République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 9 octobre 2008 à 17h
56e législature - 3e année - 12e session - 67e séance
PL 9841-A
Premier débat
La présidente. Nous sommes au point 14 de notre ordre du jour. Monsieur Weiss, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?
M. Pierre Weiss. Non, celui-ci me semble excellent, Madame la présidente !
La présidente. Je suis de votre avis ! La parole n'étant pas demandée par le rapporteur, je passe le micro à M. Roger Golay.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi 9841 modifiant la constitution de la République et canton de Genève et relatif aux aliénations d'immeubles détenus par des institutions de prévoyance de droit public s'inscrit dans l'optique d'une meilleure gestion de la fortune, notamment du parc immobilier des caisses de retraite de la fonction publique. Pour mieux comprendre les raisons qui poussent à vouloir modifier la loi, il est nécessaire d'effectuer un petit retour dans le passé.
L'article 80A de la constitution cantonale a été promulgué le 28 mars 1985. A cette date, Genève subissait une spéculation immobilière effrénée. Certains immeubles étaient revendus une multitude de fois par année, rapportant à chaque vente des millions de francs de bénéfice. Cette spéculation a induit des effets considérables sur les loyers et la construction. Tout cela a également contribué à la crise du logement des années 1980 et, finalement, à la chute de l'immobilier dans les années 1990, avec les conséquences déplorables que l'on connaît et subit encore.
Pour éviter que les biens immobiliers propriété ou sous contrôle de l'Etat puissent faire l'objet de ventes spéculatives, le Grand Conseil, sur les recommandations de MM. Moutinot et Grobet, avait adopté la présente loi sur l'aliénation d'immeubles. (Brouhaha.) Depuis lors, les institutions de prévoyance de droit public de l'Etat, propriétaires importants du parc immobilier du canton, ne peuvent plus vendre un immeuble sans devoir passer au préalable devant le Grand Conseil. Cette mesure, efficace et honorable jadis, n'a plus de sens aujourd'hui, raison pour laquelle cette demande de modification de loi constitutionnelle a été déposée par le MCG.
En effet, actuellement, cette loi produit des désavantages substantiels pour les caisses de prévoyance de droit public, à savoir des procédures de vente beaucoup trop longues; des formalités trop contraignantes pour les acheteurs potentiels; une perte de toute confidentialité sur l'état du bien ou sur les autres raisons de la vente; un frein lors de l'acquisition et de la construction de nouveaux immeubles; un vieillissement du parc immobilier; un placement de fonds importants sur les marchés boursiers et obligataires; des liquidités trop élevées dans les actifs; une concurrence inégale entre les caisses publiques et privées et, enfin, une contradiction notoire avec la LPP, qui stipule que les caisses doivent pouvoir réaliser elles-mêmes leurs actifs.
Comme vous pouvez le remarquer suite à ce constat alarmant, les conseils d'administration des caisses de retraite de l'Etat sont paralysés et hésitent à investir sur le marché immobilier genevois. A notre connaissance, nous sommes encore le seul canton à disposer d'une loi aussi contraignante et obsolète, d'autant plus que la garantie de l'Etat sur le rendement des caisses a été supprimée au début des années 2000. (Brouhaha.)
La présidente. Excusez-moi, Monsieur le député, je vous interromps quelques secondes. Mesdames et Messieurs les députés, on ne s'entend plus ici ! L'un de vos collègues est en train de s'exprimer, alors je vous remercie de tenir vos conversations ailleurs que dans cette salle ou, sinon, de parler très doucement.
M. Roger Golay. Merci, Madame la présidente ! Cette suppression de garantie aurait dû permettre aux conseils d'administration de ces caisses de mener leur politique d'acquisition avec plus de liberté. De plus, cette loi actuelle, qui a pour objectif d'empêcher toute vente spéculative, hasardeuse ou contraire à la moralité citoyenne, ne prévient en aucun cas l'achat d'immeubles surévalués, pouvant faire perdre des sommes considérables à une caisse de retraite de la fonction publique. Là, le Grand Conseil ne fait pas office d'organe de contrôle. N'est-ce pas un non-sens ?
Il serait donc judicieux d'adapter l'article 80A à la conjoncture actuelle et de modifier dans ce sens les alinéas 1 et 2, afin de donner au Conseil d'Etat la possibilité de préaviser l'aliénation des immeubles des caisses publiques de l'Etat. Cette loi pourrait être simplement accompagnée d'un règlement d'application, qui stipulerait que la vente libre d'immeubles propriétés des institutions de prévoyance de droit public, ne peut pas, par exemple, se réaliser avant trois ans après leur acquisition. Cette formule aurait pour avantage d'éviter toute spéculation inconsidérée. L'acceptation de ce projet de loi encouragerait les institutions publiques à réinvestir sur le marché immobilier par la création de nouveaux logements, et ce dans l'intérêt général. (Brouhaha.)
Malheureusement, j'ai pris connaissance que la majorité des députés membres de la commission des finances n'étaient pas entrés en matière sur ce projet de loi, sans même entendre l'auteur de ce texte parlementaire ou les administrateurs des caisses de retraite publiques. Suite à cette décision, j'ai tenté de faire appel au bon sens de certains députés influents de la droite, afin que leur groupe revienne sur leur décision en séance plénière, mais en vain. Dès lors, une fois de plus, je constate que les clivages politiques gauche/droite sclérosent ce parlement, au détriment de l'intérêt général du citoyen. En somme, pour certains députés, le débat sur la crise du logement n'avait de sens que pour leur élection. Je regrette également l'état d'esprit d'autres parlementaires, qui veulent que tout ce qui émane du MCG soit refusé, afin de lui laisser un maigre bilan pour 2009, ce qui montre qu'ils confondent la forme et le fond. Toutefois, ayant confiance dans la nouvelle Assemblée constituante, qui aura pour rôle d'exercer intelligemment et au-dessus des clivages politiques, je souhaite que celle-ci reprenne cette modification de loi constitutionnelle, dans l'intérêt de nos concitoyens et des caisses de retraite publiques. Dès lors, ne voulant pas perdre plus de temps sur cette question ici, je vous prie de bien vouloir prendre note, Madame la présidente, de mon retrait du projet de loi 9841, pour que celui-ci puisse être transmis à nos futurs élus MCG à la Constituante et qu'ils en fassent un meilleur usage.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Il est pris acte de ce retrait.
Le projet de loi 9841 est retiré par ses auteurs.