République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 7 mai 2010 à 20h30
57e législature - 1re année - 7e session - 35e séance
M 1717-A et objet(s) lié(s)
Débat
M. François Gillet (PDC), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je précise d'abord techniquement que, tout à l'heure, nous voterons uniquement sur la proposition de motion 1952, c'est-à-dire la motion de la commission. Les groupes démocrate-chrétien et radical se sont engagés, en cas d'adoption de cette motion, à retirer les trois autres objets indiqués sur ce rapport.
Les travaux de la commission de l'enseignement ont été très approfondis sur ces questions de la petite enfance, puisque c'est à peu près la dernière année de la législature qui a été consacrée aux nombreux objets concernant la petite enfance. Je crois pouvoir dire que les groupes ont en quelque sorte ouvert les yeux sur l'ensemble des aspects relatifs à la petite enfance. A cette occasion, nous avons pu en particulier mesurer l'importance de la pénurie de places de crèche à Genève. Il a aussi été mis en évidence la nécessité d'assurer une prise en charge de qualité et le fait que certaines communes pourraient effectivement faire davantage dans ce domaine.
Toutefois, jusqu'à maintenant, le constat s'est souvent arrêté là. Les travaux de la commission ont mis en évidence une facette plus cachée de cette problématique de la petite enfance, et cet aspect moins connu réside dans le fait que la pénurie actuelle est largement entretenue par un dispositif légal et réglementaire peu clair sur certains aspects, trop pointilleux sur d'autres, mais surtout plus du tout adapté à la réalité d'aujourd'hui. Cette pénurie est largement entretenue également - il faut bien l'avouer - par une attitude corporatiste, à nos yeux excessive, d'une partie des acteurs de la petite enfance, qui ont comme souci principal, nous devons le reconnaître, de défendre leur pré carré. Nous avons les uns et les autres à l'esprit un exemple qui en a choqué plus d'un: la volonté de certains de persister à considérer les jeunes porteurs d'un CFC d'assistant socio-éducatif - ASE - de plus en plus nombreux, comme des auxiliaires non formés. C'est absolument inadmissible pour les commissaires qui ont auditionné de nombreux partenaires, et c'est un point important sur lequel nous reviendrons tout à l'heure.
Cette pénurie est également largement entretenue par une loi beaucoup trop dissuasive pour les entreprises, qui sont de plus en plus nombreuses à avoir compris l'importance qu'il y a aujourd'hui à proposer des places de crèche pour leurs employés.
Ces dispositions sont effectivement inadaptées à la nouvelle réalité. L'ensemble de la commission a donc considéré qu'il convenait, par voie de motion, d'ouvrir la porte à un certain nombre de modifications légales et réglementaires au sujet de la petite enfance. Il a notamment été mis en évidence la nécessité de réactualiser ce que l'on appelle le «livre blanc» et de distinguer clairement, dans les normes de construction, les règles impératives des recommandations, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il a également été considéré qu'il était nécessaire de revoir la répartition du personnel éducatif dans les structures d'accueil, en intégrant les CFC ASE. Il a été en outre jugé nécessaire d'étudier la possibilité d'augmenter le nombre d'enfants dans certains groupes, notamment celui des plus grands, les 3-4 ans. Enfin, il a été estimé important de revoir la loi dans le sens de différencier clairement les crèches subventionnées, d'un côté, des crèches non subventionnées, de l'autre, en particulier les crèches d'entreprises.
Tout cela pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il est essentiel ce soir que notre parlement envoie un signal clair au Conseil d'Etat en adoptant massivement cette proposition de motion de commission, un signe clair pour l'engager à aller dans le sens de la nécessaire adaptation de ces normes. Nous ne doutons pas, pour anticiper sur une proposition d'amendement, que le Conseil d'Etat - le département en particulier - consultera tous les partenaires avant d'aller de l'avant dans la révision nécessaire de ce cadre légal et réglementaire.
M. Antoine Bertschy (UDC). Presque tout a été dit par M. le rapporteur. J'aimerais pour ma part insister sur la proportion de personnel diplômé et sur les CFC ASE. Nous avons assisté durant les travaux de la commission à une scène assez hallucinante en entendant certaines personnes dire qu'elles pensaient que les porteurs de CFC ASE ne constituaient pas du personnel diplômé. Je vous rappelle que nous avons voté une loi sur la formation professionnelle et que nous avons intégré l'information sur cette dernière dans le projet de loi sur le cycle d'orientation. Ce parlement fait tout ce qu'il peut pour la formation et pour les CFC, et je dois relever que, lorsque des gens nous ont indiqué en commission que les titulaires de CFC étaient des personnes non diplômées, les poils de certains se sont hérissés ! Nous n'avons pas tout à fait compris le raisonnement. J'ai fait une comparaison à ce moment-là des débats; j'ai dit que c'était comme si, sur un chantier, on ne voulait que des architectes, et pas de maçons; eh bien, vous n'auriez pas de maisons ! Il faut aussi des CFC, il faut différents niveaux dans tous les domaines d'activité. Pour ce faire, nous avons trouvé une formule qui, je crois, peut contenter tout le monde; elle est suffisamment souple pour que toutes les directions d'établissements s'y retrouvent, et, surtout, nous intégrons les CFC ASE, puisque nous demandons une répartition comprenant au moins un tiers de diplômés CFC, au moins un tiers de diplômés ES, le tiers restant étant totalement libre.
J'aimerais maintenant revenir sur un autre point. Le gros problème, contrairement à ce que suggéraient les propositions de motions 1717, 1720 et 1721, ce ne sont pas tellement les normes de construction, parce que coût y relatif n'intervient qu'une fois. Mais ce qui revient extrêmement cher, c'est le fonctionnement de ces instituts. Or la nouvelle proposition de motion 1952 fait vraiment la part belle au fonctionnement, que ce soit par rapport au personnel ou aux normes d'encadrement - qui sont plus souples mais aussi plus larges - ce qui diminue les coûts.
Je crois que la commission a réalisé un excellent travail - je remercie également le rapporteur pour son rapport très complet - et vous invite donc à accepter cette proposition de motion 1952.
Peut-être encore un mot sur l'amendement: il faut évidemment le refuser, car il remet en cause toutes les invites, mises à part celles qu'il exclut; il faut donc le rejeter et adopter la motion telle quelle.
M. Charles Selleger (R). Vous l'aurez compris, le sujet de la petite enfance est très vaste, en témoignent les innombrables objets parlementaires qui ont été déposés depuis que la loi sur les structures d'accueil de la petite enfance est entrée en vigueur en 2004. Parmi ces innombrables objets, nous parlons ce soir de trois propositions de motions qui font l'objet d'un excellent rapport de M. Gillet, que je remercie. Les invites de ces trois motions concernent l'un ou l'autre des thèmes suivants: M 1720, les normes de construction; M 1717, les normes d'équipement; M 1717 et M 1721, les normes d'encadrement; enfin; M 1717, l'aspect financier. Le travail de la commission a permis de dégager des points de convergence de toutes les parties, cela s'est concrétisé par la rédaction de la proposition de motion 1952, adoptée à la quasi-unanimité des commissaires, sauf une abstention MCG.
Le parti radical vous recommandera bien entendu d'accepter en l'état cette motion, et il s'engage à retirer la motion d'origine dont il est l'auteur, soit la M 1717, à l'instar de ce que fera le PDC pour les motions émanant de ce dernier.
Il convient de relever toutefois que l'une des invites radicales n'a pas été reprise par la motion consensuelle, c'est celle qui invite à créer une fondation destinée à soutenir financièrement, mais également en termes de conseil, les structures d'encadrement de la petite enfance. Le principe d'une fondation est néanmoins repris dans un projet de loi toujours en attente d'examen à la commission de l'enseignement; ce projet de loi constitutionnelle, le PL 10488, sera d'ailleurs proposé par notre groupe pour la base d'un contreprojet à l'IN 143, dont l'examen, vous le savez, est en cours dans la même commission. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical vous invite à soutenir la M 1952.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier l'excellent rapporteur, qui a pris l'initiative de rassembler les motions présentées lors de la législature précédente par les groupes radical et PDC. La motion qui nous est soumise ce soir est très intéressante, car permet de résumer toutes les propositions formulées dans les motions que je viens d'évoquer; elle a également le mérite de remettre le débat au sein du parlement et, ensuite, une fois qu'elle sera votée, d'engager le Conseil d'Etat à nous présenter un avant-projet de loi en vue de trouver une solution à ce qu'il faut bien appeler un problème récurrent, c'est-à-dire, dans les communes, le manque de places pour la petite enfance. Cette motion permet également de réactualiser certaines directives concernant l'aménagement des espaces dévolus à l'accueil de la petite enfance et elle invite le Conseil d'Etat à examiner la possibilité d'accorder des dérogations à certaines normes en matière de locaux. Il faut bien avouer qu'actuellement la législation est parfois un peu contraignante, pas seulement concernant les espaces d'accueil pour la petite enfance, au niveau municipal, mais aussi dans le secteur privé. Cette motion permet enfin d'alléger les normes en matière d'encadrement, et elle a le mérite de privilégier - ou de chercher en tout cas - des pistes dans le partenariat public-privé.
La demande d'amendement qui nous a été présentée par le groupe socialiste nous paraît être également une proposition intéressante, puisqu'elle favorise la réunion de tous les partenaires sociaux en vue d'une discussion et, aussi, leur consultation. Nous soutiendrons donc l'amendement présenté par M. Manuel Tornare.
Pour toutes ces raisons, le MCG vous invite à approuver le renvoi de cette proposition de motion. Il est vrai que, durant la législature précédente, nous nous étions abstenus lors de la présentation de cet objet, mais, dans la mesure où - également en commission de l'enseignement - il y a eu discussion concernant l'initiative populaire en faveur d'une véritable politique d'accueil de la petite enfance, présentée par les Verts et les socialistes - pour un accueil qui soit pratiquement un droit, un droit constitutionnel - eh bien, la discussion reste encore ouverte. Il en va de même concernant l'accueil par les mamans de jour, point qu'il faudra également intégrer peut-être dans une loi. On attend encore le préavis de l'Association des communes genevoises pour pouvoir avancer dans l'étude du projet de loi relatif à la petite enfance. En conclusion, le groupe MCG vous invite à accepter cette proposition de motion.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, malgré ma situation avancée...
Une voix. Article 24 ! (Rires.)
Mme Mathilde Captyn. ...quant à l'article 24 sur cette question, je vais quand même me permettre de vous donner la position des Verts sur l'ensemble de ce rapport.
Je m'associe d'abord aux remerciements présentés par cette salle à M. Gillet, car il a réalisé - comme à son habitude - un remarquable travail de synthèse sur ces différentes propositions de motions, dont l'une émane de la commission. Je m'associe également aux remerciements adressés à la commission de l'enseignement, parce que cela représente malgré tout un travail considérable en termes de positionnement des groupes, tâche qui a été réalisée pendant plusieurs années, sauf erreur, au sein de cette commission. C'est important, car l'IN 143 que nous connaissons tous et qui demande davantage de places d'accueil dans la petite enfance est en fait la conséquence d'une certaine inactivité en cette matière - nous semble-t-il en tout cas - lors de la dernière législature, et nous avons donc plaisir à constater le travail qui est issu de la commission de l'enseignement.
Les Verts vont s'associer au renvoi de la proposition de motion de commission 1952 au Conseil d'Etat, car nous avons toujours été ouverts à la discussion sur les directives concernant l'aménagement des lieux d'accueil de la petite enfance, de même qu'à la discussion relative aux normes d'encadrement pour les groupes d'enfants âgés de quatre mois à quatre ans dans les lieux de la petite enfance.
Il y a en revanche un bémol, c'est la dernière invite visant à reformuler les conditions d'autorisation pour les crèches non subventionnées. Nous n'avons pas envie de créer deux régimes différents, un pour les crèches privées et l'autre pour les publiques. Mais, dans l'ensemble, la balance va dans le sens du renvoi de cette motion de commission au Conseil d'Etat.
La dernière chose que j'évoquerai est l'amendement que nous proposons. Il s'agit d'éléments qui sont normalement discutés directement avec les partenaires sociaux. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons ajouter une invite à cette motion, afin de leur permettre de se joindre à la discussion et de ne pas les nier dans cette dernière.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Barazzone.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Merci, Monsieur le président, de me donner l'occasion de dire que les démocrates-chrétiens soutiendront la motion ainsi que toutes ses invites. Comme l'ont relevé les précédents intervenants, je crois que c'est le fruit d'un travail conséquent, après de nombreuses consultations de tous les acteurs concernés, et notre vote de ce soir est très important en matière de petite enfance. A mon sens, il implique deux responsabilités pour notre parlement. La première consiste à se soucier évidemment du bien de l'enfant, de la sécurité des enfants. Il conviendra donc d'avoir à l'esprit la sécurité des enfants lorsque le Conseil d'Etat définira les normes d'encadrement - c'est-à-dire le nombre d'adultes s'occupant des enfants par tranches d'âges - ainsi que les normes minimales et impératives de construction en matière de crèches.
Je crois que cela implique aussi une responsabilité politique majeure de ce parlement de se soucier des nombreux enfants qui aujourd'hui ne bénéficient pas de place de crèche. Les discussions se sont principalement focalisées sur les structures existantes, mais je crois que l'on oublie souvent - et c'est, selon moi, une hypocrisie générale - de parler des enfants qui ne bénéficient actuellement d'aucun encadrement. Combien sont les parents qui doivent engager des jeunes filles au pair - et parfois, il faut le dire, au noir - qui n'ont aucun encadrement, ce qui menace clairement très souvent la sécurité des enfants ? Nous avons ici cette responsabilité d'avancer et, pour cette raison, les invites visant à simplifier les normes de construction, à revisiter les normes d'encadrement, ainsi qu'à réexaminer la question de la convention collective, sont très importantes.
Un mot sur la convention collective, pour vous donner la position du parti démocrate-chrétien: nous ne voyons pas au nom de quoi l'obligation d'avoir une convention collective de travail équivalant à celle qui est négociée par une collectivité publique genevoise devrait être imposée aux entreprises. Nous pensons qu'il faut maintenir l'idée d'une convention collective de travail, mais qu'en revanche, comme dans tous les domaines du travail en Suisse, elle doit être négociée entre partenaires sociaux, c'est-à-dire entre les employeurs et les employés. Notre vote de ce soir implique aussi une responsabilité qui incombe au Conseil d'Etat, puisque c'est lui qui détient la clé pour faire avancer les conditions-cadres favorisant la création de places de crèche dans ce canton. Et, suite au vote de cette motion, nous demandons au Conseil d'Etat in corpore, ainsi qu'à M. Charles Beer, en charge du DIP, de prendre rapidement toutes les mesures pour mettre en oeuvre les propositions qui vous sont faites.
J'anticipe - et je terminerai par là - sur l'amendement qui nous est présenté par les Verts et les socialistes. Dans le fond, vous demandez au Conseil d'Etat de consulter, mais, en réalité, on sait très bien ce que veulent les syndicats ! On connaît leur position ! Donc, je crois qu'aujourd'hui nous devons être courageux, avoir des positions politiques claires et dire ce que nous voulons au Conseil d'Etat; à lui ensuite de faire appliquer cela. Bien entendu, s'agissant des aspects techniques et, par exemple, des normes d'encadrement, nous devons discuter avec les partenaires sociaux et, notamment, le personnel, qui est le plus à même d'indiquer ce qui est acceptable. Mais dire que, dans le fond, il faut consulter pour tout remettre en question, je crois que ce n'est pas possible.
Je termine en vous recommandant, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter ces invites et cette motion de commission, car cela me paraît essentiel.
M. Manuel Tornare (S). Comme mes préopinants, je félicite François Gillet, excellent député, qui nous a vraiment fait un rapport de très grande qualité.
Premièrement, je crois que cette motion aurait peut-être été un peu différente lors de cette législature - je parle de la M 1952, puisque c'est celle sur laquelle nous allons voter. On l'a vu à la commission de l'enseignement, la sensibilité est un peu différente. Je crois que François Gillet... (Remarque.) Non, pas uniquement grâce à moi... Non, non, ce n'est pas vrai ! (Exclamations.) Non, non ! J'ai entendu aussi d'autres collègues... Mais on le verra avec le résultat du vote sur l'amendement ! Vous verrez que celui-ci n'obtiendra peut-être pas une majorité des voix, mais qu'il y a quand même beaucoup de collègues députés qui vont dans ce sens-là. Il s'agit bien d'une autre sensibilité.
Deuxièmement, vous avez mentionné plusieurs éléments, Monsieur Gillet. Vous avez parlé des entreprises. Je crois qu'il faut vraiment se «frotter» au dialogue - et je le fais quotidiennement - avec des entreprises, avec des partenariats privés, pour savoir - idem pour le sport ou la culture - qu'il n'y a pas une tradition, comme en Scandinavie ou en Suisse allemande, de créations de crèches, de jardins d'enfants, de garderies à 100% privés ou de partenariats avec le privé. On l'a fait en Ville de Genève, d'autres communes l'ont fait également, mais je rappelle que quand l'UBS a fusionné avec la SBS - laquelle avait une vocation plus sociale que celle-ci - ces deux banques ont «refilé» leurs deux crèches à la Ville de Genève. Vous voyez donc que c'est extrêmement difficile. On a créé des crèches avec le CICR, avec Serono, on a fait une crèche avec Procter & Gamble, qui a ensuite été reprise par la Ville de Lancy, mais je peux vous dire que c'est vraiment un parcours du combattant et que ce n'est pas aussi facile que cela. On dit beaucoup de... Excusez-moi, vous n'avez pas dit de sottises, mais il y a parfois de nombreuses sottises dans la presse à ce sujet-là, lorsque certains disent qu'on ne fait pas assez pour créer des crèches par partenariat public-privé ou pour susciter des crèches privées.
En ce qui concerne les normes architecturales, je suis d'accord avec M. Barazzone: là, il y a matière à discussion avec les partenaires sociaux, j'en suis certain. A Genève, c'est vrai qu'on va parfois peut-être un peu trop loin, avec des fonctionnaires qui respectent les ordres qu'on leur donne mais qui sont parfois un peu tatillons, et ça je le vis aussi quotidiennement. Peut-être qu'on pourrait réaliser quelques économies, je suis d'accord. Mais attention, l'équilibre est extrêmement délicat, on peut passer d'un extrême à l'autre ! Voyez ce qui se passe en ce moment avec des sociétés nord-américaines qui envahissent l'Europe du Nord, qui viennent maintenant s'installer à Zurich ou ailleurs en Suisse allemande, et qui proposent des institutions de petite enfance dans des locaux qui sont inadaptés, avec un personnel peu formé, c'est-à-dire souvent constitué d'intérimaires. Il y a régulièrement des incidents fort regrettables avec les enfants, et je crois que personne ici - surtout pas Mme Captyn - ne dira qu'il ne faut pas avoir quand même un minimum d'attention à l'égard des enfants de 0 à 4 ans.
En ce qui concerne l'encadrement, je crois qu'il y a un paradoxe dans les invites de cette motion. On demande de renforcer les CCT, Monsieur Barazzone, si je sais bien lire. On demande qu'il y ait davantage de CCT. Mais oui, je sais quand même lire ! (Exclamations.) Ecoutez, je vous cite l'une des invites: «[...] à favoriser et encourager la conclusion de conventions collectives de travail entre les partenaires sociaux dans le secteur de la petite enfance.» Ce n'est pas ça ?! C'est écrit noir sur blanc, je sais quand même lire ! Alors d'un côté on demande plus de dialogue social, mais ensuite, parce qu'il y a des éléments qui nous déplaisent, on refuse le dialogue social et on fait de l'autisme. Je n'ai pas peur de dialoguer avec les partenaires sociaux, que ce soit avec le VPOD, le SIT ou avec les employeurs !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Manuel Tornare. Je pense qu'on a tout à gagner à dialoguer avec les partenaires sociaux. Vous avez vu qu'il y a déjà des employés de la petite enfance parmi les manifestants présents lors du défilé du 1er mai... Alors, si vous voulez véritablement qu'à un moment donné on envenime le dialogue social, prenez vos responsabilités ! En conclusion, je vous invite à suivre cet amendement, et Mme Serdaly Morgan vous parlera du CFC.
M. Claude Aubert (L). J'aimerais indiquer deux éléments. D'abord, concernant ce qui vient d'être dit sur les CCT, l'objectif de la commission, en formulant ce texte, c'était qu'il n'existe pas qu'une seule référence qui est la Ville de Genève, un point c'est tout, mais qu'il y ait diverses CCT, et par conséquent qu'on augmente la diversité des possibilités et non pas qu'on ait recours à une seule bible.
Deuxièmement, pour souligner la complexité des discussions sur les normes - je prends uniquement les taux d'encadrement - il est difficile de penser que, au Danemark, en Norvège ou en Suède, les employés de la petite enfance ne sont pas bien formés, qu'ils ne sont pas également motivés que chez nous et qu'ils ne sont pas aussi impliqués que les nôtres. On admet donc que la qualité du personnel est constante au Danemark et en Norvège. Du reste, vous pouvez trouver tous les chiffres à la page 116 du rapport.
Nous devons chercher à savoir quel est le taux d'encadrement souhaitable pour les enfants, en nous souvenant de la maxime suivante: «Les professionnels proposent et le législatif dispose.» Cela signifie donc que les professionnels vont dire quels sont leurs souhaits, mais que c'est quand même l'instance législative qui disposera.
Pour les enfants de 0 à 1 an, la recommandation européenne est de 1 pour 4, c'est-à-dire 1 personne pour 4 enfants. A Genève, il y a 1 personne pour 4 enfants; au Danemark, 1 pour 3; en Norvège, 1 pour 7 à 9.
En ce qui concerne les enfants de 1 à 2 ans, la recommandation européenne est de 1 pour 6. A Genève, c'est 1 pour 5; au Danemark, 1 pour 3; en Norvège, 1 pour 7 à 9. Que choisir ?
Enfin, s'agissant des enfants de 3 à 4 ans, la recommandation européenne est de 1 pour 15. A Genève actuellement, c'est 1 pour 10; au Danemark, 1 pour 6; en Norvège, 1 pour 14 à 18. Donc, si l'on part du principe que les personnes qui travaillent sont de même qualité et ont la même implication, on a le problème de savoir combien il en faut, parce que nous ne détenons pas la vérité en assénant une échelle qui n'est pas du tout forcément meilleure qu'une autre. C'est là, du point de vue politique, avec les contacts appropriés, qu'il doit être décidé si l'on suit des normes européennes et s'il peut y avoir un accord avec des professionnels qui, eux, indiqueront ce qu'ils veulent, sachant que c'est quand même le législatif qui décidera.
Pour conclure, nous sommes très heureux d'avoir pu participer au développement de cette motion finale et nous remercions M. Gillet de tout ce qu'il a fait. En ce qui concerne l'amendement présenté, nous n'entrerons pas en matière pour les raisons qui ont été évoquées; le Conseil d'Etat fera ce qu'il veut et contactera qui il veut pour voir comment cette motion va devenir le phare qui éclairera la petite enfance pour les années à venir.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Romain, à qui il reste deux minutes.
M. Jean Romain (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais juste ajouter un élément aux propos du député Selleger, qui n'a apparemment pas parlé de cet amendement. Au fond, consulter pour favoriser le dialogue social, c'est évidemment quelque chose de positif, et nous ne voulons pas recommencer, mais enfin, il y a eu pas mal de travail du législatif pour arriver à trouver une sorte de synthèse et un consensus, et nous ne voudrions pas non plus qu'à chaque fois tout soit remis en question. C'est pourquoi le groupe radical n'entrera pas en matière sur cet amendement, parce que, finalement, beaucoup de choses sont dites dans ces invites, et on peut les interpréter dans le sens que désirerait, avec une certaine justesse, le député socialiste Tornare.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Delaloye, à qui il reste vingt secondes. (Remarque.) M. Delaloye n'est pas là... Où est-il ?
M. Fabien Delaloye (MCG). Je renonce, Monsieur le président, c'est une erreur !
Le président. Très bien, alors je passe la parole à Mme Engelberts, à qui il reste toujours vingt secondes.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président - j'espère que ce n'est pas compté dans les vingt secondes ! Je voudrais juste ajouter deux éléments, puisque je n'ai que ce temps-là. J'aimerais d'abord rappeler l'historique de la formation: je pense que c'est important d'y penser, parce que je n'ai rien vu dans ce domaine, et je crois que l'effet corporatiste est tout à fait logique. Voilà pour les vingt secondes.
Le deuxième point... (Rires.) ... c'est que je pensais aussi, si vous le permettez...
Le président. Les vingt secondes sont écoulées !
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je souhaiterais qu'on ne fasse pas, concernant la petite enfance, l'erreur qu'on a faite avec les soins infirmiers, de banaliser le travail qui est réalisé, et je pense que les normes actuelles, comme l'a dit M. Aubert, nous montrent toute la marge et la latitude qui sont les nôtres.
Le président. Merci, Madame la députée, pour ces précisions. La parole est à M. Bertschy, à qui il reste une minute dix.
M. Antoine Bertschy (UDC). Merci, Monsieur le président. Je voudrais ajouter quelque chose à ce qui vient d'être dit. Le réflexe corporatiste, je peux le comprendre. Or quand c'est un réflexe corporatiste par rapport aux gens qui travaillent dans le même domaine, mais qui ont un niveau de formation différent, là j'ai de la peine à le saisir ! D'autre part, je voulais juste vous signaler, Monsieur le président, que, au cas où l'amendement socialiste devait être accepté, cela remettrait pour nous totalement en cause les invites de cette motion. Ainsi, si cet amendement est accepté, le groupe UDC refusera la motion 1952.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Gillet, à qui il reste trente secondes.
M. François Gillet (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Quelques réactions par rapport à ce qui a été évoqué par les uns et les autres.
Effectivement, les normes architecturales ne représentent pas un enjeu décisif au niveau du coût, mais il y a en revanche un enjeu au niveau de l'effet dissuasif. Certaines communes aimeraient aujourd'hui offrir des places de crèche et ont des locaux à disposition, mais pour quelques centimètres elles se voient refuser les autorisations d'exploiter. C'est un problème auquel il convient de remédier.
Cela a été dit, nous ne sommes pas contre le principe des CCT, mais nous souhaitons simplement qu'elles puissent être négociées par les différents partenaires qui se lanceront dans la réalisation de structures d'accueil.
Maintenant, pour les entreprises, Monsieur Tornare, vous avez relevé qu'aujourd'hui peu d'entreprises se lancent, mais je vous répondrai: «Et pour cause !» Actuellement, le dispositif est tellement dissuasif pour ces dernières qu'elles ne peuvent pas faire autre chose que renoncer. Cette motion a précisément pour objectif de revoir les choses pour faciliter la possibilité pour les entreprises de créer ce genre de structures.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de remercier M. le rapporteur, puisque son rapport illustre non seulement de façon éloquente le travail de la commission, mais qu'il permet également - et j'aimerais qu'on s'en rende compte ce soir - de prendre la mesure du travail particulièrement important qui a été mené. Je souhaite en effet relever que les différents partis constituant ce Grand Conseil ont multiplié les projets par rapport à un champ qui, il faut bien l'admettre, mérite encore davantage de structuration. La motion de commission qui est proposée ce soir a l'avantage de pouvoir, au niveau de la méthode de travail, régler toute une série d'éléments, puisqu'on mettra ainsi de côté plusieurs projets qui aujourd'hui encombrent la commission plutôt qu'ils n'en facilitent la tâche.
J'aimerais relever que les invites - sans me prononcer formellement, puisqu'elles me seront adressées - constituent des bases de clarification du travail, que nous devons à tout prix intégrer, quelle que soit ensuite la sensibilité à tel ou tel aspect des invites. Je souhaite en tous les cas qu'on ne remette pas en cause la volonté d'avancer de façon consensuelle et unanime dans un champ qui, encore une fois, mérite des progrès, étant donné que nous souffrons énormément de carence de places.
Je voudrais dire également que cette motion précise ce qui est collectif, et c'est très important. En même temps, il reste tout l'accueil individuel, l'accueil familial, au sujet duquel nous sommes finalement en butte à diverses difficultés, puisque nous avons négocié un contrat-cadre avec les communes et que ces dernières se prononceront le 17 mai prochain pour dire si oui ou non elles y adhèrent. Il y a urgence, Mesdames et Messieurs les députés, parce que si, après l'avoir repoussée deux fois, la réglementation n'entre pas en vigueur, nous allons nous retrouver dans une situation catastrophique. C'est-à-dire que l'accueil familial aujourd'hui exercé en écrasante majorité par des femmes tombera irrémédiablement dans le travail clandestin, puisque la directive fiscale leur permettant de ne pas déclarer leurs gains sera abrogée au 1er janvier prochain, tant il est vrai qu'elle est totalement illicite - et illégale, pour faire extrêmement court.
Mesdames et Messieurs les députés, cette motion doit nous servir, avec d'autres clarifications sur l'accueil individuel, à pouvoir, le cas échéant, présenter très rapidement un projet de loi, de manière à répondre à l'ensemble des invites, afin que nous puissions enfin relever le défi et créer un nombre de places suffisant, en arrêtant de tout discuter en même temps - la formation, le niveau de la formation, le nombre, les normes architecturales, qui paie quoi entre le canton et les communes - alors que les besoins sont criants et que la population attend des réponses des autorités.
Encore une fois, je vous invite donc, les plus nombreux possible, à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat extrêmement rapidement, c'est-à-dire ce soir, de manière que nous puissions avancer. Parce qu'il y a urgence !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer sur l'amendement. Il consiste à ajouter l'invite suivante: «à l'exclusion des invites sur les CCT, toutes les dispositions prévues dans les invites devront être discutées avec les partenaires sociaux.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 47 non contre 42 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la motion 1952 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 77 oui et 13 abstentions. (Exclamations à l'annonce du résultat.)
Le président. Il est pris acte du retrait, qui a été confirmé par les partis radical et démocrate-chrétien, des propositions de motions 1717, 1720 et 1721.
La proposition de motion 1717 est retirée par ses auteurs.
La proposition de motion 1720 est retirée par ses auteurs.
La proposition de motion 1721 est retirée par ses auteurs.