République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 9 octobre 2008 à 17h
56e législature - 3e année - 12e session - 67e séance
PL 10090-A
Premier débat
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Nous sommes en présence d'une parcelle de petite taille - 1471 mètres carrés - qui est actuellement louée pour un montant dérisoire de 10 000 F par année. Il est donc évident que, pour l'Etat, ce n'est pas une source de revenus intéressante. En outre, il n'y a pas de possibilité de valoriser cette parcelle en y construisant des logements de surface importante. A cela s'ajoute que la majorité écrasante de la commission des finances a jugé que cette aliénation se justifiait pleinement et n'a pas du tout retenu les arguments avancés par les trois socialistes qui se sont opposés à cette vente, selon lesquels il faudrait garder ce terrain comme monnaie d'échange. En effet, vu la situation et la taille très réduite de la parcelle, cet argument ne pouvait pas, en toute bonne logique, être retenu.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite à suivre les conclusions de la majorité écrasante de la commission des finances et à voter l'aliénation de ce bien.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Effectivement, mes collègues socialistes et moi-même nous sommes opposés lors des travaux de la commission des finances à ce projet de loi d'aliénation d'une parcelle sise sur la commune de Vernier - plus précisément à Aïre - comme d'ailleurs à d'autres projets d'aliénation; en général, notre groupe est contre cette politique instaurée maintenant qui consiste à démanteler le patrimoine de l'Etat en le vendant. Je précise qu'il s'agit de vente, parce que, s'il y avait des droits de superficie, on pourrait encore se poser la question au sein du parti socialiste, mais, du moment qu'il est question d'une vente de terrains, nous nous opposons en général à ces projets de lois.
Qu'en est-il de celui-ci ? Car il existe en outre souvent plusieurs raisons qui justifient notre choix, d'abord politique, de nous opposer à cet appauvrissement du patrimoine de l'Etat, qui n'est pas gigantesque en termes de terrains, il faut le dire. Concernant le projet qui nous intéresse, on ne peut malheureusement pas afficher de plans dans cette salle d'assemblée plénière, mais il faut voir que, de l'autre côté du chemin qui longe cette relativement petite parcelle, se trouve une immense surface de plus de 40 000 mètres carrés, sur laquelle l'Etat - qui en est propriétaire - projette de construire un EMS. Il faut aussi savoir que tous les propriétaires qui entourent cette grande surface s'opposent à la construction de ce futur établissement. Notre question est donc la suivante: pourquoi doit-on vendre aujourd'hui, alors que le projet d'EMS n'a pas encore abouti, et risquer que le nouveau propriétaire fasse éventuellement recours contre la construction de cet EMS ?
En outre, sur cette petite parcelle dont le loyer est dérisoire est sise une maison dans laquelle habite actuellement un couple de personnes très âgées, qui y vivent depuis environ quarante ans. Et on vient maintenant leur dire qu'un nouveau propriétaire va racheter cette maison ! Ils sont très inquiets quant à leur avenir, et c'est un argument de plus qui nous pousse à nous demander pourquoi vendre maintenant. On peut attendre quelques années, il n'y a aucune urgence, sauf à faire des opérations foncières de façon que les caisses de l'Etat se remplissent et que les conseillers d'Etat puissent s'en enorgueillir. Mais, vous l'avez dit, cette surface n'est pas immense, le prix de vente ne sera donc lui aussi pas énorme, bien qu'on soit dans une zone villas, dans la région d'Aïre où le prix du terrain a fortement augmenté ces dernières années.
Laissons donc ces personnes âgées, locataires de l'Etat, le temps qu'elles finissent leurs beaux jours dans cette presqu'île d'Aïre, ne tendons pas la perche à une opposition supplémentaire au projet d'EMS et, enfin, arrêtons de brader le patrimoine de l'Etat et gardons des terrains en réserve pour des échanges. En effet, même des petites surfaces peuvent servir à faire des échanges dans le but de construire des logements ou des bâtiments d'utilité publique.
J'aimerais maintenant revenir sur l'accord qui a été trouvé par une majorité du Grand Conseil sur la politique de valorisation et d'amélioration qualitative du patrimoine foncier du canton, accord qui précise bien que la composition de ce dernier doit répondre aux besoins d'intérêt général ou d'intérêt public de la collectivité genevoise en matière d'aménagement, d'équipement et de logement. Or je pense que, dans ce cas-là, à savoir la construction d'un EMS, il est important de ne pas risquer une opposition supplémentaire. Rejetez donc ce projet de loi d'aliénation, quitte à revenir plus tard, une fois que l'EMS sera construit et que les personnes âgées qui vivent actuellement à cet endroit ne seront plus présentes.
Mme Michèle Künzler (Ve). J'interviendrai de manière assez générale sur ce projet de loi et le suivant, puisque les deux parcelles en question se situent à Vernier et sont concernées par la même problématique.
J'aimerais revenir sur la gestion relativement floue des propriétés de l'Etat. Dans le projet de loi 10090, il est question d'une villa louée au prix de 800 F par mois; certes, ce sont des personnes âgées qui l'occupent mais, pour une villa, c'est nettement insuffisant !
Dans le projet de loi suivant - le PL 10091 - on nous dit qu'on pourra vendre une magnifique villa de style 1900 contenant douze pièces - mais qui est, c'est vrai, extrêmement mal située - à un prix au mètre carré compris entre 300 et 400 F. Alors excusez-moi, mais, lorsque l'Etat rachète à 1000 F le mètre carré dans un certain périmètre et que, dans le même secteur, il vend à 300 F, c'est juste de la mauvaise gestion !
De plus, dans le périmètre de Vernier, il y a de nombreux échanges potentiels à faire. Actuellement, il existe un plan localisé de quartier au chemin du Croissant, dans lequel deux villas restent aux mains de propriétaires privés qui pourraient tout à fait être intéressés par une villa dans la même commune, dans un lieu beaucoup plus tranquille. Il y a donc le plan localisé de quartier du Croissant, mais aussi la route de Vernier: on trouve partout des projets où de petits propriétaires de villas pourraient être intéressés par l'une de ces parcelles. Il est donc vraiment absurde de vendre, et je trouve dommage que l'on ait une gestion aussi mauvaise des biens de l'Etat. Lorsqu'on voit que la villa concernée par le prochain projet de loi est louée 850 F par mois - et c'est une magnifique villa de douze pièces, de style 1900 - et qu'on veut la vendre 300 F le mètre carré, c'est juste ridicule ! Je vous engage donc, si vous acceptez, à inviter la commune de Vernier à faire usage de son droit de préemption, surtout à ce prix-là.
M. Antoine Bertschy (UDC). Le groupe UDC n'a qu'un mot à dire: aliénons cette parcelle ! Néanmoins, j'aimerais faire deux remarques. La première concerne des propos contenus dans le rapport de majorité, selon lesquels «[...] il est possible de conditionner la vente au fait que l'acquéreur renonce à faire opposition au projet portant sur la parcelle située à côté». Je trouve quand même un peu surprenant qu'on empêche l'acquéreur d'un bien d'user d'un droit qui est le sien et qui appartient à tous !
Le deuxième élément que j'aimerais évoquer, plus général par rapport à ce secteur, c'est la construction de l'EMS, qui soulève - je crois qu'on peut appeler cela ainsi - un tollé dans le coin. Je pense qu'un important devoir d'information devra être fait de la part du département, du Conseil d'Etat; le Conseil administratif de Vernier a bien essayé d'informer quelque peu les citoyens de ce qu'allait être cet EMS mais, visiblement, la communication passe mal ! Les gens n'ont pas compris, ils croient qu'ils vont avoir affaire à une barre d'immeubles comme on en trouve au Lignon. Mais cela ne m'étonne pas que la communication ne soit pas terrible de la part des magistrats de Vernier, on y est habitué ! Néanmoins, le groupe UDC vous propose de suivre les conclusions du rapport de majorité.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). On dirait que c'est une honte de vendre une parcelle ! On dirait que l'on brade les bijoux de la couronne ! Que l'on brade le patrimoine ! Mais, enfin, je crois que des études suffisamment sérieuses ont été menées pour que l'on puisse dire que ce bien ne présente pas un intérêt tel qu'il mérite d'être conservé par l'Etat. C'est donc avec le plus grand pragmatisme que le parti démocrate-chrétien vous invite à accepter ce projet de loi.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Très brièvement, j'aimerais confirmer que l'Etat n'a pas d'intérêt à conserver cette parcelle sise en zone villas, dans un périmètre qui n'est pas destiné à être densifié. Elle est certes proche d'une surface sur laquelle un projet d'EMS est en cours mais, là où se trouve la villa, il n'y a pas de développement prévu.
Puisqu'il a été suggéré d'inviter la commune de Vernier à exercer son droit de préemption, je tiens simplement à vous informer que cette dernière a déjà été sollicitée - comme nous le faisons toujours, d'ailleurs - pour acquérir cette parcelle, mais qu'elle n'a pas manifesté d'intérêt. Au contraire, la commune ne souhaite pas densifier ce périmètre, pas plus que l'Association du Coin de Terre, sise elle aussi à Vernier. Toutes les conditions sont donc réunies pour que cette parcelle soit mise en vente.
Mis aux voix, le projet de loi 10090 est adopté en premier débat par 37 oui contre 25 non et 1 abstention.
Le titre, le préambule et l'article unique de la loi 10090 sont adoptés en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10090 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 39 oui contre 25 non et 1 abstention.