République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 août 2009 à 10h
56e législature - 4e année - 10e session - 57e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 10h, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, Laurent Moutinot et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Pierre-François Unger et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Christophe Aumeunier, Caroline Bartl Winterhalter, Sébastien Brunny, Maurice Clairet, Edouard Cuendet, Jacques Follonier, Mariane Grobet-Wellner, Anne Mahrer, Yves Nidegger, Louis Serex, René Stalder et Pierre Weiss, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Nous avons reçu de notre collègue, M. Louis Serex, sa lettre de démission de son mandat de député, avec effet à l'issue de cette séance. Je prie Mme la secrétaire de bien vouloir lire ce courrier 2805.
Le président. Il est pris acte de cette démission. Je laisse la parole à M. Hohl.
M. Frédéric Hohl (R). Je m'adresse à la caméra puisque notre camarade Loulou n'est pas là. On lui souhaite un bon rétablissement et, peut-être, de bonnes vacances. Monsieur le député, cher Monsieur Serex, cher Loulou, tu auras siégé douze ans moins un mois dans cette illustre assemblée et le parti radical genevois te remercie pour ce beau parcours. Député atypique, toujours accompagné d'un bon sens d'homme du terrain, d'homme de la vigne, Louis Serex a su pendant toutes ces années apporter son franc-parler qu'on connaît bien et qu'on aime tant. Je ne connais personne dans cette assemblée qui n'aurait pas envie de boire l'apéritif avec Loulou, et, comme vous le savez, c'est très souvent dans les caves, dans les cafés et dans les restaurants que se fait la politique à Genève !
Une voix. Il est où, là ?
M. Frédéric Hohl. Je vous l'ai dit en début de séance, cher collègue ! M. Serex a siégé aux commissions de l'aménagement, de l'enseignement, de l'énergie, des travaux, de grâce, des affaires communales, régionales et internationales, de même que des pétitions, Mesdames et Messieurs, qu'il a présidée en 1999, et à sa commission de prédilection: celle de l'environnement et de l'agriculture. Mon cher Loulou, nous te souhaitons bon vent ! Même si tu as produit beaucoup plus de vin que de projets de lois, nous garderons de toi le souvenir d'un fin limier de la politique, de la politique agricole et de la politique en général. Au nom du groupe radical, nous te remercions. A bientôt ! (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, Louis Serex a siégé au Grand Conseil pendant près de douze ans. Elu en 1997 sur la liste du parti radical, il a été réélu en 2001 et en 2005. Au cours de son mandat, il a participé aux travaux des commissions suivantes: aménagement, enseignement, énergie, environnement et agriculture, affaires communales, régionales et internationales, travaux, et grâce. Il a également été président de la commission des pétitions en 1999. Il est notamment intervenu sur les questions agricoles, viticoles et sur le droit des pauvres.
Cher Louis, voisin, collègue, concurrent et néanmoins ami, toi qui m'as décidé en 2005 à entrer en politique, je prends le stylo souvenir que je pourrai bientôt te remettre - nos deux caves étant à 400 mètres l'une de l'autre, il y en a toujours un qui s'arrête pour voir si la bouteille est bien au frais.
Louis, je te souhaite une bonne suite dans tes affaires. Notre amitié est toujours là, intacte, et elle est précieuse. Merci Louis ! (Applaudissements.)
M. Didier Bonny (PDC), rapporteur. La commission des droits politiques s'est réunie longuement sous l'excellente présidence de M. Pablo Garcia et m'a désigné volontaire pour faire le rapport sur la compatibilité de M. Ernest Greiner. Et j'ai la joie de vous annoncer que suite à ces longs travaux, la commission des droits politiques ne s'oppose absolument pas à ce que M. Greiner nous rejoigne, sauf erreur cet après-midi, au sein de cette auguste assemblée.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport oral.
Le président. M. Greiner prêtera serment cet après-midi à 14h.
Liens d'intérêts de M. Ernest Greiner (R)
Retraité
Fondation HBM Emile-Dupont
Membre du comité de l'ASLOCA Genève
Premier débat
M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir de vous présenter le rapport de majorité du projet de loi déposé le 20 septembre 2007, modifiant la loi sur la police et traitant du numéro de matricule. Alors, Mesdames et Messieurs, de quoi s'agit-il ? Principalement, il s'agit d'imposer aux policiers le port d'un numéro de matricule clairement visible; leur uniforme servirait de légitimation. S'agissant de l'objectif de ce projet de loi, les auteurs invoquent le manque de stratégie du gouvernement et souhaitent l'introduction du numéro de matricule pour la pacification des relations entre la police, l'Etat et la population dans son ensemble; les auteurs souhaitent abandonner l'ancienne conception de l'anonymat des forces de l'ordre; les auteurs n'ont pas ouvert de procédure de consultation avec la police, le département des institutions ou les syndicats avant de déposer ce projet de loi.
Nos débats, Mesdames et Messieurs, ont principalement eu comme sujet la confiance en nos policiers; cela, on l'a ressenti pendant tous nos travaux et nos auditions. En effet, les policiers sentaient qu'on avait, en les obligeant à avoir un numéro de matricule sur leur uniforme, un manque de confiance en eux. Ensuite, nous avons bien évidemment beaucoup parlé de la carte de légitimation; la police est déjà soumise à l'obligation de fournir sur demande son numéro de matricule. Nous avons également beaucoup parlé de la main courante, la fameuse main courante qui sert à toujours savoir où se trouve le policier. Et là, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission a été rassurée, parce que nous n'avons jamais eu vent d'un cas où, avec la main courante, on n'a pas eu la possibilité de trouver le nom du policier et dans quelle action il a été employé ou il s'est mis à travailler. Les besoins en question ne correspondent bien évidemment pas à l'activité de la police judiciaire.
Nous avons également parlé, lors de nos débats, de l'accueil. On aurait pu croire que ce projet de loi avait plutôt tendance à rendre les policiers plus accueillants. Nous avons, à un moment donné, évoqué - pourquoi pas ? - la possibilité d'indiquer sur leurs uniformes les langues qu'ils parlent, parce qu'il est vrai que cela pourrait être un plus au niveau du tourisme à Genève, le touriste s'adressant souvent à la police pour avoir des renseignements.
S'agissant de la problématique en cas d'intervention, je prends un exemple concret: Rhino. Une intervention avec beaucoup de poussière, la nuit, avec des gens qui courent dans tous les sens... Personne, de toute façon, ne pourrait se rappeler et voir un numéro de matricule.
Parmi les avis qui étaient absolument opposés à ce projet de loi, il y avait celui de l'Union du personnel du corps de police. Les gendarmes - je vous l'ai dit - se sentent véritablement attaqués par ce projet de loi. En effet, c'est très couramment qu'ils s'identifient verbalement. Le commandant de la gendarmerie était également contre ce projet; pour lui, les outils d'identification existent. Parmi ceux qui étaient pour, il y avait Amnesty International; pour eux, l'absence de numéro de matricule peut donner des situations qui tournent mal. Ensuite, il y avait le commissaire à la déontologie, qui trouve que le numéro de matricule est un élément qui peut être intéressant.
Nous avons voté, à l'unanimité, un amendement qui rend le port du numéro de matricule pas possible, mais qui, en revanche, impose la présentation du numéro de matricule sur demande. Donc, huit commissaires étaient pour, sept étaient contre. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce sont les premières remarques que je ferai. En conclusion, Mesdames et Messieurs, je vous demande d'approuver ce projet de loi tel qu'amendé et vous en remercie.
Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse de minorité. Tout d'abord, je tiens à rassurer les gendarmes qui éventuellement écouteraient nos débats - ou en tout cas celui qui a aujourd'hui la charge de veiller à notre sécurité dans cette salle: il ne s'agit ni d'une attaque contre la police, ni d'un manque de confiance à l'égard de la gendarmerie. Le port du matricule est une mesure moderne, simple à mettre en oeuvre et pleine de bon sens, à tel point qu'elle a déjà été introduite dans de nombreux cantons où elle donne toute satisfaction. C'est une mesure qui est recommandée par le Conseil de l'Europe et, comme l'a dit tout à l'heure M. Hohl, c'est une mesure qu'Amnesty International préconise, dans la mesure où cette organisation - tout comme les auteurs de ce projet de loi - souhaite une police contemporaine et transparente, responsable de ses actes. Voilà, en trois mots, les objectifs de ce projet de loi.
Je crois qu'en ce qui concerne la confiance, eh bien, nous allons l'accroître avec cette mesure, puisque chaque gendarme pourra être identifié - non pas par son nom, parce que l'on veut évidemment tenir compte de la sphère privée des collaborateurs et la protéger - donc, il pourra être identifié, la communication avec la population en sera facilitée et, par là-même, la confiance sera renforcée.
Et puis, je dirai que nous souhaitons aussi, avec cette mesure, éviter qu'un certain nombre de plaintes soient déposées, voire classées, à cause de l'impossibilité actuelle d'identifier les professionnels qui seraient mis en cause à tort ou à raison. Je dis bien «à tort ou à raison», parce que cette mesure peut à la fois être intéressante pour la personne qui se sentirait agressée, mais elle pourrait également l'être - et les cantons qui la connaissent l'ont largement invoquée - pour le gendarme qui serait, et ce n'est malheureusement pas rare, lui-même attaqué ou accusé à tort d'une agression.
En conclusion, Mesdames et Messieurs, j'aimerais redire quels sont les objectifs de cette loi. Il s'agit pour nous, avec le port du matricule, d'avoir une police contemporaine, transparente et responsable de ses actes.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons déjà longuement débattu en commission, et sur la place publique, de ce sujet; je ne vais donc pas m'étendre à ce propos. Il me semble tout de même primordial de rappeler quelques éléments importants. D'abord, les Verts ont déposé, avec les socialistes, l'UDC, et les libéraux - il y a deux ans exactement - ce projet de loi pour aller dans le sens de la réinstauration de l'autorité de l'Etat dans les relations qu'il entretient avec sa police et améliorer la confiance entre la population et sa police. Il convient de rappeler aussi que, suite à un sondage de la «Tribune de Genève», 71% des personnes interrogées se sont exprimées en faveur du port du matricule sur les uniformes. Je souhaite dire aussi, comme l'a mentionné la rapporteure de minorité, que les cantons de Bâle-Ville, Bâle-Campagne et Soleure ont déjà mis en place le matricule et que le canton de Berne a même instauré l'indication du nom sur l'uniforme. Et ça se passe bien: ces cantons ont pu relever les avantages indéniables en matière de transparence et de relations de confiance que cela développe.
Par ailleurs, la police municipale, dans une lettre d'octobre 2008 à l'attention de la commission judiciaire et de la police, a relevé les bienfaits du port du matricule. Je vais vous citer en deux mots cette lettre, car je trouve qu'elle résume parfaitement les divers éléments qui fondent le dépôt de ce projet de loi: «Le bilan qui peut être tiré douze ans après l'entrée en vigueur de ce dispositif est très positif. Il permet à tout administré qui le souhaite de s'interroger sur le comportement d'un policier ou d'un garde auprès de la hiérarchie policière ou des autorités politiques et judiciaires, en visant directement et uniquement le collaborateur concerné. Cela permet d'éviter de longues et pénibles enquêtes internes ou judiciaires, qui jettent le soupçon sur toute une brigade dans le but de tenter de retrouver un seul fonctionnaire mis en cause. Elle assure une protection efficace des fonctionnaires en uniforme face à certains citoyens ou à certains tabloïdes un peu trop curieux qui pourraient par exemple être tentés de faire intrusion dans la vie privée ou familiale des gendarmes.»
Un autre élément important est à relever: dans le traitement de ce projet de loi, les libéraux ont à un moment donné retourné leur veste et ont proposé un amendement pour vider le projet de loi de sa substance, suite à la position de l'UPCP, le syndicat des gendarmes. Je peux donc vous dire aujourd'hui que je suis déçue, très déçue, du résultat de ce projet de loi. Et je souhaite que le pouvoir législatif que nous représentons aujourd'hui ne plie pas devant le syndicat. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez, le MCG soutiendra ce projet de loi tel qu'amendé. J'aimerais dire que je suis surpris des propos de Mme Pürro, qui par ailleurs est candidate au Conseil d'Etat... (Commentaires.) ...et a déjà annoncé qu'elle voudrait le département des institutions. Eh bien, Madame Pürro, j'aimerais vous donner un exemple qui est d'actualité: imaginons que les gendarmes qui sont intervenus une certaine nuit d'été dans un grand hôtel genevois pour interpeller le fils d'un dictateur terroriste avaient un numéro de matricule... Quel risque ? Quel risque, aujourd'hui... (Commentaires.) ...on ferait prendre à ces gendarmes lorsque ce même individu interpellé a menacé, s'il était en possession de la bombe atomique, d'éradiquer Genève de la carte du monde ? Alors je vous le demande, Madame la candidate au Conseil d'Etat: si vous voulez faire preuve de responsabilité, eh bien, vous devez changer votre position et vous devez accepter que l'uniforme serve de légitimation et que, à la demande d'un citoyen interpellé, le numéro de matricule puisse être donné. Mais vous n'avez pas le droit de livrer ces gendarmes, qui représentent la force publique, comme ça, à la vindicte de quelques illuminés patentés, comme dans l'exemple que je viens de donner !
Pour toutes ces raisons et d'autres encore, eh bien nous serons, pour une fois, en harmonie avec l'Entente pour soutenir - comme je l'ai dit - ce projet de loi tel qu'amendé.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, au commencement était une bonne intention. Elle était d'ailleurs tellement bonne que quelques députés libéraux - et non des moindres - avaient reçu l'autorisation de signer le projet de loi. Cette intention était bonne parce qu'il s'agissait de consolider un rapport de confiance entre la police et les citoyens, en autorisant dans les rapports les plus anodins la possibilité pour le citoyen d'identifier son interlocuteur. Mais c'était une bonne intention comme l'enfer en est pavé, et très rapidement en commission, les masques sont tombés. Les masques sont tombés parce que ce discours sur la transparence et la cordialité des rapports entre la police et sa population, la population et sa police, a rapidement été remplacé par un discours extrêmement vindicatif sur les violences policières qui seraient extrêmement nombreuses et qui surtout resteraient totalement anonymes, puisque personne n'arriverait à identifier celui qui lui aurait fait subir les pires outrages.
Le débat, donc, a dérapé, Mesdames et Messieurs, en commission et il a dérapé à l'extérieur ! Je peux vous évoquer le cas d'un débat avec un député présent dans cette salle, que j'ai promis de ne pas nommer personnellement. Je me contenterai de dire qu'il porte le matricule 93 sur notre liste. (Brouhaha.) Eh bien, lors de ces débats avec ce député, il m'a été reproché de m'occuper trop des violations des droits de l'homme en Chine et pas assez de celles qui sont commises à Genève ! Mesdames et Messieurs, voilà qui montre la façon dont les partisans de ce projet de loi, ou certains d'entre eux du moins, conçoivent le travail de la police genevoise, et c'est absolument scandaleux. Du coup, ce débat étant pollué, il fallait trouver le moyen de sauver ce qui pouvait l'être, c'est-à-dire de permettre au citoyen d'exiger ce qui aujourd'hui figure dans des ordres de service, à savoir l'obligation pour le policier de fournir sur demande son numéro de matricule. On a dit que cet amendement vidait le projet de loi de sa substance; c'est faux ! C'est ignorer toute la différence qu'il y a entre un ordre de service et une disposition légale qui confère un droit au citoyen d'exiger quelque chose, puis ensuite d'obtenir, le cas échéant, la sanction de celui qui ne s'est pas conformé à cette obligation. Parce que pour le reste, Mesdames et Messieurs - et sur ce point-là j'aimerais rectifier les propos de Madame la rapporteure de minorité - il est faux d'affirmer que des cas de violence policière passeraient entre les mailles du filet à cause de l'absence de matricule. Cela a été confirmé non seulement par M. Christian Cudré-Mauroux, le commandant de la gendarmerie - qui a indiqué que, grâce notamment à tous les rapports et à toutes les mains courantes qui sont tenues, tous les auteurs potentiels visés par des plaintes pouvaient être identifiés - mais cela a été confirmé en outre par Louis Gaillard, le commissaire à la déontologie, que l'on peut difficilement soupçonner de vouloir défendre les intérêts sectoriels de tel ou tel membre de l'appareil policier. Cela signifie, Mesdames et Messieurs, qu'en définitive, le projet de loi tel qu'il a été amendé par la commission atteint l'objectif voulu, celui de permettre une meilleure transparence et une meilleure cordialité des rapports entre la population et la police.
J'ajoute ! J'ajoute que si le débat aujourd'hui, cette année, a mal tourné, cela ne veut pas dire que la proposition contenue dans ce projet de loi soit définitivement écartée. Et je suis certain que si, un jour, ceux qui sont partisans du port d'un matricule prennent le soin de faire un projet de loi qui n'apparaisse pas comme une attaque frontale mais comme ce qu'il est, c'est-à-dire une mesure technique susceptible d'être adoptée par tous, eh bien, ce jour-là, la mesure qu'ils proposent aujourd'hui pourra être mise en oeuvre.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Pour avoir cosigné ce projet de loi, je soutiendrai la majorité. J'aimerais rappeler ici le travail considérable qu'effectue la police, même si certains dans cette enceinte adorent lui taper dessus en la critiquant et la traitant de tous les noms... Ils ne font pas ce métier - et par chance, car nos citoyens seraient franchement en danger. J'aimerais encore souligner qu'effectivement on demande à ce que les policiers puissent s'identifier; ils ont des cartes de visite pour cela, ils ont un badge. Mais on peut comprendre que, du point de vue du public, on ait envie de savoir à qui on a affaire. Si on le lui demande, un policier n'a aucun droit de refuser de montrer son badge, sauf cas exceptionnel.
Je tiens à dire que l'amendement des Verts et des socialistes, je... Je l'ai signé, donc je le soutiendrai aussi. J'aimerais aussi rappeler qu'il est difficile actuellement d'être dans la police - aujourd'hui encore, la presse en a rempli ses pages ! Quand quelqu'un, un citoyen lambda, fait quelque chose de mal, bat sa femme, viole ou rôde à la sortie des écoles, on n'en parle que de temps de temps, voire pas du tout; mais dès qu'un policier a malheureusement fait quelque chose qui n'aurait peut-être pas dû l'être - comme de se rendre rapidement sur place et se faire emboutir par un scooter - eh bien, on en fait aussitôt les pleines pages des journaux, et, tout de suite, ce sont les policiers qui sont les méchants ! Mais vous vous trompez de cible: la police est là pour vous protéger ! Si l'on dispensait davantage d'éducation dans cette société et, aussi, un peu plus de compassion envers des gens qui mettent leur vie en danger tous les jours, je pense qu'on n'en serait pas là ! Et vous-mêmes, certains d'entre vous, députés, avez une manière de vous adresser à eux qui est totalement inacceptable ! Parce qu'on est en période électorale, vous voulez obtenir leurs voix, donc vous dites que ce sont des hommes charmants, qui sont adorables... Moi j'en connais certains depuis plus de trente ans, pour avoir fait toutes mes écoles avec eux... (Commentaires.) ...et je peux vous dire... (Remarque.) Non, Madame Gautier, je ne suis pas jalouse, et je ne vois franchement pas de quoi ! Moi j'ai reçu une éducation, je n'ai pas seulement été nourrie. (Brouhaha.) Je constate que chaque fois qu'ils font quelque chose, qu'ils font leur travail, on trouve constamment quelque chose à leur reprocher... (Brouhaha.) Monsieur le président... Merci ! (L'oratrice s'interrompt.)
Le président. Poursuivez, s'il vous plaît !
Mme Sandra Borgeaud. Donc, on a constamment quelque chose à leur reprocher. Mais qui parmi vous aurait la capacité d'exercer leur métier et de faire des nuits ? Qui voudrait se faire insulter à longueur de journée - se faire caillasser, se faire cracher à la figure ?! Alors, protéger les pauvres petits dealers, les pauvres petites personnes qui soi-disant n'ont rien... Je vous rappelle qu'ici, en Suisse, on est une terre d'accueil. On accueille même beaucoup plus que ce que nos structures permettent; ces personnes, on ne les laisse pas crever de faim. Et je suis désolée de vous déranger, mais, s'il y a des gens dans notre population qui en ont marre de voir des dealers partout, qui en ont marre de voir leurs enfants agressés... Eh bien, si ces gens vous dérangent, messieurs-dames, changez de pays ! Allez là où il n'y a pas de police, au milieu d'une jungle, et puis faites justice vous-même ! Comme ça, vous aurez la paix, vous serez tranquilles ! Vous devez comprendre que de nos jours, 68 c'est terminé, qu'il y a des règles à respecter, et que ce n'est pas l'Etat qui doit éduquer, mais les parents ! Il ne suffit pas d'avoir des enfants comme un chien ou une chienne fait ses petits... (Exclamations.) Il faut les élever ! Ce ne sont pas les professeurs qui doivent éduquer vos enfants. (Commentaires. Brouhaha.) La vérité n'est jamais bonne à dire, Messieurs et Mesdames ! Eh bien voilà, c'est ce que la population pense, et c'est elle qui doit vous élire ! Alors excusez-moi, mais il faut bien qu'elle sache ce que vous, vous pensez ! Et comment vous, vous traitez les gens ici ! Parce que l'hypocrisie en période électorale, elle est bien connue, toutes les années c'est la même chose...
Le président. Il faudra terminer, Madame la députée.
Mme Sandra Borgeaud. Oui, Monsieur le président ! ...et il n'y a personne dans ce parlement qui m'empêchera de dire tout haut ce que les gens pensent tout bas !
Encore une fois: je soutiendrai toujours la police, comme je l'ai fait depuis aussi loin que je m'en souvienne. Je félicite ses membres pour leur travail; quoi qu'on puisse leur dire, ils ont raison de le faire, ils doivent le faire, et je les soutiendrai jusqu'au bout ! Et même si cela ne vous plaît pas, moi, ça me fait un grand plaisir de vous contrer.
Mme Loly Bolay (S). Monsieur le président, juste en préambule, vous direz à Mme Borgeaud que quand on est à bout d'arguments, on dit tout et n'importe quoi. Et ce qu'on vient d'entendre là, ce sont des propos de café du Commerce, ce ne sont pas les propos que l'on tient dans un parlement. (Remarque de Mme Sandra Borgeaud.) Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, comme ma collègue l'a rappelé, et nous l'avons relevé en commission: c'est quoi, le port du matricule ? Ce n'est pas du tout, Monsieur le président, comme le dit le rapporteur de majorité, une méfiance vis-à-vis de la gendarmerie. Absolument pas ! C'est bien au contraire une preuve de confiance pour que la police puisse avoir plus de transparence.
Alors, il est piquant de relever que ce projet de loi a été signé par presque tous les partis politiques. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'on avait pris conscience, lorsqu'on a signé ce projet de loi, qu'il y avait un problème. D'ailleurs, tous les cantons suisses - ou presque ! - ont adopté le port du matricule, comme, d'ailleurs, tous les pays européens ! Le dernier en date: l'Espagne. Et dieu sait si la police en Espagne était vraiment très récalcitrante à cela ! Mais ils ont fini par comprendre que c'était effectivement un gage de garantie et de transparence. J'en veux pour preuve, Monsieur le président, que le canton de Vaud, les autorités vaudoises, eh bien, lorsqu'ils ont été sollicités dans le cadre de nos travaux, ils nous ont dit ceci, signé par Marc Vuilleumier, conseiller municipal: «Le bilan qui peut être tiré douze ans après l'entrée en vigueur de ce dispositif est très positif. Cela permet d'éviter de longues et pénibles enquêtes internes ou judiciaires qui jettent le soupçon sur toute la brigade dans le but de tenter de retrouver un seul fonctionnaire mis en cause par un administré.» Je vais plus loin: dans le cadre des travaux de la commission des visiteurs officiels, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés - vous savez qu'il y a deux ans cette commission a nommé des experts pour observer le fonctionnement du système pénitentiaire et de la police - les experts disent que, suite à des allégations de mauvais traitement des détenus... Il y a des allégations de mauvais traitements, il y en a une minorité qui est certes avérée, mais la grande majorité ne l'est pas. Les experts écrivent dans le rapport qu'il est quasiment impossible à l'heure actuelle d'observer... (L'oratrice s'interrompt.) ...de pouvoir démontrer, parce qu'il n'y a pas cette transparence, quel est l'officier de police qui est mis en cause. Cela veut dire que tous les fonctionnaires de police sont rendus responsables. Or, moi, ce qui me préoccupe ici, c'est la police. Alors, je suis d'accord avec vous sur un point, Monsieur le rapporteur de majorité: c'est vrai qu'il aurait peut-être fallu faire une consultation avec les personnes concernées, c'est-à-dire la gendarmerie. Là, je suis complètement d'accord. Mais, est-ce qu'on fait cela chaque fois qu'on dépose un projet de loi ? Est-ce qu'à chaque fois que l'Entente dépose un projet de loi, elle consulte les gens concernés ?! Je n'en suis pas si sûre.
En tout cas, je suis sceptique quand je vois que la gendarmerie, chaque fois qu'on adopte une position, monte toujours aux barricades. J'en veux pour preuve que lorsqu'on a étudié, sous l'ancienne législature, la loi sur la police, quand la gauche a demandé qu'on inscrive dans la loi une formation sur les droits de l'homme, eh bien, la gendarmerie est montée aux barricades pour nous dire: «Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Nous connaissons très bien toutes ces problématiques !» Eh bien, depuis, un ancien flic, M. Delachaux - qui a démissionné maintenant - a dispensé la formation sur les droits de l'homme. Et aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe ? Eh bien, la gendarmerie râle ! A juste titre, parce que ce monsieur ne dispense plus cette formation-là. Donc, vous voyez, à chaque fois qu'on veut innover, qu'on demande une mesure qui n'est pas... Encore une fois, ce n'est pas une défiance envers la police, ce n'est en tout cas pas l'approche qu'ont le parti socialiste et les Verts. Nous avons confiance en la police ! Il y a des brebis galeuses, mais comme partout ! On en a aussi dans ce parlement, je ne dirai pas de nom, mais partout il y a des brebis galeuses. Donc excusez-moi, mais c'est une mesure qui va bénéficier aux policiers eux-mêmes, car c'est là qu'on va se rendre compte que, des brebis galeuses dans la police, il y en a très peu ! C'est pour cette raison que nous insistons, Mesdames et Messieurs, pour que ce projet de loi - et tout à l'heure, Mme Captyn reviendra sur l'amendement... Je vous encourage véritablement, si l'on veut une police citoyenne, une police proche de la population...
Et encore - dernier élément, si vous me le permettez, Monsieur le président - nous sommes dans la Genève internationale: nous sommes dans un canton où il y a 150 ou 160 langues qui sont parlées ! Imaginez quelqu'un qui vient ici et ne sait pas comment s'adresser à un policier pour lui demander quel est son numéro de matricule ou quel est son nom et son prénom ! Donc, c'est une marque de confiance aussi pour les citoyens, pour les gens qu'on reçoit ici pour les conférences - et il y en a toutes les semaines à Genève. Nous pensons que Genève devrait montrer l'exemple, à l'instar - comme je l'ai dit - des autres cantons et des autre pays européens, en introduisant ce rôle matricule. (Applaudissements.)
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir sur les travaux de la commission et reprendre quelques éléments qui ont été notamment donnés par le commandant de gendarmerie Cudré-Mauroux, qui est opposé au port du numéro de matricule. Mesdames et Messieurs, le corps de police ressent ce projet de loi plus comme de la méfiance, de la défiance, que véritablement comme un rétablissement des liens de confiance. Or, en ce moment, Mesdames et Messieurs, avec les difficultés qu'on rencontre sur le plan de la sécurité, il est bon de montrer aux forces de police que les autorités ont confiance et de ne pas exprimer de la méfiance. Cette confiance, Mesdames et Messieurs, n'a pas été érodée par les actes de la police. J'en veux pour preuve les statistiques que le commandant de la gendarmerie a données pour 2007: 70 000 réquisitions, 38 plaintes contre les gendarmes. Que dit le commissaire à la déontologie eu égard à l'identification des policiers au comportement suspect ? Il dit lui-même qu'il ne croit pas à la non-identification des policiers ayant commis un abus de pouvoir. Qui plus est, il est intéressant aussi de relever d'autres éléments du commissaire à la déontologie. Ce dernier parle d'un sondage qui avait été demandé par la commission des visiteurs - à laquelle j'appartiens et que je défends - en regard des plaintes de détenus eu égard aux violences policières. Que dit M. Gaillard ? Il est important de le relever: «Il convient de se demander si des instructions n'ont pas été données aux personnes interrogées afin de mettre la police en cause» ! Et c'était eu égard à des trafiquants de stupéfiants ! Alors, il est toujours facile de déposer plainte. Et malgré cela, il y a eu en 2007 quelque 38 plaintes, et l'année dernière il y a eu quelque 70 policiers blessés en intervention.
Non, Mesdames et Messieurs, il n'est pas bon d'introduire le numéro de matricule ! Si c'est quelque chose qui doit être introduit, il le faut par le dialogue et la concertation avec l'ensemble du corps de police. Je dirai que, maintenant, le fruit n'est pas du tout mûr. Je crois qu'il est important, à l'aube d'élections, de ne pas déstabiliser le corps de police, de ne pas faire du populisme. Pour plaire à qui ? Je crois que la confiance entre la police et les citoyens, elle est bonne ! Il convient de le montrer, de donner un signal fort, non pas par de la méfiance en introduisant le port du rôle matricule.
Mesdames et Messieurs, il n'y aucun élément sorti des débats en commission qui plaide en faveur de ce port du numéro de matricule. Par ailleurs, le projet de loi va beaucoup plus loin que le port du numéro de matricule: il oblige le policier à donner son matricule, voire son nom, et c'est là qu'il y a l'instauration, au travers du projet de loi amendé, d'une véritable relation entre les citoyens et la police. En effet, si l'on introduit le rôle matricule, Mesdames et Messieurs, lorsqu'un citoyen a une altercation avec un policier, ce dernier peut simplement lui dire: «Vous ne savez pas lire ? Regardez mon numéro !» Or, la loi va beaucoup plus loin, puisqu'elle instaure une obligation relationnelle entre le citoyen et la police.
Mesdames et Messieurs, il est important de voter ce projet de loi tel qu'amendé par la commission et de refuser également l'amendement qui sera proposé. C'est dans ce sens que le parti démocrate-chrétien votera. Je vous remercie de votre attention.
M. Gilbert Catelain (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, en tant que professionnel dans le domaine de la sécurité, si j'avais dû me prononcer sur ce projet de loi il y a dix ans, j'aurais réagi de manière corporatiste et l'aurais probablement refusé. J'aurais trouvé ce projet saugrenu et j'aurais mis en avant - comme l'a fait M. Ducrot, ancien professionnel de la sécurité également - la notion de méfiance. Parce que c'est effectivement celle-ci qui domine au sein des personnels concernés, probablement à tort. Avec l'expérience, qui est une expérience confédérale, je dois reconnaître que le port du nom - je parle bien du nom sur l'uniforme - par mes collègues des cantons alémaniques et par mes collègues fédéraux du corps des gardes-frontière - dont certains disent aujourd'hui que c'est une police fédérale, à tort ou à raison - n'a pas causé les effets collatéraux évoqués par le rapporteur de majorité.
Je rappelle au surplus que nous sommes dans une ville internationale fréquentée par énormément d'Anglo-Saxons et que la notion de déontologie dans les pays anglo-saxons est beaucoup plus développée que dans les pays européens. La notion de déontologie en France est beaucoup plus développée qu'en Suisse, en Allemagne également, et le citoyen anglo-saxon s'attend à voir des représentants de l'ordre avec leur nom sur l'uniforme - c'est comme ça !
Voici une petite anecdote. Au niveau du corps des gardes-frontière, cela fait dix ans qu'il est obligatoire de porter le nom sur l'uniforme et cela fait aussi dix ans qu'en Romandie les personnels refusent cela. Nous avons maintenant un chef assez autoritaire qui vient de la police cantonale bernoise, et il a ordonné que le nom soit porté. Cela fait des années que nos collègues alémaniques le font sans aucun problème - il n'y a eu aucun incident, aucun ! La justification du chef du corps, c'est la confiance ! Et le port du nom - c'est un policier qui le dit, il était chef de la police bernoise «Mittelland» - il l'impose pour des raisons de confiance. Voici le problème qui s'est présenté: sur la place de Genève, vous le savez, nous sommes renforcés par des collègues alémaniques qui ont l'habitude de porter le nom depuis des années; que s'est-il passé ? Eh bien, les collègues romands leur ont demandé d'enlever le nom. C'est clair que le chef n'a pas apprécié cette histoire-là ! Et il a imposé le port du nom, ce qui est assez logique. Les internationaux, les voyageurs, vont donc se retrouver dans ce canton avec des forces de sécurité qui portent le nom, notamment à l'aéroport, où ils arrivent, et puis, quand ils seront en ville de Genève, ils vont se retrouver confrontés à une gendarmerie, aussi en uniforme bleu - puisque tout le monde est en bleu aujourd'hui- sans nom, sans numéro de matricule...
En fait, ce projet de loi se subdivise en quatre sous-problèmes: un problème de légalité, un problème de proportionnalité, un problème de déontologie et un problème de mentalités. «Légalité», j'y suis peut-être allé un peu fort, mais la Suisse a signé un Code européen d'éthique de la police. Lisez-le ! Le Code européen d'éthique de la police oblige le policier à se légitimer - je rappelle qu'on est quand même aujourd'hui dans un système de sécurité européen puisqu'on a intégré l'espace Schengen. Ce code ne prévoit pas de quelle manière, il laisse la liberté aux nations de le faire. Alors, la plupart des cantons, vous l'avez dit, ont rendu obligatoire le port du nom, et ça se passe relativement bien. Ce code n'oblige pas le port sur l'uniforme. Et dans l'esprit de ce code, plutôt que de passer par un projet de loi, il conviendrait simplement - de mon point de vue - que le département des institutions amende le code de déontologie, puisque la police genevoise dispose d'un tel code. Si vous prenez l'exemple québécois, chaque policier porte sur lui son code de déontologie avec les obligations qu'il impose. Et l'obligation pour le policier québécois, c'est de se légitimer; s'il ne le fait pas, il y a encore une sorte de juridiction propre, réservée à la déontologie. C'est donc là l'exemple anglo-saxon, où l'on pousse la déontologie assez loin. Nous, nous n'avons peut-être pas besoin d'aller aussi loin. En revanche, on pourrait éviter le processus législatif où l'on politise une question qui n'est finalement qu'un simple problème d'éthique, un simple problème de déontologie.
En ce qui concerne la proportionnalité, c'est la notion d'adéquation qui intervient. Est-il adéquat de porter un nom ou un numéro de matricule ? Dans la plupart des circonstances, oui. Dans d'autres, non. Il faut prévoir des exceptions. Et là, le commandant de la gendarmerie Cudré-Mauroux a parfaitement raison: lorsque vous êtes engagés dans une opération de maintien de l'ordre, d'évacuation, il est clair que le chef des opérations commande, il ordonne. Il ordonne la tenue, et puis il fait enlever le nom, c'est simple. Mais dans les tâches courantes, il n'y a pas d'obstacle, au niveau de la proportionnalité ou de l'adéquation, à porter soit le numéro de matricule ou le nom.
Pour ma part, je n'ai pas de religion quant au port du nom ou du numéro de matricule, mais je suis tout à fait conscient qu'en Romandie nous avons surtout un problème de mentalité avec lequel nous devons composer. Je rappelle que tous les policiers suivent aujourd'hui dans le cadre de leur formation une instruction au niveau de l'éthique et que le brevet fédéral de policier prévoit un examen en la matière; ici, nous sommes dans ce problème d'éthique et devons mettre en application cette dernière. A mon avis, cela passe par une modification du code de déontologie, et ne le devrait pas par un projet de loi. Si le département ne veut pas le faire, eh bien, le parlement va l'y contraindre par un projet de loi. Cela ne me paraît pas forcément la bonne solution, mais on nous y contraint. Ce n'est pas un projet majeur, or c'est un projet important pour rétablir cette confiance...
Le président. Il vous faudra terminer, Monsieur le député !
M. Gilbert Catelain. ...puisque l'Etat est au service du citoyen, et pas l'inverse. En résumé, je dirai qu'il faut soutenir ce projet de loi pour quatre raisons: la déontologie, la transparence, la confiance et l'image. Tout à l'heure, on a beaucoup parlé de transparence. M. Cudré-Mauroux a certes dit qu'on pouvait toujours identifier les gendarmes. Je rappelle que, dans ce parlement...
Le président. Il vous faudra terminer, votre temps est dépassé !
M. Gilbert Catelain. ... une personne qui se trouvait dans le public s'est fait castagner par un membre de ce Grand Conseil; on n'a pas pu l'identifier. Peut-être faudra-t-il rédiger un projet de loi pour que les députés portent le nom sur leur costume.
Une voix. Bravo !
M. Jean-Marc Odier (R). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons eu une discussion extrêmement intéressante en commission: les débats ont été extrêmement ouverts, et rien n'était gagné d'avance - si l'on peut dire qu'on peut gagner sur un projet de loi. Nous avons entendu la police, nous l'avons écoutée, nous l'avons comprise. Et aujourd'hui, je crois que nous ne sommes plus à l'heure d'échanger des arguments pratiques ou techniques; il s'agit de délivrer le message qui donne le sens à notre vote.
J'aimerais dire que le projet de loi tel qu'il est arrivé en commission, je pourrais le qualifier de projet de loi «défiance à la police». Défiance, oui, car... (Remarque.) ...la traçabilité des gendarmes dans l'exercice de leur fonction existe ! Il y a la main courante, elle est excellente, elle fonctionne, et le système instauré donne la garantie, actuellement, qu'on arrive à éviter tout dérapage pouvant être commis par un gendarme - comme il a pu être dit tout à l'heure: «une brebis galeuse», etc. Dans la situation actuelle, où la sécurité est remise en question à Genève, on peut dire même qu'elle est mise en péril. Il ne faut pas tomber dans l'alarmisme non plus, mais, en quelque sorte, nos débats actuels sont bien tournés vers le problème de sécurité - ou d'insécurité - à Genève. Nous avons donc besoin d'une police, et nous devons la soutenir.
Attention ! Nous resterons attentifs: la police ne doit pas être un Etat dans l'Etat. Elle ne l'est pas, mais nous veillerons à ce qu'elle ne le devienne pas. Et il sera temps, lorsque nous nous apercevrons qu'il y a un dérapage, de légiférer. Donc, aujourd'hui, le sens du vote du projet de loi tel qu'il est ressorti des travaux de la commission est de dire: «Pas de défiance envers la police ! Nous lui donnons la confiance, la confiance du politique, un signe du politique, avec la persuasion que la population est également de cet avis-là.» La population a besoin d'une police, de sentir que les gendarmes sont dans les rues, et pour cela le groupe radical votera ce projet de loi en donnant la confiance à la police. Et nous sommes sûrs que nous serons rejoints par bien d'autres partis.
Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau décide de clore la liste des intervenants. Doivent prendre encore la parole: M. Wasmer, M. Deneys, M. Losio, M. Jeanneret, les deux rapporteurs et le conseiller d'Etat. La parole est à M. Wasmer.
M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le credo de l'UDC restera toujours le même: l'Etat est à la disposition du citoyen, et non pas le contraire ! Je suis étonné d'entendre de la bouche de certains de mes collègues que ce projet de loi est une défiance à l'égard de la police. La police est un organe de l'Etat, comme le sont d'autres fonctionnaires, et ce n'est pas au citoyen d'avoir à demander à un policier son identité, mais bien le contraire. C'est au policier de dire qui il est, de démontrer qu'il représente l'autorité publique, comme le font les autres fonctionnaires de tous les départements de l'Etat. Je m'étonne effectivement de ce que M. Ducrot et M. Odier parlent de défiance à l'égard de la police... Bien au contraire, Monsieur Ducrot et Monsieur Odier ! Il n'y a aucune défiance, au contraire ! A défaut d'avoir un nom - pourtant, voir le nom du policier est quand même possible dans certaines polices; par ailleurs, pour des raisons de sécurité, on peut comprendre qu'on ne le montre pas, et je suis tout à fait d'accord sur ce point - eh bien, quand les policiers seront identifiables à première vue, il est évident que le citoyen aura un plus grand respect et une meilleure vision des choses par rapport à sa police. Or aujourd'hui, c'est le contraire. Pouvez-vous vous imaginez, Mesdames et Messieurs les députés qui vous opposez à ce matricule, qu'un simple citoyen n'ayant rien à se reprocher aille demander au policier de justifier de sa qualité, de donner son identité et son numéro de matricule ?! Mais jamais vous ne le feriez ! Aucun d'entre vous, Mesdames et Messieurs les députés, n'ira demander le numéro de matricule d'un policier, lequel, bien évidemment, sera déjà fâché de vous le donner et vous dira: «Ecoutez, il y a une entrave à l'action de la police, c'est étonnant que vous me demandiez mon numéro de matricule.»
Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que les Anglo-Saxons ont toujours eu plusieurs guerres d'avance sur nous, vous savez qu'ils ont toujours été des pragmatiques: comment imaginez-vous qu'aux Etats-Unis, en Angleterre, on ait pu accepter de poser le matricule d'un policier sur son uniforme et qu'on refuse cela à Genève ? Et, comme l'a dit mon collègue Catelain tout à l'heure, c'est exactement le même cas auprès des douaniers qui portent tous non seulement un matricule, mais leur nom. Alors, je comprends que, pour des raisons de sécurité, on ne donne pas un nom, de peur que le policier en question soit harcelé jusqu'à son domicile, mais je vous dirai qu'actuellement, même dans l'armée, il y a le nom sur l'uniforme de chacun des soldats, y compris dans la police militaire ! Prétendre que l'on doit refuser de donner ce matricule - en tout cas de le montrer - sauf à la demande du citoyen, c'est renverser manifestement les rôles ! Et c'est donner à l'Etat un rôle à propos duquel les libéraux m'étonneront d'ailleurs toujours: ils se prétendent les défenseurs des libertés, mais, quand je les entends au sujet de la police, je dois dire qu'on ne suit vraiment pas la même voie. Moi qui étais un libéral pendant vingt-cinq ans, je me dis que le libéralisme des libéraux et le libéralisme de l'UDC ne sont pas forcément les mêmes. Aujourd'hui, le citoyen doit être défendu, aussi contre l'Etat; le citoyen doit avoir confiance en sa police; et la police, qui portera ce matricule, saura quant à elle qu'elle n'a rien à se reprocher à première vue, puisque le citoyen pourra déterminer avec quel policier il parle.
Pour toutes ces raisons, l'UDC demandera de voter ce projet de loi tel qu'il était initialement et soutiendra bien évidemment l'amendement déposé par les Verts.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est surtout en tant que membre de la commission des Droits de l'Homme que je souhaitais m'exprimer, car il est très clair qu'aujourd'hui on a vraiment affaire à une question de confiance ou pas, que nous voulons avoir envers notre police. En ce qui me concerne, je pense que si nous avons confiance en notre police, dans son rôle des forces de l'ordre à Genève, évidemment que ce matricule doit être connu des citoyens, parce que nous n'avons rien à cacher. Et, dans les propos de celles et ceux qui ne veulent pas divulguer le matricule ou le nom des policiers, j'entends un message de crainte et de défiance envers la police. En effet, vous craignez qu'il puisse y avoir certaines révélations ou certains problèmes qui apparaissent au grand jour parce qu'ils seraient divulgués. Je vois là un message de défiance et, en l'occurrence - après les brillantes interventions de ma collègue Loly Bolay et de M. Catelain - je dois dire que, pour qu'on puisse garantir le respect des droits de l'Homme à Genève, il me paraît fondamental que la police se comporte de manière exemplaire. Le port d'un matricule est un moyen de garantir cette exemplarité, car il est certain que même aujourd'hui, si vous êtes victime d'un abus policier pouvant survenir, à tort ou à raison... Un abus policier: essayez de demander à un policier qu'il vous dise son nom ou son matricule quand il est en train de vous donner un coup de matraque ! Je doute que cela soit très réaliste. Certainement que le port du matricule est une mesure d'identification simple et efficace des policiers - qui par ailleurs ne cherchent pas spécialement l'anonymat dans le reste de la société, puisqu'on les retrouve non seulement au Grand Conseil où ils s'expriment régulièrement, mais aussi dans les blogs et sur «Facebook», où ils étalent aussi leurs états d'âme et leur vision du monde. Donc, la police s'exprime à l'extérieur quand ça l'arrange - y compris, d'ailleurs, en ayant parfois des propos défiants vis-à-vis du Conseil d'Etat - et là, tout à coup, il ne faudrait pas qu'on puisse identifier les policiers ! Je pense que c'est assez schizophrénique et que, pour être efficace, cohérent et moderne, le port du matricule est tout simplement une mesure raisonnable. Et j'aimerais bien comprendre, Mesdames et Messieurs de la droite, les libéraux en particulier, en quoi une mesure qui est prise dans tous les autres cantons et à peu près toutes les autres démocraties du monde ne serait pas opportune à Genève !
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite donc à revenir à la version initiale de ce projet de loi, qui est tout simplement saine pour le fonctionnement de la police.
M. Pierre Losio (Ve). Je voudrais tout d'abord revenir sur les propos du président de la commission judiciaire, M. Jornot, pour confirmer que les débats n'ont jamais dérapé. Ils ont été sereins, comme l'a rappelé M. Odier. Il a été longuement question, de la part de plusieurs préopinants, des déclarations de M. Louis Gaillard, commissaire à la déontologie. Je lis la fin de son audition: «M. Gaillard indique être favorable au projet de loi 10120 et il estime que le port d'un matricule amènerait le policier à se responsabiliser.» C'est donc là une position du commissaire à la déontologie. J'ai également lu dans le bulletin du syndicat de la police les déclarations de son président: «Nous ne sommes pas que des numéros mais aussi des hommes et des femmes capables de discernement.» Mesdames et Messieurs les députés, dans l'esprit des initiants qui ont déposé ce projet de loi, il n'a jamais été question de défiance ni de méfiance par rapport au corps de police. Et nous aurons l'occasion de l'exprimer plus longuement lors de différentes motions au cours de cette journée.
«Des hommes et des femmes capables de discernement»: nous aurions souhaité que le corps de police genevois eût au moins le même discernement que ceux de Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Soleure, Lucerne ou que celui de la Ville de Lausanne, et que nous eussions pu avoir la possibilité de discuter sereinement du contenu de ce que représente la demande de ce projet de loi.
Qu'est-ce que j'en conclus, Mesdames et Messieurs les députés ? J'en conclus que, dans notre système fédéraliste, il existe des polices dans chaque canton; j'en conclus qu'il existe des cultures et - comme l'a dit M. Catelain - des mentalités différentes à l'intérieur de chaque canton. Peut-être que ce projet de loi n'était pas mûr au moment où il a été déposé; effectivement, en 2008, les relations entre la police et l'Etat étaient plutôt tendues. Néanmoins, je souhaite que nous puissions - si aujourd'hui ce projet de loi devait être refusé - revenir sur cette problématique. Et il serait peut-être souhaitable qu'elle soit reprise dans le rapport que nous a annoncé M. Gut, lundi, à la commission de contrôle de gestion, rapport qu'il a remis au Conseil d'Etat et qui contient des réformes concernant la police.
Voilà, nous prenons acte du débat, l'issue du vote ne fait aucun doute, mais, en ce qui nous concerne, il n'a jamais été question, de la part des initiants, de défiance ni de méfiance à l'égard du corps de police, comme nous nous en expliquerons plus avant dans la journée. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Claude Jeanneret (MCG). Chers collègues, on a entendu beaucoup de choses ce matin. Si tous nos policiers n'étaient que célibataires, je dirais peut-être que le matricule est une bonne chose. Mais quand on affiche le nom de quelqu'un qui a une famille... On voit actuellement, par exemple à New York, que la maffia s'attaque maintenant à la famille ! Quand M. Catelain ose dire qu'il n'y a jamais eu de problème avec les gardes-frontière, il a la mémoire courte: il y a deux ans, la femme d'un garde-frontière a été agressée. (Commentaires.) Egorgée, dites-vous. Si l'agresseur n'avait pas connu le nom, il n'aurait pas pu agir. Ce que j'aimerais relever ici, c'est que la loi qui a été préparée maintenant me paraît bonne: l'amendement prévoit ce qu'il faut, c'est à dire que le policier doit s'annoncer si on le lui demande, et il me semble que cela suffit largement. C'est la raison pour laquelle le MCG acceptera cette loi. Je saisis cette occasion pour demander le vote nominal.
J'aimerais juste préciser encore une chose: la Fédération suisse des fonctionnaires de police, qui compte, disons, quatre-vingts sections, s'oppose farouchement au port du nom. Et sur quatre-vingts sections, il n'y en a que quelques-unes - à Berne et la police municipale de Lausanne, donc ce n'est pas grand-chose sur le canton de Vaud - qui portent le nom. Il ne faut donc pas affirmer qu'il y en a beaucoup qui portent le nom, c'est faux ! Sur quatre-vingts sections, il y en a peut-être trois ou quatre, et le reste y est opposé pour une question de sécurité familiale, je voulais encore le préciser.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez demandé le vote nominal: êtes-vous soutenu ? (Appuyé.) Vous l'êtes. La parole est à Mme Pürro.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité ad interim. Monsieur le président, je remplace Mme Pürro, mais je parlerai après, lors de la présentation de l'amendement.
Le président. Très bien ! Monsieur Hohl, je vous laisse la parole.
M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord, je tiens à rassurer Mme Pürro et Mme Bolay. Dans le rapport de minorité, on lit qu'il est actuellement impossible d'identifier les professionnels mis en cause, c'est-à-dire les policiers. Cela, c'était un élément essentiel de la majorité: on voulait être certains que cette fameuse main courante était fiable. Alors, il y a peut-être des pays dans lesquels la main courante n'est pas fiable, raison pour laquelle ils ont dû prévoir un numéro de matricule. Ce n'est pas le cas à Genève ! Cela nous a été confirmé par de nombreux professionnels, y inclus le commandant de la gendarmerie. Là, nous sommes rassurés parce qu'effectivement, si la main courante n'était pas fiable, on aurait pu peut-être vous rejoindre; mais ce n'est pas le cas. Monsieur Catelain, vous êtes un professionnel, certes, mais je vous rappelle que les gardes-frontière ne patrouillent pas en permanence en ville, au centre-ville. Patrouiller en permanence au centre-ville avec son nom et son prénom, ce n'est juste pas envisageable - on ne peut pas imaginer ça ! On a également entendu: «Imaginez-vous, quand un policier vous donne un coup de matraque, lui demander son numéro de matricule»... On voit pourquoi vous amenez ce projet de loi !
Mesdames, Messieurs, nous devons encourager notre police, nous devons être avec notre police, raison pour laquelle, une fois encore, je vous demande d'accepter ce projet de loi tel qu'amendé.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la question du matricule est importante à Genève. Elle ne devrait pas l'être véritablement si l'on considère les textes que M. Catelain a rappelés et le fait qu'un certain nombre de polices d'Europe ou de Suisse portent le numéro de matricule. J'ai toujours été d'avis - je l'ai dit et je le répète aujourd'hui - que le port du matricule est un élément positif. Pourquoi ne l'ai-je pas fait ? En effet, M. Catelain a raison de dire: «Finalement, on n'aurait pas besoin de légiférer, le département doit le faire.» Pourquoi ne l'ai-je pas fait ? C'est parce qu'au début de la législature j'ai discuté avec les syndicats de police de deux mesures de transparence. L'une portait sur l'installation de caméras dans les postes pour, à la fois, permettre de protéger le personnel contre des accusations injustes et à une éventuelle victime de pouvoir établir les violences qu'elle a subies. Et l'autre était le numéro de matricule. Dans la discussion, il a été retenu la pose des caméras, elles sont aujourd'hui posées presque partout et elles le seront prochainement totalement. En contrepartie, j'ai évidemment dit que je ne mettrais pas en vigueur le numéro de matricule. Comprenez mon embarras aujourd'hui ! Sur le principe, je pense que c'est une bonne chose, mais comme je n'ai qu'une parole, je ne soutiens pas, aujourd'hui, le port du matricule.
J'ajoute que - vous avez parlé à juste titre de méfiance et de confiance - moi, je suis persuadé qu'un jour ou l'autre - M. Jornot l'a dit - il y aura un numéro de matricule partout, dans toutes les polices de Suisse et d'Europe. Seulement, la difficulté consiste à précisément ne pas l'imposer à la hussarde comme une mesure ressentie par la police en tant qu'acte de méfiance. Ce n'est pas une mesure de méfiance ! Je pense qu'il est normal, entre êtres humains, que l'on s'annonce, que l'on agisse à visage découvert, y compris la police sauf circonstances exceptionnelles. Mais aujourd'hui, avec les importants travaux de réorganisation de la police, qui vous seront présentés tout prochainement, qui exigent des efforts du personnel policier, je ne peux pas, en même temps, soutenir ce projet, parce que je serais en contradiction avec la parole que j'ai donnée et, par conséquent, je perdrais toute crédibilité.
Donc, Mesdames et Messieurs les députés, le matricule est une bonne chose, je suis persuadé qu'il sera introduit. Mais qu'il ne le soit pas maintenant ! Ce n'est pas le bon moment. Et surtout, qu'il ne soit pas introduit contre la police, mais pour la police ! (Applaudissements.)
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10120 est adopté en premier débat par 76 oui et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Article 16: nous sommes saisis d'une demande d'amendement... (L'orateur s'interrompt.) Je cherche le document, excusez-moi. L'amendement consiste à modifier l'article 16, alinéa 1 (nouvelle teneur): «L'uniforme sert de légitimation; il comporte un numéro de matricule clairement lisible, sauf si des circonstances exceptionnelles l'empêchent.» La parole est à Mme Bolay.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité ad interim. Je préfère que Mme Captyn présente l'amendement, je reprendrai la parole après. Je vous remercie beaucoup.
Le président. Très bien. Madame Captyn, la parole est à vous.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cet amendement est donc déposé pour revenir à la substance originelle du projet de loi. Et quoi qu'aient pu en dire mes préopinants opposés à ce port du matricule, c'est un outil préventif qui vise précisément la désescalade dans les relations citoyen-police. Donc, si vous souhaitez améliorer la visibilité de l'Etat de droit, améliorer la transparence de nos institutions, mieux protéger la police des accusations qu'elle reçoit parfois, améliorer la confiance, rappeler quotidiennement les droits et les devoirs de chacun, je vous propose d'accepter cet amendement.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'aimerais aller dans le sens de Mme Captyn, car, finalement, ce projet de loi n'est pas un enjeu majeur: c'est un plus au niveau de la déontologie et au niveau de la perception qu'aura la population de sa police. Le projet de loi et l'amendement qui nous est proposé sont tout à fait mesurés, puisqu'on parle uniquement de numéro de matricule. On préserve donc quand même, il faut le reconnaître, l'identité du policier. Je pense que je n'aurais pas signé ce projet de loi si on avait demandé le nom, même si, sur le fond, on devrait le porter. Je ne l'aurais pas signé, parce que je prends en compte les réticences des personnels, réticences avec lesquelles il faut composer. Et puis, après, c'est bien de voter une loi, mais il faut la faire passer.
En Romandie - pour revenir à l'exemple que je citais - les personnels se sont opposés au nom, ils ne se sont jamais opposés au matricule. C'était la solution de compromis qui avait été proposée par la hiérarchie et par les personnels. L'état-major à Berne voulait absolument imposer le nom et ne voulait pas de solution transitoire, soit celle du matricule. Dans les faits, cela voudrait dire que le garde-frontière genevois porterait son matricule. Mais bon, comme il n'en a pas la possibilité, il ne le fait pas et il ne porte pas non plus le nom. Donc on voit que les mentalités évoluent, car, il y a dix ans, ils n'auraient voulu ni de l'un ni de l'autre ! Cette évolution des mentalités est due aussi à l'instruction en matière de déontologie et d'éthique - qui fait partie de la formation des personnels - et à l'échange d'expériences.
On a parlé de «désescalade», ce qui est un thème très important en termes policiers, puisque chaque fois qu'on a un événement, notamment de maintien de l'ordre, on parle surtout de désescalade: il faut faire baisser la tension pour que les rapports entre le citoyen et le policier soient les plus sereins possible. Il n'y a pas de sérénité dans une relation entre les forces de l'ordre et vous, le citoyen, si vous êtes en position d'infériorité et que vous devez demander son nom à quelqu'un pour l'identifier; car vous savez très bien que vous risquez de subir une mesure de rétorsion, vous ne savez pas laquelle, et ça envenime les relations. Dans la très grande majorité des cas, le fait de connaître le nom permettra d'avoir une relation beaucoup moins conflictuelle, beaucoup plus sereine, et ça se passera généralement très bien; c'est en tout cas ce qu'on a enregistré quant aux expériences faites.
On m'a reproché d'avoir la mémoire courte par rapport à ce qui s'est passé au Tessin, où la femme d'un collègue qui était enceinte de jumeaux a été égorgée dans son appartement. Mais ce qui s'est passé là-bas est très révélateur: l'auteur, le commanditaire, a eu connaissance de l'identité de ce collègue - qui ne portait ni numéro de matricule ni son nom sur l'uniforme - tout simplement parce que, lorsque vous faites une dénonciation au tribunal, les noms figurent dans les rapports ! Si on était logique, on devrait - et ça, vous savez qu'on ne peut pas le faire - supprimer tous les noms de tous les rapports établis par les personnels de police - parce qu'à ce moment-là il faut être logique jusqu'au bout ! Et comme ce n'est pas possible... En effet, vous savez que, si l'on veut connaître votre identité, on le peut. Par exemple, je citerai le cas - c'était très clair aussi - d'une menace de mort contre un collègue. Il s'agissait d'une menace par téléphone: mon collègue est à son poste, il répond au téléphone - poste un tel, le grade, le nom... Oui, ce collègue a reçu une menace de mort ! Cela veut dire quoi ? Cela signifie que, demain, on va dire à tous nos personnels de ne plus s'identifier au téléphone. Donc, je comprends la position du conseiller d'Etat Moutinot, qui s'est engagé vis-à-vis des personnels. Je rappelle aussi qu'on dispose d'un article 2 qui stipule que le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi... Bon, il la fixera à l'année prochaine, ça ira très bien, et il aura respecté ses engagements, ce n'est pas un gros souci.
Sur le fond, je crois que ce qui nous a été proposé par les Verts, ce n'est pas l'enfer qui est pavé de bonnes intentions, il s'agit simplement de l'évolution de la société qui va dans tel sens... Comme je vous l'ai dit, je ne partageais pas l'avis des Verts au départ. Or il me semble, au fil des années, que c'est plutôt une bonne chose, même si je sais qu'il y a beaucoup de réticences. Et je vous le dis: dans ma corporation, le numéro de matricule est le compromis qui ne pose pas de problème, c'est simplement la hiérarchie qui ne le veut pas.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je me dois de corriger les propos de M. Catelain, qui fait une erreur majeure puisqu'il est garde-frontière et que les gardes-frontière n'ont pas la compétence de la police. Quand ils doivent arrêter quelqu'un... (Commentaires.) Quand ils doivent arrêter quelqu'un, ils doivent faire appel à la gendarmerie ! (Commentaires. Brouhaha.) Alors, que les douaniers, les gardes-frontière, aient un matricule, ce n'est pas le débat du moment.
Ensuite, j'aimerais relever que les propos de M. le conseiller d'Etat, pour une fois, sont cohérents, puisqu'il s'est engagé... (Un rire.) Oui ! Il s'est engagé auprès des gendarmes à ne pas leur imposer le matricule ! Et vous voyez, Mesdames et Messieurs de la gauche, quand vous présentez ce projet de loi et quand vous le défendez comme vous l'avez fait, on voit bien qu'il y a un problème de défiance à l'encontre de la gendarmerie. Et ce parlement, aujourd'hui, doit s'opposer à cela ! Parce qu'on aurait pu imaginer que vous alliez déposer un amendement prévoyant d'indiquer le nom, l'adresse, le conjoint, les enfants, et puis, en dessous, un carré qu'on pourrait interchanger: «Vais arrêter des dealers entre minuit et deux heures du matin aux Pâquis» ou «Me trouverai à l'angle de telle rue»... Non ! Il faut être un peu sérieux et respectueux ! Je conclurai en disant qu'il faut cesser, Mesdames et Messieurs de la gauche, de prendre les policiers pour des voyous, et les voyous pour des victimes !
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Je crois que les débats montrent qu'il faut absolument ne pas entrer en matière sur cette proposition d'amendement. Je crois aussi qu'il ne faut pas, Monsieur Wasmer, tenir des propos hypocrites, vouloir absolument confronter la population aux policiers et rendre cette situation plus difficile qu'elle est maintenant. On a entendu «transparence»; on a entendu «éthique»; on a entendu «exemplaire»; or je n'ai pas entendu de la part des députés, au cours de ces débats, d'exemples concrets où, éthiquement, il n'y a pas eu de transparence ! Je n'ai rien entendu de cela !
Par ailleurs, les partis de gauche, qui sont par essence les défenseurs des syndicats, là, n'écoutent pas beaucoup les syndicats de police ! Je constate. D'autre part, au nom de l'égalité de traitement, pourquoi ne pas, à ce moment-là, imposer à toute la fonction publique le port d'un matricule ?! Je ne pense pas qu'on doive être plus méfiant à l'égard d'un fonctionnaire de police qu'envers un fonctionnaire d'administration ! En outre, parmi les agents de sécurité privés, voit-on la trace d'un numéro de matricule ? Veut-on plus affaiblir la police que les agences de sécurité privées ?
Non, Mesdames Messieurs ! Comme je l'ai dit lors de ma première intervention, cette introduction fait partie d'un dialogue, d'une construction avec l'ensemble des syndicats - comme l'a relevé le président du département - de manière à pouvoir avancer dans la réorganisation annoncée par le Conseil d'Etat par rapport aux améliorations à apporter s'agissant de l'efficacité de la police. Je ne crois pas qu'il soit le moment de faire en sorte d'affaiblir le Conseil d'Etat dans sa démarche, alors qu'il a acquis, après des périodes difficiles, un climat de confiance et le rétablissement du dialogue avec les forces de police. Et la confiance entre les forces de l'ordre - le rétablissement de la confiance des forces de l'ordre - est un élément incontournable de la sécurité dans notre canton.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité ad interim. Très brièvement, j'aimerais juste rappeler que dans l'amendement de la majorité adopté en commission on dit que les fonctionnaires indiquent leur numéro de matricule «sur demande». Le fait d'inscrire «sur demande», c'est reconnaître qu'il y a un problème et, aussi, qu'il faut envisager cette inscription. Or c'est une «mesurette» ! C'est une demi-mesure ! Et je rappelle ce que j'ai dit tout à l'heure - quand on a parlé du commissaire à la déontologie et, aussi, des experts qui ont travaillé depuis des années pour la commission des visiteurs: l'absence du port de matricule rend particulièrement difficile le travail des instances chargées du contrôle des intervenants policiers. Pourquoi ? Parce qu'il y a aujourd'hui, on l'a lu dans les journaux, un policier qui est mis en cause dans une affaire - que je tairai ici, mais dont tout le monde est conscient. Eh bien, ce qu'on raconte de ce policier est peut-être faux ! Et s'il avait porté le rôle matricule, on saurait si ce qui se dit faux ou si c'est vrai. Donc c'est aussi, quelque part, une légitimation, un avantage pour les policiers.
Dans l'amendement que Mme Captyn nous a présenté tout à l'heure, on a bien repris «sauf si des circonstances exceptionnelles l'empêchent». Et ceci, qui se trouvait déjà dans le projet de loi, répond plus précisément à une interrogation de M. Cudré-Mauroux qui disait que certaines interventions ne s'y prêtent pas, comme celles du groupe d'intervention. Eh bien, cette phrase que nous avons voulu intégrer répond justement aux préoccupations de M. Cudré-Mauroux ! Cela veut dire qu'il y a des circonstances particulières - et on l'admet ! - où le numéro de matricule ne doit pas être porté par la gendarmerie, tout dépendant de la nature de l'intervention.
Donc vous voyez, on ne demande pas la «Revoluciòn» avec ce projet de loi, on demande tout simplement - et, on l'a relevé tout à l'heure: ce n'est pas de la méfiance, au contraire ! - une mesure qui vise à donner plus de transparence et à légitimer la police. (Applaudissements.)
M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, si les préoccupations de l'auteur de l'amendement sont de protéger la police, M. Moutinot nous a tout à fait convaincus, et en commission, et aujourd'hui, avec notamment - je ne reviens pas sur la main courante, tout le monde s'est exprimé là-dessus - les caméras vidéo dans les postes de police. Mesdames et Messieurs, je crois que ce n'est pas le bon moment d'introduire le matricule, le chef du département l'a dit. Et une parole est une parole ! Le chef du département a donné sa parole, on va le suivre, et je vous encourage à refuser cet amendement.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Juste encore une précision, Mesdames et Messieurs les députés: aujourd'hui, le problème qu'on a, ça n'est pas l'anonymat de policiers éventuellement coupables de violations des règles éthiques; ce qu'on a, c'est l'anonymat des dénonciations ! Et le jour où l'on arrivera à régler ce problème, il n'y en aura plus avec le numéro de matricule. Car aujourd'hui que dit-on sur la police dans certains milieux ? C'est: «On a recueilli des allégations de violences.» Alors je réponds: «Je n'admets pas ça, dites-moi qui !» On me réplique: «Ah, on ne peut pas, vous comprenez, ce sont nos méthodes de travail, mais on en a entendu assez pour en être certains.» Par conséquent, on est placés devant des accusations à la suite desquelles on ne peut pas enquêter; on ne sait pas qui l'a fait, ça met tout le monde en difficulté et évidemment, naturellement, ça braque le personnel de police qui dit: «C'est bien gentil ! Nous, on sait qui on est; nos dénonciateurs, on ne sait pas !» Alors, le jour où l'on n'aura plus de dénonciations anonymes, où l'on saura sur quoi ça porte, où l'on instruira et on permettra de condamner ceux qui auraient mal agi, et d'innocenter ceux qui ont bien agi, il n'y aura plus de problème de numéro matricule.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur cette modification de l'alinéa 1 de l'article 16: «L'uniforme sert de légitimation; il comporte un numéro de matricule clairement lisible, sauf si des circonstances exceptionnelles l'empêchent.» (Le vote électronique est lancé. Quelques instants s'écoulent. Brouhaha. Remarque.) Pardon ?
Une voix. Cela n'a pas marché !
Le président. Le vote n'a pas fonctionné ici ? Faut-il ajouter une voix pour ou une voix contre ? (Commentaires.) Ainsi, ce sera 46 non, 0 abstention et 34 oui. (Exclamations.) Alors ce sera 45 non, 0 abstention et 35 oui. C'est bien comme ça ? (Le résultat du vote est approuvé par Mme le sautier.) Très bien, je vous remercie Madame !
Cet amendement est rejeté par 45 non contre 35 oui.
Mis aux voix, l'article 16 est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 10120 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10120 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 43 oui contre 6 non et 29 abstentions.
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs, chers collègues, vous avez donc devant vous le premier wagon du train de projets de lois qui doit adapter notre législation à la fameuse réforme Justice 2011, à savoir à l'entrée en vigueur simultanée, au 1er janvier de l'année 2011 précisément, du code de procédure pénale suisse et du code de procédure civile suisse. Il existe déjà aujourd'hui dans notre législation une loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, bien entendu, mais ici, il s'agit d'une refonte complète de cette loi. C'est une loi extrêmement rébarbative - je crois que ça ne sert à rien de prétendre le contraire - notamment parce qu'elle contient une série interminable de normes attributives de compétences. Mais il y aussi, à côté de ces normes, un certain nombre de dispositions dans lesquelles la législation fédérale nous laisse une marge de manoeuvre et qui, par conséquent, peuvent donner lieu à des débats intéressants, voire parfois à des débats politiques intéressants.
J'aimerais vous citer deux ou trois exemples, même si je suis certain que vous en avez déjà découvert toute la saveur à la lecture du rapport. Je pense par exemple à la faculté pour les procureurs, donc les magistrats du ministère public, de déléguer à des collaborateurs scientifiques certains actes d'instruction, disposition qui a fait dépenser beaucoup de salive en commission et qui a abouti à une solution équilibrée. Je pense à la compétence pour les policiers d'exécuter des mesures de contrainte et à la nécessité, le cas échéant, de réserver certaines mesures les plus invasives à certains niveaux hiérarchiques. Je pense encore à l'organisation du service des contraventions, puisqu'on pourrait songer à première vue que l'organisation de ce service relève du Conseil d'Etat, de l'organisation de l'administration, et qu'un examen plus attentif nous montre qu'à partir du moment où les normes fédérales feront du service des contraventions une véritable autorité pénale, eh bien, se posent toutes sortes de problèmes extrêmement intéressants, notamment pour éviter de multiplier les frictions entre le département de tutelle et le pouvoir judiciaire. J'évoque sans l'évoquer, à titre de quatrième exemple, la question de l'avocat de la première heure et de l'organisation de la permanence qui sera censée fournir les avocats nécessaires pour répondre à ce nouveau droit prévu par le code de procédure pénale. Mais comme un amendement a été déposé sur ce sujet, nous aurons l'occasion d'en débattre plus largement tout à l'heure.
Je voudrais, Mesdames et Messieurs, au terme de cette courte introduction, vous signaler que ce qui peut apparaître comme un travail relativement anodin a nécessité néanmoins une vingtaine de séances de la part de la commission. Et j'aimerais rendre hommage ici à la présidente de cette commission, Mme Loly Bolay, pour son travail extrêmement précis, et rendre hommage au département. J'ai beaucoup vitupéré contre le département avant le dépôt des projets de lois, qui me semblait traînasser, et une fois que ces projets ont été déposés, eh bien, le département a fourni toute l'aide nécessaire à la commission pour qu'elle puisse réaliser ses travaux, et je l'en remercie. Et enfin, je voudrais remercier les commissaires membres de cette commission ad hoc, qui supportent avec stoïcisme des débats qui ne passionnent que les passionnés. Je vous recommande donc d'entrer en matière, puis ensuite d'adopter ce projet de loi.
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais, en tant que présidente de la commission ad hoc Justice 2011, en remercier tous ses membres, car on a tous travaillé d'arrache-pied. En effet, concernant le futur projet de loi qu'on a voté hier soir, très tard dans la nuit - et on y reviendra - nous y avons oeuvré durant une partie de notre été. C'est dire si les membres de la commission, tous partis confondus, ont pris la mesure de l'importance d'un travail en commun, de même que l'importance de défendre la refonte de toute cette structure: c'est un bouleversement pour les années à venir.
Je remercie bien évidemment le rapporteur pour son excellent rapport, de même que nos experts, pour les conseils qu'ils nous ont donnés. M. Sträuli et M. Scheidegger nous ont suivis et, tout au long de nos travaux, ils nous aidés par leurs réflexions et par leurs propositions très pertinentes. J'aimerais remercier tous les collaborateurs du service du Grand Conseil de l'aide précieuse qu'ils nous ont apportée et, bien entendu, remercier aussi le département des institutions.
Mesdames et Messieurs les députés, je relèverai quant à cette réforme du droit public - code de procédure civile, code de procédure pénale - que tous les cantons devront être prêts en 2011. C'est dire si l'on peut aujourd'hui - puisqu'on considérait au départ que Genève était à la traîne - s'enorgueillir de ce que Genève soit dans le peloton de tête des cantons qui ont su travailler bien et vite.
Il faut relever qu'avec ce code de procédure pénale la marge de manoeuvre des cantons est extrêmement étroite, le rapporteur l'a signalé; il y a quelques articles où l'on a pu discuter, ce sont des articles importants, comme ceux concernant la délégation des compétences ou, par exemple, concernant l'avocat de la première heure. Ma collègue présentera tout à l'heure un amendement concernant l'avocat de la première heure, parce que - et c'est encore heureux - les droits de la défense seront renforcés via cet outil. Il y a aussi des changements profonds par rapport à la collaboration qui sera beaucoup plus étroite entre la police et le ministère public, car les compétences du juge d'instruction - fonction qui disparaîtra, comme vous le savez, puisqu'il y aura un Parquet important - seront reprises soit par le ministère public, soit par le Tribunal des mesures de contrainte. Aussi les compétences des cantons sont-elles étroites; on a pu trouver des solutions grâce à un large consensus quant à toutes ces mesures.
Ce projet de loi reprend pour l'essentiel le code de procédure pénale suisse qui entrera en vigueur en 2011. Je le redis: je pense qu'il s'agit là d'un très bon travail et vous en remercie. Quand tous les groupes politiques prennent la mesure de l'importance de tels changements et que l'on travaille vraiment pour le bien commun, eh bien, on arrive à ce résultat: un résultat magnifique, dans des délais que personne n'osait espérer au départ ! Je vous remercie beaucoup !
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je me joins à ce concert d'éloges. Et il m'appartient de remercier les deux orateurs, la présidente de la commission Justice 2011, Loly Bolay, et le rapporteur perpétuel de ladite commission, Olivier Jornot, que je remercie aussi d'avoir reconnu que le département ne travaillait pas si mal. En effet, il fut un temps où, dans la matière, vous aviez adressé des critiques d'autant plus injustes que nous étions précisément à jour et qu'aujourd'hui Genève va pouvoir s'enorgueillir d'être dans le peloton de tête des cantons. Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un travail extrêmement important qui a été fourni d'une manière remarquable par votre commission, n'épargnant ni son temps ni ses efforts. Une fois encore, soyez assurés de la gratitude du Conseil d'Etat et, je pense, aussi de celle des magistrats et des justiciables qui, lorsqu'ils auront à utiliser ce nouveau code, ces nouvelles lois, verront à quel point les problèmes qu'il a fallu traiter l'ont été dans un souci de justice, de faciliter l'accès à la justice et dans un souci d'une organisation rationnelle des choses.
Mis aux voix, le projet de loi 10355 est adopté en premier débat par 49 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 8.
Le président. Madame Torracinta, vous avez la parole. (Remarque.) Plus tard ? Très bien. Nous poursuivons.
Mis aux voix, l'article 9 est adopté, de même que les articles 10 à 88.
Le président. Nous allons maintenant traiter les articles figurant sous l'article 89 souligné, intitulé «Modifications à d'autres lois». Comme à l'accoutumée, l'article souligné est mis aux voix après l'examen des articles qu'il chapeaute.
Mis aux voix, l'alinéa 1 (Loi concernant les membres des commissions officielles) est adopté, de même que les alinéas 2 (Loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes) à 12 (Loi instituant une Cour des comptes).
Le président. Nous sommes à la page 95 du rapport. Sous l'alinéa 13 «Loi sur la profession d'avocat», nous sommes saisis d'une demande d'amendement présentée par Mme Emery-Torracinta à l'article 8A «Permanence» (nouveau).
Mme Anne Emery-Torracinta (S). On a eu, comme ça, une liste d'articles qui ne vous paraissaient peut-être pas très intéressants. Il est vrai aussi que c'était très technique et qu'on a tous été d'accord, or il y a un point important - et je dirais: «plus que symboliquement important» - qui est celui de la permanence relative à l'avocat de la première heure. Alors, peut-être un petit élément d'explication: vous savez que, dans la procédure pénale unifiée qui va entrer en vigueur en 2011, on va assister à la disparition des juges d'instruction et à la constitution un ministère public renforcé. En effet, du début de la procédure jusqu'à la fin, c'est le Parquet, le ministère public, qui va avoir le rôle essentiel. Pour contrebalancer ce pouvoir extrêmement important du ministère public, le droit fédéral a prévu un certain nombre de mesures, dont notamment l'instauration de l'avocat de la première heure, c'est-à-dire que dès la première audition dans un poste de police le prévenu aura la possibilité, s'il le souhaite, de demander la présence d'un avocat. Vous imaginez bien les questions pratiques qui se posent: lorsqu'au milieu de la nuit, par exemple, et qu'il y a pas mal d'arrestations, si plusieurs prévenus, disons plusieurs personnes qui ont été arrêtées - ce ne sont peut-être pas encore des prévenus - demandent la présence d'un avocat, cela va poser un certain nombre de problèmes. D'où la nécessité de mettre en place une permanence.
J'aimerais aussi vous dire - avant de préciser certains points - que cette notion d'avocat de la première heure est quelque chose qui a été demandé à la Suisse par un certain nombre d'organismes internationaux comme le Comité des droits de l'homme de l'ONU, le Comité contre la torture de l'ONU ou le Conseil de l'Europe pour la prévention de la torture. C'est donc quelque chose de nécessaire, et le Conseil fédéral s'était, auprès de ces organismes internationaux, engagé à profiter de la modification de notre code de procédure pénale pour instaurer l'avocat de la première heure et une permanence à cet effet. Or que constate-t-on au bout du compte, au niveau du travail de la commission ? La commission - contrairement d'ailleurs à tout ce que les textes fédéraux proposaient - a limité cette permanence aux personnes qui seraient prévenues d'une infraction grave. Là ça pose des problèmes ! En effet, qu'est-ce qu'une infraction grave ? Au fond, on enlève un droit à la personne qui a été arrêtée. Si elle souhaite avoir un avocat et que, tout simplement, faute d'avocat présent à la permanence - parce que, précisément, on ne garde que les infractions graves - elle ne peut pas en obtenir un, eh bien, la personne ne sera peut-être pas défendue comme elle le désire. J'aimerais ajouter que d'autres cantons comme Vaud et le Valais - des cantons qui nous sont proches géographiquement et, aussi, souvent par leurs habitudes politiques - ont développé une permanence d'avocats beaucoup plus importante. Ce qui a gêné la minorité de la commission, c'est qu'elle a eu le sentiment que cela était quand même très corporatiste. Il y a eu des réactions de membres du barreau dans la commission, qui consistaient à dire: «Je n'ai pas envie de me lever pour quelqu'un qui a trop bu, puis qui doit pisser dans un gobelet» ou de telles choses. J'ai trouvé cela d'autant plus gênant que nous avons fait une fleur à ces mêmes membres de la corporation des avocats en améliorant la rétribution - la façon d'être rétribué - des gens qui seront commis d'office et en acceptant que les avocats qui seront de permanence au milieu de la nuit bénéficient d'une rémunération de 50% plus élevée. On a donc fait un effort en faveur de cette profession. On aimerait aussi, en échange, que les avocats fassent un effort pour les justiciables.
Mme Mathilde Captyn (Ve). J'aimerais juste dire que, pour exactement les mêmes raisons évoquées par ma préopinante, Mme Emery-Torracinta, les Verts voteront en faveur de cet amendement.
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Jornot, voulez-vous intervenir maintenant ?
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite en effet pouvoir présenter l'avis de la majorité de la commission à ce stade des débats sur cette question extrêmement intéressante, puisqu'elle se greffe sur l'une des avancées les plus importantes du nouveau code fédéral. Il y a beaucoup de reculs aussi par rapport à la législation genevoise actuelle, mais là, il y a une avancée considérable qui est celle de permettre la présence des avocats dès la première audition menée par la police, selon l'article 159 du code de procédure pénale suisse. La commission a voué énormément de soin à cette question, d'abord en ayant des débats extrêmement intéressants sur le sens qu'il fallait donner à la disposition du droit fédéral, parce que, dans le fond, il fallait être bien au clair sur ce qu'elle signifie, à savoir qu'elle donne un droit au prévenu de faire appel à un avocat. On parle toujours de «son défenseur» dans la norme, mais elle ne lui donne en revanche absolument pas le droit d'exiger de l'Etat qu'il lui fabrique un avocat quand il n'en a pas, ce qui signifie en d'autres termes qu'on est ici non pas dans un débat sur la question de savoir comment concrétiser une disposition du droit fédéral, mais dans un débat qui porte sur la question de savoir quelle prestation supplémentaire l'Etat de Genève entend faire pour, en quelque sorte, favoriser l'application de cette norme fédérale.
Alors, je suis un peu surpris d'entendre Mme Emery-Torracinta. Parce qu'aujourd'hui, ce que vivent les prévenus dans la réalité qui est celle de notre code cantonal, c'est celle, bien entendu, de ne pas pouvoir être assisté pendant l'audition par la police. Mais ensuite, nous avons un code de procédure qui stipule, de la même manière que ce futur article 159 du code de procédure pénale suisse, que, lorsqu'il est déféré devant le juge d'instruction, le prévenu peut être assisté de son défenseur. Mais s'il n'en a pas, Mesdames et Messieurs, et qu'il demande un avocat d'office, et que la demande part en courrier B vers l'avocat en question, il s'écoule trois ou quatre jours entre le moment où la personne comparaît pour la première fois - et où elle a probablement fait des aveux complets - et celle où, pour la première fois, elle est assistée de son défenseur. Et je n'ai entendu personne dans cette république, depuis que j'exerce le noble métier d'avocat, s'offusquer de cette situation et suggérer qu'on crée une permanence destinée à faire en sorte de pouvoir fournir des avocats devant les juges d'instruction ! Ça n'existe pas, on a vécu avec cela jusqu'à présent, sans trop de difficultés. Alors aujourd'hui, nous avons la chance, dans le cadre du projet de loi du Conseil d'Etat, d'avoir une prestation de l'Etat qui est envisagée précisément pour fournir un avocat de permanence. Et toute la question, c'est de savoir quelle est la mesure que l'on veut donner à cette prestation de l'Etat.
Si on fait un petit tour d'horizon de la situation envisagée dans les cantons, c'est vrai que Vaud et Valais ont choisi des permanences sur le modèle proposé par Mme Emery-Torracinta, c'est vrai aussi qu'ils n'ont pas forcément la même situation que notre canton en termes d'activité des autorités pénales. Mais je relève que d'autres cantons - Saint-Gall, le Tessin, Bâle-Campagne - ont décidé de ne pas créer de permanence et de laisser finalement la profession s'organiser pour fournir cette prestation. C'est aussi la solution zurichoise, dans laquelle on considère que, dans le fond, l'Ordre des avocats du coin - si je puis m'exprimer ainsi - fournit les avocats nécessaires pour l'exécution d'une permanence. Autrement dit, il y a un très vaste choix et une large palette de solutions envisageables.
Lorsque nous avons entendu l'Ordre des avocats, nous avons découvert ce que signifierait une permanence du type de celle qui est proposée dans l'amendement. C'est vingt arrestations par jour, cela multiplié par deux heures, multiplié par le nombre de jours dans une année, et c'est donc 14 600 heures de prestation à fournir avec une évaluation à plus de 4 millions rien que pour le coût de couverture des honoraires. Lorsque nous avons entendu le président de la commission du barreau, il s'est livré à une petite estimation: il y a à Genève 1200 avocats dont 120 peuvent prétendre être spécialisés en droit pénal. Si l'on compte un volontaire sur trois, on arrive à 40. Et 40 volontaires pour 40 heures de travail par jour, vous voyez d'emblée où se situe le problème; ça ne peut pas fonctionner. Il s'agissait donc de trouver le moyen pour la commission de trouver le bon calibre. Elle s'est posé la question de savoir si elle pouvait suggérer que cette permanence serve à répondre aux cas dits de «défense obligatoire», selon l'article 131 du code de procédure pénale suisse. Cette solution n'a pas paru satisfaisante parce que ça revenait quasiment à dire «tout le monde». Et puis, elle s'est demandé ensuite, sur suggestion du département - dont je fais encore une fois l'éloge, Monsieur le conseiller d'Etat - si on ne pouvait pas faire référence à l'article 307 du code de procédure pénale qui se réfère aux cas graves et qui présente l'intérêt d'être une disposition qui permet aux cantons de définir librement ce qu'ils considèrent comme des cas graves. Et cette disposition permet de cadrer l'objectif. En effet, il n'est pas nécessaire d'avoir des dizaines d'avocats qui passent la nuit à la caserne des Vernets pour être prêts à sauter sur leur scooter afin de se rendre dans les postes de police du canton, ce n'est pas le but de cette permanence. Cette permanence, elle doit permettre dans les cas sérieux d'offrir une défense sérieuse dès la première heure d'audition par la police, et c'est ce que permettra la solution retenue par la commission. Cette solution a été acceptée par l'ensemble des partis sauf le parti socialiste et les Verts, mais je crois très sérieusement que c'est une bonne solution.
Et je voudrais dire, puisqu'on parlait de corporatisme, que toute solution qui met en place une permanence d'Etat favorise le corporatisme. Parce que le meilleur moyen de favoriser la profession, c'est de ne rien prévoir et de laisser les jeunes avocats talentueux s'organiser. Moi je suis certain que, dès 2011, on aura des études d'avocats qui fourniront cette prestation comme un plus, qui se diront atteignables 24h/24, qui seront prêtes avec des avocats de permanence qui seront spécialisés en droit pénal et qui pourront donc assumer cette prestation. Et je suis certain que c'est ce dynamisme-là qui permettra aux prévenus d'être le mieux défendus. Je vous invite donc à rejeter cet amendement.
Mme Nathalie Fontanet (L). Au vu de l'exhaustivité des propos de M. Jornot, je ne vous cache pas qu'il m'est plutôt difficile d'avoir quelque chose de plus à ajouter. La seule chose que je vais peut-être indiquer maintenant, c'est que, vraiment, on s'est interrogés sur la faisabilité d'une permanence plus lourde, comme le demande l'amendement. Et on s'est rendu compte, assez rapidement, qu'il s'agissait d'une vraie usine à gaz ! Que cela n'était tout simplement pas possible ! Que, si lors de l'instruction le prévenu n'avait pas la possibilité d'avoir son avocat - parce qu'il n'y en avait pas d'immédiatement disponible - et qu'il conservait toujours la possibilité de dire: «Eh bien, écoutez, je refuse de parler, j'attends d'être assisté d'un avocat», il en irait de même lors d'une arrestation. Et que, ainsi, le fait qu'un avocat ne soit pas disponible pour chaque prévenu qui serait interpellé ne consistait pas en une atteinte aux droits de la défense. Mesdames et Messieurs, je vous encourage à voter le rapport tel qu'il est sorti des travaux de la commission.
Mme Michèle Ducret (R). Sans reprendre les arguments qui viennent d'être développés, et fort bien, par le rapporteur de majorité... le rapporteur tout court, qu'est-ce que je dis ?! Je voudrais simplement insister sur le fait que la proposition socialiste entraînerait des complications absolument inouïes. On a vu qu'il s'agit de vingt arrestations par jour, mais jour et nuit; ça implique donc une organisation impeccable, que je ne peux pas imaginer confier à qui que ce soit, ni à l'Etat, ni à une autre institution. Et cela reviendrait à des coûts qui me semblent totalement disproportionnés avec l'intérêt de la cause. Par conséquent, vous l'aurez compris, je vous encourage à voter le texte de loi tel qu'il est ressorti des travaux de la commission.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs, je peux vous assurer qu'en commission, lors de l'étude de ce projet de loi, on a vraiment consulté toutes les parties, tous les partenaires possibles, en ce qui concerne cette permanence des avocats. Et l'on s'est rendu compte que la machine serait beaucoup trop lourde en ayant recours à un avocat de la première heure lors de toutes les auditions. De plus, comme il l'a été mentionné, cela représenterait un coût vraiment très élevé pour les finances publiques. D'autre part, il faut relever aussi avec le fait que les policiers devraient patienter peut-être vingt minutes, trente minutes, avant de pouvoir commencer leur audition, et cela a aussi un coût.
Et puis, lorsque je lis cet amendement, «...peuvent être tenus d'assurer un service de permanence...», je regrette ! Et s'ils ne le veulent pas ? Est-ce que vous avez prévu des sanctions ? Qu'entendez-vous faire: les rayer du barreau parce qu'ils ne veulent pas être contraints de se rendre peut-être à la caserne des Vernets, comme l'a dit M. Jornot, pour assurer cette mission ? Non, moi je pense qu'on est encore libre, lorsqu'on exerce une profession privée, de vouloir assurer une permanence. Alors vous direz qu'il y a les médecins, qui sont aussi tenus à certaines permanences... Mais je pense que dans la situation qui nous occupe cela relève carrément de la sécurité, de la santé publique, et puis, ce n'est pas le même débat.
Je pense aussi que ce qu'on a décidé en commission est en faveur de toutes les personnes: il y a une égalité de traitement par rapport à tous ceux qui commettent une infraction grave, car ils auront la possibilité d'obtenir un avocat d'office. Là, même si un libre choix est encore possible, les personnes qui sont prévenues de délits graves seront toutes mises sur le même pied d'égalité, c'est à dire: délit grave, privation de liberté, etc. C'est pourquoi il me semble que ce qu'on a décidé en commission est largement suffisant pour réaliser ce qui nous est demandé dans le code unifié.
M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'essaierai d'être très bref. Il y a une chose sur laquelle je ne suis pas d'accord avec le rapporteur: quand un juge d'instruction envoie une convocation l'après-midi pour une audience qui a eu lieu la veille, on ne peut pas dire que les droits de l'inculpé soient préservés. Or ces situations sont rarissimes, et il est vrai que, comme avocat, on arrive toujours à remonter la pente en contestant, le cas échéant, les actes d'instruction, s'ils n'ont pas été effectués contradictoirement.
Cela étant, au niveau de la police - comme l'a dit excellemment M. Jornot - c'est un plus qu'on apporte par la procédure fédérale. Et aujourd'hui on voit mal qu'il y ait une permanence d'avocats toute la nuit, pour défendre le soûlot qui a eu un accident de circulation, pour défendre celui qui a volé un autoradio dans une voiture, et qu'on mobilise - comme l'a relevé M. Jornot tout aussi bien - des avocats pour près de 14 000 heures par année. Le rapporteur l'a dit d'une manière tout aussi pertinente, puisqu'il est avocat - comme moi, d'ailleurs, depuis trente ans bientôt - c'est que malheureusement... (Commentaires.) Bon, moi depuis trente ans, lui un peu moins ! Ce que je voulais dire, c'est qu'aujourd'hui - M. Jornot l'a dit - on a peut-être quarante, voire soixante pénalistes à Genève, étant souligné que tous les autres font du droit des successions, du droit des sociétés, et que toutes ces personnes qui ne font pas de droit pénal ne sont - comme dirait M. de La Palice - pas versées dans le droit pénal. On imagine donc mal mobiliser - parfois toute une nuit - des avocats qui ne connaissent pas le domaine du droit pénal, pour défendre les intérêts d'un automobiliste qui aura causé un accident, pour défendre des délits mineurs, alors même que c'est dans le cadre de délits majeurs que l'on a besoin d'un conseil, étant souligné déjà - comme M. Jornot l'a indiqué excellemment - qu'un avocat sera de toute façon présent lors de l'instruction, si l'inculpé le souhaite.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de rejeter l'amendement socialiste, étant donné qu'il est impossible à mettre en oeuvre pour des raisons matérielles d'abord et que, deuxièmement, il n'apportera strictement rien sur le plan du droit ! Je vous remercie.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, l'amendement de Mme Emery-Torracinta pose une seule question: faut-il que tous les prévenus puissent bénéficier d'un avocat de la première heure ou seulement ceux impliqués dans des cas graves ? Je soutiens l'amendement de Mme Emery-Torracinta, en utilisant l'argument que M. le rapporteur Jornot vient de nous servir. M. Jornot dit, et c'est vrai: «Dans ce nouveau système il y aura, dès le 1er janvier 2011, des études d'avocats dynamiques qui vont faire du pénal et qui vont fournir cette prestation.» Je suis d'accord avec lui. Or, que dit l'article ? Il dit: «A défaut de volontaires». Par conséquent, si l'on suit M. Jornot, il y aura suffisamment de monde et on n'aura jamais besoin d'appliquer cette disposition. Mais à supposer que, par malheur, il n'y ait pas assez de volontaires, faut-il avoir alors un système pour éviter tout simplement que de malheureux prévenus comparaissent hors de la présence d'un avocat auquel ils ont droit ? Parce que dans les deux cas, Monsieur Jornot, c'est le même système. Dans les deux cas, c'est «à défaut» qu'il y ait suffisamment d'avocats, et c'est exclusivement pour les prévenus qui en font la demande ! Monsieur le député Wasmer, en général, les soûlots n'appellent pas un avocat, parce qu'ils ne tiennent pas forcément à ce que tout le monde sache le triste état dans lequel ils étaient; donc, ce n'est pas eux qui vont nous mobiliser à la suite d'infractions. Il y a un risque aussi, Mesdames et Messieurs les députés, si l'on doit à un moment donné faire un tri - et je ne sais pas qui l'effectuera - à dire: «Mon cher ami, vous êtes dans une affaire grave» ou «dans une affaire pas grave»... En effet, on a souvent vu des affaires qui commençaient très fortement se dégonfler fortement ! On a aussi vu des arrestations pour un délit mineur finir par mettre en évidence des délits majeurs. Par conséquent - et sans qu'il n'y ait aucun risque quelconque vis-à-vis de l'organisation, puisque c'est le même système que celui que la majorité de la commission a prévu - je soutiens l'amendement socialiste.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur cette demande d'amendement modifiant l'article 8A «Permanence» (nouveau): 1 «A défaut de volontaires en nombre suffisant, les avocats inscrits au registre cantonal peuvent être tenus d'assurer un service de permanence, destiné à offrir aux prévenus arrêtés provisoirement par la police et qui en font la demande, la possibilité d'être assistés d'un défenseur (art. 159 et 217 à 219 du code de procédure pénale suisse, du 5 octobre 2007).»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 35 non contre 29 oui.
Mis aux voix, l'alinéa 13 (Loi sur la profession d'avocat, du 26 avril 2002 - E 6 10) est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'une demande d'un nouvel alinéa 13bis concernant la loi sur la profession d'avocat. Monsieur Jornot, je vous laisse la parole.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Il s'agit en effet d'une petite modification de la loi sur la profession d'avocat, ou plus exactement de la modification qui a été votée récemment par ce parlement en vue d'instituer l'école de l'avocature, pour rendre les deux lois votées cohérentes l'une avec l'autre.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je lis cet amendement: «Art. 89 (souligné), alinéa 13 bis (nouveau): La loi sur la profession d'avocat (LPAv) (E 6 10 - 10426), du 6 avril 2002, est modifiée comme suit: Art. 33 (nouvelle teneur): 1 L'avocat stagiaire ne peut faire des actes de procédure et d'instruction, se présenter ou plaider au civil, au pénal et en matière administrative qu'au nom et sous la responsabilité de l'avocat chez lequel il accomplit son stage. Dans le cadre de procédures portant sur des contraventions, il jouit, sur le plan cantonal, des mêmes droits que les avocats. 2 Il ne peut être nommé d'office que s'il a réussi l'examen validant la formation approfondie.»
Mis aux voix, cet amendement (création d'un alinéa 13bis relatif à la loi sur la profession d'avocat - LPAv - E 6 10 - 10426, du 25 juin 2009) est adopté par 55 oui (unanimité des votants).
Le président. A l'article 89 (souligné), alinéa 14, Monsieur Jornot, vous avez... (Remarque.) Excusez-moi, je dois poursuivre, paraît-il. C'est un peu compliqué !
Nous passons à l'alinéa 14 de la loi sur la police du 26 octobre 1957 (F 1 05).
Voici une nouvelle demande d'amendement: «Art. 89 (souligné), alinéa 14: La loi sur la police (LPol) (F 1 05), du 26 octobre 1957, est modifiée comme suit: Section 2 Mesures d'éloignement (nouvelle, «remplace le chapitre IVA,» à insérer avant l'actuel art. 22A). Monsieur Jornot, je vous laisse la parole.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Il s'agit d'une modification purement cosmétique des titres et chapitres de la loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons nous prononcer sur cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement (modification du titre de section) est adopté par 58 oui (unanimité des votants).
Le président. A l'article 22D «Droit à une décision (nouveau)», nous avons une demande d'amendement de la part de Mme Captyn. Cela concerne également l'alinéa 14, relatif à la loi sur la police. Madame Captyn, je vous laisse la parole.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit simplement d'un amendement qui vise à ne pas restreindre les plaintes qui pourraient être déposées au sujet d'interventions policières. L'ensemble de la commission était en faveur de cet amendement.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Pour cadrer les choses: nous avions dans notre code de procédure des dispositions qui instituaient une voie spéciale pour se plaindre des interventions de la police; nous l'avons récupérée désormais dans la loi sur la police. Et puis, à juste titre, la question s'est posée - récemment, raison pour laquelle c'est sous la forme d'un amendement - de savoir si cette façon de faire ne serait pas trop restrictive par rapport à l'ensemble des interventions de la police. Mme Captyn a donc suggéré cette modification, à laquelle le rapporteur se rallie volontiers.
Le président. Merci, Monsieur le député. Voici l'amendement, toujours sous l'article 89 (souligné), alinéa 14 relatif à la loi sur la police: Art. 22D, al. 1 (nouvelle teneur): 1 Toute intervention de la police, sauf si elle est soumise au code de procédure pénale suisse, du 5 octobre 2007, peut faire l'objet d'une demande de décision écrite.»
Mis aux voix, cet amendement (modification de l'art. 22D, al.1 - nouvelle teneur) est adopté par 60 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'alinéa 14 (Loi sur la police) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'alinéa 15 (Loi sur les agents de la police municipale, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes) est adopté, de même que l'alinéa 16 (Loi sur l'organisation et le personnel de la prison).
Le président. A l'alinéa 17, Loi sur le séjour et l'établissement des Confédérés, nous sommes saisis d'une demande d'amendement de M Jornot. Je lui laisse la parole.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Tant pour l'alinéa 17 que pour l'alinéa 20 - ce qui m'évitera une intervention - il s'agit de modifications techniques de lois déjà votées, pour faire référence au nouveau code de procédure pénale suisse et non plus à notre loi genevoise.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons nous prononcer sur cet amendement. Le voici: «Article 89 (souligné), alinéa 17 (nouvelle teneur): La loi sur le séjour et l'établissement des Confédérés (LSEC) (F 2 05 - 10046), du 28 août 2008, est modifiée comme suit: Art. 12, al. 3 (nouvelle teneur): 3 L'article 357 du code de procédure pénale suisse, du 5 octobre 2007, s'applique.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 60 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'alinéa 17 (Loi sur le séjour et l'établissement des Confédérés) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'alinéa 18 (Loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers) est adopté, de même que l'alinéa 19 (Loi concernant le contrôle de la population).
Le président. Nous sommes saisis par M. Jornot d'une demande d'un nouvel alinéa 20 relatif à la loi d'application de la loi fédérale sur l'harmonisation des registres des habitants et d'autres registres officiels de personnes. Si cet amendement est accepté, cela changera la numérotation des autres alinéas. Monsieur Jornot, je vous passe la parole.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, Monsieur le président, c'est la même chose qu'à l'alinéa 17.
Le président. Très bien, Monsieur le député. Voici cet amendement: «Article 89 (souligné), alinéa 20 (nouveau, les al. 20 à 42 devenant 21 à 43): 20 La loi d'application de la loi fédérale sur l'harmonisation des registres des habitants et d'autres registres officiels de personnes (LaLHR) (F 2 25 - 10379), du 3 avril 2009, est modifiée comme suit: Art. 11, al. 3 (nouvelle teneur): L'article 357 du code de procédure pénale suisse, du 5 octobre 2007, s'applique.»
Mis aux voix cet amendement est adopté par 57 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'alinéa 20 (Loi d'application de la loi fédérale sur l'harmonisation des registres des habitants et d'autres registres officiels de personnes) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'alinéa 21 (loi d'application des dispositions fédérales sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir) est adopté, de même que les alinéas 22 (Loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière) à 43 (Loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens).
Mis aux voix, l'article 89 (souligné) est adopté.
Le président. Le troisième débat est demandé.
Troisième débat
La loi 10355 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10355 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Je lève la séance, nous reprenons nos travaux à 14h15. Bon appétit !
La séance est levée à 12h10.