République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 19 mars 2010 à 17h
57e législature - 1re année - 6e session - 29e séance
M 1878
Débat
Le président. Madame von Arx-Vernon, au nom des motionnaires, vous avez la parole. Mme Meissner interviendra après...
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Je pense que vous ne me contredirez pas, Monsieur le président, lorsque, au nom du groupe démocrate-chrétien, j'affirme que la politique est une belle chose, qu'elle est un vecteur de connaissances sur nos institutions démocratiques et que nous pouvons être fiers de faire de la politique ! Il faut donc arrêter de cracher sur celles et ceux qui s'engagent au service du bien commun, et cesser de dire: «tous pourris», «tous coquins», «tous copains» ! C'est une récupération de bas étage... (Exclamations. Rires.)
Le meilleur moyen pour affûter le discernement des jeunes, qu'ils soient de Genève ou qu'ils soient genevois - vous voyez ce que je veux dire, Monsieur le président - et renforcer leur capacité à s'engager dans les débats autour des thèmes de société qui les concernent, c'est de les informer de façon démocratique, c'est-à-dire qu'il faut permettre à tous les partis de participer à ce type de débats au sein des établissements du postobligatoire. C'est ce que, très modestement, cette motion démocrate-chrétienne désire. Et nous souhaitons vivement qu'elle soit renvoyée à la commission de l'enseignement, pour qu'elle puisse être enrichie des très bonnes idées des autres partis politiques, qui sont donc concernés par notre motion.
Mme Christina Meissner (UDC). En fait, cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat à favoriser et développer des conférences-débats en présence de différents partis politiques. Or, dans ses considérants, la motion indique que les conférences-débats organisées déjà maintenant sur une base volontaire par certaines écoles à la veille des votations et élections, en présence de représentants des partis politiques, rencontrent un franc succès. Les enseignants sont donc tout à fait capables d'inviter qui ils veulent, comme ils veulent, lorsque les circonstances s'y prêtent, et les politiciens répondent volontiers à leurs invitations à participer à ces débats. Nous aimons notre travail, et c'est normal !
A moins de rendre obligatoires ces débats pour tous les établissements scolaires du postobligatoire, je doute que les enseignants qui ne s'intéressent pas à la politique aujourd'hui se découvrent subitement des vocations demain. Rien ne remplacera la motivation de l'enseignant pour transmettre son enthousiasme aux élèves pour un sujet ou pour un autre.
Par ailleurs, les sources d'informations ne manquent pas pour qui se donne la peine de les chercher. Entre les conférences-débats télévisées, les émissions politiques matinales ou vespérales de certaines radios - au demeurant fort intéressantes et fort bonnes - les séances du Grand Conseil retransmises en direct, les articles de journaux, etc., rien ne manque !
Ce qu'il faudrait surtout, c'est passer de la théorie à la pratique. Pour développer le sens civique des élèves, il faudrait les emmener dans les institutions où se passe la politique et non amener la politique à l'école. Il faut que les élèves puissent assister aux séances publiques du Grand Conseil, de la Constituante, des communes; il faut les emmener voir comment fonctionne le service des votations, comment sont organisées des séances de dépouillement de bulletins de vote, etc. Mais, finalement, on en revient toujours à la même chose: c'est l'attitude de l'enseignant par rapport à la politique qui sera le facteur déterminant et motivant ou non pour les élèves. Et aucune motion ne parviendra à forcer la main à l'enseignant.
Nul besoin d'en faire davantage en matière de blabla. Ceci est valable pour les fonctionnaires du DIP comme pour les commissaires au cas où cette motion serait renvoyée en commission: même si le développement du sens critique est important pour les jeunes, la maîtrise de la lecture, de l'écriture et d'autres matières est primordiale, surtout sachant qu'elles sont malheureusement loin d'être maîtrisées par nos élèves. Pour toutes ces raisons, l'UDC rejettera cette motion.
M. Claude Aubert (L). Je vous lis un extrait de l'exposé des motifs de la motion: «Le constat est clair: la majorité des jeunes âgés de 18 à 25 ans ne votent pas pour différentes raisons, parmi lesquelles il convient de citer le manque d'intérêt et le manque d'information. A l'heure actuelle, ces jeunes - de 18 à 25 ans, donc - vivent encore pour la plupart dans le "cocon" familial et, dans ces conditions, leur opinion dépend souvent de l'avis des parents, quand le désintérêt ne prédomine pas.»
Si l'avis des jeunes de cette tranche d'âge dépendait encore de celui des parents, cela se saurait ! Et, si tel était le cas, cela signifierait que l'adolescence commence après 25 ans !
Nous autres libéraux, nous pensons que les jeunes ont des opinions très tôt: ils sortent du cocon familial très vite, et ils peuvent se forger un avis tout seuls. Par conséquent, nous ne pensons pas que l'école est un cocon qui permet aux jeunes d'ouvrir les yeux, de même qu'ils ouvrent le bec dans le cocon familial...
Nous ne sommes pas d'accord avec cette motion dans la mesure où - cela a été dit par la préopinante - des tas d'événements dans ce domaine sont déjà proposés par les enseignants à l'école. Les enseignants ont toute la liberté de le faire. Il m'est d'ailleurs arrivé de me rendre dans un collège pour discuter de problèmes liés au fonctionnement du Grand Conseil, et les jeunes ont manifesté un grand intérêt.
Nous sommes favorables aux initiatives individuelles et, comme cela vient d'être dit, il est extrêmement utile que les élèves viennent assister à nos débats, car ils verront à ce moment-là ce qui va les édifier pour le reste de leur vie ! (Rires. Applaudissements.)
Mme Aurélie Gavillet (S). Le groupe socialiste est bien sûr tout à fait favorable à une motion qui a pour but de promouvoir l'éducation civique dans les établissements du postobligatoire.
On peut cependant regretter que certains des termes de ce texte soient un peu trop restrictifs, dans la mesure où la motion 1878 ne cherche à promouvoir que les débats avec des membres des partis politiques, et cela seulement en période de votations et élections.
L'éducation civique des élèves du postobligatoire ne devrait pourtant pas se limiter aux seuls débats avec des membres des partis politiques, mais inclure aussi des débats avec d'autres personnes extérieures concernées par le sujet débattu, comme certains spécialistes, certains professionnels, certains universitaires.
L'éducation civique des élèves du postobligatoire ne devrait pas non plus se limiter aux seules périodes de votations et élections. En effet, de grandes questions d'actualité se posent en dehors des périodes électorales. Je pense par exemple au secret bancaire, auquel les organisateurs de débats risquent de préférer la loi sur les chiens, pour le seul motif que celle-ci ferait l'objet d'une votation, contrairement à la question du secret bancaire.
Mesdames et Messieurs les députés, ces distinctions nous semblent injustes et un peu arbitraires... C'est la raison pour laquelle nous vous avons proposé deux modifications dans un amendement que vous avez dû trouver sur vos tables, afin de mettre cette motion en conformité avec les exigences d'une éducation civique objective et ambitieuse. Nous vous remercions de les accepter, mais nous voterons de toute façon le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Jean-François Girardet (MCG). Hier soir, au cours de notre séance, une classe du postobligatoire est venue à la tribune pour assister à nos débats. Or, au moment où deux sujets inscrits à l'ordre du jour de notre Grand Conseil pouvaient intéresser ces élèves, ils n'étaient plus au perchoir pour suivre nos débats. Je l'ai regretté, car je pense que c'est en venant assister aux séances du Grand Conseil ou en les regardant à la télévision que les élèves pourront avoir une éducation citoyenne.
Les motionnaires du parti démocrate-chrétien proposent le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement. Cela permettra de l'amender, d'en discuter et de voir ce qui se fait en la matière. Le Mouvement Citoyens Genevois fera tout pour lutter contre l'abstentionnisme, et je pense que cette motion va dans ce sens, pour que les jeunes reçoivent une meilleure éducation citoyenne, pour qu'ils puissent voter dès qu'ils le peuvent et participer à la vie civile, à la vie civique et à la vie citoyenne de leur commune, de leur canton, voire de leur pays !
Alors oui à une éducation citoyenne, oui au renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture, et oui à une possibilité pour tous nos jeunes de mieux découvrir la vie politique de notre canton !
Mme Catherine Baud (Ve). Voilà l'exemple même d'une belle motion qui enfonce des portes ouvertes... Favoriser ce qui existe déjà n'est en effet pas vraiment utile !
Pour ma part, j'ai été plusieurs fois - en tout cas, à chaque élection - convoquée par des jeunes et leurs enseignants pour participer à des tables rondes dans différents établissements du postobligatoire. Apparemment, cela se fait donc... J'ai du reste rencontré un certain nombre de mes collègues à ces occasions, et je ne vois pas ce que l'on pourrait faire de plus en la matière, d'autant que le temps d'étude des jeunes est limité et qu'il n'est pas souhaitable de les charger de débats à n'en plus finir.
Je pense donc que cette motion, qui est pavée de bonnes intentions, ne sert malheureusement à rien ! En conséquence, je ne la soutiendrai pas. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Sauty, qui renonce... Je donne donc la parole à M. Romain.
M. Jean Romain (R). Merci, Monsieur le président ! Je lis dans l'exposé des motifs de cette motion que «la majorité des jeunes âgés de 18 à 25 ans ne votent pas pour différentes raisons - on ne sait pas quelles raisons - parmi lesquelles - écoutez-moi bien ! - il convient de citer le manque d'intérêt et le manque d'information.» Comme si, en augmentant l'information, miraculeusement, on allait augmenter l'intérêt ! Mesdames et Messieurs, l'école n'en peut plus - n'en peut plus - d'informer ! Elle informe de plus en plus et elle forme de moins en moins ! Nous devons faire l'inverse: il faut former davantage et peut-être informer moins, et ce d'autant plus que cette information - je suis d'accord avec Mme Baud - se fait d'ores et déjà. Au fond, nous sommes tous d'accord: il faudrait plus d'enthousiasme...
Quoi qu'il en soit, si le MCG est favorable à cette hyperinformation, le parti radical, lui, ne l'est pas, car en définitive cela ne sert à rien ! Non à cette tournée des popotes, parce que, figurez-vous, il y a quand même quatorze collèges, écoles de commerce, plus deux écoles de culture générale ! Ce qui impliquerait de tenir une sorte d'agenda... (L'orateur est interpellé.) Mais oui, Madame la députée ! ...dans lequel chacun noterait ces réunions, en plus de tout ce qu'il est obligé de faire !
Je crois que le bon sens nous commande de laisser ce qui existe déjà en la matière et de revenir au rôle premier de l'école qui est la formation au détriment de l'information ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Rolle, à qui il reste une minute et vingt secondes.
Mme Dominique Rolle (MCG). C'est vrai, l'information se fait, puisqu'il m'a été rapporté que les enseignants avaient régulièrement un parti pris, notamment contre le MCG, en plaçant celui-ci comme un parti d'extrême droite, ce qui est faux... C'est discutable, mais faux ! (Rires.) Ce n'est pas le rôle des enseignants de faire cela ! (Commentaires.) Je rappelle que l'école a une vertu laïque et que la laïcité doit s'exercer tant pour les religions que pour la politique !
Si la motion du PDC permet d'instaurer un débat égalitaire pour tous les partis, donnant à chacun d'entre eux un droit de réponse, et d'intéresser par là même les jeunes, le MCG soutiendra cette motion.
M. François Gillet (PDC). Effectivement, de tels débats sont déjà organisés dans certains établissements, à certains moments importants de la vie politique de notre pays. Mais, malheureusement, ce sont toujours les mêmes établissements qui organisent ces débats. Certains d'entre nous y ont participé avec plaisir... Je pense qu'il est essentiel que le département nous informe de ce qui est mis en place aujourd'hui pour favoriser ce genre de débats, et il serait donc tout à fait utile de renvoyer cette motion en commission. Il serait également utile, aux yeux du groupe démocrate-chrétien, de développer ce type de réunions et de les élargir, de sorte que d'autres intervenants que des acteurs politiques puissent être invités. Les suggestions d'amendements sont intéressantes à cet égard mais, pour cela, il faudrait que l'on nous explique ce qui se fait dans le cadre des cours de civisme et pourquoi ces débats ont lieu systématiquement dans certains établissements et pas dans d'autres. Il est important que nous ayons des informations à ce sujet.
Mme Meissner préconise plutôt d'inciter les jeunes à venir assister à nos séances... Je doute que ce soit le meilleur moyen de les attirer à la politique ! (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, il nous reste quelques interventions, soit sept à huit minutes de débat... Nous allons donc prolonger la séance pour pouvoir terminer, mais nous reprendrons la prochaine séance à 20h45. Monsieur Forte, vous renoncez ? Alors je passe la parole à Mme Gavillet, à qui il reste une minute et vingt secondes.
Mme Aurélie Gavillet (S). Merci, Monsieur le président ! Le groupe socialiste tient juste à vous recommander de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Il s'opposera à son renvoi en commission, celle-ci ne pouvant pas apporter beaucoup d'améliorations à cette motion.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Sauty, à qui il reste cinquante secondes.
M. Guillaume Sauty (MCG). Merci, Monsieur le président. Je tiens à revenir sur les propos de mon collègue radical qui disait que c'était de la surinformation... Je ne suis pas d'accord !
Quand vous proposez des débats de ce type à des jeunes, vous leur offrez peut-être plus d'information, mais vous suscitez aussi leur intérêt ! Les jeunes ne s'intéressent plus à la politique aujourd'hui, et c'est bien malheureux ! Alors tendons-leur la main, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est en provoquant ce genre de débats citoyens, mais sans donner seulement la ligne de son parti, que les jeunes s'intéresseront à la politique et que nous arriverons à baisser le taux d'abstentionnisme impressionnant de cette catégorie de personnes ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Merci à celles et ceux qui ont pris la peine de rappeler qu'un certain nombre de choses se faisaient déjà, que l'éducation citoyenne - l'instruction civique, comme on l'appelle plus traditionnellement - était un élément particulièrement important du point de vue du fonctionnement de notre démocratie.
Je dirai simplement, pour que les choses soient parfaitement claires, que nous avons intérêt, d'une manière générale, à développer ce type de débats, et je partage tout à fait l'avis de Mme la députée Gavillet, qui a indiqué tout à l'heure qu'il convenait de ne pas restreindre les sujets des débats à la période des votations ou des élections. C'est un élément important.
J'aimerais vous dire à ce propos que ce qui m'a frappé à l'occasion de visites d'établissements relativement récentes, que ce soit à l'école primaire ou au cycle d'orientation et dans l'enseignement postobligatoire, c'est le véritable engouement des jeunes pour les élections américaines. Ces élections ont en effet véritablement passionné les élèves - je l'ai remarqué à chaque visite - qui demandaient des renseignements et qui cherchaient à comprendre comment les choses se passaient.
Je tiens à vous signaler également, parce que c'est une initiative d'un centre de formation professionnelle du canton de Genève, qu'un débat a été organisé pour quelque 300 apprentis autour des élections américaines, avec la confrontation entre des personnes représentant le camp démocrate et le camp républicain. Cela pour dire qu'il faut accepter quelquefois de faire des débats sur des sujets extérieurs à la Suisse afin d'arriver à captiver les jeunes pour la politique.
Les différentes prises de parole indiquent en tout cas une chose, c'est que nous devons clarifier le rôle de l'instruction civique, mais également de l'éducation citoyenne - car ce ne sont pas exactement les mêmes notions... Pour ma part, même si cela fait l'objet d'une interpellation urgente écrite de M. le député Romain, je pense qu'il est fondamental que l'exercice de l'instruction civique - respectivement de l'éducation citoyenne - puisse se faire à partir des grands courants fondateurs de la démocratie tout au moins au niveau philosophique et religieux, parce que c'est bien à partir de la capacité de lire, de connaître, de débattre et d'argumenter que le goût pour la chose publique peut se développer.
J'aimerais donc rendre hommage à l'ensemble des jeunes députés qui se passionnent pour ce sujet, lequel mérite l'attention des autorités et qui, en tout cas, a parfaitement retenu la mienne. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais commencer par vous soumettre le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1878 à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture est rejeté par 67 non contre 25 oui et 1 abstention.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets maintenant aux voix l'amendement socialiste qui consiste à modifier la première invite et à ajouter une deuxième invite. La teneur de cet amendement est la suivante: «à favoriser et développer pour l'ensemble des établissements du postobligatoire l'organisation de conférences-débats en présence de membres des différents partis politiques et/ou d'autres invités - spécialistes, professionnels, personnalités, universitaires, etc. - lors de votations et d'élections; à favoriser et développer pour l'ensemble des établissements du postobligatoire l'organisation de conférences-débats portant sur des questions d'actualité, en présence de membres des différents partis politiques et/ou d'autres invités - spécialistes, professionnels, personnalités, universitaires, etc.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 39 oui contre 38 non et 14 abstentions. (Exclamations à l'annonce du résultat.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets enfin le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la proposition de motion 1878 ainsi amendée est rejetée par 48 non contre 42 oui et 3 abstentions. (Exclamations à l'annonce du résultat.)