République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 9 octobre 2008 à 17h
56e législature - 3e année - 12e session - 67e séance
PL 10091-A
Premier débat
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Le débat précédent a été assez instructif à deux points de vue. D'abord, j'aimerais dire que, en commission, les deux commissaires Verts se sont prononcés en faveur de l'aliénation et qu'ils ont clairement pris la parole pour défendre ce projet dans le cadre des débats; on peut donc être surpris de ce revirement complet.
Deuxièmement, suite à l'intervention du rapporteur de minorité, on constate que la principale raison de son opposition à ces aliénations est de nature dogmatique - il est en faveur d'une étatisation du sol - et que le bien-être des finances n'entre pas en ligne de compte, ce qui est pour le moins surprenant lorsqu'on considère les nombreuses dépenses supplémentaires que son groupe souhaite, notamment pour le budget 2009.
Pour en revenir à la parcelle en question, suite aux propos de Mme Künzler selon lesquels elle comporte une magnifique villa, j'aimerais vous renvoyer au plan figurant dans le rapport; vous y verrez que cette dernière se trouve entourée de tous les côtés par des routes à très grand trafic et que la parcelle est minuscule. Du reste, la commune de Vernier n'en a pas voulu. Quant au loyer, il est bien plus élevé que ce qu'a indiqué Mme Künzler, puisqu'il se monte à 19 200 F par année, ce qui fait un peu plus de 800 F par mois, si je sais encore calculer ! La commune de Vernier, comme dans le cas précédent, n'a pas voulu de ce terrain, qui est extrêmement mal situé; M. le rapporteur de minorité peut s'en étonner, mais la réponse a été tout à fait claire.
Enfin, pour ce projet également, la majorité en faveur de l'aliénation a été écrasante. A l'époque, elle comprenait les Verts; à présent, ils n'en font plus partie, mais libre à eux évidemment !
En conclusion, je vous invite vivement à voter cette aliénation.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Je remercie M. le rapporteur de majorité, parce qu'il me tend une perche. J'ai omis de donner cet argument tout à l'heure ! Je suis étonné aussi que ces projets d'aliénation ne soient renvoyés qu'aux finances parce que, comme on a pu le constater avec le groupe des Verts, cela pose un problème. En effet, vous voyez uniquement l'optique financière, alors que nous, avec les Verts - ou du moins une partie - nous avons une optique davantage centrée sur l'aménagement du territoire en général, et on n'a effectivement pas les mêmes arguments selon que l'on prend en compte l'aspect financier ou celui de l'aménagement.
Pour en revenir à notre projet de loi, il s'agit ici d'une parcelle qui, à première vue, selon ce que M. Cuendet nous dit, est minuscule. Mais c'est son point de vue, parce qu'elle mesure quand même pratiquement 2000 mètres carrés ! Pour moi, ce n'est donc pas un terrain minuscule. D'autant moins que, si l'on regarde la surface située juste en face - en même zone, sur le même chemin - on voit qu'il y a un CASS construit à peu près sur la même surface. Par conséquent, Monsieur Cuendet, on peut réaliser des objets d'intérêt public et général très poussés sur une surface minuscule !
En outre, il nous semble aberrant que, dans ce quartier en particulier, on arrive à vendre une surface qui, comme vous le dites, est si mal située et qu'on se fasse encore de l'argent sur le dos des gens qui vont acheter cette propriété.
Comme le disait Mme Künzler - il vous faut aller voir sur place, Monsieur Cuendet, vous pourrez le constater par vous-même ! - c'est une très belle maison, même s'il y a certainement des rénovations à faire, car elle est ancienne; c'est d'ailleurs sûrement pour cela qu'elle est très belle. L'Etat aurait intérêt à réfléchir avant de vendre cet objet, pour les raisons déjà invoquées tout à l'heure et relatives à la politique générale de son patrimoine. En outre, il s'agit d'un endroit à très forte urbanisation, où il y a une circulation très importante, et l'Etat aura peut-être besoin un jour ou l'autre d'avoir une réserve de terrains dans cette région.
Par conséquent, nous vous encourageons à refuser également cette vente. Et pour ce qui est de la doctrine, Monsieur Cuendet, je crois que la vôtre est faite: dans ce domaine, vous acceptez d'office l'aliénation, sans regarder où se trouve l'objet, et en traitant des surfaces de 2000 mètres carrés de minuscules; votre doctrine à vous est donc aussi bien faite !
M. Antoine Bertschy (UDC). Je n'aurai à nouveau qu'un mot à dire: aliénons cette parcelle ! Comme l'a indiqué le rapporteur de minorité, c'est un endroit de Genève qui connaît une très forte urbanisation, mais je suis surpris qu'il nous dise qu'on peut y construire des bâtiments d'utilité publique. En effet, cet endroit est cerné par des routes à fort trafic, et le gros problème de ces routes est que les habitations sont situées de l'autre côté, ce qui provoque des difficultés !
Pour le quartier de Châtelaine, il faudrait aussi mener une réflexion plus globale quant à son aménagement; nous pourrons y revenir lorsque nous traiterons le point 42 de notre ordre du jour, bien que je ne pense pas que cela se fera ce soir, ni même lors de cette session, voire de cette année... Peut-être l'an prochain ! Je crois sincèrement que les habitants de Châtelaine méritent qu'on se penche sur leur quartier, car l'urbanisation de ce dernier est un peu sauvage, mais ce n'est pas en empêchant cette aliénation que nous rendrons les choses plus civilisées.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Au nom du pragmatisme que le parti démocrate-chrétien défend ce soir, je me permets de dire qu'il n'y a pas que des arguments financiers, mais je ne vois pas comment l'on peut revendiquer un intérêt public pour un objet incrusté dans un noeud routier.
Quant au respect de l'autonomie communale, on peut penser que si la commune n'a pas fait usage de son droit de préemption, c'est que, vraiment, cet objet n'a pas l'intérêt que le rapporteur de minorité veut bien lui prêter. C'est donc pour cette raison que, à nouveau, au nom du pragmatisme, le parti démocrate-chrétien vous recommande d'accepter ce projet de loi.
M. Alberto Velasco (S). J'aimerais dire à notre collègue UDC que même si, aujourd'hui, on n'en voit peut-être pas l'utilité, avoir la maîtrise du foncier, ne serait-ce que de petites parcelles, permettra sans doute à l'Etat - mais je ne sais pas, je ne serai plus là, ni vous non plus ! - d'avoir une politique d'échange avec d'autres collectivités, d'autres projets, peut-être avec des entités privées... On n'en sait rien, Monsieur !
Ce que l'on sait, c'est que l'on fait aliéner à l'Etat des avoirs. Mais pourquoi nous propose-t-on ces projets de lois aujourd'hui ? Ce que j'ai compris en commission, c'est que cela permettait à l'Etat d'encaisser des recettes, parce que prétendument ce dernier a besoin de recettes, dans la situation actuelle, vu le montant de ses dettes. Mais qui accepte cela ? Parce que je pourrais me poser la question de savoir si l'on ne vend pas ces terrains pour financer des baisses d'impôts ! Je pourrais me le demander puisque, à chaque fois qu'il y a une baisse des recettes, cela met en difficulté l'Etat et, ensuite, on nous dit effectivement que, puisque l'Etat est en difficulté, il faut vendre ses avoirs. Et c'est vous, vous avez voté ces baisses, n'est-ce pas ? Je veux dire par là que, si nous n'étions pas en difficulté financière - parce que c'est l'argument qu'on nous a donné - est-ce que l'on vendrait ces parcelles et ces avoirs ? J'en doute. Par conséquent, ce n'est pas une question de pragmatisme, Madame von Arx. Je sais que, du côté des libéraux, il ne s'agit pas de cela, c'est une doctrine fondamentalement idéologique, qui consiste à dire qu'il faut déposséder l'Etat de cette maîtrise du sol et financer par ces recettes au moins une partie de ce que l'on va redistribuer ensuite à travers les baisses d'impôts. C'est pour cette raison que nous nous opposons à ces aliénations.
Je suis d'accord avec vous que c'est une analyse qui se fait projet par projet, et l'on peut arriver à la conclusion que c'est une parcelle qui ne mérite pas qu'on y attache beaucoup d'importance mais, pour nous, c'est une question fondamentale, une question de fond, et c'est la raison pour laquelle nous sommes opposés à ces ventes.
Par ailleurs, il y a aussi la question des droits de préemption que l'Etat peut exercer dans le cas où les parcelles alentour devaient être mises en vente... Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous recommandons de refuser cette aliénation.
M. Christian Bavarel (Ve). Je vais un peu clarifier les choses, afin que vous compreniez bien la position des Verts.
Nous ne pensons pas que l'Etat ait vocation de posséder plein de petites parcelles. Ce que nous avons toujours dit, lorsque nous examinons ces projets en commission, c'est que nous demandons au département d'étudier le tout du mieux possible et de regarder s'il n'y a pas de possibilité d'échange avec des parcelles de ce type-là.
L'objet qui nous occupe actuellement est effectivement un bel objet; je veux bien que la vue ne soit pas tout à fait la même que depuis Cologny mais, si l'on me le proposait, surtout au prix où il est vendu là, ou avec ce type de loyer, je l'habiterais très volontiers ! C'était un premier point.
Deuxièmement, j'aimerais dire que, lors du traitement de ces objets, nous souhaiterions qu'il y ait une meilleure préparation de la part du département - d'autant plus qu'ils sont traités très rapidement en commission des finances - et, surtout, un bilan. En effet, aujourd'hui, nous ne disposons pas encore de bilan de l'ensemble de ces ventes; nous ignorons ce que cela a rapporté, à quel prix les objets ont été vendus. Or nous aimerions pouvoir savoir à quel prix l'Etat vend dans ces régions et à quel prix il rachète. Pour cet objet, je vois que les prix se situent autour de 300-400 F le mètre carré, mais lorsque l'Etat rachète, il le fait à des prix tournant plutôt autour de 1000 F, ce qui est un peu curieux !
Concernant cet objet, nous pensons qu'il faut en faire quelque chose d'intelligent. Personnellement, je n'ai pas de problème à accepter l'aliénation, je ne change donc pas de position par rapport à cela et continue à penser que nous pouvons vendre cet objet, mais ce que nous aimerions et que nous demandons au département, c'est qu'il fasse le travail le plus à fond possible sur ce type d'objet. C'est surtout là que se situe notre demande ! Lorsque l'on connaît un peu mieux les objets, des avis divergents peuvent apparaître à l'intérieur du groupe, c'est ce que vous avez entendu précédemment, et l'on se demande si ce travail a été fait jusqu'au bout.
Maintenant, nous avons une position de principe sur la majorité de ces objets, qui consiste à dire que ceux qui ne servent pas directement à l'Etat, nous pouvons les vendre.
M. Eric Stauffer (MCG). J'allais dire que j'avais noté que les socialistes et les Verts s'étaient réconciliés à Vernier mais, suite à la dernière intervention de mon collègue Bavarel, je constate que ce n'est pas le cas !
Je vous rappelle que la commune de Vernier aurait pu utiliser son droit de préemption, mais qu'elle ne l'a pas fait. En outre, Monsieur Charbonnier, le Conseil administratif de la commune de Vernier est composé notamment d'un Vert et d'un socialiste, donc les propos que vous venez de tenir apparaissent comme complètement déplacés, puisque même les membres de votre propre parti ne vous ont pas suivi, et vous essayez de faire du forcing en plénière.
Maintenant, c'est vrai que, depuis une semaine et demie, la situation a légèrement changé à Vernier puisque, comme vous le savez, je pense - à moins que vous étiez ce jour-là en Espagne, pour la course d'école du Grand Conseil - il y a désormais un élu MCG, et je pense que les affaires de Vernier se passeront bien.
Pour conclure, je dirai simplement que nous soutiendrons l'Entente sur ce projet d'aliénation.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Sans répéter ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet de la première vente, j'aimerais apporter deux éléments. Premièrement, que M. Charbonnier se rassure: s'il est vrai que c'est la commission des finances qui examine ces projets de lois, j'aimerais vous indiquer qu'au sein de l'administration, lorsqu'on étudie l'opportunité de vendre un bien immobilier, on analyse tous les aspects de l'affaire - fonciers, environnementaux, financiers ou de l'aménagement du territoire; c'est donc sur la base d'une vision globale de l'opération que le projet de loi est préparé.
Deuxièmement, concernant le prix de vente, le montant indiqué dans le projet de loi peut certes paraître bas, mais c'est un prix indicatif, car je vous rappelle que ces parcelles vont faire l'objet d'une vente aux enchères. Du reste, j'invite les quelques députés qui ont manifesté leur intérêt pour cette villa à se rendre à cette vente aux enchères et à miser; avec un peu de chance, ils pourront déménager à Vernier !
Mis aux voix, le projet de loi 10091 est adopté en premier débat par 37 oui contre 20 non et 4 abstentions.
Le titre, le préambule et l'article unique de la loi 10091 sont adoptés en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10091 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 37 oui contre 20 non et 3 abstentions.