République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10355-A
Rapport de la commission ad hoc Justice 2011 chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale (E 4 10)

Premier débat

M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs, chers collègues, vous avez donc devant vous le premier wagon du train de projets de lois qui doit adapter notre législation à la fameuse réforme Justice 2011, à savoir à l'entrée en vigueur simultanée, au 1er janvier de l'année 2011 précisément, du code de procédure pénale suisse et du code de procédure civile suisse. Il existe déjà aujourd'hui dans notre législation une loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, bien entendu, mais ici, il s'agit d'une refonte complète de cette loi. C'est une loi extrêmement rébarbative - je crois que ça ne sert à rien de prétendre le contraire - notamment parce qu'elle contient une série interminable de normes attributives de compétences. Mais il y aussi, à côté de ces normes, un certain nombre de dispositions dans lesquelles la législation fédérale nous laisse une marge de manoeuvre et qui, par conséquent, peuvent donner lieu à des débats intéressants, voire parfois à des débats politiques intéressants.

J'aimerais vous citer deux ou trois exemples, même si je suis certain que vous en avez déjà découvert toute la saveur à la lecture du rapport. Je pense par exemple à la faculté pour les procureurs, donc les magistrats du ministère public, de déléguer à des collaborateurs scientifiques certains actes d'instruction, disposition qui a fait dépenser beaucoup de salive en commission et qui a abouti à une solution équilibrée. Je pense à la compétence pour les policiers d'exécuter des mesures de contrainte et à la nécessité, le cas échéant, de réserver certaines mesures les plus invasives à certains niveaux hiérarchiques. Je pense encore à l'organisation du service des contraventions, puisqu'on pourrait songer à première vue que l'organisation de ce service relève du Conseil d'Etat, de l'organisation de l'administration, et qu'un examen plus attentif nous montre qu'à partir du moment où les normes fédérales feront du service des contraventions une véritable autorité pénale, eh bien, se posent toutes sortes de problèmes extrêmement intéressants, notamment pour éviter de multiplier les frictions entre le département de tutelle et le pouvoir judiciaire. J'évoque sans l'évoquer, à titre de quatrième exemple, la question de l'avocat de la première heure et de l'organisation de la permanence qui sera censée fournir les avocats nécessaires pour répondre à ce nouveau droit prévu par le code de procédure pénale. Mais comme un amendement a été déposé sur ce sujet, nous aurons l'occasion d'en débattre plus largement tout à l'heure.

Je voudrais, Mesdames et Messieurs, au terme de cette courte introduction, vous signaler que ce qui peut apparaître comme un travail relativement anodin a nécessité néanmoins une vingtaine de séances de la part de la commission. Et j'aimerais rendre hommage ici à la présidente de cette commission, Mme Loly Bolay, pour son travail extrêmement précis, et rendre hommage au département. J'ai beaucoup vitupéré contre le département avant le dépôt des projets de lois, qui me semblait traînasser, et une fois que ces projets ont été déposés, eh bien, le département a fourni toute l'aide nécessaire à la commission pour qu'elle puisse réaliser ses travaux, et je l'en remercie. Et enfin, je voudrais remercier les commissaires membres de cette commission ad hoc, qui supportent avec stoïcisme des débats qui ne passionnent que les passionnés. Je vous recommande donc d'entrer en matière, puis ensuite d'adopter ce projet de loi.

Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais, en tant que présidente de la commission ad hoc Justice 2011, en remercier tous ses membres, car on a tous travaillé d'arrache-pied. En effet, concernant le futur projet de loi qu'on a voté hier soir, très tard dans la nuit - et on y reviendra - nous y avons oeuvré durant une partie de notre été. C'est dire si les membres de la commission, tous partis confondus, ont pris la mesure de l'importance d'un travail en commun, de même que l'importance de défendre la refonte de toute cette structure: c'est un bouleversement pour les années à venir.

Je remercie bien évidemment le rapporteur pour son excellent rapport, de même que nos experts, pour les conseils qu'ils nous ont donnés. M. Sträuli et M. Scheidegger nous ont suivis et, tout au long de nos travaux, ils nous aidés par leurs réflexions et par leurs propositions très pertinentes. J'aimerais remercier tous les collaborateurs du service du Grand Conseil de l'aide précieuse qu'ils nous ont apportée et, bien entendu, remercier aussi le département des institutions.

Mesdames et Messieurs les députés, je relèverai quant à cette réforme du droit public - code de procédure civile, code de procédure pénale - que tous les cantons devront être prêts en 2011. C'est dire si l'on peut aujourd'hui - puisqu'on considérait au départ que Genève était à la traîne - s'enorgueillir de ce que Genève soit dans le peloton de tête des cantons qui ont su travailler bien et vite.

Il faut relever qu'avec ce code de procédure pénale la marge de manoeuvre des cantons est extrêmement étroite, le rapporteur l'a signalé; il y a quelques articles où l'on a pu discuter, ce sont des articles importants, comme ceux concernant la délégation des compétences ou, par exemple, concernant l'avocat de la première heure. Ma collègue présentera tout à l'heure un amendement concernant l'avocat de la première heure, parce que - et c'est encore heureux - les droits de la défense seront renforcés via cet outil. Il y a aussi des changements profonds par rapport à la collaboration qui sera beaucoup plus étroite entre la police et le ministère public, car les compétences du juge d'instruction - fonction qui disparaîtra, comme vous le savez, puisqu'il y aura un Parquet important - seront reprises soit par le ministère public, soit par le Tribunal des mesures de contrainte. Aussi les compétences des cantons sont-elles étroites; on a pu trouver des solutions grâce à un large consensus quant à toutes ces mesures.

Ce projet de loi reprend pour l'essentiel le code de procédure pénale suisse qui entrera en vigueur en 2011. Je le redis: je pense qu'il s'agit là d'un très bon travail et vous en remercie. Quand tous les groupes politiques prennent la mesure de l'importance de tels changements et que l'on travaille vraiment pour le bien commun, eh bien, on arrive à ce résultat: un résultat magnifique, dans des délais que personne n'osait espérer au départ ! Je vous remercie beaucoup !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je me joins à ce concert d'éloges. Et il m'appartient de remercier les deux orateurs, la présidente de la commission Justice 2011, Loly Bolay, et le rapporteur perpétuel de ladite commission, Olivier Jornot, que je remercie aussi d'avoir reconnu que le département ne travaillait pas si mal. En effet, il fut un temps où, dans la matière, vous aviez adressé des critiques d'autant plus injustes que nous étions précisément à jour et qu'aujourd'hui Genève va pouvoir s'enorgueillir d'être dans le peloton de tête des cantons. Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un travail extrêmement important qui a été fourni d'une manière remarquable par votre commission, n'épargnant ni son temps ni ses efforts. Une fois encore, soyez assurés de la gratitude du Conseil d'Etat et, je pense, aussi de celle des magistrats et des justiciables qui, lorsqu'ils auront à utiliser ce nouveau code, ces nouvelles lois, verront à quel point les problèmes qu'il a fallu traiter l'ont été dans un souci de justice, de faciliter l'accès à la justice et dans un souci d'une organisation rationnelle des choses.

Mis aux voix, le projet de loi 10355 est adopté en premier débat par 49 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 8.

Le président. Madame Torracinta, vous avez la parole. (Remarque.) Plus tard ? Très bien. Nous poursuivons.

Mis aux voix, l'article 9 est adopté, de même que les articles 10 à 88.

Le président. Nous allons maintenant traiter les articles figurant sous l'article 89 souligné, intitulé «Modifications à d'autres lois». Comme à l'accoutumée, l'article souligné est mis aux voix après l'examen des articles qu'il chapeaute.

Mis aux voix, l'alinéa 1 (Loi concernant les membres des commissions officielles) est adopté, de même que les alinéas 2 (Loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes) à 12 (Loi instituant une Cour des comptes).

Le président. Nous sommes à la page 95 du rapport. Sous l'alinéa 13 «Loi sur la profession d'avocat», nous sommes saisis d'une demande d'amendement présentée par Mme Emery-Torracinta à l'article 8A «Permanence» (nouveau).

Mme Anne Emery-Torracinta (S). On a eu, comme ça, une liste d'articles qui ne vous paraissaient peut-être pas très intéressants. Il est vrai aussi que c'était très technique et qu'on a tous été d'accord, or il y a un point important - et je dirais: «plus que symboliquement important» - qui est celui de la permanence relative à l'avocat de la première heure. Alors, peut-être un petit élément d'explication: vous savez que, dans la procédure pénale unifiée qui va entrer en vigueur en 2011, on va assister à la disparition des juges d'instruction et à la constitution un ministère public renforcé. En effet, du début de la procédure jusqu'à la fin, c'est le Parquet, le ministère public, qui va avoir le rôle essentiel. Pour contrebalancer ce pouvoir extrêmement important du ministère public, le droit fédéral a prévu un certain nombre de mesures, dont notamment l'instauration de l'avocat de la première heure, c'est-à-dire que dès la première audition dans un poste de police le prévenu aura la possibilité, s'il le souhaite, de demander la présence d'un avocat. Vous imaginez bien les questions pratiques qui se posent: lorsqu'au milieu de la nuit, par exemple, et qu'il y a pas mal d'arrestations, si plusieurs prévenus, disons plusieurs personnes qui ont été arrêtées - ce ne sont peut-être pas encore des prévenus - demandent la présence d'un avocat, cela va poser un certain nombre de problèmes. D'où la nécessité de mettre en place une permanence.

J'aimerais aussi vous dire - avant de préciser certains points - que cette notion d'avocat de la première heure est quelque chose qui a été demandé à la Suisse par un certain nombre d'organismes internationaux comme le Comité des droits de l'homme de l'ONU, le Comité contre la torture de l'ONU ou le Conseil de l'Europe pour la prévention de la torture. C'est donc quelque chose de nécessaire, et le Conseil fédéral s'était, auprès de ces organismes internationaux, engagé à profiter de la modification de notre code de procédure pénale pour instaurer l'avocat de la première heure et une permanence à cet effet. Or que constate-t-on au bout du compte, au niveau du travail de la commission ? La commission - contrairement d'ailleurs à tout ce que les textes fédéraux proposaient - a limité cette permanence aux personnes qui seraient prévenues d'une infraction grave. Là ça pose des problèmes ! En effet, qu'est-ce qu'une infraction grave ? Au fond, on enlève un droit à la personne qui a été arrêtée. Si elle souhaite avoir un avocat et que, tout simplement, faute d'avocat présent à la permanence - parce que, précisément, on ne garde que les infractions graves - elle ne peut pas en obtenir un, eh bien, la personne ne sera peut-être pas défendue comme elle le désire. J'aimerais ajouter que d'autres cantons comme Vaud et le Valais - des cantons qui nous sont proches géographiquement et, aussi, souvent par leurs habitudes politiques - ont développé une permanence d'avocats beaucoup plus importante. Ce qui a gêné la minorité de la commission, c'est qu'elle a eu le sentiment que cela était quand même très corporatiste. Il y a eu des réactions de membres du barreau dans la commission, qui consistaient à dire: «Je n'ai pas envie de me lever pour quelqu'un qui a trop bu, puis qui doit pisser dans un gobelet» ou de telles choses. J'ai trouvé cela d'autant plus gênant que nous avons fait une fleur à ces mêmes membres de la corporation des avocats en améliorant la rétribution - la façon d'être rétribué - des gens qui seront commis d'office et en acceptant que les avocats qui seront de permanence au milieu de la nuit bénéficient d'une rémunération de 50% plus élevée. On a donc fait un effort en faveur de cette profession. On aimerait aussi, en échange, que les avocats fassent un effort pour les justiciables.

Mme Mathilde Captyn (Ve). J'aimerais juste dire que, pour exactement les mêmes raisons évoquées par ma préopinante, Mme Emery-Torracinta, les Verts voteront en faveur de cet amendement.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Jornot, voulez-vous intervenir maintenant ?

M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite en effet pouvoir présenter l'avis de la majorité de la commission à ce stade des débats sur cette question extrêmement intéressante, puisqu'elle se greffe sur l'une des avancées les plus importantes du nouveau code fédéral. Il y a beaucoup de reculs aussi par rapport à la législation genevoise actuelle, mais là, il y a une avancée considérable qui est celle de permettre la présence des avocats dès la première audition menée par la police, selon l'article 159 du code de procédure pénale suisse. La commission a voué énormément de soin à cette question, d'abord en ayant des débats extrêmement intéressants sur le sens qu'il fallait donner à la disposition du droit fédéral, parce que, dans le fond, il fallait être bien au clair sur ce qu'elle signifie, à savoir qu'elle donne un droit au prévenu de faire appel à un avocat. On parle toujours de «son défenseur» dans la norme, mais elle ne lui donne en revanche absolument pas le droit d'exiger de l'Etat qu'il lui fabrique un avocat quand il n'en a pas, ce qui signifie en d'autres termes qu'on est ici non pas dans un débat sur la question de savoir comment concrétiser une disposition du droit fédéral, mais dans un débat qui porte sur la question de savoir quelle prestation supplémentaire l'Etat de Genève entend faire pour, en quelque sorte, favoriser l'application de cette norme fédérale.

Alors, je suis un peu surpris d'entendre Mme Emery-Torracinta. Parce qu'aujourd'hui, ce que vivent les prévenus dans la réalité qui est celle de notre code cantonal, c'est celle, bien entendu, de ne pas pouvoir être assisté pendant l'audition par la police. Mais ensuite, nous avons un code de procédure qui stipule, de la même manière que ce futur article 159 du code de procédure pénale suisse, que, lorsqu'il est déféré devant le juge d'instruction, le prévenu peut être assisté de son défenseur. Mais s'il n'en a pas, Mesdames et Messieurs, et qu'il demande un avocat d'office, et que la demande part en courrier B vers l'avocat en question, il s'écoule trois ou quatre jours entre le moment où la personne comparaît pour la première fois - et où elle a probablement fait des aveux complets - et celle où, pour la première fois, elle est assistée de son défenseur. Et je n'ai entendu personne dans cette république, depuis que j'exerce le noble métier d'avocat, s'offusquer de cette situation et suggérer qu'on crée une permanence destinée à faire en sorte de pouvoir fournir des avocats devant les juges d'instruction ! Ça n'existe pas, on a vécu avec cela jusqu'à présent, sans trop de difficultés. Alors aujourd'hui, nous avons la chance, dans le cadre du projet de loi du Conseil d'Etat, d'avoir une prestation de l'Etat qui est envisagée précisément pour fournir un avocat de permanence. Et toute la question, c'est de savoir quelle est la mesure que l'on veut donner à cette prestation de l'Etat.

Si on fait un petit tour d'horizon de la situation envisagée dans les cantons, c'est vrai que Vaud et Valais ont choisi des permanences sur le modèle proposé par Mme Emery-Torracinta, c'est vrai aussi qu'ils n'ont pas forcément la même situation que notre canton en termes d'activité des autorités pénales. Mais je relève que d'autres cantons - Saint-Gall, le Tessin, Bâle-Campagne - ont décidé de ne pas créer de permanence et de laisser finalement la profession s'organiser pour fournir cette prestation. C'est aussi la solution zurichoise, dans laquelle on considère que, dans le fond, l'Ordre des avocats du coin - si je puis m'exprimer ainsi - fournit les avocats nécessaires pour l'exécution d'une permanence. Autrement dit, il y a un très vaste choix et une large palette de solutions envisageables.

Lorsque nous avons entendu l'Ordre des avocats, nous avons découvert ce que signifierait une permanence du type de celle qui est proposée dans l'amendement. C'est vingt arrestations par jour, cela multiplié par deux heures, multiplié par le nombre de jours dans une année, et c'est donc 14 600 heures de prestation à fournir avec une évaluation à plus de 4 millions rien que pour le coût de couverture des honoraires. Lorsque nous avons entendu le président de la commission du barreau, il s'est livré à une petite estimation: il y a à Genève 1200 avocats dont 120 peuvent prétendre être spécialisés en droit pénal. Si l'on compte un volontaire sur trois, on arrive à 40. Et 40 volontaires pour 40 heures de travail par jour, vous voyez d'emblée où se situe le problème; ça ne peut pas fonctionner. Il s'agissait donc de trouver le moyen pour la commission de trouver le bon calibre. Elle s'est posé la question de savoir si elle pouvait suggérer que cette permanence serve à répondre aux cas dits de «défense obligatoire», selon l'article 131 du code de procédure pénale suisse. Cette solution n'a pas paru satisfaisante parce que ça revenait quasiment à dire «tout le monde». Et puis, elle s'est demandé ensuite, sur suggestion du département - dont je fais encore une fois l'éloge, Monsieur le conseiller d'Etat - si on ne pouvait pas faire référence à l'article 307 du code de procédure pénale qui se réfère aux cas graves et qui présente l'intérêt d'être une disposition qui permet aux cantons de définir librement ce qu'ils considèrent comme des cas graves. Et cette disposition permet de cadrer l'objectif. En effet, il n'est pas nécessaire d'avoir des dizaines d'avocats qui passent la nuit à la caserne des Vernets pour être prêts à sauter sur leur scooter afin de se rendre dans les postes de police du canton, ce n'est pas le but de cette permanence. Cette permanence, elle doit permettre dans les cas sérieux d'offrir une défense sérieuse dès la première heure d'audition par la police, et c'est ce que permettra la solution retenue par la commission. Cette solution a été acceptée par l'ensemble des partis sauf le parti socialiste et les Verts, mais je crois très sérieusement que c'est une bonne solution.

Et je voudrais dire, puisqu'on parlait de corporatisme, que toute solution qui met en place une permanence d'Etat favorise le corporatisme. Parce que le meilleur moyen de favoriser la profession, c'est de ne rien prévoir et de laisser les jeunes avocats talentueux s'organiser. Moi je suis certain que, dès 2011, on aura des études d'avocats qui fourniront cette prestation comme un plus, qui se diront atteignables 24h/24, qui seront prêtes avec des avocats de permanence qui seront spécialisés en droit pénal et qui pourront donc assumer cette prestation. Et je suis certain que c'est ce dynamisme-là qui permettra aux prévenus d'être le mieux défendus. Je vous invite donc à rejeter cet amendement.

Mme Nathalie Fontanet (L). Au vu de l'exhaustivité des propos de M. Jornot, je ne vous cache pas qu'il m'est plutôt difficile d'avoir quelque chose de plus à ajouter. La seule chose que je vais peut-être indiquer maintenant, c'est que, vraiment, on s'est interrogés sur la faisabilité d'une permanence plus lourde, comme le demande l'amendement. Et on s'est rendu compte, assez rapidement, qu'il s'agissait d'une vraie usine à gaz ! Que cela n'était tout simplement pas possible ! Que, si lors de l'instruction le prévenu n'avait pas la possibilité d'avoir son avocat - parce qu'il n'y en avait pas d'immédiatement disponible - et qu'il conservait toujours la possibilité de dire: «Eh bien, écoutez, je refuse de parler, j'attends d'être assisté d'un avocat», il en irait de même lors d'une arrestation. Et que, ainsi, le fait qu'un avocat ne soit pas disponible pour chaque prévenu qui serait interpellé ne consistait pas en une atteinte aux droits de la défense. Mesdames et Messieurs, je vous encourage à voter le rapport tel qu'il est sorti des travaux de la commission.

Mme Michèle Ducret (R). Sans reprendre les arguments qui viennent d'être développés, et fort bien, par le rapporteur de majorité... le rapporteur tout court, qu'est-ce que je dis ?! Je voudrais simplement insister sur le fait que la proposition socialiste entraînerait des complications absolument inouïes. On a vu qu'il s'agit de vingt arrestations par jour, mais jour et nuit; ça implique donc une organisation impeccable, que je ne peux pas imaginer confier à qui que ce soit, ni à l'Etat, ni à une autre institution. Et cela reviendrait à des coûts qui me semblent totalement disproportionnés avec l'intérêt de la cause. Par conséquent, vous l'aurez compris, je vous encourage à voter le texte de loi tel qu'il est ressorti des travaux de la commission.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs, je peux vous assurer qu'en commission, lors de l'étude de ce projet de loi, on a vraiment consulté toutes les parties, tous les partenaires possibles, en ce qui concerne cette permanence des avocats. Et l'on s'est rendu compte que la machine serait beaucoup trop lourde en ayant recours à un avocat de la première heure lors de toutes les auditions. De plus, comme il l'a été mentionné, cela représenterait un coût vraiment très élevé pour les finances publiques. D'autre part, il faut relever aussi avec le fait que les policiers devraient patienter peut-être vingt minutes, trente minutes, avant de pouvoir commencer leur audition, et cela a aussi un coût.

Et puis, lorsque je lis cet amendement, «...peuvent être tenus d'assurer un service de permanence...», je regrette ! Et s'ils ne le veulent pas ? Est-ce que vous avez prévu des sanctions ? Qu'entendez-vous faire: les rayer du barreau parce qu'ils ne veulent pas être contraints de se rendre peut-être à la caserne des Vernets, comme l'a dit M. Jornot, pour assurer cette mission ? Non, moi je pense qu'on est encore libre, lorsqu'on exerce une profession privée, de vouloir assurer une permanence. Alors vous direz qu'il y a les médecins, qui sont aussi tenus à certaines permanences... Mais je pense que dans la situation qui nous occupe cela relève carrément de la sécurité, de la santé publique, et puis, ce n'est pas le même débat.

Je pense aussi que ce qu'on a décidé en commission est en faveur de toutes les personnes: il y a une égalité de traitement par rapport à tous ceux qui commettent une infraction grave, car ils auront la possibilité d'obtenir un avocat d'office. Là, même si un libre choix est encore possible, les personnes qui sont prévenues de délits graves seront toutes mises sur le même pied d'égalité, c'est à dire: délit grave, privation de liberté, etc. C'est pourquoi il me semble que ce qu'on a décidé en commission est largement suffisant pour réaliser ce qui nous est demandé dans le code unifié.

M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'essaierai d'être très bref. Il y a une chose sur laquelle je ne suis pas d'accord avec le rapporteur: quand un juge d'instruction envoie une convocation l'après-midi pour une audience qui a eu lieu la veille, on ne peut pas dire que les droits de l'inculpé soient préservés. Or ces situations sont rarissimes, et il est vrai que, comme avocat, on arrive toujours à remonter la pente en contestant, le cas échéant, les actes d'instruction, s'ils n'ont pas été effectués contradictoirement.

Cela étant, au niveau de la police - comme l'a dit excellemment M. Jornot - c'est un plus qu'on apporte par la procédure fédérale. Et aujourd'hui on voit mal qu'il y ait une permanence d'avocats toute la nuit, pour défendre le soûlot qui a eu un accident de circulation, pour défendre celui qui a volé un autoradio dans une voiture, et qu'on mobilise - comme l'a relevé M. Jornot tout aussi bien - des avocats pour près de 14 000 heures par année. Le rapporteur l'a dit d'une manière tout aussi pertinente, puisqu'il est avocat - comme moi, d'ailleurs, depuis trente ans bientôt - c'est que malheureusement... (Commentaires.) Bon, moi depuis trente ans, lui un peu moins ! Ce que je voulais dire, c'est qu'aujourd'hui - M. Jornot l'a dit - on a peut-être quarante, voire soixante pénalistes à Genève, étant souligné que tous les autres font du droit des successions, du droit des sociétés, et que toutes ces personnes qui ne font pas de droit pénal ne sont - comme dirait M. de La Palice - pas versées dans le droit pénal. On imagine donc mal mobiliser - parfois toute une nuit - des avocats qui ne connaissent pas le domaine du droit pénal, pour défendre les intérêts d'un automobiliste qui aura causé un accident, pour défendre des délits mineurs, alors même que c'est dans le cadre de délits majeurs que l'on a besoin d'un conseil, étant souligné déjà - comme M. Jornot l'a indiqué excellemment - qu'un avocat sera de toute façon présent lors de l'instruction, si l'inculpé le souhaite.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de rejeter l'amendement socialiste, étant donné qu'il est impossible à mettre en oeuvre pour des raisons matérielles d'abord et que, deuxièmement, il n'apportera strictement rien sur le plan du droit ! Je vous remercie.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, l'amendement de Mme Emery-Torracinta pose une seule question: faut-il que tous les prévenus puissent bénéficier d'un avocat de la première heure ou seulement ceux impliqués dans des cas graves ? Je soutiens l'amendement de Mme Emery-Torracinta, en utilisant l'argument que M. le rapporteur Jornot vient de nous servir. M. Jornot dit, et c'est vrai: «Dans ce nouveau système il y aura, dès le 1er janvier 2011, des études d'avocats dynamiques qui vont faire du pénal et qui vont fournir cette prestation.» Je suis d'accord avec lui. Or, que dit l'article ? Il dit: «A défaut de volontaires». Par conséquent, si l'on suit M. Jornot, il y aura suffisamment de monde et on n'aura jamais besoin d'appliquer cette disposition. Mais à supposer que, par malheur, il n'y ait pas assez de volontaires, faut-il avoir alors un système pour éviter tout simplement que de malheureux prévenus comparaissent hors de la présence d'un avocat auquel ils ont droit ? Parce que dans les deux cas, Monsieur Jornot, c'est le même système. Dans les deux cas, c'est «à défaut» qu'il y ait suffisamment d'avocats, et c'est exclusivement pour les prévenus qui en font la demande ! Monsieur le député Wasmer, en général, les soûlots n'appellent pas un avocat, parce qu'ils ne tiennent pas forcément à ce que tout le monde sache le triste état dans lequel ils étaient; donc, ce n'est pas eux qui vont nous mobiliser à la suite d'infractions. Il y a un risque aussi, Mesdames et Messieurs les députés, si l'on doit à un moment donné faire un tri - et je ne sais pas qui l'effectuera - à dire: «Mon cher ami, vous êtes dans une affaire grave» ou «dans une affaire pas grave»... En effet, on a souvent vu des affaires qui commençaient très fortement se dégonfler fortement ! On a aussi vu des arrestations pour un délit mineur finir par mettre en évidence des délits majeurs. Par conséquent - et sans qu'il n'y ait aucun risque quelconque vis-à-vis de l'organisation, puisque c'est le même système que celui que la majorité de la commission a prévu - je soutiens l'amendement socialiste.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur cette demande d'amendement modifiant l'article 8A «Permanence» (nouveau): 1 «A défaut de volontaires en nombre suffisant, les avocats inscrits au registre cantonal peuvent être tenus d'assurer un service de permanence, destiné à offrir aux prévenus arrêtés provisoirement par la police et qui en font la demande, la possibilité d'être assistés d'un défenseur (art. 159 et 217 à 219 du code de procédure pénale suisse, du 5 octobre 2007).»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 35 non contre 29 oui.

Mis aux voix, l'alinéa 13 (Loi sur la profession d'avocat, du 26 avril 2002 - E 6 10) est adopté.

Le président. Nous sommes saisis d'une demande d'un nouvel alinéa 13bis concernant la loi sur la profession d'avocat. Monsieur Jornot, je vous laisse la parole.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Il s'agit en effet d'une petite modification de la loi sur la profession d'avocat, ou plus exactement de la modification qui a été votée récemment par ce parlement en vue d'instituer l'école de l'avocature, pour rendre les deux lois votées cohérentes l'une avec l'autre.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je lis cet amendement: «Art. 89 (souligné), alinéa 13 bis (nouveau): La loi sur la profession d'avocat (LPAv) (E 6 10 - 10426), du 6 avril 2002, est modifiée comme suit: Art. 33 (nouvelle teneur): 1 L'avocat stagiaire ne peut faire des actes de procédure et d'instruction, se présenter ou plaider au civil, au pénal et en matière administrative qu'au nom et sous la responsabilité de l'avocat chez lequel il accomplit son stage. Dans le cadre de procédures portant sur des contraventions, il jouit, sur le plan cantonal, des mêmes droits que les avocats. 2 Il ne peut être nommé d'office que s'il a réussi l'examen validant la formation approfondie.»

Mis aux voix, cet amendement (création d'un alinéa 13bis relatif à la loi sur la profession d'avocat - LPAv - E 6 10 - 10426, du 25 juin 2009) est adopté par 55 oui (unanimité des votants).

Le président. A l'article 89 (souligné), alinéa 14, Monsieur Jornot, vous avez... (Remarque.) Excusez-moi, je dois poursuivre, paraît-il. C'est un peu compliqué !

Nous passons à l'alinéa 14 de la loi sur la police du 26 octobre 1957 (F 1 05).

Voici une nouvelle demande d'amendement: «Art. 89 (souligné), alinéa 14: La loi sur la police (LPol) (F 1 05), du 26 octobre 1957, est modifiée comme suit: Section 2 Mesures d'éloignement (nouvelle, «remplace le chapitre IVA,» à insérer avant l'actuel art. 22A). Monsieur Jornot, je vous laisse la parole.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Il s'agit d'une modification purement cosmétique des titres et chapitres de la loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons nous prononcer sur cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement (modification du titre de section) est adopté par 58 oui (unanimité des votants).

Le président. A l'article 22D «Droit à une décision (nouveau)», nous avons une demande d'amendement de la part de Mme Captyn. Cela concerne également l'alinéa 14, relatif à la loi sur la police. Madame Captyn, je vous laisse la parole.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit simplement d'un amendement qui vise à ne pas restreindre les plaintes qui pourraient être déposées au sujet d'interventions policières. L'ensemble de la commission était en faveur de cet amendement.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Pour cadrer les choses: nous avions dans notre code de procédure des dispositions qui instituaient une voie spéciale pour se plaindre des interventions de la police; nous l'avons récupérée désormais dans la loi sur la police. Et puis, à juste titre, la question s'est posée - récemment, raison pour laquelle c'est sous la forme d'un amendement - de savoir si cette façon de faire ne serait pas trop restrictive par rapport à l'ensemble des interventions de la police. Mme Captyn a donc suggéré cette modification, à laquelle le rapporteur se rallie volontiers.

Le président. Merci, Monsieur le député. Voici l'amendement, toujours sous l'article 89 (souligné), alinéa 14 relatif à la loi sur la police: Art. 22D, al. 1 (nouvelle teneur): 1 Toute intervention de la police, sauf si elle est soumise au code de procédure pénale suisse, du 5 octobre 2007, peut faire l'objet d'une demande de décision écrite.»

Mis aux voix, cet amendement (modification de l'art. 22D, al.1 - nouvelle teneur) est adopté par 60 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'alinéa 14 (Loi sur la police) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'alinéa 15 (Loi sur les agents de la police municipale, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes) est adopté, de même que l'alinéa 16 (Loi sur l'organisation et le personnel de la prison).

Le président. A l'alinéa 17, Loi sur le séjour et l'établissement des Confédérés, nous sommes saisis d'une demande d'amendement de M Jornot. Je lui laisse la parole.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Tant pour l'alinéa 17 que pour l'alinéa 20 - ce qui m'évitera une intervention - il s'agit de modifications techniques de lois déjà votées, pour faire référence au nouveau code de procédure pénale suisse et non plus à notre loi genevoise.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons nous prononcer sur cet amendement. Le voici: «Article 89 (souligné), alinéa 17 (nouvelle teneur): La loi sur le séjour et l'établissement des Confédérés (LSEC) (F 2 05 - 10046), du 28 août 2008, est modifiée comme suit: Art. 12, al. 3 (nouvelle teneur): 3 L'article 357 du code de procédure pénale suisse, du 5 octobre 2007, s'applique.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 60 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'alinéa 17 (Loi sur le séjour et l'établissement des Confédérés) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'alinéa 18 (Loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers) est adopté, de même que l'alinéa 19 (Loi concernant le contrôle de la population).

Le président. Nous sommes saisis par M. Jornot d'une demande d'un nouvel alinéa 20 relatif à la loi d'application de la loi fédérale sur l'harmonisation des registres des habitants et d'autres registres officiels de personnes. Si cet amendement est accepté, cela changera la numérotation des autres alinéas. Monsieur Jornot, je vous passe la parole.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, Monsieur le président, c'est la même chose qu'à l'alinéa 17.

Le président. Très bien, Monsieur le député. Voici cet amendement: «Article 89 (souligné), alinéa 20 (nouveau, les al. 20 à 42 devenant 21 à 43): 20 La loi d'application de la loi fédérale sur l'harmonisation des registres des habitants et d'autres registres officiels de personnes (LaLHR) (F 2 25 - 10379), du 3 avril 2009, est modifiée comme suit: Art. 11, al. 3 (nouvelle teneur): L'article 357 du code de procédure pénale suisse, du 5 octobre 2007, s'applique.»

Mis aux voix cet amendement est adopté par 57 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'alinéa 20 (Loi d'application de la loi fédérale sur l'harmonisation des registres des habitants et d'autres registres officiels de personnes) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'alinéa 21 (loi d'application des dispositions fédérales sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir) est adopté, de même que les alinéas 22 (Loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière) à 43 (Loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens).

Mis aux voix, l'article 89 (souligné) est adopté.

Le président. Le troisième débat est demandé.

Troisième débat

La loi 10355 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10355 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 10355