République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 16h30, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.

Assistent à la séance: MM. François Longchamp, Laurent Moutinot, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Claude Aubert, Guillaume Barazzone, Gabriel Barrillier, Caroline Bartl Winterhalter, Fabiano Forte, Morgane Gauthier, Philippe Guénat, Janine Hagmann, Yves Nidegger, Jean Rossiaud et Louis Serex, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

Interpellations urgentes écrites

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:

Interpellation urgente écrite de M. Frédéric Hohl : Les taxis genevois pris au piège des embouteillages et des routes fermées : le Conseil d'Etat est-il prêt à autoriser la circulation sur les voies des véhicules des TPG (voies mixtes) (IUE 725)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Bertinat : Générosité disproportionnée du Conseil d'Etat (IUE 726)

Interpellation urgente écrite de Mme Anne Mahrer : L'ancienne école de chimie rate le 450e anniversaire de l'Université (IUE 727)

Interpellation urgente écrite de Mme Sandra Borgeaud : Appartement de 5 pièces à 50 F (IUE 728)

Interpellation urgente écrite de M. Mario Cavaleri : Chantier du TCOB et perturbation du trafic : ouvrons provisoirement le Pont des Bergues pour les services d'urgence, les véhicules de livraison et aux taxis (IUE 729)

Interpellation urgente écrite de Mme Béatrice Hirsch : Cacade des allocations familiales : Le Conseil d'Etat entend-il mettre en application ses engagements en matière de simplification des démarches administratives ? (IUE 730)

Interpellation urgente écrite de M. Jean-Claude Ducrot demandant au Conseil d'Etat s'il est prévu de mettre en place aux Vergers des PLQ intégrant les hauts standards énergétiques et le pourcentage supplémentaire prévu dans la LGZD (IUE 731)

Interpellation urgente écrite de M. François Gillet : De trop nombreuses familles privées d'allocations familiales ou d'allocations de formation professionnelles en ce début d'année 2009 ! N'aurait-on pas pu l'éviter ? (IUE 732)

Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Nature des gaz utilisés lors de la manif anti-WEF (IUE 733)

Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Au sujet de la campagne : Dieu n'existe pas, cesse de t'en faire, profite de la vie ! (IUE 734)

Interpellation urgente écrite de M. Claude Jeanneret : Nouveau budget pour le CEVA (IUE 735)

IUE 725 IUE 726 IUE 727 IUE 728 IUE 729 IUE 730 IUE 731 IUE 732 IUE 733 IUE 734 IUE 735

Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante.

Mesdames et Messieurs les députés, nous allons traiter les motions jusqu'à 17h. Nous commençons par la motion 1737, point 19 de notre ordre du jour.

M 1737-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Anne-Marie von Arx-Vernon, Béatrice Hirsch Aellen, Mario Cavaleri, François Gillet, Guy Mettan, Véronique Schmied, Luc Barthassat, Michel Forni, Pascal Pétroz, Guillaume Barazzone, Jacques Baudit, Jean-Claude Ducrot : Dignité ! pour donner la possibilité aux personnes frappées de NEM (Non Entrée en Matière) d'exercer une activité d'intérêt général
Rapport de majorité de M. Ivan Slatkine (L)
Rapport de minorité de Mme Mathilde Captyn (Ve)

Débat

Le président. M. Slatkine, rapporteur de majorité, ne demandant pas la parole, je rappelle que la majorité de la commission préconise de refuser cette motion. Que celles et ceux qui... (Protestations.) Je vois que Mme Anne Emery-Torracinta demande la parole, de même que Mme Captyn, rapporteuse de minorité. Madame Captyn, voulez-vous intervenir ?

Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de minorité. Monsieur le président...

Une voix. C'est quel point ?

Le président. Le point 19 de l'ordre du jour !

Mme Mathilde Captyn. C'est la motion 1737... Excusez-moi, Monsieur le président, je pensais que nous allions d'abord traiter le projet de loi ASM !

Le président. Je vous laisse la parole, Madame Captyn !

Mme Mathilde Captyn. J'avais effectivement préparé une petite intervention pour relater les travaux de la commission des affaires sociales où, une fois de plus, nous nous sommes fâchés... Forcément, les points de vue s'affrontent, et c'est bien normal. Au sujet de cette motion, il y a ceux qui pensent que tout va bien dans le meilleur des mondes et ceux qui estiment que la situation est inacceptable. Mais, vous comprendrez que les personnes frappées de non-entrée en matière, qui se retrouvent bloquées dans un pays, rattachées à un centre d'hébergement pendant plusieurs mois, parfois des années, en attendant d'être renvoyées à une réalité qu'elles ont fui, de surcroît sans travailler, puissent avoir le moral en berne. Il y a ceux qui pensent que ce problème n'en est pas un et ceux qui souhaiteraient que ces personnes puissent au moins avoir une activité d'intérêt général.

La minorité de la commission - deux socialistes, deux Verts et un PDC - a estimé que le débat n'était pas clos; elle aurait souhaité auditionner les motionnaires. Permettre aux personnes frappées de non-entrée en matière d'exercer une activité rémunérée est la seule manière sensée de lutter efficacement contre une partie des infractions pénales constatées, même si le pourcentage est, certes, très faible. Cela permettrait surtout de prévenir d'éventuels problèmes de santé physique et psychique dus à une situation difficile, latente, qui dure souvent beaucoup trop longtemps.

Nous ne pouvons donc que regretter le désintérêt, voire le déni dont a fait preuve la majorité de la commission des affaires sociales, et nous vous engageons vivement à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je ferai deux brèves remarques par rapport à cette motion. Tout d'abord, je reviendrai sur la façon dont la commission des affaires sociales a travaillé... Une fois de plus - et je le déplore vivement, parce que ça devient une très vilaine habitude - la majorité de la commission a refusé de procéder à des auditions, en se réfugiant derrière la phrase: «Circulez, il n'y a rien à voir !». Je trouve cela quelque peu regrettable. En l'occurrence, il s'agit d'une motion, mais cela devient aussi une habitude pour des projets de lois qui peuvent être importants, même si cela concerne peu de monde. Et je souhaiterais... (Commentaires.) Merci de me laisser parler, s'il vous plaît ! ...parfois que la majorité de ce parlement essaie d'imaginer ce que cela représente d'être très minoritaire dans ce parlement et qu'elle ait un peu de plus de respect ! Au cas où vous ne sauriez pas comment faire, essayez d'imaginer, Monsieur Slatkine, que vous soyez conseiller municipal en Ville de Genève - et que les rôles soient inversés... Ça, c'était pour la forme !

Je voudrais également faire une remarque extrêmement importante sur le fond. On oublie trop souvent que les personnes déboutées de l'asile ou frappées de non-entrée en matière se trouvent bloquées pendant des mois, voire des années à Genève, en n'ayant strictement rien à faire. Le département a répondu qu'il n'était pas nécessaire de traiter le problème, puisqu'il existe des travaux d'utilité communautaire... Mais il faut savoir, Mesdames et Messieurs, que ces travaux représentent un minimum de vingt heures de travail par semaine pour 50 francs par mois, ce qui, vous l'avouerez, n'est pas vraiment un encouragement au travail !

Voilà, je m'arrête là, parce que ma collègue, Mme Lydia Schneider Hausser, doit également prendre la parole.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Lydia Schneider Hausser, à qui il reste deux minutes trente.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Nous sommes ici dans un champ d'ombre quelque peu schizophrénique du système d'asile... Bien sûr, normalement, ces personnes ne devraient légalement pas être là ou devraient quitter notre territoire le plus rapidement possible. Mais la réalité est bien différente. Même si les départs sont organisés régulièrement, il reste toujours un certain nombre de personnes - entre 80 et 100 - qui restent à Genève pendant de longues périodes, comme Mme Torracinta l'a déjà dit.

Une minorité - peut-être - de cette population jeune n'a jamais eu de problèmes avec la justice. Certes, ces personnes ont tenté le tout pour le tout pour venir en Suisse et elles ont demandé l'asile de manière maladroite. Les travaux d'utilité communautaire - les TUC - sont une bonne chose pour ces personnes, mais cela ne concerne que celles qui ont déjà une culture du travail, et la participation est faible. Malheureusement, la majorité de cette population pose actuellement, c'est vrai, des problèmes de délinquance, voire des condamnations à des peines de prison. Mais, attention: ne nous trompons pas de cible ! Les responsables, les véritables dealers ne se trouvent pas au foyer du Lagnon où résident les personnes frappées de non-entrée en matière. Ce sont souvent des jeunes qui sont les petites mains, les instruments d'un juteux marché de la drogue.

L'expulsion de ces personnes est une chose; la recherche du moyen de rompre ce cercle infernal, le réseau maffieux et de corruption, en est une autre ! Et c'est peut-être à cela que le travail sur cette motion aurait pu servir. La justice et le procureur de notre république doivent s'employer à arrêter les gros bonnets de la drogue, or cette motion représentait certainement une opportunité de trouver une solution à la situation de ces personnes frappées de non-entrée en matière et qui sont en partance. Peut-être pour influencer dans le bon sens leur avenir - à travers d'autres moyens que les TUC - et éviter ainsi qu'ils ne reviennent à maintes reprises, porteurs de cocaïne, dans notre république.

Voilà, Mesdames et Messieurs, pourquoi nous demandons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Sébastien Brunny (MCG). La Suisse est et doit rester une terre d'accueil. Mais que penser de la motion 1737, qui part, certes, d'un sentiment humaniste, mais délivre un message déformé aux personnes frappées de non-entrée en matière ? En effet, ladite motion suscitera de faux espoirs chez ces personnes qui ne peuvent résider chez nous pour différents motifs.

De plus, que penser des personnes qui séjournent légalement chez nous ou, tout simplement, de nos compatriotes suisses qui, malgré des recherches fastidieuses, n'ont plus de travail ? Cet acquis social, qui s'appelle «le travail», n'est plus un dû, et le phénomène de la perte d'un emploi, suivi de la précarité, va en s'accentuant avec la crise économique. Cette dernière est en train de toucher Genève ainsi que la Suisse de plein fouet.

Et puis, nous autres députés, nous ne devons pas oublier que la majorité du peuple suisse a plébiscité une loi fédérale plus contraignante à l'égard des personnes frappées de non-entrée en matière. De ce fait, le groupe MCG, désirant respecter la volonté populaire, ne soutiendra pas cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le député ! La parole est à M. Stauffer, à qui il reste deux minutes cinquante.

M. Eric Stauffer (MCG). Je serai très bref. Je trouve incroyable que l'on puisse déposer ce genre de motion dans notre parlement ! En effet, non seulement elle est contraire au droit supérieur - comme l'a indiqué mon collègue - mais, pire encore, elle est contraire à la volonté populaire, puisqu'il y a eu une votation à ce sujet.

Alors, je veux bien que le groupe PDC nous propose des textes parlementaires pour que l'on offre des places d'apprentissage aux clandestins, pour qu'on leur donne toutes les aides sociales que Genève peut distribuer et que l'on instruise leurs enfants, mais, là, vous allez trop loin ! Vous allez trop loin, parce qu'il faut savoir que ces personnes viennent chez nous en prétendant être persécutées - si c'était vrai, la Suisse les accueillerait ! - dans leur pays, ce qui est effectivement très grave, et qu'elles jettent leur passeport volontairement.

En réalité, ces personnes sont des réfugiés économiques ! Donc, il faut tenir compte de la législation. Vous ne pouvez pas, Mesdames et Messieurs du PDC, vous contenter de tenir des propos humanistes ! Si vous voulez les aider, investissez, faites des dons ! Par exemple, de vos jetons de présence, pour les actions humanitaires en Afrique, dans ces pays qui produisent des pseudo-réfugiés politiques ! Mais vous n'avez pas le droit, au sens de la législation, de proposer des textes parlementaires...

Une voix féminine. Mais on a tous les droits !

M. Eric Stauffer. Pff ! ...aussi peu percutants et aussi... (L'orateur s'interrompt.) Vous voyez, je n'ai même pas les mots pour qualifier votre texte ! (Rires.) Ça m'arrive ! Ce que je veux dire, c'est qu'il est véritablement tout à fait inadmissible de faire une telle proposition !

Et quand on affirme que ces personnes frappées de non-entrée en matière génèrent de la criminalité à Genève, c'est une réalité ! Comme je vous l'ai indiqué hier soir, j'ai pu - avec l'accord de notre conseiller d'Etat, Laurent Moutinot - passer une nuit avec la task force de la police de sûreté... Nous sommes allés effectuer des visites domiciliaires chez ces pseudo-réfugiés... Eh bien, nous avons retrouvé dans un centre de requérants d'asile proche de l'ONU des balances électroniques pour faire des boulettes de cocaïne, des liasses de billets, j'en passe et des meilleures ! Et vous, vous voulez défendre leur droit de travailler ! Mais ces gens ne veulent pas travailler: ils veulent simplement utiliser notre système ! Et c'est proprement scandaleux de proposer de tels torchons devant ce parlement !

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Cette motion n'a évidemment pas reçu l'accueil que les démocrates chrétiens espéraient... Car, bien sûr, il nous semblait possible de dénoncer les situations invivables des personnes frappées de non-entrée en matière qui restent à Genève et, surtout, de mettre en place des mesures pour éviter que ces personnes, qui se trouvent dans des zones grises, des zones noires, des zones qui conduisent à toutes les délinquances, ne dérivent. Et les maffias sont embusquées pour récupérer ces personnes qui sont dans une grande fragilité.

Mais, bien sûr, Monsieur le président, les NEM ne votent pas ! C'est embêtant, n'est-ce pas ? En effet, s'ils votaient, peut-être que l'on n'entendrait pas dire: «Circulez, y'a rien à voir !» Quoi qu'il en soit, ce sont des êtres humains, et l'on ne peut pas faire comme s'ils n'étaient pas là, on ne peut pas faire comme s'ils n'existaient pas ! Dans notre société, on n'enferme pas les personnes qui nous dérangent: on doit prendre tous les êtres humains en considération. Et, surtout, en tant que démocrates chrétiens, nous devons avoir de l'humanité, et cette dernière nous concerne tous, Monsieur le président !

Nous avons été absolument navrés que cette motion soit balayée de cette manière, mais nous pouvons comprendre que le Conseil d'Etat dise que la première invite est déjà remplie. (Commentaires.) Effectivement, il n'y en a qu'une ! Elle peut sembler remplie, mais il est certain que ce n'est pas en offrant 50 francs par mois pour des travaux d'utilité communautaire que ces personnes vont échapper à la délinquance et résister aux tentations multiples ! Ces personnes deviennent des marchandises; elles sont facilement utilisées, ce qui est insupportable !

Par conséquent, je me permets de proposer un amendement, Monsieur le président, consistant en une nouvelle invite adressée au Conseil d'Etat: «à renforcer les TUC avec des indemnités incitatives (modèle Ville de Zurich) afin de réduire les risques de délinquance.» En effet, Zurich fait parfois très bien les choses, et, en l'occurrence, des mesures ont été prises qui ont permis de faire baisser la délinquance de manière tout à fait significative. C'est donc un excellent modèle. Nous avons regretté de ne pas pouvoir procéder à des auditions lors des travaux de la commission, mais nous avons trouvé le modèle de la Ville de Zurich extrêmement intéressant. Par conséquent, nous aimerions que le Conseil d'Etat s'en inspire, afin de réduire les risques de délinquance.

Je propose donc formellement cet amendement, Monsieur le président, et je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir l'accepter et de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Pierre Weiss (L). Voilà un exemple parfait d'un moment que nous pourrions occuper autrement ! (Exclamations.) Non pas que la motion n'est pas intéressante, mais parce qu'elle a déjà reçu réponse ! Le Conseil d'Etat a en effet répondu à l'invite de la motion, puisqu'il a expliqué qu'un dispositif était mis en oeuvre, qui permettait d'aller en direction de ce que souhaitent les motionnaires.

Mais j'aimerais faire deux autres remarques. Premièrement, je pense que, dans les considérants, les motionnaires - probablement, à leur corps défendant - renforcent l'apriori - il a été exprimé par certains et, personnellement, je le trouve particulièrement nauséabond - selon lequel les requérants d'asile frappés d'une non-entrée en matière ont des comportements de délinquants. Et, précisément, en disant que le fait de ne pas avoir de dispositif va inciter les requérants à se comporter de manière illégale, on donne, si j'ose dire, du foin pour les ânes... qui se précipitent sur celui-ci pour le recracher...

Deuxième chose que je tiens à dire: la proposition faite par Mme von Arx ne prend pas en considération la lettre du Conseil d'Etat, qui figure en page 6 du rapport rédigé par M. Slatkine. Cette lettre indique deux choses que chacun d'entre nous doit connaître avant de prendre une décision.

Tout d'abord, les prestations d'aide d'urgence ont été établies dans un certain but et il convient de ne pas contrecarrer le but en question. Et ce but est précisément d'éviter que les personnes n'en bénéficient durablement... Alors, on peut y être favorable, on peut y être opposé, mais si on veut que la loi soit efficace, il convient de ne pas en dévier trop vite. Ensuite, des travaux d'utilité communautaire ont été mis en place, qui prévoient une rémunération - symbolique, peut-être, mais une rémunération tout de même - à hauteur de 50 F par jour...

Des voix. Par mois !

M. Pierre Weiss. Pardon, 50 F par mois ! (Commentaires.) C'est pour cette raison que j'ai parlé de «rémunération symbolique»: ma langue a fourché ! Cette rémunération existant, il convient d'en rester à l'aspect symbolique, à la reconnaissance, et à faire en sorte que la loi soit efficace, afin que les personnes concernées n'essayent pas de la contourner en n'en retenant pas l'esprit et en pensant que la lettre doit être modifiée.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que dans ce domaine comme dans d'autres, il convient d'avoir une conception ferme de l'esprit de droit. On ne peut pas vitupérer les employeurs qui ne respectent pas la loi en embauchant des personnes au noir, les Etats étrangers, qui nous empêcheraient de mettre en oeuvre les normes de notre Etat de droit, et, tout à coup, pour des raisons certes bonnes - mais chacun a de bonnes raisons de vouloir agir dans un sens ou dans un autre - proposer de ne pas respecter notre législation en matière d'asile !

Ce que je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, c'est d'avoir de la cohérence ! Dans la mesure où notre législation est en vigueur, il ne faut pas en dévier !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Borgeaud, qui dispose de deux minutes.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Merci, Monsieur le président ! Quelque chose me dérange dans cette motion... J'avais demandé à l'époque s'il n'était pas possible de condamner nos jeunes à des travaux d'intérêt général plutôt que de les mettre en prison. Il m'a clairement été répondu par la négative, en expliquant qu'il n'était pas possible de fournir des éducateurs et des surveillants en nombre suffisant... Alors, je ne vois pas pourquoi il faudrait aider les personnes frappées d'une non-entrée en matière si on ne peut pas d'abord aider nos propres jeunes ! Tout le monde trouve scandaleux qu'on les emprisonne et qu'il faut les aider. En effet, il me semble que les condamner à des travaux d'intérêt général serait une meilleure façon de leur faire prendre conscience de la gravité de leurs actes. Et il ne serait pas normal que, dans notre république, nous n'aidions pas nos jeunes, mais que nous donnions cette possibilité à des personnes qui se trouvent sur notre sol et qui demandent l'asile - pour des raisons politiques ou des raisons économiques, peu importe. Il faut d'abord aider notre population. Et, avant d'aider les autres, il faut commencer par balayer devant sa porte !

En ce qui me concerne, je ne soutiendrai pas cette motion.

M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes en train de nous préoccuper des soixante personnes qui, à Genève, n'ont pas pris la décision de quitter le territoire - comme le veut pourtant le droit fédéral, largement approuvé en votation populaire - alors que devant notre porte la crise enfle: une crise économique, une crise bancaire également, crise à laquelle nous n'avons même pas consacré un moment de notre session plénière entre hier et aujourd'hui.

Je vous rappelle que la répartition des demandeurs d'asile est basée sur le critère de la population des cantons respectifs. Genève, grosso modo, en accueille 5%. Il en est arrivé 20 000 l'année dernière, ce qui veut dire que Genève devra en héberger 1000 pendant la durée de la procédure. Pour les NEM, c'est la même clé de répartition qui s'applique, c'est dire que Genève en a reçu plusieurs centaines en 2008.

Ces personnes, qui ont parcouru des milliers de kilomètres dans des conditions plus que difficiles, sont d'abord les victimes des réseaux qui pratiquent la traite d'êtres humains. C'est bien de cela qu'il s'agit: ce sont des personnes qui ont été bernées, à qui l'on a fait croire à l'existence de l'Eldorado, et, finalement, elles découvrent l'enfer. Nous devrions donc plutôt nous attacher à lutter contre ces réseaux, d'autant que - vous le savez très bien - ces personnes doivent le plus souvent rembourser le ticket aller simple. Il me semble donc illusoire d'imaginer que ces personnes, qui ont parcouru des milliers de kilomètres, soient venues en Europe pour accomplir des TUC !

Et puis, en réalité, la notion de TUC est un abus de langage ! Ce n'est rien d'autre qu'un TIG ! C'est-à-dire un travail d'intérêt général, qui est, je vous le rappelle, une sanction pénale ! Par conséquent, ce que vous proposez aux NEM, c'est une sanction pénale: un travail d'intérêt général que l'on impose à une personne qui a commis une infraction pénale ! Et, vous le savez, en matière pénale, les peines peuvent s'effectuer par un travail d'intérêt général, par une contravention ou par la prison. Donc, rien que pour cet abus de langage, nous devrions refuser cette motion !

D'autre part, je rappelle que, depuis le 12 décembre dernier, la Suisse a intégré l'espace Schengen... Et, si le service de la population fait son travail correctement, certaines des personnes frappées de non-entrée en matière seront reprises dans le système SIS Schengen et l'on se rendra compte qu'elles sont en infraction en vertu de l'article 96 de la Convention d'application de Schengen, à savoir qu'elles sont interdites d'entrée dans l'espace Schengen. Et le devoir de la Suisse par rapport à ses engagements internationaux - pour lesquels vous avez largement milité en 2005 - c'est de renvoyer les personnes qui sont enregistrées sur la base de cet article 96.

Le président. Monsieur le député, vous devez conclure !

M. Gilbert Catelain. Je rappelle aussi qu'au centre du Lagnon il a été proposé aux personnes frappées de NEM d'accomplir ces fameux TUC liés à l'entretien de leur centre d'hébergement, mais, malheureusement, elles ont refusé.

Le président. Monsieur le député, votre temps de parole est épuisé !

M. Gilbert Catelain. Donc, cette motion, c'est du vent, et nous vous invitons à la refuser !

Mme Patricia Läser (R). Je ferai un retour en arrière. Déposée le 23 janvier 2007, cette motion a été étudiée un an après à la commission sociale, soit le 22 janvier 2008.

Entre-temps, et un jour seulement après le dépôt de la motion, le département nous a expliqué que le Conseil d'Etat avait déjà appliqué l'invite de cette motion, puisque, le 1er février 2007, la mesure donnant la possibilité aux NEM d'effectuer des travaux d'utilité communautaire était entrée en vigueur. Même si le parti radical est très attaché aux demandes d'audition, il nous a paru, à ce moment-là, inutile d'auditionner les motionnaires ou qui que ce soit d'autre, puisque l'invite de la motion était déjà concrétisée depuis plus d'un an. C'est la raison pour laquelle le parti radical s'est opposé aux auditions demandées. Et, aujourd'hui, étant donné que le parti à l'origine de la motion n'a pas souhaité la retirer, nous vous demandons simplement de la refuser.

Mme Michèle Künzler (Ve). Il faut vraiment revenir à la base s'agissant de cette motion. Quel est le problème ? Il y a effectivement des personnes qui résident sur notre territoire et qui ne devraient pas y être; mais elles y sont quand même ! Maintenant, que faire d'autre que d'accepter cette situation ? C'est vrai que certaines personnes ne peuvent pas être renvoyées... Il faut tout de même savoir que les conditions appliquées aux personnes frappées de non-entrée en matière - appelées «NEM» - ont été établies pour des séjours qui ne devraient pas excéder deux semaines à un mois. Il est tout à fait concevable, pour ce laps de temps, de loger ces personnes dans un endroit sommaire et vétuste, comme le foyer du Lagnon. Même si les conditions sont médiocres, des plateaux-repas y sont distribués comme dans les avions - mais ils ne sont pas du tout appétissants, les plats sont sous vide... Je vous conseille d'aller constater de visu.

Le problème, c'est que certaines personnes sont là depuis plus de trois ans et qu'elles ne peuvent pas partir ! En fait, elles sont dans une situation difficile et précaire: leur logement est sommaire et les repas sont inacceptables à long terme. De plus, ces personnes n'ont aucune activité et n'ont pas le droit d'en avoir, sauf, comme M. Weiss l'a dit, pour une rémunération extrêmement symbolique... Il pensait que c'était 50 F par jour, mais, je le rappelle, il s'agit d'une rémunération de 50 F par mois ! Il faut bien reconnaître que ce n'est pas très stimulant !

En fait, il faut que nous envisagions le problème d'une manière plus pragmatique. Nous devons penser qu'il vaudrait mieux que ces personnes, souvent des hommes jeunes, puissent travailler, s'intégrer, suivre une formation - qui pourra leur servir plus tard - plutôt que de les maintenir dans des situations impossibles. Ces personnes sont entre deux lieux: elles ne sont pas vraiment chez nous; elles ne sont pas chez elles et elles ne peuvent aller nulle part. Si ces personnes ne partent pas, malgré les conditions dans lesquelles elles vivent, c'est bien que ce n'est pas possible ! Je pense donc qu'il faut proposer une autre alternative aux 50 ou 100 personnes qui sont à Genève depuis plus de trois ans.

Je vous demande donc d'accepter cette motion, avec l'amendement proposé par le groupe PDC.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme von Arx-Vernon, à qui il reste une minute.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Merci, Monsieur le président. Je serai très brève. C'est facile de dire qu'ils n'ont qu'à pas être là, ou qu'il n'y a qu'à les renvoyer... On a bien vu qu'avec les «yakas», ça ne marchait pas !

Maintenant, la proposition du Conseil d'Etat était tout à fait honorable. Seulement, la rémunération de 50 F par mois n'est pas suffisante pour faire baisser la délinquance, pour éviter de dealer, de se prostituer, de ne pas être la proie des maffias. Si tel était le cas, cela se saurait ! Grâce à la remarque de Mme Läser, on se rend compte qu'une année est passée depuis l'entrée en vigueur des travaux d'utilité communautaire, or l'intérêt porté à ces mesures n'a pas augmenté de façon significative ! Et ceux qui dénoncent ces personnes - qui sont effectivement des délinquants ou en voie de le devenir - seraient les premières à être tout à fait d'accord de les voir travailler, enlever les tags, nettoyer les lieux publics. Et personne ne leur en voudrait, à ces jeunes ou à ces moins jeunes, d'être là ! Ce que nous demandons est extrêmement cohérent. Cela n'a rien d'irréaliste, c'est seulement humain ! En acceptant cet amendement, nous faisons passer le message que nous ne sommes pas d'accord que des gens peu scrupuleux exploitent cette misère humaine et les récupèrent pour en faire de la marchandise !

Voilà, Monsieur le président, ce que nous proposons avec cet amendement, qui est au demeurant fort modeste. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir l'accepter ainsi que la motion.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Slatkine. Monsieur Weiss, vous avez épuisé le temps de parole de votre parti...

Une voix. Oh non !

M. Ivan Slatkine (L), rapporteur de majorité. Je crois que tout a été dit... Cette motion a été déposée il y a deux ans, mais le lendemain du dépôt de cette motion l'invite a été concrétisée par le Conseil d'Etat. J'ai entendu certains députés intervenir et reprocher à la majorité de la commission sociale d'avoir refusé de procéder à des auditions... Dans la mesure où l'invite de cette motion est réalisée par le Conseil d'Etat, on ne va tout de même pas passer trois ou quatre séances de commission pour des auditions qui sont devenues totalement inutiles ! (L'orateur est interpellé.) Eh bien, il faut vérifier ! Cela a été fait: les chiffres nous sont fournis. Le département nous donne toutes les informations nécessaires.

Il est quand même assez amusant de penser que nous faisons aujourd'hui une session «spéciale motions» dans l'espoir d'avancer dans notre ordre du jour... Or, il est 17h03 et, finalement, nous n'aurons traité qu'un seul objet. Nous avons entamé des débats qui sortent du sujet de la motion en tant que telle, en tout cas de son invite. On ne peut que regretter que le groupe à l'origine de cette motion n'ait pas la lucidité de la retirer, alors que l'invite a déjà été réalisée par le Conseil d'Etat. Si ce groupe a d'autres demandes à formuler, eh bien, qu'il dépose un autre texte ! On ne présente pas à la dernière minute, en séance plénière, deux ans après le dépôt d'une motion, un amendement qui, en fin de compte, n'apporte pas grand-chose !

Dans ce sens, je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de suivre le rapport de majorité et de rejeter cette motion, comme il se doit.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme Captyn. Il vous reste deux minutes, Madame !

Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Je voulais simplement dire ceci: effectivement, l'invite de cette présente motion a été appliquée par le Conseil d'Etat, mais il se trouve que l'amendement proposé va plus loin et qu'il n'a donc pas pu être mis en oeuvre. Il s'agit de renforcer, par des indemnités incitatives, les activités offertes aux requérants d'asile frappés d'une non-entrée en matière.

C'est pourquoi je vous invite vivement à accepter cet amendement, car il faut que la situation de ces personnes s'améliore.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement proposé par Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Il consiste en une invite nouvelle: «à renforcer les TUC avec des indemnités incitatives (modèle Ville de Zurich) afin de réduire les risques de délinquance».

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 38 oui contre 36 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Mise aux voix, la motion 1737 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 41 oui contre 40 non. (Applaudissements et exclamations à l'annonce du résultat.)

Motion 1737

Le président. Il s'en est fallu de peu que je doive trancher ! Nous avons traité une seule motion, ce qui n'est pas beaucoup... (Brouhaha.)

Comme nous l'avions dit hier... (Brouhaha.) Silence, s'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.) J'attends que le calme soit revenu ! (Le président agite la cloche.) Merci ! Mesdames et Messieurs les députés, nous allons reprendre nos travaux sur le projet de loi 10178 concernant les agents de la police municipale, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes.

PL 10178-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur les agents de sécurité municipaux, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes (F 1 07)

Deuxième débat

Le président. Ayant adopté hier la prise en considération de ce projet de loi, nous entamons le deuxième débat. Sous «Titre et préambule», nous sommes saisis d'une demande d'amendement présentée par le Conseil d'Etat... (Brouhaha.) Il s'agit de remplacer les mots «agents de la police municipale» par «agents de sécurité municipaux». (Brouhaha.) S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, un peu de silence ! Evidemment que si cet amendement était accepté, cela vaudrait pour tous les articles de la loi. Monsieur Ducrot, je vous donne la parole.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, bien évidemment qu'il s'agit d'une discussion ayant eu lieu dans le cadre de la commission: faut-il parler de police municipale ou d'agents de sécurité municipaux ?

Je rappellerai les alinéas 1 et 3 de l'article 125A de la constitution: «1 La police est exercée dans tout le canton par un seul corps de police placé sous la haute surveillance du Conseil d'Etat. [...] 3 La loi peut aussi déléguer au personnel qualifié des communes des pouvoirs de police limités.» Le débat porte sur cela. Le terme «police» est-il respecté, protégé ? Un service de police municipale remplirait-il toutes les conditions relatives à une police municipale, avec des pouvoirs d'autorité dûment concédés à une police ? Peut-on, au vu des tâches qui sont dévolues aux ASM, parler de «police» quand ils effectuent des actions de police ? Je dois dire que je n'ai pas d'avis tranché sur la question...

Je me souviens de ce que, à l'époque, M. Guy Fontanet, alors président du département de justice et police, avait demandé, sauf erreur - ou étudié de manière assez approfondie - un avis de droit sur cette question. M. Fontanet avait conclu que le terme «police», en vertu de l'article 125A de la constitution, ne devait être concédé qu'à la police cantonale.

Mesdames et Messieurs les députés, le débat a eu lieu en commission. D'éminents juristes disent qu'il n'est pas incompatible de parler de «police municipale» pour nos agents municipaux. J'aimerais, pour pouvoir alimenter notre réflexion au sein de notre groupe, connaître la position du Conseil d'Etat, puisqu'il demande expressément, au travers de son amendement, de garder la dénomination «agents de sécurité municipaux». Cela étant, il est vrai que les associations d'agents municipaux requièrent ce titre de «police municipale».

L'autre réflexion que je fais est la suivante: faut-il, pour être une police municipale, remplir plus de conditions, à savoir une présence 24h/24, mettre à la disposition de la population un véritable poste de police où il est possible de déposer des plaintes, avec une permanence offrant des horaires plus larges qu'actuellement ? Or, on sait très bien que les maires des communes ne veulent pas d'un transfert de charges supplémentaires pour leurs agents, charges qui échoient, précisément, à la police cantonale. Ils préfèrent, bien évidemment, avoir à disposition des «bobbies», comme je l'ai dit hier soir, pour assurer une présence de proximité dans les communes.

Quoi qu'il en soit, pour me convaincre qu'il est possible de maintenir l'appellation «police municipale» sans que cela sème la confusion auprès de la population, eh bien, j'attendrai la réponse du Conseil d'Etat.

M. Olivier Jornot (L). Je ne sais pas si vous connaissez l'appointée Nicole Gaspoz, de Vernier... J'ai lu avec intérêt l'article qu'elle vient de publier dans la gazette des ASM sous le titre «Dis, Maman, c'est qui la dame ?» et qui relève une jolie citation d'un enfant qui, voyant une agente de sécurité municipale, dit: «Dis, Maman, c'est qui la dame ? Une factrice ou une "police" ?»... Je crois qu'avec ça le problème est posé !

On n'a pas résolu les scrupules juridiques de M. Ducrot, mais on a quand même largement posé la question: a-t-on aujourd'hui une dénomination qui rend justice aux attributions, aux compétences et à la mission des agents de sécurité municipaux ? En ce qui me concerne, je suis convaincu que la réponse est négative: l'appellation actuelle ne convient pas. Et, à vrai dire, la commission qui a traité le sujet en était assez largement convaincue, puisqu'elle a adopté la nouvelle dénomination par dix voix contre une et trois abstentions. Cela signifie que la commission s'était très largement convaincue qu'il fallait, dans le cadre de cette réforme, faire le pas et choisir l'appellation «police municipale».

S'agit-il d'une tromperie ? Non, Mesdames et Messieurs ! Ce serait une tromperie si l'on faisait croire à la population que les missions ont changé. Ce serait une tromperie si l'on faisait croire que les polices municipales effectuaient des tâches de police judiciaire ou qu'elles pouvaient intervenir en tout temps sur n'importe quelle infraction. Ce n'est pas le cas !

En revanche, la tromperie réside dans le fait qu'au fil des années on a donné aux ASM des pouvoirs de police tout en continuant à dire à la population que ce n'est pas une police. On leur a, par exemple - ce n'est pas dans cette réforme, mais dans des réformes précédentes - donné la compétence de contrôler l'identité des personnes ou, encore, celle de les conduire au poste pour vérifier l'identité. Aujourd'hui, avec cette loi, la compétence d'autodéfense et la compétence de procéder à la fouille sont ajoutées, précisément parce que, avant de conduire une personne dans un poste pour vérifier son identité, il faut s'assurer qu'elle ne détient pas un objet dangereux. Ces compétences de police impliquent - justement, pour éviter qu'il y ait tromperie - de dire à la population qu'il s'agit bien d'une force de police, même s'il ne s'agit pas forcément de policiers avec un brevet de policier, qui porte le titre «gendarmerie» ! Mais ces agents représentent néanmoins une force de police.

Il faut donc, Mesdames et Messieurs les députés, avoir le courage de mettre les appellations en adéquation avec les fonctions. Il faut avoir le courage, si nous voulons revaloriser la profession - et c'est ce que nous voulons par le biais de ce projet - d'accepter ce changement de dénomination.

Un mot encore à propos des résistances... Tout à l'heure, je l'imagine - en tout cas en voyant les lumières vertes qui s'allument - une personne directement concernée vous expliquera pourquoi elle veut rester la seule à s'appeler «police» dans ce canton. C'est vrai qu'aujourd'hui un certain nombre de corps font déjà partie de la police... Un certain nombre d'autres corps fédéraux portent le nom de «police»... Et je trouve pour le moins étonnant de constater que ceux qui devraient défendre la profession, défendre ceux qui l'exercent, défendre leur dignité, défendre leur honneur, tentent de créer un monopole sur une appellation, ce qui est totalement absurde ! En ce qui me concerne - et je le dis très clairement - j'ai envers les gendarmes, envers la police judiciaire, envers la police de la sécurité internationale, la plus grande des confiances et le plus grand des respects. Mais ce n'est pas parce qu'ils seraient les seuls à porter le nom de «police», que je leur voue, précisément, ce respect et cette confiance.

Je vous incite, Mesdames et Messieurs, à accepter ce changement de dénomination en passant par-dessus les scrupules d'ordre juridique. Je sais bien que je ne suis pas forcément tout à fait, comment dirais-je, crédible en vous exhortant à faire abstraction des questions juridiques sur cette question... Mais j'aimerais tout de même vous dire qu'entre un avis de droit qui date de trente ans et une question qui se pose aujourd'hui, à laquelle nous devons donner une réponse claire à des femmes et à des hommes qui s'engagent, je choisis clairement la deuxième solution, et je vous invite à refuser cet amendement.

M. Roger Golay (MCG). Je présume que l'allusion à lumière verte faite par M. Jornot me concerne... Eh bien, il va être bien étonné !

Je pense simplement que l'on a placé la charrue avant les boeufs lorsqu'on a discuté de ce projet de loi. On aurait dû d'abord commencer par l'appellation «police municipale» et, ensuite, donner plus de compétences à la police municipale; je pense qu'on peut déjà l'appeler ainsi, dans la mesure où l'on peut présumer que le vote va être accepté.

Il faut que ce projet de loi soit voté aujourd'hui, parce qu'il donnera une base légale aux ASM. En effet, actuellement, ils agissent sur des règlements qui sont valables, mais qui n'ont plus de base légale; il est donc urgent de voter ce projet de loi.

Pour rafraîchir vos mémoires, je vous rappelle que les règlements ont été remis à jour et que les amendes sont prévues dans les sanctions, alors qu'avant il s'agissait de peines de police prévues dans la loi pénale genevoise, laquelle n'est plus valable. Ce projet de loi va, en somme, combler ce vide juridique.

Maintenant, si cette appellation est concrétisée, il faudra avoir le courage, Monsieur Jornot, d'aller plus loin et de donner plus de compétences à la police municipale. Ce changement de nom ne va en effet rien changer: ce n'est pas pour cela qu'on la respectera davantage. Ce n'est qu'une demi-mesure ! En effet, les agents de la police municipale n'ont pas toutes les compétences en matière de circulation, même avec ce projet de loi. Il faudra donc, je le répète, oser aller plus loin - je vous y invite, et nous soutiendrons cela - pour en faire une véritable police municipale, et non une police secondaire par rapport à la police cantonale. Et il faut le faire rapidement, parce que la population ne comprendrait pas que ces agents aient l'appellation «police municipale» et qu'ils n'aient pas la compétence pour intervenir, par exemple, par rapport aux dealers.

Alors, allons dans le sens que vous souhaitez, mais allons encore plus loin: faisons en sorte d'avoir une police, à l'instar de la police lausannoise, qui a toutes les compétences. Et, là, je vous attends pour la suite de vos travaux ! En ce qui concerne l'appellation de «police», je m'abstiendrai, Monsieur Jornot; en revanche, je soutiendrai le projet de loi dont, je le répète, nous avons besoin rapidement.

M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, je rappellerai - cela a déjà été indiqué plusieurs fois - que la commission a consacré huit séances au traitement de ce projet de loi. De plus, les commissaires présents ont eu, grosso modo, quatre mois pour traiter de ce sujet, que ce soit en commission ou dans les caucus ! En outre, pendant la pause d'été de deux mois, il a été demandé aux commissaires de travailler sur ce sujet et de présenter éventuellement, à la rentrée, des amendements... Je trouve donc assez regrettable de proposer maintenant tous ces amendements qui vont nous faire perdre des heures, alors qu'en commission aucune proposition concrète n'a été faite dans ce sens.

En ce qui nous concerne, nous ne remettrons pas en cause le travail de la commission et nous refuserons l'intégralité de ces amendements. Nous voterons ce projet de loi tel qu'il est ressorti des travaux de la commission.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'ai eu l'occasion de me rendre dans un poste d'agents de sécurité municipaux. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) J'ai pu me lier d'amitié avec certains d'entre eux et discuter de ce problème épineux: en effet, les ASM, comme on les nomme aujourd'hui, s'appelaient à l'époque «police municipale» - ils avaient même un drapeau avec des armoiries - mais la population s'est habituée à cette nouvelle appellation et la différencie très bien des gendarmes. Cette dénomination ne me dérange pas plus que cela et, si la volonté de la majorité de ce parlement vote pour «police municipale», je ne m'y opposerai pas.

Je peux parfaitement comprendre que les AMS veuillent plus de responsabilités, mais, dans ce cas, ils doivent aussi, comme les gendarmes, accepter de travailler la nuit et les week-ends, c'est-à-dire s'adapter aux contraintes d'horaires. Ils doivent aussi assurer leur rôle de prévention auprès des jeunes ou autres, qui font du bruit la nuit dans la rue et qui dérangent le voisinage, et leur expliquer gentiment qu'il y a des règles à respecter.

A mon avis, un ASM doit rester accessible à la population: il doit jouer un rôle de prévention, être à l'écoute des commerçants, se trouver à proximité des écoles, renseigner ou rassurer toute personne qui en aurait besoin. La police, elle, doit avoir un rôle répressif puisque, de manière générale, c'est elle qui intervient lors de délits, de crimes ou d'accidents de la route. Je suis d'accord qu'un ASM dispose d'un spray au poivre pour se défendre en cas d'attaque; par contre, je suis tout à fait opposée à ce qu'il puisse, comme les gendarmes, porter une arme. Il faut en effet considérer que la formation de police n'est pas du tout la même que pour les ASM. Je pense, s'ils veulent les mêmes pouvoirs, qu'ils feraient mieux de s'engager directement dans la police, qui représente, pour moi, une institution noble, qui mérite reconnaissance et respect. C'est d'ailleurs la même chose pour les ASM, qui portent également un uniforme et qui n'ont pas, non plus, la vie facile tous les jours, puisqu'ils sont critiqués, voire insultés, comme les gendarmes. (Brouhaha.)

Si on veut leur donner plus de compétences - cela a été dit tout à l'heure - il faut effectivement oser aller plus loin: leur donner une formation adéquate... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et leur expliquer que leurs nouvelles fonctions ne leur permettront pas d'avoir des horaires à la carte ni de choisir leurs tâches. Si on veut les identifier à la police genevoise, qu'ils effectuent le même travail que les gendarmes ! Il faut qu'ils en acceptent les inconvénients. Ou alors, il faut qu'ils se contentent de leur rôle de prévention.

Quoi qu'il en soit, j'ai envie de vous dire que les ASM jouent un rôle très important à Genève, et pas seulement pour «coller» des amendes sur les voitures qui ne dérangent pas... Leur rôle devrait être encore plus préventif, avec l'objectif de soulager la police, qui, elle, doit s'occuper de faits plus graves et qui est, comme chacun le sait, en sous-effectif.

Par conséquent, je soutiendrai ce projet de loi, parce qu'il reflète la volonté de la majorité...

Le président. Madame la députée, il faudra terminer !

Mme Sandra Borgeaud. ...mais, malheureusement, c'est une demi-mesure qui ne me convient pas vraiment. Je ferai avec !

J'attends que d'autres personnes fassent de meilleures propositions, pour régler définitivement le problème des ASM, parce que je ne crois pas que ce projet de loi changera quoi que ce soit.

M. Pierre Losio (Ve). Comme vous avez pu le constater dans le rapport, quant au principe de l'appellation «Police municipale», un commissaire Vert s'est abstenu et un autre a voté contre... Hier, lors du débat, je vous ai signalé que notre position n'était pas arrêtée, parce que certains d'entre nous continuent de penser qu'il s'agit de deux métiers différents et d'autres sont effectivement sensibles à l'argument développé par M. Jornot et que j'avais aussi évoqué: à force de donner des compétences de police à un corps qui s'appelle les «ASM», mécaniquement et automatiquement, on dérive... Et je n'emploie pas le mot «dériver» dans un sens péjoratif: c'est une dérive vers l'existence d'une police.

Je tiens à dire que j'ai été très attentif à l'intervention de notre collègue Golay, mais il en a dit trop ou pas assez... En effet, je souhaiterais véritablement savoir ce qu'il entend par «il faudra aller plus loin ultérieurement». Si c'est pour avoir une police cantonale et une police municipale qui font plus ou moins le même travail, je ne vois pas vraiment quel intérêt cela représente ! Enfin, bref, je reste un peu dubitatif sur le contenu de votre intervention, Monsieur Golay.

En ce qui concerne notre groupe, je suis au regret de vous annoncer, la nuit ne nous ayant pas apporté un conseil unitaire, que les avis restent partagés et que nous aurons la liberté de vote sur cet amendement.

M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Tout comme certains de mes collègues, je suis quelque peu étonné... Nous avons en effet traité cet objet durant huit séances de commission; nous avons interrompu les séances pour discuter dans nos caucus; pratiquement tous les groupes en ont parlé avec - pour ceux qui en ont - les magistrats communaux. Bref, nous avons largement eu le temps de discuter de tout cela !

Comme je vous l'ai dit hier au nom de la majorité de la commission, il s'agit d'une demande de reconnaissance des ASM. Je vous rappelle également que la police - tout le monde le sait - manque d'effectifs; elle devrait donc leur tendre la main aux ASM ! Et certains députés, qui font ou faisaient partie de cette maison, soit la police, donnent parfois l'impression d'avoir honte des ASM... Messieurs les policiers qui êtes dans cette salle et siégez dans vos groupes, vous devez montrer l'exemple ! Nous avons besoin des ASM, et cette nouvelle appellation de «police municipale» devrait renforcer la collaboration entre la police et eux.

Et puis, comme je l'ai indiqué hier, il y a en ville de Genève de nombreux visiteurs étrangers, des touristes; beaucoup d'entre eux ne parlent pas le français et l'appellation «ASM» n'est pas très compréhensible pour eux, contrairement à «police municipale». De plus, il y a beaucoup d'uniformes différents, que ce soit en ville de Genève ou dans les communes, sans parler des entreprises de sécurité - Securitas et autres - des responsables des parkings... Bref, on s'y perd, c'est un peu compliqué ! La dénomination «police municipale» simplifie donc vraiment les choses. En outre, nous avons travaillé en commission avec la police pour faire en sorte que le terme «police» soit utilisé de manière parcimonieuse.

Pour toutes ces raisons, nous allons nous en tenir aux conclusions de la majorité de la commission. Le commissaire du groupe radical n'a pas pris la parole au sujet des amendements, mais je peux d'ores et déjà vous assurer que nous n'allons pas du tout les suivre. Nous en restons au projet de loi tel qu'il a été décidé en commission, et je vous remercie d'en faire autant, Mesdames et Messieurs les députés.

M. Roger Golay (MCG). Je tiens à intervenir, car j'ai été interpellé à deux reprises. Je ne veux pas m'exprimer au nom de mes collègues, mais je constate qu'actuellement les ASM ne peuvent pas remplir complètement la plupart de leurs missions; ils sont souvent obligés d'appeler la gendarmerie à venir les seconder. C'est peut-être la raison pour laquelle ils ne sont pas respectés comme ils le devraient. Si l'on veut qu'ils soient respectés, il faut leur donner toutes les compétences. Par exemple, il faut savoir qu'ils ne peuvent même pas dénoncer 50% des infractions en matière de circulation. Ils ne peuvent pas établir les contraventions: ils sont obligés de faire des dénonciations, qui sont ensuite reprises par la gendarmerie ! Cela surcharge cette dernière, qui effectue le travail administratif au lieu d'être sur le terrain comme elle le devrait. Je le répète, il faut aller plus loin: leur donner toutes les compétences nécessaires correspondant à l'appellation «police» !

Le projet que nous votons aujourd'hui n'est qu'une demi-mesure: allons plus loin, osons leur donner un maximum de compétences ! Ils n'ont pas de missions au niveau de la police judiciaire... Pourquoi ? Pourquoi à Lausanne, et pas à Genève ? Il faut avoir le courage d'aller jusqu'au bout, car ce projet de loi n'est pas suffisant: ils auront toujours un demi-rôle, à part quelques missions bien spécifiques pour lesquelles ils pourront intervenir !

Personnellement - je le dis clairement - je suis favorable au fait de leur donner plus de compétences et je pense que c'est le souhait de la plupart de mes collègues qui voudraient bien être déchargés. Que se passe-t-il aujourd'hui ? La gendarmerie doit remplir des missions que lui délèguent les gardes-frontière, les privés, les ASM, la police ferroviaire ! Tous «refilent» leur bébé à la police cantonale, car ils n'ont pas les compétences suffisantes pour s'en occuper eux-mêmes. Et c'est en partie pour cette raison que la gendarmerie n'est plus sur le terrain ! Alors, je le répète encore: allons plus loin ! Il ne faut pas s'arrêter à ce projet de loi ! Si nous voulons des ASM efficaces en matière de sécurité, il faudra avoir le courage d'aller jusqu'au bout et exiger d'eux qu'ils passent un brevet, au même titre que les gendarmes, les inspecteurs ou les autres corps constitués. Je le répète une dernière fois: allons plus loin !

Le président. Merci, Monsieur le député ! (Le président est interpellé par Mme Véronique Pürro.) Vous devriez parler à la fin, Madame, mais si vous voulez vous exprimer maintenant, vous le pouvez. C'est comme vous voulez !

Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse de minorité. Si vous me le permettez, Monsieur le président, j'aimerais juste savoir jusqu'à quand nous allons discuter de cette question. J'avais l'impression que nous arrivions au tour des rapporteurs...

Le président. C'est un débat libre, Madame ! Sept minutes par personne sont imparties.

Mme Véronique Pürro. Alors je prendrai la parole à la fin, comme il est d'usage pour les rapporteurs. Merci, Monsieur le président.

Le président. Quand M. Hohl a pris la parole, il n'y avait que vous d'inscrite après lui, j'ai donc été obligé de changer l'ordre des intervenants. Mais vous pouvez vous exprimer maintenant - ou plus tard, c'est comme vous voulez... Monsieur Catelain, je vous donne la parole.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je serai bref. Je partage l'avis de M. Golay, pour ce qui est de donner, à l'avenir, davantage de compétences aux polices municipales. Toutefois, ce projet de loi est un premier pas dans ce sens, et il faudra probablement aller plus loin. Mais, de là à en déduire qu'il ne faut pas attribuer l'appellation «police» aux ASM sous prétexte qu'ils n'ont pas toutes les compétences voulues, il y a un pas que je ne franchirai pas, car, à mon avis, c'est un non-sens. La gendarmerie n'a pas, non plus, toutes les compétences de la police, et elle porte tout de même l'inscription «police». Il en est de même pour la police judiciaire et pour les membres de la police de sécurité internationale...

Mme Sandra Borgeaud. Si, ils les ont maintenant !

M. Gilbert Catelain. Quand ils ne les avaient pas, ils devaient régulièrement remettre les infractions, les dossiers qu'ils avaient ouverts, à la gendarmerie pour qu'elle les traite, et ils portaient l'appellation de «police».

Je crois que la terminologie ne doit pas être considérée comme un sujet émotionnel pour les corps respectifs ! Elle doit avoir un sens pour l'extérieur: c'est une communication externe ! On veut donner davantage de compétences à ces polices municipales... Leur rôle, effectivement, est d'être une police de proximité; la gendarmerie, elle, devrait effectuer les tâches plutôt répressives, sinon on mélange tout !

En ce qui concerne cet objet, soyons simples: ayons une communication claire vis-à-vis de l'extérieur et adoptons le mot «police» pour tout le monde ! Et finissons-en avec un débat qui n'a que trop duré sur cette appellation, qui est toutefois essentielle, car elle pourrait avoir une incidence sur le vote final de ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Voulez-vous reprendre la parole, Monsieur Hohl ? Pas pour l'instant, très bien ! Trois personnes se sont encore inscrites: M. Odier, Mme Pürro, M. Stauffer et le Conseil d'Etat. Le Bureau décide de clore la liste. Je passe la parole à M. Gros qui était déjà inscrit.

M. Jean-Michel Gros (L). Il est quand même étrange de refaire complètement un débat de commission en plénière !

Pour simplifier les choses, je voudrais que vous reportiez tous à la page 34/48 du rapport. Vous pouvez lire en bas de la page, je cite: «Le président met aux voix les amendements proposés par le département: "Agents de la police municipale" remplace "Agents de sécurité municipaux" dans l'ensemble du projet de loi 10178, y compris son titre. L'amendement est adopté. Pour: 10 (2 UDC, 3 libéraux, 2 radicaux, 1 PDC, 2 socialistes). Contre: 1 (1 socialiste). Abstentions: 3 (1 MCG, 2 Ve)».

Alors, si tout le monde change d'avis entre les débat en plénière et les débats en commission assortis des caucus - le rapport de majorité l'a évoqué, parce que nous avons demandé une interruption de séance pour pouvoir consulter nos caucus - et que nous recommençons tout maintenant nous finirons de traiter cet objet dans trois mois ! Je vous demande donc d'être conséquents avec vos votes en commission. Il faut accepter ce changement d'appellation et refuser l'amendement du département, qui, d'ailleurs, semble aussi avoir changé d'avis !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Odier (R). Je voudrais simplement dire que nous soutiendrons le terme «agents de police municipale», parce que cela clarifie les choses par rapport aux agents de sécurité privés. Nous pensons que les communes doivent se doter de collaborateurs, qui jouent effectivement un rôle de police: police de proximité, police préventive, certes, mais que l'on appelle tout de même «police». En France, d'ailleurs, les villes sont dotées de polices municipales, et cela semble clair pour la population.

Monsieur Golay, j'ai l'impression que vous ne défendez pas des idées devant ce Grand Conseil: vous faites preuve de corporatisme ! Et nous devrions aussi entendre des agents de sécurité municipaux dans cette salle ! Quoi qu'il en soit, je vous ferai remarquer que l'article 24 de notre règlement stipule que les députés qui sont concernés de près par un objet doivent s'abstenir ! Les membres de la police devraient donc s'abstenir dans ce débat !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Je vais réagir aux propos de... (L'orateur s'interrompt un instant.) Excusez-moi, quel est votre nom, Monsieur ?

Plusieurs voix. M. Odier !

M. Eric Stauffer. «M. Odier», oui ! J'avais oublié... ce sont donc les ambulances. L'article 24, au cas où cela vous aurait échappé, indique qu'un député a l'obligation de s'abstenir lorsque le débat porte sur un objet où il a un intérêt personnel direct... Vous voudrez bien m'expliquer quel est l'intérêt direct d'un fonctionnaire de police de la gendarmerie avec les agents de sécurité municipaux qui vont s'appeler «agents de police municipale» ! Alors, cessez d'invoquer l'article 24 du règlement ! Je vous rappelle, en outre, que notre honorable collègue Golay siège ici en qualité de député élu par le peuple, représentant ce dernier, et nous n'avons pas de leçon à recevoir sur ce point !

J'aimerais encore laver l'honneur de mon collègue Golay, qui a été sali, hier soir... (Protestations.) En effet, le député Wasmer a prétendu - ce sont des propos mensongers - que M. Golay n'était jamais intervenu en commission... Voici les chiffres: M. Golay est intervenu trente-sept fois durant les travaux de commission; M. Florey, de l'UDC, est intervenu dix fois et M. Wasmer sept fois ! (Rires.) M. Golay a déposé trois amendements, M. Florey, aucun, et M. Wasmer, un ! (Applaudissements.) Par conséquent, Monsieur Wasmer, vous êtes malhonnête et, je le répète, vos propos d'hier soir sont mensongers ! L'honneur de M. Golay est ainsi lavé ! Et je vous en remercie ! (Commentaires.)

Le groupe MCG, à part l'abstention de M. Golay qui a dû s'absenter... (L'orateur est interpellé.) Ah, il est encore là ! Mais il va bientôt s'absenter ! ...eh bien, nous soutiendrons la dénomination «agents de police municipale» et, donc, nous refuserons cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Wasmer, la liste était close... La parole, cette fois-ci, est à Mme Pürro. Ensuite, M. le conseiller d'Etat Moutinot interviendra. Madame Pürro, vous avez la parole.

Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse de minorité. Je vais faire plaisir à M. Gros: je vais être cohérente avec moi-même... Je représente vraiment la minorité, puisque j'étais la seule à m'opposer à ce changement d'appellation. Voilà ! (L'oratrice est interpellée.) Non, mais je le relève !

Très brièvement, Mesdames et Messieurs les députés, reconnaître et valoriser le travail des agents municipaux, oui, tel est l'un des objectifs de cette loi ! Mais ajouter de la confusion: non ! Et tel serait le cas si l'appellation «police» leur était appliquée. Comme nous l'avons dit - et comme vous l'avez dit - dans le cadre de ce débat, donner la même dénomination à des collaborateurs qui n'ont de loin pas la même mission ajouterait de la confusion. C'est la raison pour laquelle je vous prie de rejeter l'amendement du Conseil d'Etat.

Et puis, cela a aussi été évoqué au cours du débat, ce projet de loi n'est qu'une première étape. Il a fait l'objet d'une vaste procédure de concertation, lors de laquelle tout le monde s'est entendu pour garder le terme «agents municipaux». Je vous prierai donc à la fois de respecter cette concertation et d'attendre l'étape suivante, qu'on espère pas trop lointaine, pour déployer l'éventail des tâches et les missions des agents. Je n'ai pas honte d'eux ! Du reste, certains d'entre eux, qui sont mes collègues, se trouvent à la tribune. Je collabore avec eux sur le plan professionnel et je sais très bien ce qu'ils valent: ce sont d'excellents collaborateurs. Mais, je le répète, n'ajoutons pas de confusion: attendons la prochaine étape pour, le cas échéant, leur donner la dénomination «police» ou une autre. D'autant plus qu'en commission - vous en conviendrez, Monsieur Gros - nous avons imaginé d'autres appellations que celles d'«agents municipaux» ou de «police». Je vous remercie de rejeter l'amendement du Conseil d'Etat, au nom de ma minorité. (Exclamations.)

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Dans le débat d'hier soir, vous avez, à l'unanimité, décidé d'entrer en matière sur ce projet... Nous savons qu'il est le résultat d'un compromis; nous savons qu'il n'est pas parfait, mais nous savons aussi qu'il représente des avancées importantes pour une meilleure sécurité des Genevoises et des Genevois.

Un certain nombre de points ont été longuement discutés en commission, et il vaut la peine de les faire trancher définitivement par le Grand Conseil, sans refaire, à chaque amendement, le débat sur l'ensemble des problèmes de la sécurité genevoise.

Monsieur Gros, j'ai déposé ces amendements à la demande de la commission pour qu'ils soient techniquement exacts, mais je ne les ai jamais appuyés, et c'est la raison pour laquelle je présente à nouveau cet amendement aujourd'hui.

Monsieur Ducrot, vous avez rappelé, à juste titre, que l'article 125A de la constitution prévoit un corps de police. Nous nous appliquons, au niveau cantonal, à ce que tel soit le cas, et vous savez notamment que, maintenant, la police de sécurité internationale a le même uniforme que la gendarmerie et que nous tendons à uniformiser, à harmoniser - soyons prudents dans les termes ! - les compétences et les statuts des différents collaborateurs de la police cantonale. Il y a donc une incohérence évidente, au moment où l'on essaie de faire en sorte qu'il n'y qu'un seul corps, de redonner le mot «police» à d'autres collaborateurs.

Un deuxième argument a été avancé par plusieurs d'entre vous... Il s'agit de deux métiers différents, deux métiers aussi honorables l'un que l'autre, mais il n'y a aucune raison de les regrouper sous une seule appellation, l'appellation «police».

Enfin, en troisième lieu, se pose la question de la cohérence externe. En effet - et on l'a vu avec la PSI - des citoyens qui s'adressaient à ces collaborateurs se sont entendu répondre que, bien que leur uniforme porte le mot «police» dans le dos, ils ne pouvaient pas effectuer les tâches demandées. En donnant à ces agents l'appellation de «police», on recréerait cette incohérence, notamment pour les personnes qui ne connaissent pas la subtilité des nombreux uniformes genevois. Ce serait un mauvais service à rendre pour l'image des forces de sécurité genevoises au sens large, et, également, pour l'image de la police. En effet, les ASM ne peuvent pas effectuer certaines tâches, et, par conséquent, il ne faut pas créer de confusion.

J'ai lu, avec le même attendrissement que M. le député Jornot, l'histoire de l'appointée Gaspoz dans l'excellente gazette des ASM. Mais il faudrait ajouter une phrase, qui ne figure pas dans l'article... Supposons que l'appointée Gaspoz réponde: «Mais, c'est la police !» La petite fille demanderait alors: «Où as-tu mis ton arme ?» Et l'on voit bien où peut se nicher la confusion: on ne s'en sort pas !

Mesdames et Messieurs les députés, je le répète, ce n'est pas vital, ce n'est pas le coeur du projet, mais j'ai estimé de mon devoir, par souci de cohérence, interne et externe, de proposer à votre Grand Conseil d'en revenir au projet de loi initial du Conseil d'Etat et de garder la dénomination «agents de sécurité municipaux».

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant l'amendement du Conseil d'Etat. Il s'agit de remplacer «agents de la police municipale» par «agents de sécurité municipaux», et ceci dans toute la loi, ce qui donnerait, dans le titre et préambule: «sur les agents de sécurité municipaux, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes (F 1 07).»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 28 oui et 10 abstentions.

Mis aux voix, le titre (nouvel intitulé) et le préambule sont adoptés.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis à l'article 1 de deux amendements qui ont la même teneur. L'un est présenté par M. Ducrot, Mme de Candolle et Mme Favre; l'autre par Mme Pürro, M. Losio et Mme Bolay. Monsieur Ducrot, vous avez la parole.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Je ne sais pas si les anciens magistrats communaux ou les magistrats qui siègent ici et sont actuellement en fonction sont tenus pas l'article 24... (Exclamations.) Mais je vais être téméraire et essayer de défendre, précisément, les communes genevoises au travers de cet amendement.

Cet amendement à l'article 1, Mesdames et Messieurs les députés, a été signé notamment par Mme de Candolle, Mme Favre, Mme Véronique Pürro, et il a été soutenu par mon collègue ancien magistrat Gillet. Car, dans le cadre de ce que l'on appelle maintenant la «police de proximité», nous pensons que, si l'on veut encourager les petites communes, entre 2000 et 3000 habitants, à engager des agents de police municipaux, il faudra, bien évidemment, qu'ils assurent une présence jour et nuit, qu'ils surveillent les abords des écoles le matin de bonne heure et qu'ils conduisent les récalcitrants à l'office des poursuites. Pour cela, il faut au minimum deux agents pendant trois heures, avec un mandat de conduite, ce qui représente une privation de liberté - temporaire, je veux bien.

Mais cela, Mesdames et Messieurs les députés, l'ACG n'en veut pas ! Elle n'en veut pas pour différentes raisons. D'abord, parce qu'il y a une inégalité de traitement, avec les communes qui n'ont pas d'agents de police municipaux. Et puis, même si elles devaient avoir des mandats de conduite à exécuter et qu'elles voulaient éventuellement engager des agents de police municipaux, elles ne le feraient pas, parce qu'elles refuseraient d'effectuer un travail qui, jusqu'à présent, est du ressort de l'Etat.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, en accord avec l'Association des communes genevoises, et en accord - et cela à l'unanimité - avec les magistrats communaux siégeant dans ce Grand Conseil, nous vous proposons de supprimer à l'article 1 les mots: «...et de prescriptions fédérales sur la poursuite pour dettes et la faillite.», ainsi que dans les différents articles concernant les poursuites pour dettes.

Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de réserver un bon accueil à cet amendement.

Mme Loly Bolay (S). Parfois, nous sommes vraiment des enfants terribles... des enfants qui n'écoutent pas ! Je l'ai dit hier: lorsque nous avons introduit ces mandats de conduite, nous avons demandé à entendre les communes, mais, vous vous en souviendrez, la majorité l'a refusé. Et je le déplore, parce qu'aujourd'hui nous perdons à nouveau du temps à ce sujet !

Le parti socialiste a déposé le même amendement que les Verts pour deux raisons bien simples. Tout d'abord, parce que, effectivement, en prenant langue avec les communes, nous nous sommes rendu compte que cette compétence ne peut pas être déléguée aux ASM. Nous avons d'ailleurs parlé hier des Assises de la sécurité: les ASM eux-mêmes sont venus nous dire que ce n'était pas possible ! Cela représente des contraintes supplémentaires pour les communes ! Il faudrait que les communes engagent des agents et, surtout, les infrastructures nécessaires. En effet, exécuter un mandat de conduite n'est pas une chose aussi simple que cela. A l'heure actuelle, il faut quatre gendarmes à plein temps pour les mandats de conduite. M. le président du département nous dira s'il y a bien 30% de mandats de conduite en moins depuis que la procédure est officialisée par la FAO. Pour exécuter ces mandats de conduite, il faut des locaux, que les ASM n'ont pas; il faut du personnel en plus. Dans les petites communes, les ASM ne pourront de toute façon pas assumer ces tâches.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de bien vouloir accepter cet amendement. Je vous en remercie.

Mme Beatriz de Candolle (L). Transférer aux ASM la responsabilité de l'exécution des mandats de conduite générerait, comme cela a été dit par M. Ducrot, non seulement un traitement d'inégalité entre les communes, mais un frein à leur mission prioritaire de sécurité de proximité. A ce jour, seules dix-sept communes sur quarante-cinq possèdent un service de sécurité municipal. Parmi ces communes, certaines n'emploient qu'un seul agent. La plupart tournent avec des effectifs réduits. L'exécution d'un mandat de conduite ne nécessite pas quatre, mais deux agents, avec un véhicule de service afin de conduire la personne concernée à l'office des poursuites durant ses heures d'ouverture; cette tâche prend au minimum deux heures. Bien sûr, la nouvelle procédure de notification des actes de poursuite dans la «Feuille d'avis officielle» se veut simplificatrice, toutefois il reste des cas récurrents qui nécessitent une intervention telle que décrite auparavant. Or, ce sont les communes ayant une forte densité qui comptent le plus de cas récurrents. Ce sont ces mêmes communes qui ont un besoin impératif de la présence de leurs ASM sur leur territoire, que cela soit pour la prévention ou pour assurer la sécurité des communiers.

Je rappellerai une fois encore la position de l'Association des communes genevoises sur un transfert de charges qui va à l'encontre des principes d'une bonne gestion, qui table généralement sur un «désenchevêtrement» des tâches dans une activité actuellement assumée entièrement par le département des institutions, auquel appartiennent tant la police que les offices des poursuites et faillites.

Pour ces raisons, le groupe libéral vous invite à accepter l'amendement qui consiste à enlever cette tâche de la loi.

M. Olivier Wasmer (UDC). J'ai entendu dire un peu tout et n'importe quoi au sujet de ces mandats de conduite concernant les offices des poursuites...

Il faut savoir que la loi sur les poursuites permet de déléguer le mandat de notifier un commandement de payer ou un acte de poursuite tant à la poste - la loi le prévoit - qu'aux huissiers de l'office des poursuites eux-mêmes, qu'à la police pour le cas où, effectivement, l'huissier de l'office des poursuites ou la poste n'arrivent pas à le faire. Le Conseil d'Etat - il y a deux ou trois ans, je crois - a eu la très bonne idée de, dorénavant, faire notifier purement et simplement par la «Feuille d'avis officielle» - qui est réputée notifier l'acte en question par sa publication - les actes de poursuite, commandements de payer et avis de saisie aux débiteurs qui s'y soustraient systématiquement.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, vous allez voter un projet de loi octroyant des compétences nouvelles à la police municipale, dont la principale tâche jusqu'à aujourd'hui était d'infliger des contraventions aux conducteurs en excès de vitesse, aux voitures mal parquées, ou encore de condamner un propriétaire de chien qui n'avait pas mis son animal en laisse ou n'avait pas ramassé ses crottes.

Malheureusement, en cette période de crise, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons plus nous permettre de nous contenter de ces tâches minimalistes, dans la mesure où, vous le savez, rien que l'administration fiscale et les assurances-maladie accusent près de six à huit mois de retard dans la notification des commandements de payer aux mauvais citoyens qui ne règlent pas leurs impôts ou à ceux qui ne s'acquittent pas de leurs cotisations d'assurance-maladie.

Contrairement à ce que j'ai entendu dire, et à gauche et à droite, la tâche consistant à notifier un commandement de payer ne prend pas deux heures, et je peux vous dire qu'elle n'est pas aussi importante dans la commune de Gy que dans la commune de Meyrin ! Il est totalement inadéquat de penser qu'un agent municipal - puisqu'ils s'appellent encore comme cela aujourd'hui - passe deux heures à Gy pour notifier un commandement de payer.

Une voix. Au bistrot !

M. Olivier Wasmer. Peut-être n'y a-t-il qu'un seul agent municipal à Gy. Etant donné le nombre d'habitants de Gy, par rapport à Meyrin ou à Vernier ou à d'autres grandes communes - la Ville de Genève, par exemple - la proportion d'agents municipaux n'est pas la même ! Je ne sais pas combien il y en a pour la Ville de Genève... Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y en a bien assez pour remplir cette tâche, d'autant plus que cela n'arrive pas tous les jours, puisque, comme je l'ai déjà indiqué, la notification des actes de poursuite relève d'abord de la compétence des huissiers des offices des poursuites, ensuite de la poste et, dans un troisième temps, incombe à la police. Donc, la police municipale ne devra intervenir qu'en quatrième position, si l'office des poursuites, la poste ou la police ne peuvent pas le faire. A ce moment-là seulement, l'agent de la police municipale devrait se rendre chez le débiteur concerné.

Maintenant, les détracteurs de cette décision de la commission diront que c'est très dangereux, parce qu'ils peuvent se faire «taper dessus»... Mesdames et Messieurs les députés, cela fait vingt-cinq ans que, malheureusement, je dois faire notifier des commandements de payer, et je peux vous dire n'avoir pas connu un huissier de l'office des poursuites, ni un postier, ni un gendarme, s'être fait tabasser par un mauvais débiteur. Certains d'entre eux ont parfois des réactions très négatives, mais c'est compréhensible quand on se fait notifier un commandement de payer, qu'il soit de 1000 F ou de 25 000 F.

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas une raison pour ne pas utiliser ces agents municipaux, qui vont devenir des policiers municipaux, pour remplir également cette tâche. Je vous rappelle que nous sommes en pleine crise et que des tas de créanciers, notamment l'administration fiscale, les assurances-maladie, voire des entrepreneurs qui doivent récupérer leur argent auprès de leurs clients, ne peuvent pas notifier le commandement de payer - M. le conseiller d'Etat Moutinot vous le confirmera. Car il y a toujours - et je n'ai pas pris tout à l'heure, pour des raisons qui m'appartiennent, la parole concernant le rapport sur l'office des poursuites - donc, il y a toujours beaucoup de retard à Genève dans les notifications de poursuite. Si tous ces créanciers - je pense aux petits entrepreneurs, aux femmes qui attendent leur pension alimentaire - doivent se priver de cette compétence des policiers municipaux, je crois que, malheureusement, le problème s'aggravera encore.

Il faut savoir que, dans le canton de Genève, il y a près de 300 000 actes de poursuites par année - j'espère ne pas me tromper sur le chiffre, et il a certainement encore augmenté - alors que, dans des cantons comme le Valais, il y en a 20 000 à 30 000 et, dans le canton de Zoug, à peu près 1000. Je suis en mesure de vous le dire, parce que j'ai fait notifier des actes de poursuite, et, comme ils sont numérotés, cela permet de connaître leur nombre. Donc, si nous nous privons de ce service - qui sera, par ailleurs, tout à fait occasionnel et pas aussi important dans la commune de Gy que dans celle de Genève, comme je l'ai expliqué - eh bien, le nombre des poursuites continuera à s'amplifier, avec tous les problèmes que cela implique et que nous avons connus ces dix ou vingt dernières années !

Pour tous ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC vous demande de rejeter cet amendement.

M. Olivier Jornot (L). Tout d'abord, je remercie M. Wasmer pour son intéressant exposé sur la notification des actes de poursuite, en lui faisant observer que, malheureusement, ce n'est pas le sujet, puisqu'il est question ici des mandats de conduite, ce qui n'a vraiment rien à voir... (Exclamations.) La notification des actes de poursuite intervient en effet au domicile du débiteur. Les communes étaient associées à cet exercice jusqu'à naguère, puis, pour des raisons de rémunération, la chose est tombée en désuétude. Il s'agit ici du mandat de conduite, c'est-à-dire de l'opération par laquelle le débiteur est amené à l'office pour une opération plus complexe que la simple notification d'un commandement de payer.

A Mme Bolay, je souhaiterais dire - tout en m'adressant au président, bien entendu... - qu'il faut cesser de propager l'information erronée selon laquelle la mission du mandat de conduite aurait été introduite par la commission. Elle figurait dans le projet de loi du Conseil d'Etat: c'est votre conseiller d'Etat préféré qui a fait cette proposition ! Je tenais tout de même à le préciser.

Alors, c'est vrai - je l'ai indiqué hier soir - cet aspect du projet n'est pas réussi. Pourquoi ? Parce que seule la compétence a été introduite sans prévoir également les moyens; sans prévoir la rémunération, le cas échéant; et sans considérer la problématique de l'égalité de traitement entre les communes qui ont des ASM et celles qui n'en ont pas.

Néanmoins, j'aimerais dire - après, évidemment, avoir précisé que, à l'instar de mon groupe, j'accueillerai cet amendement - que je ne suis pas satisfait de ce qu'il faille, par cet amendement, renoncer purement et simplement à la compétence d'exercer les mandats de conduite. Je ne suis pas satisfait, parce que, si j'entends bien les magistrats communaux nous dire que leurs agents doivent d'abord servir à la sécurité des communiers, je dirai aussi, en tant que député cantonal, que je souhaiterais que la police s'occupe d'abord de la sécurité des Genevois. Et, entre les uns et les autres, je ne vois pas pourquoi les «plus policiers» - si vous me passez cette expression - devraient précisément effectuer la mission de conduire les gens, au petit matin blême, à l'office des poursuites.

C'est pourquoi je demande au Conseil d'Etat de remettre l'ouvrage sur le métier, de renégocier avec l'Association des communes genevoises, de trouver une solution qui permette d'agir à moindre coût, sans gaspiller du personnel, en satisfaisant les communes parce qu'elles seraient partie prenante au processus et qu'elles recevraient la juste rémunération pour le personnel qu'elles engageraient dans cette opération. Cela me paraît nécessaire.

M. Eric Stauffer (MCG). Comme cela a déjà été dit, il faut aller plus loin. Nous avons tous accepté - en tout cas, à une large majorité - l'appellation «agents de la police municipale», il faut donc maintenant leur donner les compétences qui vont avec.

Toutefois, il ne faudrait pas, parce que certains magistrats voudraient n'avoir que le côté positif du mot «police» et pas les inconvénients, créer un îlot avec les polices municipales et laisser le tout-venant à la police cantonale.

Laissez-moi vous rappeler que la première mission de la police cantonale est d'assurer la sécurité de nos concitoyens, et, pour ce faire, il faut évidemment être dans la rue. Or, pendant qu'ils exécutent des mandats de conduite pour des problèmes de poursuites, ces policiers ne s'occupent pas des criminels. Cela concerne des citoyens tout à fait normaux - malheureusement, de plus en plus nombreux - qui se retrouvent en disgrâce, parfois parce qu'ils n'ont pas répondu à l'une ou l'autre convocation. Et il ne faut pas, contrairement à ce qu'a indiqué Mme Bolay, quatre agents de police pour exécuter un mandat de conduite... Non, Madame la députée, ce ne sont pas des forcenés, et il n'est pas nécessaire d'avoir une équipe de force anti-terroriste pour exercer un mandat de conduite pour acheminer un citoyen à l'office des poursuites ! Généralement, un gendarme suffit. Mais, pour certains récalcitrants, des renforts sont parfois appelés pour exécuter le mandat de conduite.

Nous pourrions, dès lors, très bien imaginer que les agents de la police municipale puissent exécuter les mandats de conduite et que, en cas de problème, ils appellent du renfort, c'est-à-dire leurs collègues de la police cantonale.

Je tiens tout de même à faire remarquer que l'article 1 donne une base légale, mais ce n'est pas une obligation. La loi prévoit que la police municipale peut exercer un mandat de conduite, mais il faut mettre en place tout ce qui va avec. Ce ne sera pas nécessaire la première ou la deuxième année, mais c'est prévu dans la loi. Et, lorsque le Conseil d'Etat et ce parlement - si nous avons tous décidé d'appeler les agents de sécurité «agents de la police municipale», c'est que nous voulons leur donner davantage de compétences de police à ces agents municipaux - seront prêts avec un règlement d'application, cela sera prévu dans la loi, et il ne sera pas nécessaire de modifier à nouveau cette dernière.

J'insiste, cet article n'est pas une obligation: c'est une simple possibilité ! Comme l'a dit M. Wasmer, il y a plusieurs échelons, et il ne s'agit que d'un échelon de plus. Ensuite, libre aux dirigeants - ceux qui ont la compétence d'autorité - d'instruire la police municipale ou la police cantonale pour exécuter ces mandats de conduite, voire - peut-être, pourquoi pas ? - la police judiciaire... C'est le choix du chef du département.

C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à refuser cet amendement, tout en vous recommandant de ne pas discuter sans fin pour octroyer les travaux de qualité aux policiers municipaux et laisser le tout-venant à la police cantonale. Si tel était le cas, l'esprit et l'objectif de cette loi seraient déviés. Nous vous invitons donc à refuser cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur Stauffer. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau décide de clore la liste des intervenants. Doivent encore prendre la parole: M. Losio, M. Wasmer, Mme Bolay, M. Moutinot. Mme Pürro était inscrite, je la vois partir... Qu'en est-il ? Elle ne l'est plus. Très bien ! Monsieur Losio, vous avez la parole.

M. Pierre Losio (Ve). Merci, Monsieur le président. Je serai très bref. Nous allons soutenir cet amendement, parce que nous pensons que la mission qui est inscrite dans la loi pour les agents de la police municipale n'est pas adéquate. En effet, cela ne correspond pas à l'image que nous souhaitons que la population perçoive de ce qui est désormais la police de sécurité municipale. Il serait effectivement extrêmement désagréable d'être réveillé à 6h du matin par un agent de la police municipale qui devrait exécuter un mandat de conduite pour des histoires de dettes et faillites. Nous, nous souhaitons que ce corps reste proche de la population, qu'il ait une image positive, qu'il ait une image rassurante, qu'il continue à afficher et à proposer sa grande disponibilité. Par conséquent, il ne nous semble pas véritablement pertinent que cette mission lui soit confiée.

C'est la raison pour laquelle, je le répète, nous soutiendrons cet amendement.

M. Olivier Wasmer (UDC). Monsieur le député Jornot, vous ne m'en voudrez pas - il ne s'agit pas d'une attaque personnelle - mais, tout à l'heure, vous avez déclaré que le mandat de conduite n'est pas une notification... Si nous vous reconnaissons tous des talents de très grand juriste - moi, le premier - je peux vous dire que le but d'un mandat de conduite est justement - contrairement à ce que vous indiquez - de faire notifier un acte de poursuite que l'office des poursuites, voire la poste, voire la police, n'a pas pu faire notifier.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que la police municipale, qui devra notifier des actes de poursuite par un mandat de conduite, n'aura qu'une démarche à effectuer - sur ordre de la police ou de l'office des poursuites, selon ce que décidera le règlement du Conseil d'Etat - à savoir de mandater un agent municipal chez un débiteur récalcitrant pour lui notifier un acte de poursuite. Et, cas échéant, si le débiteur refuse de se faire notifier cet acte de poursuite, de le conduire au poste de police municipale pour prendre note de son opposition. Voilà ce qu'est un mandat de conduite ! Le mandat de conduite n'est pas, comme son nom pourrait le faire croire, d'amener par la force, avec des menottes, un débiteur récalcitrant. Il s'agit simplement, je le répète, de se rendre chez un débiteur et de lui notifier l'acte de poursuite que ce dernier n'est pas allé chercher à la poste ou à l'endroit qui lui avait été indiqué.

Voilà ce que je pouvais dire à propos du mandat de conduite. Pour tous ces motifs, je vous demande de rejeter cet amendement.

M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Je ne voudrais pas le rappeler à chacune de mes interventions, mais je vous signale tout de même que nous avons passé huit séances de commission sur cet objet et que nous avons largement eu le temps d'en débattre !

Il me paraît intéressant de préciser que ces mandats de conduite exécutables par des agents de la police municipale ne sont pas une invention des commissaires ni d'aucun parti politique... Nous n'avons fait que suivre le département, qui nous a clairement expliqué ce qu'était un mandat de conduite ! Je l'ai expliqué hier, je le répète, ce n'est pas très long... En réalité, un agent de police doit d'abord téléphoner à la personne concernée: c'est très rare qu'il doive se rendre à son domicile. Ce n'est donc pas un gros travail.

Par contre, nous sommes tous très à cheval sur l'autonomie communale. Nous savons que des communes ne disposent pas d'ASM, contrairement à d'autres. Nous avons tous compris que les petites et les grandes communes ne se trouvent pas dans la même situation et que leurs besoins sont différents. Mais nous avons tous suivi - en tout cas, la majorité, par onze oui contre un non et une abstention - cette proposition du département des institutions.

Alors, nous n'allons pas changer notre vote, tout du moins pour ce qui est du groupe radical !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Bolay qui remplace Mme Pürro.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité ad interim. C'est exact, merci beaucoup, Monsieur le président. Je reviens sur mes propos de tout à l'heure, car je crois que certains m'ont mal comprise ou ont fait semblant de mal me comprendre... Je n'ai pas dit qu'il fallait quatre gendarmes pour exécuter chaque mandat de conduite: j'ai dit qu'à l'heure actuelle tous les mandats de conduite nécessitent quatre gendarmes à plein temps. J'espère que, cette fois-ci, vous avez compris, sinon je vous le dirai en espagnol... (Rires.) Peut-être que vous comprendrez mieux !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Tout d'abord, j'assume effectivement clairement la paternité de cette proposition, qui n'est donc pas une invention de votre commission ! Je me flatte d'avoir pu la convaincre de l'accepter, et j'ose espérer que votre plénum en fera de même.

Pourquoi cette mission a-t-elle été voulue par le Conseil d'Etat ? Parce que, de toute évidence, il s'agit d'une tâche qui ne nécessite pas la formation d'un policier. Et qui, de toute évidence aussi, ne met pas en danger le collaborateur. Nous avons éliminé du catalogue, pendant nos travaux, un certain nombre de missions en estimant qu'un ASM - maintenant, un APM - pouvait être mis en difficulté dans son intégrité, voire pire. Mais, en l'occurrence, le risque n'existe pas: c'est la raison pour laquelle cette mission a été proposée.

Les chiffres énoncés par Mme Bolay, pour donner une idée de l'ampleur du travail, sont rigoureusement exacts... Quoi qu'il en soit, si, par malheur, je n'étais pas suivi, je prends note avec satisfaction du soutien indéfectible du député Jornot, pour convaincre les communes de parvenir à une solution en la matière.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets donc l'amendement proposé à l'article 1, Définition. Il consiste à supprimer la dernière phrase «...et de prescriptions fédérales sur la poursuite pour dettes et faillites», ce qui donne: «Les agents de la police municipale sont des agents qualifiés qui peuvent être engagés par les communes et sont dotés, par délégation de l'Etat, de certains pouvoirs d'autorité en matière de prescriptions cantonales de police et de prescriptions fédérales sur la circulation routière.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 43 oui contre 21 non et 4 abstentions.

Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté par 45 oui contre 19 non et 3 abstentions.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté.

Le président. Je précise que l'amendement présenté par le Conseil d'Etat à l'article 3 est devenu caduc, puisque le titre et le préambule n'ont pas été modifiés.

Mis aux voix, l'article 3 est adopté, de même que l'article 4.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, à l'article 5, alinéa 2, lettre e), nous sommes saisis d'un amendement présenté par M. Ducrot, Mme de Candolle et Mme Favre, de même que d'un amendement présenté par Mme Pürro, M. Losio et Mme Bolay. Tous deux consistent à abroger la lettre e). Monsieur Ducrot, vous demandez la parole: je vous la donne.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Merci, Monsieur le président. Je serai extrêmement bref: cet amendement découle bien évidemment du vote précédent concernant l'article 1.

Le président. Très bien. Je vais quand même le soumettre au vote; il s'agit, à l'article 5, de l'abrogation de la lettre e) de l'alinéa 2.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 44 oui contre 18 non et 3 abstentions.

Mis aux voix, l'article 5 ainsi amendé est adopté par 54 oui contre 3 non et 10 abstentions.

Mis aux voix, l'article 6 est adopté de même que les articles 7 à 9.

Le président. A l'article 10, nous sommes saisis d'amendements présentés par les mêmes députés que précédemment. Ils proposent l'abrogation de la lettre c). Mme Bolay désire prendre la parole: je la lui donne.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité ad interim. Je voudrais m'exprimer sur l'article 11, Monsieur le président, mais je laisserai peut-être le groupe des Verts annoncer l'amendement qu'ils proposent.

Le président. Madame, pour le moment, nous sommes à l'article 10 !

Mme Loly Bolay. Mais vous m'avez donné la parole !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'amendement présenté à l'article 10, proposant l'abrogation de la lettre c).

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 18 non et 4 abstentions.

Mis aux voix, l'article 10 ainsi amendé est adopté par 52 oui contre 13 non et 5 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis à l'article 11 d'un amendement déposé par les Verts. Madame Captyn, vous avez la parole.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Merci, Monsieur le président. En commission judiciaire, nous avions proposé le port du matricule anonyme et clairement visible sur l'uniforme contre l'acceptation des fouilles sommaires par la police municipale mentionnées dans cet article 11. Cet amendement avait été refusé en commission. Nous ne l'avions pas redéposé, pour faire l'économie de ce débat en plénum, mais nous voulons tout de même rappeler les travaux de commission.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité ad interim. Notre amendement porte sur l'alinéa 4 de l'article 11 concernant les mesures d'éloignement. Pour nous - et c'est d'ailleurs ce qui a fondé le rapport de minorité de ma collègue Véronique Pürro - ces mesures d'éloignement sont contraires à la logique et à l'esprit de ce projet de loi qu'elles dénaturent. De plus, elles ne rentrent pas dans le cadre des compétences des ASM.

C'est la raison pour laquelle, Monsieur le président, je demande l'abrogation de l'alinéa 4 de l'article 11.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, il me semble qu'il faut être un peu cohérent. En effet, étant donné que nous avons supprimé les mandats de conduite - que j'ai défendus en commission, je l'avoue, parce que je trouvais qu'on pouvait demander aux agents de police municipaux d'accomplir cette tâche - en considérant, comme certains l'ont exprimé, que cela représentait un danger d'acheminer les personnes concernées au poste, je ne vois pas comment nous pouvons maintenir l'alinéa 4, qui prévoit que ces mêmes agents peuvent prononcer une mesure d'éloignement, au sens de l'article 22B, alinéa 1, de la loi que nous avons votée hier. Car véritablement, Monsieur le président, cette tâche-là est plus difficile à exécuter que les mandats de conduite ! En comparaison, ces derniers sont du gâteau ! C'est vraiment autre chose !

Je ne comprends pas que cette assemblée prenne cette décision, parce qu'il y a une pression forte dans les différents caucus... En passant, je vous dirai, chers collègues, que nous sommes en principe députés de la république et non pas d'une commune. Enfin, certaines communes se sont mises en marche, et, dans ce canton, quand des communes toussent, le Grand Conseil tremble... En l'occurrence, c'est ce qui s'est passé, puisque les uns et les autres ont - comment dirais-je ? - «baissé leur froc» en décidant de supprimer les mandats de conduite !

Et là, on met le paquet: cet alinéa 4 prévoit d'octroyer aux ASM une compétence qui est vraiment du ressort de la police, puisqu'il s'agit de pouvoir prononcer une mesure d'éloignement ! Pourtant, Dieu sait si le débat d'hier soir a été important et Dieu sait si le débat d'hier soir a montré combien cette mesure était dure et liberticide ! Néanmoins, malgré cela, aucun problème: on y va ! Pourtant il s'agit de répression pure et dure...

Vraiment, je ne comprends pas ! Si vous avez un minimum de cohérence, Mesdames et Messieurs les députés - un minimum de cohérence, parce que vous en manquez pas mal ces derniers temps ! - vous ne devez pas voter cet alinéa 4 ! Vous ne pouvez pas le voter !

M. Eric Stauffer (MCG). Une fois de plus, je ne comprends pas la position des socialistes... Nous venons à peine d'accepter le nom de «police municipale» que vous voulez déjà enlever leurs uniformes à ses agents et leur mettre des bandeaux de Mahatma Gandhi, avec une rose à la boutonnière ! (Rires.) Et quand ces agents croiseront des dealers et des voyous, il faudrait qu'ils leur disent: «Peace and love, Camarades, fumons ensemble !»... Non mais, franchement, soyons un peu cohérents dans ce parlement !

Si nous nous dotons d'une police municipale, c'est pour assurer la sécurité, et cela commence déjà dans les communes ! Enfin, un peu de bon sens, Mesdames et Messieurs les députés ! L'insécurité qui règne, les incivilités de ces bandes de voyous qui traînent dans les communes... (Exclamations.) La sécurité passe déjà par là: par une police de proximité, par une police visible, par une police qui a les moyens de prendre des mesures d'interdiction à l'encontre de ceux qui dégradent les lieux publics... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...notamment les vendredis et samedis soir dans les communes !

En fin de compte, que souhaitez-vous: une police qui ne fait rien ? Si c'est ça, il n'y a qu'à supprimer les ASM, les agents de police, etc. ! Soyons cohérents ! Cet alinéa est adéquat: nous devons déléguer des compétences supplémentaires à ces agents, parce que la police cantonale ne peut plus faire face, vu l'ampleur que ces phénomènes d'insécurité et d'incivilités ont pris. Il faut donc augmenter la présence policière pour faire de la prévention, pas forcément pour réprimer. Toutefois, quand la répression est nécessaire, il faut pouvoir l'appliquer.

Certains députés prétendent qu'il ne faut pas le faire... Je me demande vraiment si nous habitons le même canton ! Alors, certes, je viens d'une commune peut-être défavorisée à ce niveau - comme d'autres, dans la ceinture suburbaine. Et, bien sûr, ceux qui vivent dans des beaux lofts, situés dans des quartiers résidentiels, n'ont peut-être pas la même perception de ce qui se passe réellement. Mais laissez-moi vous dire qu'à Onex les vitres des abris de bus sont systématiquement descendues à coups de pavés et que des groupes de jeunes mettent le feu dans les allées avec le contenu des boîtes aux lettres qu'ils saccagent. Du reste, la régie a refusé de réparer ma boîte aux lettres... Et il faut savoir que c'est seulement la dix-huitième fois en quatre ans qu'elle est cassée... Du coup, maintenant, tout le monde peut ouvrir ma boîte aux lettres et prendre mon courrier ! Et voilà ! Ça, c'est la réalité, c'est ce qui se passe à Genève ! (Brouhaha.) Alors, donnons à ces agents de police municipaux la possibilité de faire appliquer et respecter le droit, pour la tranquillité de nos concitoyens: c'est le bon sens le plus élémentaire !

Nous ne voulons pas pour autant d'un Etat policier ! Ce n'est pas ce que nous vous proposons. Mais nous ne voulons pas non plus d'un Etat où règnent l'insécurité et une permissivité qui est tout simplement ahurissante. Ahurissante ! Et ça, ce n'est pas normal et ce n'est pas respectueux vis-à-vis de l'électorat !

Nous vous invitons donc à refuser très fermement cet amendement et à laisser ces prérogatives aux agents de la police municipale.

Le président. Le Bureau décide de clore la liste. Doivent encore prendre la parole: Mme de Candolle, M. Jornot, M. Catelain, Mme Künzler, M. Velasco, M. Stauffer, les rapporteurs et le conseiller d'Etat. Madame de Candolle, je vous donne la parole.

Mme Beatriz de Candolle (L). La réalité du terrain, les problèmes d'insécurité grandissants dans nos communes appellent ces mesures d'éloignement. Il suffit d'un ou deux individus pour rendre un lieu invivable, non fréquentable. La population doit-elle subir la peur, l'insécurité, sans que nous essayions d'y remédier ? Donner la prérogative des mesures d'éloignement aux agents municipaux, c'est leur offrir un bon outil de travail à l'encontre des personnes indésirables dans certains lieux, comme les parcs publics, comme les abords des écoles, par exemple. Il restera, bien entendu, à adapter les mesures en fonction des problèmes rencontrés dans les communes et des catégories de personnes qui en feront l'objet.

Mesdames et Messieurs, les libéraux vous engagent donc vivement à refuser cet amendement !

M. Olivier Jornot (L). Je n'aimerais pas doucher l'espoir de ceux qui, comme M. Stauffer, s'imaginent que cette mesure va permettre de lutter contre ces bandes de voyous qui «ne font rien qu'à mugir dans nos campagnes», ainsi que le disait un humoriste français bien connu... (Rires.)

Pourquoi ? Parce que, en l'occurrence, il ne s'agit pas d'introduire la totalité des mesures d'éloignement prévues à l'article 22 de la loi sur la police, telle que nous l'avons votée hier. Non, Monsieur Velasco, ce n'est pas vraiment une compétence de police, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, puisque la police peut non seulement prononcer une mesure orale, d'une durée de vingt-quatre heures, mais, également, une mesure écrite jusqu'à une durée de trois mois ! Dans le cas qui nous occupe, le projet prévoit de conférer aux agents de la police municipale uniquement la mesure d'éloignement la plus légère.

Vous avez parlé de cohérence, Monsieur Velasco... Je crois en effet qu'il faut raisonner sur ce concept: il ne s'agit pas de faire un parallèle avec la question des mandats de conduite, mais de le faire avec l'appellation «agent de police». On ne peut pas concevoir un agent de police municipal qui n'aurait même pas la possibilité, face à un individu qui le nargue, de lui demander de se retirer de l'emplacement qu'il occupe !

Et puis, il s'agit aussi et surtout d'être cohérents avec l'article 5, tel que vous l'avez voté, Mesdames et Messieurs ! En effet, l'article 5 de la loi fait de la sécurité de proximité la compétence première et prioritaire des agents de la police municipale... Or, il n'est pas possible de faire de la sécurité de proximité sans avoir la compétence minimale de pouvoir prononcer une mesure d'éloignement orale, celle que M. Moutinot, hier, décrivait ainsi: «Circulez, y'a rien à voir !».

Je vous engage donc vivement à refuser cet amendement.

Présidence de M. Guy Mettan, premier vice-président

M. Gilbert Catelain (UDC). Par rapport à tout ce qui a été dit, il y a au moins un ou deux motifs de modifier ou d'amender cet article... Et je vais vous expliquer pour quelle raison.

Hier, lorsque nous avons voté l'article 22B du projet de loi 10121, je vous ai exprimé mes doutes concernant sa mise en application. Et, aujourd'hui, nous sommes au coeur du problème ! Sur ce point, j'approuverai les propos de M. Golay, à savoir que nous devrions donner davantage de compétences à la police municipale.

Car, en réalité, que va-t-il se passer ? Comme le projet de loi ne permet à la police municipale que d'appliquer l'alinéa 1 de l'article 22B, soit: «La police peut signifier verbalement une mesure d'éloignement valable vingt-quatre heures et conduire la personne hors du lieu ou du périmètre concerné.», les jeunes, qui ne sont pas bêtes, refuseront ! Et s'ils refusent, qu'arrivera-t-il ? La police municipale devra appeler une patrouille de gendarmerie pour faire appliquer la mesure d'éloignement, et, du coup, c'est cette dernière qui devra emmener ces jeunes au poste de gendarmerie ! C'est donc effectivement un non-sens. Mais, l'UDC s'étant engagée à ne voter aucun amendement et à respecter le travail effectué en commission, elle refusera l'amendement socialiste. Quoi qu'il en soit, la compétence qui, à l'article 11, est confiée aux agents de la police municipale n'est pas suffisante et posera pas mal de problèmes d'application. Que se passera-t-il ? La gendarmerie, qui ne dispose que d'une ou deux patrouilles sur la rive droite, répondra qu'elle est occupée par un accident ou par un cas de violence conjugale à tel ou tel endroit, et elle ne pourra pas se déplacer ! Par conséquent, la police municipale ne pourra pas appliquer l'alinéa 4 de l'article 11 !

C'est pourquoi je vous recommande de ne pas voter l'amendement socialiste.

Mme Michèle Künzler (Ve). La conclusion de M. Catelain est plutôt curieuse... Mais je suis d'accord avec lui sur le fait que la police municipale ne pourra pas appliquer cette mesure. Je vous enjoins donc à ne pas la maintenir !

Sur le plan éthique, il me semble que la fonction de la police municipale doit vraiment être d'assurer l'ordre public et la salubrité, qui sont des missions différentes de celles dévolues à la police. Quoi qu'il en soit, la police municipale peut très bien dire à une bande de jeunes qui traînent - ce qui vous fait si peur - d'aller ailleurs, car ils sont bruyants. En l'occurrence, la police municipale devra conduire ces personnes hors du lieu ou du périmètre concerné... Mais, je vous le demande: avec quels moyens ? Par la force ? Les agents de la police municipale n'ont pas les moyens de remplir une telle mission, car ils n'ont pas d'arme. A mon avis, c'est un scandale de les y obliger, car ils ne sont pas formés pour cela et n'en ont pas les compétences. Ce n'est vraiment pas leur tâche ! Je le répète: ils peuvent déjà dire à une personne de s'éloigner; à un moment donné, le prestige de l'uniforme leur permet peut-être d'user de leur autorité et d'impressionner les jeunes.

Je signale quand même que j'habite dans un quartier prétendument difficile, en face des Libellules... Franchement, on ne peut pas parler d'insécurité ! En réalité, si l'on examine finement les actions de la police, on voit bien qu'il s'agit de lieux où il ne se passe quasiment rien ! En fait, on est en train de monter tout un «bastringue» pour essayer d'éloigner, de chasser, de maîtriser des personnes qui n'ont rien fait de mal ! Il faut le rappeler, il ne s'agit pas de personnes qui commettent des infractions pénales, car, dans ce cas, la police peut agir de plusieurs façons. Je le répète, nous parlons de personnes qui n'ont rien fait de particulier, si ce n'est qu'elles gênent... Mais qui gênent-elles ? A un moment donné, il faut quand même réfléchir et nous dire qu'il est vain de proposer des mesures qui ne pourront pas être appliquées ! C'est comme quand les parents menacent leurs enfants d'une punition qu'ils ne pourront pas infliger. Ce n'est vraiment pas une bonne éducation !

Par conséquent, ne votons pas cette loi telle que vous la proposez, mais, parce qu'il faut qu'elle tienne la route, acceptons cet amendement ! Les mesures prises doivent être conséquentes: elles ne doivent pas représenter des menaces inutiles car inapplicables ! (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). Comme toujours, quand M. Stauffer a fini de parler, il quitte la salle et n'écoute même pas la fin du débat ! Je lui dirai néanmoins que le projet de loi initial... (Brouhaha.) Ah, voici M. Stauffer ! - ...ne comportait pas cette phrase-ci à l'alinéa 4 de l'article 11: ces mots ont été ajoutés au cours des travaux de commission, et c'est pourquoi j'interviens. Par ailleurs, c'est vrai, Monsieur Stauffer, que vous ne faites pas partie de la commission.

Le précédent article que nous venons de supprimer figurait, lui, déjà dans le projet de loi initial. Si nous l'avons éliminé, c'est parce que nous n'avons pas voulu charger la police municipale. Cet alinéa-ci, le Conseil d'Etat ne l'a pas introduit, et pour cause ! Là, c'est vous qui l'ajoutez.

Il n'est pas nécessaire de nous dire que les libéraux sont préoccupés par la sécurité... (Remarque.) Avec tous les projets de lois liberticides que doit traiter la commission judiciaire, je n'ai aucun doute sur ce point, Madame ! Vous êtes si préoccupés, les libéraux, par ce sujet que, mois après mois, vous rabotez les libertés individuelles des citoyens ! Mais ce qui est terrible - et je suis tout à fait d'accord avec les propos de Mme Künzler - c'est que l'on peut se demander à quoi sert un tel alinéa, si les agents en question n'ont pas les moyens de l'appliquer.

Monsieur Catelain, c'est tout de même extraordinaire... Vous avez fait un plaidoyer magnifique: vous avez démontré avec précision l'inapplicabilité de cet alinéa - et il est véritablement inapplicable ! - et puis, tout d'un coup, vous nous dites qu'il faut néanmoins refuser cet amendement... C'est vraiment extraordinaire ! Ce n'est pas la kermesse... c'est la vogue ! Vous êtes un député de vogue, Monsieur !

Une voix. Oh !

M. Alberto Velasco. Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il faut de la cohérence. Je le rappelle, vous avez éliminé les mandats de conduite - que, personnellement, j'avais défendus - mais je trouve qu'introduire un tel alinéa, alors que les agents de police municipale n'ont pas les moyens de l'appliquer, les met dans une situation difficile. De toute façon, pour appliquer cet alinéa, ce sont les gendarmes qui seront mobilisés.

Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'être cohérents et de voter l'amendement qui vous est proposé, consistant à abroger cet alinéa 4.

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, vous rassurerez mon collègue Velasco: si je ne suis pas à ma place, je suis juste à côté ! Et c'est avec assiduité que je suis tous les commentaires qui sont émis...

J'aimerais juste, puisque vous parlez de cohérence, vous faire remarquer que l'article 10 que nous venons de voter stipule ceci à la lettre a): «les prescriptions cantonale de police que les agents de la police municipale sont habilités à faire appliquer, par délégation de pouvoir de l'Etat, relevant notamment de - c'est la première phrase: 1. la sécurité [...]», etc. Alors, selon vous, qu'y a-t-il dans la sécurité ?

M. Gilbert Catelain. La sécurité sociale !

M. Eric Stauffer. Peut-être, merci, Monsieur le député Catelain ! C'est vrai, il y a la sécurité sociale... (Rires.) ...mais, là, on n'est plus dans le même registre ! En l'occurrence, nous parlons de sécurité ! Vous dites, qu'en fait, si l'on maintient l'article tel qu'il est conçu, les libertés individuelles de nos concitoyens vont être restreintes... Mais c'est tout le contraire, Monsieur le député Velasco ! Je suis désolé ! C'est si vous ne donnez pas la possibilité aux agents de la police municipale de prononcer des mesures d'éloignement à l'encontre des délinquants et des dealers, que vous mettez en danger la liberté de chaque citoyen et la sécurité ! Et j'aimerais pouvoir dire à tous les citoyens, notamment à ceux qui vivent dans certains quartiers défavorisés, qu'ils peuvent rentrer le soir chez eux sans avoir peur, car des patrouilles circulent. Ce n'est pas une atteinte aux libertés individuelles: c'est, en matière de sécurité, faire de la prévention en assurant une présence ! Et malheureusement, dans certains quartiers - vous savez, c'est la grande mode maintenant à Genève - des bandes de jeunes font des clans en fonction des numéros postaux... Par exemple, les 1212 viennent casser la figure aux 1213, et vice-versa... (Commentaires.) Eh bien, laissez-moi vous dire que l'enfant d'un député du MCG... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...a été passé à tabac par des jeunes d'une autre commune, parce que, précisément, il venait d'une commune voisine et rivale ! Je le répète, c'est la réalité, voilà ce qui se passe à Genève ! (Brouhaha.) A vous écouter, j'ai l'impression que nous ne vivons pas dans le même canton et que «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil»... C'est de la théorie ! Il faut abandonner les romans à l'eau de rose et atterrir dans la réalité quotidienne, que nous Genevois devons subir !

C'est dans cet esprit qu'il faut refuser cet amendement, qui limite, je le répète, les pouvoirs que nous devons donner à cette nouvelle police municipale. Et, de ce point de vue là, nous suivons le conseiller d'Etat pour aller dans le sens d'une meilleure sécurité, parce que, avant de parler de la sécurité au niveau cantonal, elle commence déjà dans les communes !

Nous vous invitons donc fermement à refuser cet amendement.

M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Malheureusement, j'ai l'impression que l'on se trompe un peu de débat, avec ces mesures d'éloignement... En effet, l'article 22B du projet de loi que nous avons voté hier représente une compétence exclusivement réservée aux officiers de police; si tel était le cas pour ce projet-ci, nous ne pourrions pas entrer en matière. Mais ce dont nous parlons aujourd'hui, dans ce projet de loi, concerne des mesures peu importantes, des mesures orales.

Ici, il s'agit d'une première mesure, qui permet à un agent de signifier à une personne qu'elle doit quitter les lieux, cela afin d'éviter d'appeler la police uniquement pour effectuer cette action. Voilà ce dont nous avions parlé en commission, et voilà pourquoi la majorité de la commission avait soutenu cette mesure. Je vous remercie d'en faire de même et de refuser cet amendement.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je vous ai dit hier tout le mal que je pensais du projet de loi sur les mesures d'éloignement... Vous l'avez voté: dont acte ! Alors, il faut maintenant en tenir compte, et, notamment, de la mesure d'éloignement la plus légère, c'est-à-dire l'éloignement oral. Si l'on ne prévoit pas cette mesure dans la loi, qui permettra aux ASM de dire à quelqu'un qu'il doit circuler, évidemment qu'un certain nombre de personnes se croiront autorisées à faire remarquer aux agents qu'ils n'ont pas le droit de le faire ! Ou alors, il ne fallait pas voter la loi d'hier ! Mais vous l'avez votée... Dès lors, il faut effectivement garder dans cette loi cette première mesure d'éloignement, qui donne simplement le droit aux agents de faire circuler les personnes qui seraient gênantes. C'est normal. Il faut suivre le rapport de majorité sur ce point.

L'amendement de M. Catelain, qui donnerait aux ASM une compétence totale en la matière, ne joue pas pour deux raisons. D'abord, parce que cela ferait rentrer les ASM dans une activité répressive lourde, qui n'est pas de leur ressort. Deuxièmement, vous avez aussi voté hier que seul un officier de police pouvait prendre cette décision... Le corps des ASM ne comportant pas d'officiers de police, il n'est pas possible de suivre cet amendement !

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir suivre le rapport de majorité, tout en souhaitant que les ASM des différentes communes ne se renvoient pas, d'un territoire ou d'une commune à l'autre, les cas indésirables ! (Rires. Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un deuxième amendement, mais la procédure veut que nous votions d'abord le plus éloigné - si cet amendement est refusé, je donnerai la parole à M. Catelain pour qu'il présente le sien. Nous nous prononçons sur l'abrogation de l'alinéa 4 de l'article 11.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 38 non contre 25 oui et 5 abstentions.

M. Gilbert Catelain (UDC). La nouvelle version de l'amendement que je vous ai remise tient compte du fait que c'est l'officier de police qui va devoir notifier la décision. Or le but est quand même d'apporter une certaine cohérence à la compétence que l'on veut donner à cette police municipale. En effet, dans un premier temps, elle va signifier verbalement la mesure d'éloignement. Mais il faut éviter que le jeune appréhendé s'y oppose, car, si tel est le cas, la police municipale sera tout de même obligée de faire venir une patrouille de gendarmerie, ce qui, par exemple, est disproportionné par rapport au refus d'un adolescent qui devrait se trouver chez lui à 22h. Si les circonstances le justifient, eh bien, la personne qui a violé la mesure d'éloignement est conduite au poste ou au bureau de police, et dans ce cas par la police municipale, qui prend, elle, la décision: soit elle peut prononcer une mesure d'éloignement - et elle peut aller jusqu'au bout, c'est-à-dire qu'elle amène la personne concernée au poste - soit elle ne prend pas cette décision, et c'est alors un officier de police qui notifiera par écrit, au sens de l'alinéa de l'article 22B de la loi sur la police, la mesure d'éloignement. Il n'y a donc là vraiment rien de méchant.

D'ailleurs, cela se passe aussi - dans les mêmes termes - «par délégation» par rapport à d'autres instances en matière d'interdictions, où, effectivement, des interdictions d'entrer sont prononcées; ce n'est pas l'officier de police qui notifie l'interdiction d'entrer, parce que cette compétence a été déléguée. C'est donc une chose tout à fait possible, c'est juste une question de bonne volonté !

Aussi, je vous demanderai de soutenir cette proposition d'amendement, afin que la loi que nous avons votée hier ait, cette fois, une certaine cohérence.

Mme Michèle Künzler (Ve). Je regrette vivement que l'on ait refusé l'amendement précédent, parce que, finalement - et contrairement à ce que vous dites, Monsieur Moutinot - cette mesure d'éloignement n'est pas seulement verbale: les agents peuvent conduire la personne concernée hors du lieu ou du périmètre concerné. Or, conduire quelqu'un, c'est le saisir, s'il ne veut pas partir suite à une injonction verbale, pour le conduire ailleurs... Comment peut-on donner à la police municipale la mission de saisir une personne, de la sortir d'un périmètre et - c'est en ajouter une couche ! - de la conduire à la police ?! Je pense que cela pose un vrai problème. Peut-être faudrait-il discuter en à nouveau en commission... (Remarque.) Ou en troisième débat ! ...car cette mission ne me semble pas pouvoir être accomplie par la police municipale.

Ensuite, il a été dit qu'il fallait appeler un policier pour saisir la personne et la conduire au poste, et que, cas échéant, l'agent municipal pouvait le faire lui-même... C'est vraiment une confusion ! Qui a peut-être été provoquée par le refus... Mais, si c'est vraiment ce que vous voulez, fusionnons ces corps de police !

A un moment donné, il faut poser des limites. Comme elles ont été mal posées dès le départ, je pense que cet amendement ne va pas arranger les choses. Je vois bien les magistrats communaux se dépatouiller avec des agents qui devront être un tant soit peu armés ou prendre des cours de self-défense, voire s'équiper... Car, je vous le demande à nouveau, comment pourront-ils appliquer cette mesure ? Et une menace qui n'est pas réalisable n'est pas crédible...

Je vous invite à faire attention à cet aspect des choses. Il faut avoir une loi qui tient la route et il faut des menaces crédibles. En l'occurrence, elles ne le sont pas ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Le Bureau, réduit à sa quintessence, décide de clore la liste. Sont encore inscrits: M. Stauffer, M. Jornot, M. Velasco et M. Ducrot. M. Moutinot conclura. Monsieur Stauffer, vous avez la parole.

M. Eric Stauffer (MCG). Comme nous l'avons dit préalablement, le fait d'avoir baptisé les agents de sécurité municipaux «agents de la police municipale» implique d'avoir le courage et la cohérence d'aller plus loin, car vous ne pouvez pas prendre des demi-mesures !

C'est dans cet esprit que nous allons soutenir l'amendement de l'UDC. Il pose certes quelques problèmes dans son application, mais nous ne doutons pas que M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot, qui est passé maître en matière de règlements d'application qui découlent des lois, trouvera la parade pour qu'un officier de police puisse notifier par écrit la décision de mesure d'éloignement qui sera prise par un agent de la police municipale.

Je rejoins d'ailleurs les propos de Mme Künzler, selon lesquels les menaces non crédibles ont un effet dangereux... Il faut préserver ce qui s'appelle «l'équilibre des forces», et, de ce point de vue là, elle a raison. Pour ces motifs, nous devons donc aller plus loin, comme l'a dit mon excellent collègue Roger Golay. Il faut maintenant avoir le courage de doter la police municipale de véritables armes de dissuasion et, pour cela, il faut que ses agents puissent être autonomes lorsqu'ils prononcent une mesure d'éloignement qui doit être inscrite, selon l'article 22 de la loi sur la police que nous avons votée hier.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande d'avoir le courage et la cohérence d'aller plus loin, dans le sens de vos votes précédents. Nous ne devons pas continuer à prendre des demi-mesures et nous retrouver avec des demi-policiers municipaux et des policiers à part entière au niveau cantonal ! Il faut donc soutenir cet amendement UDC.

M. Olivier Jornot (L). Les libéraux ne sont pas favorables - et j'espère que M. Velasco notera notre sens de la mesure et notre souci de défense des libertés - à ce que les corps d'agents de la police municipale soient dotés de mitrailleuses, de chars d'assaut et d'avions de combat... Nous souhaitons en rester à la loi telle qu'elle est aujourd'hui, avec, évidemment, cette possibilité pour les ASM de prononcer cette mesure d'éloignement - celle de base - pour les raisons évoquées notamment par M. Moutinot, qui a fort bien démontré qu'une fois la compétence donnée aux uns, si les autres ne l'ont pas, cela signifie qu'ils n'en disposent pas.

J'aimerais dire à M. Catelain que le mieux est l'ennemi du bien... La commission a élaboré un système qui permet en effet aux agents de la police municipale d'exercer une compétence. Mais vous nous dites maintenant qu'elle pourrait également exercer celle de l'alinéa 2, c'est-à-dire la compétence écrite, sans nous préciser quelle est la procédure applicable, qui prononce la mesure, comment ! Est-ce un officier de policier qui va ordonner à des agents de la police municipale de procéder à un acte ? Là, vous nous construisez une usine à gaz ! Et je peux vous garantir que cette disposition ne sera jamais - je dis bien «jamais» - appliquée ! Parce que, je le rappelle, la mesure écrite ouvre la voie à des recours: la possibilité, pour la personne concernée, de défendre ses droits constitutionnels. Et, s'il suffit de faire un recours de deux lignes pour expliquer que cela ne tient pas debout, la mesure ne vaut rien !

Je vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cet amendement et de vous en tenir au texte tel qu'il est sorti des travaux de la commission.

Madame Künzler, j'aimerais vous dire que, si jamais vous deviez avoir la tentation de formaliser votre demande de renvoi en commission, vous commettriez une erreur - politique, sans doute, mais ce n'est pas sur ce plan-là que je souhaite vous donner un conseil. En effet, ce serait une erreur d'essayer de faire croire que cette compétence d'éloigner pourrait tout à coup ne pas être exercée par les agents de la police municipale, alors même que vous avez accepté, deux alinéas plus haut - à l'article 11, alinéa 2 - le fait qu'une personne qui n'est pas en mesure de justifier de son identité puisse être conduite dans un poste ou un bureau de police. Et ça, c'est déjà dans la loi aujourd'hui ! Alors, ne nous dites pas que les agents de la police municipale ne peuvent pas dire à quelqu'un de quitter un lieu et de le conduire hors de ce dernier, alors qu'ils ont, déjà aujourd'hui, la compétence de conduire les personnes concernées dans leurs locaux !

Non, Mesdames et Messieurs: il faut s'en tenir au texte de l'article 11, tel qu'il est sorti de commission, et refuser tous les amendements !

M. Alberto Velasco (S). Je prends acte de la sagesse dont font preuve les libéraux. (Exclamations.) Oui, parce que vous montrez un côté républicain, contrairement à d'autres !

Par contre, je constate que le projet d'hier soir a commencé à produire ses effets, Mesdames et Messieurs les députés ! Je vous expliquais hier que, quand on se lance dans des lois comme celle que nous avons votée, les effets ne viennent guère d'un coup, mais pas à pas, progressivement... Eh bien, maintenant, nous avons le premier pas ! Et je ne peux que constater que les deux partis les plus à droite de ce parlement ont ce soir avec cette loi un orgasme total... (Rires.)

Mme Véronique Pürro. Eh bien !

M. Alberto Velasco. Ils ont un orgasme totalement jouissif, Mesdames et Messieurs ! (Rires.) Vous les voyez ?! Vous entendez comme ils parlent de sécurité ? Vous remarquez comme M. Catelain a tout de suite réagi en indiquant que cet alinéa n'était pas suffisant, qu'il fallait «mettre le paquet» ? (Rires.) Et voilà, l'article 22B ! Enfin, vous vous retrouvez dans votre élément... Parce que, bon Dieu, il y avait vraiment trop de libertés dans cette république ! La pièce de théâtre a maintenant commencé. Alors, je ne sais pas quand et où elle va s'arrêter, mais j'espère que des partis comme le parti radical, qui a une tradition démocratique, républicaine, et comme les libéraux, qui défendent les garanties des libertés individuelles, sauront un jour s'arrêter... Et vous laisser, disons... au bord de la route. Je l'espère, car ce que j'ai vu ce soir était tout à fait incroyable ! J'ai regardé les yeux de M. Stauffer: ils scintillaient ! Ils scintillaient littéralement, tellement il était heureux ! (Rires.) Et tout cela pour deux alinéas, qui - M. Moutinot l'a dit - n'étaient pas si évidents...

Mesdames et Messieurs les députés, et Monsieur Jornot, c'est vrai, les deux alinéas que vous nous proposez-là ne vont pas transformer la police municipale en une Gestapo municipale... (Protestations.) J'ai dit: «ne vont pas transformer» ! Mais, voyez-vous, certains collègues sont intervenus tout à l'heure pour expliquer qu'ils ne voulaient pas des mandats de conduite, parce qu'ils souhaitent que la police municipale reste une police de proximité. C'est ce que j'ai cru comprendre, et c'est ce qui m'a fait douter tout à l'heure... Or, avec ces instruments que vous leur mettez à disposition, Mesdames et Messieurs les députés, ce ne sera plus une police de proximité au sens où vous l'entendez. Et voilà le danger dont nous vous avons avertis hier en tirant la sonnette d'alarme: il commence à produire ses effets.

C'est la raison pour laquelle il me semble évident qu'il faut refuser votre amendement, Monsieur Catelain. Et je regrette vivement que le précédent amendement du groupe des Verts ait été refusé.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Je suis navré d'entendre un bon démocrate comme M. Velasco prononcer le terme de «Gestapo». C'est comme tout à l'heure, lorsque M. Stauffer a parlé de «justice vérolée»... Ces excès de langage ne sont pas acceptables !

La loi que nous avons votée hier soir, Mesdames et Messieurs les députés, est extrêmement claire, et M. Jornot a très exactement décrit les différents stades de ces mesures d'éloignement. Comme il l'a été relevé hier, le groupe démocrate-chrétien a voulu, dans le cadre de la protection des libertés des personnes, que les décisions écrites relèvent uniquement de l'officier de police. Alors il ne faut pas, en cascade, donner la totalité des compétences, Monsieur Catelain ! Car, si tel est le cas, plus personne n'aura le contrôle de la situation !

Ce que nous avons voulu, c'est qu'il y ait un contrôle strict tout au long du processus mis en place, en fonction des stades du prononcé de cette mesure d'éloignement. En l'occurrence, les agents municipaux doivent simplement, dans le cadre de leurs tâches - suite à des récriminations et des plaintes du voisinage - pouvoir dire à des personnes qui troublent l'ordre public depuis plusieurs soirs qu'elles doivent quitter l'endroit où elles dérangent. Il s'agit de cela, et rien d'autre !

Alors ne me parlez pas d'atteinte aux libertés individuelles, de loi liberticide, etc. ! Non ! C'est une mesure proportionnelle, qui sera appliquée dans la légalité, la proportionnalité et l'opportunité. Ainsi, l'intervention de la police - et j'aime cette phrase - ne doit pas constituer un trouble plus important que le trouble lui-même ! Cela fait partie de la proportionnalité.

Je vous invite donc à maintenir cette mesure d'éloignement telle qu'elle figure dans ce projet de loi.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. On se répète un peu, Mesdames et Messieurs les députés... Pour être clair, il fallait refuser le premier amendement que vous avez accepté. Il faut, avec la même détermination, refuser l'amendement proposé par M. Catelain, parce qu'il dénature ce projet; il sort les ASM de leurs missions usuelles et, en plus, c'est une véritable usine à gaz. Alors, refusez cet amendement !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'amendement de M. Catelain: «Art. 11, al. 4 (nouvelle teneur), «Ils peuvent prononcer une mesure d'éloignement au sens de l'article 22B, al. 1 et 2 de la loi sur la police, du 26 octobre 1957.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 7 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 11 est adopté par 38 oui contre 27 non et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 12 est adopté.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprendrons nos travaux à 20h30 avec l'article 13. Je vais clore la séance à ce stade.

Fin du débat: Session 05 (février 2009) - Séance 26 du 19.02.2009

La séance est levée à 19h.