République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1726-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Eric Leyvraz, Eric Bertinat, Eric Ischi, Philippe Guénat : Appui scolaire par internet
Rapport de majorité de Mme Janine Hagmann (L)
Rapport de minorité de M. Antoine Bertschy (UDC)

Débat

Le président. Le temps de parole est limité à quarante minutes: quatre minutes par intervention. La parole est à M. Barde, qui remplace Mme Hagmann.

M. Antoine Barde (L), rapporteur de majorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, tout d'abord, permettez-moi de remercier ici notre ancienne collègue, Mme Hagmann, pour la qualité de son rapport. J'espère restituer fidèlement ses propos.

La commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture s'est penchée sur ce texte intitulé «Appui scolaire par internet» lors de deux de ses séances. Il en est sorti un vote majoritaire refusant cette motion, une voix en faveur de celle-ci et deux abstentions. Les raisons de ce refus sont les suivantes.

Cette motion s'est basée sur une expérience menée dans le canton du Jura, mais dont le but était surtout de pallier des distances non négligeables entre le domicile et l'école. Or Genève ne rencontre pas ce genre de problème du fait de sa géographie. Par ailleurs, la troisième invite de cette motion suggérait la modification des «grilles horaires d'enseignement des maîtres et professeurs en sorte d'organiser une rotation de leur disponibilité entre 17h30 et 19h30 les lundis, mardis, jeudis et vendredis.» La mise en place d'un tel dispositif est dès lors complexe. En effet, on considère qu'il faut un enseignant pour trois élèves. Il faut encore trouver des enseignants disposés à accomplir cette tâche, sachant qu'il faudra les rémunérer même si les élèves ne les sollicitent pas. Nous pouvons donc légitimement nous poser la question du coût d'une telle mise en place.

Comme le nom de la motion l'indique, on parle d'«appui». Les élèves concernés sont donc ceux qui éprouvent des difficultés. Or pour ces élèves, comme pour les enseignants qui doivent leur répondre, la verbalisation de problèmes complexes est plus difficile à rendre par écrit qu'oralement.

Lors de son audition, le directeur du Service Ecoles-Médias a relevé que, d'après l'expérience menée dans le canton du Jura, les élèves qui utilisaient ce genre d'appui étaient les élèves de la troisième à la neuvième, que, du fait de leur jeune âge, leur patience est par nature assez limitée et que, dans le cas de réponses trop lentes de l'enseignant, ils se déconnecteraient rapidement. D'autre part, comme l'a relevé le chef du département, des structures existent déjà à Genève, telles que l'ARA, et des études surveillées, gratuites, sont proposées au niveau de l'école primaire et du cycle d'orientation. Les études surveillées «accompagnées» - entre guillemets - sont donc probablement plus efficaces de par la présence physique de l'enseignant.

Bien que cette motion mette en évidence une problématique intéressante pour certains publics très spécifiques - artistes, sportifs, malades, etc. - et que l'utilisation d'internet puisse paraître séduisante, d'une part la majorité de la commission n'a pas été convaincue par l'ensemble des invites, et d'autre part internet ne remplacera pas un contact personnel avec de vrais enseignants et des appuis scolaires. A la lumière de ce qui précède, je vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le député. J'en profite pour saluer à la tribune un groupe de concierges d'écoles et de salles communales, qui suit une formation à l'Université ouvrière de Genève et qui nous rend visite afin de mieux connaître le fonctionnement de notre parlement et de nos institutions. Ils sont accompagnés par M. Claude Gerber. (Applaudissements.) La parole est à M. Bertschy.

M. Antoine Bertschy (UDC), rapporteur de minorité. Je regrette tout autant que le rapporteur de majorité que Mme Hagmann ne soit plus parmi nous. Il est vrai que j'ai eu beaucoup de plaisir à siéger avec elle pendant quelques années. Et je me réjouissais - nous nous étions d'ailleurs entretenus à ce sujet - de pouvoir à nouveau débattre avec elle ce soir, comme nous l'avons déjà fait plusieurs fois à cette table des rapporteurs. Je reviens à cette motion.

Comme l'a dit le premier motionnaire lorsqu'il a été auditionné, c'est une idée assez simple, qui a déjà été mise en place ailleurs, que nous aimerions appliquer à Genève. Malheureusement, la commission ne l'a pas entendu de cette oreille, commission qui a traité ce sujet d'une manière un peu bizarre dans sa réflexion; j'y reviendrai.

Des arguments vous ont été présentés, selon lesquels la différence entre le canton du Jura et le canton de Genève est la distance. Ainsi, il y a besoin d'internet parce qu'il y a de la distance, mais pas à Genève, qui est un canton citadin, donc concentré. Je crois pourtant qu'il y a d'autres problèmes à Genève qui peuvent induire ce besoin d'internet. Je pense, par exemple, au-delà des cas spéciaux dont mon préopinant a parlé - les élèves sportifs, artistes, etc. - aux élèves dont les parents ne parlent pas français. A Genève, une multitude de parents d'élèves ne parlent pas français, mais veulent tout de même suivre les devoirs de leurs enfants. A travers internet, les enfants peuvent se renseigner sur ce qu'il y a à faire et traduire cela à leurs parents. Ainsi, les parents peuvent toujours suivre et ne sont pas obligés de passer par l'ARA ou par les devoirs surveillés. C'est une solution qui serait intéressante pour eux.

Pour ce qui est des travaux de la commission, cette idée UDC, évidemment, a d'abord été refusée. La commission s'est dit: «Ouh là là, la motion vient de l'UDC; ayons toutes les craintes possibles et imaginables.» Ensuite, nous avons auditionné le président du département, M. Beer, qui a dit que l'idée présentait effectivement de l'intérêt pour certaines catégories d'élèves et qu'elle aurait été profitable. Nous sommes alors passés dans une deuxième phase, où la commission a commencé à réfléchir par rapport aux propos de M. Beer et à marquer un peu d'ouverture. A ce moment, le groupe UDC a restreint le champ des invites de cette motion en fonction. Et que nous a-t-on répondu ? Au lieu de nous dire: «C'est bien, vous faites preuve d'ouverture, nous irons dans ce sens», on nous a dit: «Ah mais non, cela ne correspond plus au titre ni aux considérants de votre motion !»

Je pense que l'on passe à côté de quelque chose. Effectivement, les considérants et le titre de la motion sont importants, mais nous votons tout de même sur les invites. Nous avons proposé des amendements, qui ont été refusés. Je le regrette. Cette idée est pourtant simple, tout à fait réalisable et intelligente. Cette idée, proposée par M. Leyvraz, notre ancien président du Grand Conseil, peut se faire simplement, vu qu'un système est déjà en place dans le canton du Jura. Je vous propose donc de ne pas soutenir le rapport de majorité, mais de suivre le rapport de minorité et de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Guillaume Sauty (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, les possibilités d'internet sont infinies, donc celles de la scolarité par internet aussi. Ce système a déjà fait ses preuves dans des pays voisins, notamment pendant la pandémie de grippe A, lors de laquelle des écoles entières ont été mises en quarantaine. Grâce à l'appui par internet mis en place, les élèves ont évité de prendre du retard sur les cours.

D'autre part, il existe des cours d'appui sur la toile. Ces cours permettent aux élèves de poser des questions directement depuis chez eux, par exemple pendant la réalisation d'un devoir, ou plus simplement pour satisfaire leur curiosité et leur envie d'apprendre. Un autre aspect important à ne pas mettre de côté est que cette génération est née avec les nouvelles technologies. Les élèves d'aujourd'hui ont grandi en acquérant une connaissance quasi innée des outils d'information utilisés avec internet. C'est pourquoi aller dans le sens de l'apprentissage des jeunes en acceptant cette motion, c'est favoriser les méthodes d'enseignement pour nos étudiants.

M. Eric Leyvraz (UDC). Nous avons renvoyé cette proposition de motion en commission le 25 mai 2007. Depuis, les ordinateurs ont doublé leur puissance, rendant internet encore plus performant.

Ce qui m'avait frappé, quand je discutais avec les professeurs du canton du Jura, c'est qu'ils soulignaient tous que les élèves se sentent à l'aise sur la toile et posent des questions qu'ils n'ont peut-être pas osé poser en classe, de peur de paraître idiots. Et ces élèves remercient facilement les professeurs, ils sont reconnaissants de cette aide et ils le disent à leurs camarades, qui se mettent aussi sur internet.

Il y a aussi un élément très important, c'est que les dépenses sont minimes, il faut le dire. Très peu d'argent y est consacré, et on a d'excellents résultats pour une faible dépense d'argent. Alors est-ce un défaut dans cette république dépensière ? Peut-être. «Trop bon marché, mon fils, trop bon marché !», comme disait la réclame. Mais je trouve tout de même dommage que l'on se prive d'un outil moderne, d'un moyen moderne, qui plaît aux jeunes et qui pourrait rendre un grand service. Je vous propose donc de soutenir cette motion. Elle a son sens.

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que cette motion avait été accueillie avec une certaine bienveillance, dans un premier temps, par la commission de l'enseignement. Nul ne peut s'opposer à l'utilisation d'internet pour mieux enseigner à nos élèves. Néanmoins, la commission s'est très vite rendu compte que ce service d'accompagnement des devoirs à domicile, comme il se pratique depuis quelques années dans le Jura, n'est pas adapté aux besoins scolaires des enfants genevois - je ne vais pas reprendre tous les arguments du rapporteur de majorité - du fait que nous sommes dans un canton urbain.

Le dispositif à mettre en place serait assez lourd, alors que le succès, même dans le canton du Jura après huit années d'expérimentation, est très limité; on parle de six à huit élèves qui utilisent ce système. Et il faudrait mettre en place un dispositif qui occuperait trois enseignants en permanence. Un autre argument qui a milité pour que notre parti, en tout cas, n'entre pas en matière sur cette motion est le fait que, contrairement à ce qu'a dit le rapporteur de minorité, l'audition de M. Grandjean, directeur du Service Ecoles-Médias, nous a convaincus que le public cible à Genève, qui serait constitué d'élèves en difficulté, est souvent un public qui ne maîtrise pas le français. Or ce sont probablement les élèves qui utiliseraient le moins cette technologie.

Deuxièmement, à l'heure d'HarmoS, à l'heure de l'adaptation du plan d'études romand, faudrait-il dupliquer à Genève un système qui a un succès très modéré dans le Jura ? Une solution, si elle devait exister, devrait être vraiment au niveau romand. C'est pour cela que le parti radical, à l'instar de la grande majorité de la commission, a décidé de ne pas entrer en matière sur cette proposition de motion.

Mme Catherine Baud (Ve). Effectivement, cette motion nous a paru tout d'abord pleine de bonnes intentions et tout à fait intéressante. Mais lors de son étude, ainsi que l'a fait remarquer M. Saudan, nous nous sommes aperçus que, finalement, elle n'était pas si utile que cela, parce que la plupart des solutions existaient déjà. Il est vrai que la plupart des élèves qui ont besoin d'un soutien scolaire ont surtout besoin d'un coaching, ils ont surtout besoin d'être accompagnés dans la manière de travailler, et non pas seulement d'avoir des réponses techniques à une question précise. Donc cet accompagnement est beaucoup plus utile, pour les élèves en difficulté, lorsqu'il est effectué par une personne physiquement présente à côté d'eux.

En l'occurrence, le travail des répétitoires AJETA, de l'ARA, est tout à fait considérable. Je vous rappelle l'ordre de grandeur: plus de 5000 élèves et de 2500 répétiteurs environ - voire un peu plus - sont concernés chaque année. Donc c'est tout de même important. De plus, par internet, c'est vrai que l'on peut trouver - les élèves savent très bien le faire - énormément d'informations. Donc ce n'est pas vraiment utile de mettre un dispositif au niveau genevois.

Même si l'on peut y arriver avec des coûts raisonnables, ce n'est pas vraiment utile. En effet, de toute façon, il faut avoir un certain nombre d'enseignants qui devront se relayer derrière leur ordinateur afin de pouvoir répondre toujours aux élèves en temps réel. Cela implique une organisation difficile, étant donné qu'il faut pouvoir répondre à toutes les questions. Donc cela représente tout de même un certain nombre de personnes pour arriver à avoir des heures régulières de réponse et d'écoute.

En résumé, la demande est en l'occurrence déjà satisfaite et le besoin porte surtout sur un contact personnel. Donc nous nous sommes aperçus, malheureusement, que cette motion n'était pas vraiment utile dans le canton de Genève. En conséquence, nous la refuserons.

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a dit Mme Baud, cette motion était au départ intéressante. Elle nous a permis de nous plonger dans la réalité de l'utilisation des nouvelles technologies à l'école publique genevoise. Il faut rappeler que ces nouvelles technologies et l'outil informatique sont déjà largement utilisés aujourd'hui dans l'école publique genevoise, y compris au niveau des petits degrés. Les logiciels existent déjà pour aider les élèves en difficulté dans certaines matières, également dans le domaine de l'appui et des devoirs surveillés. Internet est un outil intéressant, que les élèves de l'école genevoise apprennent aussi à utiliser. De là à imaginer que l'aide aux devoirs ou les devoirs surveillés puissent se faire par internet, il y a un pas que, en tout cas nous, démocrates-chrétiens, n'avons pas voulu franchir. Comme l'a dit Mme Baud, dans le cas de devoirs surveillés ou d'appui aux élèves en difficulté, il est essentiel que la présence d'un enseignant puisse être assurée, du moins la présence d'un adulte qui puisse venir en aide à l'élève et répondre à ses questions. Cette présence physique est un élément essentiel.

Par ailleurs, je rappelle à ce parlement que la même commission de l'enseignement qui a traité de cet objet a également, tout en fin de législature, adopté un contreprojet à l'initiative 141 sur l'accueil continu des élèves. Le rapport vient d'être déposé. Or, dans le cadre de ces travaux, on a insisté à plusieurs reprises sur la nécessité que le nouveau dispositif puisse assurer un encadrement des devoirs dans le cadre scolaire. Cette motion se trouve aux antipodes de ce constat. Ce que souhaitent les parents, c'est avoir la possibilité que leurs enfants puissent faire leurs devoirs dans le cadre scolaire ou parascolaire; ce n'est pas que leurs enfants fassent leurs devoirs, seuls, devant leur ordinateur, même avec l'appui d'une assistance par internet. Par conséquent, je crois qu'il y a une certaine contradiction entre la conclusion à laquelle nous sommes arrivés dans la rédaction du contreprojet à l'initiative 141 et cette motion, que nous vous invitons donc à rejeter.

M. Jean-François Girardet (MCG). C'est une motion, à nouveau, et je suis étonné par nos différentes interprétations de celle-ci. Une motion convient pour demander une étude. Dans ce parlement, cependant, j'apprends que toutes les études se font en commission; ce n'est pas le sens de la motion. Il faut faire travailler le Conseil d'Etat et les fonctionnaires qui sont là pour répondre aux questions posées par la motion. Or chacun dans ce parlement s'est exprimé et a dit qu'elle était intelligente, qu'elle était intéressante. J'ai même entendu qu'elle était utile, mais pas aux Genevois; elle était peut-être utile aux Jurassiens, mais pas aux Genevois. J'ai entendu des jeunes - et le plus jeune du parlement, qui est issu du MCG - nous dire que ces moyens techniques étaient à disposition des jeunes et que ces derniers étaient nés dedans, qu'ils étaient à l'aise avec leur utilisation. J'ai aussi entendu l'un des députés les plus expérimentés de notre parlement proposer cette motion pour que le Conseil d'Etat étudie ces nombreuses possibilités que nous offre internet.

Alors non, il ne s'agit pas de remplacer les enseignants. Dieu merci, on a un avenir assuré; les enseignants seront toujours avec les élèves, en relation avec eux, pour transmettre leurs connaissances. Non, internet ne remplacera pas non plus l'ARA, l'association qui se préoccupe de soutenir des élèves en difficulté et qui est largement subventionnée par l'Etat. Non, internet ne remplacera pas non plus les études surveillées qui sont offertes et mises à disposition des élèves qui ont des difficultés pour faire leurs devoirs.

Mais nous avons parlé d'un moyen qui pouvait être coordonné au niveau romand. Il est clair qu'à l'heure où nous parlons d'harmonisation des moyens d'enseignement, des programmes et des horaires, nous pouvons aussi parler d'harmonisation des soutiens; et internet en est un parmi d'autres, auquel il s'agit maintenant de souscrire. Mais s'agissant de cela, c'est le Conseil d'Etat qui pourra nous dire si oui ou non on veut aller dans cette direction qui a été largement approuvée par un éminent député, expérimenté, et par le plus jeune parlementaire de notre Grand Conseil.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Marie Salima Moyard (S). De nombreuses choses ont déjà été dites. Je pense effectivement que cette motion peut correspondre à une certaine attente d'une partie des jeunes et qu'elle propose un mode d'interaction intéressant, qui a des qualités, comme le fait d'être relativement ludique, naturel, et d'offrir évidemment une interaction individualisée. Il n'est pas le seul à offrir ces différents éléments, mais voilà, on peut étudier la chose.

Pour aller plus précisément dans le coeur du sujet, je suis moi-même allée me promener sur le site www.educlasse.ch pour voir un peu ce qu'il en était. Effectivement, le canton du Jura n'est pas le canton de Genève sur les questions d'opposition entre rural et urbain, de distances à parcourir et surtout de nombre. Comment généraliser, comment centraliser un tel processus ?

Par ailleurs, on n'a que peu soulevé la question de l'utilisation d'internet par les élèves sans contrôle parental à la maison, probablement - ou possiblement en tout cas - et sans les différents filtres qui sont très utilisés à l'école pour empêcher l'accès à toute une série de sites dont je ne vous ferai pas la liste. Il y a également la question de la fracture numérique, n'en déplaise à certains. Certes, aujourd'hui, relativement peu d'élèves ne possèdent pas d'ordinateur dans leur ménage familial, souvent avec une connexion internet. Cela ne veut pas encore dire que l'on sait correctement s'en servir; je suis bien payée pour le voir en cours d'informatique.

Il y a ensuite les problèmes internes au projet. La fréquentation n'est pas mirobolante; bien sûr, on pourrait imaginer mieux à Genève, mais à quels frais en termes de ressources humaines ? Il y a la gestion - difficile - de la communication écrite pour beaucoup de nos élèves, il faut s'en rendre compte. Faire du «chat», c'est être uniquement dans l'écrit rapide et réactif. Il ne faut pas avoir de problèmes avec ce mode d'expression, qui n'est pas du tout acquis par l'ensemble des élèves du cycle, particulièrement ceux qui ont des difficultés.

Du point de vue de la mise en place au niveau des ressources humaines, comment gérer la multiplicité des programmes et des manuels, particulièrement pour les branches sans manuel comme l'histoire ou la géographie ? Bien sûr, vous pouvez trouver des enseignants pour ce genre de périodes et pour toutes les branches, à un certain coût. Mais je vous avertis que, pour exercer les études surveillées de manière approfondie, il n'est pas si facile que cela de se plonger dans toute une série de manuels qui ne sont pas directement les nôtres. Qui plus est, par écrans interposés, sans aucun matériel, cela constitue un exercice relativement difficile. Enfin, la notion du forum, la communication asynchrone, n'est vraiment pas très pratique. L'aide au raisonnement d'un élève se fait dans l'immédiat, face à lui, dans le physique, en suivant son processus de raisonnement.

Au niveau des solutions à disposition, les réformes sont en cours. Le PDC a parlé de l'accueil parascolaire. Nous en attendons beaucoup. Ce système pourrait néanmoins être intéressant pour une population extrêmement spécifique, à définir, par exemple les élèves malades, les élèves détenus à la Clairière, ou d'autres. Mais pour l'énorme majorité des élèves, nous pensons que tant l'ARA que les études surveillées, ainsi que les réformes en cours sur l'accueil parascolaire, offrent une solution suffisante. Internet n'est malheureusement pas la panacée et ne remplacera jamais la présence d'un enseignant.

M. Antoine Bertschy (UDC), rapporteur de minorité. Evidemment, nous ne cherchons pas la panacée avec cette motion. Il s'agit d'une solution supplémentaire pour nos élèves ! On nous dit que, dans le Jura, seuls six ou huit élèves utilisent ce système. Je vous rappelle juste que le canton du Jura compte 70 000 habitants. Si vous multipliez par six pour Genève - nous sommes à peu près 400 000 à 450 000 habitants - cela fait carrément deux classes d'élèves à Genève qui pourraient utiliser ce système. Deux classes, ce n'est pas rien, Mesdames et Messieurs.

On nous dit aussi: «Oui, mais cela ne concerne que certains élèves, qui ont des horaires spéciaux; ou alors il y a le parascolaire pour faire tout cela.» Je réponds: «Et le rôle des parents ?!» Les parents n'ont-ils pas le droit de regarder ce que font leurs enfants ? Or tous les parents n'ont pas soit la compréhension des devoirs donnés, parce qu'ils ne sont pas de langue française, soit le niveau, parce que le niveau scolaire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...s'élève petit à petit. Les parents n'ont pas le niveau; parfois, ils ne savent pas tout. Ils ont besoin aussi de cette information, qu'ils pourraient recevoir par internet au travers de leurs enfants.

Je reviens sur les propos de M. Girardet, qui a été plein de bon sens ce soir. Il vous a dit: «Effectivement, peut-être que, au-delà de Genève, nous pouvons faire quelque chose au niveau romand.» Je vous rappelle que, avec HarmoS, 80% du programme sera identique dans tous les cantons... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Antoine Bertschy. C'est-à-dire que 80% ou 85% des questions posées seront les mêmes. J'étais contre l'harmonisation mais, en l'occurrence, elle sera bien ! Et là, nous aurons un système au niveau romand, pas seulement au niveau genevois. Alors effectivement, de temps en temps, ce seront des enseignants genevois qui répondront. Désolé, Madame Moyard, il faudra faire une heure de plus. De temps en temps, ce seront des enseignants vaudois ou neuchâtelois... Je vois que M. Girardet sourit déjà. Il se réjouit de pouvoir aider les élèves jurassiens, valaisans et vaudois. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de voter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat. Elle est pleine de bon sens. (Applaudissements.)

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je dirai rapidement que le fait que le parlement soit saisi régulièrement de motions permet de faire avancer le débat et, d'une manière générale, participe à l'évolution de tout un certain nombre de pans de politiques publiques. Mais on ne peut pas forcément dire que toute réponse d'adaptation va résider «scolairement», si vous me permettez l'expression, dans la réponse «oui» à l'invite de la motion. Sur ce point, j'aimerais dire que la motion que vous déposez au nom du groupe UDC et le rapport de minorité que vous défendez maintenant nous indiquent finalement qu'il y a une voie à explorer, internet, par rapport à certains élèves qui sont excentrés ou empêchés de suivre l'école ordinaire et, plus généralement, par rapport à des élèves qui pourraient bénéficier d'un service qui devrait s'adapter aux nouvelles technologies. Je ne crois pas trahir cette motion en disant cela.

Alors permettez-moi de vous dire que, aujourd'hui, le vrai défi - je crois que vous l'avez souligné à l'instant - réside dans le fait que, à terme, ce que nous devons avoir sur le plan informatique est pratiquement le plan d'études romand pour l'ensemble des cantons romands, les différents moyens d'enseignement et très probablement un service qui permette, sur un plan romand, en termes de back office, de répondre à la logique de l'étalement sur un territoire important, soit celui de la Suisse romande.

Je pense que la motion est à la fois un peu en retard et en avance. Ce qui est important est que l'on vous tienne informés de ce qu'est aujourd'hui l'évolution de l'adaptation au plan d'études romand d'une part, et de l'adaptation d'outils aux élèves éloignés de l'enseignement d'autre part, sachant que certains d'entre eux peuvent être, par exemple, soit détenus à la Clairière momentanément, soit hospitalisés, soit dans une situation qui, encore une fois, indépendamment de leur volonté, les éloigne du lieu d'enseignement. Je pense qu'il y a une idée derrière cette motion et que la bonne réponse ne consiste pas forcément à la renvoyer au Conseil d'Etat, mais simplement à demander au Conseil d'Etat, parce que nous nous voyons régulièrement à la commission de l'enseignement, de faire le point sur l'avancée de ses travaux.

Mise aux voix, la proposition de motion 1726 est rejetée par 67 non contre 24 oui et 1 abstention.