République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1737-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Anne-Marie von Arx-Vernon, Béatrice Hirsch Aellen, Mario Cavaleri, François Gillet, Guy Mettan, Véronique Schmied, Luc Barthassat, Michel Forni, Pascal Pétroz, Guillaume Barazzone, Jacques Baudit, Jean-Claude Ducrot : Dignité ! pour donner la possibilité aux personnes frappées de NEM (Non Entrée en Matière) d'exercer une activité d'intérêt général
Rapport de majorité de M. Ivan Slatkine (L)
Rapport de minorité de Mme Mathilde Captyn (Ve)

Débat

Le président. M. Slatkine, rapporteur de majorité, ne demandant pas la parole, je rappelle que la majorité de la commission préconise de refuser cette motion. Que celles et ceux qui... (Protestations.) Je vois que Mme Anne Emery-Torracinta demande la parole, de même que Mme Captyn, rapporteuse de minorité. Madame Captyn, voulez-vous intervenir ?

Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de minorité. Monsieur le président...

Une voix. C'est quel point ?

Le président. Le point 19 de l'ordre du jour !

Mme Mathilde Captyn. C'est la motion 1737... Excusez-moi, Monsieur le président, je pensais que nous allions d'abord traiter le projet de loi ASM !

Le président. Je vous laisse la parole, Madame Captyn !

Mme Mathilde Captyn. J'avais effectivement préparé une petite intervention pour relater les travaux de la commission des affaires sociales où, une fois de plus, nous nous sommes fâchés... Forcément, les points de vue s'affrontent, et c'est bien normal. Au sujet de cette motion, il y a ceux qui pensent que tout va bien dans le meilleur des mondes et ceux qui estiment que la situation est inacceptable. Mais, vous comprendrez que les personnes frappées de non-entrée en matière, qui se retrouvent bloquées dans un pays, rattachées à un centre d'hébergement pendant plusieurs mois, parfois des années, en attendant d'être renvoyées à une réalité qu'elles ont fui, de surcroît sans travailler, puissent avoir le moral en berne. Il y a ceux qui pensent que ce problème n'en est pas un et ceux qui souhaiteraient que ces personnes puissent au moins avoir une activité d'intérêt général.

La minorité de la commission - deux socialistes, deux Verts et un PDC - a estimé que le débat n'était pas clos; elle aurait souhaité auditionner les motionnaires. Permettre aux personnes frappées de non-entrée en matière d'exercer une activité rémunérée est la seule manière sensée de lutter efficacement contre une partie des infractions pénales constatées, même si le pourcentage est, certes, très faible. Cela permettrait surtout de prévenir d'éventuels problèmes de santé physique et psychique dus à une situation difficile, latente, qui dure souvent beaucoup trop longtemps.

Nous ne pouvons donc que regretter le désintérêt, voire le déni dont a fait preuve la majorité de la commission des affaires sociales, et nous vous engageons vivement à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je ferai deux brèves remarques par rapport à cette motion. Tout d'abord, je reviendrai sur la façon dont la commission des affaires sociales a travaillé... Une fois de plus - et je le déplore vivement, parce que ça devient une très vilaine habitude - la majorité de la commission a refusé de procéder à des auditions, en se réfugiant derrière la phrase: «Circulez, il n'y a rien à voir !». Je trouve cela quelque peu regrettable. En l'occurrence, il s'agit d'une motion, mais cela devient aussi une habitude pour des projets de lois qui peuvent être importants, même si cela concerne peu de monde. Et je souhaiterais... (Commentaires.) Merci de me laisser parler, s'il vous plaît ! ...parfois que la majorité de ce parlement essaie d'imaginer ce que cela représente d'être très minoritaire dans ce parlement et qu'elle ait un peu de plus de respect ! Au cas où vous ne sauriez pas comment faire, essayez d'imaginer, Monsieur Slatkine, que vous soyez conseiller municipal en Ville de Genève - et que les rôles soient inversés... Ça, c'était pour la forme !

Je voudrais également faire une remarque extrêmement importante sur le fond. On oublie trop souvent que les personnes déboutées de l'asile ou frappées de non-entrée en matière se trouvent bloquées pendant des mois, voire des années à Genève, en n'ayant strictement rien à faire. Le département a répondu qu'il n'était pas nécessaire de traiter le problème, puisqu'il existe des travaux d'utilité communautaire... Mais il faut savoir, Mesdames et Messieurs, que ces travaux représentent un minimum de vingt heures de travail par semaine pour 50 francs par mois, ce qui, vous l'avouerez, n'est pas vraiment un encouragement au travail !

Voilà, je m'arrête là, parce que ma collègue, Mme Lydia Schneider Hausser, doit également prendre la parole.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Lydia Schneider Hausser, à qui il reste deux minutes trente.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Nous sommes ici dans un champ d'ombre quelque peu schizophrénique du système d'asile... Bien sûr, normalement, ces personnes ne devraient légalement pas être là ou devraient quitter notre territoire le plus rapidement possible. Mais la réalité est bien différente. Même si les départs sont organisés régulièrement, il reste toujours un certain nombre de personnes - entre 80 et 100 - qui restent à Genève pendant de longues périodes, comme Mme Torracinta l'a déjà dit.

Une minorité - peut-être - de cette population jeune n'a jamais eu de problèmes avec la justice. Certes, ces personnes ont tenté le tout pour le tout pour venir en Suisse et elles ont demandé l'asile de manière maladroite. Les travaux d'utilité communautaire - les TUC - sont une bonne chose pour ces personnes, mais cela ne concerne que celles qui ont déjà une culture du travail, et la participation est faible. Malheureusement, la majorité de cette population pose actuellement, c'est vrai, des problèmes de délinquance, voire des condamnations à des peines de prison. Mais, attention: ne nous trompons pas de cible ! Les responsables, les véritables dealers ne se trouvent pas au foyer du Lagnon où résident les personnes frappées de non-entrée en matière. Ce sont souvent des jeunes qui sont les petites mains, les instruments d'un juteux marché de la drogue.

L'expulsion de ces personnes est une chose; la recherche du moyen de rompre ce cercle infernal, le réseau maffieux et de corruption, en est une autre ! Et c'est peut-être à cela que le travail sur cette motion aurait pu servir. La justice et le procureur de notre république doivent s'employer à arrêter les gros bonnets de la drogue, or cette motion représentait certainement une opportunité de trouver une solution à la situation de ces personnes frappées de non-entrée en matière et qui sont en partance. Peut-être pour influencer dans le bon sens leur avenir - à travers d'autres moyens que les TUC - et éviter ainsi qu'ils ne reviennent à maintes reprises, porteurs de cocaïne, dans notre république.

Voilà, Mesdames et Messieurs, pourquoi nous demandons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Sébastien Brunny (MCG). La Suisse est et doit rester une terre d'accueil. Mais que penser de la motion 1737, qui part, certes, d'un sentiment humaniste, mais délivre un message déformé aux personnes frappées de non-entrée en matière ? En effet, ladite motion suscitera de faux espoirs chez ces personnes qui ne peuvent résider chez nous pour différents motifs.

De plus, que penser des personnes qui séjournent légalement chez nous ou, tout simplement, de nos compatriotes suisses qui, malgré des recherches fastidieuses, n'ont plus de travail ? Cet acquis social, qui s'appelle «le travail», n'est plus un dû, et le phénomène de la perte d'un emploi, suivi de la précarité, va en s'accentuant avec la crise économique. Cette dernière est en train de toucher Genève ainsi que la Suisse de plein fouet.

Et puis, nous autres députés, nous ne devons pas oublier que la majorité du peuple suisse a plébiscité une loi fédérale plus contraignante à l'égard des personnes frappées de non-entrée en matière. De ce fait, le groupe MCG, désirant respecter la volonté populaire, ne soutiendra pas cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le député ! La parole est à M. Stauffer, à qui il reste deux minutes cinquante.

M. Eric Stauffer (MCG). Je serai très bref. Je trouve incroyable que l'on puisse déposer ce genre de motion dans notre parlement ! En effet, non seulement elle est contraire au droit supérieur - comme l'a indiqué mon collègue - mais, pire encore, elle est contraire à la volonté populaire, puisqu'il y a eu une votation à ce sujet.

Alors, je veux bien que le groupe PDC nous propose des textes parlementaires pour que l'on offre des places d'apprentissage aux clandestins, pour qu'on leur donne toutes les aides sociales que Genève peut distribuer et que l'on instruise leurs enfants, mais, là, vous allez trop loin ! Vous allez trop loin, parce qu'il faut savoir que ces personnes viennent chez nous en prétendant être persécutées - si c'était vrai, la Suisse les accueillerait ! - dans leur pays, ce qui est effectivement très grave, et qu'elles jettent leur passeport volontairement.

En réalité, ces personnes sont des réfugiés économiques ! Donc, il faut tenir compte de la législation. Vous ne pouvez pas, Mesdames et Messieurs du PDC, vous contenter de tenir des propos humanistes ! Si vous voulez les aider, investissez, faites des dons ! Par exemple, de vos jetons de présence, pour les actions humanitaires en Afrique, dans ces pays qui produisent des pseudo-réfugiés politiques ! Mais vous n'avez pas le droit, au sens de la législation, de proposer des textes parlementaires...

Une voix féminine. Mais on a tous les droits !

M. Eric Stauffer. Pff ! ...aussi peu percutants et aussi... (L'orateur s'interrompt.) Vous voyez, je n'ai même pas les mots pour qualifier votre texte ! (Rires.) Ça m'arrive ! Ce que je veux dire, c'est qu'il est véritablement tout à fait inadmissible de faire une telle proposition !

Et quand on affirme que ces personnes frappées de non-entrée en matière génèrent de la criminalité à Genève, c'est une réalité ! Comme je vous l'ai indiqué hier soir, j'ai pu - avec l'accord de notre conseiller d'Etat, Laurent Moutinot - passer une nuit avec la task force de la police de sûreté... Nous sommes allés effectuer des visites domiciliaires chez ces pseudo-réfugiés... Eh bien, nous avons retrouvé dans un centre de requérants d'asile proche de l'ONU des balances électroniques pour faire des boulettes de cocaïne, des liasses de billets, j'en passe et des meilleures ! Et vous, vous voulez défendre leur droit de travailler ! Mais ces gens ne veulent pas travailler: ils veulent simplement utiliser notre système ! Et c'est proprement scandaleux de proposer de tels torchons devant ce parlement !

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Cette motion n'a évidemment pas reçu l'accueil que les démocrates chrétiens espéraient... Car, bien sûr, il nous semblait possible de dénoncer les situations invivables des personnes frappées de non-entrée en matière qui restent à Genève et, surtout, de mettre en place des mesures pour éviter que ces personnes, qui se trouvent dans des zones grises, des zones noires, des zones qui conduisent à toutes les délinquances, ne dérivent. Et les maffias sont embusquées pour récupérer ces personnes qui sont dans une grande fragilité.

Mais, bien sûr, Monsieur le président, les NEM ne votent pas ! C'est embêtant, n'est-ce pas ? En effet, s'ils votaient, peut-être que l'on n'entendrait pas dire: «Circulez, y'a rien à voir !» Quoi qu'il en soit, ce sont des êtres humains, et l'on ne peut pas faire comme s'ils n'étaient pas là, on ne peut pas faire comme s'ils n'existaient pas ! Dans notre société, on n'enferme pas les personnes qui nous dérangent: on doit prendre tous les êtres humains en considération. Et, surtout, en tant que démocrates chrétiens, nous devons avoir de l'humanité, et cette dernière nous concerne tous, Monsieur le président !

Nous avons été absolument navrés que cette motion soit balayée de cette manière, mais nous pouvons comprendre que le Conseil d'Etat dise que la première invite est déjà remplie. (Commentaires.) Effectivement, il n'y en a qu'une ! Elle peut sembler remplie, mais il est certain que ce n'est pas en offrant 50 francs par mois pour des travaux d'utilité communautaire que ces personnes vont échapper à la délinquance et résister aux tentations multiples ! Ces personnes deviennent des marchandises; elles sont facilement utilisées, ce qui est insupportable !

Par conséquent, je me permets de proposer un amendement, Monsieur le président, consistant en une nouvelle invite adressée au Conseil d'Etat: «à renforcer les TUC avec des indemnités incitatives (modèle Ville de Zurich) afin de réduire les risques de délinquance.» En effet, Zurich fait parfois très bien les choses, et, en l'occurrence, des mesures ont été prises qui ont permis de faire baisser la délinquance de manière tout à fait significative. C'est donc un excellent modèle. Nous avons regretté de ne pas pouvoir procéder à des auditions lors des travaux de la commission, mais nous avons trouvé le modèle de la Ville de Zurich extrêmement intéressant. Par conséquent, nous aimerions que le Conseil d'Etat s'en inspire, afin de réduire les risques de délinquance.

Je propose donc formellement cet amendement, Monsieur le président, et je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir l'accepter et de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Pierre Weiss (L). Voilà un exemple parfait d'un moment que nous pourrions occuper autrement ! (Exclamations.) Non pas que la motion n'est pas intéressante, mais parce qu'elle a déjà reçu réponse ! Le Conseil d'Etat a en effet répondu à l'invite de la motion, puisqu'il a expliqué qu'un dispositif était mis en oeuvre, qui permettait d'aller en direction de ce que souhaitent les motionnaires.

Mais j'aimerais faire deux autres remarques. Premièrement, je pense que, dans les considérants, les motionnaires - probablement, à leur corps défendant - renforcent l'apriori - il a été exprimé par certains et, personnellement, je le trouve particulièrement nauséabond - selon lequel les requérants d'asile frappés d'une non-entrée en matière ont des comportements de délinquants. Et, précisément, en disant que le fait de ne pas avoir de dispositif va inciter les requérants à se comporter de manière illégale, on donne, si j'ose dire, du foin pour les ânes... qui se précipitent sur celui-ci pour le recracher...

Deuxième chose que je tiens à dire: la proposition faite par Mme von Arx ne prend pas en considération la lettre du Conseil d'Etat, qui figure en page 6 du rapport rédigé par M. Slatkine. Cette lettre indique deux choses que chacun d'entre nous doit connaître avant de prendre une décision.

Tout d'abord, les prestations d'aide d'urgence ont été établies dans un certain but et il convient de ne pas contrecarrer le but en question. Et ce but est précisément d'éviter que les personnes n'en bénéficient durablement... Alors, on peut y être favorable, on peut y être opposé, mais si on veut que la loi soit efficace, il convient de ne pas en dévier trop vite. Ensuite, des travaux d'utilité communautaire ont été mis en place, qui prévoient une rémunération - symbolique, peut-être, mais une rémunération tout de même - à hauteur de 50 F par jour...

Des voix. Par mois !

M. Pierre Weiss. Pardon, 50 F par mois ! (Commentaires.) C'est pour cette raison que j'ai parlé de «rémunération symbolique»: ma langue a fourché ! Cette rémunération existant, il convient d'en rester à l'aspect symbolique, à la reconnaissance, et à faire en sorte que la loi soit efficace, afin que les personnes concernées n'essayent pas de la contourner en n'en retenant pas l'esprit et en pensant que la lettre doit être modifiée.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que dans ce domaine comme dans d'autres, il convient d'avoir une conception ferme de l'esprit de droit. On ne peut pas vitupérer les employeurs qui ne respectent pas la loi en embauchant des personnes au noir, les Etats étrangers, qui nous empêcheraient de mettre en oeuvre les normes de notre Etat de droit, et, tout à coup, pour des raisons certes bonnes - mais chacun a de bonnes raisons de vouloir agir dans un sens ou dans un autre - proposer de ne pas respecter notre législation en matière d'asile !

Ce que je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, c'est d'avoir de la cohérence ! Dans la mesure où notre législation est en vigueur, il ne faut pas en dévier !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Borgeaud, qui dispose de deux minutes.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Merci, Monsieur le président ! Quelque chose me dérange dans cette motion... J'avais demandé à l'époque s'il n'était pas possible de condamner nos jeunes à des travaux d'intérêt général plutôt que de les mettre en prison. Il m'a clairement été répondu par la négative, en expliquant qu'il n'était pas possible de fournir des éducateurs et des surveillants en nombre suffisant... Alors, je ne vois pas pourquoi il faudrait aider les personnes frappées d'une non-entrée en matière si on ne peut pas d'abord aider nos propres jeunes ! Tout le monde trouve scandaleux qu'on les emprisonne et qu'il faut les aider. En effet, il me semble que les condamner à des travaux d'intérêt général serait une meilleure façon de leur faire prendre conscience de la gravité de leurs actes. Et il ne serait pas normal que, dans notre république, nous n'aidions pas nos jeunes, mais que nous donnions cette possibilité à des personnes qui se trouvent sur notre sol et qui demandent l'asile - pour des raisons politiques ou des raisons économiques, peu importe. Il faut d'abord aider notre population. Et, avant d'aider les autres, il faut commencer par balayer devant sa porte !

En ce qui me concerne, je ne soutiendrai pas cette motion.

M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes en train de nous préoccuper des soixante personnes qui, à Genève, n'ont pas pris la décision de quitter le territoire - comme le veut pourtant le droit fédéral, largement approuvé en votation populaire - alors que devant notre porte la crise enfle: une crise économique, une crise bancaire également, crise à laquelle nous n'avons même pas consacré un moment de notre session plénière entre hier et aujourd'hui.

Je vous rappelle que la répartition des demandeurs d'asile est basée sur le critère de la population des cantons respectifs. Genève, grosso modo, en accueille 5%. Il en est arrivé 20 000 l'année dernière, ce qui veut dire que Genève devra en héberger 1000 pendant la durée de la procédure. Pour les NEM, c'est la même clé de répartition qui s'applique, c'est dire que Genève en a reçu plusieurs centaines en 2008.

Ces personnes, qui ont parcouru des milliers de kilomètres dans des conditions plus que difficiles, sont d'abord les victimes des réseaux qui pratiquent la traite d'êtres humains. C'est bien de cela qu'il s'agit: ce sont des personnes qui ont été bernées, à qui l'on a fait croire à l'existence de l'Eldorado, et, finalement, elles découvrent l'enfer. Nous devrions donc plutôt nous attacher à lutter contre ces réseaux, d'autant que - vous le savez très bien - ces personnes doivent le plus souvent rembourser le ticket aller simple. Il me semble donc illusoire d'imaginer que ces personnes, qui ont parcouru des milliers de kilomètres, soient venues en Europe pour accomplir des TUC !

Et puis, en réalité, la notion de TUC est un abus de langage ! Ce n'est rien d'autre qu'un TIG ! C'est-à-dire un travail d'intérêt général, qui est, je vous le rappelle, une sanction pénale ! Par conséquent, ce que vous proposez aux NEM, c'est une sanction pénale: un travail d'intérêt général que l'on impose à une personne qui a commis une infraction pénale ! Et, vous le savez, en matière pénale, les peines peuvent s'effectuer par un travail d'intérêt général, par une contravention ou par la prison. Donc, rien que pour cet abus de langage, nous devrions refuser cette motion !

D'autre part, je rappelle que, depuis le 12 décembre dernier, la Suisse a intégré l'espace Schengen... Et, si le service de la population fait son travail correctement, certaines des personnes frappées de non-entrée en matière seront reprises dans le système SIS Schengen et l'on se rendra compte qu'elles sont en infraction en vertu de l'article 96 de la Convention d'application de Schengen, à savoir qu'elles sont interdites d'entrée dans l'espace Schengen. Et le devoir de la Suisse par rapport à ses engagements internationaux - pour lesquels vous avez largement milité en 2005 - c'est de renvoyer les personnes qui sont enregistrées sur la base de cet article 96.

Le président. Monsieur le député, vous devez conclure !

M. Gilbert Catelain. Je rappelle aussi qu'au centre du Lagnon il a été proposé aux personnes frappées de NEM d'accomplir ces fameux TUC liés à l'entretien de leur centre d'hébergement, mais, malheureusement, elles ont refusé.

Le président. Monsieur le député, votre temps de parole est épuisé !

M. Gilbert Catelain. Donc, cette motion, c'est du vent, et nous vous invitons à la refuser !

Mme Patricia Läser (R). Je ferai un retour en arrière. Déposée le 23 janvier 2007, cette motion a été étudiée un an après à la commission sociale, soit le 22 janvier 2008.

Entre-temps, et un jour seulement après le dépôt de la motion, le département nous a expliqué que le Conseil d'Etat avait déjà appliqué l'invite de cette motion, puisque, le 1er février 2007, la mesure donnant la possibilité aux NEM d'effectuer des travaux d'utilité communautaire était entrée en vigueur. Même si le parti radical est très attaché aux demandes d'audition, il nous a paru, à ce moment-là, inutile d'auditionner les motionnaires ou qui que ce soit d'autre, puisque l'invite de la motion était déjà concrétisée depuis plus d'un an. C'est la raison pour laquelle le parti radical s'est opposé aux auditions demandées. Et, aujourd'hui, étant donné que le parti à l'origine de la motion n'a pas souhaité la retirer, nous vous demandons simplement de la refuser.

Mme Michèle Künzler (Ve). Il faut vraiment revenir à la base s'agissant de cette motion. Quel est le problème ? Il y a effectivement des personnes qui résident sur notre territoire et qui ne devraient pas y être; mais elles y sont quand même ! Maintenant, que faire d'autre que d'accepter cette situation ? C'est vrai que certaines personnes ne peuvent pas être renvoyées... Il faut tout de même savoir que les conditions appliquées aux personnes frappées de non-entrée en matière - appelées «NEM» - ont été établies pour des séjours qui ne devraient pas excéder deux semaines à un mois. Il est tout à fait concevable, pour ce laps de temps, de loger ces personnes dans un endroit sommaire et vétuste, comme le foyer du Lagnon. Même si les conditions sont médiocres, des plateaux-repas y sont distribués comme dans les avions - mais ils ne sont pas du tout appétissants, les plats sont sous vide... Je vous conseille d'aller constater de visu.

Le problème, c'est que certaines personnes sont là depuis plus de trois ans et qu'elles ne peuvent pas partir ! En fait, elles sont dans une situation difficile et précaire: leur logement est sommaire et les repas sont inacceptables à long terme. De plus, ces personnes n'ont aucune activité et n'ont pas le droit d'en avoir, sauf, comme M. Weiss l'a dit, pour une rémunération extrêmement symbolique... Il pensait que c'était 50 F par jour, mais, je le rappelle, il s'agit d'une rémunération de 50 F par mois ! Il faut bien reconnaître que ce n'est pas très stimulant !

En fait, il faut que nous envisagions le problème d'une manière plus pragmatique. Nous devons penser qu'il vaudrait mieux que ces personnes, souvent des hommes jeunes, puissent travailler, s'intégrer, suivre une formation - qui pourra leur servir plus tard - plutôt que de les maintenir dans des situations impossibles. Ces personnes sont entre deux lieux: elles ne sont pas vraiment chez nous; elles ne sont pas chez elles et elles ne peuvent aller nulle part. Si ces personnes ne partent pas, malgré les conditions dans lesquelles elles vivent, c'est bien que ce n'est pas possible ! Je pense donc qu'il faut proposer une autre alternative aux 50 ou 100 personnes qui sont à Genève depuis plus de trois ans.

Je vous demande donc d'accepter cette motion, avec l'amendement proposé par le groupe PDC.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme von Arx-Vernon, à qui il reste une minute.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Merci, Monsieur le président. Je serai très brève. C'est facile de dire qu'ils n'ont qu'à pas être là, ou qu'il n'y a qu'à les renvoyer... On a bien vu qu'avec les «yakas», ça ne marchait pas !

Maintenant, la proposition du Conseil d'Etat était tout à fait honorable. Seulement, la rémunération de 50 F par mois n'est pas suffisante pour faire baisser la délinquance, pour éviter de dealer, de se prostituer, de ne pas être la proie des maffias. Si tel était le cas, cela se saurait ! Grâce à la remarque de Mme Läser, on se rend compte qu'une année est passée depuis l'entrée en vigueur des travaux d'utilité communautaire, or l'intérêt porté à ces mesures n'a pas augmenté de façon significative ! Et ceux qui dénoncent ces personnes - qui sont effectivement des délinquants ou en voie de le devenir - seraient les premières à être tout à fait d'accord de les voir travailler, enlever les tags, nettoyer les lieux publics. Et personne ne leur en voudrait, à ces jeunes ou à ces moins jeunes, d'être là ! Ce que nous demandons est extrêmement cohérent. Cela n'a rien d'irréaliste, c'est seulement humain ! En acceptant cet amendement, nous faisons passer le message que nous ne sommes pas d'accord que des gens peu scrupuleux exploitent cette misère humaine et les récupèrent pour en faire de la marchandise !

Voilà, Monsieur le président, ce que nous proposons avec cet amendement, qui est au demeurant fort modeste. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir l'accepter ainsi que la motion.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Slatkine. Monsieur Weiss, vous avez épuisé le temps de parole de votre parti...

Une voix. Oh non !

M. Ivan Slatkine (L), rapporteur de majorité. Je crois que tout a été dit... Cette motion a été déposée il y a deux ans, mais le lendemain du dépôt de cette motion l'invite a été concrétisée par le Conseil d'Etat. J'ai entendu certains députés intervenir et reprocher à la majorité de la commission sociale d'avoir refusé de procéder à des auditions... Dans la mesure où l'invite de cette motion est réalisée par le Conseil d'Etat, on ne va tout de même pas passer trois ou quatre séances de commission pour des auditions qui sont devenues totalement inutiles ! (L'orateur est interpellé.) Eh bien, il faut vérifier ! Cela a été fait: les chiffres nous sont fournis. Le département nous donne toutes les informations nécessaires.

Il est quand même assez amusant de penser que nous faisons aujourd'hui une session «spéciale motions» dans l'espoir d'avancer dans notre ordre du jour... Or, il est 17h03 et, finalement, nous n'aurons traité qu'un seul objet. Nous avons entamé des débats qui sortent du sujet de la motion en tant que telle, en tout cas de son invite. On ne peut que regretter que le groupe à l'origine de cette motion n'ait pas la lucidité de la retirer, alors que l'invite a déjà été réalisée par le Conseil d'Etat. Si ce groupe a d'autres demandes à formuler, eh bien, qu'il dépose un autre texte ! On ne présente pas à la dernière minute, en séance plénière, deux ans après le dépôt d'une motion, un amendement qui, en fin de compte, n'apporte pas grand-chose !

Dans ce sens, je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de suivre le rapport de majorité et de rejeter cette motion, comme il se doit.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme Captyn. Il vous reste deux minutes, Madame !

Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Je voulais simplement dire ceci: effectivement, l'invite de cette présente motion a été appliquée par le Conseil d'Etat, mais il se trouve que l'amendement proposé va plus loin et qu'il n'a donc pas pu être mis en oeuvre. Il s'agit de renforcer, par des indemnités incitatives, les activités offertes aux requérants d'asile frappés d'une non-entrée en matière.

C'est pourquoi je vous invite vivement à accepter cet amendement, car il faut que la situation de ces personnes s'améliore.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement proposé par Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Il consiste en une invite nouvelle: «à renforcer les TUC avec des indemnités incitatives (modèle Ville de Zurich) afin de réduire les risques de délinquance».

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 38 oui contre 36 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Mise aux voix, la motion 1737 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 41 oui contre 40 non. (Applaudissements et exclamations à l'annonce du résultat.)

Motion 1737

Le président. Il s'en est fallu de peu que je doive trancher ! Nous avons traité une seule motion, ce qui n'est pas beaucoup... (Brouhaha.)

Comme nous l'avions dit hier... (Brouhaha.) Silence, s'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.) J'attends que le calme soit revenu ! (Le président agite la cloche.) Merci ! Mesdames et Messieurs les députés, nous allons reprendre nos travaux sur le projet de loi 10178 concernant les agents de la police municipale, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes.