivi par la Commission, a approuvé un plan de retrait des ampoules à filament, avec un calendrier s'étalant de 2009 à 2012. Je vous en lis les détails, puisque, comme vous le verrez, ils sont importants pour la Suisse: retrait des lampes de 100 W en 2009, de 75 W en 2010, de 60 W en 2011 et enfin de 40 et 25 W en 2012. Au 31 décembre 2012, il n'y aura plus une seule ampoule à filament en Europe ni en Suisse, puisque la Confédération a rejoint l'UE sur ce point en juin 2009 et que ce calendrier européen de retrait des ampoules à filament est par conséquent appliqué depuis un an en Suisse avec le même effet qu'en Europe.
Quel était encore le contexte à cette époque, juste avant que le MCG dépose ce projet de loi visionnaire ? En mars 2008, au Conseil national, le conseiller Neirynck dépose une initiative parlementaire intitulée: «Remplacement des ampoules à filament par des ampoules économiques». Cette initiative parlementaire a été traitée en février 2009 par la commission de l'environnement du Conseil national. Cette commission décide de ne pas lui donner suite au motif - je cite - «qu'il ne faut pas instaurer de décalages trop importants par rapport à l'environnement européen. [...] il serait bien trop coûteux pour la Suisse d'adopter seule des réglementations particulières de ce type. Il importe donc autant que possible de se référer aux normes énergétiques de l'Union européenne.» Trois mois plus tard, la Confédération, moins timorée que cette commission du National, va entériner le plan de l'Union européenne et suivra l'Union européenne dans l'application du plan de retrait. Tel est le contexte national et international à l'époque où le MCG dépose son projet de loi visionnaire.
Revenons maintenant à ce projet de loi. Il présente plusieurs problèmes, que nous avons relevés en commission. D'abord, d'un point de vue légal, le parlement ne peut pas décider de l'allocation d'argent qui ne lui appartient pas. En effet, l'argent qui doit servir à payer ces ampoules est pris sur le budget du programme éco21 des Services industriels. Evidemment, ce n'est pas dans notre attribution, à nous députés, de décider comment une régie autonome va dépenser son argent dans les détails. Donc ce projet de loi, contrairement à ce qui est écrit, n'est pas financé.
Petite parenthèse, l'audition des Services industriels a permis, par contre, d'avoir une idée précise des actions envisagées...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur !
M. François Lefort. Je conclus rapidement. Le deuxième problème est d'ordre pratique. La distribution d'ampoules à tous les foyers genevois est difficilement faisable...
Le président. Il vous faut vraiment conclure !
M. François Lefort. D'accord ! Et le troisième problème se trouve à l'article 6, qui, au regard de la loi, est absolument illégal et infaisable...
Le président. Voilà, merci, Monsieur le rapporteur ! Je vous interromps...
M. François Lefort. Je n'ai pas terminé, je conclus...
Le président. Non, c'est terminé. Que voulez-vous que je vous dise ? Votre temps de parole est épuisé ! La parole est au rapporteur de minorité.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Le rapporteur de majorité pourra intervenir en fin de débat.
Mesdames et Messieurs, vous avez entendu s'exprimer notre député, collègue et ami M. Lefort, du parti des Verts, qui devrait normalement défendre l'écologie en Suisse, et plus que sa propre religion, puisque c'est l'essence même de son parti: le parti des Verts. Monsieur Lefort, vous ne vous appelez pas les Rouges ou les Roses; vous vous appelez les Verts ! Eh bien nous avons entendu la démonstration que, pour les Verts, l'écologie devient finalement un peu accessoire; c'est dommage, parce que vous trahissez une partie de votre électorat.
Tout ce que vous avez dit, Monsieur le rapporteur de majorité, est juste, si ce n'est que, dans la chronologie, c'est venu après le projet de loi du MCG. De plus, vous avez fait quelques erreurs en disant: «L'Etat ne peut pas disposer de l'argent qui ne lui appartient pas pour faire des cadeaux.» C'est bien, en gros, ce que vous avez dit. Détrompez-vous, parce que les 21 millions de dotation de départ du programme éco21, c'est un arrêté du Conseil d'Etat qui les a attribués. Et vous savez d'où viennent ces 21 millions ? D'une surtaxe illégale des Services industriels pour les consommateurs, les usagers genevois. C'est M. Prix qui a intimé l'ordre aux Services industriels, respectivement au Conseil d'Etat, de rembourser à hauteur de 42 millions; 21 millions ont été remboursés aux usagers, c'est-à-dire à tous les résidents genevois, et 21 millions ont été détournés pour constituer le fonds éco21. Alors au lieu de dire «offrir des ampoules», on aurait en fait dû dire «donner contre paiement préalable des ampoules», parce que les Genevois les ont déjà payées.
Ce qui nous désole est que ces 21 millions, qui constituent le fonds éco21 pour faire des économies d'énergie, sont dépensés à coups de centaines de milliers de francs pour des projets d'études, des mandats externes... Et on connaît les salaires mirobolants aux Services industriels ! J'aime à rappeler celui du président du conseil d'administration, qui gagnait 440 000 F pour un poste à 40%. Vu que notre groupe est malheureusement privé de contrôle sur cet établissement public autonome, puisque le Conseil d'Etat, dans sa grande lâcheté, m'a révoqué en tant qu'administrateur, nous avons toutes les craintes par rapport à la manière dont l'argent est vraiment dépensé.
Ensuite, l'objectif d'éco21 est d'arriver à une société à 2000 watts. Eh bien figurez-vous, Mesdames et Messieurs, que si l'on pouvait remplacer demain toutes les ampoules à incandescence, à filament, par des ampoules à basse consommation, on atteindrait presque cet objectif, ce avec une quinzaine de millions. Maintenant, il vous faut savoir - et peut-être que vous l'avez oublié dans votre rapport, Monsieur - que 93 millions, supplémentaires, ont été dotés dans le programme éco21, qui proviennent d'un dividende d'une mise en bourse d'une société qui appartenait aux SIG. On ne va pas entrer dans les détails. Ce sont donc véritablement des sommes considérables qui sont maintenant consacrées à l'économie d'énergie.
Mais comment ces économies se traduisent-elles ? Encore une fois, je prends à témoin la population: qui n'a pas reçu dans sa boîte aux lettres de jolis prospectus en quadrichromie ? Qui n'a pas vu sur les bus de jolies affiches des Services industriels en faveur de l'énergie verte, «Vitale Vert», j'en passe et des meilleures ? A croire qu'ils sponsorisent le parti des Verts ! Mais tout cela ne se traduit pas dans la baisse de consommation. Cela...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président, et j'y reviendrai. Cela se traduit dans des budgets publicitaires énormes, luxueux, qui n'ont rien à voir avec l'économie d'énergie. En plus, on consomme du papier et on dépense en frais d'envoi.
M. Eric Leyvraz (UDC). Evidemment, on entend toujours les mêmes diatribes contre les Services industriels. Cela devient vraiment lassant.
Cette demande de distribution d'ampoules est tout simplement loin d'être une bonne idée. D'abord, on n'a pas à décider à la place des Services industriels, cela a déjà été dit. De plus, tout ce qui est gratuit est souvent, aux yeux des bénéficiaires, de peu de valeur. On sait très bien que, si l'on distribue de la marchandise gratuite, on va en retrouver au marché aux puces le lendemain, en grande quantité, car il est sûr que des gens vont la revendre. (Brouhaha.)
En outre, qu'appelle-t-on une ampoule à basse consommation ? Celles qui étaient vendues sur le marché, encore aujourd'hui ? Les nouvelles ampoules qui arrivent sur le marché, c'est-à-dire les LED, consomment six fois moins d'énergie que les ampoules économiques. Elles sont encore chères, mais elles viennent sur le marché et sont la solution de demain. Donc distribuer des ampoules économiques d'aujourd'hui, c'est déjà proposer de consommer six fois plus que ce que l'on pourra faire dans très peu de temps. Je viens de changer dans mon bureau toutes ces ampoules. Je suis passé de 830 W de consommation à seulement 30 W. C'est vraiment l'avenir, mais c'est encore un peu cher. Enfin, ce n'est pas le rôle du Conseil d'Etat de jouer les pères Noël.
Je suis persuadé - parce que l'on n'a pas les chiffres - qu'un grand nombre de nos concitoyens sont déjà passés aux ampoules économiques, et dans bien des maisons, je sais qu'il n'y a plus d'ampoules à incandescence. Ces ampoules vont être interdites en 2012. Ce projet de loi ne vaut donc pas grand-chose, et je vous propose de ne pas entrer en matière.
M. Daniel Zaugg (L). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est visionnaire ! (Remarque.) Le MCG est visionnaire ! Et M. Stauffer est le plus grand visionnaire de ce parlement ! J'espère que vous avez tous compris cela, et que les citoyens qui nous regardent à la télévision l'ont bien compris, parce que c'est le seul message que le rapporteur de minorité essaie de nous faire passer aujourd'hui. En tant que professionnel de l'électricité, je pourrais vous donner des dizaines d'explications, vous citer des dizaines de raisons pour lesquelles ce projet est une fausse bonne idée. Je n'en prendrai que quelques-unes.
Les ampoules à incandescence classiques vont être interdites en 2012, et on n'en trouve déjà quasiment plus sur le marché aujourd'hui. En outre, remplacer une ampoule classique par une ampoule à basse consommation est une opération hautement rentable. On économise près de 100 F sur la durée de vie de l'ampoule, 200 F selon le rapport du MCG, qui, comme d'habitude, est un peu fâché avec les chiffres. Il s'agit donc de subventionner une opération déjà rentable: c'est complètement ridicule. Et puis, faisons preuve d'un peu de bon sens. Si on distribue cinq ampoules aux 200 000 ménages genevois pour un prix d'environ 5 millions, plus un petit million de frais de port, où vont-elles finir ? Dans les tiroirs, en attendant que les ampoules existantes claquent.
Non, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est une opération de marketing du MCG. C'est une opération qui va leur permettre, quoi que l'on fasse ce soir, de dire une fois de plus qu'ils sont les seuls à défendre les intérêts des Genevois. Si d'aventure on acceptait le projet de loi, tout le crédit leur en reviendrait. Si on le refuse, on entendra dans la presse que nous sommes tous à la solde des affreux SIG, que nous nous tenons tous par la barbichette, n'est-ce pas Monsieur Stauffer ?!
Puisque l'on parle d'économie d'énergie, je vais vous en suggérer une: que notre visionnaire, dans ce parlement, consacre un peu plus d'énergie à nous proposer de vrais projets utiles, et un tout petit peu moins d'énergie à se faire sa propre publicité. (Applaudissements.)
Mme Marie Salima Moyard (S). L'ennui, avec le PL 10364 qui nous est soumis, c'est qu'il pose des problèmes non seulement de forme, mais aussi, et même bien plus, de fond.
Sur la forme, le DSPE nous a expliqué que l'article 6 est illégal; c'est ennuyeux. L'article 4, qui décide de l'affectation d'une très grande partie du fonds d'éco21, lequel n'appartient donc pas à l'Etat mais aux SIG, est assez problématique également.
S'il n'y avait que ces problèmes et que c'était une excellente idée, on pourrait envisager d'entrer en matière, puis d'amender à qui mieux mieux, etc. Le problème, comme mes préopinants l'ont dit, est que, sur le fond, cela ne va pas non plus. Les potentiels d'économie, qui sont certes difficiles à estimer - surtout pour des députés de milice, vous en conviendrez certainement - sont surévalués dans le projet de loi. La politique de l'arrosoir n'est jamais une bonne idée. Le même geste à effectuer par tout le monde dans un laps de temps... (Remarque.) ...extrêmement court est très difficile à organiser et ne fait pas changer les mentalités. Des actions ciblées, comme le kit éco21 proposé par les SIG, sont bien plus efficaces, notamment auprès des populations moins favorisées, moins au courant, moins facilement informées. C'est donc une mauvaise utilisation de l'argent de ce fonds, et encore une fois d'une grande partie de l'argent de ce fonds.
Ce projet de loi est également inutile en ce qui concerne les ampoules à incandescence, cela a été dit. Des études de l'association Noé le précisaient encore: ce qui est gratuit est souvent, malheureusement, considéré sans valeur ou avec trop peu de valeur. Cela rendra donc l'action pratiquement inutile et beaucoup trop chère.
Les SIG nous ont présenté ce qu'ils faisaient dans le cadre du programme éco21: quelque chose de beaucoup plus global, de beaucoup plus complet, qui incite tous les consommateurs, pas seulement les ménages, et qui pense en termes de système et de cohérence, avec un suivi ainsi qu'un lien avec les marchés et les différents métiers. Ce n'est pas seulement une action «coup de poing» qui ressemble davantage à une opération médiatique du MCG qu'à une réelle réflexion au niveau énergétique. Il faut également penser plus large: éclairage certes, mais aussi électricité, chauffage des bâtiments et mobilité.
Le seul conseil que je pourrais donner aux SIG concernant leur programme éco21, c'est de davantage rendre visibles leurs actions pour faire changer les mentalités. Ils nous l'ont indiqué plusieurs fois en commission, et mon collègue Zaugg l'a rappelé, une ampoule à basse consommation est largement rentable. Il faudrait peut-être le dire plus haut, plus fort, plus souvent, de manière que cela fasse gentiment changer les habitudes. Il est donc inutile, encore une fois, de prendre des millions du budget éco21 pour cette unique action «coup de poing».
De plus, si l'on veut inciter, alors tapons là où cela fera vraiment changer les esprits, peut-être au moyen d'une taxe progressive sur la consommation d'électricité, lorsqu'elle devient excessive. Ou taxons les grosses voitures pour leur consommation en carburant désastreuse. Toucher le porte-monnaie fera changer les habitudes. Je conseille à ce parlement de réfléchir à ce genre de propositions. Nous y reviendrons dans les prochains mois.
Je vous prie donc de suivre le rapport de majorité et de refuser l'entrée en matière de ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Hohl. (Un instant s'écoule.) M. Hohl était inscrit, mais il n'est pas là. Monsieur Haldemann ? (Remarque.) Alors la parole est à M. Conne.
M. Pierre Conne (R). Mesdames et Messieurs les députés, les radicaux n'entreront pas... (Brouhaha.)
Le président. Veuillez vous exprimer, Monsieur le député. Ne vous laissez pas interrompre par les bruits de salle.
M. Pierre Conne. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les radicaux n'entreront pas en matière sur ce projet de loi, et ce principalement pour trois raisons.
Premièrement, l'action consistant, de manière isolée, à distribuer gratuitement des ampoules électriques aux ménages genevois n'offre aucune garantie d'atteindre les objectifs fixés en termes d'économie d'énergie. Sans aucune mesure d'accompagnement de ce type d'action, ces ampoules ont effectivement comme seul avenir, probablement, de se retrouver dans les placards.
La deuxième raison est que les actions visant à faire des économies d'énergie doivent passer par des changements de comportement. Or ces changements consistant à introduire des cercles vertueux dans le comportement de nos concitoyens font partie intégrante, justement, du programme éco21 des Services industriels. Parmi eux, comme cela a déjà été dit, nous devons mener des actions sur l'utilisation des barrettes multiprises, permettant d'éviter l'usage des mises en veille des appareils électriques, et sur l'acquisition d'appareils électroménagers caractérisés par l'étiquette A++, c'est-à-dire de faible consommation.
Finalement - et ce n'est évidemment pas le moindre des arguments - les nouvelles directives nationales en matière d'utilisation de lampes à incandescence feront que, d'ici à 2013, plus aucune lampe à incandescence n'existera sur le marché.
Par conséquent, pour ces trois raisons, les radicaux vous invitent à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, que dire de cette idée lumineuse du MCG ? Peut-être dans un premier temps - pour ce qui est positif - que, sur le fond, elle part effectivement d'une bonne intention. Chercher à économiser l'énergie à travers la problématique de l'éclairage est, il est vrai, pertinent sur le fond. Malheureusement, sur la forme, il y a beaucoup à dire.
D'abord, ce projet de loi enfonce tout de même des portes déjà largement ouvertes. Grâce notamment aux excellentes campagnes de sensibilisation des SIG, les Genevois ont changé leurs habitudes depuis de nombreuses années déjà. Il n'y a qu'à voir le nombre d'ampoules économiques qui sont aujourd'hui sur les rayons des grandes surfaces. Le processus est lancé. D'eux-mêmes, les Genevoises et les Genevois changent déjà leurs ampoules pour des ampoules économiques.
Il est vrai que, par ailleurs, amputer les SIG de la quasi-totalité de leur budget pour éco21 n'est pas forcément la meilleure des idées. Cela a été dit, et je le répète, éco21 a aussi pour but de toucher les gros consommateurs d'électricité, les entreprises en particulier. Il y a là un vrai potentiel d'économie d'énergie.
Je dirai enfin que, sur le plan pratique, cela paraît difficilement applicable. Alors M. Stauffer nous a expliqué qu'il imaginait, par exemple, que les habitants de ce canton pourraient se rendre au pont de la Machine pour chercher leurs cinq ampoules. Imaginez des gens prenant leur voiture depuis Chancy pour venir chercher leurs cinq ampoules: en termes d'économie d'énergie, on peut faire mieux. Donc je crois que si, sur le fond, l'intention était bonne, aujourd'hui il est beaucoup plus utile de poursuivre le travail de sensibilisation engagé par les programmes éco21 et Ecoclimat des SIG.
Cela dit, nous avons bien compris que ce projet de loi était aussi un nouveau prétexte de M. Stauffer et certains membres de son groupe pour passez-moi l'expression «bouffer encore un peu de MCG». C'est devenu une habitude (Remarque. Rires.) Pardon ! Si seulement ils pouvaient se bouffer eux-mêmes... Peut-être suis-je allé trop loin dans mes désirs ! Donc je crois qu'il y a quand même cette volonté de revenir pour la xième fois sur les prétendues malversations dans les tarifs de l'électricité, sur les montants il est vrai excessifs des indemnités. Mais je crois que l'on ne va pas je l'espère encore pendant trois ans revenir sans arrêt sur les mêmes points, qui commencent à fatiguer tout le monde.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Olivier Norer (Ve). Beaucoup de propos ont déjà été tenus concernant ce projet de loi. Le groupe des Verts tâchera donc d'être bref.
Effectivement, on l'a entendu, le programme éco21, lancé par les SIG, est un programme efficace et qui fonctionne. On n'a pas raison de le contester. On a aussi largement entendu au parlement que cette idée est un coup de pub du MCG. On ne va pas insister à ce sujet.
Voici un autre propos que l'on tenait à mettre en avant: c'est typiquement une mauvaise bonne idée, effectivement, parce qu'envoyer des ampoules dans les boîtes aux lettres de la population, c'est peut-être courir le risque d'avoir des ampoules au marché et dans le placard. Mais c'est également courir le risque de se retrouver avec des ampoules dans la poubelle ordinaire. Or, on le sait très bien, les ampoules économiques peuvent être polluantes si elles sont jetées dans la poubelle ordinaire. Donc c'est typiquement la possibilité d'avoir davantage de pollution. Pour ces nombreuses raisons, le groupe des Verts ne soutiendra pas du tout ce projet de loi.
M. Claude Jeanneret (MCG). Eh bien voilà ! On a ce soir une superbe unité de ce que j'appellerai «l'union des inactifs», et c'est très bien ! On critique le MCG, soit. Il est vrai que l'action qu'on lance ici est un peu spectaculaire. Mais c'est surtout une action pratique. Il ne faut pas oublier qu'une économie d'énergie ne se fait pas en un coup sur l'ensemble, mais peu à peu, sur des petites choses, en éveillant l'attention des gens aux moyens - nombreux - qui existent pour économiser l'énergie. Si on peut le voir facilement en achetant un appareil électroménager, il est plus difficile de l'observer sur la consommation de la lumière. Or on sait que la consommation de l'électricité pour la lumière est très importante. Alors je pense qu'on avait là exactement l'exemple qu'il fallait donner à la population pour diminuer la consommation, c'est-à-dire une participation intelligente et de collaboration.
Il est clair que les Verts sont contre, mais c'est normal. Les Verts ne pensent qu'à une chose: taxer pour enrichir les SIG, rendre l'électricité la plus chère du monde et surpayer certaines personnes. Je suis navré, ce n'est pas cela, le service à la population ! Le service à la population consiste à lui donner la possibilité de dépenser moins d'électricité. Plutôt que de surtaxer les gens, il convient de leur donner le bon exemple d'une consommation moins chère.
Les 21 millions que l'on a encore laissés pour éco21 avaient été en fait prélevés d'une manière inadmissible sur la population. Eh bien dans éco21, plutôt que de distribuer des papiers - qui vont directement à la poubelle, chers collègues, c'est vrai - si on propose quelque chose d'utile aux gens, ce que nous faisons, même si ces ampoules sont momentanément stockées dans le tiroir, quand les vieilles ampoules craqueront, les nouvelles seront progressivement mises en place.
On n'attend pas 2013, Monsieur Gillet, on agit - tout de suite ! Parce que l'électricité manque déjà aujourd'hui. On n'a pas de solution de remplacement. Ce n'est pas parce que l'on dit que l'on veut de l'électricité verte, à gaz, ou quoi que ce soit... On n'en a pas assez et on en importe. Alors il faut trouver des solutions immédiates. Nous en donnons une ! C'est le type même de l'action MCG. Nous sommes sur le terrain et faisons quelque chose de concret, de pratique.
Mais là, on veut faire des études, on veut faire de la distribution de prospectus... et on est tranquille ! On a dépensé 21 millions pour aucun effet. Bravo Messieurs ! Je vous encourage vivement, quand même, à soutenir l'entrée en vigueur de ce projet de loi. Faites au moins l'essai une fois. Ce n'est pas parce que cela vient du MCG que c'est mauvais. Essayez une fois de faire quelque chose de concret et d'intelligent. Et peut-être que, à partir de là, ce parlement pourra aller dans la bonne direction.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer, à qui il reste une minute et vingt secondes.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. On n'aura pas le temps de contrer tous les arguments.
Quand j'entends les Verts qui s'opposent au projet parce que jeter de vieilles ampoules, qui sont des dévoreuses d'énergie, va polluer, nous sommes tous morts de rire, et je pense que votre électorat aussi.
Quant à notre collègue M. Zaugg - Monsieur le président, vous lui transmettrez - c'est un professionnel de l'électricité qui, apparemment, n'est pas au courant ! Il vend des ampoules, alors on comprend bien son malaise quand on veut offrir des ampoules à tout le canton. Je conclurai ainsi - Monsieur le président, vous transmettrez: si les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances de notre collègue député, qu'il se dise que le grand chêne fut aussi un jour un gland !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Lefort, à qui il reste trois minutes, mais je lui donnerai la parole à la fin. Je passe le micro à M. Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Permettez-moi de m'étonner, Monsieur le président, que le rapporteur de minorité puisse prendre la parole une fois à la table, une fois à sa place. Pourquoi pas à la buvette, pendant qu'il y est ?! Je ne trouve pas cela normal, donc je demande qu'il soit à sa place, c'est-à-dire en face du rapporteur de majorité. Merci. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que le règlement permet à un député, même rapporteur, de prendre la parole au nom de son parti. Ce n'est pas dans les usages, mais comme on le sait, les usages ne sont pas toujours respectés, et malheureusement la loi le permet. La parole est à M. Zaugg, à qui il reste une minute et quarante secondes.
M. Daniel Zaugg (L). Cela me suffira largement.
Ayant été mis en cause, j'aimerais répondre. Il est vrai que je vends des ampoules électriques. (Exclamations.) Absolument ! Je les installe aussi. On fait un bénéfice extraordinaire avec les ampoules ! Non, mais cessons de plaisanter ! Cessons de plaisanter, Mesdames et Messieurs !
Aujourd'hui, quand on achète une ampoule - pas chez moi, mais à la Migros - on gagne 100 F par ampoule. Les gens qui veulent le faire le font ! Ils n'ont pas besoin d'attendre le MCG qui leur envoie une boîte, avec des ampoules qui ne seront peut-être pas de la bonne taille, parce qu'il y a cinq ou six tailles. Donc il faut arrêter ! Si vous envoyez cinq ampoules classiques, vous n'allez pas envoyer les bonnes.
Alors l'autre solution - M. Gillet l'a évoquée - qui a été citée par le MCG consiste à aller les chercher au pont de la Machine. Si pendant un an, 365 jours sur 365, on distribue 100 kits d'ampoules au pont de la Machine, on aura servi 36 500 ménages. Il y en a 200 000 à servir. Arrêtez ! C'est simplement un projet qui ne fonctionne pas, c'est simplement de la publicité du MCG, je le redis.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il reste trois minutes pour le groupe des Verts. Madame Gauthier ou Monsieur Lefort ? La parole est à Mme Gauthier.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Il me semble que M. Lefort s'exprime en tant que rapporteur de majorité, et pas au nom du groupe des Verts.
Le président. Non, parce qu'il a déjà épuisé son temps de parole en tant que rapporteur de majorité.
Mme Morgane Gauthier. Alors je serai très brève, pour vous dire que les Verts, lorsqu'il y a eu l'intégration des nouveaux systèmes tarifaires par les Services industriels, s'y sont opposés. Ils étaient le seul groupe dans ce parlement à le faire.
Deuxièmement, pour baisser la consommation d'électricité, les Verts ont déposé plusieurs projets de lois, dont le PL 9197, largement refusé par ce parlement, visant à redistribuer, Messieurs du MCG, aux ménages les moins dévoreurs d'énergie les bonus des Services industriels. Ce sont des modèles qui existent et qui ont largement contribué à faire baisser la consommation dans le canton de Bâle. On devrait peut-être parfois s'inspirer de ce que font nos collègues en Suisse alémanique. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je ferai parler les rapporteurs à la fin, s'il leur reste un temps de parole. M. Lefort dispose encore de deux minutes. Si vous parlez, Monsieur Sauty, M. Stauffer ne pourra peut-être plus s'exprimer. La parole est à vous, Monsieur Sauty.
M. Olivier Sauty (MCG). J'aimerais juste éclairer ce parlement en quelques mots. Une action a été menée aux Libellules, dans la commune de Vernier, où 3000 ampoules ont été distribuées en collaboration avec les SIG. Un simple constat sur une période de deux semaines a permis de relever 10% d'économie dans ce quartier.
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer, à qui il reste trente secondes.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. C'est d'abord le rapporteur de majorité, non ?
Le président. Trente secondes pour vous, et ensuite deux minutes pour M. Lefort.
M. Eric Stauffer. Alors je conclus, parce que, en trente secondes, on ne fait qu'une conclusion. Vous avez entendu ici qu'il fallait offrir, et il a été question de la politique de l'arrosoir; quand cela vient des socialistes, nous sommes encore une fois morts de rire. C'est l'arroseur arrosé. Laissez-moi vous dire que les citoyens genevois ont déjà payé ces ampoules, parce que les 21 millions qui ont initialement doté éco21 proviennent d'une surtaxe illégale que Berne a demandé aux SIG de rembourser aux usagers.
Donc on vous prend deux fois en otage - parler d'otages est à la mode: une fois on vous taxe de manière arbitraire, c'était 42 millions, ensuite on détourne 21 millions pour faire de jolis prospectus en quadrichromie...
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité !
M. Eric Stauffer. ...et voilà comment les Verts veulent faire des économies d'énergie !
Le président. La parole est à M. Lefort, à qui il reste deux minutes.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, comme les discussions l'ont montré, vous l'avez bien compris, ce projet est généreux, mais avec l'argent des autres. Et il est visionnaire, mais vers le passé, puisque ce projet est périmé.
M. Jeanneret nous reprochait, à nous les Verts, de ne pas être dans le concret. Cette thématique a été réglée par l'extérieur, par l'Union européenne, que la Suisse a suivie; nous pouvons regretter que, malheureusement, elle ait été réglée si tard, qu'il ait fallu attendre 2009 pour que ces ampoules soient retirées sur un plan de trois ans.
Pour revenir à ce projet de loi du MCG, on va résumer. Ce projet est illégal parce qu'il n'a pas de financement: on ne fait rien avec de l'argent qui n'est pas à nous. Ce projet est illégal parce qu'il propose d'interdire la vente d'ampoules sur le territoire du canton; c'est illégal. C'est aussi illégal que d'interdire les vuvuzelas sur le territoire du canton. Ce n'est pas possible.
Donc pour tout ce que je viens de dire et tout ce qui a été indiqué par les autres députés, je vous propose de ne pas suivre ce projet de loi et de ne pas entrer en matière, comme la majorité de la commission vous le recommande dans ce rapport.
Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Effectivement, on peut penser que ce projet de loi part d'un bon sentiment. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mais on l'a assez répété, je crois, nombre d'intervenants l'ont dit, beaucoup de problèmes légaux se posent. Malheureusement, on interdira ces ampoules trop tard, mais cela va se faire. D'ici à deux ans, ce sera fait.
D'autre part, il y a quand même un principe de réalité, et je crois que tout le monde l'a relevé ici. C'est peut-être un geste pratique, mais pas très pragmatique, parce qu'il est difficile à mettre en oeuvre, pour un résultat pas forcément excellent.
Ce qui a été souligné ici - et je pense que c'est ce que l'on peut retenir de positif à travers ce débat - c'est que tout le monde sait maintenant qu'il faut changer ses ampoules et que les gens économiseront tout de suite, en investissant quelques francs en ampoules économiques. Qu'ils le fassent: on l'a dit ici, c'est tout de suite une économie. Il n'y a pas besoin de subventionner des opérations totalement rentables.
Effectivement, éco21 a mené un projet aux Libellules, mais de manière accompagnée. De plus, c'était un très bon projet, puisqu'il s'inscrivait dans un cadre spécifique, avec des gens qui ont peu de moyens. Cela concernait à la fois les ampoules, mais c'était aussi un «audit énergétique», si on peut s'exprimer ainsi. On rendait visite aux gens; on analysait la manière dont ils utilisaient l'énergie; on leur donnait un bon, parfois, pour acheter un frigo consommant beaucoup moins; on changeait les ampoules. Cela a effectivement eu un très gros résultat. Mais c'est un investissement formidable que de rendre visite personnellement à plus de 500 ménages; cela a donc pris trois semaines. Je vous laisse imaginer sur le reste du canton.
Par ailleurs, je pense qu'éco21 doit vraiment aller vers des projets pour l'industrie qui ont des effets multiplicateurs; avec de petits investissements, on permet le démarrage d'un projet qui n'est pas immédiatement rentable. Avec un petit investissement complémentaire, une subvention, on arrive à atteindre des objectifs bien plus importants.
Je vous invite donc à renoncer à ce projet de loi pour l'instant. Mais l'objectif - et je crois que c'est ce qu'il y a de positif dans ce débat, je l'ai dit - est que tout le monde commence à changer ses ampoules. Voilà une bonne chose.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons nous prononcer sur ce projet de loi, à commencer par le vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 10364 est rejeté en premier débat par 68 non contre 12 oui et 1 abstention.