République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1852
Proposition de motion de MM. Eric Stauffer, Roger Golay, Sébastien Brunny, Henry Rappaz, Olivier Sauty, Thierry Cerutti : Sauvons One FM, la radio des Genevois, contre l'arbitraire de la Berne fédérale, au nom de la Liberté de Genève

Débat

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui nous aurions pu... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...retirer cette motion. Nous ne l'avons pas fait pour la simple et bonne raison que les invites de ce texte sont beaucoup plus larges que le seul cadre de One FM.

Aujourd'hui, nous allons devoir prendre une décision. Allons-nous subir le diktat de la France à Genève ou allons-nous nous réveiller et donner le bon message à nos autorités fédérales ? Avez-vous déjà, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, passé la bande FM entre 87 et 108 Mhz pour relever les radios qui émettent ? Eh bien, laissez-moi vous les lister: 87.8 DSR1, Radio suisse alémanique; 88.4 WRS, radio allemande; 88.8 Radio 74, radio française, en anglais de surcroît; 89.2 RCF - je ne connais pas; 89.6 France Musique; 90.1 Virgin Radio, radio française; 90.5 France Culture; 90.8 Option Musique; 91.2 RSR La 1ère - enfin ! 91.8 Radio Lac, radio genevoise et lausannoise, régionale dirons-nous; 92.2 Radio Cité, 100% genevoise, c'est la première que l'on trouve sur la bande FM; 92.7 Radio Orient - ok ! 93.3 Radio Lac encore une fois, ils émettent sur deux fréquences; 93.5 France Inter; 93.8 Radio Zone, radio française; 94.4 France Inter; 94.9 RSR La 1ère, ils émettent aussi sur deux fréquences; 95.2 France Bleu Savoie - évidemment, on a France Inter, il faut que l'on ait France Bleu Savoie; 96.7 France Culture; 97.1 Radio Suisse Italienne; 97.6 Rouge FM, radio lausannoise; 98.4 Radio Perrine, radio française; 98.6 France Musique; 98.9 Radio Plus, radio française; 100.1 Espace 2, RSR; 100.5 France Bleu Savoie, encore une fois; 101.1 France Information, c'est normal ! 101.7 RSR Espace 2; 103.6 NRJ, radio française; 103.9 France Bleu Pays de Savoie; 104.2 Radio Monte-Carlo Info, super ! 104.4 RSR Couleur 3. Et je termine par les trois dernières: 105 Radio Nostalgie, radio française; 105.6 RSR Couleur 3; 106.1 France Bleu Savoie, encore une fois; et finalement, 107.0 One FM, puis le 107.7 pour les informations routières. Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés...

Le président. Il faudra terminer. Vous pourrez reprendre ensuite.

M. Eric Stauffer. ...cela fait 2 radios genevoises privées et 2 régionales sur 37 stations qui émettent sur Genève, dont 21 stations françaises et 10 étatiques suisses, voilà la réalité ! Les Genevois sont mieux informés sur le périphérique parisien que sur ce qui se passe aujourd'hui dans notre cité ! Cela n'est pas normal...

Le président. S'il vous plaît, il faut terminer !

M. Eric Stauffer. ...et c'est pour cette raison que je vous invite à soutenir la motion 1852, afin de donner le bon message à Berne et qu'il soit tenu compte des spécificités régionales de Genève, à savoir le canton de Genève et le canton de Vaud. Savoir ce qui se passe sur le périphérique à Lyon où à Paris, cela ne nous intéresse pas !

M. Pierre Losio (Ve). Nous les Verts sommes finalement assez heureux que cette motion ne soit pas retirée, pour une première raison évidente. C'est que, chronologiquement, nous avons déjà pris une décision, à l'unanimité et sans débat, pour soutenir la résolution de manifestation de soutien à One FM, qui avait été déposée par notre collègue, M. Slatkine.

La deuxième raison - mais je suis très heureux d'avoir l'opportunité d'en parler et je remercie le MCG de ne pas avoir retiré sa motion - c'est que, malheureusement, quelquefois, le diable se cache dans le détail.

En lisant attentivement les invites de cette motion, Monsieur le président, vous verrez qu'il y a une contradiction assez flagrante avec un texte fondamental pour notre Genève, qui est la constitution genevoise A 2 00. Le titre en est «Constitution de la République et canton de Genève». Tout cela semble très normal. Or, en examinant les invites de la motion du MCG, vous constatez qu'il s'agit de «concessions d'émissions de radio et de télévision locales dans la République de Genève»: le canton a disparu. Ensuite, vous lisez: «à affirmer auprès de la Berne fédérale la souveraineté de la République de Genève». Le mot «canton» a aussi disparu.

Je crois, Monsieur le président, que ce n'est pas innocent, quand on connaît la propension sécessionniste de l'idéologue du MCG. (Rire d'un député.) Je vois dans cette motion une inadmissible et sournoise tentative de remettre en cause le lien confédéral auquel nous, les Verts, sommes attachés. Nous vous invitons à refuser cette motion. (Applaudissements.)

M. Fabiano Forte (PDC). Le groupe démocrate-chrétien ne pourra pas accepter cette motion. Comme tant d'autres, elle vise à enfermer cette république, ce canton, dans une sorte d'étui hermétique. Mais nous ne pouvons pas. S'il y avait autant d'entreprises de radio qu'il y a de bandes FM disponibles, et que toutes ces radios soient genevoises, nous serions heureux - et heureuses, Mesdames ! - de pouvoir toutes les entendre. Il n'en reste pas moins que les bandes FM disponibles le sont pour les entreprises et les entrepreneurs prêts à investir dans ce genre d'aventures - parce que ce sont des aventures.

Vous avez lu tout à l'heure le courrier de l'Office fédéral de la communication qui a donné un certain nombre de raisons pour la non-concession à One FM, à qui, pour finir, la concession a été transmise par Buzz FM.

Cette motion vient donc un peu tardivement. Nous avons agi - je crois que nous avons été entendus au niveau de la Confédération - et nous, le groupe démocrate-chrétien, pensons que Radio One-FM a été sauvée par l'action concertée de ce parlement au-delà de tout populisme. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, l'un des nôtres a expliqué l'atteinte sournoise au lien confédéral. En outre, il y a une atteinte explicite à la liberté d'opinion. Par exemple, il est dit dans l'exposé des motifs de la proposition de motion déposée par le groupe MCG: «Moritz Leuenberger [...] voudra bien nous expliquer pourquoi les Genevois sont abreuvés de radios frontalières en lieu et place de radios locales qui génèrent des emplois à Genève.» Je crois que les motionnaires, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ne sont tout simplement pas au courant des accords internationaux qui président à la répartition des fréquences en matière de télévision et de radio, issus de négociations difficiles. D'ailleurs, si l'on considère l'importance de Genève par rapport au bassin du Genevois, le fastidieux énoncé des radios que l'on peut recevoir à Genève montre bien qu'il y a en réalité une très forte proportion de radios locales et nationales suisses par rapport à des radios soit régionales françaises, soit nationales françaises.

Au passage, je rappelle aussi que, dans notre pays, plusieurs chaînes nationales - et nous en sommes fiers, je crois, à juste titre - sont recevables ici et que les nouvelles technologies de l'information, notamment le mode DAB, vont permettre de recevoir davantage de chaînes suisses. Je pense en particulier aux chaînes en langue allemande et en langue italienne. Par conséquent, le renforcement du lien confédéral se mariera parfaitement avec un accroissement de la liberté d'expression de notre diversité confédérale.

De plus, je crois que nous avons particulièrement besoin de pouvoir aussi entendre cette voix, non pas du large, mais de notre arrière-pays culturel, qui n'est pas à sous-estimer, que constitue la France. De ce point de vue là, cette motion non seulement n'est techniquement pas au fait des évolutions, mais encore, du point de vue du rapport avec l'autre, montre combien ceux qui l'ont écrite ont une conception haineuse des voisins avec lesquels nous cherchons à avoir les meilleures relations du monde.

M. Gilbert Catelain (UDC). Oui, le MCG aurait pu retirer cette motion, et l'aurait dû, puisque cet objet n'a plus de raison d'être, il est clos.

Nous ne pouvons pas blâmer l'Office fédéral de la communication. En effet, tous ceux qui étaient proches de cette affaire pourront vous le confirmer: cet office délivre une concession sur la base d'un dossier. Nous sommes dans un état de droit, il y a des règles, et, malheureusement dans ce cas, la candidature de One FM était mal ficelée. C'est pour ces motifs que l'Office fédéral de la communication n'a pas voulu renouveler la concession de One FM.

Nous pouvons tous nous féliciter d'avoir soutenu notre radio locale, mais il est certain que, si One FM avait constitué correctement son dossier, ce parlement et le gouvernement n'auraient pas eu à intervenir et ce débat n'aurait pas eu lieu ce soir.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref, parce que l'essentiel a été dit. Je tiens simplement à rappeler que le Conseil d'Etat, dès le premier moment, a toujours dit très clairement qu'il considérait que One FM était une radio importante pour Genève, qu'elle faisait partie de notre paysage culturel, qu'elle devait être soutenue et devait obtenir une prolongation de sa concession d'émission. Et nous l'avons dit très clairement à l'autorité fédérale lorsque nous avons été consultés comme gouvernement cantonal, au moment où il s'est agi de procéder aux attributions des différentes longueurs d'ondes. Dans le même temps, nous avions dit qu'il nous paraissait également intéressant de soutenir une seconde radio, celle qui était en création: Buzz FM. Ce sont ces deux radios que nous avons recommandées, puisque Genève en avait droit à deux.

Dès l'instant où la décision fédérale est tombée et qu'il est apparu que nous n'avions pas été entendus, dès les premières heures le Conseil d'Etat, notamment par la présence de son président à une manifestation improvisée qui a eu lieu devant les locaux à One FM, a tenu à renouveler son attachement à cette station de radio. On sait ce qu'il en est advenu: finalement, certains arrangements ont été trouvés et la place importante de One FM à Genève a pu être sauvée. Nous nous en félicitons, cela a été le fait d'un grand concours de bonnes volontés: d'une part, il y a eu le Conseil d'Etat et, d'autre part, le Grand Conseil, qui s'est exprimé de façon unanime à ce sujet - on l'a rappelé à très juste titre. Cela a donc été une véritable mobilisation du monde politique. Et au-delà de cela, la population s'est véritablement mobilisée. Voilà qui répond aux deux premières invites de la motion, lesquelles sont aujourd'hui sans objet.

Quant aux trois autres invites, Mesdames et Messieurs les députés, si par impossible vous deviez voter cette motion - mais d'évidence vous ne le ferez pas - eh bien, je vous dis d'emblée que le Conseil d'Etat ne pourra pas les suivre ! Il y a trois revendications de nature autonomiste ou indépendantiste qui sont insupportables. En effet, nous avons prêté le serment d'être fidèles aux institutions, d'être notamment fidèles à la Confédération, nous ne pouvons donc pas souscrire à une invite qui nous demande de «défendre la Liberté menacée par la Berne fédérale.» Non seulement le propos est excessif, mais enfin... On ne peut raisonnablement pas demander à une autorité élue de faire des choses de ce genre ! Voilà peut-être une raison de plus pour que vous refusiez cette motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 1852 est rejetée par 51 non contre 7 oui.