République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 février 2010 à 20h30
57e législature - 1re année - 5e session - 25e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Guy Mettan, président.
Assistent à la séance: Mmes et M. Charles Beer, Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Mark Muller, Pierre-François Unger et David Hiler, conseillers d'Etat, ainsi que MM. Roberto Broggini, Roger Deneys et Fabiano Forte, députés.
Annonces et dépôts
Le président. Je crois que M. Gillet a une annonce à faire.
M. François Gillet (PDC). Effectivement, au nom du groupe démocrate-chrétien, j'annonce le retrait de la motion suivante:
Proposition de motion de MM. Guy Mettan, Mario Cavaleri, Didier Bonny, Fabiano Forte, Pascal Pétroz, Michel Forni demandant la création d'un Service de législation (M-1907)
Le président. Il est pris acte de ce retrait - avec regret en ce qui concerne le président. Nous passons aux urgences qui, comme il a été convenu hier soir, sont traitées maintenant et en catégorie III. Il s'agit des points 126 et suivants.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1699 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 45 oui et 3 abstentions.
Débat
Mme Anne Mahrer (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, à l'occasion de la Journée internationale «Tolérance zéro envers les mutilations génitales féminines», nous étions conviées et conviés vendredi dernier, 5 février, à une réunion-débat à Uni Dufour.
Cette année, ce sont des hommes qui ont pris la parole et affirmé le refus de ces mutilations pour leurs filles, de même que leur volonté d'éradiquer de leur pays cette «pratique de la honte», comme le dit le professeur Sow. Ils ont confirmé qu'aucune considération religieuse, culturelle ou sociale ne justifiait de telles pratiques. Ils ont aussi admis que de tels changements prendraient du temps, beaucoup de temps, et rappelé que chaque année trois millions de petites filles sont victimes de ces pratiques. Enfin, ils ont reconnu que la pression subie par les femmes était si forte qu'elles-mêmes perpétuaient cette tradition.
Lorsque nous prenions acte, en février 2008, du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1694 déposée en juin 2006, les Verts attendaient que Genève devienne le canton pionnier en matière de prévention et d'action contre l'excision. Il l'est devenu, Mesdames et Messieurs les députés ! Il l'est devenu grâce au projet pilote mené sous la responsabilité de l'office des droits humains de l'Etat de Genève. Et ce projet a ceci d'exemplaire qu'il met en réseau les organisations internationales présentes à Genève, les services de l'Etat, les associations, les communautés concernées à Genève, par le biais des médiatrices culturelles et les pays concernés, grâce à des ONG actives sur le terrain et qui sont soutenues par le service de la solidarité internationale.
Nous saluons donc ce soir cette avancée importante, réponse concrète apportée à la motion que nous sommes ici plusieurs à avoir signée en 2006. Nous souhaitons cependant que ce projet ne s'arrête pas là, que les personnes fortement engagées contre les mutilations génitales féminines puissent poursuivre leur travail et compter sur un engagement politique fort de la part du Conseil d'Etat - qui, je l'espère, m'écoute. Il s'agit d'étendre la prévention à d'autres communautés, d'intégrer dans la formation des professionnels de la santé cette problématique, de renforcer ce réseau.
Cette volonté politique, Mme Isabel Rochat l'a exprimée dans son discours prononcé vendredi dernier, à la fin de cette Journée internationale. Les Verts prennent acte de cet engagement et des conclusions du rapport 824, mais ils resteront attentifs à ce que l'intention annoncée se concrétise. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, dès la première heure, il a été une évidence que nous devions soutenir le Conseil d'Etat dans tout ce qu'il pourrait mettre en oeuvre pour lutter contre ces horreurs. Des horreurs qui ne se passent pas seulement très loin de nos frontières, mais aussi à Genève. Des horreurs qui se passent aussi en Suisse ou que subissent des petites filles ou des femmes lors de vacances forcées dans leur pays d'origine où ces pratiques sévissent encore !
Nous voulons remercier le Conseil d'Etat et rendre hommage à Mme Fabienne Bugnon, directrice générale de l'office des droits humains, pour l'excellent travail effectué. Nous rendons aussi hommage aux médiatrices culturelles, aux personnes du domaine de la santé et à celles qui se trouvent sur le terrain, qui ont réalisé un travail absolument admirable - cela a été relevé par Mme Rochat lors de la journée contre les mutilations génitales féminines, comme le soulignait ma préopinante.
Au parti démocrate-chrétien, nous nous engageons aussi à soutenir le Conseil d'Etat dans tout ce qu'il pourra mettre en oeuvre pour continuer à lutter contre ces horreurs qui, je vous le rappelle, ne se passent pas uniquement très loin d'ici, mais peut-être chez nos voisins et nos voisines de palier. Nous devons donc absolument continuer à soutenir tout ce qui est entrepris pour prévenir cela et continuer à informer, car il est possible de faire cesser ces pratiques.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette problématique est importante. Même si, chez nous, elle est heureusement marginale, elle est quand même présente. On a parlé de l'office des droits humains, mais je crois que c'est une problématique qui touche, transversalement, beaucoup de départements de notre canton et qui doit être considérée avec sérieux.
Il a fallu aux femmes des générations entières pour obtenir le droit de vote. Au niveau planétaire, il nous faudra peut-être encore des générations contre cette pratique prétendument ancrée dans la pratique religieuse, mais c'est maintenant et ici que commencent le travail et la lutte, surtout par l'éducation. Comme vient de le dire la députée Anne Mahrer, cette pratique n'a rien de religieux, et si je crois qu'il y a des coutumes qui sont bonnes et qu'il faut conserver, il y en a cependant qu'il faut combattre à tout prix. Nous serons là pour les combattre où ce sera nécessaire, et ce le sera aussi ici !
Mme Christina Meissner (UDC). Si j'avais été députée à l'époque, j'aurais volontiers signé cette motion, c'est une évidence. J'ai aussi apprécié ce qui a été dit à l'occasion de cette journée contre les mutilations génitales féminines - je ne répéterai pas ce qu'a relevé Mme Anne Mahrer. Seulement, il est important que nous ne baissions pas les bras. Un suivi est nécessaire, parce que de nouvelles migrantes arrivent chaque année; elles doivent être informées et conseillées, pour éviter la perpétuation de telles pratiques barbares. Si nous ne pouvons pas agir ailleurs, nous devons tout faire pour que ces dernières n'aient pas cours chez nous et nous devons, de toutes les manières possibles, conseiller les femmes pour qu'elles ne s'associent plus à la perpétuation de telles pratiques.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais simplement remercier le Conseil d'Etat de sa réponse, mais aussi remercier les motionnaires de leur motion, qui a su raison garder. Autant il est important de lutter contre les mutilations féminines, autant il l'est de ne pas verser dans l'extrémisme, comme a pu le faire un certain parti qui entend également condamner la circoncision, pratiquée pour des raisons religieuses. De ce point de vue-là, le Conseil d'Etat lui aussi a su éviter l'écueil.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Le MCG remercie le Conseil d'Etat pour ce qui a été entrepris ainsi que pour l'originalité de cette démarche. Mais nous voudrions quand même souligner l'aspect... (Remarque.) Pardon, y a-t-il quelque chose, Monsieur le président ?
Le président. Non, je vous en prie. (Commentaires.)
Mme Marie-Thérèse Engelberts. J'étais donc en train de dire qu'il faut néanmoins prendre en considération les aspects socioculturels, qu'il faut vraiment ne pas minimiser. Peut-être qu'on le voit moins ici à Genève et en Suisse romande, mais, dans certains pays, il s'agit de pratiques absolument souterraines et extrêmement difficile à repérer, à canaliser, et même à identifier lorsqu'on est sur le terrain. Ainsi, le fait de travailler aussi avec des médiatrices culturelles est une excellente idée.
Néanmoins, il y a aussi l'aspect financier. J'ai été très surprise par la modestie de la somme allouée à ce genre de projets, car il me semble qu'il faudra multiplier les acteurs. Les médiatrices culturelles devront avoir des formations encore plus longues, probablement avec des ramifications et des réseaux qui ne sont pas seulement d'ici mais surtout ailleurs.
Nous voulions souligner ces aspects-là, afin que, si des questions financières venaient à être mises à l'ordre du jour, nous en ayons bien conscience.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat RD 824.
Le président. Le rapport est de M. Jeanneret, qui n'est pas là... Il accourt ! Il va peut-être prendre la parole ? Non... Très bien ! La parole n'étant pas demandée, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 10538 est adopté en premier débat par 62 oui (unanimité des votants).
La loi 10538 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10538 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Ce rapport est aussi de M. Jeanneret, qui ne demande toujours pas la parole... (Remarque.) Si ! (Commentaires.)
M. Claude Jeanneret (MCG), rapporteur. Oui, juste deux mots - merci, Monsieur le président ! Je veux juste dire que c'est un projet intéressant, qui n'est pas très cher par rapport aux services qu'il va rendre. Il s'agit d'une consolidation financière. C'est un outil qui sera utile à tout le Conseil d'Etat, et puis c'est un projet dont le coût est net, car les utilisateurs sont déjà au courant de la manipulation. Il n'y a pas besoin de former des gens et il n'y a pas besoin d'engager des employés en plus, c'est donc un projet constructif, intéressant et utile à la gestion, pour le Conseil d'Etat et pour nous-mêmes.
Mis aux voix, le projet de loi 10553 est adopté en premier débat par 63 oui et 1 abstention.
La loi 10553 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10553 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, le projet de loi 10573 est adopté en premier débat par 66 oui (unanimité des votants).
La loi 10573 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10573 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui (unanimité des votants).
Le président. Le rapport est de M. Pistis, qui ne demande pas la parole.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission RD 683-A.
Le président. Le rapport est de M. Limpo, qui ne souhaite pas s'exprimer. Comme il n'y a pas de demande de parole, je vous soumets les conclusions contenues dans le rapport.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1702 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 68 oui et 1 abstention.
Suite du troisième débat
Le président. Nous reprenons le point 33 de notre ordre du jour. Je demande aux rapporteurs de majorité et de première et deuxième minorités de bien vouloir reprendre place autour de la table. Dans l'intervalle, je donne la parole à M. Weiss.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, dans le fond, nous reprenons quelque chose cinq ans plus tard et, malheureusement, la commission de l'enseignement ne s'était même pas rendu compte que nous étions déjà entrés en matière sur ce sujet. C'est dire le sérieux avec lequel elle a étudié ce projet de loi ! Elle l'a même voté !
Nous étudions ce soir un projet de loi dont on a dit à l'époque qu'il n'était pas sérieux. Il n'est pas sérieux parce qu'il mélange les compétences des uns et des autres: il parle du canton et des communes comme si l'Etat pouvait imposer sa volonté aux communes; il parle de l'Université et du pouvoir judiciaire, ignorant même ce qui se passe pour l'un ou pour l'autre. Ce projet est superflu, il est incomplet et il oublie les HES, s'il veut parler des universités. Il est incohérent, parce qu'il ne se rend pas compte que - il ne le sait probablement pas - bon nombre de thèses en faculté des sciences et de médecine sont écrites en anglais... Il oublie la dynamique des langues, avais-je écrit dans le rapport de majorité de l'époque, parce que jadis si le français empruntait à l'italien, après avoir emprunté au latin et au grec, eh bien, aujourd'hui il emprunte à l'anglais, et, demain, je ne sais à quelle autre langue...
Une voix. Au chinois !
M. Pierre Weiss. Ce qui est certain, c'est qu'il y a une dynamique des langues. Mais il y a ici une démarche protectionniste, probablement qui traduit un certain complexe d'infériorité que je ne peux que regretter.
Cela étant, certains pourraient imaginer un renvoi de ce projet de loi - parce que la commission a travaillé de façon superficielle - dans la même commission ou, pourquoi pas, dans celle des droits de l'Homme. Toutefois, ce renvoi serait superflu, parce que ce projet de loi est mauvais et qu'il serait simple de l'amender ici, si nous allons jusque-là dans nos débats. Avec mon collègue Saudan, nous avons d'ailleurs déposé une proposition d'amendement pour limiter les méfaits de ce projet de loi.
Au fond, ce projet de loi a une volonté de rétablir une orthoglossie, mais sans dire de quelle orthoglossie il s'agit, c'est-à-dire quelle est la langue correcte. Est-ce la langue de l'Académie ? Est-ce justement celle à laquelle Jean-Michel Gros et moi sommes tant attachés et qui définit la Chancelière comme étant un petit récipient, et non pas ce que le dictionnaire du français jurassien, éventuellement genevois, appelle la chancelière «épicène» ? Est-ce, au contraire, le «Larousse» ? Le «Littré» ? Le «Robert» ? Ou les «Robert» - le «Petit» ou le «Grand Robert»... (Rires.) Le «Petit Robert» et le «Grand Robert». Il y a donc là, évidemment, Mesdames et Messieurs les députés, une focalisation sur ce qui est le plus important, et cette orthoglossie n'est pas encore assurée.
Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés - et je vois que vous m'entendez bien, sans que j'aie besoin de traduire cela par des signes - il est aussi intéressant de lire les rapports de minorités. Je ne parle pas de l'excellent rapport de majorité, auquel j'adhère complètement. J'y adhère d'autant plus, Madame la députée Baud, que j'ai crainte ce soir que vous vous retrouviez, en fin de débat sur ce projet de loi, dans la situation qui avait été la mienne il y a cinq ans, à savoir celle d'être en situation minoritaire. Je veux parler des rapports de minorités, et notamment du deuxième rapport de minorité. Je crois qu'il est intéressant de se pencher sur les incantations identitaires qui en forment la trame et la substance. Dans ces incantations identitaires, on trouve en particulier une référence à Céline. La référence à Céline, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en termes d'identité, n'est pas innocente. Pourquoi Céline, et pas... au hasard... Camus ?
M. Manuel Tornare. Aragon !
M. Pierre Weiss. Ou Aragon ! Non: Céline ! Céline, l'auteur, par exemple, d'un pamphlet qui s'appelait «Les beaux draps». Dans ce pamphlet, que fait Céline ? Il s'exprime contre le métissage. A l'époque, ce n'était pas nécessairement au métissage des langues qu'il se référait ! Non, c'était au métissage qui poussait les femmes françaises - qu'il vomissait - à se rapprocher, par exemple, «des nègres», comme il les appelait, et d'autres «populaces» dont je ne rappellerai ni l'origine pseudo-ethnique ni la religion ! Non, il y a là évidemment, Monsieur le président, dans cette référence à Céline, quelque chose qui est d'une couleur que je n'aime pas beaucoup ! Qui est probablement brune - quand elle n'est pas noire - et qui, en tout cas, est très sombre, qui nous rappelle une histoire.
Alors évidemment, sous couvert d'attaques de l'Amérique et du dollar, on en oublie aussi que l'anglais, c'est Shakespeare, c'est Agatha Christie, c'est aussi Salman Rushdie ! C'est-à-dire que c'est une langue extrêmement riche, une langue, d'ailleurs, au passage, beaucoup plus riche en vocabulaire que le français, puisqu'elle est constituée de deux vocabulaires: l'un, qui est d'origine germanique, et l'autre, qui est d'origine française, normande. Donc, en on oublie tout cela, on en oublie tout cela pour parler de la capitulation des élites.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Weiss. Je vais conclure. Cette capitulation des élites aussi fait penser à celui qui, lorsque la guerre arrivait à son terme, est parti d'abord vers Sigmaringen, avec d'autres, et puis, ensuite, a fui vers le au Danemark pour éviter de faire face à ses responsabilités.
Le président. Il vous faut tout à fait conclure !
M. Pierre Weiss. Je crois que certains, quand ils choisissent des références, font un bien mauvais usage du français: ils feraient mieux de ne pas écrire, parce que, quand ils sont lus, ils sont condamnés !
M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, je suis un des deux députés radicaux qui n'a pas voté l'entrée en matière de ce projet de loi quand il est passé en commission de l'enseignement. C'était quand même une décision difficile, parce que je dois vous avouer une certaine compréhension pour les motivations des auteurs de ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle le parti radical a décidé d'accorder la liberté de vote aux députés de son groupe, car c'est un sujet très passionnel, et vous entendrez tout à l'heure mon collègue, M. Barrillier, défendre un point de vue opposé au mien.
C'est vrai que le rapport à la langue française est très passionnel, il y a une dimension identitaire que personne ne peut nier. Il y a aussi, comme l'a mentionné mon préopinant, un soupçon de nostalgie pour une période où le français était la langue diplomatique internationale. J'ai de la sympathie pour les arguments de M. Gilet...
Des voix. «Gillet» !
M. Patrick Saudan. De «M. Gillet», excusez-moi ! Mais je dois... (Commentaires. Rires.) Ok ! Please, settle down ! Mais je dois également me distancer très clairement des propos de M. Rappaz sur l'Amérique du dollar, sur les valets de l'hégémonie anglo-américaine, et j'aimerais, Monsieur le président, que vous rappeliez à M. Rappaz que ces mêmes valets ont envoyé à deux reprises, au XXe siècle, leurs «boys» défendre les démocraties européennes. Et c'est également l'une des raisons pour lesquelles la langue anglaise a un succès important en Europe.
Alors, pourquoi me suis-je opposé à ce projet de loi ? Premièrement, les articles 2, 3 et 4 sont beaucoup - beaucoup ! - trop rigides. Beaucoup trop rigides pour l'Université, mais ils le sont aussi beaucoup trop pour la première entreprise publique de ce canton: les Hôpitaux universitaires de Genève. Parce que, malheureusement, l'adage qui prévaut dans le monde médical, excusez-moi d'employer de l'anglais, c'est: «English or perish», pour la médecine !
Deuxièmement, si ce projet de loi était accepté, Genève vivrait dans un paradoxe un peu dérangeant, celui d'avoir adopté une loi quasi équivalente à la loi 101 du Québec, laquelle est une loi réactive envers l'intrusion de l'anglais, alors que Genève se vante d'être une ville internationale, ce qui implique une langue de truchement. Or cette langue est malheureusement l'anglais !
J'avais lu avec intérêt les propos du président du Grand Conseil, en 2006, qui, dans l'hémicycle, avait expliqué que, non, la Genève internationale serait heureuse de cette loi, car elle bénéficierait aux personnes non anglophones qui travaillent à Genève dans ce secteur. Mais force est de constater que dans toutes les réunions internationales l'anglais est ultraprédominant.
Troisièmement, je rejoins totalement la rapporteuse de majorité, qui, dans son rapport, mentionne que ce problème concerne bien plus la société civile que l'administration publique.
En conclusion, oui à la défense du français ! Oui aussi à l'inscription, dans la constitution, d'un statut de la langue française, c'est une bonne idée ! Mais non à une loi qui, au mieux, serait inefficace et, au pire, serait nuisible pour Genève.
Si nous voulons consacrer des moyens pour défendre le français, consacrons-les plutôt à consolider l'enseignement du français dans les pays africains francophones, parce que l'avenir du français se jouera là-bas. Et c'est le nombre de locuteurs francophones à la fin du XXIe siècle qui sera déterminant, plus que n'importe quelle autre disposition législative. C'est pourquoi, personnellement, je refuserai ce projet de loi.
M. Antoine Bertschy (UDC). Tout d'abord, je ne relèverai pas le complexe de supériorité que fait le président de la commission de l'enseignement supérieur vis-à-vis de la commission de l'enseignement tout court. Excusez ce qui s'est passé dans notre commission, mais même s'il y a peut-être eu un petit vice de procédure, je crois que nos débats ont quand même été intéressants et se sont déroulés comme il le fallait !
Pour en revenir à ce projet de loi, Monsieur le président, une audition, celle du chef du département, nous a semblé être la plus intéressante. Mais je crois que ce projet de loi oublie une chose, c'est que Genève est avant tout une ville internationale. Alors, on peut faire fi de tout, mais la Genève internationale, c'est 45 000 personnes dont 35 000 travailleurs. On peut les oublier, on peut faire comme si cela n'existait pas, mais, malheureusement, dans les communications que doivent faire l'Etat de Genève, les communes et les autres entités visées par ce projet de loi, il y a forcément des moments où il faut communiquer dans d'autres langues que le français.
Nous avons aussi été saisis d'un amendement qui propose de limiter l'article 2 de ce projet de loi. Je pense que cet amendement se trompe de cible. Le problème n'est pas dans l'article 2, mais à l'article 3. Je vous le lis: «Toutes les communications émanant des institutions à l'article 2 doivent utiliser des terminologies uniquement françaises». J'insiste sur ce «uniquement»: comment voulez-vous communiquer avec la Genève internationale, soit le dixième de la population genevoise si vous utilisez uniquement le français ? Ce n'est tout simplement pas possible ! On ne peut pas communiquer uniquement en français lorsqu'on est une ville internationale, reconnue comme telle.
Je voudrais aussi revenir sur ce qui a été dit par le second rapporteur de minorité. Là, à mon sens, il y a un vrai problème. D'ailleurs, je rappelle juste que cette personne se fait appeler «Sir Henry» sur la toile ! Ce n'est pas «Monseigneur Henry», c'est «Sir Henry» ! (Rires.) Il aurait pu utiliser le titre de comte, de prince ou d'autre chose. Non, il utilise «Sir Henry» et, après, il vient nous faire des leçons de morale ici, dans cette assemblée, pour nous dire qu'il faut utiliser des bonnes locutions françaises ! Monsieur le rapporteur, balayez devant votre porte, avant de venir nous donner des leçons de morale !
Tout votre rapport est à côté de la plaque ! Le projet de loi demande à ce que l'administration utilise le français. Or, tout votre rapport porte sur le secteur privé ! Evidemment, nous sommes désolés que la Poste utilise des anglicismes ! Nous regrettons que certaines entreprises utilisent des anglicismes, mais tout cela relève du domaine privé ! Là, le projet de loi parle du domaine public ! Et le conseiller d'Etat nous a expliqué que ce projet poserait problème, que ce soit au niveau de l'Université ou dans les relations avec certaines organisations. Ce n'est pas possible, et ce projet de loi va beaucoup trop loin.
C'est la raison pour laquelle l'UDC votera l'amendement, s'il est maintenu, pour limiter la portée du projet de loi, mais il refusera le projet de loi. (Applaudissements.)
M. Manuel Tornare (S). Mesdames et Messieurs les députés, la langue, les langues maternelles sont comme toutes les constructions humaines. Je suis d'accord avec vous, elles ont besoin de règles, de rigueur, pour pouvoir s'élever, pour pouvoir évoluer sur des fondations. Richelieu l'avait bien compris puisqu'il avait demandé à Vaugelas, le grammairien, d'établir les règles très strictes de la langue française. Il ne faut pas non plus oublier, je le dis pour le MCG, que Jean Calvin fut aussi un très grand écrivain qui fixa une partie de la langue française, comme Théodore de Bèze, qui était un homme de théâtre avant d'être théologien.
Toutefois, quand on devient les thuriféraires, les grands prêtres, les intégristes de la langue, de la langue de Molière, on devient comme Vadius et Trissotin dans «les Femmes savantes», c'est-à-dire des «précieux ridicules» ! Et l'on empêche la langue d'évoluer. Ce n'est pas ce que nous voulons.
Je pense que, comme toute construction humaine, encore une fois, une langue est vivante et ne doit pas être figée ! La langue doit s'infiltrer dans les interstices des générations... (Rires. Applaudissements. Commentaires.) Oui ! Oui, Monsieur Gros, je continue: les interstices des banlieues aussi ! Vous avez l'esprit mal tourné, Monsieur Gros, chacun le sait dans vos campagnes ! (Rires.) Vous vous souvenez, l'année passée, pour les promotions citoyennes, nous avions invité Grand Corps Malade; c'est un grand poète, qui utilise aussi un «métissage», cher Monsieur, pour reprendre les mots de Pierre Weiss et de Céline ! Le métissage des cultures, c'est aussi ce qui fait la richesse du français.
La langue doit être mutine, la langue doit aussi vivre d'emprunts - chaque semaine, vous assistez à des caucus: on croit toujours que «caucus» est un mot latin, or c'est un mot indien, d'Amérique du nord ! C'est véritablement cela que nous devons viser ! Et le jour où la langue n'est plus portée par des élans aussi vitaux, elle devient comme le latin ou le grec ancien, une langue morte ! Certes, à Ecône, on peut encore trouver une certaine vivacité à ces langues !
Quelqu'un a parlé de l'encouragement aux études. La seule manière de soutenir le français, la langue française, c'est de donner plus pour la culture, de donner davantage pour l'éducation, de faire en sorte que les énergies au niveau des productions artistiques, ici et ailleurs, soient développées.
Et la langue intègre aussi des régionalismes, depuis quelques années, depuis à peu près cinquante ans. Souvenez-vous qu'à Paris il fut un temps où l'on n'acceptait pas le champ lexical de Ramuz ou de Chessex... Eh bien, on a intégré ces régionalismes depuis très longtemps, et c'est aussi ce qui fait la force du français, comme au Québec et en Afrique noire. Non, une langue qui se replie sur soi, qui a peur de l'autre aussi, fait qu'on tombe dans l'académisme et dans une sorte de protectionnisme ! Le français n'en a rien à foutre - pour parler français - de la politisation que l'on a évoquée tout à l'heure ! Ça, c'est vraiment la mort du français ! Quand on parle de ce métissage, n'oublions pas que 30% des mots de la langue anglaise ont pour origine des mots français - vous le savez ! - et cela fait aussi la force du français.
Je terminerai par les arguments entendus tout à l'heure. Au Québec, c'est vrai qu'on a sauvé le français. J'ai examiné de près la loi du Québec, jamais les Québécois ne se sont immiscés dans la construction de la langue ! Jamais ! En revanche, ils ont imposé le français et l'anglais dans toutes les administrations, parce que le français commençait à disparaître, mais faire de l'ingérence dans la construction de la langue comme on entend le faire ici, non, ce n'est pas ce qu'il faut !
De plus, encourager le français, c'est très bien, comme on le fait en Afrique noire. Pierre Weiss parlait de Camus et de son pays, l'Algérie. En 1980 ou en 1982, le président Chadli Bendjedid a interdit le français. Depuis, on n'a jamais autant parlé le français en Algérie ! Résultat: parler, c'est transgresser. Vous voyez qu'on est toujours en plein paradoxe !
Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande donc de faire le «black-out» sur cette loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Barrillier, à qui il reste une minute quinze.
M. Gabriel Barrillier (R). Ce sera vraiment bref ! Monsieur le président, chers collègues, lorsque j'ai signé ce projet de loi, en 2006 ou en 2005 même, c'était ni par sentimentalisme, ni par passéisme, ni par intégrisme, ni par xénophobie. (Rires.)
Une voix. C'était par quoi, alors ? (Rires.)
M. Gabriel Barrillier. Et à l'époque, les députés qui ont signé ce projet de loi voulaient une simple chose, c'était qu'on respectât, en tout cas dans l'administration publique, une certaine forme de fidélité dans l'utilisation de la langue du pays. Le respect, c'est tout ! Encore une fois, il n'y avait pas de volonté de vouloir lutter contre le fait qu'une langue comme l'anglais soit une langue véhiculaire, à cause du commerce, à cause de l'évolution des rapports de force dans les relations internationales. On a eu des heures de débats... Quand j'ai signé ce projet de loi, je ne pensais pas qu'il y aurait une telle émotion. Vous êtes tous - y compris mon ami Weiss, qui a fait assaut de suffisance, de préciosité...
Des voix. Oh !
M. Gabriel Barrillier. Si, si, mon cher ami ! (Rires.) Mais cette préciosité marquait une passion dissimulée !
M. Pierre Weiss. Pourquoi ?
Le président. Monsieur Barrillier, il vous faut conclure, malheureusement ! (Exclamations.)
Des voix. Oh non !
Le président. Bon, on lui donne quinze secondes de plus. (Exclamations.)
M. Gabriel Barrillier. Quinze secondes ! Donc, je voterai les amendements proposés...
M. Pierre Weiss. Par qui ?
M. Gabriel Barrillier. Par le député Weiss...
M. Pierre Weiss. Ah !
M. Gabriel Barrillier. ...mais qui a déjà dit qu'il refuserait la loi, simplement parce qu'on doit respecter cette langue. Ce n'est pas compliqué ! Je vous remercie donc de m'avoir écouté et je voterai la loi amendée.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, un article paru dans la «Tribune de Genève» de cette semaine titrait: «Faut-il bannir de l'administration le franglais et autres américanismes ?» Avec cet article, il y avait une belle photo de Mme Catherine Baud, députée Verte qui estime que cette loi n'est pas la bonne solution.
Le MCG trouve que cette loi est un bon moyen pour limiter les dégâts dans l'usage de la langue française, notamment l'abus de termes franglais. Nous avons lu avec intérêt les trois excellents rapports, lesquels nous permettaient de nous remettre dans l'ambiance qui régnait lors de la législature précédente à la commission de l'enseignement.
En fait, cette loi propose dans son titre: «Promotion de la langue française au sein du service public genevois». On apprend par les rapports que ce projet de loi a été déposé en 2005 - il y a un moment - et qu'il avait déjà fait l'objet d'un débat houleux au Grand Conseil. D'ailleurs, en essayant de refaire l'histoire, j'ai vu que sur les vingt-deux déposants de ce projet de loi, il n'en reste que trois aujourd'hui; les autres ne se sont pas retirés, mais ils n'ont plus été réélus au Grand Conseil. Sur les trois, il y a en plus le président. Il ne pourra malheureusement pas voter... (Commentaires.) ...sur ce projet de loi, mais il en est l'un des signataires.
Ce projet de loi avait de quoi rendre les débats houleux. J'en veux pour preuve qu'il demandait à ce que la loi soit appliquée dans l'administration, mais pas seulement comme en attestent toutes les entités mentionnées dans l'article 2: l'administration publique cantonale, bien sûr, les administrations municipales, l'Association des communes genevoises, les fondations de droit public, l'Université, etc. Alors, cela a été critiqué, et je suis étonné par les radicaux et le parti libéral, bien qu'ils aient laissé la liberté de vote à leurs députés.
Deux députés annoncent une demande d'amendement à cet article 2, précisément. Même s'il est daté de la séance du 8 décembre, je pense bien que c'est lors de cette séance-là qu'ils présentent cet amendement, lequel propose simplement que soient soumises à cette loi l'administration publique cantonale et les commissions officielles cantonales. Au groupe MCG, personne ne s'opposera à l'amendement de cet article 2, et je crois que si les deux dépositaires de cet amendement - à savoir les députés Weiss, du parti libéral, et Saudan, du parti radical - l'ont rédigé, c'est pour qu'il passe ! On nous dit que c'est pour limiter les dégâts, mais je ne vois pas quels dégâts cela peut faire de demander qu'on utilise la langue française dans l'administration cantonale.
Une voix. Bravo !
M. Jean-François Girardet. Il n'y a pas de dégâts à craindre ! On demande simplement qu'on parle le français !
Un deuxième amendement, que le MCG propose, fait suite à la remarque du député UDC Bertschy. A l'article 3, il est demandé que toutes les communications émanant de l'administration cantonale utilisent les terminologies françaises uniquement... Non ! Je pense qu'on ne peut pas être aussi légaliste. Et l'on propose de laisser cela ouvert en biffant le mot «uniquement» de la phrase. C'est donc l'objet de notre amendement à l'article 3. Comme on est en troisième débat, je suppose que c'est le moment de le présenter: «Toutes les communications émanant des institutions mentionnées à l'article 2 doivent utiliser la terminologie française.»
Moyennant ces deux amendements, je ne vois pas ce qui peut encore passionner le débat ! Il s'agit simplement de rejoindre les cantons suisses romands qui ont tous inscrit - soit dans leur constitution, soit, comme le canton du Jura, dans une loi - que la langue officielle de l'administration était le français. C'est ce que nous demandons à Genève ! Et je pense que nous ne sommes pas présomptueux en demandant simplement que soit inscrit dans une loi que la langue française est la langue officielle pratiquée dans l'administration cantonale genevoise.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je redonne la parole aux rapporteurs, à ceux de deuxième puis de première minorité, d'abord. Soit à M. Rappaz, à qui il reste une minute vingt-cinq.
M. Henry Rappaz (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je suis ravi de savoir que mon pseudonyme a agacé M. Bertschy ! Et je pense aussi que ma petite musique de Céline a agacé une autre personne... Je dirai simplement que ce projet de loi perd toute sa valeur, parce qu'il provient du MCG ! (Exclamations.) Je pense que s'il était seulement d'une autre origine... (Brouhaha.) La preuve, c'est que les gens crient lorsque je parle !
Certaines personnes pensent que c'est très bien de mettre de l'anglais partout; moi je dis simplement que pour nos élèves, les apprenants, qui ne voient plus dans la rue un seul mot composé normalement, eh bien, ce n'est pas possible de bien parler le français lorsque tout est mélangé d'anglais, d'espagnol et d'autres langues ! J'ai terminé.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à M. Gillet, à qui il reste deux minutes.
M. François Gillet (PDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'insiste, et j'espère que vous l'aurez compris, dans mon rapport de minorité, il n'y a absolument aucune préoccupation identitaire. Je crois que, au contraire, l'idée est de mettre en évidence un certain ras-le-bol, je crois, d'une bonne partie de la population genevoise qui a de plus en plus l'impression que le français - notre langue, ici à Genève, depuis des siècles - est toujours davantage entrecoupé de formules anglaises en particulier, d'«anglais gadget» dira-t-on, qui a pour but de faire moderne, de faire dynamique.
Alors, que ces formules soient de plus en plus utilisées dans le domaine de la communication, du marketing ou de la publicité, ce n'est pas notre problème ! Nous, nous parlons bien de ce qui devrait être la règle dans les communications de l'administration cantonale. Et je relève avec plaisir qu'on nous propose de faire ce qui aurait dû être effectué en commission, à savoir limiter la portée de ce projet de loi à ce qui nous concerne directement, c'est-à-dire les communications de l'Etat, que ce soient celles des services de l'Etat ou celles des commissions qui dépendent de l'Etat. Il est vrai qu'à ce niveau il y a matière à faire des progrès. C'est vrai que lorsque l'on est convié à participer à un «meeting» concernant le «New Public Management», nous pourrions aussi bien convier les gens à participer à un séminaire sur la nouvelle gestion publique ! Ça irait tout aussi bien et ce serait tout aussi clair ! Je crois qu'il y a matière à prendre en compte ce ras-le-bol d'une bonne partie de la population. Il y a, je le pense, un rôle d'exemplarité de l'Etat qui doit pouvoir s'appliquer là aussi, comme il s'applique dans d'autres domaines. L'Etat doit montrer l'exemple d'une façon ou d'une autre. Même s'il n'est pas question d'astreindre l'Université, les communes ou le pouvoir judiciaire à ces restrictions, en ce qui concerne l'Etat, nous pensons qu'il doit remplir cette fonction exemplaire de défenseurs de notre langue.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.
M. François Gillet. Donc, je crois, Mesdames et Messieurs les députés, que nous devons marquer notre soutien à notre langue française. Les deux amendements qui sont proposés par MM. Weiss et Saudan, ainsi que par le MCG, peuvent être soutenus et le projet adopté en ces termes.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je passe la parole à Mme Baud, à qui il reste une minute trente.
Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de majorité. Ça ira tout juste ! J'aimerais encore recadrer ce projet de loi. Il ne s'agit pas, comme l'a fait remarquer M. Rappaz, de ne plus parler du tout l'anglais. Ce projet de loi vise les mots qui seraient introduits de manière maladroite dans un discours en français et uniquement dans le cadre de l'administration publique. Il n'est donc pas question des publicités et des affiches dans la rue.
Cela dit, il n'empêche que l'on peut constater ce soir que cette loi est mal faite, considérant les discussions et les amendements proposés, puisqu'on veut la limiter et la réduire à une simple motion adressée au Conseil d'Etat pour que celui-ci fasse en sorte qu'on parle un bon français dans les services de l'administration. Mais c'est déjà le cas, grâce à des règlements internes. Je ne vois vraiment pas l'utilité d'une loi qui est extrêmement générale, qui enfonce des portes ouvertes et qui ne propose même pas la création d'un observatoire de la langue française qui pourrait éventuellement contrôler quelque chose ! Là, on a une loi qui dit qu'à Genève on parle le français: d'accord, or mettons plutôt ça dans la constitution. Mais une loi ainsi faite, avec ces amendements, ne sert strictement à rien ! Donc, nous ne la voterons pas !
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Je donne la parole à M. Beer.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, si vous me le permettez, j'aimerais rappeler brièvement que le projet de loi provient de députés et que le Conseil d'Etat n'a pas jugé bon de légiférer sur cette question.
Personnellement, je me bornerai à relever qu'alors que le débat dure depuis pratiquement une heure aucun élément d'un texte publié par l'administration cantonale genevoise n'a été mentionné comme étant choquant ! Je trouve quand même extraordinaire qu'on se passionne pour l'invasion par la langue anglaise, alors que pas la moindre circulaire, recommandation ou communication, n'a été citée directement dans ce débat ! Alors, à défaut de remettre l'église au milieu du village, permettez-moi, dans une république laïque, de remettre le bistrot au milieu du village !
Mesdames et Messieurs les députés, quand je vois les circulaires de l'administration, je suis personnellement inquiet par rapport à d'autres types d'invasions: les abréviations et la technocratisation de la langue française. En toute modestie, j'aimerais vous dire que je ne pense pas que le département dont j'ai la charge s'illustre en échappant à ces reproches. Combien de fois a-t-on énuméré, à l'occasion de la publication d'un rapport du département de l'instruction publique, les trop longues listes d'abréviations qui le jalonnaient ? Combien de fois ai-je entendu reprocher à juste titre, notamment dans le débat sur la rénovation de l'enseignement primaire, l'utilisation de termes comme «l'outil scripteur» à la place du crayon ! Cela avait même défrayé la chronique jusque dans une émission de télévision célèbre du dimanche soir !
C'est dire que la qualité de la langue française est probablement le centre de nos préoccupations, et je pense même que le débat de tout à l'heure, sur les clients, les patients, les administrés et autres usagers et usagères, explique bien aussi les difficultés, pour une langue comme la langue française, de faire face à toutes sortes d'éléments que le monde contemporain charge en termes émotionnels, ce qui rejaillit forcément sur la langue et fait de la communication en langue française un véritable enjeu.
Si vous me le permettez, j'aimerais encore rectifier une chose par rapport à ce qu'a dit M. le député Girardet. Vous avez évoqué le Jura: vous avez raison, mais seulement en partie. Sachez que le Jura n'a pas légiféré. Le Jura consulte actuellement sur un projet de loi visant non pas la police de la langue, mais bien la promotion de la langue française par l'institution d'un Conseil de la langue. Il faut donc comparer ce qui est comparable, et le projet de loi ici évoqué n'est pas l'équivalent du projet de loi mis en consultation dans le canton du Jura. J'entendais juste être précis sur ce point.
Pour terminer, j'aimerais dire que, malheureusement, nous avons affaire parfois... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Langue française ou pas, il est quelquefois difficile de se comprendre si les conversations particulières l'emportent sur le débat général ! Permettez-moi simplement de vous dire que, en ce qui concerne le débat que nous avons quant à la place de la langue française, il faut mettre l'accent sur l'éducation - comme cela a été dit - sur la qualité de l'enseignement de la langue française, faire en sorte que celui-ci s'amplifie du point de vue des dotations horaires, et je vous remercie d'ores et déjà de soutenir les efforts du Conseil d'Etat en vue d'augmenter l'horaire à l'école primaire, qui ne visera pas seulement l'enseignement de la langue anglaise, mais bel et bien également l'enseignement de la langue française en priorité.
Dernier point: il arrive malheureusement que l'administration doive utiliser des termes anglais. Personnellement, je le déplore. Parfois, c'est le jeu normal de la stratégie. Lorsqu'on fait de la promotion économique pour présenter la région de Genève, on parle de «Geneva Lake Region», ce qui est logique, le but étant de faire connaître la région à l'extérieur. Toutefois, dans l'esprit de celles et ceux qui ont proposé la loi, je déplore par exemple que la Conférence universitaire suisse ait retenu pour la Déclaration de Bologne les termes de «bachelor» et «master», alors qu'on aurait très bien pu s'en tirer avec «baccalauréat» et «maîtrise» ! Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. En vertu de l'article 78A, alinéas 1 et 2, je donne la parole à M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Pour sauver ce projet de loi, je demande son renvoi à la commission législative, afin de le transformer en motion pour la constituante. C'est tout.
Le président. Seuls les rapporteurs peuvent s'exprimer, s'ils le souhaitent. Si ce n'est pas le cas, on va tout de suite passer au vote demandé par M. Stauffer.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9592 à la commission législative est rejeté par 65 non contre 23 oui et 6 abstentions.
Le président. Nous sommes saisis de trois amendements. Je vais d'abord vous soumettre l'amendement libéral à l'article 2.
M. Pierre Weiss. Libéral-radical !
Le président. Pardon: l'amendement libéral-radical ! Mais de nos jours, c'est la même chose - ou presque... (Rires.) En tout cas au niveau fédéral ! (Commentaires.)
Une voix. Pas du tout !
Le président. Je vous fais donc voter l'amendement radical-libéral qui est proposé à l'article 2. (Commentaires.) Mettez-vous d'accord ! Voici cet amendement: «Sont soumis à cette loi: l'administration publique cantonale, les commissions officielles cantonales.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 75 oui contre 13 non et 6 abstentions.
Mis aux voix, l'article 2 ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement du MCG à l'article 3, demandant que l'on supprime le mot «uniquement». Le voici: «Toutes les communications émanant de l'administration publique cantonale doivent utiliser des terminologies françaises.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 41 non contre 40 oui et 13 abstentions. (Rires à l'annonce du résultat.)
Mis aux voix, l'article 3 est adopté, de même que l'article 4.
Le président. A l'article 5, nous sommes saisis d'un troisième amendement, cette fois libéral exclusivement. Le voici: «Les textes rédigés initialement ou traduits spécifiquement dans une langue étrangère ne sont pas soumis à l'article 3.» (Commentaires.) Non, on ne s'exprime pas ! On est en troisième débat et les temps de parole sont épuisés. Désolé, il fallait intervenir avant ! (Commentaires.)
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 62 oui contre 15 non et 14 abstentions.
Mis aux voix, l'article 5 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 6 est adopté.
Le président. Je vous soumets ce projet de loi ainsi amendé. (Commentaires.) Le vote nominal est demandé: est-il soutenu ? Parfait, il l'est ! (Commentaires et exclamations durant la procédure de vote.)
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 9592 ainsi amendé est rejeté en troisième débat dans son ensemble par 63 non contre 21 oui et 9 abstentions.
Premier débat
M. Manuel Tornare (S), rapporteur de majorité ad interim. Nous sommes contre... Je remplace donc Mme Virginie Keller. Moins avantageusement, malheureusement ! Je vous rappelle quand même... (Commentaires. Exclamations. Applaudissements. Le président agite la cloche.) J'adore les antiphrases !
Plus sérieusement, vous savez qu'au printemps 2009 le peuple genevois a voté pour un cycle d'orientation en trois ans. Cela exclut donc la possibilité d'un cycle d'orientation effectué en deux ans avec, éventuellement, une orientation pour l'enseignement supérieur déjà en huitième année du cycle. Cela rend donc ce projet de loi inacceptable - et inapplicable, vu la décision du peuple. Nous pensons que ce projet de loi n'est ni utile ni nécessaire, et qu'il serait indécent, par rapport à la volonté populaire, de revenir sur une réorganisation de ce type.
En ce qui concerne un collège en trois ans, une étude a été publiée à Zurich il y a quelques années, l'étude EVAMAR, qui montre bien qu'effectuer une maturité en quatre ans, c'est aller vers une meilleure qualification et, aussi, un meilleur choix. On voit également que dans les cantons où la maturité s'obtient à 18 ans, c'est-à-dire une année plus tôt, les gymnasiens sortant de ces institutions-là manquent d'orientation et, souvent, ne savent pas ce qu'ils vont faire; ils sont un peu dans une période propédeutique. J'ai pu constater cela en tant qu'ancien président du Collège de Genève, lors de rapports avec les proviseurs, les directeurs de gymnases ou d'écoles de la Suisse entière, et il me semble que ce serait vraiment une erreur de proposer le collège en trois ans. Le système actuel devrait ainsi être conservé, et je crois que c'était aussi l'avis de la commission.
On critique fréquemment le système scolaire genevois, mais c'est aussi une tradition très genevoise que de faire la maturité à 19 ans, et je ne vois pas pourquoi on irait vers un raccourcissement de la durée des études. Cela, d'autant moins, nous en sommes convaincus, qu'à Genève certains élèves peuvent parfois passer leur maturité plus rapidement grâce à l'adaptation de l'ORRM - l'ordonnance sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale - ce que les enseignants dans cette enceinte pourront confirmer. Cela prouve qu'il peut y avoir une certaine souplesse dans le système.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je voulais relever. Je viens de retrouver l'évaluation de la réforme de la maturité suisse phase II, c'est-à-dire le rapport EVAMAR de 1995 qui avait été étudié par la commission, et, encore une fois, ce rapport prouve qu'une maturité obtenue à 19 ans est beaucoup plus adéquate pour le cursus de l'élève que si elle est obtenue à 18 ans. Je pense que ceux qui sont très fidèles à certaines traditions genevoises iront dans le sens du maintien de la maturité à 19 ans et condamneront donc amicalement ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je passe la parole au rapporteur de minorité, M. Aubert.
M. Claude Aubert (L), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Vous avez vu que j'ai fait attention de minutieusement appuyer sur le bouton, car je ne voulais pas répéter l'exploit d'hier soir, et je m'excuse auprès de vous tous de ce désagrément. J'ai probablement voulu, comme Lucky Luke, voter plus rapidement que mon ombre ! C'est parce que je suis très motivé par les votations que j'ai probablement fait ce qu'on appelle un faux départ !
«Motivation», c'est le mot clé pour l'introduction que je ferai maintenant. Au fond, lorsque nous parlons d'école, la plupart du temps, c'est pour s'en plaindre. On parle de l'école pour évoquer la situation très complexe, difficile et douloureuse des personnes, des enfants, des adolescents qui sont en situation d'échec scolaire. Toutefois, il ne faut quand même pas oublier qu'une grande proportion d'élèves effectuent toute leur scolarité sans difficulté, et l'on note aussi qu'il y a près de 25% de collégiens qui obtiennent leur maturité à 18 ans.
Je vous rappelle que dans 21 cantons suisses la maturité s'obtient à 18 ans. Par conséquent, nous, nous pensons que si 25% environ de collégiens - on peut discuter le chiffre - finissent à 18 ans, on pourrait obtenir un pourcentage supérieur en faisant de la promotion et en s'occupant des collégiens et élèves motivés. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé ce projet de loi et je ne peux que vous suggérer ici de voter pour, alors que nous sommes les seuls à le défendre. Nous proposons une maturité à 18 ans, mais je rappelle que, lors du débat sur le cycle d'orientation, les libéraux ont choisi de s'abstenir de mettre en avant ce projet de loi afin de pouvoir en discuter. Lorsqu'on a parlé des différentes initiatives sur le cycle d'orientation, nous avons fait la proposition d'une voie rapide, avec une année prégymnasiale à la fin du cycle d'orientation; le vote ne nous a pas été favorable, et nous revenons avec ce projet de loi maintenant, pour nous entendre dire - évidemment - que maintenant c'est trop tard ! Par conséquent, nous préconisons une maturité à 18 ans, car nous pensons qu'il faut privilégier aussi les élèves motivés, les élèves qui sont motivés pour travailler et qui sont motivés pour finir leur école un peu plus tôt. Je vous rappelle aussi qu'on constate que nous sommes dans une société où l'adolescence est prolongée «à perpète». Et si l'on propose le droit de vote à 16 ans, on peut aussi se demander si, à 18 ans, on ne pourrait pas aussi avoir fini sa scolarité et commencer autre chose.
Voilà, nous vous proposons de soutenir ce projet de loi, mais nous nous rangerons bien évidemment à la loi de la majorité.
M. Jean Romain (R). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il ne suffit pas de demander la maturité à 18 ans pour qu'on puisse l'avoir comme ça ! La maturité à 18 ans, comme toute maturité, est régie en Suisse par une ordonnance fédérale qui s'appelle l'ORRM, l'Ordonnance fédérale sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiales, et cette ordonnance fédérale impose une maturité en quatre ans.
Maintenant, il est vrai que, dans le canton de Vaud, ce que nous appelons ici le cycle d'orientation inclut des filières gymnasiales. C'est-à-dire que la première année de l'ORRM peut être effectuée en dernière année de scolarité obligatoire, et les trois années gymnasiales qui suivent font qu'on termine à 18 ans. Ce n'est pas le cas chez nous, nous ne sommes pas des «rupestres» ! Nous sommes encore des Genevois et, de ce point de vue-là, nous avons voté pour un cycle d'orientation qui ne prévoit pas qu'il y ait des filières prégymnasiales. Il y a donc une impossibilité, à moins de se mettre en désaccord soit avec ce que nous avons voté en mai de l'année passée, soit avec l'ORRM. Dans un cas comme dans l'autre, ça va être difficile !
Mesdames et Messieurs, le groupe radical a lu avec une attention toute particulière, j'allais dire «minutieuse», les deux rapports de la Confédération. Ces rapports émanent de deux instances: le premier s'appelle GEPIM et le deuxième, EVAMAR. Alors, il est vrai que le projet libéral jette un pavé dans l'EVAMAR !
M. Pierre Weiss. C'est bon !
M. Jean Romain. Je vous remercie, cher collègue ! Ces deux rapports disent quelque chose d'assez intéressant, c'est-à-dire que la formation gymnasiale doit avoir une durée de quatre ans au moins. C'est-à-dire qu'ils imaginent même que l'on puisse augmenter cette durée-là, et je ne vois pas au nom de quoi, nous, nous réduirions prétendument cette durée à trois ans, dès lors qu'on ne peut pas prendre appui sur la neuvième année du cycle d'orientation.
Troisième argument, vous savez que le Département fédéral de l'intérieur, anciennement celui de M. Couchepin, et la CDIP, la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique... Enfin, tous les Charles Beer de Suisse ! Bref, ces instances ont mis en place une commission dont le but était de modifier partiellement l'ORRM. Je ne résiste pas au plaisir de vous lire une seule phrase extraite de ce long rapport qui date de 2006, une recommandation qui dit ceci: «Sans vouloir préjuger de la discussion future - de notre discussion aujourd'hui, donc ! - il faut éviter tout ce qui peut entraver directement ou indirectement la poursuite de l'un des objectifs centraux du gymnase, à savoir l'aptitude aux études supérieures des détenteurs de maturité. Un tel affaiblissement apporterait des arguments aux milieux qui réclament avec toujours plus d'insistance la mise en place d'examens d'admission.» C'est-à-dire qu'au fond, si nous n'arrivons pas à former des gymnasiens suffisamment calés, aussi bien les universités que les EPF vont instaurer un examen d'admission. Donc, il faudra prévoir un examen de sortie du collègue et un examen d'entrée aux facultés !
Eh bien, chers collègues, le groupe radical ne veut pas, ni directement ni indirectement, entraver la poursuite des objectifs centraux de l'ORRM. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Girardet.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas ce que je pourrais ajouter sans faire doublon avec ce que vient d'argumenter mon préopinant.
M. Gabriel Barrillier. Rassieds-toi !
M. Jean-François Girardet. Alors, je pourrais faire comme me le propose le député Barrillier et me rasseoir, mais le député M. Romain n'a fait que répéter ce qui a été dit par le rapporteur de majorité, qui s'appuyait lui-même sur l'excellent rapport de Mme Virginie Keller et en a sorti exactement tous les arguments que je vais essayer de résumer dans mon intervention. (Rires.)
Tout d'abord, l'harmonisation de la durée des études, avec la proposition d'abaisser l'âge de la maturité à 18 ans, est une bonne idée en soi. Il fallait la défendre dès le moment où ce projet de loi a été déposé ! Celui-ci a été étudié en commission de l'enseignement, mais, bien sûr, comme vient de le dire le rapporteur de minorité, il a attendu, avant d'être présenté à la commission de l'enseignement, le vote sur le cycle d'orientation par lequel la population a adopté le contreprojet de la majorité de ce conseil contre l'initiative 134 qui était soutenue par le MCG, le seul parti à défendre cette initiative, je le rappelle.
Pourquoi cette initiative 134 ? Parce qu'elle proposait justement cette année prégymnasiale dans son organisation du cycle d'orientation ! Alors, le parti libéral se retrouvait en porte-à-faux, puisque cette initiative 134, défendue par le MCG et par les initiants, proposait cette année prégymnasiale, ce qui aurait justement permis un raccourcissement de la maturité à trois ans. La population en a donc décidé autrement. Le règlement du cycle d'orientation rendu public la semaine dernière tient compte de cette votation et nous n'allons pas le remettre en question.
D'ailleurs, la tendance générale va plutôt vers un prolongement des études gymnasiales au niveau suisse, puisque la CDIP le recommande maintenant assez autoritairement. Le rapport EVAMAR met du reste en évidence les meilleurs résultats obtenus par les étudiants ayant effectué leur maturité en quatre ans. Nous l'avons entendu aussi tout à l'heure.
Le gain d'une année pourrait toutefois être obtenu sans même changer la loi, puisqu'il existe actuellement des dispositions réglementaires qui autorisent un élève qui est brillant à sauter une année dans son cursus scolaire obligatoire. Je pense que c'est la voie que nous allons certainement suivre, d'une manière beaucoup plus soutenue, pour encourager à la fois les élèves brillants à sauter une année en degré, comme on dit, et puis en n'autorisant plus qu'un seul redoublement pour des élèves qui auraient un peu plus de peine. Cela permettrait à la fois de limiter les années d'études par la limitation de la possibilité de redoublement et, aussi, d'encourager les élèves brillants à passer la maturité à 18 ans.
Il est donc actuellement possible, je le rappelle au parti libéral, de faire sa maturité à 18 ans. Je crois avoir lu un rapport indiquant que 20% d'élèves parviennent à passer leur maturité à 18 ans; il y a également 20% d'élèves qui la passent à 20 ans parce qu'ils ont dû redoubler une année durant leur cursus scolaire.
Je rappelle encore qu'au mois de décembre le MCG était le seul parti à vouloir limiter et rendre compatible la formation pour les enseignants avec le concordat «HarmoS» et exiger uniquement l'obtention en trois ans d'un «bachelor» pour commencer à enseigner. Or, ce parlement a voté, suite à un combat que le parti libéral a voulu mener en faveur de l'augmentation d'une année de la durée de la formation pour les enseignants, uniquement pour les Genevois ! Cela, ça va à l'encontre d'une politique visant une arrivée sur le marché de l'emploi la plus rapide possible. On l'a vu avec la «matu» à 19 ans et, maintenant, avec les Accords de Bologne, vu qu'il faut plus de cinq ans pour obtenir un «master». On arrive donc à mettre sur le marché du travail des futurs travailleurs à l'âge de 24 ans au plus tôt. Là, je pense qu'on aurait pu faire mieux et mettre à disposition du département de l'instruction publique des enseignants moins âgés lors de leur entrée dans la vie professionnelle.
Pour toutes ces raisons, le MCG refusera l'entrée en matière de ce projet de loi et vous recommande d'en faire autant.
M. Antoine Bertschy (UDC). J'aimerais tout d'abord relever quelque chose qui figure dans le rapport de majorité de notre ex-collègue, Mme Keller, à qui je transmets toute ma sympathie. (Commentaires.)
Comme quoi, on peut faire dire n'importe quoi aux chiffres ! Lorsque nous voyons l'annexe 1 et la position de l'EPFL par rapport aux élèves qui viennent de différents cantons, nous voyons que 46% des étudiants en possession d'une maturité gymnasiale délivrée par un canton suisse réussissent l'année scolaire contre 44% qui échouent et 10% qui abandonnent. En dessous, pour nous prouver que le collège à Genève est meilleur, on nous dit que «Ciblées sur les élèves genevois, les statistiques établissent les données suivantes pour l'année 2005: 60% de réussite, 35% d'échecs, 5% d'abandon.» Mesdames et Messieurs les députés, ceci est bien la preuve qu'on peut faire dire n'importe quoi aux chiffres ! Parce que la plupart des étudiants qui vont à l'EPFL et qui viennent de Genève ne sortent pas de la maturité ! Ils sortent de l'Ecole d'ingénieurs ! Ils ont fait cinq ans, à quarante heures par semaines, à l'Ecole d'ingénieurs ! C'est donc normal, avec une formation scientifique déjà solide, qu'ils aient plus de réussites que les élèves qui viennent de Fribourg, du Collège Saint-Michel par exemple, à trois ans à quarante heures par semaine. Ces chiffres ne veulent rien dire, ce n'est pas parce qu'on fait plus d'années de collège qu'on est meilleur que les autres !
Un autre exemple mentionné dans le rapport de minorité de notre excellente collègue Janine Hagmann, à qui je présente aussi mes salutations, explique clairement que dans les autres cantons, lorsqu'on fait trois ans de collège, on fait aussi plus d'heures par année. Au final, nous en sommes à la même chose, nous en sommes à quelque chose d'équivalent. Seulement, ça va plus vite dans les autres cantons parce qu'on condense plus le travail.
J'aimerais encore relever quelque chose que je regrette et dont M. Girardet en a parlé précédemment: il ne faut pas voir la scolarité comme des étapes successives, il faut voir la scolarité dans son ensemble. Effectivement, l'UDC soutenait l'idée du parti libéral à l'époque où nous avons parlé du contreprojet sur le cycle d'orientation, pour faire une «directissima», ce que l'on a appelé une «directissima», c'est-à-dire le cycle d'orientation plus le collège en six ans au lieu de sept. On nous a dit de ne pas entrer dans ce débat, parce qu'on voulait faire passer ce contreprojet sur le cycle d'orientation et qu'on discuterait après cela du collège en trois ans. Or, que s'est-il passé ? Nous votons le contreprojet sur le cycle d'orientation, le peuple vote le contreprojet sur le cycle d'orientation, et, au moment où nous attaquons ce projet de loi déposé par le parti libéral, on nous dit: «Non, il faut faire le collège en quatre ans, c'est mieux !» Alors je regrette, mais on a l'impression de s'être fait un peu avoir !
Si nous avions su cela à l'époque, nous aurions dit non ! Nous nous serions battus pour que nous ayons une discussion sur cette «directissima» en six ans depuis le début du cycle d'orientation jusqu'à la maturité. Peut-être que le peuple aurait refusé, mais c'était comme ça, il avait le choix ! Là, nous nous sommes fait avoir ! Mon collègue M. Eric Ischi, à qui je transmets mes salutations, avait pris la parole à l'époque et avait dit: «Ce projet envisage des solutions intéressantes, mais reste trop succinct». Effectivement, peut-être que ce PL 9933 est trop succinct, peut-être aurait-il fallu plus de précision !
Néanmoins, vu que nous allons être battus à plate couture au moment du vote, le groupe UDC soutiendra ce projet de loi pour donner un signe: nous voulons que les élèves les plus brillants de notre République puissent aller de l'avant plus rapidement ! (Applaudissements.)
M. François Gillet (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, j'aimerais confirmer ce qu'a dit M. Aubert et ce que vient de dire M. Bertschy. C'est vrai que le groupe libéral a, avec beaucoup de bon sens, souhaité ne pas entraver le débat concernant le contreprojet sur le cycle d'orientation en différant le traitement de ce projet de loi sur la maturité en trois ans. Je crois qu'il était effectivement bon de ne pas biaiser nos débats et de ne pas mélanger les choses. Je crois aussi qu'il n'y avait pas de mauvaise volonté de qui que ce soit, Monsieur Bertschy, et que c'est en bonne intelligence que les choses ont été séparées.
Aujourd'hui, si l'on regarde ce que demande ce projet de loi, il est devenu incompatible avec la structure que nous avons adoptée au niveau du cycle d'orientation et qu'on est en train de mettre en oeuvre. Il serait inimaginable, avec ce qu'il est prévu d'appliquer, d'amputer la dernière année du cycle d'orientation, pour une partie des élèves, avec la filière accélérée que vous imaginez.
Ce projet de loi est également incompatible avec ce qui a été mis en place au niveau de l'harmonisation scolaire. M. Romain l'a rappelé, quatre années de filière gymnasiale sont imposées et il faut prendre acte de cette incompatibilité.
Cela dit, il y a aussi dans les intentions de ce projet de loi l'idée que des élèves particulièrement doués ou ayant de la facilité devraient pouvoir aller plus vite ou devraient pouvoir en faire davantage que les autres. Je crois que c'est plutôt dans le sens d'en faire davantage que les auditions nous ont éclairés. Il nous a été dit que, déjà aujourd'hui dans le cadre du Collège de Genève, il y a possibilité de faire une maturité bilingue, et je crois qu'il serait souhaitable de pouvoir développer ces filières de maturités bilingues qui permettent à des élèves ayant de la facilité d'acquérir un bagage supplémentaire qui pourra leur être utile pour leur avenir. Il serait également utile d'explorer des voies qui consisteraient à donner un peu plus dans certaines disciplines à des élèves qui ont la capacité d'en faire davantage.
Je crois que ce sont ces pistes qui doivent être explorées, et pour toutes les raisons que je viens d'évoquer le groupe démocrate-chrétien ne pourra pas soutenir ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il est inutile de se prononcer sur le passé, notamment sur les promesses qui auraient été faites. Comme vous le savez, en politique notamment, mais pas seulement, les promesses n'engagent que ceux qui y croient et pas ceux qui les font. Ne parlons plus de la réforme du cycle et de la position que l'on a pu avoir et des éventuelles fourberies commises par les uns ou les autres. Ce n'est pas le lieu, je crois.
Parlons plutôt de ce projet de loi, lequel visait simplement à prétendre, mais c'est évidemment une ambition démesurée, que les jeunes Genevois pourraient vivre dans une école qui serait, au fond, structurellement homologue pour parler précieusement, c'est-à-dire à peu près équivalente à celle qui existe dans 21 autres cantons suisses, dont le canton de Vaud - le seul que M. Jean Romain est allé examiné de plus près, je le regrette.
Toutefois, si l'on veut croire que l'école genevoise peut être une école que l'on retrouve dans 21 autres cantons, c'est que l'on croit aussi - que l'on sait - que l'école genevoise doit se réformer. Elle le doit notamment pour faire précisément ce qu'a dit notre collègue Bertschy, pour faire en sorte que la quantité d'heures passées en classe soit mise à niveau. Vous savez qu'à l'issue de la scolarité obligatoire il y a en gros une année environ de différence entre le canton de Genève et le canton de Fribourg ou le canton du Valais - un autre canton que mon collègue Jean Romain connaît fort bien. Et ce déficit, évidemment, doit être compensé par une année de plus de collège, puisque les connaissances qui n'ont pas été acquises à un moment devront l'être plus tard.
Au fond, à Genève, nous n'avons pas seulement la recherche du «slow food», c'est-à-dire de la nourriture bonne et à lente digestion, nous avons également la recherche du «slow school». Nous avons une école qui refuse le «fast track», enfin de toutes ces choses dont on a le droit de parler, puisque nous avons heureusement rejeté un «projet de loi scélérat», comme disait mon collègue Mouhanna du temps où il était député.
Cela étant, il est exact que le rapport rappelle plusieurs éléments qui sont pour certains vrais, pour d'autres, douteux, et pour d'autres enfin, complètement faux. Il rappelle effectivement qu'il est possible pour certains élèves de demander des dispenses, c'est-à-dire de se mettre dans un régime d'exception, et non pas dans un régime normalement proposé, pour faire en trois ans ce que d'autres font en quatre. Oui, heureusement que l'on reconnaît quand même cette possibilité de l'exception et que l'on a supprimé les brimades.
En revanche, il est douteux de dire que d'avoir quatre ans de collège fournit des élèves qui ont de meilleurs résultats quand ils font des études supérieures. Il est de ce point de vue là intéressant de se pencher en particulier sur ce qu'il en est des résultats des Genevois à l'EPFL.
Et puis, il est faux de dire que, suite à la votation sur la réorganisation du cycle d'orientation, on ne peut pas introduire ce collège qui commencerait dès la dernière année du cycle. Il est d'autant plus faux que l'on pourrait fort bien modifier le règlement qui est actuellement en consultation. Et puis, où l'on passe de l'erreur au raisonnement par sophisme, c'est-à-dire au raisonnement fallacieux sinon véritablement trompeur, c'est lorsque l'on dit que ça serait impossible, compte tenu de l'organisation de l'école et de l'ordonnance de maturité. Est-ce que cela signifierait que 21 cantons devraient abandonner leur système de scolarité en douze ans pour aller dans un système à treize années ? Dans 21 cantons existe la possibilité de faire une année du cycle comme année prégymnasiale, voire deux années dans certains cantons. Pour quelle raison ne peut-on pas le faire à Genève sans modifier la loi ? Mais, précisément, par un règlement, par la pratique !
Mesdames et Messieurs les députés, il y a un certain nombre de choses qui sont manifestement du ressort du conservatisme. Il est vrai que dans le milieu de la formation, le conservatisme est une valeur qui est prisée. Et la réforme n'est pas celle qui est la plus appréciée. Je comprends que certains veulent défendre leur pré carré; je comprends que les représentants du Collège, y compris ceux qui siègent dans ce Grand Conseil, veuillent conserver quatre ans et non pas passer à un système en trois ans; je comprends qu'ils refusent d'aller enseigner dans des cycles; je comprends fort bien que cela change les habitudes; je comprends que l'on essaie de trouver des références à l'histoire quand il conviendrait de se rappeler à quel âge on était bachelier de l'Académie du temps de Calvin... Ce n'était probablement pas à 24 ans !
Je crois simplement, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, que l'on a oublié une chose, que le monde a changé, qu'il y a maintenant la Déclaration de Bologne, que les étudiants ont fait en moyenne une année de plus lorsqu'ils sortent des hautes écoles, que ce soient les universités ou les HES. Et ceux qui refusent ce projet de loi veulent en réalité, d'une part, refuser une transformation de l'école genevoise et veulent, d'autre, part désavantager les jeunes Genevois lorsqu'ils iront ailleurs qu'à Genève, au-delà de la Versoix, à l'extérieur de ce canton qui n'est pas le village d'Astérix, affronter et faire face à ceux qui ont réussi à effectuer leurs études en les finissant une année plus tôt et en travaillant davantage pendant leurs années d'école.
Refuser ce projet de loi, c'est refuser la réforme, c'est refuser le sens de l'effort, c'est refuser la flexibilité ! Après tout, chacun prend ses responsabilités !
Mme Marie Salima Moyard (S). Merci, Monsieur le président. Ça n'arrivera pas souvent: je dois être d'accord sur un point avec mon préopinant, le député Weiss. Ne discutons pas tellement promesses et déceptions de deux groupes qui semblent réellement déçus de ne pas trouver une majorité favorable à leur projet de loi, mais parlons plutôt sur le fond ! Dire que l'éducation, domaine de l'instruction publique, souffre de conservatisme, comme M. Weiss vient de le relever, c'est réellement se moquer du monde quand on sait les énormes modifications qui se jouent aujourd'hui et ces prochains temps avec les réformes dans l'instruction publique, tant au niveau du primaire que du cycle d'orientation.
Oui, effectivement, Messieurs et Mesdames de l'UDC et du parti libéral, ce projet de loi n'est pas compatible avec le fonctionnement du cycle d'orientation, qui a été voté largement par le peuple ce printemps ! Il n'y a pas de filière d'élite prévue. Le parti socialiste s'en félicite, l'accent a été mis sur les élèves en difficulté et non sur une filière d'élite. C'est le premier point.
Deuxièmement, l'étude EVAMAR montre que raccourcir le parcours scolaire provoquerait une sélection accrue, réduirait l'égalité des chances, ce qui ne doit pas être le but de l'Etat. Enfin, cela rendrait la démocratisation des études encore plus difficile. Voilà un élément supplémentaire pour que le PS n'entre pas en matière sur un tel projet de loi. Ce qui pend au nez de certaines universités, c'est la baisse éventuelle du niveau de connaissances qui pourrait résulter de ce raccourcissement et qui amènerait à introduire un certain nombre d'examens d'entrée dans les écoles supérieures, ce que nous ne pouvons pas non plus accepter.
Enfin, un argument financier a été donné dans le projet de loi, comme quoi l'on gagnerait de l'argent avec une année de moins... C'est une fausse solution, car il y aurait davantage de redoublements, davantage de changements de filières, de sélections et de passages vers les filières professionnelles qui sont, on le sait, plus coûteuses que le collège.
En ce qui concerne le système actuel, il est satisfaisant sur plusieurs points. L'étude EVAMAR a prouvé que les collégiens formés en quatre ans l'étaient mieux que ceux qui l'étaient en trois ans, n'en déplaise au député Bertschy à propos des statistiques. Bien sûr, on peut faire dire aux chiffres ce que l'on veut, mais il est vrai qu'actuellement les étudiants genevois à l'EPFL ont de meilleurs résultats, qu'ils viennent de l'Ecole d'ingénieurs ou du Collège !
Ce projet de loi a fait l'unanimité contre lui lors des auditions tant des directeurs que des enseignants, et même des parents d'élèves. Enfin, et ce sera mon dernier point, le système est déjà relativement souple: il y a quand même un quart des collégiens qui passent actuellement leur maturité à 18 ans, ce qui n'est pas peu de chose; il y a aussi la possibilité de faire une maturité bilingue pour ceux qui ont particulièrement envie de tâter de la difficulté; un horaire renforcé est possible pour certaines branches, et il y a enfin des possibilités d'immersion. Le système est donc suffisamment souple aujourd'hui, et il n'est aucunement nécessaire d'entrer en matière sur le projet de loi qui vous est proposé ! C'est pour cela que le groupe socialiste vous invite à le refuser. (Applaudissements.)
Le président. Monsieur Romain, vous souhaitez encore intervenir ? (M. Jean Romain acquiesce.) Brièvement alors !
M. Jean Romain (R). Monsieur le président, je voudrais juste dire une chose. En définitive, il est vrai qu'il y a une majorité de cantons où la maturité est obtenue à 18 ans, mais ce n'est pas simplement dû à une volonté lumineuse et novatrice de la part de ces cantons, en face desquels nous serions les seuls conservateurs. Je crois que ce n'est pas le cas ! C'est-à-dire que ces cantons ont un cycle d'orientation qui permet facilement une adaptation de la dernière année. Nous ne l'avons pas voulu. Ce n'est pas totalement impossible, mais ça rend les choses difficiles.
D'autre part, je ne peux pas laisser imputer tous les raisonnements à des intérêts personnels ! Il y a des raisonnements qui dépassent l'intérêt personnel et, pour le combat en faveur de l'école, nombreux sont ceux qui ont justement mis entre parenthèse leur intérêt personnel, pour faire en sorte que Genève ne soit pas un canton conservateur, mais qu'il puisse enfin rivaliser avec les autres cantons, non pas tant par rapport à l'âge de sortie du collège, mais par rapport aux qualités des étudiants mis sur le marché universitaire et des EPF.
M. Claude Aubert (L), rapporteur de minorité ad interim. Monsieur le président, je ferai quatre remarques très brèves. Premièrement, lorsqu'on parle de bonbonnes d'eau le Grand Conseil se remplit et lorsqu'on parle de l'école le Grand Conseil se vide !
Deuxièmement, j'adore les affirmations gratuites: personne ici ne peut dire que faire la «matu» à 18 ans, c'est moins bien que ne pas la faire à 18 ans ! Personne ne peut le dire ! J'ai posé la question en commission et je vous donne un extrait d'un document de la direction générale de l'enseignement secondaire II postobligatoire, repris en page 23 du très bon rapport de minorité de Mme Hagmann: «Le Service de la recherche en éducation conduit à intervalles réguliers une enquête sur le devenir des élèves du PO - postobligatoire - deux ans après l'obtention de leur titre. Les analyses menées à ce jour ne permettent pas de répondre à la question spécifique du devenir des élèves ayant obtenu leur maturité à 18 ans.» Donc, si on veut uniquement faire des allégations, on peut faire des allégations, mais personne ne peut dire que c'est moins bien d'obtenir sa maturité à 18 ans !
Troisièmement, on parle beaucoup de l'étude EVAMAR, mais je vous rappelle que Genève a refusé d'y participer. Et, quatrième point, nous ne sommes pas déçus, pas du tout ! Nous sommes équanimes.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Le débat qui s'est ouvert au sujet de l'obtention de la maturité à 18 ans englobe plusieurs intérêts et la réponse que vous vous apprêtez à donner - du moins je le souhaite - me rassure personnellement.
Cela dit, j'aimerais d'abord commencer cette intervention en notant que mon premier soulagement provient du fait que, comme l'a dit Mme la députée Moyard, nous sommes aujourd'hui confrontés à de très importants changements dans le système scolaire genevois, romand et suisse. J'aimerais notamment évoquer la nécessaire modification de l'horaire scolaire dont j'ai fait, avec l'ensemble du Conseil d'Etat, un cheval de bataille. Il y a le cycle d'orientation à mettre en place avec ses sections, le regroupement en septième année, et puis, surtout, nous avons à mettre sur pied l'école obligatoire dès quatre ans. Cela implique de revoir beaucoup de choses dans l'organisation scolaire, les standards de formation et le plan d'études romand qui intègre l'ensemble des acquis à obtenir par chaque élève durant la scolarité obligatoire pour atteindre une unité de la Suisse romande que le processus d'harmonisation réclame.
Alors, pour Genève, ce n'est pas la moindre des transitions, sachant également que nous avons aujourd'hui à atteindre un objectif fondamental. Il s'agit de parvenir à qualifier pour une génération une tranche d'âge d'élèves jusqu'au niveau d'une attestation de formation professionnelle en deux ans. Cela veut dire que tout le monde - 95% des élèves - devra quitter le système scolaire en ayant acquis un titre fédéral reconnu, acquis, comme dans l'ensemble des cantons suisses. Aujourd'hui, Genève est le canton probablement le mieux placé pour atteindre cet objectif, mais nous sommes loin du compte. Une des particularités genevoises n'est pas seulement d'avoir un collège qui prévoit une maturité en quatre ans, mais Genève a aussi un des plus hauts taux d'obtention de la maturité de Suisse, ce qui nous aidera à atteindre l'objectif des 95%. Un certain nombre d'élèves n'y parvenant pas vont évidemment à l'Ecole de culture générale ou à l'Ecole de commerce. D'autres font le choix de l'apprentissage, dans le sens de la réussite et de l'exigence, car les grilles horaires y sont largement aussi exigeantes qu'au niveau d'une maturité gymnasiale.
Finalement, il faut trouver une place pour tout le monde ! Trouver une place pour tout le monde, cela revient à dire qu'il ne faut pas diminuer le nombre de maturités dans notre canton. Mais il ne faut pas pour autant dévaluer la maturité, il faut faire très attention au niveau. C'est pour cela que toute la réforme que nous entreprenons dans l'enseignement obligatoire tient compte du niveau d'exigence dans l'enseignement postobligatoire.
Mesdames et Messieurs les députés, pour évoquer rapidement la question du cycle d'orientation, je n'ai pas envie de dire que le projet est juridiquement possible ou impossible - et je donne raison à M. le député Weiss sur ce point - à ce stade, il s'agit d'une question de volonté politique. Je dis que c'est une question de volonté politique, parce que l'accord que nous avons, à l'époque, discuté et évoqué lorsqu'il s'agissait d'élaborer le contreprojet revenait à dire que nous n'allions pas introduire à ce moment-là l'obtention de la maturité à 18 ans. Levons une ambiguïté: on ne fait jamais une maturité en trois ans ! On fait éventuellement son collège en trois ans, mais la fameuse ordonnance ORRM prévoit quatre ans. Ce qui veut dire que la dernière année au moins du cycle d'orientation devient à ce moment-là la première année du système prégymnasial.
Mesdames et Messieurs les députés, la question de la volonté politique est simple. Au moment où l'on change les programmes et le plan d'études romand, au moment où l'on réintroduit les sections, au moment où il s'agit de préparer les transitions vers l'enseignement postobligatoire, un tel projet arrivant maintenant est pour le moins un élément qui va perturber le système plutôt que de lui permettre d'avoir un ordre supplémentaire. J'aimerais en effet dire que nous devrons finalement parvenir à proposer une formation solide pour chaque élève, et il n'y a à ce stade aucun enjeu d'obtenir la maturité à 18 ans plutôt qu'à 19.
Dernier point, l'étude EVAMAR. Je pense qu'on n'a pas le droit de dire, même si l'on peut contester une étude, qu'elle ne revêt pas un caractère sérieux et qu'il ne faut pas la prendre en considération. Que dit cette étude ? Elle relève un point essentiel, c'est qu'un collège - je dis bien: «un collège» - effectué en quatre ans apporte une formation plus solide qu'un parcours effectué en trois ans. Il faut lire ledit rapport ! Et il émane de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, mandatée par la Conférence des directeurs de l'instruction publique ! Ce n'est pas réellement un rapport qui vise à la plaisanterie. Et l'enjeu qu'il y a derrière, Mesdames et Messieurs les députés, est essentiel, et je terminerai sur ce point. Aujourd'hui, nombre de grandes écoles, pas seulement les écoles polytechniques mais également ici et là, dans certaines universités, tendent à remettre en cause l'accessibilité directe aux études supérieures avec le titre de maturité. Eh bien, j'aimerais dire que si nous devions effectivement entrer en matière vers un abaissement de l'âge d'obtention de la maturité, cela ne ferait que nous éloigner des exigences voulues pour l'entrée dans les hautes écoles de notre pays.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à ne pas entrer en matière. J'aimerais aussi relever que, très probablement, cette question sera à nouveau posée. Elle le sera, parce qu'il y a aussi une question d'opportunité et parce qu'on ne mène pas tous les débats en même temps. J'ajouterai que je suis conscient de ce que pour un certain nombre d'élèves il est possible de concevoir une maturité en trois ans. Une maturité réalisée en trois ans dans un collège, cela veut dire que nous devons - et nous y pensons - prévoir une voie plus rapide pour un certain nombre de collégiennes et collégiens, car il n'y effectivement pas de raison non plus de les ralentir.
Alors, j'aimerais simplement dire que si je propose de ne pas entrer en matière sur le projet de loi, des accommodements peuvent être envisagés, parce que le souci évoqué ne peut pas simplement être balayé du revers de la main.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 9933 est rejeté en premier débat par 63 non contre 26 oui et 1 abstention.
Premier débat
M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité ad interim. Pour la deuxième fois, je vais remplacer Mme Hagmann, bien qu'elle soit par définition irremplaçable. Donc, je vais faire mon «petit possible», juste pour vous rappeler l'essentiel, parce que le rapporteur de minorité pourra certainement aller plus dans le détail.
Il s'agit donc d'un projet de loi instituant un Fonds d'investissement et de soutien aux institutions culturelles. Ce projet de loi a été déposé en février 2008, mais depuis lors beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. A commencer par le fait que notre commission de l'enseignement et de l'éducation est devenue, grâce à Mme Hagmann, la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture. On apprend maintenant que le département de l'instruction publique devient le département de l'instruction publique, de la culture et du sport. Tout bouge autour de la culture, qui cherche ses ancrages, et c'est pourquoi nous devons ajouter au canton et à la Ville, les communes prises individuellement, les communes prises collectivement sous la forme du Fonds d'équipement communal, et je vous rappelle que nous avons voté un projet de loi entré en force le 1er janvier 2010 concernant le Fonds d'équipement communal.
Lorsque nous avons discuté de ce projet de loi, même le président Beer lui-même avait proposé qu'on le gèle, étant donné que tout bougeait autour de la culture. Ce gel n'a pas été accepté par la commission, sauf, bien sûr, par les socialistes et les Verts. Ensuite, notre commission a décidé dans sa majorité de ne pas entrer en matière, et nous vous proposons ici de ne pas entrer en matière sur un projet qui est trop en décalage avec tout ce qui a changé. Pour être conséquent, il faudrait totalement le refaire.
M. Manuel Tornare (S), rapporteur de minorité ad interim. Chers collègues, je suis d'accord avec M. le député Aubert. Depuis février 2008, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et, heureusement, un certain nombre de décisions et de projets nouveaux dans le domaine de la politique culturelle indiquent une évolution de ce dossier.
Ce projet de loi, qui avait été proposé à l'époque par les socialistes, faisait, il est vrai, le constat d'un certain malaise et de l'échec d'une certaine politique culturelle intercommunale dans les relations entre les communes et l'Etat, une politique qui souvent avait été suivie de beaucoup d'échecs.
Nous pouvons nous souvenir de ce qui s'était passé dans les années 1990, lorsque Martine Brunschwig Graf, à l'époque chargée de l'instruction publique, Alain Vaissade, chargé de la culture en Ville de Genève, et d'autres maires et conseillers administratifs du canton avaient essayé de lancer la fameuse Conférence culturelle. On ne peut pas en chercher les responsables, mais ce fut, hélas, un semi-échec. Je m'en souviens, et il est vrai qu'une certaine déception en avait résulté, tant chez les élus de la Ville, des communes et du canton, qu'au niveau des acteurs culturels et des artistes de ce canton.
Par la suite, vous vous en souvenez, a été organisé un forum culturel avec les communes et le canton. On avait en quelque sorte essayé de «remettre la compresse» d'une autre manière - si je vulgarise un peu. Ce forum avait donné lieu à la création d'un Rassemblement des artistes et des acteurs culturels, le RAAC, qui se réunit très souvent. L'an passé, je crois qu'il s'est réuni au mois de mai au Théâtre Am Stram Gram et ce fut une journée d'étude extrêmement intéressante. C'est à ce moment-là qu'on avait entendu le président Beer nous parler de son intention et celle du Conseil d'Etat de proposer la création d'une commission externe chargée de rédiger un avant-projet de loi pour les arts et la culture, la CELAC, aussi dite la commission Mayou.
Cette commission est en fonction depuis quelques mois et elle travaille, je crois, extrêmement efficacement, d'après les échos de la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture. Le président du département en dira plus que moi, mais d'ici au 30 avril cette commission devra nous proposer un projet de loi, lequel fera certainement des propositions dans le sens d'une meilleure défense de la culture dans ce canton, mais aussi dans le sens d'un transfert de charges.
J'ajouterai qu'il y a des signes au niveau national aussi, depuis février 2008, au niveau de la Confédération, puisqu'on peut citer la loi fédérale sur l'encouragement de la culture, qui vient d'être adoptée et va aussi dans le sens souhaité par les acteurs et les artistes, non seulement de ce canton mais de tout le pays.
Le groupe socialiste vous demande de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture: on pourra peut-être le greffer à l'étude du projet dit «de la commission CELAC», pour voir si le projet de loi qu'on va nous proposer épuise ou pas le texte qui est sous vos yeux.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission. Monsieur Aubert, souhaitez-vous vous exprimer à ce propos ?
M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité ad interim. Nous ne pensons pas qu'un renvoi en commission soit utile, étant donné que de toute façon, s'il fallait refaire un projet, il le faudrait complètement. En ce sens, il vaut mieux s'arrêter, quitte à recommencer avec quelque chose d'autre.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10205 à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture est rejeté par 48 non contre 23 oui.
M. Antoine Bertschy (UDC). Le rapporteur de minorité vous a parlé de cette fameuse Conférence culturelle. Je vous rappelle qu'elle avait, à l'époque, été soumise à plusieurs communes. Certaines d'entre elles avaient dit oui; d'autres, non. Je siégeais alors dans la commune de Vernier, qui avait dit non pour une simple et bonne raison: la Ville de Genève demandait que les communes donnent de l'argent pour cette Conférence, tout en gardant un droit de veto avec le canton. Le canton et la Ville devaient avoir un droit de veto.
Ce projet de loi, arrivé par le biais du parti socialiste, renvoie aux statuts du Fonds d'investissement et de soutien aux institutions culturelles, statuts dans lesquels je lis à l'article 11: «Le conseil ne peut délibérer valablement que si la majorité de ses membres, dont les représentants du canton et de la Ville de Genève, sont présents.» Cela maintient un droit de veto pour la Ville de Genève et pour le canton.
Le groupe UDC était opposé à l'entrée de la Suisse dans l'ONU à cause du droit de veto dont disposent certains pays dans le Conseil de sécurité; au niveau des communes et du canton, le groupe UDC reste sur la même ligne: nous sommes opposés au droit de veto et nous refuserons donc ce projet de loi !
Des voix. Bravo !
M. Pierre Losio (Ve). Décidément, le préopinant UDC a de ces raccourcis, entre la commune de Vernier et l'ONU, qui nous font voyager à une vitesse sidérale ! (Rires.)
Mesdames et Messieurs les députés, il est assez rare que nous ayons des débats sur la culture dans ce Conseil. Ils sont peu suivis et peu d'objets arrivent devant ce plénum. Une fois n'est pas coutume, il y en a un ce soir, mais nous estimons qu'il est prématuré. Je m'en expliquerai plus tard. (Commentaires.)
Là, je reprends une indication qu'avait donnée Mme Virginie Keller, lorsqu'elle a présenté son projet de loi à la commission: «Le projet de loi 10205 se veut une réponse à une partie du problème de transfert de charges.» Eh bien nous, les Verts, nous ne voulons pas de réponse partielle ! Nous souhaitons un projet global pour la culture, un projet cantonal, et qui ira peut-être prochainement au-delà des frontières cantonales de l'agglomération.
Nous ne souhaitons plus devoir assister à ces chicanes entre la Ville et l'Etat, à ces controverses et à ces bras-de-fer, parfois. Le canton et Etat de Genève doit, à notre sens, agir sans arrogance, mais sans complaisance non plus, fort des prérogatives que lui donne la Constitution fédérale.
Il convient donc de reprendre la rédaction du projet de loi sur la culture, de façon qu'il puisse servir de référence à toutes les collectivités publiques de notre canton et afin que, tous ensemble, en termes de «partenariat public-public», nous arrivions à trouver une solution. Le Conseil d'Etat, par l'entremise du chef du département, M. Beer, en a pris l'initiative, puisqu'il a créé cette commission dans laquelle sont représentées non seulement toutes les collectivités publiques, mais également, et c'est très important, ceux qui ont fait rebondir le débat culturel ces derniers temps, c'est-à-dire les acteurs culturels et les artistes qui font partie de cette commission.
Cette commission est chargée de rendre au tout début du printemps un avant-projet qui servirait de cadre. On peut donc se féliciter que l'Etat ait pris un rôle moteur dans cette affaire, mais prendre un rôle, s'attribuer un rôle, ce n'est pas forcément pouvoir le jouer. Si l'Etat veut pouvoir jouer ce rôle, il conviendra ultérieurement que des moyens suffisants et conséquents soient dégagés pour que ce Grand Conseil, le canton de Genève et le Conseil d'Etat prennent en considération de manière soutenue la culture.
Je disais que ce débat est prématuré. En effet, cette disposition partielle d'un fonds qui était en fait une réponse momentanée en 2008, au début d'une guéguerre entre la ville et l'Etat, pourrait constituer une des parties du nouveau dispositif qui est en train d'être travaillé. Mais pas forcément !
Donc, nous, en toute humilité, nous attendons les premiers signes du rapport de cette commission pour pouvoir nous déterminer de manière globale, et non pas de manière sectorielle. Il aurait mieux valu que la commission gelât ce projet de loi: le travail aurait déjà été fait et nous aurions pu le reprendre quand le projet de loi définitif sortira, je ne sais pas dans quel délai. Constatant que le renvoi à une commission a été refusé, notre groupe ne souhaite pas donner un signe négatif au monde culturel, mais il ne souhaite pas non plus court-circuiter le travail de cette commission. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les démocrates-chrétiens sont convaincus que la culture est importante pour Genève et nous sommes convaincus également qu'il faudra repenser le financement de la culture, probablement avec une participation plus importante de l'Etat, notamment dans le cadre des grandes institutions culturelles de ce canton. Il est vrai que ce projet de loi est dans le champ du financement de la culture. M. Losio le rappelait, M. Tornare également, un gros travail a été fait par les artistes et acteurs culturels dans le cadre du récent forum auquel j'ai pu participer avec beaucoup d'intérêt. Notamment, de nombreuses pistes ont été évoquées dans le domaine du financement de la culture, d'autres pistes que celle d'un fonds, et qui méritent d'être explorées.
Je crois donc qu'il est prématuré de voter sur ce cadre qui pour ainsi dire concentre le financement sur un fonds. Il est nécessaire, comme cela a été dit, d'attendre les conclusions de la commission d'experts, laquelle se penche sur un certain nombre d'aspects, notamment celui du financement de la culture.
Je rappellerai aussi que nous avons voté, il y a peu de temps, un nouveau dispositif de péréquation intercommunale et que, dans ce cadre-là, a été instauré un nouveau fonds intercommunal, le FIC, qui a dans ses nouvelles prérogatives également la possibilité de financer des projets culturels. Il s'agit aussi de voir comment ce nouveau fonds va se mettre en oeuvre, quelles pourront être les projets soutenus dans ce cadre. Je crois donc qu'il est important de ne pas mettre la charrue avant les boeufs, que ce soit dans l'attente des résultats des études menées par la commission ou dans l'attente de la mise en oeuvre de ce nouveau fonds. Pour toutes ces raisons, tout en étant convaincu qu'il faut repenser le financement de la culture à Genève, le groupe démocrate-chrétien vous invite à rejeter ce projet de loi.
M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le MCG est aussi intimement convaincu que la culture est fondamentale dans toute société, et tout particulièrement dans une ville comme Genève. Néanmoins, il vous proposera de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
La tiédeur du rapporteur de minorité quant à la présentation de sa position atteste effectivement, pour reprendre ses mots, que de l'eau a coulé sous les ponts. Depuis, c'est un tango que vous nous dansez-là, Monsieur Tornare: un pas en avant, deux pas en arrière ! En fait, je pense que vous êtes aussi intimement convaincu que ce projet de loi est aujourd'hui dépassé - ou prématuré, selon comment on se place. Et c'est également notre avis. Il y a eu le Fonds intercommunal, il y a les travaux de l'Assemblée constituante et, le 3 avril 2009, la Loi B 608 a été votée pour renforcer la péréquation financière intercommunale, dotant le Fonds intercommunal de 23 millions de francs annuels. Il y a donc des travaux qui sont en cours, il y a ce rapport de la commission qui doit être rendu pour le mois d'avril prochain.
Nous sommes donc sur la bonne voie, et créer un «machin» - pour reprendre la formule de Charles de Gaulle - qui devrait gérer la culture dans notre canton ne nous semble pas la bonne solution.
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 10205 a eu le mérite d'affirmer que la culture n'est pas un luxe et il a le mérite de poser, dans un contexte très incertain, les bases d'une vision portée par l'Etat.
Ce projet de loi renforce une approche amorcée avec le Fonds intercommunal qui, plutôt que de cliver les niveaux de responsabilité entre communes et Etat, tient compte de l'histoire culturelle de notre canton et de la modestie de son territoire. C'est un projet encore balbutiant qui a, cela dit en passant, l'âge d'une motion d'il y a près de vingt ans, déposée par un député libéral, comme le rappelait le député Manuel Tornare.
Ce projet de loi pose aussi la question de l'organisation de la gestion de la culture par la création d'une fondation, sur un modèle analogue au modèle fédéral avec Pro Helvetia.
Bien sûr - et heureusement - comme il est dit dans le rapport, de nombreux événements ont eu lieu depuis le dépôt de ce projet de loi. Et nous rendrons hommage au Rassemblement des artistes et acteurs culturels pour avoir précisément rassemblé aussi les collectivités publiques, dans une démarche large et intelligente, tout comme il faut saluer la décision du conseiller d'Etat Charles Beer d'avoir donné écho à l'ensemble de ces données nouvelles en créant une commission extraparlementaire. Celle-ci présentera le fruit de ses réflexions au mois d'avril.
Oui, ce projet de loi est aujourd'hui comme une pièce d'un puzzle dont l'image entière reste à définir. Peut-être la pièce ne conviendra-t-elle pas ? Cependant, ce projet, le travail de la commission et le rapport qui en témoigne contiennent de nombreux éléments qui devront nécessairement être abordés dans la suite des travaux.
Les socialistes ne peuvent ainsi que regretter que nous n'ayons pas donné ce soir un signal positif à l'ensemble des acteurs culturels et à nos concitoyens. Et nous aimerions affirmer que si le projet ne peut être traité tel quel, il pose néanmoins les bases d'une réflexion voulue par le Grand Conseil.
Nous veillerons ainsi, une fois que les travaux de la commission extraparlementaire seront achevés, à ce qu'en effet un projet global voie le jour, comme l'a dit le député Losio.
Mesdames et Messieurs, dans cette dynamique, les socialistes voteront ce soir ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, le groupe libéral soutiendra le rapport de majorité déposé par Mme Hagmann et défendu avec brio par M. Aubert. Le rapport de minorité a été défendu avec le même brio, d'ailleurs, parce qu'il en fallait pour défendre un rapport de minorité d'une page ! Et M. Tornare, de ce point de vue-là, a fait un excellent travail, je dirai même un travail d'exégèse approfondi, ce dont il convient de lui savoir gré.
Le refus de l'entrée en matière s'impose parce que ce projet de loi est obsolète ! Il est obsolète, compte tenu de ce qui a été rappelé, y compris par M. Tornare. Surtout, ce projet de loi ne s'attaque pas à l'essentiel. L'essentiel, qu'est-ce que c'est ? C'est la répartition des compétences entre les différents échelons du pouvoir: du canton et des communes, voire des agglomérations de communes et, probablement, jusqu'aux relations avec le canton de Vaud et la région. De ce point de vue-là, avec M. Losio, avec M. Gillet, avec Mme Emery-Torracinta, nous avons été un certain nombre à avoir des contacts approfondis avec le RAAC. Des contacts qui ont, je crois, été utiles pour la suite des opérations et pour cette réflexion de fond sur ce que devra être la réorganisation des subventions culturelles dans notre canton.
Il est en effet absurde que telle municipalité, aussi grande soit-elle et dont notre député-maire a la responsabilité, s'occupe d'institutions à réputation suprarégionale, je pense en particulier au Grand Théâtre, mais on peut penser aussi à la Comédie ou aux Musées d'art et d'histoire, alors que le canton ne s'occupe que des jeunes pousses culturelles à travers l'action du département de l'instruction publique, de la culture et du sport. Il doit probablement y avoir là un coup de sac à opérer !
Mesdames et Messieurs les députés, nous devons nous préparer à assumer un certain nombre de responsabilités, y compris financières; de même que les communes doivent s'apprêter à moins dépenser dans le domaine culturel, pour qu'il y ait compensation, afin que le contribuable ne soit pas le dindon de la farce - et je ne suis pas chez Feydeau, chers collègues ! Les grandes institutions au canton, celles qui sont d'importance moyenne au rassemblement de communes, et puis celles qui sont à vocation plus régionale voire locale, eh bien, aux communes elles-mêmes ! Et il ne faut pas exclure qu'avec leur générosité coutumière nos voisins français ou vaudois participent aux efforts que nous mènerons pour les grandes institutions.
Mesdames et Messieurs les députés, voilà les raisons pour lesquelles il convient de ne pas s'attarder davantage sur ce projet de loi qui a intéressé la commission, mais sur lequel elle a refusé d'entrer en matière, et pour lequel il conviendra, le moment venu, de réfléchir à un coup de sac structurel, en particulier à celui que propose la résolution 586 que nous avons été nombreux à signer et qui sera bientôt à l'ordre du jour de ce Grand Conseil.
M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti radical il est clair que la culture est un élément essentiel de l'équipement de notre ville, de notre canton, de notre région. Et à Genève il y a des institutions qui sont à l'échelle de cette région, de cette agglomération dont nous nous prévalons très souvent, mais dont nous avons beaucoup de peine à assumer la réalité, notamment la réalité économique. Très clairement, il faut le reconnaître, par rapport à nos compétences, il y a donc des institutions culturelles qui sont aujourd'hui d'intérêt cantonal alors que d'autres sont beaucoup plus locales.
Le problème, c'est que la proposition qui nous est faite ici est celle d'une sorte - excusez le terme ! - de pompe à fric qui, au final, confirmerait un simple principe d'arrosage, un arrosage qui permettrait d'exister à toutes les petites pousses que les communes voudraient voir fructifier sur leur sol, dès qu'elles auront un peu d'argent en trop. Chacun veut avoir ses petits géraniums pour embellir sa commune et ce n'est pas ainsi qu'on aura une politique à l'échelle de nos prétentions, Mesdames et Messieurs les députés !
Pour sa part, le parti radical se tourne résolument vers une proposition qui va dans le sens d'une fondation intercommunale qui respecterait la répartition actuelle, en tout cas dans ce qui est communément appelé en ce moment la répartition des compétences entre l'Etat et les communes. Toutefois, pour donner aux institutions des communes cette dimension régionale, il faut impérativement passer à «l'intercommunalité» et il faut pour cela que les communes collaborent. Il s'agit aussi de passer au-delà de la frontière et de prendre en compte la possibilité de mettre ceci à l'échelle de la région.
Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, vous comprendrez que, pour le parti radical, la proposition qui est faite ici n'est pas satisfaisante. Nous préférons cette solution «d'intercommunalité» à une cantonalisation qui n'en serait pas une et qui ne conférerait pas à la culture la dimension régionale à laquelle elle a droit.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de relever que le débat actuel, à l'exception de quelques interventions, démontre bien l'attachement de pratiquement l'ensemble des partis à la place de la culture dans notre canton. J'aimerais rappeler que nous avons vécu au cours des dernières années un certain nombre de manifestations inverses. Il y a eu le drame des fonds ponctuels réduits de moitié lors de l'établissement du budget en 2004; il y a eu le drame - ou psychodrame - autour du transfert de charges en 2007; il y a une volonté constante de la Ville de Genève de vouloir s'accaparer systématiquement l'ensemble du domaine culturel sur l'ensemble du territoire genevois. Cette volonté n'est toutefois pas unanime et, à cet égard, je salue la position de M. Manuel Tornare, conseiller administratif et souvent maire de la Ville, de s'y être opposé. Il y a aussi eu l'échec de la Conférence culturelle, malgré son succès devant ce parlement. Si votre Grand Conseil et le Conseil municipal de la Ville de Genève l'ont votée à l'unanimité, eh bien, les communes, pour la plupart d'entre elles, à l'exception de trois en plus de la Ville de Genève, ont refusé d'adhérer à cette Conférence culturelle, ce qui a donc constitué un échec.
Ce que nous avons pu remarquer, c'est que la tentative de transfert de charges en 2007 - c'est-à-dire la suppression de toute politique culturelle au niveau cantonal - a suscité une réaction des milieux culturels, laquelle a permis de créer le RAAC, le Rassemblement des artistes et acteurs culturels. Ce fameux Rassemblement a, quant à lui, non seulement mené des travaux importants, mais il a eu l'occasion de le faire lors de trois forums publics intéressants qui nous ont permis de noter que l'ensemble des partis politiques étaient attachés à une plus grande place de l'Etat dans la politique culturelle. Je tiens également à dire que la plupart des interventions ont largement souligné cela.
Reste évidemment à savoir comment l'Etat pourra prendre davantage de place dans la politique culturelle. Est-ce qu'il s'agit de contrôler les grandes institutions ? Est-ce qu'il s'agit d'agir au niveau de la relève ? Est-ce qu'il s'agit de la formation ? Est-ce qu'il s'agit des compagnies ? Est-ce qu'il s'agit de s'ouvrir sur la culture au niveau régional ? Ce sont toutes des questions qui seront traitées à l'avenir, indépendamment du sort de ce projet de loi. Et si nous aurons à les traiter, c'est parce qu'une commission externe, celle qui révise la loi sur l'accès à la culture, est en train de plancher sur les axes à donner à ce que devra être la politique culturelle de demain et, plus précisément, sur la place du canton dans cette politique. Nous n'échapperons pas, Mesdames et Messieurs les députés, à l'examen critique... (Brouhaha.) Il est un tout petit peu difficile de parler dans un tel bruit, même s'il ne reste que quelques minutes...
Le président. Terminez, Monsieur le conseiller d'Etat ! Ne vous laissez pas distraire !
M. Charles Beer. Merci, Monsieur le président ! Le débat a été largement engagé et il faudra non seulement savoir quels seront les budgets que nous consacrerons à la culture, mais également, le cas échéant, quelle est la marge de renégociation des engagements respectifs de la Ville de Genève et du canton de Genève.
Donc, nous attendons évidemment l'avant-projet de loi de la commission. Le Conseil d'Etat y travaillera et y mettra sans aucun doute sa patte. Je tiens d'ores et déjà à vous donner rendez-vous pour ces travaux, qui auront pour enjeu de définir cette politique culturelle que chaque parti appelle de ses voeux pour cette législature. Le mérite de ce projet de loi, c'est au moins d'avoir posé les jalons d'un débat qui devra ressurgir devant ce parlement, de façon sereine et constructive, et je vous remercie d'avoir donné des signes positifs en ce sens.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10205 est rejeté en premier débat par 64 non contre 15 oui et 18 abstentions.
La proposition de motion 1907 est retirée par ses auteurs.
Le président. Je vois qu'il est temps de lever la séance et vous souhaite à tous un excellent week-end. On se retrouve au mois de mars !
La séance est levée à 22h50.