République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9685-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Jean Spielmann, Salika Wenger, René Ecuyer, François Sottas, Marie-Paule Blanchard-Queloz modifiant la loi sur les droits de succession (D 3 25) (Pour l'imposition des gros héritages supérieurs à 2 millions net)

Premier débat

M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit ici d'une scorie - parmi les quelques projets de lois qui traînent encore dans les tiroirs - déposée à l'époque par quelques députés dont aucun n'a réussi à repasser la barre électorale et qui ne siègent donc plus parmi nous. Il s'agit de ce que j'ai appelé dans mon rapport un «harcèlement textuel». En effet, il y avait quelques personnes dans ce parlement, à l'époque, qui n'arrivaient pas à encaisser les votes populaires et notamment celui qui concernait les droits de succession ou plutôt l'exonération des droits de succession pour les héritiers en ligne directe, vote accepté par 75% de la population genevoise. Mais certains n'arrivent pas à s'y faire et ont donc déposé ce projet de loi après coup, pour revenir en arrière, encore une fois, après avoir tenté vainement, deux fois auparavant, de déposer le même genre de projet, chaque fois refusé par notre Grand Conseil. C'est pourquoi je vous demande d'en faire de même avec ce projet et de ne pas accepter l'entrée en matière.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Une partie des scories va parler, Monsieur le président... (Rire de l'oratrice.) Excusez-moi... Je souhaitais rappeler quand même que, oui, il y a eu un vote populaire, oui, il y a eu la suppression de l'imposition des héritages. Mais au niveau de la collectivité, cela a coûté en tout cas 65 millions de diminution des revenus de l'Etat. Et c'est vrai que, si l'on se situe historiquement - parce que ce projet de loi a été déposé en 2005 - on peut dire quand même que l'état de la collectivité publique, donc de l'Etat genevois en tant que tel, n'était pas optimal. Même si les résultats 2002 étaient positifs, la dette était énorme, et vous qui prônez un remboursement de la dette et une diminution de celle-ci, à l'époque, 65 millions, ou une partie de ces 65 millions - correspondant aux héritages les plus grands - n'étaient pas à dédaigner. Cela va donc dans le sens de notre habituelle difficulté à maintenir les revenus de l'Etat, et nous voterons oui à l'entrée en matière.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il était beau le temps où, dans le programme du libéralisme politique, on pouvait lire «redistribution des richesses». Il était beau le temps où le mot «impôt» n'était pas tabou dans la bouche des libéraux. Il était beau le temps où les libéraux n'étaient pas encore devenus allergiques à toute forme d'impôt. Ce projet a justement un but louable: il vise à revenir sur l'abrogation de l'impôt sur les successions. Celui-ci se base sur un principe élémentaire: la redistribution des richesses et l'égalité des chances. Nous estimons, les Verts, que les impôts ont du sens quand ils taxent les gros héritages, parce qu'ils rétablissent une certaine forme d'égalité des chances à la naissance. Or, l'Entente a souhaité exonérer les droits de succession - soit - ce que le peuple a ensuite confirmé par 75% des voix. Nous ne pourrons donc que nous abstenir lors du vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.

M. Michel Forni (PDC). Le peuple de Genève, que nous représentons ce soir, a adopté en 2003, avec une confortable majorité, une loi traitant de ces problèmes de succession. Et nous sommes arrivés à cette abrogation des droits de succession pour les héritiers en ligne directe et le conjoint. En 2005, la gauche a déposé ce projet, dénonçant ce favoritisme envers les héritiers des grandes fortunes, dont le nombre, qui n'a pas été précisé, aurait augmenté à Genève. Et nous finissons par aller dans le sens de taxer à nouveau les droits de succession sur les héritages qui dépassent, il est vrai, une certaine fortune - deux millions.

Au-delà de la tactique, il y a bien sûr l'exercice d'obéissance à une décision populaire démocratiquement obtenue qui peut irriter certains. Mais revenir sur ce mécanisme de taxation équivaudrait aussi à favoriser, comme cela a été dit, le départ d'un certain nombre de contribuables qui représentent, en termes d'équilibre - non seulement par l'impôt sur les successions, mais également, pour les contribuables en bénéficiant, par l'impôt sur la dépense - plus de 100 millions que Genève peut engranger.

Derrière ce texte, il y a une intoxication claire entre deux phénomènes: l'un, l'imposition des droits de succession en ligne directe et, l'autre, des manoeuvres - qui peuvent rester des grandes manoeuvres. Mais entre le verbe et l'action se niche parfois un grand trou noir dans lequel les idées visionnaires de certains vont imposer à un peuple peut-être myope - mais qui ne l'est pas encore - certaines lumières.

C'est donc une forme de déraison, et nous vous proposons de rejeter ouvertement cet exercice de style qui n'a pas sa place. Et je me permettrai de terminer par une petite citation, Monsieur le président, de M. de Tocqueville: «Quand le passé n'éclaire plus l'avenir, le présent marche dans les ténèbres.» (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Merci pour cette citation finale, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président, je serai aussi bref que lors du débat en commission. Pour l'UDC genevoise, il est impensable de revenir sur la décision populaire qui abrogea les droits de succession avec plus de 75% des voix.

Mme Patricia Läser (R). Le groupe radical va rejeter l'entrée en matière sur ce projet de loi. En effet, la votation populaire avait été très claire, et les débats ont été très courts en commission fiscale. Je vous propose donc de ne pas les rallonger ce soir et de ne pas voter l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter l'entrée en matière du projet de loi 9685.

Mis aux voix, le projet de loi 9685 est rejeté en premier débat par 54 non contre 18 oui et 8 abstentions.